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Passion automobile – Alpine A110

alpine, une légende française

Née d’une passion exempte du profit prémédité de notre époque, l’histoire de la Berlinette Alpine a débuté en 1955, sous l’impulsion de jean rédélé, pilote et concessionnaire renault. Par Gérard Vallat

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en ce début des années cinquante, Jean Rédélé garagiste Renault à Dieppe est également pilote de rallye. Fidèle à la marque, il s’engage au départ des plus grands rallyes au volant d’une modeste Renault 4CV. Il dispute le Monte-Carlo, Liège-Rome-Liège, les Mille Milles etc, mais c’est sur les routes des Alpes que s’expriment au mieux les qualités d’agilité de sa modeste monture. Entrepreneur, Jean Rédélé décide en 1955 de passer un cap pour devenir constructeur d’automobiles, en créant la marque Alpine. Le choix technique de la petite nouvelle, baptisée A106, est axé sur la légèreté, préfigurant ainsi la mythique Berlinette A110, présentée au salon de Paris 1962. Associé à Renault dès 1965, Alpine est alors intégré au réseau de la marque au losange, qui en assurera la distribution. Le mariage pourtant solide, souffrira de quelques coups de canifs, jusqu’à ce que Renault prenne une part majoritaire d’Alpine en 1973. Durant cette période, toujours présent dans l’entreprise, Jean Rédélé sera l’artisan des plus grands succès sportifs de la marque. En 1971, Alpine remporte le titre Européen, avant d’être couronné champion du monde des rallyes en 1973, devant, excusez du peu, Fiat et Ford. A cette période, également troublée par différents mouvements de grève, Jean Rédélé quittera l’entreprise en 1978, obtenant de Renault la garantie du maintien des emplois pendant quinze ans.

renAiSSAnCe COnTrAriée…

Après l’arrêt de production de l’A610 en 1995, plus aucune Alpine n’est sortie de l’usine de Dieppe. Il faudra attendre 2012 et l’annonce de la renaissance d’Alpine par Carlos Ghosn, suite à la présentation d’un concept car préfigurant l’actuelle A110. En novembre de cette même année Renault annonçait le retour en production d’une Alpine à l’horizon 2016. Une renaissance qui a bien failli ne jamais se réaliser, car ressusciter une marque comme Alpine après tant d’années de sommeil n’était pas une mince affaire. Directeur Général de Renault Sport Technologies au début des années 2000, lorsqu’il a travaillé sur la Clio V6 Phase II puis les Mégane RS avec un certain Carlos Tavares, Bernard Ollivier a souvent rêvé de faire revivre la marque. Plusieurs propositions seront faites à Renault sans jamais qu’une fenêtre de tir ne s’ouvre réellement. «À chaque fois, on butait sur les aspects économiques, au point que j’ai fini par croire à un moment que jamais Alpine ne renaîtrait de ses cendres». Pourtant, le destin de la future Alpine s’est noué en 2011 sur un quasi-miracle provoqué par l’homme d’affaire malaisien Tony Fernandes. Evoluant dans différents milieux économiques, Fernandes est passionné d’automobiles. Un penchant

