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Ibrahima Coulibaly européenne estdavantage un concurrentqu’un partenaire »

Le Covid-19,puislaguerre en Ukraineont remisàl’ordre du jour la question de la souveraineté alimentaire.Leprésident malien du Réseau desorganisations paysannes et desproducteurs agricolesde l’Afriquedel’Ouest,également ex-ambassadeur desNations unies pour l’Annéeinternationalede l’agriculturefamilialeen2014, pointe la responsabilité du sous-investissement dans le secteur.

proposrecueillis par CédricGouverneur

AM : Le 29 juin dernier,vousavezcosigné un appel danslejournal français Le Monde,pourchanger lesrèglesducommerce internationaletatteindre la souveraineté alimentaire.

Ibrahima Coulibaly: En tant queréseaudela société civile,nousconstatonsque lesÉtats imposent leurs directivesà noscommunautés paysannes.Iln’existe pasde volontépolitique réellepourréglerleproblèmede la faim :les intérêts contradictoiresetoffensifs desÉtats et desgrandes entreprisess’entrechoquent avecles nôtres. LespaysduSud n’ont quetrèspeu de margedemanœuvre. Le 30 juin ,les ministres de l’Agriculturea fricains et européenssesont pourtantrencontrésàRome.

L’Union européenne estdavantage un concurrent qu’un partenaire: elle n’apas d’intérêtàrenforcer notre intégration régionale. Elle préfère négocier séparémentavecdes pays af ricains, commeavec lesaccordsdepar tenariatséconomiques,plutôt que de voir nosÉtats négocier en bloc pour représenter lesintérêts du continententier.Les ministresde l’Agriculturearriventaux négociations en ordre dispersé. Pour tant,nousdisposons de notre propre espace d’intégrationcontinentale :l’Union af ricaine (UA). C’estdoncà sonniveauque cela doit se décider. Lesministres af fichentleurvolonté de créerdes «chaînes de valeur durables ». Qu ’enpensez -vous?

Il faut nourrirlaterre.Or, on sait quela« révolution verte» aprovoquédes dégâts en Asie,car trop d’entrants épuisentles sols.Cen’est pascemodèle quenoussouhaitonspromouvoirenA frique.R ien ne nous oblige àcultiverdes produits destinés à l’exportation,puis importer ce quel’onconsomme. Il faut quelecontinentmaîtrise sa propre direction. On peut produire du blé, ainsi queduriz. Lorsqu’une crisef rappeetque lespri xgrimpent, nosdirigeants vont mendierdel’aide. Alorsqu’il faudrait réorganiser leschaînes de valeur pour sortir de cettesituation.Car le vrai problèmeest le manqued’investissements dans l’agriculture, souventloindes engagements de Maputo [en2003, lesprésident safricains s’yétaient engagés àcon sacrer 10 %deleurbudgetausecteur, ndlr]. Lesproduits agricoleseuropéensimpor téssont souvent moinschersque les produits locaux ! Comment yremédier?

En mettantfin au sous-investissement. Prenez le «poulet-bicyclette »d’A frique de l’Ouest, élevépendant desmois, et non45jours commelepouletindustriel européen [sur nommé« poulet-morgue» au Bénin, ndlr] :le sous-investissementempêche de bienstr ucturer la filière af in queleproducteuretleconsommateurenprofitent. La maladiedeNewcastle, parexemple,décimedes élevages familiaux de volaille,alorsqu’ilsuffitd’investir dans la vaccination. Le Burk inaFasol’a fait,avecsuccès. Prenez le rizthaï: il estexpor té dans le mondeentier (notammentenA frique)car l’État thaï landaisl’achète àunprixgaranti et l’exporte. Il suffirait donc d’une politiquecohérente pour quecelafonctionne. Lespolitiques actuellesne profitentqu’àune minorité, alorsque 75 %de la population estpaysanne. Il faut investir pour protéger cettedernière,pourqu’elle puisse vivredeson travail, assurer un avenir àses enfants, sans succomber auxsirènes de l’exoderural,voire du terrorisme !Les paysansfont ce qu’ilspeuvent,maisils ont besoind’investissements. Le17juillet, Moscou asuspendu l’accord sur lesexportationsdecéréales ,signé un anplustôt. Quelsont étéles impacts de la guerre surl ’agriculture africainefamiliale ?

Ce bléukrainienetr usse n’apas d’intérêtpournous. Face àces crises répétées,ilfautinvestir dans lessolutions quifonctionnent. Le prix de certains engraisatriplé, et désormais, desministresserésignent àdireque, finalement,l’agroécologie estlasolution.Onatoujours tort d’avoirraisontroptôt :lorsque nous en parlionsil yav ingt ans, nous étionsprispourdes marginaux. Malgré le dédain desautorités de l’époque,nousavons forméplus de 20 000 personnes au Mali !Oui,les matières organiques nourrissentlaterre.Les famillespeuvent produire leur propre compost.Noussoutenons cesdernières, mais nous n’avonsaucun soutienauniveauétatique. Comment limiter la spéculation surles produits agricoles(laquelle estenpar tieresponsable de la hausse descours depuis février2022) ?

Elleconstitue hélas uneforce économique qui, même si elle n’estpas vertueuse, permet àcer tains d’en vivre. Lesimpor tationsdeblé et de rizenrichissent certaines élites,qui n’ont pasintérêtàceque la situation change.Nousavons besoind’une volonté politique forte. LesÉtats doiventprendreleurs responsabilités. La monoculturemontreses limites :ladiversi fication descultures et l’agroforesterie progressent -elles?

Ce modèle importédel’accaparementdes terres est destructeurpourles communautés. Avantlacolonisation, notre système de production alimentaireavait toujours étédiversifié: nous pouvonsrecréerunenv ironnement diversif ié et nutritif, avec desarbresf ruitiers dans les champs –l’agroforesterie–, desvolailles et desherbes, qui, unefoiscoupées, serv iront de fertilisant naturel.Ilfauts’y mettre tous ensemble.Que les gouvernementsdéveloppent leurproprestratégie et mettentenplace une politiquecohérente,pourque l’agricultureredev ienneun secteurattractif,qui offre un avenir àlapopulation. Produireplusdecéréales et de tubercules africains(teff,sorgho…) pourrait- il constituer unealternative auximpor tations?

Lesgensn’ont jamais abandonnélemil,lesorgho, le teff [dan sla Cornedel’Afr ique, ndlr],lefonio,diététique et adapté auxdiabétiques.Nos grands-parents ne connaissaientpas le maïs.Or, il estgourmandeneau et en intrants.Cen’est paslepaysanqui le cultive quis’enrichit, mais lesintermédiaires.Les agriculteurs se retrouvent souventprisà la gorge, piégés, carl’achat desintrants lesendette.Làencore, nous avons besoind’une vraie volonté :s’ilexistaitune véritablepolitique de valorisation de cescéréales af ricaines,les paysansles cultiveraient davantage! Même lorsque la prisedeconscienceest là, quandonest prisonnier d’un systèmeetque l’on ades créditssur le dos, il estdifficile d’en sortir ■

Un puit se n cons tructi on, dans le pa rc nation al Murchi son Fal ls, en Ou gan da, en févri er 2023

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