Recherche Agronomique Suisse 2 0 1 2
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Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich
A v r i l
Production végétale Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées Page 180 Economie agricole Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur les exploitations d’estivage
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Environnement Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique
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Sommaire Selon la loi suisse sur le génie génétique, la culture des plantes génétiquement modifiées (PGM) doit s’accompagner d’un monitoring environnemental. Celui-ci devrait permettre de déceler au plus tôt les effets néfastes pouvant s’exercer sur l’environnement et de prendre les éventuelles mesures qui s’imposent. Agroscope analyse les difficultés d’un monitoring environnemental et discute les éventuelles mesures. (Photo: Gabriela Brändle, ART) Impressum Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées.
Avril 2012 | Numéro 4 179 Editorial 180
des plantes génétiquement modifiées Olivier Sanvido, Jörg Romeis et Franz Bigler Economie agricole Economie alpestre en Suisse: 186
enquêtes sur la situation et le choix des exploitations d’estivage Stefanie von Felten, Markus Fischer et Stefan Lauber
Editeur Agroscope Partenaires bA groscope (stations de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW; Agroscope Liebefeld-Posieux et Haras national suisse A LP-Haras; Agroscope Reckenholz-Tänikon ART) b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement Rédaction Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch
Economie agricole Surface fourragère dans l’exploitation 194
agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage Markus Fischer, Stefanie von Felten et Stefan Lauber Production animale Etudes de chromosomes et autres relevés 202
sur des croisements entre équidés
Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, Case postale 1012, 1260 Nyon 1, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Directeur général ACW), Sibylle Willi (ACW), Evelyne Fasnacht (ALP-Haras), Etel Keller-Doroszlai (ART), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Philippe Droz (AGRIDEA), Jörg Beck (ETH Zürich) Abonnements Tarifs Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne: CHF 61.–* * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch Adresse Nicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Changement d'adresse e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, Fax +41 31 325 50 58 Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch www.agrarforschungschweiz.ch ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse © Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.
Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS
Production végétale Les défis du monitoring environnemental
Gerald Stranzinger, Josef Achermann, Fengtang Yang et Dominik Burger Environnement Motivations pour la réalisation de 208
mesures de compensation écologique Ingrid Jahrl, Christine Rudmann, Lukas Pfiffner et Oliver Balmer Environnement Importance de l’esthétique lors de la 216
conversion au semis direct Flurina Schneider et Stephan Rist Eclairage Un schéma de qualité pour l’épeautre 224 Geert Kleijer, Cécile Brabant, Andreas Dossenbach, Franziska Schärer et Ruedi Schwaerzel Fiches techniques Encarts Variétés de pomme de terre Antina,
Celtiane et Challenger 228 Portrait 229 Actualités 231 Manifestations
Editorial
Génie génétique vert – un défi pour la recherche Chère lectrice, cher lecteur, De nouvelles technologies telles que les fenêtres nano-vitrifiées, les fours à induction ou les systèmes GPS sont souvent mis sur le marché sans étude systématique préalable des risques. Il suffit que ces technologies présentent des avantages évidents, sans risques apparents, pour les employer. Il en va différemment avec le génie génétique vert, où politique et société ont décidé qu’avant toute commercialisation, les risques potentiels doivent avoir été clarifiés en détails.
Michael Winzeler, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART
Le législateur met la recherche au défi La loi sur le génie génétique et l’Ordonnance sur la dissémination dans l’environnement impliquent que les plantes génétiquement modifiées ne soient pas autorisées sans évaluation préalable des risques pour l’homme et l’environnement et que la culture de telles plantes soit accompagnée par un monitoring environnemental. A l’heure de l’entrée en vigueur de ces textes de loi, on ne savait pas encore si et comment ces mesures seraient mises en œuvre. La recherche est chargée de développer les méthodes adéquates. L’article de Sanvido, Romeis et Bigler dans ce numéro (page 180) analyse les quatre enjeux principaux pour un monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées. Longue expérience de la recherche à Agroscope Dès 1995, un an avant la première mise en culture commerciale de plantes génétiquement modifiées, Agroscope a débuté ses recherches sur la biosécurité et a acquis en l’espace de dix-sept ans une grande expérience en la matière, également reconnue au niveau international. Dans le cadre du projet PNR59, des méthodes de relevé des impacts écologiques ont pour la première fois pu être testées sur le terrain. L’étape qui conduit de la serre au champ est très importante du point de vue scientifique. Elle permet d’étudier la fonction de la plante et son interaction avec l’environnement. Pour poursuivre de tels essais à l’avenir, il convient de prévoir un «protected site» (un site expérimental protégé). Vulgariser le savoir et assurer la formation Une telle infrastructure financée par les fonds publics serait la base d’une recherche indépendante et novatrice. Elle permettrait à de jeunes chercheurs en Suisse de se former dans le domaine du génie génétique vert et de contribuer activement à la formation d’une opinion publique dans les domaines de l’agriculture, de la société et de la politique. Tandis que le scepticisme est de règle chez nous, le génie génétique se développe à une vitesse fulgurante dans le monde entier: Les plantes génétiquement modifiées sont cultivées sur 140 millions d’hectares, ce qui correspond à environ 10 % de la surface cultivée dans le monde. Aux Etats-Unis, en 2010, 101 essais en plein champ ont été autorisés avec 27 variétés de plantes génétiquement modifiées. Indépendamment de la voie que choisira la Suisse, elle sera confrontée à l’avenir avec de multiples aspects du génie génétique vert.
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P r o d u c t i o n
v é g é t a l e
Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées Olivier Sanvido, Jörg Romeis et Franz Bigler Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Renseignements: Jörg Romeis, e-mail: jörg.romeis@art.admin.ch, tél. +41 44 377 72 99
Les populations de papillons diurnes en Suisse sont soumises à une grande variabilité spatio-temporelle. (Photo: ART)
Introduction L’autorisation de cultiver des plantes génétiquement modifiées (PGM) est généralement soumise à des exigences plus strictes que pour les variétés des cultures conventionnelles. Dans le monde entier, les bases légales prescrivent d’habitude un examen spécial des variétés PGM. L’autorisation est fondée sur l’appréciation des risques pour la santé humaine et l’environnement. Cette base permet d’exclure autant que possible tout effet néfaste inacceptable. Certains pays exigent en outre que la culture des PGM soit accompagnée d’un monitoring environnemental afin d’identifier à temps les éventuelles conséquences négatives qui n’ont pas pu être exclues lors de l’appréciation des risques. Sur la base des données relevées lors du monitoring, les autorités char-
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gées des autorisations doivent décider si la culture des PGM peut causer des dommages à l’environnement dans un certain bien à protéger. Bien que l’appréciation des changements environnementaux soit fondée sur des critères scientifiques, des valeurs subjectives jouent aussi un grand rôle dans l’évaluation du dommage ou de l’utilité. C’est pourquoi dans la pratique, les processus de décisions ne sont jamais fondés uniquement sur les données scientifiques, mais ils tiennent compte aussi des aspects éthiques, politiques, sociaux et économiques (Devos et al. 2008). Le dommage causé à l’environnement est caractérisé, selon les définitions courantes, comme un important changement environnemental négatif qui se situe hors des fluctuations habituelles. Nous analysons ci-après les raisons pour lesquelles il est si difficile d’estimer qu’un tel changement représente un
important dommage causé à l’environnement. A notre avis, le monitoring environnemental des PGM pose quatre défis fondamentaux. Les idées présentées dans cet article ont été conçues dans le cadre de plusieurs projets financés par l’Office fédéral de l’environnement OFEV (Programme de recherche «La biosécurité dans le génie génétique appliqué au domaine non humain») et par le Fonds national suisse (Programme national de recherche PNR 59 «Utilité et risques de la dissémination des plantes génétiquement modifiées»). Défi n° 1: La variabilité des conditions environnementales est difficile à estimer Distinguer les changements environnementaux «inhabituels» des changements «habituels» représente un défi fondamental lorsqu’il s’agit de prendre une décision pendant le monitoring des PGM, notamment s’il n’existe pas d’observations à long terme pouvant servir de base de comparaison. Les méthodes propres aux sciences naturelles ne permettent que partiellement de percevoir la variabilité des indicateurs de changements environnementaux avec une précision suffisante et des moyens raisonnables. Ainsi, les méthodes reposant sur des critères écologiques permettent certes de recenser l’abondance d’un indicateur donné (p. ex. les papillons diurnes) dans un paysage agricole. Mais il est souvent difficile de dire si un changement observé se situe en dehors de la variabilité «habituelle» de l’indicateur en question. Or pour autoriser la culture des PGM, les autorités devraient pouvoir décider rapidement si les changements observés sont attribuables à un événement «inhabituel» et si des mesures s’imposent (p. ex. interdire la culture). Solution n° 1: Définition d’une base de comparaison adéquate Le choix d’une base de comparaison adéquate est essentiel si l’on veut déterminer quels changements environnementaux représentent un dommage. Une approche pouvant être judicieuse et disponible en peu de temps pour les preneurs de décision consisterait à comparer les impacts environnementaux des PGM avec ceux des pratiques agricoles courantes (ACRE 2007; Sanvido et al. 2012). Dans cette approche, les PGM sont placées dans le contexte de leur propre système de culture qui est comparé, par exemple, avec l’utilisation de pesticides, le travail du sol, l’assolement et le choix des variétés de l’agriculture classique. Pour arriver à comparer les impacts environnementaux de différents systèmes de culture agricole, nous avons besoin de méthodes, comme le modèle multi-attributs DEXi (Bohanec et al. 2008) ou le bilan écologique (Nemecek et al. 2011), qui permettent
Résumé
Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées | Production végétale
Selon la loi suisse sur le génie génétique, la culture des plantes génétiquement modifiées (PGM) doit s’accompagner d’un monitoring environnemental. Celui-ci devrait permettre de déceler au plus tôt les effets néfastes pouvant s’exercer sur l’environnement et de prendre les éventuelles mesures qui s’imposent. Dans ce même contexte, les autorités doivent être en mesure d’identifier les changements environnementaux et de les classifier parmi les types de dommages causés à l’environnement. Un tel monitoring n’est adéquat que s’il réduit les incertitudes pouvant encore subsister après l’appréciation des risques engendrés par les PGM. Du point de vue scientifique, quatre difficultés se posent lors de telles décisions. Les trois premières concernent les limites propres aux méthodes de saisie des données. La quatrième résulte de l’évaluation controversée de l’impact des PGM sur l’environnement. Ainsi par exemple, on ne sait pas clairement aujourd’hui quels changements environnementaux doivent effectivement être considérés comme des dommages. Nous analysons dans cet article les quatre défis posés par ces difficultés et proposons des stratégies visant à les relever. Quant aux incertitudes pouvant subsister, il vaudrait mieux les examiner pendant l’appréciation des risques, avant l’octroi de l’autorisation. Les autorités chargées de cette dernière démarche devraient aussi reconnaître les limites des programmes de monitoring dans les décisions à prendre pour la culture de PGM.
de comparer divers critères. De telles méthodes ont une importance particulière, car la culture des PGM pourrait aussi avoir des effets positifs sur l’environnement par rapport aux pratiques actuelles. Défi n° 2: Les changements environnementaux sont rarement attribuables à une cause précise Les autorités ont besoin d’informations fiables non seulement sur les changements de l’état de l’environnement, mais aussi sur les causes de ces changements (Vos et al. 2000). Or, il est souvent difficile d’attribuer un tel changement à une cause précise (p. ex à la culture des PGM). Cela est dû à la complexité de l’environnement et au grand nombre de facteurs d’influence. Bien que cette difficulté soit générale dans la recherche en écologie,
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Production végétale | Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées
Variabilité inexplicable
(1) Région de production 26 %
Total de la variabilité explicable 53 %
47 %
(2) Habitat Type d’habitat 5 % Conditions abiotiques 0,5 % Pratique culturale 1,4 %
19 %
Somme des interactions (région x paysage x habitat)
(3) Paysage 1,5 % % d’habitats semi-naturels
Analyse de redondance partielle ARP, P < 0,05 Aviron et al. (2006), J Consum Protect Food Safety, Supp 1: 85−88
Figure 1 | La variabilité des populations de papillons diurnes sur le Plateau suisse a été définie sur la base du relevé de 31 facteurs d’influence (Aviron et al. 2009; Aviron et al. 2006). Le total de la variabilité explicable est de 53 %, tandis que 19 % s’expliquent par la somme de l’interaction de différents facteurs. Le principal facteur d’influence est la région de production, avec 26 % (grande culture, culture fourragère ou culture mixte).
elle est particulièrement sensible lorsqu’il s’agit d’attribuer le changement à une cause précise, comme il s’agirait de le faire dans le monitoring des PGM. La difficulté de déterminer la cause d’un changement environnemental est illustrée ci-après, à l’exemple d’une étude d’Aviron (Aviron et al. 2009; Aviron et al. 2006). Cette étude, fondée sur une large base de données indiquant aussi bien la présence que l’abondance des papillons diurnes dans trois régions du Plateau suisse, examine l’influence de divers facteurs sur la variabilité des papillons diurnes en Suisse. Outre la présence des papillons diurnes, 31 facteurs décrits ont été relevés, dont la région biogéographique, les caractéristiques du paysage, les types d’habitats et les pratiques culturales. L’analyse montre que les populations de papillons diurnes présentent une forte variabilité spatio-temporelle (fig. 1). Malgré l’exhaustivité de la base de données utilisée, près de la moitié de la variabilité (47 %) n’a pas pu être attribuée à des causes connues. Par rapport aux divers facteurs, la plus grande part de la variabilité (26 %) s’explique par la région de production (grande culture, culture fourragère ou culture mixte); viennent ensuite le type d’habitat (5 %), la structure du paysage (1,5 %), la pratique culturale (1,4 %) et les caractéristiques de la station (0,5 %). 19 % de la variabilité est portée au compte de l’interaction des divers facteurs d’influence. Hormis la région de production, les autres facteurs n’ont qu’une faible influence sur l’ensemble de la variabilité. Cet exemple montre qu’un seul facteur (p. ex. la culture de maïs Bt) devrait produire un effet considérable sur les papillons diurnes pour se distinguer des autres facteurs d’influence. Il est cependant impro-
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bable que l’on n’ait pas décelé un effet aussi marquant lors de l’appréciation des risques précédant l’autorisation des PGM (voir aussi point 3), ce qui aurait conduit au refus d’accorder l’autorisation de cultiver la variété Bt. Solution n° 2: Les causes de la variabilité des indicateurs écologiques devraient être déterminées L’ampleur et les causes de la variabilité des indicateurs devraient être quantifiées le mieux possible. Les analyses statistiques des données peuvent contribuer à définir la variabilité globale ainsi que les tendances et changements à long terme (Ferguson et al. 2008). Une approche hiérarchique devrait être choisie afin de comprendre les interactions entre les facteurs écologiques et les systèmes de culture agricole (Baudry et al. 2000). Deux échelles spatiales sont particulièrement utiles dans le monitoring environnemental des PGM. L’une décrit l’utilisation des terres et les pratiques culturales (au niveau du champ) et l’autre décrit les pratiques culturales régionales et le type de culture (au niveau du paysage). Les paysages peuvent aussi être répartis à l’aide de la classification et de la caractérisation des paysages (Bailey und Herzog 2004; Groom et al. 2006). L’échantillonnage aléatoire stratifié, c’est-à-dire le groupement des paysages et des habitats en sous-groupes relativement homogènes, peut simplifier la comparaison des données du monitoring. Si les causes des changements doivent être déterminées, il est essentiel de relever non seulement un indicateur donné (p. ex. l’abondance des papillons diurnes), mais le plus grand nombre possible de facteurs contribuant à expliquer la variabilité, comme l’a démontré l’exemple des papillons diurnes sur le Plateau suisse.
Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées | Production végétale
Défi n° 3: Les changements ne sont visibles qu’après de longues périodes Les changements environnementaux ne se manifestent généralement qu’après de longues périodes. Il est souvent difficile de décider si des données observées représentent une tendance, un cycle ou un effet sous-jacent (Usher 1991). Un bon exemple de l’interaction de ces trois facteurs nous est donné par l’évolution des populations d’oiseaux nicheurs indigènes dans les zones agricoles. Bien que l’effectif des espèces cibles1, telles qu’elles sont définies dans le rapport des «Objectifs environnementaux pour l’agriculture» (OFEV/OFAG 2008), indique un net recul de 1990 à 2009, l’indice d’abondance des espèces caractéristiques ne reflète pas de tendance à long terme durant cette période (Birrer et al. 2011). La diminution des espèces d’oiseaux nicheurs indigènes fut longtemps inexplicable, car elle n’était pas due à un seul facteur. On sait aujourd’hui que le changement fut déclenché par l’interaction de nombreux facteurs, comme l’intensification des pratiques agricoles et la réduction de la qualité des habitats qui s’en est suivie, ainsi que l’homogénéisation générale des paysages agricoles (Lachat et al. 2010).
autorités chargées de décision, les tests doivent être exécutés de façon à confirmer l’hypothèse de risque définie avec la certitude la meilleure possible. Cela pose la question de savoir dans quelles conditions la présence des effets supposés peut être prouvée avec toute la vraisemblance possible. Comme l’a démontré l’exemple sur la variabilité des papillons diurnes sur le Plateau suisse, les impacts environnementaux sont influencés par une multitude de facteurs. Pour autant qu’un certain facteur stressant (p. ex. la toxine Bt) n’ait pas un effet relativement important, il est vraisemblable que de nombreux facteurs d’influence produisent toute une imbrication d’effets divers. D’où la difficulté de distinguer l’influence d’un seul facteur et de définir la causalité entre un effet donné et le facteur qui l’a déclenché. C’est pourquoi il sera beaucoup plus facile de découvrir un effet notable dans un milieu contrôlé, où peu de facteurs varient, que dans un milieu multifactoriel, comme celui qui caractérise le programme de monitoring. Selon le risque présumé, le test de l’hypothèse peut donc être plus éclairant s’il est réalisé dans des conditions contrôlées (comme en laboratoire ou en semi plein champ) que dans conditions réalistes en plein champ.
Solution n° 3: Le monitoring doit émettre des hypothèses claires Les données du monitoring environnemental sont souvent peu éloquentes pour les décideurs, car les tendances écologiques ne sont rendues visibles qu’après de longues périodes d’observation. Dès lors, ce monitoring ne devrait avoir lieu que s’il semble opportun de détecter certains effets dans un délai adéquat. La décision de réaliser un monitoring environnemental, et notamment une surveillance spécifique2, ne devrait être prise que si des questions laissant une incertitude scientifique n’ont pas été résolues lors de l’évaluation du risque (Commission européenne 2001; ODE RS 814.911). Il faut pouvoir formuler une hypothèse logique de risque sur la manière dont une PGM spécifique peut mettre en danger un certain bien à protéger (Sanvido et al. 2004). Toutefois, l’hypothèse la meilleure peut aussi conduire à des conclusions incertaines si elle n’est pas rigoureusement testée (Romeis et al. 2011). Pour qu’ils fournissent une base aux
Défi n° 4: Biens à protéger sont diversement évalués Les différentes manières d’interpréter les données scientifiques influencent les autorités chargées de décision. Les impacts environnementaux causés par les PGM sont diversement évalués parce ce que les unités écologiques à protéger ne sont pas clairement formulées dans la législation. Ainsi par exemple dans la loi sur le génie génétique (LGG RS 814.91), les objectifs de protection tels que la «Protection de l’environnement» ou la «Conservation de la diversité biologique» sont si étendus qu’ils laissent une marge d’interprétation trop large; il est donc nécessaire de les rendre scientifiquement mesurables. Les divers groupes d’intérêts conçoivent différemment les objectifs formulés de manière imprécise, si bien que d’énormes écarts se creusent entre les interprétations de ce que la culture des PGM ne devrait pas mettre en danger. Un bon exemple de telles controverses nous est donné par l’évaluation des résultats des UK Farm Scale Evaluations (évaluations au niveau des exploitations [FSE]). Dans ces évaluations, les effets sur la biodiversité des mauvaises herbes et des arthropodes ont été comparés dans des cultures de betterave sucrière, de colza et de maïs, les unes étant conventionnelles et les autres génétiquement modifiées pour les rendre résistantes aux herbicides (GMRH). Dans les cultures de betterave sucrière GMRH et de colza GMRH, les chercheurs ont trouvé de faibles quantités de papillons et d’abeilles. En revanche, les cultures de maïs GMRH, en raison du
Les espèces cibles sont les espèces locales ou régionales, en danger au niveau national, qui doivent être préservées et protégées et par rapport auxquelles la Suisse a une responsabilité particulière en Europe. Les espèces caractéristiques sont typiques d’une région et représentatives d’un habitat particulier. Elles font office d’indicateurs de la qualité de l’espace vital qu’elles occupent.
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2 Le monitoring des PGM est généralement subdivisé en une surveillance spécifique et une surveillance générale de l’environnement.
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Production végétale | Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées
grand nombre de mauvaises herbes qu’elles contiennent, présentaient en général des populations de papillons et d’abeilles plus denses que les cultures non GMRH (Haughton et al. 2003). Les autorités anglaises en ont conclu que les cultures conventionnelles de colza non GMRH et de betterave sucrière favorisent mieux l’abondance des groupes de variétés (DEFRA 2005). Dans leur évaluation des résultats des FSE, ces mêmes autorités ont estimé que la présence de mauvaises herbes dans les champs est un bien à protéger, car elles constituent un élément important des écosystèmes agricoles (Marshall et al. 2003). Contrairement à cette interprétation, les autorités australiennes, pour leur part, concluent dans un rapport que la préservation des mauvaises herbes sur les surfaces agricoles n’est pas considérée comme un objectif de leur stratégie nationale pour la biodiversité (CSIRO 2003). Cet exemple montre qu’en fonction de leur conception des valeurs, les autorités peuvent avoir des opinions différentes sur la question de savoir s’il faut ou non protéger les mauvaises herbes dans les cultures agricoles afin qu’elles servent de bases nutritionnelles aux invertébrés et aux oiseaux. Solution n° 4: Définir les systèmes de culture agricole et les rendre mesurables Pour qu’elles puissent interpréter clairement les données du monitoring environnemental, les autorités ont besoin de recommandations les aidant à déterminer quels biens à protéger ne doivent pas être mis en danger par la culture de PGM et à partir de quelle limite un préjudice est à considérer comme un dommage. Actuellement, les directives légales réglant la protection de la biodiversité face aux impacts des PGM offrent une trop grande marge d’interprétation. Cela fait naître des incertitudes, comme la question de savoir si et dans quelle mesure les mauvaises herbes doivent être protégées sur les surfaces agricoles. Les processus de décision pourraient manquer de transparence et paraître difficilement compréhensibles à l’avenir, car il manque des directives précises sur l’analyse des impacts des PGM. Pour pallier cette difficulté, nous proposons une approche qui aidera les autorités chargées d’autoriser la culture des PGM à définir le concept d’«environnement» et de «biodiversité» (Sanvido et al. 2011). Idéalement, il faudrait qu’une telle définition des biens environnementaux à protéger concrètement fasse l’objet d’une procédure transparente et qu’elle inclue tous les acteurs impliqués (c.-à-d. les responsables de la réglementation, les demandeurs et les experts scientifiques).
