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Rencontre – Olivier Gachnang

«On part du principe que l’avenir est dans le passé»

Le patrimoine familial est chose sacrée pour Olivier Gachnang. Patron de garage, actif dans l’immobilier et fondateur de Warson Motors, l’Aiglon est également impliqué à part entière dans le sauvetage d’une Cegga créée par son père et son oncle en 1965 (AUTO ACS de décembre 2019). Par Pierre Thaulaz

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Olivier, Georges et Claude Gachnang.

AUTO: Important de redonner vie à cette voiture?

Olivier Gachnang : Oui, parce que ça a marqué une période importante pour la famille. Elle fait partie de ce patrimoine Cegga que l’on a envie de sauvegarder. Ce sont des véhicules qui ont été créés, modifiés, construits par mon oncle et mon père.

Des souvenirs personnels de cette époque?

Pas vraiment. Je suis né en 1960, et mes premiers souvenirs remontent au début des années 70. Je me souviens de certaines courses de côte. Je me suis même brûlé les mains avec le pot d’échappement en voulant pousser la bagnole de mon père.

Jamais eu peur en le voyant partir sur une course?

Non. Ma mère avait peur, mais quand on est enfant on n’a pas peur.

Vous avez touché au sport automobile?

J’ai participé à des courses de côte et à des slaloms, mais à une petite échelle. J’ai roulé avec des formules Ford, des formules 2000, des monoplaces légères, pas trop onéreuses, fiables. Ça bouge beaucoup, c’est ce qui nous intéressait à l’époque. Je n’ai pas effectué de courses internationales, d’autant que ce n’était pas la mode pour un père, dans les années 70 ou 80, de pousser son fils dans ce sport. Maintenant c’est la mode, les anciens pilotes font tous rouler leurs gamins.

A un moment donné, vous vous êtes mis au service de votre fille Natacha?

Voilà. De toute façon, il était exclu pour moi de faire une carrière dans le sport automobile. On a tout de suite commencé, avec mon neveu (réd. : Sébastien

Buemi, pour les rares non-initiés) et ma fille, à effectuer ensemble les déplacements, les achats de matos, etc. On a vécu de belles années en karting, puis en monoplace. Elle a roulé également en tourisme, aujourd’hui, elle a un peu tourné la page. Elle est mère de deux enfants, avec son mari ils s’occupent d’une chèvrerie, ils font des petits fromages. Et puis, elle n’était plus trop d’accord qu’on dépense autant d’argent pour faire du sport automobile. Donc, à un moment donné, elle a dit stop.

Une petite frustration?

La frustration, c’est qu’on n’a pas pris les bons aiguillages à certains moments. Qu’importe, ma fille a eu une belle école de la vie.

En 2009, vous avez lancé Warson. Des gens célèbres portent ou ont porté vos vêtements, comme Johnny Hallyday…

C’est grâce à l’un de nos associés qui connaissait des personnes de l’entourage de Johnny. On lui a fourni des fringues et puis il les a portées, mais pour moi ce n’était pas un vrai ambassadeur. On ne l’a d’ailleurs pas payé pour faire ça. Après, il y a des pilotes que mon neveu connaît et qui jouent le jeu. Surtout, il existe des gens qui aiment ces produits vintage.

Vous n’avez pas imaginé baptiser cette marque Cegga, plutôt que Warson?

Justement, je vais faire des vêtements Cegga, parce qu’on a un joli logo. Ce sera une petite collection, avec trois ou quatre produits.

Vous aimez passer d’un univers à l’autre?

Ce que j’aime, ce sont les choses que l’on peut faire seul, sans être régi par des importateurs qui nous disent de quelle couleur doit être le carrelage. J’ai repris relativement tard le garage, soit en 2002. J’ai 60 ans et je n’ai pas envie de traîner jusqu’à 80 ans à sa tête. Mon fils Gary a la jeunesse et l’énergie, et puis il n’est pas trop sot. Je compte sur Pierre-Yves Rudaz, qui gère tout depuis toujours, ainsi que sur ma sœur Caroline pour le mettre sur les rails. Il a effectué un apprentissage de technicien de vente en pièces détachées, je l’ai envoyé une année en Allemagne et maintenant il est au garage où il apprend les ficelles du métier.

Ça vous donnera plus de liberté pour Warson et l’immobilier?

Il est vrai que ça me passionne plus…

On vous doit la transformation de la «Tour Landi», à Aigle…

J’ai eu la chance de pouvoir racheter cette friche industrielle, et mon architecte m’a convaincu de transformer ce bâtiment. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement faire de l’immobilier, mais que ça ait de la gueule, en recourant à de beaux matériaux. Et puis que les occupants soient contents.

L’enveloppe du bâtiment interpelle…

Un gag ! On voulait faire ressortir un effet granit et finalement ça a plus un effet boîte de nuit, parce que ça scintille un peu trop la nuit. Mais bon, les gens trouvent ça sympa.

D’autres passions?

J’aime aussi les motos, les Harley mais aussi les Café Racers. Je vais aussi recréer des motos japonaises, notamment des Honda 750, des 4 pattes comme on disait dans les années 70. Ça colle parfaitement à l’image de Warson Motors. Je possède aussi un Morane de la fin des années 40 que j’ai entièrement restauré. Mais pour le moment, il ne vole pas.

Les années 60 et 70 continuent de fasciner?

Tout ce qui est vintage fait rêver. On part du principe que l’avenir est dans le passé. Avec la mondialisation, l’informatique, tout est devenu aseptisé. Il y a qu’à mettre tout dans un ordi et on crée une bagnole en 5 minutes. On a un peu de Peugeot, un peu de Toyota, un peu de Ferrari, on fait une petite mélasse avec ça et on obtient une bagnole sympa. Et il n’y a rien qui fasse rêver.

Ce qui n’est pas le cas de la voiture que vous êtes en train de restaurer?

On a la grande chance que mon père et mon oncle étaient amis de Drogo, le carrossier italien qui travaillait pour Ferrari. C’est pour ça que cette Cegga Ferrari ressemble comme deux gouttes d’eau à une Ferrari P2. En fait, Drogo avait quatre ou cinq tôliers chez Ferrari. Ces derniers ont pris le pare-brise d’une P4, l’ont placé sur la voiture venue de Suisse et ils ont réalisé une forme à la sauce du moment. Je ne veux pas perdre l’ADN de cette voiture. Drogo avait conçu spécialement pour elle une espèce d’avant de requin.

MAIS COMMENT EST-CE QU’ILS ONT FAIT POUR METTRE UN 12-CYLINDRES DANS CETTE PETITE VOITURE ?

Des choses qui vous surprennent quand vous mettez le nez dans cette voiture?

Je me dis chaque fois : mais comment est-ce qu’ils ont fait pour mettre un 12-cylindres dans cette petite voiture ?

Que ressentez-vous quand vous voyez votre père et votre oncle réunis dans cet atelier de St-Triphon?

Ça me fait plaisir. Parce que c’est l’âme de la voiture. C’est extraordinaire d’avoir, après autant d’années, les mécanos de l’époque. C’est aussi ça qui va faire la valeur de la restauration.

Vous les avez «relancés»?

On les a revitalisés. Mon père est de 1931. Certains, qui ont 15 ans de moins, paraissent vieux à côté. Je ne sais pas comment il fait, d’ailleurs tout le monde se pose des questions.

Vous admirez aussi beaucoup votre oncle?

Oui, parce que mon oncle, c’est un puriste, un gars qui a toujours été anti-commercial.

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