qui l’avait amené à racheter une équipe de F3, avant de ramener Lotus en F1. A cette époque propriétaire de la marque anglaise Caterham, le malaisien avait proposé une alliance à Carlos Ghosn pour construire et partager les frais de la future Alpine. Une idée à laquelle adhérera le patron de Renault après quelques hésitations, avant de charger Carlos Tavares, passionné de sport automobile et pilote actif, d’initier le projet. S’en suit alors un accord officiel avec Caterham et la création de la société des Automobiles Alpine Caterham. Tavares va alors charger Renault Sport et Bernard Ollivier de mener à bien le projet d’une sportive en co-entreprise avec Caterham. Les deux hommes se connaissent bien pour avoir travaillé ensemble. Il faudra quelques temps pour que soit décidé si la future sportive s’appellera Renault Sport ou Alpine, mais dès 2011, un dessin venu du centre de design Renault de Roumanie esquisse une future Alpine dans une version néo-rétro particulièrement convaincante. Il sera retravaillé, mais les bases de l’A110 sont déjà posées. L’accord avec Caterham est officialisé en novembre 2012 et la société des Automobiles Alpine Caterham est créée. Bernard Ollivier prend alors la direction d’une association qui fera long feu. » Malgré les nombreux problèmes que nous avons connus, la situation était idéale. Je n’avais plus de donneurs d’ordres, mais des actionnaires n’entrant pas dans l’opérationnel, cantonnés au rôle de financiers. Certes il fallait batailler pour obtenir les fonds, particulièrement avec Tony Fernandes qui ne lâchait les chèques qu’au compte-goutte, mais cela a permis de s’affranchir des lourdeurs d’un groupe comme Renault. Pour exemple, chez Renault on voyait d’un mauvais œil l’utilisation intensive de l’aluminium. On m’a dit que j’étais fou, qu’on n’y connaissait rien en alu. Par chance, dans les équipes de Caterham se trouvait l’ingénieur qui avait conçu le châssis en aluminium de la Lotus Elise». Une réussite, puisque l’A110 est la première voiture intégralement en aluminium avec le châssis et la carrosserie collés. Mais c’était une des nombreuses péripéties semant la zizanie entre Renault et Caterham. Parmi celles-ci, citons les divergences quant à l’emplacement du moteur, sa cylindrée et moult autres ordres et contre-ordre de part et d’autre, mais aussi le départ de Carlos Tavares qui a pris la direction de PSA en août 2013. Au final, l’alliance avec Caterham était rompue. En cause, le manquement de l’allié anglais qui ne versait plus un sou, ce qui faillit envoyer le projet aux oubliettes. «Ghosn voulait arrêter le projet, mais ne voulait pas endosser la responsabilité. Il attendait que je me plante, et pour cela, me fixait des objectifs à priori inatteignables» commentait alors Bernard Ollivier, désormais seul porteur de cette aventure Alpine du renouveau. Entouré d’une bande «d’ultra-motivés», Ollivier et ses troupes sont parvenus, contre vents et marées, à surmonter les difficultés pour présenter leur bébé A110 au salon de l’automobile de Genève en 2017. S’en suivirent les premières commandes et début des livraisons en 2018. En deux ans, Alpine s’est inséré dans un créneau occupé notamment par Porsche. Un happy-end hélas à nouveau contrarié par de nouvelles coupes économiques au sein du groupe Renault qui envisage de fermer des usines, dont celle de Dieppe, cœur historique d’Alpine. Bernard Ollivier parti en retraite en 2018, dernières nouvelles, la marque serait déplacée sur un autre site pour représenter désormais le haut de gamme de Renault. Une affaire à suivre…

«ghOSn VOUlAiT ArrêTer le PrOjeT, MAiS ne VOUlAiT PAS endOSSer lA reSPOnSAbiliTé.

IL ATTENDAIT QUE jE ME PLANTE, ET POUR CELA, ME FIxAIT DES OBjECTIFS À PRIORI INATTEIGNABLES»

Suite, page 12.

FiChe TeChniqUe

Moteur 4 cylindres, 1,8 litre turbo Puissance 252 chevaux Couple maxi 320 Nm boite de vitesses Mécanique robotisée double embrayage, 7 rapports Châssis Aluminium Taille des roues AV. 205/45R17 AR. 235/45R18 longueur 4180 mm largeur 1800 mm hauteur 1250 mm Poids 1098 kilos

A110 dU xxie SièCle dAnS le reSPeCT de l’OriginAle

Bien que refroidie par l’atmosphère ambiante de ce début de XXIe siècle, la passion pour l’automobile résiste encore. Par bonheur, la voiture objet de plaisir reste encore inscrite aux catalogues de certains constructeurs. Parmi ceux-ci, privilégiant le plaisir à la platitude utilitaire, s’inscrivent les marques de prestige, italiennes et allemandes, et désormais française bien représentée avec Alpine. Déclencheurs d’émotions, ces objet roulants font encore le bonheur d’une poignée de passionnés. Pour répondre à leur attente, Bernard Ollivier et sa troupe est parti d’une feuille blanche avec un mot d’ordre : le poids, cet ennemi ! L’objectif principal, commun à celui de Caterham, était de produire une voiture ne dépassant pas 1000 kilos. Malheureusement, la barre a été dépassée d’une petite nonantaine de kilos. De quoi contrarier la volonté des concepteurs, mais pas transformer la philosophie de cette A110. Motorisée par un quatre cylindres de 1,8 litre développant 252 chevaux et 320 Nm de couple, associé à une boîte robotisée à double embrayage à sept rapports. Les performances répondent à toute attente d’une telle machine. L’Alpine abat le 0 à 100 km/h en 4,5 secondes et la vitesse maximale est limitée à 250 km/h. Mais, on y revient, la caractéristique la plus importante de l’Alpine reste le poids, que l’on doit à sa structure en aluminium. Mais pour vraiment comprendre le plaisir délivré par cette petite merveille, il faut en faire l’essai auprès des distributeurs. Aucun mot ne remplacera l’expérience vécue individuellement. A vos téléphones pour prendre rendez-vous.