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Conclusions Les difficultés évoquées dans cet article traduisent les multiples enjeux liés à l’analyse des données du monitoring environnemental en vue de réglementer la culture des PGM. Ce monitoring pourrait représenter une tâche de longue haleine, très coûteuse et dont le résultat pourrait ne fournir que peu de données utilisables pour les autorités chargées de décision. Ces dernières devraient être conscientes des limites des programmes de monitoring. Il serait souvent plus efficace et plus pertinent d’étudier les incertitudes subsistant à propos des impacts environnementaux des PGM pendant l’analyse des risques, avant l’octroi de l’autorisation. Les changements environnementaux observés lors du monitoring ne peuvent d’ailleurs presque jamais être attribués à une cause unique, comme la culture de PGM, car de longues années de mesures sont nécessaires pour déceler des tendances et de grandes variations naturelles se produisent souvent d’une année à l’autre. Pour qu’elles puissent utiliser les données d’un tel monitoring, les autorités ont besoin d’une base de comparaison qui tienne compte des données issues des observations existantes. Mais en Suisse, il existe malheureusement peu de bases de données collectées depuis de longues années sur la biodiversité dans les zones agricoles et utilisables pour le monitoring environnemental d’une culture commerciale de PGM. Etant donné que les décisions doivent souvent être prises dans des délais relativement courts, on pourrait à la place comparer les impacts environnementaux des PGM avec ceux produits par des pratiques culturales connues en s’aidant de bilans écologiques et de la méthode des choix multi-attributs (ACRE 2007; Sanvido et al. 2011b). Ainsi, la culture des PGM serait placée dans le contexte de chaque système cultural dont les avantages et les inconvénients pourraient être examinés sous l’angle de la durabilité. Cette approche tient compte du fait que les technologies ayant des effets semblables sur l’environnement devraient être réglementées selon la même approche légale. Il n’existe pas d’argument convaincant qui justifierait l’application d’une réglementation plus stricte pour une certaine technologie alors qu’une autre produirait des impacts semblables sur n l’environnement.
Sfide nel monitoraggio ambientale di piante geneticamente modificate In virtù della legge sull'ingegneria genetica, in Svizzera la coltivazione di piante geneticamente modificate (PGM) deve essere abbinata a un monitoraggio ambientale al fine di individuare per tempo eventuali effetti negativi sull'ambiente e adottare i provvedimenti del caso. Le autorità devono essere in grado di riconoscere delle variazioni ambientali e di classificarle come danno ambientale. Noi riteniamo che un monitoraggio ambientale è adatto solo in parte per ridurre le incertezze che potrebbero ancora sussistere dopo la valutazione del rischio delle PGM. Dal profilo scientifico, simili decisioni presentano quattro difficoltà: le prime tre riguardano restrizioni metodologiche nella rilevazione scientifica dei dati, la quarta risulta dalla valutazione controversa sugli effetti ambientali delle PGM. A oggi non è quindi ancora stato chiarito quali variazioni ambientali debbano essere effettivamente considerate come danni. Nel presente articolo analizziamo le quattro difficoltà che si pongono, proponendo possibili strategie per affrontarle. Sarebbe opportuno verificare le rimanenti incertezze durante l'analisi del rischio prima dell'omologazione. Le autorità preposte all'omologazione dovrebbero riconoscere le restrizioni dei programmi di monitoraggio ambientale nel processo decisionale in vista della coltivazione di PGM.
Summary
Riassunto
Les défis du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées | Production végétale
Challenges in the environmental monitoring of genetically modified plants According to genetic engineering legislation in Switzerland, the cultivation of genetically modified plants (GMPs) must be accompanied by environmental monitoring. This environmental monitoring is intended to identify any negative effects on the environment as early as possible so that necessary remedial measures can be taken. Accordingly, the authorities must be in a position to recognise changes in the environment and classify them as environmental harm. In our opinion, however, environmental monitoring is only partially suitable for reducing uncertainties which might still exist after the risk assessment of GMPs. From a scientific point of view, there are four difficulties with such decisions. The first three difficulties concern methodological limitations in scientific data collection. The fourth difficulty stems from the controversial assessment of the environmental effects of GMPs. Thus, it is nowadays unclear just which environmental changes are effectively to be evaluated as constituting harm. In this article, we analyse the four challenges and suggest possible strategies for countering them. Any remaining uncertainties should ideally be investigated during risk assessment before approval is granted. Regulatory authorities should recognise the limitations of environmental-monitoring programs for decision-making during cultivation of GMPs. Key words: regulatory decision- making, biodiversity, environmental monitoring, genetically modified plants, environmental harm.
Bibliographie La bibliographie détaillée peut être obtenue auprès de l’auteur.
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E c o n o m i e
a g r i c o l e
Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la situation et le choix des exploitations d’estivage Stefanie von Felten1, Markus Fischer2 et Stefan Lauber1 Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, 8903 Birmensdorf 2 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Renseignements: Stefan Lauber, e-mail: stefan.lauber@wsl.ch, tél. +41 44 739 24 83 1
Figure 1 | Alpage Langermatte, Lenk BE. (Photo: Stefan Lauber)
Introduction Les deux seuls relevés sur l’économie alpestre réalisés jusqu’ici à l’échelle de la Suisse traduisent le peu d’importance accordée aux régions d’estivage dans la politique agricole suisse (Baur et al. 2007). Il s’agit de la Statistique alpestre suisse (1891/1911) et du Cadastre alpestre suisse (1954/1982). De plus, il existe depuis 1980 une statistique des contributions d‘estivage, mais elle ne permet pas une représentation complète de la situation actuelle de l’économie alpestre suisse, car elle saisit essentiellement le nombre des exploitations et des animaux estivés. Pour
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une politique agricole efficace et efficiente, acceptée par le milieu agricole, il est nécessaire de disposer de davantage d’informations sur la pratique de l’estivage, sur les objectifs, les attentions et les attentes des éleveurs qui exploitent les pâturages d’estivage. Le projet partiel «Analyse politique», réalisé dans le cadre du projet intégré «AlpFUTUR – Avenir des pâturages d’estivage en Suisse», a pour but d’actualiser les connaissances de la situation de l’économie alpestre et des facteurs qui déterminent la décision pour ou contre l’estivage des animaux.1 Tandis que le présent article se concentre sur les aspects des structures actuelles de
Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la s ituation et le choix des exploitations d’estivage | Economie agricole
Résumé
l’agriculture et des alpages, ainsi que sur le choix de l’exploitation d’estivage, l’article de Fischer et al. (2012), également dans le présent numéro, met l’accent sur le rôle de la surface fourragère disponible dans l’exploitation agricole de base pour l’économie alpestre et sur les facteurs généraux de décision pour ou contre l’estivage. Pour des questions de place, certains résultats et conclusions des trois enquêtes ne figurent pas dans les deux articles du présent numéro. Ils peuvent être consultés dans le rapport de Lauber et al. (2011).
Méthodes Cet article se base sur trois enquêtes écrites, réalisées entre décembre 2009 et septembre 2010. Ces enquêtes s’adressaient aux responsables d’exploitations d’alpage (von Felten 2011a), aux chefs d’exploitations agricoles de base avec estivage (von Felten 2011b) et aux chefs d’exploitations agricoles de base, qui n’estivaient (plus) aucun animal (Fischer 2011). La structure des questionnaires (cf. encadré) reposait sur une étude de la littérature et sur douze interviews conduites selon des lignes directrices avec des experts Projet intégré AlpFUTUR: www.alpfutur.ch; projet partiel 13 «Analyse politique»: www.alpfutur.ch/analysepolitique
1
Questionnaire et choix des destinataires Les questionnaires ont été rédigés en allemand puis traduits en français (Fischer 2011) ou en français et en italien (von Felten 2011a et 2011b). Toutes les versions linguistiques sont disponibles en annexe des publications correspondantes. Les destinataires des questionnaires ont été tirés au sort dans la base de données du système d’information agricole (AGIS) de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). En 2008, 7194 exploitations d‘alpage (exploitations d’estivage) et 53 519 exploitations de base (exploitations agricoles à l‘année) y étaient enregistrées. La totalité des exploitations d’alpage a été répartie en fractions en fonction du canton et de la durée d‘estivage (≥ 100 jours, < 100 jours). Pour les exploitations de base, on a d’abord exclu les exploitations sans animaux ainsi que celles pratiquant uniquement la transformation et les cultures spéciales. Les 46 322 exploitations qui restaient ont été réparties en exploitations avec estivage (22 262) et sans estivage (24 060), puis en fractions par canton et zone de production (3 niveaux: zone de plaine et des collines, zones de montagne I et II, zones de montagne III et IV).
Tout comme l’agriculture en région de plaine, l’économie alpestre connaît elle aussi des changements. Dans le cadre du projet intégré AlpFUTUR, trois enquêtes représentatives ont été effectuées par écrit: des exploitants d’alpages ainsi que des chefs d’exploitations agricoles de base avec et sans estivage ont été interrogés afin de connaître les faits, les avis et les estimations. Les résultats montrent notamment que l’économie alpestre reste très fortement ancrée dans l’agriculture suisse: 48 % des exploitations agricoles pratiquant la production animale font estiver des animaux à l’alpage durant l’été. Plus de la moitié des personnes interrogées accordent tout autant d’importance à la tradition qu’à la rentabilité. Tandis que la séparation traditionnelle entre élevage de vaches laitières dans les exploitations de base et élevage du jeune bétail à l‘alpage a toujours cours, l’élevage de vaches-mères prend de l’importance dans les alpages également. Un facteur semble être déterminant pour le choix de l’alpage: celui du niveau de compétence et de formation du personnel d’alpage.
Des échantillons ont ensuite été déterminés au hasard proportionnellement à la taille des fractions, soit un total de 1000 exploitations d’alpage, 2500 exploitations de base avec estivage et 600 sans estivage. Les échantillons sont donc représentatifs de la répartition des exploitations de chaque fraction en Suisse. Finalement, un courrier a été effectivement adressé à 964 exploitations d’élevage, 2458 exploitations de base avec estivage et 586 sans estivage (certaines exploitations n’ont pu être associées à une adresse valable). Au bout de deux semaines, un courrier de rappel avec questionnaire a été adressé aux exploitations qui n’avaient pas répondu, sauf aux exploitations de base avec estivage. Les enquêtes ont été réalisées de manière anonyme. Les données ont pu être consolidées en alignant les numéros d’ordre anonymisés avec des données structurelles déjà disponibles dans la base de données AGIS (p. ex. commune, indications relatives à la catégorie des animaux estivés, charge en bétail et charge normale ainsi que zone de production).
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Economie agricole | Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la s ituation et le choix des exploitations d’estivage
Propriétaires privés
Fermiers particuliers
Personne privée
24,5
13,1
Collectivité de droit public
7,8
Collectivité de droit privé
2,8
Mode d’exploitation
Coopérative/ Corporation
Détenteur de parts individuelles
0,5
0,4
17,3
13,9
2,8
4,8
7,6
4,6
Propriété
Figure 2 | Typologie des alpages selon le mode de propriété et d’exploitation des pâturages alpestres. Le t ableau indique les pourcentages (%) de chaque forme de propriété et d’exploitation (lignes et colonnes, surfaces grisées) ainsi que les différentes combinaisons au total (taille des cercles bleus). La figure est basée sur 567 réponses sans équivoque d’exploitations d’alpage (119 autres réponses multiples relatives au mode de p ropriété ou à l’exploitation ont été exclues). Source: von Felten 2011a, fig. 4.
issus principalement de la vulgarisation dans l’agriculture et l’économie alpestre. La majorité des résultats de l’enquête a été analysée directement. Les réponses aux questions ouvertes ont été classées dans des catégories appropriées, comme les raisons citées pour expliquer un changement d’alpage. Pour certaines questions complexes, des variables ont été construites par déduction à partir des réponses, par exemple là où les exploitations de base avec estivage citaient plusieurs catégories d’animaux parmi les bêtes détenues et estivées. Nous avons calculé les unités gros bétail (UGB) de chaque catégorie d’animaux et avons formé les variables «type de détention d’animaux» (p. ex détention de vaches-mères, détention de jeune Exploitations d’alpage
Résultats Réponses Le retour des questionnaires a été très élevé: 686 exploitations d’alpage (71 % des exploitations contactées), 856 exploitations de base avec estivage (35 %) et 233 Exploitations de base avec estivage
Estivage doit être rentable (39 %)
Tradition et rentabilité (44 %)
bétail) pour caractériser l’effectif gardé dans l’exploitation de base et le «type d’estivage» (p. ex. estivage de vaches laitières) pour décrire la part de l’effectif estivé. La typologie suit celle de Raaflaub et Durgiai (2010), qui définissent un type lorsqu’au moins 60 % des UGB détenues ou estivées appartiennent à une même catégorie animale.
Tradition très importante (17 %)
Estivage doit être rentable (30 %)
Tradition et rentabilité (56 %)
Tradition très importante (14 %)
Figure 3 | Rentabilité et tradition de l’estivage. Réponses à la question «Quelle importance accordez-vous à la rentabilité de l'estivage en comparaison avec la préservation des traditions?». La figure est basée sur les réponses de 663 exploitations d’alpage (à gauche, source: von Felten 2011a, fig. 30) ainsi que sur les réponses de 834 exploitations de base avec estivage (à droite, source: von Felten 2011b, fig. 19).
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Vaches laitières
Jeune bétail
Vaches-mères
Zone de plaine
11,7
25,1
23,3
Zone préalpine des collines
8,4
10,8
9,5
Zone de montagne 1
8,4
16,4
16,6
Zone de montagne 2
28,4
21,5
13,5
Zone de montagne 3
28,0
15,8
21,9
Zone de montagne 4
15,1
10,4
15,3
Catégorie d’animaux Zone de production
Figure 4 | Origine des catégories de bovins estivés en fonction de la zone de production agricole en % (par rapport au nombre d’animaux). La figure se base sur 852 réponses d’exploitations de base avec estivage. Source: von Felten 2011b, fig. 9.
sans estivage (40 %) ont retourné leur questionnaire rempli. Par rapport à l’ensemble de l’univers statistique, le pourcentage est donc de 9,5 % pour les exploitations d’alpage, de 3,8 % pour les exploitations de base avec estivage et de 1,0 % pour celles qui ne pratiquent pas l’estivage.
vage doit être rentable»), tandis que les exploitations de base accordent légèrement plus de poids à la tradition. Ces pondérations peuvent venir du fait que les responsables d’alpage exploitent souvent eux-mêmes l’alpage (von Felten 2011a) et qu’ils dépendent donc davantage de sa rentabilité.
Economie alpestre bien ancrée dans l’agriculture Sachant que 42 % des exploitations de base suisses ont estivé leurs animaux en 2008, on constate que l’estivage est très fortement ancré dans l’agriculture suisse. Si l’on exclut les exploitations sans animaux, ainsi que les exploitations pratiquant uniquement la transformation et les cultures spéciales, le pourcentage d’exploitations avec estivage est même de 48 %. Les conditions de propriété et d’exploitation des pâturages alpestres sont très variées. Les cas de figure les plus fréquents sont les suivants: pâturage appartenant à une personne privée et exploité par son propriétaire, pâturage appartenant à une collectivité de droit public et exploité par un fermier, une coopérative ou une corporation, ainsi que pâturage appartenant à une personne privée et exploité par un fermier (fig. 2).
Les animaux estivés Le bétail estivé dans les exploitations de base interrogées provient de toutes les zones de production, sachant que les vaches laitières ont tendance à venir plutôt des zones de montagne (notamment ZM II et ZM III), tandis que de nombreux jeunes animaux et vaches-mères viennent de la zone de plaine (fig. 4). La répartition des exploitations de base avec estivage en types de détention animale et types d’estivage (cf. chapitre Méthodes) a montré que l’élevage de vaches laitières était le type de garde le plus fréquent dans les exploitations de base (63 %), tandis que l’estivage de jeune bétail était le type le plus fréquent en termes d’animaux estivés (39 %). Parmi les animaux estivés, le deuxième type le plus fréquent était l’estivage des vaches laitières (29 %), suivi de l’estivage mixte (14 %), l’estivage de vaches-mères (9 %), l’estivage de moutons (6 %) et l’estivage de vaches taries (2 %). L’estivage de chèvres, de chèvres laitières et de brebis laitières (chacun < 1 %) est plus rare. Les responsables d’alpage ont été interrogés quant aux modifications effectuées sur les catégories d’animaux estivées (au cours des dix dernières années) et sur les changements potentiels à l’avenir (dans les dix prochaines années). Les réponses allaient dans le même sens et indiquaient une augmentation de l’estivage des vaches-mères (fig. 5).
La tradition est importante Les enquêtes auprès des exploitations d’alpage et des exploitations de base aboutissent à un constat similaire: la tradition joue un grand rôle lorsqu’il s’agit d’opter pour l’estivage ou d’y renoncer. La majorité des personnes interrogées estiment que les deux choses sont importantes, la rentabilité et le maintien de la tradition. Environ un sixième considère que la tradition à elle seule est très importante (fig. 3). Les exploitations d’alpage ont tendance à trouver la rentabilité primordiale («l’esti-
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Economie agricole | Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la s ituation et le choix des exploitations d’estivage
Dix dernières années Augmentation
Vaches taries
Jeune bétail + génisses
Vaches laitières
Vachesmères
Chèvres
Moutons
Divers
Inconnu
Baisse 1
Vaches taries Jeune bétail + génisses
3
1
Vaches laitières
4
15
Vaches-mères
3 14
25
1
22
1
1
1
3
4
1
1
1
Moutons
2
Divers
3
Inconnu
1
1
10
3
23
1
1
1
Dix prochaines années Augmentation
Vaches taries
Jeune bétail + génisses
Vaches laitières
Vachesmères
Chèvres
Divers
Inconnu
1
1
6
2
Baisse Vaches taries
1
Jeune bétail + génisses
1
Vaches laitières
2
Moutons
1 1
8
9
1
1
1
2
Divers Inconnu
5
1
10
22
4
Figure 5 | Nombre des exploitations d’estivage avec changement dans les catégories animales. En haut: changement au cours des dix dernières années (22 % des alpages). Au total, 395 responsables d’exploitations d’estivage ont répondu et 148 ont mentionné un changement. La ligne ou la colonne intitulée «Inconnu» contient des cas dans lesquels il n’est question que d’une catégorie d’animaux en augmentation ou en baisse. En bas: changements prévus et possibles au cours de dix prochaines années (11 % des alpages). Au total, 405 exploitants ont répondu, 74 prévoient un changement et 26 considèrent qu’un changement serait possible. La figure ne représente que les réponses qui contiennent au moins une indication pour une catégorie animale en augmentation ou en baisse. Source: von Felten 2011a, fig. 27 et 28.
Qui estive les animaux? Les responsables des exploitations de base avec estivage avaient en moyenne 48 ans. La plupart ont grandi dans l’agriculture (84 %). Ils ont en majorité (63 %) effectué un apprentissage ou une école agricole. Environ un cinquième a passé l’examen de maîtrise (19 %) et un quart (25 %) est même titulaire d’une autre formation, non-agricole (réponses multiples possibles). Une part relativement importante (62 %) des exploitations de base avec estivage sont des exploitations à temps plein (c’est-à-dire que leur revenu extra-agricole représente moins de 10 %). Dans l’ensemble de la Suisse, le pourcentage d’exploitations à temps plein n’était cependant que de 33 % en moyenne en 2004 (OFAG 2004).
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Une bonne moitié (51 %) des exploitations de base avec estivage ne possèdent ni un alpage propre ni des droits d’alpage. 44 % possèdent des droits d’alpage auprès d’une collectivité de droit privé ou public, seuls 10 % sont propriétaires d’un alpage. Environ un cinquième afferme un alpage ou des droits d’alpage (21 %). Tandis que 19 % s’occupent eux-mêmes de leurs bêtes à l’alpage, le reste des exploitations de base avec estivage confie les animaux au responsable de l’alpage. Le critère qui détermine si un chef d’exploitation se rend ou non lui-même à l’alpage s’est avéré très important pour le choix de l’alpage et les raisons qui incitent à l’estivage (cf. également fig. 6 et fig. 2 dans l’article de Fischer et al. 2012, dans ce numéro).
Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la s ituation et le choix des exploitations d’estivage | Economie agricole
Exploitants qui estivent eux-mêmes leurs animaux (n=144)
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0 500
0 100
0 500
250
50
250
0
0
0
Pas important du tout
Bonne infrastructure (bâtiments d’alpage, étable, fromagerie, abri)
0 100
Ne s’applique pas
Proximité de l’exploitation de base
250
0 500
Très important
Production de fromage d’alpage
250
Plutôt important
Estivage à un prix avantageux
0 500
50
Pas important du tout
Transport à un prix avantageux
0 100
Très important
Bonnes prestations de service (par exemple soin des onglons, disponibilité de taureaux, transport)
250
0 500
Ne s’applique pas
Longue durée d’estivage
50
Plutôt important
Existence d’un propre alpage
0 500
250
Plutôt pas important
Bon accès de l’alpage (bons chemins d’accès)
0 100
Pas important du tout
Risque faible de chute et d’accident
250
0 500
Très important
Existence de propres droits d’alpage
500
50
Ne s’applique pas
Système de pacage (surveillance permanente par un berger, pâturage tournant, pâturage libre)
100
250
Plutôt important
Bonnes expériences avec l’alpage
500
Plutôt pas important
Personnel compétent, bien formé
Exploitants qui n’estivent pas eux-mêmes leurs animaux (n=627)
Plutôt pas important
Tous les chefs d’exploitations avec estivage (n=771)
Figure 6 | Raisons du choix de l’alpage pour les exploitations de base avec estivage. La figure indique le nombre de réponses pour chaque raison, classées en fonction de l’importance de la raison (moyenne de classement des catégories de réponses gris clair, ligne pointillée) pour tous les exploitants (colonne de gauche, somme de la colonne centrale et de la colonne de droite). Les réponses «ne s’applique pas» (gris foncé) n’ont pas été prises en compte dans le classement. Source: modifiée selon von Felten 2011b, fig. 18.
