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Stefan Delaet CEO KBC Autolease
from FLEET 132 FR
« Régler les voiles en permanence et prendre de la vitesse »
Stefan Delaet, CEO KBC Autolease
Il est CEO de KBC Autolease depuis juin 2019. Un an plus tard, il est déjà élu président de Renta. C’est ce qu’on appelle ‘ne pas perdre de temps’ dans le chef de Stefan Delaet. Dire qu’il endosse cette présidence en période de turbulences, c’est un euphémisme. Mais comme vous le découvrirez au cours de cette interview, son expérience de la navigation peut aussi être utile pour guider son navire et les flottes dans la tempête. Philip De Paepe – philip.depaepe@effectivemedia.be
Si l’économie se contracte de 10% sur une base annuelle, des secteurs facilitateurs tels que la location et le leasing de véhicules sera impacté. C’est inévitable.
Avez-vous été surpris d'être élu président de Renta ?
KBC Autolease a toujours été un acteur actif ce qui nous plaçait peut-être en pole position. Ceci dit, j'ai quand même été surpris. Avec les changements dans les entreprises, c'est arrivé plus tôt que je ne l'aurais espéré. Mais j'en suis heureux. Je vais pouvoir aider à déterminer la gestion, avec ma vision KBC, et c'est une bonne chose.
Nous ne pouvons pas nous empêcher de poser la question évidente : quel a été l’impact du corona sur le secteur jusqu’à présent ?
Si l’économie se contracte de 10% sur une base annuelle, des secteurs facilitateurs tels que la location et le leasing de véhicules sera impacté. C’est inévitable.
Les sociétés de location à court terme ont été particulièrement touchées ces derniers mois. Bien qu’avec Renta, nous ayons réussi à faire reconnaître cette activité comme un service essentiel pendant le confinement, l’activité de location dans les aéroports s’est pratiquement arrêtée. Aujourd’hui encore, les loueurs ne réalisent qu’une fraction du chiffre d’affaires dans les aéroports. Les secteurs de l’événementiel et de la restauration, friands de la location de camionnettes et de camions, sont quasiment à l’arrêt aussi. Heureusement, la croissance explosive des activités de livraisons express a entraîné un besoin de fourgons supplémentaires. Une petite compensation…
Et où en est la location longue durée ?
Les chiffres de Febiac montrent que le nombre total de voitures de société a diminué d’environ 0,3 % entre janvier et juin de cette année. C’est minime, mais symbolique après une période de croissance constante depuis 2015. Les entreprises ne se débarrassent donc pas en masse de leurs voitures. Notre gouvernement a apporté un soutien important aux entreprises, notamment par le biais du chômage temporaire. L’emploi est donc resté assez stable jusqu’à présent. Et donc le marché des voitures de société aussi.
Nous devons nous attendre à des effets à moyen terme. Les faillites ne sont pas exclues, mais avec les voitures en guise de garantie et un marché de l’occasion qui résiste assez bien jusqu’à présent, nous espérons que notre secteur disposera d’assez de capital pour s’en sortir.
Et qu'en est-il des renouvellements de contrats, premier réflexe des flottes pendant le confinement ?
Nous sommes allés au coeur du marché pour écouter les clients. Contrairement à ce que nous avons vu lors de crises précédentes, il n'y a pas eu une demande massive de renouvellement de contrats pendant cette période. On constate que chacun opère des adaptations ici et là. Par exemple, on fixe moins de dates de fin de contrats. Ceux-ci sont plus ouverts. Nous devons également tenir compte des délais de livraison incertains et plus longs pour les voitures commandées.
Dans une économie incertaine, les clients demandent-ils davantage de flexibilité ?
Le marché fonctionne de plus en plus avec des structures temporaires et par projet. Ce qui demande davantage de flexibilité. Aujourd’hui, nous constatons un effet ‘harmonica’. Les gestionnaires travaillent avec une sécurité. Par exemple, la voiture d’un travailleur ayant quitté l’entreprise est transmise à un autre collaborateur. Bien sûr, ça ne peut pas perdurer.
Je pense que d’ici trois ou quatre ans, de nombreux clients vont vouloir appuyer sur le bouton ‘reset’ et passer à des formules plus souples qui, par exemple, autorisent une utilisation au kilomètre. On constate déjà cette tendance chez la jeune garde. Ils font passer la facilité d’utilisation et les déplacements avant la possession, posant ainsi les jalons de la mobilité partagée. Cette évolution peut aller beaucoup plus loin que ce que nous l’imaginons aujourd’hui. Le concept de bring your own device, par exemple. L’employé va au travail avec sa propre voiture et l’employeur lui verse une indemnité. Quand il y a beaucoup d’incertitude, les gens préfèrent payer pour l’usage des choses. Nous voyons d’ailleurs des possibilités de private lease. Une solution ‘sans souci’ pour laquelle l’employeur paie une contribution.