nico lapierre «l’alpiniste»

Parallèlement à la renaissance d’Alpine, l’Adn de la compétition était lui aussi ressuscité avec l’engagement dès 2013 en championnat d’europe d’endurance d’un prototype lMP2 Oreca «sauce» Alpine. l’objectif principal de ce programme étant les 24 heures du Mans. Engagée en championnat d’Europe d’endurance, l’équipe Signatech qui dirige la nouvelle aventure sportive d’Alpine a parfaitement rempli son contrat, avec trois victoires au Mans. Trois succès auxquels a participé plus qu’activement le franco-suisse Nicolas Lapierre qui, comme de nombreux pilotes avant lui se sont mis en évidence au volant des machines de Dieppe. On se souvient notamment des rallymens, surnommés par les anglo-saxons « The Alpine Renault Musketeers», Jean-Luc Thérier, Bernard Darniche, Jean-Claude Andruet et Jean-Pierre Nicolas qui ont fait briller la Berlinette A110. En endurance, Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud ont fait triompher le prototype Alpine-Renault A442 aux 24 Heures du Mans 1978.

«LE CHALLENGE D’AMENER

AlPine SUr le POdiUM dU MAnS

M’A IMMéDIATEMENT MOTIVé.»

Ronnie Kessel prend part à des Rallyes historiques au volant d’une A110.

Mais revenons au présent, avec Nicolas Lapierre, né six ans après ce succès, qui a rejoint la légende en décrochant la victoire de la grande classique mancelle à quatre reprises. Parmi celles-ci, trois fois au volant d’Alpine, en 2016, 2017 et 2019. Comment le Franco-Suisse est-il arrivé dans le giron Alpine ? «Après mon aventure Toyota LMP1, j’ai un peu touché à tout en 2015. Du WTCC avec Lada notamment, puis des tests Super-GT au Japon, mais aussi ma première expérience au Mans avec un prototype LMP2 pour KCMG. Un essai tout de suite transformé, avec la victoire en catégorie. Durant cette période, j’étais en contact avec Philippe Sinault, pour qui j’avais roulé en F3 à mes débuts en 2003. Etant donné nos liens, et le fait qu’il gère le programme Alpine en endurance, nous a amenés à trouver un accord qui m’a permis de rejoindre l’équipe en 2016. Le challenge d’amener Alpine sur le podium du Mans m’a immédiatement motivé. De plus l’aventure était d’autant plus belle que la marque sortait la nouvelle A110 simultanément à notre engagement en course. J’ai tout d’abord eu la chance de participer au lancement de la voiture en la conduisant sur le col du Turini pour un spot publicitaire, avant de participer à la mise au point de la version GT4. Cette synergie entre les deux entités, sportive et production était vraiment géniale. Bien que l’Alpine A460 LMP2 soit en réalité une Oreca 07, l’équipe reste libre de déterminer ses propres réglages. D’ailleurs, le fait que le nonante pour cent des engagés alignent ce châssis Oreca ne donne que plus de valeur aux résultats obtenus.» Aujourd’hui, Nicolas Lapierre a quitté Alpine pour rejoindre le team suisse Cool Racing, ou il partage son expertise et son pilotage avec ses équipiers Antonin Borga et Alexandre Coigny. Prochain challenge de ce trio, les prochaines 24 heures du Mans, qui se disputeront hélas à huis-clos les 19 et 20 septembre prochains.

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