Parmi les gérants d’alpage interrogés, la plupart étaient eux-mêmes à l’alpage en qualité d’exploitants privés (62 %). 81 % géraient également une exploitation de base. 38 % des exploitations d’estivage interrogées employaient du personnel (von Felten 2011a). Ce dernier comprenait beaucoup de «personnes de l’extérieur», dont environ un sixième venait d’un autre canton et près d’un quart de l’étranger. Critères pour le choix de l’alpage En général, pour les exploitations de base avec estivage, les trois principaux critères qui déterminent le choix de l’alpage étaient les suivants: personnel compétent et bien formé, bonnes expériences avec l’alpage et le système de pâture (fig. 6, à gauche). Si l’on considère les réponses de la minorité d’exploitants qui estivent eux-mêmes leurs animaux, les principales raisons sont l’existence d’un alpage propre ou de
droits d’alpage et également de bonnes expériences avec l’alpage (fig. 6, au centre). En outre, pour ce type d’exploitants, l’accès facile à l’alpage, sa proximité par rapport à l’exploitation de base, la longue durée de l’estivage et un estivage à un prix avantageux sont des raisons qui pèsent plus lourd dans la décision que pour les autres exploitants. Par contre, la qualité des prestations de service et le faible risque de chute et d’accident jouent un rôle secondaire. Pour les exploitants qui n’estivent pas eux-mêmes leurs animaux, cette dernière raison arrive en troisième position (fig. 6 à droite). Raisons expliquant un changement d’alpage Plus de la moitié des personnes interrogées estivent depuis plus de vingt ans sur le même alpage. Malgré cette fidélité, somme toute importante, à l’exploitation d’alpage, 26 % des chefs d’exploitations de base avec estivage ont indiqué avoir déjà changé d’alpage une fois.
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Les cinq raisons qui ont été le plus fréquemment citées sont les suivantes: mauvais encadrement des animaux, distance par rapport à l’exploitation de base, plus de place pour les animaux, «vaches-mères» et insatisfaction par rapport au personnel d’alpage ou à l’organisation. Les réponses relatives à la question «vaches-mères» comprenaient le changement d’alpage suite à la conversion à l’élevage de vaches-mères dans l’exploitation de base, tandis que l’alpage continuait à n’être occupé que par des vaches laitières. Il y a également eu des cas où l’alpage est passé aux vaches-mères, tandis qu’une exploitation de base souhaitait continuer à estiver la même catégorie d’animaux et a donc dû changer d’alpage.
Discussion Deux thèmes sont abordés en détails ici. Les résultats et les conclusions complets sont discutés de manière approfondie dans le rapport de Lauber et al. (2011). Evolution des catégories animales estivées Le dépouillement des exploitations de base avec estivage par type de détention animale et type d’estivage aboutit toujours au modèle d’élevage traditionnel avec répartition du travail entre agriculture de plaine et agriculture de montagne. Tandis que l’on trouve avant tout des vaches laitières dans les exploitations de base, l’estivage est lui dominé par le jeune bétail. De 2000 à 2010, le nombre des vaches-mères estivées est passé de 13 854 à 32 343 pâquiers normaux (+133 %, OFAG 2008 et 2011). Cette augmentation traduit la progression de la détention de vaches-mères dans les exploitations agricoles suisses. Parmi toutes les catégories de bovins, ce sont les vaches-mères qui ont connu la plus forte hausse au cours des dix dernières années, tandis que les autres catégories de bovins étaient en recul. La baisse de vaches laitières et de jeune bétail estivés ne pèse pas tant dans la balance car elle est en partie la conséquence de la conversion à l’élevage de vachesmères, qui de leur côté sont partiellement estivées (Lauber et al. 2011, p. 16; cf. aussi fig. 5, en haut). Pour les dix prochaines années, les exploitants d’alpage s’attendent à une nouvelle augmentation des vaches-mères estivées et à un recul des vaches laitières (fig. 5, en bas). Selon les chefs d’exploitations de base avec estivage interrogés, cette évolution est une des cinq raisons principales pour un changement d’alpage, car la cohabitation de vaches laitières et de vaches-mères sur un même alpage est considérée comme problématique. Par conséquent, les conversions effectives ou prévues à l’élevage de vaches-mères peuvent être sources de conflits dans les alpages.
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Importance du personnel de l’alpage Nos résultats montrent clairement le rôle clé joué par le personnel d’alpage. La présence de personnel compétent et bien formé s’est avérée le critère essentiel pour le choix d’un alpage, tandis que le mauvais encadrement des animaux est la raison la plus fréquemment citée pour un changement d’alpage. Les prestations du personnel de l’alpage sont particulièrement capitales pour les éleveurs qui ne se rendent pas eux-mêmes à l’alpage et qui ont donc souvent affaire à des employés (fig. 6, à droite). Selon l’Ordonnance sur les contributions d’estivage (OCest), l’octroi desdites contributions n’est pas lié à la formation du personnel d’alpage à l’économie alpestre. C’est là un dilemme classique: le personnel d’alpage est un facteur clé du succès de l’alpage, mais conditionner l’octroi des contributions d’estivage à la formation du personnel menacerait probablement de nombreuses exploitations d’alpage, sachant que la demande de personnel est nettement supérieure à l’offre. Afin de garantir un travail de qualité avec du personnel qui de plus en plus souvent n’est pas d’origine agricole (Schweizer 2001), les conditions de travail sont centrales, car c’est la seule manière de limiter les changements de personnel et de rentabiliser ainsi les investissements dans la formation des employés. Sinon, les qualifications risquent d’être insuffisantes et le savoir de se perdre.
Conclusions L’économie alpestre reste très ancrée dans l’agriculture suisse. Preuve en est le fort pourcentage d’exploitations de base avec estivage. On peut supposer que le sens élevé des traditions y est pour beaucoup. En ce qui concerne les animaux estivés, les anciens modèles commencent à s’effriter. L’estivage de vaches-mères remplace partiellement l’estivage traditionnel de vaches laitières et de jeune bétail. Cette modification de l’effectif animal nécessitera une bonne planification à l’avenir, pour prévoir où estiver quels animaux et sur quel alpage. Un autre enjeu consistera à prendre en compte le rôle clé joué par le personnel dans l’attractivité exercée par l’alpage. n
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Economia alpestre in Svizzera: sondaggi sulla situazione e scelta delle aziende d'estivazione Come accade per l'agricoltura nella regione di pianura, anche l'economia alpestre sta attraversando una fase di profondi cambiamenti. Nell'ambito del progetto collettivo AlpFUTUR, sono stati condotti tre sondaggi scritti a campione rappresentativo, tra i gestori di aziende alpestri e di aziende principali che estivano o non bestiame per conoscere fatti, opinioni e valutazione. Dai risultati emerge, tra le altre cose, che in Svizzera il vincolo dell'economia alpestre con l'agricoltura continua a essere forte: d'estate, il 48 per cento delle aziende agricole che allevano animali estiva proprio bestiame sull'alpe. Più della metà degli intervistati attribuisce alla tradizione la stessa importanza che alla redditività. Oltre alla suddivisione tradizionale del lavoro tra detenzione di bestiame da latte nelle aziende principali e allevamento di bestiame giovane sull'alpe, aumenta anche l'importanza della detenzione di vacche madri sugli alpeggi. Il fattore chiave che porta alla scelta delle aziende d’estivazione è la presenza di personale addetto competente e ben formato.
Summary
Riassunto
Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la s ituation et le choix des exploitations d’estivage | Economie agricole
Alpine summer farming in Switzerland: surveys on the situation and choice of alpine summer farms In parallel with agriculture in the lowlands, alpine summer farming is also currently in a state of change. Within the framework of the inter- and transdisciplinary research programme AlpFUTUR, three representative written surveys were carried out in which managers of alpine summer farms as well as of summer-pasturing and non-summer-pasturing home farms were asked for facts, opinions and ratings. The results show inter alia that alpine summer farming is still strongly rooted in Swiss agriculture, with 48 % of livestock-keeping farms arranging for summer-pasturing of animals. Over half of those surveyed attributed as much importance to tradition as to economic efficiency in the decision to do so. Whilst the traditional division of labour between dairy farming on the home farm and heifer rearing on alpine pastures continues to exist, the importance of suckler-cow farming is also increasing on the Alps. A competent, well-trained workforce emerged as a clear key factor in the choice of alpine summer farms. Key words: alpine summer farming, deciding factors, livestock keeping.
Bibliographie ▪▪ Baur P., Müller P. & Herzog F., 2007. Alpweiden im Wandel. A grarforschung 14 (6), 254–259. ▪▪ OFAG, 2004. Rapport agricole 2004. OFAG, Berne. ▪▪ OFAG, 2008. Rapport agricole 2008. OFAG, Berne. ▪▪ OFAG, 2011. Rapport agricole 2011. OFAG, Berne. ▪▪ Fischer M., 2011. Einflussfaktoren der Sömmerungsnachfrage. Unter w elchen Umständen würden Sie Tiere sömmern? WSL, Birmensdorf. 2 ▪▪ Fischer M., von Felten S. & Lauber S., 2012. Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage. Recherche Agronomique Suisse 3 (4), 194–201. ▪▪ Lauber S., Calabrese C., von Felten S., Fischer M. & Schulz T., 2011. Evaluation der Sömmerungsbeitragsverordnung (SöBV) und alternativer Steuerungsinstrumente für das Sömmerungsgebiet. ART, Ettenhausen, et WSL, Birmensdorf. 2
▪▪ Raaflaub M. & Durgiai B., 2010. Typisierung von Sömmerungsbetrieben in der Schweiz und ihre Kriterien. HESA, Zollikofen. ▪▪ Schweizer A., 2001. Von StädterInnen, die z’Alp gehen. Mémoire de d iplôme, Université de Berne, Berne. ▪▪ von Felten S., 2011a. Situation der Alpwirtschaftsbetriebe in der Schweiz. Resultate einer Befragung von Sömmerungsbetrieben. WSL, Birmensdorf. 2 ▪▪ von Felten S., 2011b. Weshalb sömmern Sie Ihre Tiere? Resultate einer Befragung von sömmernden Heimbetrieben. WSL, Birmensdorf. 2
Accès à tous les rapports du projet partiel: http://www.alpfutur.ch/analyse- politique [20.03.2012]
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E c o n o m i e
a g r i c o l e
Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage Markus Fischer1, Stefanie von Felten2 et Stefan Lauber2 1 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich 2 Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, 8903 Birmensdorf Renseignements: Stefan Lauber, e-mail: stefan.lauber@wsl.ch, tél. +41 44 739 24 83
Figure 1 | Si les exploitations de base peuvent étendre leur surface fourragère, elles renonceront probablement à l’estivage. (Photo: Markus Fischer)
Introduction et méthode Les changements sociaux généraux et le changement structurel agricole dans les exploitations de base se répercutent sur l’économie alpestre, en raison du lien traditionnellement fort entre exploitations d’alpage et exploitations de base des régions de montagne et de plaine (Kirchengast 2006; Lauber et al. 2008). Du point de vue des exploitations de base, l’extension de la base
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fourragère est le principal motif pour estiver les animaux (Rudmann 2004). Par conséquent, toute modification de la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base se répercute sur la charge en bétail de la zone d’estivage. Lorsque des exploitations abandonnent l’estivage pour cause d’extension de leur propre surface fourragère, les places libérées à l’alpage ne seront pas forcément réoccupées. Afin d’interpréter correctement la tendance ambiguë de l’évolution de la charge en
Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage | Economie agricole
Résumé
bétail1, il convient de prendre non seulement en compte les facteurs de décision liés à la production et à l’économie d’entreprise, mais aussi les valeurs culturelles et traditionnelles (Rudmann 2004). Cet article a été rédigé dans le cadre du projet partiel 13 «Analyse politique» qui fait partie du projet intégré «AlpFUTUR – Avenir des pâturages d’estivage en Suisse». Il est centré sur les résultats des enquêtes sur la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base et sur les obstacles qui freinent l’accès à l’estivage des exploitations qui ne s’adonnent pas à cette pratique. Tous les résultats proviennent d’enquêtes écrites réalisées en 2010 auprès d’exploitations de base avec estivage (von Felten 2011) et sans estivage (Fischer 2011). Les méthodes de relevé, les échantillons, les réponses et le dépouillement sont décrits dans l’article de von Felten et al. (2012, dans ce numéro). Les résultats présentés ici sont basés essentiellement sur des exploitations quantitatives des données. La saisie des raisons qui ont conduit à l’abandon de l’estivage s’est faite de manière qualitative (question ouverte), les réponses ont été classées en différentes catégories selon leur contenu et ont ensuite été discutées à l’échelle de ces catégories.
Résultats des enquêtes Raisons de l’estivage des animaux par les exploitations de base Les chefs d’exploitations de base qui envoient leurs animaux à l’alpage (n = 856), ont été interrogés pour savoir quelles étaient les principales raisons qui les conduisaient à estiver leur bétail (von Felten 2011). Le questionnaire répertoriait quinze raisons potentielles que les personnes interrogées pouvaient noter sur une échelle de quatre degrés (de «pas important du tout» à «très important») ou associer à la mention «ne s’applique pas». Les principales raisons d’estivage de l’ensemble des exploitations interrogées sont (1) l’extension de la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base, (2) l’effet positif sur la santé animale et (3) l’allègement du travail dans l’exploitation de base. La figure 2 montre l’importance des raisons relevées à la fois pour l’ensemble des chefs d’exploitations de base avec estivage (à gauche), ainsi que pour les exploitations qui estivent elles-mêmes leurs animaux (au centre) et pour celles qui ne les estivent pas elles-mêmes (à droite). Pour ces deux groupes, l’extension de la surface fourragère disponible dans l’exploitation de base est la principale raison de l’estivage. L’effet positif sur la santé animale est également considéré comme très important par toutes les exploitations. Le fait que l’allègement du travail dans
L’évolution de l’économie alpestre dépend largement de celle des exploitations de base. Selon des enquêtes représentatives effectuées en Suisse auprès d’exploitations de base avec estivage (n = 856) et sans estivage (n = 233), la surface fourragère disponible dans l’exploitation agricole de base est un paramètre clé de la demande d’estivage. C’est à la fois la principale raison de l’estivage et du non-estivage, et aussi la raison potentielle et effective d’abandon de cette pratique. Dans les années à venir, il est probable que de plus en plus d’exploitations renoncent à l’estivage, car la moitié des exploitations interrogées ont exprimé le souhait d’accroître la base fourragère dans leur exploitation. De surcroît, les résultats des enquêtes indiquent que seules peu d’exploitations pourraient renouer avec l’estivage ou débuter avec cette pratique: d’une part, les exploitations n’ayant encore jamais eu d’animaux à l’alpage, ne vont guère commencer à le faire. D’autre part, on ne peut pas s’attendre à ce que les exploitations qui estivaient autrefois renouent avec la tradition, car l’abandon de l’estivage était généralement la conséquence de changements importants et durables dans l’exploitation de base, comme l’extension de la surface fourragère.
Le nombre des pâquiers normaux estivés en 2000 (année de la conversion de la statistique des contributions d’estivage aux pâquiers normaux) n’a plus été atteint depuis. Après un plancher absolu en 2004, des chiffres plus élevés de pâquiers normaux ont régulièrement été atteints depuis lors, ce qui relativise un peu les craintes de Mack et Flury (2008). Ces derniers supposent que la hausse des contributions d’estivage ne suffira pas à freiner la tendance au déclin de cette pratique (Lauber et al. 2011).
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Economie agricole | Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage
L’économie alpestre et la vie sur l’alpage font plaisir Existence d’un propre alpage Bonne création de valeur par la vente de produits d’alpage (fromage d’alpage et autres) Produits d’alpage pour les propres besoins Tradition; en règle générale, les exploitations de ma région estivent leurs animaux Contributions d’estivage
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Parcelles de l'exploitation de base trop éloignées et / ou trop morcelées
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Soutien de la division du travail entre agriculture de plaine (production) et de montagne (élevage) Exportation d’engrais de ferme de l’exploitation de base (plus de facilités à respecter les PER)
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Plutôt pas important
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Pas important du tout
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Ne s’applique pas
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250
Très important
Décharge de travail sur l’exploitation de base
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Plutôt important
Effet positif sur la santé animale
Exploitants qui n’estivent pas eux-mêmes leurs animaux (n = 597)
Plutôt pas important
Extension de la surface fourragère pour l’exploitation de base
Exploitants qui estivent eux-mêmes leurs animaux (n = 134)
Pas important du tout
Tous les chefs d’exploitations de base avec estivage (n = 731)
Figure 2 | Raisons d’estivage des exploitations de base. Les catégories de réponses sur l’axe des x viennent compléter la phrase suivante «Pour l’estivage, le critère est …». La figure présente le nombre de réponses pour quinze raisons d’estivage, classées par ordre d’importance (moyenne de classement des catégories de réponses gris clair, ligne pointillée). Le nombre de réponses «Ne s’applique pas» est représenté en gris foncé et n’a pas été pris en compte pour le calcul de la moyenne de classement des catégories. La figure représente les diagrammes de tous les exploitants (colonne de gauche, somme de la colonne centrale et de la colonne de droite), des exploitants qui estivent eux-mêmes leurs bêtes (au centre), et des exploitants qui n’estivent pas eux-mêmes leurs bêtes (à droite). Seules ont été prises en compte les exploitations qui ont donné une réponse aux quinze raisons d’estivage.
l’exploitation de base pendant la période d’estivage soit aussi une raison décisive, vient de la réponse des exploitants qui ne gèrent pas eux-mêmes leurs animaux à l’alpage (fig. 2, à droite). En effet, ceux qui se rendent euxmêmes à l’alpage ne voient généralement pas leur travail allégé, mais plutôt accru (fig. 2, au centre: 41 % des exploitants ont coché la réponse «ne s’applique pas»). Dans ce groupe, outre l’extension de la surface fourragère, l’existence de droits d’alpage ou d’un alpage
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propre est souvent une raison capitale de l’estivage. Raisons du non-estivage des animaux par les exploitations de base Dans l’enquête auprès des exploitations sans estivage (n = 233; Fischer 2011), 24 raisons potentielles ont été répertoriées pour expliquer pourquoi les personnes interrogées n’estivaient aucun animal. Ces raisons pouvaient ensuite être évaluées sur une échelle de cinq degrés (de «ne correspond pas du tout» à «correspond
Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage | Economie agricole
Tableau 1 | Facteurs influençant le non-estivage. Le tableau représente les seize raisons proposées qui définissent les cinq facteurs obtenus à partir de l’analyse factorielle (analyse en composantes principales). Ils expliquent 68,0 % de la variance totale (contribution des f acteurs entre parenthèses). Des moyennes d’échelle ont été calculées pour les facteurs (cf. fig. 4). Raisons proposées pour le non-estivage Je n’estive pas d’animaux parce que …
Facteurs d’influence Facteur 1: Contact limité avec l’économie alpestre (32,1 %)
Facteur 2: Raisons économiques, organisationnelles et administratives (13,1 %)
… je n’ai pas de droit d’alpage ou ne possède pas d’alpage … il est difficile d’obtenir des droits d’alpage … personne ne m’a offert des places d’estivage … je n’ai pas de contact personnel avec un alpage … les frais d’estivage sont trop élevés par rapport à l’intérêt financier … le coût du transport des animaux est trop élevé … les contributions à l’estivage sont trop faibles … le travail pour trouver une place pour les animaux est trop grand … le travail administratif (beaucoup de formulaires) est trop grand … le personnel d’alpage est mal formé … le personnel d’alpage change souvent … il est difficile de trouver un alpage bien géré
Facteur 3: Personnel (8,4 %) Facteur 4: Bien-être des animaux (8,0 %) Facteur 5: Offre de fourrage (6,4 %)
… le risque d’accident et de chute est trop grand sur l’alpage … le risque de tomber malade est trop grand pour les animaux … la qualité du fourrage de l’alpage est insuffisante pour mes animaux … la durée d’estivage est trop courte
tout à fait»). Toutes les raisons ne sont pas indépendantes les unes des autres. Une analyse factorielle (analyse en composantes principales) a permis de déterminer cinq facteurs indépendants les uns des autres. Huit des vingt-quatre raisons citées ont progressivement été exclues de l’analyse factorielle pour des questions de statistique et de contenu, de sorte que seules seize raisons ont été intégrées à l’analyse finale pour la définition des facteurs. Les facteurs obtenus représentent chacun un groupe d’au moins deux raisons différentes justifiant le non-estivage (tabl. 1)2. Pour des raisons statistiques également, la raison «suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation» a été exclue de l’analyse factorielle. Elle conserve néanmoins son importance comme raison d’estivage et est donc considérée avec les autres facteurs issus de l’analyse. La figure 3 présente le nombre des réponses pour chacune des seize raisons potentielles de non-estivage, qui ont servi de base à l’analyse factorielle, ainsi que pour la raison «suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation» (pour les exploitations avec et sans inten-
2 Des informations approfondies et des chiffres-clés sur l‘analyse sont disponibles dans Fischer (2011).
3 30 % des chefs des exploitations sans estivage peuvent s’imaginer envoyer des animaux à l’alpage dans les dix années à venir («exploitations avec intention d’estivage»). Avec les 17 % des chefs d’exploitations qui n’ont pas d’avis précis sur la question («exploitations avec estivage éventuel»), environ la moitié des exploitations (47 %) peuvent par conséquent être considérées comme des exploitations potentielles avec estivage. 53 % des chefs d’exploitation ne veulent pas estiver d’animaux à l’avenir non plus («exploitations sans intention d’estivage») (n = 233).
tion d’estivage3). Plus des trois quarts (79 %) des exploitations sans intention d’estivage considèrent la disponibilité d’une surface fourragère suffisante dans l’exploitation agricole de base comme une raison importante à très importante pour ne pas envoyer d’animaux à l’alpage. 54 % des exploitations qui pourraient envisager un estivage dans les dix prochaines années ont tout de même elles aussi cité cette raison. La figure 4 présente les moyennes des cinq facteurs extraits, pour les exploitations avec et sans intention d’estivage ainsi que pour les exploitations qui n’expriment aucune intention claire quant à l’estivage. La raison «suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation» est de nouveau représentée. Raisons d’un (éventuel) abandon de l’estivage par les exploitations de base Les chefs d’exploitations avec estivage ont été interrogé sur deux points: sur la probabilité de changements dans leur exploitation au cours des dix prochaines années («Quelle est la probabilité des changements figurant dans le tableau sur votre exploitation de base ou sur l’alpage dans les dix prochaines années?») ainsi que sur la probabilité d’un abandon de l’estivage si ces changements venaient à se concrétiser (von Felten 2011). De nouveau, différentes raisons ont été proposées, que les personnes interrogées pouvaient évaluer sur une échelle de quatre ou trois degrés4. Pour 48 % des exploitations, il est probable que la surface fourragère sera étendue dans les dix années à venir. Si tel est le cas, et selon les «Pas possible», «improbable», «probable», «s’applique déjà», resp. «pas possible», «improbable», «probable».