Et comment réagissez-vous à cette tendance ?
Chez KBC Autolease, nous avons un produit clé sur porte pour soutenir nos clients dans leurs besoins évolutifs. L’un de ces outils, c’est ce que nous appelons la matrice : le client peut prolonger luimême en fonction de ses besoins. Et il sait aussi à l’avance ce que ça lui coûtera. Jusqu’à présent, nous avons toutefois constaté que les clients y ont recours plus occasionnellement et que ce sont principalement les circonstances qui déterminent les besoins. Cela pourrait donc changer suite au Covid.
Chez KBC Autolease, nous réfléchissons déjà à de nouvelles plateformes numériques pour un confort optimal des utilisateurs, mais aussi à des partenariats (en termes de véhicules électriques) pour assurer un flux logistique optimal lorsqu’il s’agit de volumes vraiment importants.
Le leasing de voitures d'occasion est considéré par de plus en plus d'entreprises comme une option réaliste en raison des économies qu'il permet de réaliser. Est-ce également le cas de KBC Autolease ?
C'est vrai. Les particuliers peuvent d'ores et déjà commander ce produit via leur téléphone portable. Pour les indépendants, nous menons une expérience avec LIZY. Cela semble bien fonctionner. En septembre, nous lançons notre studio photo 360°, qui donnera au client une idée encore plus précise de ce que notre offre implique. Cette expérience photographique améliorée soutiendra à la fois notre nouvel e-shop pour les particuliers et nos autres initiatives possibles - release privé ou B2B.
Et quid du private lease ?
Compte tenu du fait que la taxation des voitures changera tôt ou tard et de l'évolution des besoins des utilisateurs décrite précédemment (conduite sans souci), je suis convaincu que ce n'est qu'une question de temps avant que le produit - actuellement 12.000 véhicules - ne perce également en Belgique. Chez KBC, nous allons mettre à nouveau le leasing privé sous les projecteurs à l'occasion du prochain salon de l'auto. Selon les experts, le processus numérique que nous avons mis en place via KBC Mobile est probablement l'un des meilleurs sur le marché. Je serais très satisfait de pouvoir ajouter désormais une teinte verte à notre offre.
Quel pourrait être l'impact du télétravail intensifié sur les flottes ?
Le nombre de kilomètres diminue avec l'augmentation du travail à domicile. Il reste à voir si cela permettra réellement de réduire le nombre de voitures. Certains prédisent un passage de deux voitures par foyer à une seule, mais premium. Eventuellement en combinaison avec un vélo. D'autres estiment que ce nombre restera stable, mais que les voitures seront plus petites et plus vertes. En cette période de Covid, nous constatons que beaucoup de gens privilégient la voiture au détriment des transports publics. Je suis moi-même convaincu que la voiture restera importante pour la grande majorité des familles. Vous ne travaillez pas toujours à la maison et seulement à la maison. De plus, la voiture n'est pas seulement utilisée pour les déplacements domicile-travail et beaucoup de gens ne veulent/peuvent pas trouver d'alternatives à cette liberté.
Les sociétés de leasing deviennent de plus en plus des fournisseurs de mobilité. Comment remplit-on cette appellation chez KBC Autolease ?
Le shift de mobilité est en cours, mais ne suit pas toujours les balises. Bien que nous vendions plus de centaines de milliers de billets de train et de bus via KBC Mobile, les transports publics jouent un rôle moins important qu'on ne le pense souvent. Le nombre de passagers de bus diminue depuis plusieurs années. Et nous assistons à un glissement vers le vélo et les systèmes de partage.
Le vélo est le grand gagnant des déplacements domicile-travail. Saviez-vous, par exemple, que la province d'Anvers compte plus de vélos électriques et de speed pedelecs que l'ensemble des Pays-Bas ? Bien entendu, le régime fiscal favorable et le leasing opérationnel y ont contribué. En juillet, nous avons livré 1.600 vélos. Au total, nous disposons déjà d'une flotte de 17.000 vélos.
Mais la voiture reste au centre de votre business ?
Bien entendu, nous continuons à nous concentrer sur une utilisation « plus ciblée » de la voiture qui reste le meilleur moyen de transport dans de nombreuses situations. Bien que le marché des voitures de société se soit stabilisé cette année, la part des voitures en leasing continue d'augmenter régulièrement pour atteindre 36% aujourd'hui.