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Economie agricole | Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage
Exploitations avec intentions d’estivage (n = 62) … il y a suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation .… je n’ai pas de droit d’alpage ou ne possède pas d’alpage … je n’ai pas de contact personnel avec un alpage … il est difficile d’obtenir des droits d’alpage .… le coût du transport des animaux est trop élevé … les contributions à l’estivage sont trop faibles … les frais d’estivage sont trop élevés par rapport à l’intérêt financier … il est difficile de trouver un alpage bien géré … le travail administratif (beaucoup de formulaires) est trop grand … personne ne m’a offert des places d’estivage … le personnel d’alpage change souvent … le travail pour trouver une place pour les animaux est trop grand … le risque d’accident et de chute est trop grand sur l’alpage
Exploitations sans intention d’estivage (n = 108)
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… le risque de tomber malade est trop grand pour les animaux
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… la durée d’estivage est trop courte
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… le personnel d’alpage est mal formé
… la qualité du fourrage de l’alpage est insuffisante pour mes animaux
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Ne correspond pas du tout
Correspond plus ou moins
Correspond tout à fait
Ne correspond pas du tout
Correspond plus ou moins
Correspond tout à fait
Figure 3 | Raisons pour lesquelles les exploitations de base n’estivent pas. Réponses à la question suivante: à quel point les raisons mentionnées pour ne pas estiver d’animaux s’appliquent-elles («Je n’estive pas d’animaux parce que…»). La figure représente le nombre de réponses (moyenne, ligne en pointillés) aux seize raisons qui sont importantes pour les facteurs d’influence énumérés dans la figure 4, ainsi qu’à la raison de non-estivage «suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation». Les résultats des exploitations avec intention d’estivage (à gauche) côtoient ceux de celles sans intention d’estivage (à droite). Seules ont été prises en compte les exploitations qui ont donné une réponse aux seize raisons de non-estivage.
réponses obtenues, 28 % des exploitations considèrent un abandon de l’estivage comme vraisemblable. Le fait qu’il y aura une génération (parents ou enfants) en moins pour participer au travail est aussi un des changements probables (pour 41 % des exploitations), qui favoriserait l’abandon de l’estivage. Dans un tel cas, 26 % des exploitations considèrent l’abandon de l’estivage comme vraisemblable.
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La présence d’une surface fourragère suffisante était la raison la plus fréquemment citée pour l’abandon de l’estivage par les 47 exploitations de base sans estivage, qui avaient envoyé au moins une fois des animaux à l’alpage entre 2000 et 2010 (Fischer 2011). C’est le résultat d’une question ouverte sur les trois principales raisons qui ont motivé l’abandon de l’estivage (première raison, deuxième raison, troisième raison par ordre d’importance).
Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage | Economie agricole
Intention d’estivage de l’exploitation Oui Peut-être Non Raison: suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation (n = 222)
3,80 3,68 4,43
Facteur 1: Contact limité avec l’économie alpestre (n = 216)
3,22 3.19 2,79
Facteur 2: Raisons économiques, organisationnelles et administratives (n = 210)
2,91 2,96 2,77
Facteur 3: Personnel (n = 213)
2,54 2,64 2,39
Facteur 4: Bien-être des animaux (n = 210)
2,27 2,54 2,35
Facteur 5: Offre de fourrage (n = 215)
1,98 2,26 2,03
Ne correspond pas du tout
Moyenne des exploitations
Correspond plus ou moins
Correspond tout à fait
Abb. 4 | Importance des facteurs d’influence pour le non-estivage (les bâtons indiquent les intentions d’estivage des exploitations, le chiffre à l’extrémité gauche du bâton représente la moyenne correspondante). A côté des cinq facteurs obtenus (moyennes d'échelle) à l ’issue de l’analyse factorielle (tabl. 1), la raison «suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation» est également représentée séparément comme dans la figure 3. La moyenne de cette raison est nettement plus élevée que les moyennes des facteurs extraits. A noter que les exploitations sans intention d’estivage accordent nettement plus d’importance à la raison principale de non-estivage (suffisamment de surface fourragère sur l’exploitation) que les exploitations avec intention d’estivage.
Discussion La surface fourragère disponible dans l’exploitation de base est un critère décisif lorsqu’il s’agit d’opter pour l’estivage ou de l’abandonner. C’est ce que montrent les résultats des enquêtes à plus d’un titre: premièrement, l’extension de la surface est la principale raison d’estivage pour les exploitations de base qui le pratiquent, deuxièmement, une surface fourragère suffisante dans l’exploitation de base est également la principale raison de non-estivage tout comme, troisièmement, la raison potentielle d’abandon de cette pratique par les exploitations avec estivage et enfin, quatrièmement, la raison effective d’abandon des exploitations qui n’estivent plus. Probabilité accrue d’abandon L’extension de la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base est l’argument décisif pour l’estivage dans les exploitations agricoles.
Bien que l’économie alpestre reste très ancrée dans l’agriculture suisse – 48 % des exploitations détenant des animaux en Suisse estivent leur bétail (von Felten et al. 2012) – il est probable que de plus en plus d’exploitations renoncent à l’estivage dans les années à venir. Une exploitation de base sur deux estime qu’elle pourra accroître sa propre surface fourragère dans les dix prochaines années et considère ce changement comme une raison pour un abandon éventuel de l’estivage (von Felten 2011). Les perspectives d’extension sont-elles réalistes ou seulement une vue de l’esprit? Les résultats de l’enquête ne permettent pas de le savoir. Pour les exploitations qui ont abandonné l’estivage ces dix dernières années, la présence d’une surface fourragère suffisante était toutefois la principale raison. Le fait que la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base soit le facteur décisif pour l’estivage confirme les résultats de Rudmann (2004). Les gérants d’alpage qu’elle a interrogés estiment que l’utilité prin-
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Economie agricole | Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage
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cipale de l’estivage pour les exploitations de base est qu’il complète le fourrage de base. La qualité du fourrage, la durée de l’estivage et les aspects liés au bien-être des animaux n’interviennent quasiment pas dans la décision de ne pas estiver. Les exploitants semblent avoir peu d’hésitations à ce sujet.
nelles et administratives. A côté des facteurs purement financiers comme les coûts du transport et de l’alpage, la charge administrative empêche beaucoup d’envisager l’estivage.
Peu de nouveaux-venus potentiels Par rapport aux abandons potentiels, le nombre potentiel de nouveaux-venus est très réduit. Les exploitations sans estivage interrogées, qui pourraient s’imaginer adopter cette pratique (30 %), sont principalement des exploitations qui ont abandonné l’estivage au cours des dix dernières années suite à d’importants changements dans l’exploitation de base (p. ex. extension de la surface fourragère) (Fischer 2011). Le fait que ce soit surtout des exploitations qui pratiquaient l’estivage autrefois qui envisagent de reprendre, montre que des facteurs culturels et traditionnels (p. ex. tradition et expérience de l’estivage) jouent également un rôle dans la décision d’estiver (von Felten 2012; Rudmann 2004). Néanmoins, on peut supposer que ce seront surtout la surface fourragère disponible et la situation future de l’exploitation de base qui détermineront la décision d’estiver, notamment pour les exploitants qui ne se rendent pas eux-mêmes à l’alpage ou qui ne possèdent pas de droits d’alpage. Plus de la moitié des exploitations sans estivage interrogées ne veulent pas non plus estiver d’animaux dans les dix prochaines années. Pour beaucoup de ces exploitations qui excluent l’éventualité de l’estivage, cette pratique n’est pas intéressante du fait de l’orientation et de la situation de leur entreprise. Bien que les chefs des exploitations sans estivage aient conscience des fonctions et des prestations de l’économie alpestre et lui reconnaissent une grande importance à plus d’un titre (Fischer 2011), ils opposent à l’estivage, outre l’existence d’une surface fourragère suffisante dans l’exploitation de base, des raisons économiques, organisation-
La demande d’estivage dépend beaucoup de la surface fourragère disponible dans l’exploitation de base. Par conséquent, la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base peut être considérée comme le paramètre clé de la décision d’opter pour l’estivage. Suivant la structure et la situation de l’exploitation, d’autres critères que la surface fourragère dans l’exploitation agricole de base interviennent dans la décision, notamment dans les exploitations où l’estivage est une question d’expérience et de tradition. Les exploitations qui n’ont jamais pratiqué l’estivage jusqu’ici ont peu de chance de s’y mettre à l’avenir, car chez elles, les réflexions relatives à cette pratique ne jouent pratiquement aucun rôle dans la planification. Pour qu’à l’avenir, plus d’exploitations sans estivage décident d’opter pour ce procédé, des efforts pourraient être faits d’abord sur le plan de la mobilité des droits d’alpage entre les exploitations de base et sur le contact personnel entre les exploitations d’alpage et les exploitations de base. Par ailleurs, les coûts de transport et les contributions d’estivage restent des paramètres importants pour l’occupation des alpages. n
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Conclusions
www.alpfutur.ch
Superficie foraggiera propria: parametro chiave della domanda d'estivazione Lo sviluppo dell'economia alpestre è fortemente legato a quello delle aziende principali. Secondo i sondaggi a campione rappresentativo tra le aziende principali che estivano (n = 856) e non (n = 233), in Svizzera la superficie foraggiera disponibile sull’azienda di base costituisce un parametro decisivo per la domanda d'estivazione: è il fattore principale in base al quale si decide di estivare o no il bestiame ed è un motivo potenziale ed effettivo di abbandono della stessa. Nei prossimi anni si prospetta un'ulteriore flessione degli animali estivati, considerato che la metà delle aziende auspica di ingrandire la superficie foraggiera dell’ azienda di base. I risultati dei sondaggi indicano, inoltre, la disponibilità di solo pochi gestori a cominciare o a riprendere l'estivazione. Da un lato, saranno pochissime le aziende che non hanno mai estivato i propri animali sull'alpe e cominceranno a farlo; dall'altro non si può contare sulla ripresa dell'estivazione da parte di aziende che la facevano in passato, poiché nella maggior parte dei casi l'avevano abbandonata in seguito a cambiamenti a lungo termine nell'azienda di base, come l'estensione della superficie foraggiera.
Summary
Riassunto
Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage | Economie agricole
Home-farm forage area – a key parameter of summer-grazing demand The development of alpine summer farming strongly depends on the development of the home farms. According to representative surveys of summer-pasturing (n = 856) and nonsummer-pasturing (n = 233) home farms in Switzerland, the available forage area on the home farms is a key parameter of the demand for summer pasturing, being both the most important reason for summer pasturing or not, as well as a potential and actual reason for exiting summer pasturing. In coming years, a scenario of increased opting-out is probable, since half of the farms articulate a wish to increase the homefarm forage area. Added to this, according to survey results, is the low likelihood of farmers entering or returning to the summer-pasturing option. For one thing, the survey indicates that very few farms that have previously never sent animals for summer grazing in alpine pastures will start to do so. Moreover, the return of large numbers of farms which previously summer-pastured their livestock is not to be expected, since opting out was in most cases a result of major – and therefore probably fairly long-term – changes on the home farm such as e.g. expansion of the forage area. Key words: alpine summer farming, deciding factors, forage area, livestock keeping, summer farm exit.
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▪▪ Mack G. & Flury C., 2008. Wirkung der Sömmerungsbeiträge. A grarforschung 15 (10), 500–505. ▪▪ Rudmann C., 2004. Langfristige Sicherung der Funktionen der schweizerischen Alpbetriebe. Thèse de doctorat EPF Zurich. Accès: http://e-collection.ethbib.ethz.ch/show?type=diss&nr=15680 [05.01.2011] ▪▪ von Felten S., 2011. Weshalb sömmern sie ihre Tiere? Resultate einer Befragung von sömmernden Heimbetrieben. WSL, Birmensdorf. 5 ▪▪ von Felten S., Fischer M. & Lauber S., 2012. Economie alpestre en Suisse: enquêtes sur la situation et le choix des exploitations d’estivage. Recherche Agronomique Suisse 3 (4), 186–193. 5 Accès à tous les rapports du projet partiel: http://www.alpfutur.ch/analyse- politique [20.03.2012]
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 194–201, 2012
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P r o d u c t i o n
a n i m a l e
Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés Gerald Stranzinger1, Josef Achermann2, Fengtang Yang3 et Dominik Burger4 EPFZ et VetsuisseZurich, Breedingbiology, 8092 Zurich 2 Genetica AG Zurich, 8001 Zurich 3 The Wellcome Trust Sanger Institute, Wellcome Trust Genome Campus, Hinxton, Cambridge, UK 4 Haras national suisse HNS, 1580 Avenches Renseignement: Gerald Stranzinger, Im Grund 27, 8123 Ebmatingen 1
Alpha (croisement jument) et Beta-poulain Trolle (père Begase).
Introduction La famille des équidés comprend des nombres chromosomiques allant de 2n = 32 (E. zebra hartmannae) à 2n = 66 (E. przewalskii); (Ryder, Epel et Benirschke 1978). Le cheval domestique (E. caballus) avec 2n = 64 chromosomes ne remonte pas au cheval Przewalski, la séparation évolutive ayant eu lieu il y a environ 2 millions d’années (Oakenfull et al. 2000; Graphodatsky et Yang 2008); les ancêtres directs de nos chevaux domestiques ont disparu. Dans les espèces d’équidés encore existantes, la fécondité des produits de croisement est très fortement limitée, à l’exception de ceux entre cheval domestique et Przewalski. Les mulets et les bardots (2n = 63) issus de croisements entre cheval et âne sont stériles à près de 100 %, et le développement des gonades diffère fortement entre les sexes. Les mulets et bardots femelles présentent un développement ovarien quasi complet, avec
202
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 202–207, 2012
maturation d’oocytes et ovulation. Les mulets et bardots mâles développent une spermatogénèse dégénérative jusqu’à la puberté, leur éjaculat ne contenant pratiquement pas de spermatozoïdes (Allen et Short 1997). On a aussi étudié la désactivation des chromosomes X (hypothèse de Lyons – Lyon,1961) chez les mulets femelles, et observé une désactivation préférentielle des chromosomes X asiniens; l’augmentation de l’âge des individus peut conduire à une sélection contre les cellules contenant le X asinien, d’où résulte une domination des cellules porteuses du X chevalin. Les X chevalin et asinien se différencient aussi sur le plan morphologique, le X chevalin étant métacentrique et le X asinien acrocentrique. Plusieurs différences s’observent entre les chromosomes autosomes asiniens et chevalins, qui peuvent en partie être mises en évidence grâce à des colorations par bandes (Yang et al. 2003; Trifonov et al. 2008). Du point de vue morphologique, les chromosomes X sont identiques entre le cheval domestique et le Przewalski; pourtant, une fusion selon Robertson entre les chromosomes 23 et 24 ramène à 2n = 64 le nombre de chromosomes chez le cheval domestique; il en est issu le chromosome n° 5 typique du cheval. Ce fait a été documenté par des attributions de gènes (Ahrens 2004). La population Przewalski, qui était pratiquement éteinte, a été si bien reproduite dans les jardins zoologiques au cours des 50 dernières années que des programmes de mise en liberté sont devenus possibles en Mongolie. Bien entendu, cette situation soulève de nouvelles questions, auxquelles on trouvera réponse par des analyses génétiques, études de comportement et autres expériences scientifiques (Feh et Munkhtuya 2008). Des cartes chromosomiques comparatives et des analyses géniques ont fortement contribué à démarquer entre eux les différents équidés; en particulier, des colorations par bandes, des hybridations in situ et des analyses génomiques par scannage des chromosomes se sont avérées très utiles (Ansari et al. 1988; Bowling et al. 1997; Yang et al. 2003; Trifonov et al. 2008). Pour des raisons juridiques et biologiques, les essais de croisement entre
les espèces d’équidés ne sont possibles que de manière très restreinte; pourtant, les observations développées ci-après permettraient d’en déduire des connaissances de grande valeur.
Matériel et méthodes L’étalon Przewalski provient du jardin zoologique de la Ville de Zurich (Langenberg), qui détient un troupeau Przewalski et des animaux rassemblés en vue de l’essai de mise en liberté en Mongolie. Un jeune étalon a été isolé d’un groupe de trois (étourdissement à l’aide d’un fusil narcotisant Teleinject-France et d’une seringue 3 ml S300V réutilisable), puis, à l’aide d’une clôture spéciale, il a été mis en présence d’une jument Haflinger en vue d’accouplement (fig. 1 a). L’accouplement, la gestation et la misebas ont été enregistrés par caméra vidéo. De même, l’élevage du poulain Alpha (fig. 1b), son développement, l’insémination avec la semence asinienne des baudets Babalu (fig. 1c) et Begase (fig. 1d), ainsi que la naissance des quatre poulains (Beta Jojo, Beta Lars, Beta Jasmin et Beta Trolle – de père Begase; fig. 1 e, f, g, h) ont été saisis et documentés avec précision. Des échantillons de sang et de poils ont été prélevés sur tous les animaux, et des cultures rapides de leucocytes (protocole de Genetica pour chromosomes humains) ont été établies pour l’analyse chromosomique. De plus, des biopsies musculaires ont été prélevées sur les animaux fondateurs, et des cultures de fibroblastes ont été faites (Ahrens 2004). Des préparations par bandes Q ont été mises en valeur par le système d’analyse Zeiss, et des caryogrammes ont été établis pour les animaux parents et pour Alpha. Puis les taux de testostérone ont été déterminés pour quelques animaux (tabl. 2). D’autre part, une étude histologique du placenta a été faite pour l’animal croisé Alpha lors de sa première mise-bas (naissance du poulain Beta Jojo; fig. 2a); enfin, une étude histologique des testicules a été faite pour le poulain mâle Beta Lars (fig. 2b). Chez le mâle croisé, les analyses méiotiques ont été élaborées par la méthode de préparation conventionnelle pour la représentation de diakinèses, de même que par l’étude du complexe synaptonémal. Toutes les particularités comportementales particulières ont été documentées.
Résultats Analyses cytogénétiques Le tableau 1 contient les résulats chromosomiques de tous les animaux étudiés dans la famille de croisements. La représentation des caryogrammes n’a été réalisée que pour les animaux fondateurs et la jument Alpha, la séquence des chromosomes dans les caryogrammes
Résumé
Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés | Production animale
Les croisements entre cheval et âne se produisent dans la nature; leurs produits, mulets et bardots, sont utilisés en agriculture. Les autres genres de croisement sont rares et peu étudiés. Les essais systématiques de croisement ne peuvent être conduits que sur autorisation exceptionnelle, ils sont fastidieux et coûteux, et par conséquent rarement entrepris. Dans le présent travail, des produits de croisements entre cheval domestique, Przewalski et âne, sont étudiés sur les plans cytogénétique et histologique, et leurs particularités en reproduction y sont décrits. Tous les animaux possédaient un jeu de chromosomes normal, conformément aux combinaisons possibles selon les ségrégations. A l’aide d’un Genomscan partiel, les résultats cytogénétiques ont été confirmés sur les chromosomes sexuels et les EPR 23 et 24. Les répercussions sur le développement évolutif sont discutés.
étant établie selon Hsu et al. (1967), et Ford et al. (1980). Elle n’a pas révélé de différences par rapport aux références bibliographiques et a été publiée dans la thèse de Ahrens (2004). Les chromosomes sexuels X asiniens et équins se distinguent clairement par la position des centromères: le X du cheval est métacentrique, celui de l‘âne est submétacentrique à acrocentrique. Il n’y a pas de différence entre les chromosomes X du cheval et du Przewalski, de sorte qu’il n’a pas été possible de déterminer leur ségrégation en génération Beta, et qu’on a renoncé à faire des études sur marqueurs. Par contre, on peut identifier le chromosome asinien chez les descendants Beta femelles. Cette situation se retrouve clairement dans le Genomscan, où seuls les X asiniens peuvent être identifiés, le reste se composant des chromosomes ECA et EPR ségrégatifs aléatoires (fig. 2). La fig. 2f représente une métaphase de Beta Jasmin, dans laquelle on peut distinguer clairement entre les chromosomes Przewalski EPR 23 et 24 d’une part, et les homologues EAS 23 et 24 d’autre part, puisque les EPR ne comportent pas d’éléments de translocation (parties représentées en rouge). Seul l’étalon Beta Lars a reçu l’ECA 5 (fig. 1f et fig. 2d), chez qui on trouve n chromosomes = 63 (ECA 5q = EAS16 métacentrique - ECA 5 p = EAS 25 acrocentrique); tous les autres descendants d’Alpha possèdent les EPR 23 et 24 (Beta Jojo, Beta Jasmin et Beta Trolle), d’où résulte le nombre chromosomique 2n = 64.
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 202–207, 2012
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Production animale | Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés
a) Etalon Przewalski (66) et jument b) Jument Haflinger (64) Haflinger (64) avec Alpha (65)
c) Baudet Babalu
e) Alpha avec Beta Jojo (64)
g) Beta Jasmin (64)
f) Beta Lars (63)
d) Baudet Begase (62)
h) Alpha avec Beta Trolle (64)
Figure 1 | Famille issue de croisements entre cheval, Przewalski et âne a) Jument Haflinger et étalon Przewalski, b) Jument Haflinger avec poulain F1 Alpha, c) baudet Babalu, d) baudet Begase, e) Alpha avec Beta Jojo, f) Beta Lars, g) Beta Jasmin, h) Alpha avec Beta Trolle. Entre ( ): nombre de chromosomes 2n
Dosage de la testostérone Le tableau 2 montre que chez tous les animaux, les valeurs de testostérone se situent dans le domaine normal, avec toutefois des valeurs très basses chez le baudet Begase (1,31 myg/l), et relativement élevées chez la femelle Alpha (0,19 myg/l). Études histologiques et cytologiques de gonades et de placentas Les préparations testiculaires de Beta Lars n’ont révélé aucune spermatogénèse, par contre des formes dégénératives des spermatogonies (fig. 3), ce qui dénote sa stérilité totale. Ce constat a été confirmé par des préparations cytologiques des stades méiotiques et des préparations synaptoménales complexes. Les préparations his-
tologiques de tissu utérin d’Alina (jument Haflinger, mère d’Alpha) et d’Alpha elle-même n’ont pas révélé de différences (fig. 3a). Observations du comportement Lors de différentes tentatives, le comportement d’Alpha à la saillie était étonnant, aucune saillie n’ayant été possible ni par des étalons équins ni par des baudets. Ces étalons étaient régulièrement utilisés en accouplement au Haras, de sorte que leurs comportements lors de la saillie étaient connus. Alpha a présenté un comportement tellement dominant que tous les étalons ont refusé la saillie, se sont écartés d’Alpha et n’ont plus montré aucun intérêt. Il a fallu recourir à l’insémination pour obtenir les gestations chez Alpha. Il faut mentionner
Tableau 1 | Résultats des analyses chromosomiques et particularités de tous les animaux étudiés Animal
sexe
n analyses
nombre de chrom.
particularités
Haflinger
fem.
2
64
aucune
Przewalski
mâle
1
66
aucune
Alpha
fem.
plusieurs
65
insémination
Beta Jojo
fem.
plusieurs
64
chaleurs fortes
Beta Lars
mâle
plusieurs
63
cryptorchide
Beta Jasmin
fem.
plusieurs
64
aucune
Beta Trolle
mâle
1
64
aucune
Ane, 2 animaux
mâles
plusieurs
62
aucune
Alpha et Beta – désignent en même temps la suite des générations.
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Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés | Production animale
a) Alpha 2n 65
b) Babalu 2n 62
c) Trolle 2n 64
d) Lars 2n 63
e) Jasmin 2n 64
f) Jasmin 2n 64
Figure 2 | Représentation des métaphases a) Jument croisée Alpha (bande G inversée); b) baudet (bande Q); c) mâle Beta Trolle (bande Q); d) mâle Beta Lars (bande Q); e) mâle Beta Jasmin (bande Q); f) mâle Beta Jasmin, Genom Scan; en bleu-blanc: chromosomes X, en vert: EPR 23; en rouge: EPR 24.
qu’Alpha a toujours été portante dès la première insémination, et a donné naissance à 4 poulains. Les mise-bas se sont toujours déroulées normalement et sans problèmes, pendant la nuit; l’élevage des poulains s’est toujours déroulé sans maladies ni accidents, avec de très bons accroissements journaliers. Le stade embryonnaire chez Alpha a été déterminé par ultrasons, les mises-bas enregistrées par caméra, et le développement ultérieur retenu en photographie. Alpha et les animaux Beta ont été soignés et conduits comme tout autre poulain. Le comportement des animaux Beta correspondait à celui de n’importe quel poulain mulassier.
structure des bandes et la position des centromères, et qu’il n’a par conséquent pas été possible de les regrouper selon les standards de bandes équin ou asinien. La structure des chromosomes EAS diffère de celle des chromosomes ECA et EPR et se retrouve aussi chez les individus Beta, indiquant que leur état de fécondité pourrait correspondre à celui des mulets ou des bardots. Le comportement lors de l’accouplement diffère entre les deux espèces équine et asinienne, ce qui n’est pas le cas entre cheval et Przewalski. Seul l’accouplement entre l’étalon Przewalski et la jument Hafling a pu être observé, l’accouplement inverse n’ayant pas été possible pour des
Discussion Tableau 2 | Valeurs de testostérone chez les animaux de l’essai
Chez la totalité des animaux, les études cytogénétiques n’ont révélé aucune anomalie, ni structurelle ni numérique. La ségrégation chez les animaux Beta semble suivre les lois biologiques, puisque les deux formes ont été trouvées pour le ECA 5 et les homologues EPR 23 et 24. Dans plusieurs cas chez les animaux croisés Beta, on ne trouve pas d’homologies parmi les chromosomes asiniens (DiMeo et al. 2009). On a renoncé à établir des caryotypes, à cause de légères différences concernant la
animal
valeur mesurée
valeur de référence
baudet Babalu
5,31 myg/l
(0,5 - 4,0)
baudet Begase
1,31 myg/l
Beta Lars (cryptorchyde)
< 0,02 myg/l
(0,1 – 0,3)
Alpha
0,19 myg/l
(0,02)
Beta Jasmin
<0,02 myg/l
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Production animale | Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés
a) Placenta d'Alpha.
b) Testicules de Beta Lars.
Figure 3 | Coupes histologiques a) du placenta d’Alpha et b) des testicules de Beta Lars (préparations élaborées par le Prof. Dr. Pospischil, Faculté VetSuisse de l’Université de Zurich).
raisons techniques et juridiques. C’est le comportement de la jument Alpha, croisée F1, pendant ses chaleurs, qui était surprenant: les étalons mis en sa présence dans le paddock – mâles équins aussi bien que baudets – n’ont pas pu saillir cette jument en chaleurs et l’ont quittée après quelques tentatives pour ensuite se tenir à grande distance d’elle. Les gestations de la jument F1 n’ont pu être obtenues que par insémination. Malheureusement, il n’a pas été possible de faire l’essai avec un étalon Przewalski, suite à des accords par contrat. En transposant ces observations dans la nature, on peut supposer qu’une sélection a eu lieu contre l’ECA 5, les juments F1 n’étant alors saillies que par des étalons Przewalski. Puisque les études cytogénétiques sur animaux Przewalski citées jusqu’ici dans la littérature ne mentionnent aucun chromosome ECA 5, on peut admettre que les descendants d’animaux croisés dans la génération fondatrice ne sont issus que d’étalons Przewalski, de sorte que l’ECA 5 s’est perdu au fil des générations. Des phénomènes de crossing-over n’étant pas exclus, la présence du gène pour la robe alezan chez les Przewalski est possible, comme l’ont révélé nos études (non publiées). Par conséquent, les discussions au sujet de Przewalski «purs» et «autres» Przewalski ne sont donc qu’émotionnelles, ignorant les réalités biologiques. Les études présentées montrent que les différences de comportement des animaux F1 entre cheval et Przewalski jouent un rôle plus important dans la reproduction que les faits biologiques des différences entre chromosomes. Il serait intéressant de procéder à des études de crossingover; ce phénomène semble plus probable entre les chromosomes ECA et EPR plutôt qu’entre les chromosomes EPR et EAS. L’étalon Beta Lars n’ayant pas p résenté de spermatogenèse, les phénomènes méiotiques ne sont pas à prendre en considération dans ce cas. Suite à des expériences faites avec des mulets femelles (Zong et Fun
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Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 202–207, 2012
1989), une oogénèse serait possible chez les femelles Beta, de sorte que l’étude des phénomènes méiotiques serait intéressante. L’ECA 5 du cheval représente un pur chromosome de fusion, constitué essentiellement des EPR 23 et 24; toutefois, des échanges de gènes par crossing-over peuvent se produire sur tous les chromosomes autosomes, touchant des allèles caractéristiques, qui peuvent alors s’exprimer lors d’accouplements particuliers. Dans cette optique, l’accouplement exclusif d’animaux Przewalski entre eux afin de sauvegarder «en race pure» ces chevaux sauvages est avantageux, sans qu’on puisse pourtant exclure totalement l’apparition d’allèles ECA dans la population. La femelle la plus âgée (Beta Jojo) a présenté en 2009 des chaleurs très violentes, de sorte qu’il a fallu la calmer à l’aide de préparations hormonales. Lors de la mise en liberté des Przewalski en Mongolie, des croisements avec des juments équines sont possibles; au vu de nos observations, la combinaison inverse serait par contre plutôt rare. Il est possible que des juments croisées engendrent des descendants avec des étalons Przewalski dominants. Il est certain que les étalons équins et croisés ont un handicap de comportement par rapport aux étalons Przewalski. Dans la nature, et dans des territoires étendus, les accouplements forcés et l’insémination n’entrent pas en considération. n
Studi cromosomici e altre indagini su incroci equini Incroci tra cavallo e asino si verificano in natura e il risultato di tale incrocio è utilizzato in agricoltura come muli o bardotti. Altri generi di incrocio sono rari e poco studiati. Esperimenti sistematici di incrocio sono autorizzati solo con permessi speciali, sono molto impegnativi in termini di costi e tempo e, pertanto, effettuati raramente. In questo lavoro incroci derivati dalla combinazione tra cavallo domestico, Przewalski e asino sono stati esaminati citogeneticamente e istologicamente, descrivendo pure il loro comportamento in specifiche caratteristiche riproduttive. Tutti gli animali hanno mostrato un normale numero di cromosomi dopo la segregazione delle possibili combinazioni. I risultati citogenetici sono stati confermati con un parziale scan del genoma, in particolare dei cromosomi sessuali e degli EPR 23 e 24. Le conseguenze nello sviluppo evolutivo sono discusse.
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Summary
Riassunto
Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés | Production animale
Chromosome studies and other investigations on equid crossings Crossings between horses and donkeys are in nature possible and are used as mules or hinnies in agriculture. Other types of crossings are rare and scarcely investigated. Systematic experiments are only allowed with special agreements and are very time consuming and costly and therefore rare. In this report crossings between horse, Przewalski and donkey are cytogenetically and histologically investigated and their behaviour in special reproductive traits described. All animals have shown a normal chromosome set following the segregation of possible combinations. The cytogenetic results have been confirmed by a genomescan for the sex chromosomes and the EPR 23 and 24. The consequences in the evolutionary development are discussed. Key words: Equid, chromosome, histology, behaviour.
▪▪ Hsu T. C. & Benirschke K., 1967. An Atlas of Mammalian Chromosomes. Springer Verlag: Berlin-Heidelberg-New York. ▪▪ Koulischer L., & Fechkop S., 1966. Chromosome complement: A fertile hybrid between Equus przewalskii and Equus caballus . Science 151, 93 – 95. ▪▪ Lyon M. F., 1961. Gene action in the X chromosome of the mouse (Mus musculus L.). Nature 190, 372–373. ▪▪ Oakenfull E. A., Lim H. N. & Ryder O. A., 2000. A survey of equid mitochondrial DNA: Implications for the evolution, genetic diversity and conservation of Equus. Conservation Genet 1, 341–355. ▪▪ Ryder O. A., Epel N. C. & Benirschke K., 1978. Chromosome banding studies of the Equidae. Cytogenet. Cell Genet 20, 323–350. ▪▪ Trifonov V. A., Stanyon R., Nesterenko A. I., Beiyuan F., Perelman P. L., O`Brien P. C. M., Stone G., Rubtsova N. V,. Houck M. L., Robinson T. J., Ferguson-Smith M. A., Dobigny G., Graphodatsky A. S. & Yang F., 2008. Multidirectional cross-species painting illuminates the history of karyotypic evolution in Perissodactyla. Chromosome Research 16, 89–107. ▪▪ Yang F., Beiyuan F., Patricia C. M., O`Brien, Wenhui N., Ryder O. A., M acolm A. & Ferguson-Smith, 2003. Refined genome-wide comparative map of the domestic horse, donkey and human based on cross-species chromosome painting: insight into the occasional fertility of mules. Chromosome Research 5, 433–443. ▪▪ Zong E. & Fan G., 1989. The variety of sterility and gradual progression to fertility in hybrids of the horse and donkey. Heredity 62, 393–406.
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 202–207, 2012
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E n v i r o n n e m e n t
Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique Ingrid Jahrl, Christine Rudmann, Lukas Pfiffner et Oliver Balmer Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), Ackerstrasse, 5070 Frick Renseignements: Ingrid Jahrl, e-mail: ingrid.jahrl@fibl.org, tél. +41 62 865 72 50
Les paysages multifonctionnels avec des surfaces écologiques riches et diverses occupations du sol favorisent la flore et la faune sauvages. (Photo: L. Pfiffner)
Introduction Au travers des paiements directs, la politique agricole suisse stimule les agriculteurs à mettre en œuvre des mesures qui servent tout d’abord des objectifs écologiques. Pourtant, des programmes d’évaluation ont montré que les paiements directs ne suffisent pas pour atteindre l’effet désiré sur la biodiversité dans le paysage rural (Herzog et Walter 2005). Des recherches socioéconomiques indiquent de même que les stimulants financiers ne sont pas seuls en jeu dans la mise en œuvre
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Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
des mesures de compensation écologique (Lütz et Bastian 2002, Schenk et al. 2007). Rieder et Anwander PhanHuy (1994) ont identifié comme facteurs motivants importants qui influencent le comportement d’agricultrices et agriculteurs: la sécurité du revenu, la charge normale de travail, la reconnaissance sociale et le sens inhérent au travail. Pour la promotion durable de mesures de compensation écologique il est cependant nécessaire de créer des instruments qui tiennent compte tant des facteurs sociaux et écologiques que des données économiques. De tels instruments pour la promo-
tion durable de la biodiversité sur les surfaces agricoles ont été développés et mis en pratique dans le cadre du projet «Remporter des points grâce à la diversité – les agriculteurs animent la nature» («Mit Vielfalt punkten – Bauern beleben die Natur», http://mvp.fibl.org), réalisé par le FiBL et la Station ornithologique Suisse à Sempach. Entre autres, une nouvelle approche de consultation intégrale d’entreprise a été appliquée. Des résultats de ce projet ont déjà été publiés dans Chevillat et al. (2012). Le présent article montre les résultats d’une enquête parmi des agriculteurs qui a été menée avant les consultations d’entreprise. L’objectif de l’enquête était d’analyser l’importance des motivations économiques, écologiques et sociales pour la réalisation de mesures écologiques dans l’entreprise. Les questions suivantes étaient mises en avant: 1. Quelles sont les motivations décisives selon la perception individuelle des agriculteurs pour réaliser des surfaces de compensation écologique (SCE)? 2. Quels sont les facteurs qui influencent la motivation elle-même? 3. À quel point la qualité et la quantité des SCE reflètent-elles la motivation des agriculteurs?
Matériel et méthodes Durant l’année 2009, 48 agriculteurs de fermes moyennes en exploitation mixte (surface de 17 – 34 ha, moyenne de 23,5 ha) avec prairie et culture de plein champ en région de plaine ont été interrogés sur leur motivation concernant les SCE. Parmi ceux-ci, 21 étaient membres de Bio Suisse (ci-dessous appelé «Bio»), 17 produisaient selon les directives de IP-Suisse («IPS») et 10 remplissaient les exigences des prestations écologiques requises («PER») sans faire partie d’aucune organisation label. Les agriculteurs avaient entre 31 et 61 ans (moyenne de 46 ans) et exploitaient leur ferme à temps plein en majorité (64 %). L’enquête a été menée moyennant un questionnaire semi-structuré avec des questions ouvertes aussi bien que fermées. Toutes les questions fermées étaient appréciées sur une échelle de Likert à 5 points (1 = «insignifiant» / «pas du tout d’accord» jusqu’à 5 = «très important» / «tout à fait d’accord»). L’enquête était axée sur la saisie des motivations pour la mise en œuvre de mesures écologiques. Le terme «motivation» est défini comme la poursuite consciente d’un objectif (Kroeber-Riel et Weinberg 2003). Sept motivations relatives à la réalisation de SCE (voir fig. 1) ont été déduites des facteurs décrits par Rieder et Anwander Phan-Huy (1994), et leur pertinence a été testée dans une étude préliminaire (n = 12). Deux de ces motivations étaient ensuite assignées aux catégo-
Résumé
Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique | Environnement
La politique agricole suisse vise à promouvoir les prestations écologiques d’entreprises agricoles à travers de paiements directs écologiques. Pourtant, des programmes d’évaluation montrent que des stimulants financiers à eux seuls ne suffisent pas pour assurer la mise en œuvre de mesures de compensation écologique. Sur cette trame nous avons exploré l’importance des motivations économiques, écologiques et sociales dans la mise en œuvre de mesures de compensation écologique par les agriculteurs en région de plaine. Selon l’appréciation des agriculteurs sont réalisées avant tout les mesures qui sont considérées judicieuses pour la protection de la nature et faciles à intégrer dans la gestion quotidienne. Pour les producteurs PER les aspects financiers sont relativement plus importants que pour les producteurs de label (Bio ou IPS). Les agriculteurs biologiques présentent la motivation écologique la plus remarquable. Par contre, il n’existe qu’une corrélation faible entre les motivations et la part de la superficie, ainsi qu’entre les motivations et la qualité des mesures écologiques. Pour que la promotion des mesures écologiques soit effective et ciblée sur les résultats, il paraît indispensable d’approfondir sur le bénéfice de mesures particulières et de créer des instruments qui permettent non seulement de percevoir les prestations des agriculteurs, mais aussi l’appréciation de la prestation rendue du point de vue des agriculteurs et des consommateurs.
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
209
Environnement | Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique
Motivation
La mesure doit...
Finalité Compatibilité Plaisir Equilibre Paiements directs Ecoulement de prod. Prestige
être judicieuse pour la protection de la nature être compatible avec la gestion quotidienne me faire plaisir améliorer l’équilibre naturel à la ferme être suffisamment compensé par des paiements directs promettre un meilleur écoulement de mes produits augmenter mon prestige
n 47 48 48 48 48 48 48
Moyenne 4,3 ± 0,1 4,2 ± 0,1 4,1 ± 0,1 3,9 ± 0,1 3,7 ± 0,1 3,3 ± 0,2 2,6 ± 0,2
Économie Écologie Facteurs sociaux
2
1 pas important
3 4 plus ou moins important
5 très important
Figure 1 | Signification moyenne (± SE) de sept motivations pour la mise en œuvre de surfaces de compensation écologique. Dans la euxième colonne figure la déclaration que les agriculteurs devaient apprécier. d
ries «écologie» et «questions sociales» respectivement, trois à la catégorie «économie». Un index a été calculé sur la base des réponses de chaque agriculteur, afin de mettre en évidence l’importance des motivations écologiques (finalité pour la protection de la nature + promotion de l’équilibre naturel) face aux motivations purement financières (paiements directs + écoulement des produits). Dans la première partie de l’enquête, les agriculteurs donnaient leur appréciation sur l’importance des sept motivations pour la mise en œuvre de mesures de protection de la nature dans leur entreprise. Les sept motivations étaient mises en corrélation avec la proportion des SCE relative à la surface agricole utile (SAU), et avec la proportion des surfaces à qualité OQE (Chevillat et al. 2012), pourvu que des données d’au moins six fermes fussent disponibles. Dans la deuxième partie, les agriculteurs étaient priés de juger à quel point les avis qui sont à la base des sept motivations reflètent la mise
en œuvre à leur ferme. Dans la troisième partie, les agriculteurs évaluaient la hauteur actuelle des paiements directs pour les différents types de SCE, y compris les contributions à la qualité respectives. Dans la dernière partie de l’enquête, des questions ouvertes sur la protection de la nature ainsi que les paiements directs étaient posées pour recueillir les attitudes sous-tendues. Le présent article est basé sur l’analyse des parties quantitatives des 48 interviews et fait recours, dans des cas singuliers, aux réponses à des questions ouvertes.