En outre, l'écologisation donne une nouvelle impulsion au marché. 10% des voitures nouvellement immatriculées en Belgique ont un système de propulsion alternatif. Les moteurs purement électriques connaissent la croissance la plus rapide, mais ne représentent actuellement que 2,5 à 3%. Grâce à nos promotions « best-buy » et à nos solutions intelligentes de recharge (à domicile), nous visons à gérer les factures (d'énergie) de nos clients de la manière la plus optimale
Bien que le marché des voitures de société se soit stabilisé cette année, la part des voitures en leasing continue d'augmenter régulièrement pour atteindre 36% aujourd'hui.
possible. L'« économie verte » joue un rôle dans les choix de mobilité des gens. Chez KBC, les pourcentages de carburants alternatifs sont considérablement plus élevés que la moyenne du marché.
Et qu'en est-il des alternatives autres que le leasing de vélos, telles que la mobilité partagée ?
C'est le troisième volet de notre nouvelle offre de mobilité : des solutions de partage tels que Cambio, Velo, Villo, Mobit, etc... abondent dans notre offre et commencent à prendre leur place dans les (grandes) villes. Nous regroupons tout cela dans une application numérique, Movesmart, dans laquelle le client peut définir un budget mobilité en fonction de ses propres besoins, qui peut être complété librement avec les différentes solutions de mobilité que l'on peut trouver sur le marché. Les collaborateurs de nos clients, mais aussi les clients non-KBC, peuvent utiliser l'application KBC Mobile pour demander, réserver et utiliser simplement les solutions de « transfert modal ». Il y a de quoi être fier. Cela fait de nous un exemple en Europe.
Vous l'avez évoqué : le segment des voitures électriques progresse, mais pas de manière exponentielle. A quand la grande percée ?
Chez KBC Autolease, nous avons nos propres objectifs d'écologisation et nous sommes au-dessus de la moyenne du marché en termes de parts de propulsions alternatives et électriques. Nous sommes donc ambitieux dans ce domaine. Mais il y a tellement de situations et de scénarios aujourd'hui qui ne vous permettent pas de passer à l'électrique... Or, forcer les choses ne fait plaisir à personne. En termes d'infrastructure, il y a également beaucoup de travail à faire pour ouvrir ce marché. Nous optons donc pour une approche pragmatique et non dogmatique. Si c'est la bonne solution pour le client et les conducteurs, nous l'encouragerons toujours. Mais ce n'est certainement pas le cas pour tous aujourd'hui.
En fait, nous pensons plus loin que la voiture en matière d'électricité. Nous nous concentrons de plus en plus sur la gestion de l'énergie au sens large. Aujourd'hui, les sociétés de leasing vivent pour une grande partie du pétrole via la gestion des (cartes) carburants. Or, la nouvelle énergie, c'est l'électricité qui doit être pensée en termes de recharge intelligente, entre autres. À partir de 2021, la législation européenne changera. Les consommateurs seront facturés par quarts d'heure. Quand on sait qu'une voiture électrique dans une rue équivaut à la consommation d'énergie de quatre personnes, beaucoup pourraient être choqués par l'addition. En tant que société de leasing adossée à une banque, nous y voyons certainement des opportunités en termes de services supplémentaires. Nous réfléchissons à la gestion de l'énergie d'une maison liée à la technologie 'vehicle to grid'. Nous voyons des possibilités de gérer les factures d'énergie de nos clients dans une perspective de TCO.
Les valeurs résiduelles sont cruciales pour les loueurs. Comment évaluez-vous la situation actuelle et quelles sont vos attentes pour l'avenir ?
Lors de mes premières simulations au début de la crise, je n'étais pas très confiant. Je craignais que tout le monde veuille se débarrasser de sa voiture et qu'il n'y ait pas d'acheteurs. Ce ne fut pas le cas. Pour l'instant, le marché de l'occasion est très bien organisé, avec une tendance à la hausse pour les moteurs alternatifs. Cela a-t-il un rapport avec les délais de livraison plus longs pour les voitures neuves ? Les gens ont-ils un budget plus important parce qu'ils n'ont pas réservé de vacances à l'étranger cette année ? Il y a plusieurs explications possibles.
Tant qu'on évoque le marché de l'occasion, saviez-vous que les plus grands acheteurs de nos vélos en fin de contrat sont les concessionnaires automobiles ? Ils y ont vu une opportunité et l'ont immédiatement transformée en un nouveau modèle commercial. Cela montre à quelle vitesse un marché peut évoluer.
Pour terminer, que fait le CEO de KBC Autolease de ses temps libres ?
Je fais du catamaran ! L’énergie du vent me passionne. Lorsque vous naviguez, vous utilisez les forces en présence. Vous pouvez naviguer encore plus vite que le vent. C’est fascinant. J’essaie d’inculquer cette manière de penser dans l’entreprise : si vous suivez la tendance et que vous faites ce qu’il faut, vous pouvez prendre beaucoup de vitesse. C’est l’histoire de ma vie : régler les voiles en permanence, au propre comme au figuré. Et qui sait, peut-être louerons-nous aussi des bateaux un jour ! (rires)