Résultats et discussion Motivations pour la mise en œuvre de SCE Selon les réponses aux questions quantitatives, les motivations écologiques jouent un rôle primordial dans la perception des agriculteurs, quand il s’agit de réaliser des SCE (fig. 1). Entre les motivations économiques, c’est
Tableau 1 | Apréciation du degré de validité des témoignages basés sur les sept motivations pour des mesures écologiques spécifiques (cf. fig. 1). 1: «pas du tout d’accord» à 5: «tout à fait d’accord». Le tableau ne montre que les types de SCE qui ont été réalisées dans plus de 8 entreprises. Ø: moyenne; SE: erreur-type; n: nombre de réponses. Motivation Motivation
210
Compatibilité
Plaisir
Paiements directs
Équilibre
Écoulement de produits
Prestige
ø
SE
n
ø
SE
n
ø
SE
n
ø
SE
n
ø
SE
n
ø
SE
n
ø
SE
n
Prairies exploitées extensivement
4,3
0,1
43
4,8
0,1
43
3,9
0,1
43
4,0
0,2
42
2,9
0,1
45
2,5
0,2
43
2,9
0,2
43
Prairies de qualité exploitées extensivement
4,6
0,2
16
4,3
0,3
16
4,7
0,2
15
4,2
0,2
16
2,8
0,1
42
2,9
0,4
16
3,6
0,3
16
Arbres fruitiers à haute-tige
4,4
0,1
43
3,9
0,1
43
4,2
0,1
43
4,2
0,2
43
1,5
0,1
46
3,0
0,2
43
3,4
0,2
43
Arbres fruitiers à haute-tige de qualité
4,6
0,2
10
3,7
0,3
10
4,6
0,2
9
4,4
0,3
10
2,6
0,1
44
3,6
0,4
10
3,7
0,3
10
Haies, bosquets champêtres et berges boisées avec ourlet herbeux
4,8
0,1
26
4,0
0,2
24
4,3
0,2
26
4,6
0,1
26
2,1
0,1
41
2,8
0,3
26
3,4
0,3
26
Haies, bosquets champêtres et berges boisées avec ourlet herbeux de qualité
4,5
0,2
6
4,0
0,4
6
5,0
0,0
6
4,8
0,2
6
2,8
0,1
42
2,8
0,6
6
3,7
0,7
6
Prairies peu intensives
3,7
0,4
9
4,1
0,4
9
3,2
0,2
9
3,6
0,3
9
2,2
0,1
37
2,8
0,5
9
2,9
0,5
9
Arbres isolés indigènes adaptés au site et allées d’arbres
4,7
0,2
9
4,7
0,2
9
4,8
0,1
9
4,6
0,2
9
1,7
0,1
41
1,9
0,3
9
2,8
0,4
9
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique | Environnement
écologique
3
1
Motivation
Valeur indiclaire
2
0
-1
financière Bio
IPS
PER
Système de culture Figure 2 | Importance relative des motivations écologiques et financières pour les agriculteurs des trois systèmes de culture. La figure montre les valeurs indicielles moyennes (± SE) calculées sur la base des valeurs de réponses des motivations clairement écologiques ou financières selon la formule (finalité + équilibre) – (paiements directs + écoulement de produits).
d’abord la possibilité d’intégrer les mesures dans la gestion quotidienne qui est considérée importante, suivie de l’indemnisation suffisante par des paiements directs. Peu de pertinence est cependant attribuée à l’amélioration de l’écoulement des produits. Parmi les motivations sociales, le plaisir de mettre en œuvre des SCE est jugé important, tandis qu’une portée moyenne est attribuée à l’augmentation du prestique. La finalité pour la protection de la nature est appréciée comme la motivation la plus importante pour mettre en œuvre des SCE. Dans l’enquête qualitative, les agriculteurs soulignaient cependant qu’il leur était difficile de juger l’impact effectif de mesures isolées sur la protection de la nature. Quelques agriculteurs avaient de la peine à percevoir les effets concrets, tandis que d’autres mentionnaient avoir observé une présence accrue d’espèces de plantes et d’animaux sur leur terre depuis la mise en œuvre des mesures. De nombreux agriculteurs remarquaient qu’ils avaient certainement à leur disposition une grande quantité d’informations sur les mesures écologiques, mais que celles-ci étaient toutefois trop générales pour leur permettre d’apprécier la pertinence pour leur propre entreprise. Selon Burton et al. (2008), la mise en œuvre de mesures écologiques
agricoles augmente précisément au moment où les agriculteurs perçoivent ces dernières comme importantes. L’intérêt et la compréhension des rapports (agro-) écologiques de la part des agriculteurs sont primordiaux, au même titre que l’expertise correspondante dans le domaine de l’aménagement et l’entretien de SCE. La seule transmission d’informations est considérée insuffisante. Il vaut beaucoup mieux, selon Burton et al. (2008), qu’il soit possible à l’agriculteur de contribuer à son prestige à travers la réalisation de mesures écologiques. La motivation d’augmenter le prestige a pourtant été jugée la moins importante dans l’enquête quantitative, comparée à d’autres motivations. De même lors de l’appréciation de mesures isolées dans l’enquête quantitative (tabl. 1), où la contribution des SCE au prestige n’a été perçue que partiellement. En outre, nous déduisons des réponses qualitatives, que le prestige de l’agriculteur au sein du paysannat est suscité avant tout par la production agricole classique et non par les mesures écologiques. Ceci est congruent aux résultats d’autres recherches (p. ex. Burton et al. 2008). Dans les interviews, certains agriculteurs mentionnaient leur espérance de voir leurs prestations reconnues par la politique et les consommateurs. Les agriculteurs rapportaient aussi des
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
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Environnement | Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique
Tableau 2 | Importance des sept motivations pour les agriculteurs des trois systèmes de culture. 1: «pas du tout d’accord» à 5: «tout à fait d’accord». Explication des motivations (voir fig. 1) Ø: moyenne; SE: erreur-type; n: nombre de réponses. Bio Motivation
Rang
ø
IPS SE
n
Rang
ø
SE
n
Rang
ø
SE
n
Finalité
1
4,4
0,1
21
1
4,3
0,2
16
2
4,2
0,3
10
Plaisir
2
4,2
0,2
21
2
4,1
0,2
17
5
4,0
0,3
10
Compatibilité
3
4,0
0,2
21
2
4,1
0,2
17
1
4,6
0,2
10
Équilibre
3
4,0
0,2
21
4
3,8
0,3
17
6
3,7
0,3
10
Paiements directs
5
3,5
0,2
21
5
3,6
0,2
17
3
4,1
0,2
10
Écoulement de produits
6
3,0
0,3
21
6
3,1
0,4
17
3
4,1
0,4
10
Prestige
7
2,2
0,3
21
7
2,8
0,3
17
7
2,9
0,5
10
cas singuliers de réactions positives parmi la population, surtout par rapport aux haies, aux arbres fruitiers à haute-tige et aux pâturages extensifs de qualité, qui sont perçus comme esthétiques. Dans les questions fermées, les agriculteurs appréciaient tous les types de SCE comme judicieux pour la protection de la nature, leur attribuaient cependant une valeur mineure pour l’écoulement de produits (tabl. 1). Des différences entre les types de SCE se manifestaient avant tout dans la compatibilité avec la gestion quotidienne et dans le plaisir lié à la mise en œuvre. Les pâturages extensifs étaient considérés comme faciles à intégrer dans la gestion de l’exploitation, tandis qu’ils étaient souvent moins valorisés que d’autres mesures par rapport aux autres motivations. Les mesures écologiques dont la réalisation procure du plaisir sont surtout celles de qualité (pâturage extensif de qualité, arbres fruitiers à haute-tige, haies). Une indemnisation suffisante par des paiements directs est une motivation importante dans la perception générale des agriculteurs, même si elle semble avoir une pertinence mineure comparée à d’autres motivations (fig. 1). Ce résultat doit être interprété en rapport avec le fait que les agriculteurs considèrent les paiements directs insuffisants pour couvrir le coût additionnel de la plupart des SCE (tabl. 1). Les jachères florales et tournantes par exemple, à qui sont attribuées les contributions les plus élevées, sont classifiées comme économiquement attractives. Toutefois, si l’on tient compte des réponses qualitatives, ces jachères ne sont réalisées que rarement, parce que leur entretien est très coûteux et l’on craint des problèmes d’adventices lors de la remise en culture. Il est frappant surtout que les mesures prises concernent surtout la plantation d’arbres fruitiers à haute-tige, malgré que l’indemnisation pour ceux-ci (15 – 30 francs/arbre) est considérée modérée ou trop petite. Quelques agriculteurs déclarent les cultiver, bien
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PER
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
qu’ils soient moins compatibles que d’autres mesures avec la gestion de l’exploitation, parce que ces arbres existaient déjà à la ferme et permettaient donc de remplir les exigences de base SCE d’une manière relativement facile. Qu’est-ce qui influence la motivation? L’âge des agriculteurs et la région n’influencent pas significativement la motivation (tous n > 45, tous p > 0,08). Il y a pourtant des différences de motivations entre les agriculteurs des trois systèmes de culture. Les agriculteurs Bio présentent la plus grande motivation écologique. Les agriculteurs PER présentent des valeurs inférieures par rapport aux motivations écologiques, et des valeurs plus élevées par rapport aux motivations financières; cela signifie que les aspects financiers sont plus importants chez eux que les aspects écologiques, comparativement avec les agriculteurs Bio et IPS (modèle linéaire, df = 44, F = 4,482, p = 0,017) (fig. 2). En effet, pour les agriculteurs PER - à côté des paiements directs - c’est d’abord la motivation d’améliorer l’écoulement des produits à travers les SCE qui a plus de pertinence que pour les producteurs label (Bio ou IPS). Ceci se manifeste également dans les différences entre les systèmes de culture par rapport aux hiérarchies des motivations principales (tabl. 2). Parmi les fermes PER, la compatibilité d’une mesure avec la gestion de l’exploitation occupe la première place, tandis que pour les entreprises Bio et IPS, c’est la pertinence d’une mesure de compensation écologique pour la protection de la nature qui est décisive pour sa mise en œuvre. En outre, il est frappant que le plaisir de réaliser une mesure, qui tient le deuxième rang parmi les fermes Bio et IPS, occupe la cinquième place seulement pour les entreprises PER qui accordent davantage d’importance à des paiements directs suffisants et à un meilleur écoulement des produits. Pourtant, le taux de réalisation de SCE est pareil pour tous les systèmes de culture avant la consultation
Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique | Environnement
Tableau 3 | Résultats de la régression linéaire entre l’importance des sept motivations et la part de SCE par rapport à la surface agricole utile (SCE/SAU), ainsi que la part de surfaces de qualité OQE (qualité/SCE). Explication des motivations voir fig. 1. SEC/SAU Motivation
n
Qualité/SCE
df
r2
p
df
r2
p
Finalité
47
45
0,001
0,835
45
0,002
0,784
Compatibilité
48
46
0,157
0,005
46
0,001
0,860
Plaisir
48
46
0,004
0,672
46
0,047
0,140
Équilibre
48
46
0,000
0,975
46
0,006
0,592
Paiements directs
48
46
0,005
0,625
46
0,022
0,318
Écoulement de produits
48
46
0,011
0,484
46
0,013
0,441
Prestige
48
46
0,032
0,221
46
0,017
0,375
(toutes les entreprises 8,9 – 10,4 % SCE/SAU). Les fermes Bio (5,3 %) et les fermes IPS (4,5 %) réalisent cependant plus de surfaces de qualité OQE que les fermes PER (1,7 %) (df = 45, F = 3,09, p = 0,056).
Relation entre motivation, quantité et qualité de SCE L’analyse de corrélation montre que les motivations individuelles ne sont qu’en corrélation faible avec la réalisation effective de SCE et la proportion de surfaces de qualité OQE. Il y a uniquement un lien significativement positif entre l’importance attribuée à la compatibilité
d’une mesure avec la gestion de l’exploitation et la proportion de SCE (tabl. 3). Il est plus probable que des SCE soient réalisées, si elles - selon l’opinion des agriculteurs – s’intègrent bien dans l’exploitation courante, et ceci indépendamment des autres motivations (tabl. 3). Il se peut de même que pour un agriculteur qui réalise une proportion plus élevée de SCE, la compatibilité avec la gestion quotidienne ait plus de pertinence que pour les agriculteurs mettant en œuvre moins de SCE. L’aspect central de la compatibilité pour la mise en œuvre de SCE est confirmé par d’autres recherches (p. ex. Jurt 2003). En plus, les interviews qualitatives indiquent que la réalisa-
Figure 3 | Discussions sur la promotion de la biodiversité dans les zones agricoles p. ex. par l’ensemencement de fleurs sauvages en jachères et lisières. (Photo: L. Pfiffner)
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
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Environnement | Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique
tion de SCE est souvent motivée par des raisons pratiques. Les pâturages extensifs par exemple sont réalisés de préférence sur des emplacements moins productifs ou plus difficiles à exploiter. Contrairement aux témoignages des agriculteurs dans la recherche qualitative, les autres six motivations ne sont en corrélation ni avec la proportion de SCE ni avec la part totale de SCE de qualité OQE (tabl. 3). Il existe donc, à côté des motivations examinées, d’autres facteurs agissant sur le comportement (Ajzen 1991) et respectivement sur la mise en œuvre de SCE.
Conclusions Cette contribution est basée sur 48 interviews avec des agriculteurs. Au centre figurait d’abord la perception, par les agriculteurs, des motivations pour réaliser des SCE. Une analyse des interviews qualitatives est prévue par la suite, afin de mettre en évidence l’arrière-plan des motivations pour l’acceptation de SCE. Nos résultats indiquent une divergence entre la perception individuelle et la réalisation effective de SCE. La compatibilité des mesures avec la gestion de l’exploitation représente une motivation cruciale pour la mise en œuvre de SCE. Vu que, selon l’appréciation individuelle des agriculteurs de tous types de cultures, ce sont en premier lieu les mesures estimées judicieuses pour la protection de la nature qui sont réalisées, il faut que la politique ainsi que les services de vulgarisation mettent en avant la finalité des mesures d’une manière plus accentuée, afin de promouvoir la compréhension de l’interdépendance écologique. C’est pour cette raison que l’écologie et la biodiversité devraient prendre une place centrale dans la formation des agriculteurs. L’analyse plus approfon-
die de l’appréciation des agriculteurs montre que surtout pour les agriculteurs Bio, mais aussi IPS, ce sont les motivations écologiques qui prévalent sur d’autres motivations, pendant que les agriculteurs PER voient la compatibilité avec la gestion de l’exploitation comme facteur central et accordent plus d’importance aux paiements directs. Néanmoins, la compensation suffisante du coût additionnel est importante pour tous les systèmes de culture, bien que ça ne soit qu’un facteur parmi d’autres. Cela signifie que la politique et les services de vulgarisation doivent démontrer le bénéfice concret que dégagent les agriculteurs en réalisant des mesures écologiques, p. ex. l’amélioration de la pollinisation naturelle et de la régulation des ravageurs grâce à une biodiversité plus élevée. En plus, les inclinations et préférences individuelles du chef d’entreprise doivent être considérées dans le processus de décision lors d’un conseil d’entreprise intégral et participatif au même titre que les conditions économiques et les contraintes du site. C’est la production agricole classique qui confère à l’agriculteur un prestige au sein du paysannat. La plantation d’une haie entraîne moins de prestige que la production de céréales panifiables. Pour que la promotion de SCE soit effective et ciblée sur les résultats, il faut des instruments qui mettent en évidence clairement les prestations des agriculteurs, comme l’échelle de points développée dans le projet «Remporter des points grâce à la diversité» («Mit Vielfalt punkten»). En plus, le renforcement des relations publiques et de la mise en réseau entre les agriculteurs et les consommateurs par la politique rendent possible la promotion de la reconnaissance du travail accompli et l’augmentation du prestige. n
Remerciements
Nous remercions cordialement tous les agriculteurs qui ont participé à cette recherche, Bio Suisse, IP-Suisse et les interlocuteurs cantonaux pour leur collaboration, ainsi que la Fondation MAVA, la Fondation Sophie et Karl Binding, la Fondation AVINA, la Fondation Ernst Göhner, la Fondation Vontobel, la Fondation Dreiklang, l’Office fédéral de l’environnement et l’Office fédéral de l’agriculture pour leur contribution financière.
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Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 208–215, 2012
Motivazioni per l’attuazione di misure di compensazione ecologica La politica agraria svizzera, persegue lo scopo d’incentivare le prestazioni ecologiche delle aziende agricolea attraverso il pagamento di contributi per la qualità ecologica. Tuttavia, i programmi di valutazione mostrano che non bastano soltanto stimoli economici per garantire l’attuazione delle misure ecologiche. In questo contesto si è esaminato quale ruolo ricoprono le moti vazioni economiche, ecologiche e sociali nell’attuazione delle misure nella compensazione ecologica per gli agricoltori della zona di pianura. Secondo la valutazione degli agricoltori sono realizzate soprattutto misure ecologiche ritenute in primo luogo utili per la protezione della natura e ben integrabili nel funzionamento dell’azienda agricola. Rispetto ai produttori certificati Bio, IP, per i produttori PER i fattori economici sono più importanti di quelli ecologici. Gli agricoltori biologici dimostrano avere la più alta motivazione ecologica. E’ stata rilevata solo una debole correlazione tra la motivazione e la quota delle superfici, rispettivamente la motivazione e la qualità delle misure ecologiche. Un’incentivazione efficace delle misure ecologiche dev’essere incoraggiata attraverso la divulgazione dell’utilità delle singole misure e la creazione di strumenti adeguati. Questi permettono da un lato di rendere visibili le prestazioni degli agricoltori e, dall’altro aumentare l’apprezzamento degli sforzi intrapresi dal punto di vista di agricoltori e consumatori.
Bibliographie ▪▪ Ajzen I., 1991. The Theory of Planned Behavior. Organizational Behavior and Human Decision Processes 50, 179–211. ▪▪ Burton R.J.F., Kuczera C. & Schwarz G., 2008. Exploring Farmers’ Cultural Resistance to Voluntary Agri-environmental Schemes. Sociologica Ruralis 48 (1), 16–37. ▪▪ Chevillat V., Balmer O., Birrer S., Doppler V., Graf R., Jenny M., Pfiffner L., Rudmann C. & Zellweger-Fischer J., 2012. Plus de surfaces de compensation écologique et de meilleure qualité grâce au conseil. Recherche A gronomique Suisse 3 (2), 104–111. ▪▪ Herzog F. & Walter T., 2005. Evaluation der Ökomassnahmen. Bereich Biodiversität. Schriftenreihe der FAL 56, Eidgenössische Forschungsanstalt für Agrarökologie und Landbau, Zurich, 208 p. ▪▪ Jurt L., 2003. Bauern, Biodiversität und Ökologischer Ausgleich. Dissertation Universität Zürich. Philosophische Fakultät, Université de Zurich, Zurich. 272 p.
Summary
Riassunto
Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique | Environnement
Motivations for the implementation of ecological compensation areas Swiss agricultural policy is guided by the goal of improving the ecological services provided by farms through direct payments for ecological compensation areas (ECAs), but evaluation programs have shown that financial incentives alone do not guarantee the implementation of ECAs. We investigated, by means of structured interviews with conventional, integrated production, and organic farmers, which role economic, ecological and social motivations play in the decisions by Swiss lowland farmers to implement ECAs. The results show that ECAs are primarily implemented if they are perceived by farmers to be conservation relevant and if they are easily integrated into the farm’s workflow. Financial aspects were found to play a more important role than ecological aspects for conventional farmers, while organic and integrated production farmers were found to be more ecologically oriented with organic farmers showing the highest ecological motivation. However, only a weak correlation between motivation and the quantity and quality of ECAs was found. To efficiently increase ECAs, more emphasis should be placed on communicating the benefits of specific measures and on developing instruments that make the farmers’ accomplishments apparent and increase their appreciation by farmers and consumers. Key words: ecological compensation, motivation, biodiversity, acceptance analysis, advisory, direct payments.
▪▪ Kroeber-Riel W. & Weinberg P., 2003. Konsumentenverhalten. Vahlens Handbücher der Wirtschafts- und Sozialwissenschaften. Franz Vahlen GmbH, Munich, 825 p. ▪▪ Lütz M. & Bastian O., 2002. Implementation of Landscape Planning and Nature Conservation in the Agricultural Landscape – A Case Study from Saxony. Agriculture Ecosystems & Environment 92, 159–170. ▪▪ Rieder P. & Anwander Phan-Huy S., 1994. Grundlagen der Agrarmarktpolitik. vdf Hochschulverlag, ETH Zurich, Zurich. 436 p. ▪▪ Schenk A., Hunziker M. & Kienast F., 2007. Factors influencing the Acceptance of Nature Conservation Measures – A Qualtitative Study in Switzerland. Journal of Environmental Management 83, 66–79.
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E n v i r o n n e m e n t
Importance de l’esthétique lors de la c onversion au semis direct Flurina Schneider et Stephan Rist Centre for Development and Environment (CDE), Institut de géographie, Université de Berne, 3012 Berne Renseignements: Flurina Schneider, e-mail: flurina.schneider@cde.unibe.ch, tél. +41 31 631 50 89
Figure 1 | Évocation pleine d’émotion de la charrue: «La charrue dans le champ est le blason de la terre». ( Photo: Dominik Rutz, 2010)
Introduction La charrue a évolué au cours des siècles pour devenir la base des pratiques agricoles et le symbole même de l’agriculture (fig. 1). La charrue a permis de mettre les terres en culture, de lutter contre les mauvaises herbes et de préparer la terre à recevoir le semis. Le concept de terre meuble et fertile («Bodengare») a longtemps été
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lié à la croyance que seul le travail de la charrue permettait d’obtenir cette qualité de terre. Ce concept s’opposait à celui de terre inculte laissée à l’état naturel (Roemer 1929, cité par Kuipers 1970). À partir des années 30, la mécanisation de l’agriculture a permis de mettre en œuvre des charrues de plus en plus puissantes et de retourner complètement la terre. L’arrivée des herbicides a également contribué a
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Résumé
rendre les sols de plus en plus sensibles à l’érosion. En Suisse, 20 % des terres arables sont désormais touchées par l’érosion (Ledermann et al. 2008). Face à cette situation, des paysans innovateurs, des experts et des scientifiques ont commencé à développer des techniques culturales qui ménagent les sols, telles que le semis direct. Bien que cette technique soit actuellement largement développée et qu’elle possède de nombreux avantages économiques et écologiques, elle ne concerne que quelque 4 % des surfaces en Suisse (non-labour ou no-till). Quelles sont les causes de cette diffusion limitée? Quelles sont les raisons qui incitent les paysans à adopter ou non le semis direct? Ces questions ont été étudiées dans le cadre d’un projet de recherche de la COST Action 634 (Schneider et al. 2010; Schneider et al. 2010).
Matériel et méthodes La recherche dans ce domaine étant quasi inexistante en Europe, c’est une approche qualitative qui a été choisie. Les méthodes qualitatives de recherche sociologique sont adaptées aux thématiques n’ayant pratiquement pas fait l’objet de recherche. Leur mise en œuvre est particulièrement fructueuse lorsqu’il s’agit d’étudier les dimensions intrinsèques à la culture paysanne. Les questionnaires standardisés n’apportent que des réponses très partielles à ce genre d’interrogation. L’étude se base sur une analyse approfondie de 22 interviews partiellement standardisées de paysans qui se sont reconvertis au semis direct (10) ou qui rejettent cette technique (12). 16 d’entre eux étaient touchés par des dégâts dus à l’érosion. Le choix des personnes interviewées s’est effectué de manière itérative afin englo-
Le semis direct Le semis direct est une technique culturale qui consiste à déposer les semences directement dans la terre non travaillée et couverte de végétation ou de mulch. Un semoir spécial à doubles disques, à chisel ou «Cross Slot» creuse un petit sillon qui reçoit les semences et est aussitôt refermé. Au cours de cette opération,
Le semis direct est une mesure de protection efficace contre l’érosion, qui offre des avantages écologiques et économiques. Cette technique, en progression régulière depuis les années 80, est activement encouragée par certains cantons, mais le pourcentage de terres cultivées ainsi (4 %) demeure faible. L’étude présentée ici sur les raisons de l’adoption ou du rejet du semis direct montre que les paysans prennent leurs décisions en fonction de leur contexte social et de vie («Lebenswelt»). Les aspects économiques, agronomiques et écologiques, mais également sociaux et esthétiques, jouent un rôle important. Le semis direct doit s’intégrer dans le schéma quotidien de travail. Mais il doit aussi venir s’insérer dans le système de valeurs des paysans, s’ajuster à leur sens de l’esthétique et à leur identité professionnelle et personnelle. Au moment de la reconversion au semis direct, les paysans doivent non seulement adapter leur exploitation aux nouvelles pratiques (p. ex. acheter de nouvelles machines ou louer les services d’une agro-entreprise), mais aussi réapprendre à interpréter le développement des plantes (p. ex. la levée moins rapide des semis) et ajuster leur idée de ce que signifie «être un bon paysan» (p. ex. que les champs soient bien propres, ou la charrue en tant que symbole de l’agriculture). Les programmes de promotion du semis direct sont confrontés à un défi: favoriser les processus d’apprentissage à tous ces niveaux du contexte social et de vie.
moins de 50 % de la surface superficielle du sol est travaillée. L ’engrais peut être apporté à la terre au cours de la même opération. Les adventices sont contrôlées à l’aide d’un herbicide total. En Suisse, comme le semis direct nécessite des machines spécialisées, il est actuellement souvent effectué par des entreprises de travaux agricoles.
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ber un large panel d’exploitations (activité principale ou secondaire), de philosophies (culture extensive/intensive, bio/conventionnelle) ainsi que de systèmes d’application des directives cantonales (avec ou sans programme de soutien ou de pénalisation). La prise de contact avec les paysans s’est faite sur le terrain, par exemple au moment du relevé des dégâts dus à l’érosion, auprès d’entreprises de travaux agricoles ou de services cantonaux d’agriculture. Les 22 interviews ont été enregistrées sur mini-disc et traitées grâce au logiciel d’analyse Transana. En plus des interviews, de nombreux entretiens informels et des observations participantes, recueillis lors des rencontres avec les paysans ou des visites de terrain, ont été pris en compte pour cette étude. Ce n’est souvent qu’après l’interview officielle ou lors de rencontres ultérieures que les paysans ont commencé à évoquer les motifs très personnels de leurs actions et ainsi que les aspects socioculturels s’y rattachant. Les entretiens qui n’ont pas été enregistrés sur mini-disc ont été consignés après les rencontres dans un compte-rendu circonstancié. L’exploitation des enregistrements et des protocoles de mémorisation a été effectuée selon les principes de l’analyse qualitative de contenu (Flick 2005), de manière itérative et en plusieurs étapes. Lors d’une première étape, les données ont été codifiées, regroupées et interprétées en fonction des motifs d’action mentionnés. L’attention a ici été portée sur la cohérence du sens entre les différentes déclarations. Au fur et à mesure de l’avancement de l’étude, l’émergence des aspects sociaux et esthétiques est venue placer ceux-ci sur le devant de la scène. Par la suite, les paysans ont été directement interpelés sur ces aspects lors des interviews (p. ex. «L’esthétique du semis direct a-t-elle joué un rôle au moment de votre décision?»); la réflexion avec les paysans a alors porté directement sur le sens de l’esthétique. Les enquêteurs ont aussi rapporté les observations notées lors de visites de parcelles ou de discussions informelles autour des interviews (p. ex. «J’ai entendu dire lors d’une visite que vous disiez, devant une parcelle de semis direct, «ça ne va pas marcher; qu’est-ce qui vous faisait dire cela?»). Ensuite, dans l’analyse détaillée, le contenu des différents passages des interviews a été étudié pour déterminer le sens que les paysans donnaient à leurs actes.
Résultats Les entretiens avec les paysans ont fait apparaître de nombreuses argumentations. Tant les défenseurs que les opposants au semis direct ont utilisé des arguments classables dans cinq domaines: économie, écologie, agrono-
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mie, social, esthétique. Le tableau 1 propose une synthèse de ces différentes argumentations. Alors que des études similaires aux USA et dans des pays en développement ont confirmé l’importance des trois premières dimensions (Knowler et Bradshaw 2006; Prager and Posthumus 2010), l’importance exceptionnelle donnée à l’esthétique, mais aussi l’aspect social en lien avec des pratiques respectueuses des sols dans le contexte du Plateau suisse, est nouveau et surprenant. C’est pourquoi les premiers aspects cités ne seront que rapidement abordés, pour étudier de manière plus approfondie la question de l’esthétique et de l’aspect social. Les arguments «rationnels» Lors des interviews formelles, les deux groupes de paysans ont souvent insisté sur leurs motivations financières, écologiques et agronomiques. Ils ont souligné que les pratiques agricoles devaient être rentables économiquement, qu’ils soient pour ou contre le semis direct. Les partisans du semis direct ont évoqué le nombre moins important de passages à faire et l’économie de diesel et de temps de travail, ce qui augmentait finalement leur revenu. Les paysans qui rejettent le semis direct ont cité les frais supplémentaires pour payer les entreprises de travaux agricoles, les nouvelles machines et les rendements plus faibles. Des arguments écologiques ont souvent été cités, les uns évoquant par exemple l’impact positif du semis direct sur la diminution de l’érosion, les autres critiquant l’obligation de traiter avec des herbicides totaux. Ce sont les arguments agronomiques qui sont revenus le plus souvent. Tous les paysans interviewés ont évoqué les problèmes dûs aux limaces, la levée plus lente des semis et le risque plus élevé que «quelque chose se passe mal». Certains paysans rejettent ainsi le semis direct en disant qu’il est impossible à mettre en œuvre, d’autres ont parlé de problèmes qu’il est sans doute possible de résoudre en prenant des mesures adaptées (p. ex. un suivi des cultures ou de la fertilisation modifiée). Raisons esthétiques et sociales sous-estimées Alors que dans les interviews, ce sont surtout les aspects économiques, écologiques et agronomiques qui ont été soulignés, dans les entretiens informels, les paysans ont plutôt évoqué les aspects sociaux et esthétiques. Les aspects sociaux comprennent des thèmes tels que l’organisation du travail, les relations sociales dans la famille ou le village ou encore la satisfaction personnelle au travail. Tout ces aspects peuvent faciliter la reconversion au semis direct ou la rendre plus difficile. Les extraits suivants donnent une idée de ces motivations à teneur plutôt émotionnelle.
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Tableau 1 | Principaux arguments des paysans pour ou contre le semis direct (Schneider et al . 2010) Réponses des paysans opposés au semis direct
Réponses des paysans favorables au semis direct
. . . entraîne des frais supplémentaires de pesticides, d’anti-limace et
. . . moins d’étapes dans le travail, donc économie de temps, de carburant et d’argent.
d’engrais. . . . oblige à investir dans une machine à semis direct ou entraîne des Économie
. . . la baisse de rendement n’est pas systématique. . . . même si les rendements diminuent, le revenu est souvent plus
frais pour l’entreprise de travaux agricoles.
élevé car les charges en carburant et en temps de travail sont plus
. . . entraîne des baisses de rendement.
faibles. . . . est soutenu financièrement dans certains cantons. Écologie
. . . oblige à utiliser des herbicides totaux
. . . protège les sols de l’érosion et améliore leur structure. . . . favorise les organismes du sol et les vers de terre. . . . simplifie le travail des sols caillouteux et augmente la qualité des
. . . problèmes de limaces, d’adventices, germination plus lente;
récoltes (p. ex. taux protéique).
pyrales du maïs.
. . . dans les régions sèches, réduit l’évaporation grâce à la couverture
. . . déchaumage des restes de culture impossible; les traces de
régulière du sol.
passage de roues ne peuvent être égalisées.
. . . donne une meilleure flexibilité aux étapes de travail, permet
. . . l’ameublissement du sol est important pour sa fertilité. . . . incompatible avec certaines cultures comme la pomme de terre Agronomie
d’attendre des conditions favorables car les travaux se font en moins de temps.
ou la carotte. . . . augmente le risque d’échec de culture.
. . . diminue les pointes de travail.
. . est incompatible avec certains types de sols et certaines conditions
. . . les problèmes de maladies et de parasites peuvent être traités par des mesures appropriées.
climatiques. . . . la collaboration avec une entreprise de travaux agricoles oblige à faire des compromis sur les dates de semis car les entreprises ont de nombreux clients. . . . oblige à renoncer au labour, qui est un des plus beaux moments
d’une communauté.
. . . entraîne une dépendance par rapport aux agro-entreprises.
. . . demande moins de temps de travail, donc plus de temps disponible
. . . c’est bien d’avoir ses propres outils agricoles. Social
. . . oblige à lutter contre des opinions bien établies, lorsque sa propre famille ou les voisins s’opposent à cette technique de travail du sol
pour la famille. . . . technique plus exigeante, donc pas à la portée de tous les agriculteurs.
. . . oblige à renoncer à une collaboration de travail existante. . . . est mauvais pour l’image de l’agriculture, car les populations sont contre les champs «brûlés».
. . . c’est une méthode de travail pour les agriculteurs innovants. . . . les agriculteurs qui font du semis direct se soutiennent au sein
de travail de l’année agricole.
. . . on peut être fier d’un semis direct réussi. . . . c’est un défi à relever.
. . . les parcelles en semis direct sont travaillées de manière irrégulière, . . . avec le semis direct, il faut apprendre à «voir» différemment. Esthétique
inorganisée et pas propre.
Il faut adapter sa vision des choses. . . . les champs «brûlés», avec leurs lignes vertes sur fond jaune-marron peuvent aussi être beaux.
Un paysan, qui s’était converti au semis direct après avoir subi d’importants dégâts dûs à l’érosion, a décrit ainsi la pression sociale que sa famille et son voisinage lui ont fait sentir: «Mon beau-père se moque du semis direct. Tout ce qui est nouveau, que d’autres font différemment que dans sa région, est nul. Je connais aussi quelqu’un qui sème souvent avec les outils combinés; quand tu parle avec lui et que tu trouves que quelque chose d’autre est bien, il te prend pour un imbécile.»
Dans l’extrait suivant, un paysan qui n’imagine pas se reconvertir au semis direct décrit combien le plaisir du travail de la terre et du semis lui sont importants. Il ne donnerait le semis à faire à une entreprise de travaux agricoles qu’en tout dernier recours: «Oui, soit t’es un paysan et t’as du plaisir... Le semis, c’est le travail du paysan... Si tu dois le faire faire par quelqu’un d’autre [comme pour le semis direct], ça fait vraiment mal au cœur...»
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Plusieurs paysans qui rejettent le semis direct ont expliqué que le labour et le semis font partie des plus beaux travaux de l’année agricole. « [en traversant un champ] Ici au printemps, labourer le champ, la terre brune, les sillons... On essaye de le faire aussi bien que possible. Il y a des choses qu’on ne peut pas influencer, mais le labour, oui. Ça fait partie des plus beaux travaux de l’année.» Les paysans déclarent souvent aussi que le semis direct ne s’accorde pas avec leurs valeurs fondamentales. Dans l’extrait suivant, un éleveur témoigne: «Nous qui avons des vaches, nous ne pouvons pas simplement désherber chimiquement les prairies. Ça ne se fait pas, il faut qu’elles soient bien vertes. C’est vraiment une barrière morale». L’esthétique des champs a été abordée par nombre des paysans interrogés. Les entrepreneurs de travaux agricoles ont même déclaré que l’esthétique des parcelles était un des principaux arguments de leurs clients contre le semis direct. Comme les restes de la culture précédente sont laissés sur le sol, les paysans considèrent que les champs en semis direct sont mal travaillés et pas propres (fig. 2). Certains ont même parlé de saleté («äs gmoor»). Les extraits suivants montrent combien il est difficile, pour ces paysans, d’avoir de tels champs. «Ça fait mal aux yeux» de les voir ainsi. «Et c’est le plus gros préjugé contre le semis direct, c’est comme ça. Un champ labouré, c’est vraiment ce qu’on ressent, c’est beau et propre: on voit bien les rangs et c’est magnifique… [et tout le reste] c’est nul, c’est des choses qu’on ne fait pas, oui, c’est vrai, c’est comme ça.» «L’esthétique de la parcelle? Oui, ça fait mal aux yeux. (…) Ou bien si la parcelle n’est pas très belle, si…. c’est vrai, ça fait mal aux yeux, ça fait pas plaisir.» Importance de l’esthétique pour les paysans L’analyse approfondie a montré que l’aspect esthétique des champs a différentes significations pour les paysans. Normalement, l’aspect des champs (couleur des feuilles, régularité et densité de la culture, moment de la levée, etc.) leur permet de déterminer l’état des plantes, leur potentiel de développement et les éventuelles interventions à programmer (p. ex. les apports d’engrais). Sur les aspects évoqués ci-dessus, les champs en semis direct se différencient notablement et les paysans sont obligés d’adapter leur capacité à lire les cultures (fig. 2). Comme
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ils sont obligés de modifier leur capacité à évaluer l’état des plantes, résultat de longues années de pratique, les paysans ont l’impression que la culture ne réussira pas. Un adepte du semis direct le décrit dans les termes suivants: «Il faut apprendre à changer son regard. Le semis direct ne lève d’abord pas très bien, puis il se met à pousser correctement. Il faut avoir de la patience, ne pas se laisser déstabiliser si les choses ne se présentent pas très bien au début…» Même après de longues années d’expérience de semis direct, ceux qui le pratiquent font remarquer qu’ils ont encore du mal à être confiants dans la réussite de la culture lorsque le semis ne lève pas rapidement au printemps. En plus de cet aspect pratique, l’esthétique d’un champ possède une signification symbolique qui fait référence à l’identité personnelle et professionnelle du paysan. L’extrait suivant d’un paysan qui rejette le semis direct montre que la question de l’esthétique dépasse les aspects purement agronomiques: «Tu peux raconter ce que tu veux à quelqu’un qui veut des parcelles toutes propres, sans mauvaises herbes ni rien, il fera ce qu’il veut... Pas de mauvaises herbes, des parcelles bien propres, un régal pour les yeux. De la super agriculture, vraiment super, la cerise sur le gâteau, maître agriculteur, pas de mauvaises herbes. C’est encore comme ça. Les gens se montrent du doigt quand quelqu’un a une parcelle sale. Et c’est aussi comme ça pour le semis direct, on a justement des problèmes avec les mauvaises herbes. On n’en vient pas à bout. Et souvent, ce sont des exploitants qui l’ont pris un peu à la légère. Alors on entend: «il n’est même pas capable de faire pousser quelque chose correctement et il se met au semis direct!» C’est vraiment comme ça!» Le paysan interviewé ici déclare qu’il est un «vrai paysan» qui soigne et entretient ses cultures, qui veille à ce que ses champs soient entretenus et bien propres. Quelqu’un qui a beaucoup de mauvaises herbes dans son champ n’est pas un paysan sérieux, de plus, il porte atteinte à l’éthique de la profession agricole. Il sera rejeté par ses collègues. De ce point de vue, pratiquer le semis direct signifie négliger ses champs. L’extrait ci-dessous d’un autre paysan montre que l’esthétique des champs ne dévoile pas que les compétences professionnelles du paysan, mais aussi sa philosophie, sa personnalité et son statut social:
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Figure 2 | Betteraves sucrières le 16 mai: labour (gauche) et semis direct (droite). (Photo: Volker Prasuhn)
«De faire extenso, on laisse aller… moi, j’fais pas. J’fais pas. Pas que pour la vue, c’est un peu une philosophie, je ne sais pas. On aime… pas que pour la vue, mais un peu aussi … on aime bien -- quand on fait quelque chose -- on aime le faire bien. (…) C’est un peu lié, les deux choses. Ceux qui laissaient aller. On a eu des exemples, ici, ça c’est passé… on a eu des exemples, des gens qui buvaient, par exemple. Alors ils font le minimum, toujours moins, toujours moins, toujours moins, et après c’est… il faut vendre parce que ça va plus, quoi. (…)» Le paysan interviewé illustre son refus de l’extenso et du semis direct avec l’histoire d’un voisin qui a progressivement perdu le contrôle de son exploitation à cause de l’alcool, qui a fini par devoir vendre et a tout perdu. Cet exemple semble extrême et non représentatif, mais il montre bien combien l’esthétique des champs est fortement liée à l’identité professionnelle et personnelle des paysans. Aux yeux du paysan interviewé ici, un champ «négligé» signifie un champ «abandonné» et évoque «l’alcoolisme» et la déchéance sociale.
Discussion L’analyse approfondie des interviews montre que les arguments financiers, écologiques et agronomiques sont certes le plus souvent évoqués, mais que les aspects sociaux et esthétiques ont autant d’importance dans le processus décisionnel. Lorsque l’accent est mis sur l’économie, les paysans réagissent à l’exigence sociale qui fait qu’un paysan doit penser et agir en termes économiques. «Les paysans ne produisent pas pour l’esthétique mais pour le profit»: ces paroles d’un conseiller en semis direct viennent illustrer cette position. Dans ces conditions, nous affirmons que, si les paysans insistent autant sur les raisons économiques, c’est qu’elles sont considérées comme rationnelles et qu’elles sont socialement acceptées. De plus, l’analyse approfondie des arguments économiques montre que les paysans parlent souvent de «rendements élevés» et non de «revenus élevés». Il est important d’avoir des rendements élevés, non seulement parce qu’ils promettent une amélioration du revenu, mais aussi parce qu’ils témoignent d’un travail
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bien fait et de l’éthique professionnelle paysanne: le paysan est un producteur et un bon paysan a de bons rendements. Cet aspect devient particulièrement évident dans le cas du semis direct. Les rendements potentiellement plus élevés de l’agriculture traditionnelle de labour ne conduisent pas forcément à une augmentation du revenu car les charges de travail et de carburant sont plus importantes. En d’autres termes, même si les agriculteurs qui pratiquent le semis direct réussissent mieux du point de vue économique, la communauté agricole a tendance à les prendre pour des paresseux et à leur reprocher leur manque d’engagement dans leur rôle traditionnel de producteur.
Conclusions L’étude ci-dessus met en évidence le fait que les agriculteurs sont influencés par toutes les facettes de leur contexte social et de vie («Lebenswelt»), lorsqu’ils se décident pour ou contre le semis direct. Ainsi, les aspects techniques, économiques, agronomiques et écologiques convergent vers un genre d’œuvre d’art à orientation socioculturelle et esthétique, que nous qualifierons d’éthique de profession ou d’identité. Au moment de la reconversion au semis direct, les paysans doivent non
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seulement adapter leur exploitation aux nouvelles pratiques (acheter de nouvelles machines ou louer les services d’une agro-entreprise, etc.) mais aussi réapprendre à interpréter le développement des plantes (p. ex. la levée moins rapide des semis) et ajuster leur idée de ce que signifie «être un bon paysan» (des champs bien propres, ou la charrue symbole de l’agriculture, etc.). Les programmes de développement du semis direct sont confrontés à un défi: favoriser les processus d’apprentissage à tous ces niveaux du contexte social ou «Lebenswelt». Cela signifie par exemple que les cours et des programmes de soutien dans ce domaine devront non seulement traiter de la faisabilité technique et économique ou des avantages écologiques mais aussi donner de l’espace à l’échange d’expériences et à l’expression des visions personnelles de ce qu’est un «bon paysan», afin que la discussion puisse avoir lieu. Les résultats de cette recherche permettent ainsi de conclure qu’une des causes de la lenteur d’extension du semis direct est l’absence de prise en compte des facteurs socioculturels et esthétiques au moment du processus décisionnel. De ce point de vue, il est indispensable de développer des concepts et méthodes de conseil qui intègrent efficacement ces aspects dans le soutien privé et publique aux n systèmes agricoles respectueux des sols.
Il significato dell’estetica nel passaggio alla semina diretta La semina diretta è un’efficace misura preventiva contro l’erosione che mostra vantaggi sia ecologici che economici. Nonostante la sua diffusione è aumentata costantemente a partire dalla metà degli anni ’80 e il suo impiego viene incentivato da alcuni cantoni, la parte di terreno coltivabile dedicato ad essa, ca. il 4 %, rimane esigua. Il presente studio sui motivi dell’acquisizione, rispettivamente del rifiuto della semina diretta mostra che i contadini prendono le proprie decisioni in base al loro contesto socio-culturale complessivo. Oltre agli aspetti economici, agronomici ed ecologici, anche quelli estetici e sociali rivestono un ruolo importante. La semina diretta deve in primo luogo essere adatta alle prassi lavorative quotidiane. Inoltre, la semina diretta deve corrispondere ai valori degli agricoltori, alla loro percezione estetica e alle loro idee professionali e private. Nel passaggio alla semina diretta i coltivatori devono però non soltanto adattare la loro azienda a questa nuova pratica (ad esempio acquistando nuove macchine, o ricorrendo a un contoterzista), ma deve essere adattata anche la loro capacità di interpretare le condizioni delle piante (ad esempio la germogliazione più lenta della semente) e la loro concezione di cosa significhi essere un bravo agricoltore (ad esempio avere dei campi liberi da erbacce; l’aratro come simbolo dell’agricoltura). I programmi di promozione alla semina diretta si trovano, dunque, di fronte alla sfida di rendere possibili i processi di apprendimento a tutti questi livelli socio-culturali.
Bibliographie ▪▪ Flick U., 2005. Qualitative Sozialforschung. Eine Einführung. Reinbek bei Hamburg, Rowohlt Taschenbuch Verlag. ▪▪ Knowler D. & Bradshaw B., 2006. Farmers' adoption of conservation agriculture: A review and synthesis of recent research. Food Policy 32 (1), 25. ▪▪ Kuipers H., 1970. Introduction: Historical notes on the zero-tillage concept. Netherlands Journal of Agricultural Science 18, 219–224. ▪▪ Ledermann T., Herweg K., Liniger H., Schneider F. & Prasuhn V., 2008. Erosion damage mapping: assessing current soil erosion damage in Switzerland. Advances in GeoEcology 41 (special issue). ▪▪ Prager K. & Posthumus H., 2010. Socio-economic factors influencing f armers' adoption of soil conservation practices in Europe. In: Human
Summary
Riassunto
Importance de l’esthétique lors de la c onversion au semis direct | Environnement
The significance of aesthetics for the adoption of no-tillage farming No-tillage is an effective protective measure against erosion which offers ecological and economic advantages. Although it has spread continually in Switzerland since the mid-1980s and some cantons actively promote its adoption, the share of total agricultural land under no-tillage remains low (4 %). This study on reasons for adoption or rejection of no-tillage shows that farmers take their decisions against the background of their entire life-world. Along with economic, agronomic, and ecological aspects, social and aesthetic issues play a role as well. No-tillage has to fit in with the farmers’ everyday work practice; at the same time, no-tillage also has to be in line with their value system, their aesthetic perceptions, and their professional and personal identities. For this reason, when farmers adopt no-tillage, they not only have to adapt their farm to the new practice (e. g. by buying new machines or hiring contractors), but also their ways of interpreting crop conditions (e. g. slower germination) and their perceptions as to what makes a good farmer (e. g. keeping fields nice and tidy, the plough as a symbol of farming). Programmes to promote no-tillage thus face the challenge of facilitating learning processes at all these levels of farmers’ life-worlds. Key words: no-tillage, adoption, professional identity, aesthetics, clean and tidy fields.
imensions of Soil and Water Conservation: A Global Perspective. T. L. D Napier (éd.). Hauppauge, NY, USA, Nova Science Publishers, Inc. , 203 – 223. ▪▪ Schneider F., Ledermann T., Fry P. & Rist S., 2010. Soil conservation in Swiss agriculture -Approaching abstract and symbolic meanings in farmers’ life-worlds. Land Use Policy 27 (2), 332–339. ▪▪ Schneider F., Steiger D., Ledermann T., Fry P. & Rist S., 2010. No-tillage farming: co-creation of innovation through network building. Land D egradation & Development. In press, online available. Accès: http://onlinelibrary.wiley.com/D01:10.1002/ldr.1073
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E c l a i r a g e
Un schéma de qualité pour l’épeautre Geert Kleijer1, Cécile Brabant1, Andreas Dossenbach2, Franziska Schärer3 et Ruedi Schwaerzel1 Station de Recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 1260 Nyon 2 Fachschule Richemont, 6006 Lucerne 3 IG Dinkel, 3552 Bärau Renseignements: Cécile Brabant, e-mail: cecile.brabant@acw.admin.ch, tél +41 22 363 47 27
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Figure 1 | Les épis caractéristiques de l’épeautre.
L’épeautre connaît un regain d’intérêt ces dernières années, en particulier pour la consommation humaine. Cette céréale est caractérisée par des teneurs élevées en protéines et en gluten humide, mais une qualité de gluten plutôt faible. Cet article propose un schéma de qualité pour mettre en valeur les spécificités qualitatives de l’épeautre en considérant différents paramètres: teneur en protéines, indice de Zeleny, taux de gluten humide, index de gluten, temps de chute, mesures avec le farinographe et l’extensographe. Un total de 100 points peut être obtenu.
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Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 224–227, 2012
Introduction L’épeautre (fig. 1) a été jusqu’ à la fin du XIXe siècle la céréale la plus répandue en Suisse alémanique et dans plusieurs régions d’Europe. En 1885, il était encore la première céréale d’hiver cultivée en Suisse, avec 33 % des emblavures. Il a rapidement décliné au XXe siècle au profit du blé, en raison du travail supplémentaire que son décorticage occasionnait et de ses rendements inférieurs au blé (Dictionnaire historique de la Suisse 2010). Cette diminution constante s’est poursuivie jusqu’en
Un schéma de qualité pour l’épeautre | Eclairage
Schlatt TG Wegenstetten AG Aesch ZH Muri AG
Murimoos AG Hohenrain LU
Posieux FR
Figure 2 | Les lieux en Suisse où sont effectués les essais d’homologation d’épeautre.
2000, où seuls 1470 ha d’épeautre étaient encore cultivés. Ces dernières années, l’épeautre connaît un regain d’intérêt et sa surface a dépassé 4000 ha en 2011. Il est surtout cultivé dans les cantons de Berne, Argovie et Lucerne, et dans des régions où la culture de blé est rendue difficile par les conditions plus humides lors du semis et de la récolte. L’intérêt pour l’épeautre destiné à la consommation humaine (pain, pâtes, céréales petitdéjeuner) a augmenté ces dernières années et cette céréale est appréciée en agriculture biologique. Actuellement, seules les variétés Oberkulmer et Ostro sont inscrites dans la liste recommandée suisse. En agriculture biologique, 5 variétés sont recommandées (Oberkulmer, Ostro, Alkor, Tauro et Titan). Onze variétés figurent dans le catalogue national Suisse. Les plus anciennes y ont été inscrites en 1948 (Oberkulmer) et 1978 (Ostro). Au niveau de la qualité boulangère, l’épeautre possède en général des taux de protéines et de gluten humide élevés mais un indice de Zeleny plutôt bas. Le gluten d’épeautre est dit «faible», car il a tendance à être plus extensible et moins élastique que le gluten du blé. Toutefois, chez l’épeautre, une grande variation dans la qualité du gluten a été observée par Schober et al. (2006). Ces auteurs distinguent trois groupes de qualité de gluten: l’un présente une qualité proche du blé moderne, le second est «typiquement épeautre» et un troisième groupe de pauvre qualité. Dans plusieurs études, des paramètres de valeur nutritive et de qualité
boulangère ont été comparés entre plusieurs variétés d’épeautre et une variété de blé. Aucune différence entre épeautre et blé n’a pu être démontrée pour des paramètres comme les protéines, les fibres, les contenus en minéraux ou vitamines, excepté pour la matière grasse où Ruibal-Mendieta et al (2002) ont trouvé 12 x plus de lipides totaux dans l’épeautre que dans le blé, en comparant plusieurs dizaines de variétés d’épeautre et de blé. La composition nutritive et la qualité boulangère de l’épeautre varie beaucoup, comme le blé (Campbell 1997). Si la qualité moyenne de l’épeautre diffère indéniablement de celle du blé, il n’est pas possible de les distinguer clairement l’une de l’autre sur la base des paramètres de qualité boulangère. La qualité boulangère du blé est mesurée sur la base de nombreux paramètres (Kleijer 2002). Pour les variétés de blé testées lors des essais pour l’inscription au catalogue national, ces paramètres figurent dans l’Ordonnance du DFE (2010) sur les semences et les plants des espèces de grandes cultures. Les résultats de ces différentes analyses sont transformés en points (Saurer et al. 1990). Une variété de blé doit obtenir plus de 130 points pour être classée Top. Les exigences concernant le nombre de paramètres à intégrer pour évaluer la qualité de l’épeautre figurant dans cette ordonnance sont bien moindres. Une valeur de l’indice Zeleny supérieure à 45 et inférieure à 20, ainsi qu’un taux de protéines inférieur à 14 % sont éliminatoires. Toutefois, dans les essais d’inscription au catalogue national, plusieurs paramètres de qualité sont
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225
226
29
10
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10
–
35,9
36 – 36,9
37 – 37,9
38 – 38,9
39 – 39,9
40 – 40,9
41 – 41,9
42 – 42,9
43 – 43,9
44 – 45
>45
10
≥ 17,0
16,5 – 16,9
16,1 – 16,4
15,8 – 16,0
15,5 – 15,7
15,2 – 15,4
14,9 – 15,1
14,6 – 14,8
14,3 – 14,5
14,0 – 14,2
<14
protéines %
10
≥ 44
43 – 43,9
42 – 42,9
41 – 41,9
40 – 40,9
39 – 39,9
38 – 38,9
37 – 37,9
36 – 36,9
<36
gluten humide
29,5
29 – 29,4
28,5 – 28,9
28 – 28,4
27,5 – 27,9
27 – 27,4
26,5 – 26,9
26 – 26,4
25,5 – 25,9
<25,5
Gluten index
10
–
>48
40,9
41 – 41,9
42 – 42,9
43 – 43,9
44 – 44,9
45 – 45,9
46 – 26,9
47 – 47,9
48 – 49,9
Farinogramme
10
≥ 65
64 – 64,9
63 – 63,9
62 – 62,9
61 – 61,9
60 – 60,9
59 – 59,9
58 – 58,9
57 – 57,9
<57
%
10
≤ 2,0
2,1 – 2,2
2,3 – 2,4
2,5 – 2,6
2,7 – 2,8
2,9 – 3,0
3,1 – 3,3
3,4 – 3,6
3,7 – 4,0
>4,0
120
115 – 119
110 – 114
105 – 109
100 – 104
95 – 99
90 – 94
85 – 89
80 – 84
<80
absorption résistance perte de en eau pétrissage consistance FE
2010
2009
2010
2009
2010
2009
2010
2009
2010
2009
2010
2009
Franckenkorn
Ebner's Rotkorn
Ebner's Rotkorn
Lignée 1
Lignée 1
Lignée 2
Lignée 2
Zollernspelz
Zollernspelz
Ostar
Ostar
Ostro
Franckenkorn
2010
2009
Ostro
2010
2009
Oberkulmer
Oberkulmer
éliminatoire
32,7
35,7
34,8
41,1
36,3
41,6
50,3
50,6
28,3
32,4
34,2
37,6
29,3
31,3
32,5
36
Zeleny
10
10
10
4
9
4
éliminatoire
éliminatoire
9
10
10
8
10
10
10
9
points
13,2
14,6
13,5
15,2
14,4
14,4
13
14,4
14
15,9
13,1
14,6
14,2
16,3
14,2
16,1
protéines %
éliminatoire
3
éliminatoire
5
2
2
éliminatoire
2
1
7
éliminatoire
3
1
8
1
8
points
57
59,2
57,6
60,6
57,8
59,7
66,5
66,5
60
60,7
56,4
57
60,3
60,8
60
60,7
absorption en eau %
2
4
2
5
2
4
10
10
5
5
1
2
5
5
5
5
points
Farinogramme
2,2
2,5
2,6
3,3
2,2
2
3,5
3,2
2
2,1
3,2
3
2,1
2,4
2,3
2,3
résistance pétrissage
9
7
7
4
9
10
3
4
10
9
4
5
9
8
8
8
points
10
–
157
152
120
119
162
164
119
144
162
174
125
153
161
168
125
138
perte de consistance FE
Tableau 2 | Résultats des analyses qualité de la récolte 2009 et 2010 de l’essai d’homologation et leur transformation en points
100
maximum
27 – 27,9
28 – 28,9
8
9
25 – 25,9
26 – 26,9
7
24 – 24,9
5
6
22 – 22,9
23 – 23,9
4
21 – 21,9
3
20 – 20,9
1
<20
Zeleny
2
éliminatoire
points qualité
Tableau 1 | Schéma d’appréciation de la qualité de l’épeautre
>190
8
9
10
9
7
7
9
10
7
5
10
9
7
6
10
10
points
149
150 – 155
156 – 160
161 – 165
166 – 170
171 – 175
176 – 180
181 – 185
186 – 190
10
–
0,9
0,9
0,4
0,5
0,4
0,5
0,9
0,9
0,4
0,3
0,8
0,5
0,4
0,4
0,4
0,6
DW5/DB
6
6
4
4
4
4
6
6
4
3
6
5
4
4
4
5
45 – 49,9
40 – 44,9
<40
surface cm²
2,6 – 2,7 50 – 54,9
2,8
2,9
3
3,1
>3,1
60
49
44
56
80
42
38
65
96
31
27
65
55
29
26
38
39
surface cm²
1,9
2,0 – 2,1
10
–
4
2
8
8
2
1
10
2
1
1
10
8
1
1
1
1
points
2,2 – 2,3 55 – 59,9
2,4 – 2,5
points
Extensogramme
1,6
1,4 – 1,5
1,2 – 1,3
1,0 – 1,1
0,8 – 0,9
0,6 – 0,7
0,4 – 0,5
0,3
0,2
<0,2
DW5/DB
Extensogramme
>100
10
≥ 260
230 – 259
200 – 229
180 – 199
<180
39
41
41
39
35
32
38
34
37
40
41
40
37
42
39
46
total des points obtenus
79,9
80 – 84,9
85 – 89,9
90 – 94,9
95 – 100
temps de chute
Eclairage | Un schéma de qualité pour l’épeautre
Un schéma de qualité pour l’épeautre | Eclairage
analysés, comme notamment les mesures prises par le farinographe et l’extensographe. Pour mieux mettre en valeur ces paramètres de qualité et pour mieux répondre aux exigences des utilisateurs d’épeautre, un schéma est proposé pour déterminer la qualité de l’épeautre, analogue au schéma utilisé depuis plus de 20 ans sur blé.
Matériel et méthodes Actuellement, lors des essais pour l’inscription à la liste recommandée, plusieurs paramètres de qualité sont mesurés par le laboratoire qualité d’Agroscope Changins-Wädenswil ACW: Le taux de protéine et la dureté du grain sont mesurés par spectrométrie en proche infrarouge (NIRS) sur grains entiers, et l’indice de Zeleny avec la méthode standard d’ICC 116.1. Ces trois mesures sont effectuées par variété et par lieu. L’absorption en eau optimale, la résistance ainsi que la perte de consistance de la pâte en cours de pétrissage sont mesurés avec le farinographe (ICC115.1). L’énergie et la relation entre la ténacité et l’extensibilité de la pâte sont mesurées avec l’extensographe (ICC114.1). Ces deux analyses sont effectuées par variété sur le mélange de tous les lieux. Ces analyses qualité ont été effectuées à partir des essais d’inscription à la liste recommandée réalisés en 2009 et 2010 en 7 lieux différents – 6 en Suisse alémanique et 1 en Suisse romande (fig. 2). Ces lieux se trouvent dans la région traditionnelle de la culture d’épeautre. Le lieu Grangeneuve (1725) n’a pas été analysé en 2009 à cause de dégâts importants de grêle. Schéma de qualité Pour le schéma d’appréciation de la qualité de l’épeautre, 10 paramètres ont été retenus. Chaque paramètre peut obtenir 10 points au maximum (tabl. 1). Pour plusieurs paramètres, un optimum a été défini - comme pour l’indice de Zeleny, l’index gluten, la perte de consistance de la pâte en cours de pétrissage, la relation entre ténacité et extensibilité de la pâte (DW5/DB), et l’énergie de la pâte (surface cm²), de manière à refléter la spécificité de la qualité de l’épeautre. Pour la teneur en protéines, le gluten humide, l’absorption en eau et le temps de chute, la valeur la plus élevée obtient le maximum de points, tandis que pour la résistance au pétrissage, les valeurs les plus basses obtiennent le maximum des points. Ce schéma tient donc compte, dans l’attribution des points, des spécificités de l’épeautre et son gluten «faible». Le tableau 2 présente les résultats des analyses qualité de différentes variétés testées en vue de leur inscription sur la liste recommandée pour les années 2009 et
2010 et la conversion en points. Trois paramètres n’ont pas été analysés lors de ces essais: la teneur en gluten humide, l’index de gluten et le temps de chute. Le maximum atteignable par une variété est de 70 points. La lignée 1 obtient un indice de Zeleny éliminatoire et 4 variétés obtiennent une année sur deux une teneur en protéines trop basse et éliminatoire. En 2010, les variétés Oberkulmer et Ostro obtiennent le nombre de points le plus élevé avec 46 et 42 points, et en 2009, ce sont les variétés Zollerspeltz et Frankenkorn qui obtiennent le plus de points avec 41 points. La lignée 2 obtient le nombre de points le plus faible en 2009 et 2010. La qualité varie d’une année à l’autre en raison des conditions climatiques. Suivant les années, les variétés réagissent de la même manière, comme en 2009 et 2010 où la corrélation entre les résultats des analyses qualité était très élevée (R2 = 0,98). En prenant les paramètres individuels, le coefficient de détermination variait de 0,59 pour la teneur en protéines à 0,96 pour l’indice de Zeleny.
Conclusions Le schéma proposé a pour but de mieux mettre en valeur les analyses de qualité de l’épeautre, en intégrant les spécificités de la qualité de cette céréale. Il permettra de juger si les variétés testées ont une qualité «spécifique épeautre» ou plutôt une qualité proche de celle du blé. Les analyses effectuées et présentées ici seront complétées par la détermination du taux de gluten humide, de l’index de gluten et du temps de chute, permettant une meilleure appréciation de la qualité des variétés inscrites sur le catalogue national. n
Bibliographie ▪▪ Dictionnaire historique de la Suisse, Epeautre. 2010, Accès: http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F27659.php. ▪▪ Campbell K. G., 1997. Spelt : agronomy, genetics and breeding. Plant Breeding Reviews 15, 187–213. ▪▪ Kleijer G., 2002. Sélection des variétés de blé pour la qualité boulangère. Revue suisse Agric. 34 (6), 253–259. ▪▪ Ordonnance du DFE 916.151.1 sur les semences et les plants des espèces de grandes cultures et de plantes fourragères, juillet 2010. ▪▪ Ruibal-Mendieta N., Delacroux D. & Meurens M., 2002. A comparative analysis of free, bound and total lipid content on spelt and winter wheat wholemeal. J. Cereal science 35, 337–342. ▪▪ Saurer W., Achermann J., Tièche J-D., Rudin P. M. & Mändli K., 1991. Das Bewertungsschema ’90 für die Qualitätsbeurteilung von Weizenzüchtungen. Landwirtschaft Schweiz 4 (1 – 2), 55–57. ▪▪ Schober T. J., Bean S. R. & Kuhn M., 2006. Gluten proteins from spelt ( Triticum aestivum ssp. spelta) cultivars: A rheological and size-exclusion high-performance liquid chromatography study. J. Cereal Science 44, 161–173.
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 224–227, 2012
227
P o r t r a i t
Hermine Hascher Impliquée dans les réseaux et les pieds sur terre Hermine Hascher travaille chez AGRIDEA depuis plus de six mois. Auparavant, elle a participé, en sa qualité de gérante de la Fédération agricole du canton de Thurgovie (Verband Thurgauer Landwirtschaft – VTL), à la réorientation des organisations agricoles thurgoviennes. En collaboration avec les comités des associations, elle a conduit l’évolution des structures professionnelles pour répondre aux changements du secteur agroalimentaire et aux attentes, en perpétuelle évolution, de la société. A côté de la conduite opérationnelle de la fédération, elle a travaillé sur des questions plus stratégiques et accompli différentes tâches liées à la communication. En outre, Hermine Hascher s’est aussi activement impliquée dans la politique, s’engageant au sein de plusieurs commissions du Grand Conseil de Thurgovie. Réseau très large au niveau régional et national Les relations étroites qu’elle entretient avec le gouvernement, l’administration et les associations sont toujours très importantes pour cette Thurgovienne dont les réseaux s’étendent au-delà des frontières régionales. Après avoir obtenu son diplôme en agronomie, spécialisation en production animale, Hermine Hascher a travaillé à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) dans le service de l’estimation de la valeur d’élevage. Ce domaine lui a d’ailleurs valu d’orienter et d’écrire sa thèse sur l’estimation de la valeur d’élevage. Un stage à l’état-major de l’Office fédéral de l’agriculture, suivi d’une activité au sein de l’Union suisse des paysans, puis de diverses missions à l’étranger, lui ont permis de parfaire ses connaissances sur des questions liées à l’économie, l’écologie, l’aménagement du territoire, la politique agricole ou encore le social. Sa fonction de gérante du VTL durant plus de dix ans lui a énormément apporté et elle avoue l’avoir accomplie avec beaucoup de satisfaction. La réorganisation de la fédération étant terminée, le moment est venu pour elle de se lancer un nouveau défi. Investie pour AGRIDEA Pour AGRIDEA, l’expérience de l’ingénieure agronome de l’EPFZ, de surcroît bénéficiant d’un lien fort avec les pratiques agricoles et l’espace rural, est une aubaine. Avec la conduite, sur les deux sites de Lindau et Lausanne, du groupe «Exploitation, Famille, Diversification», Hermine Hascher, va pouvoir relever de nombreux défis tant thématiques que liés à la réorganisation d’AGRIDEA.
228
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 228, 2012
Bildlegende
En faveur d’une qualité de vie dans l’espace rural Hermine Hascher et son équipe travaillent sur de nombreux thèmes. Gestion de l’entreprise, économie de l’exploitation, économie familiale, femmes en agriculture, diversification, nutrition, coopération ou affaires sociales ne sont que quelques mots-clés définissant ce large domaine. L’avenir des familles paysannes et de l’espace rural est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Les objectifs d’AGRIDEA redonnent un sens à son travail – elle s’y investit avec enthousiasme. Esther Weiss, AGRIDEA, 8315 Lindau
A c t u a l i t é s
Nouvelles publications Composition des produits carnés d’origine suisse
ALP science Nr. 542 | Februar 2012
ZUSAMMENSETZUNG VON FLEISCHPRODUKTEN SCHWEIZERISCHER HERKUNFT Technisch-wissenschaftliche Informationen
Autorin Alexandra Schmid Forschungsanstalt Agroscope Liebefeld-Posieux ALP CH-3003 Bern, nutrition@alp.admin.ch
ALP science Nr. 542 | Februar 2012
ALP science n° 542 La viande est un élément de grande valeur dans l’alimentation de l’être humain. Elle est riche en protéines, pauvre en hydrates de carbone et, selon le morceau ou la découpe, elle est également pauvre en graisse. En Suisse, la viande représente la principale source de vitamines A, B1, B12 et de niacine ainsi que de sodium et de fer. De plus, elle contribue de façon importante à l’apport en vitamines B2, B6 et en acide pantothénique, tout comme en phosphore, en sélénium et en zinc. En 2010, la consommation de viande par habitant s’est élevée, dans notre pays, à 53,6 kg. Ce chiffre comprend non seulement la consommation de viande fraîche, mais également les produits élaborés à base de viande (saucisses, viande séchée, lard, etc.) très courants en Suisse et qui représentent la majeure partie des 250 000 t de viande et de produits carnés consommés dans les ménages helvétiques (par exemple saucisses à rôtir, charcuteries). Malgré l’importante consommation des produits carnés les plus divers, il n'existe pas en Suisse de données approfondies concernant leur composition (à l'exception des macronutriments) qui soient basées sur des analyses. Des indications actuelles et précises sur la com position des denrées alimentaires sont pourtant indispensables pour de nombreux secteurs des sciences nutritionnelle et alimentaire. Par ailleurs, l’intérêt croissant des consommateurs pour les questions relatives à la santé et à l’alimentation exige que l’on dispose d’une base de données exacte et complète pour les produits du pays. C’est pour cette raison que, dans le cadre d’un projet pluriannuel, la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP a déterminé la composition de plusieurs produits carnés d’origine suisse. Les données publiées jusqu’ici sont regroupées et complétées dans le présent numéro d’ALP Science. Ce document ALP Science 542 n'est disponible qu'en allemand. Alexandra Schmid, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 229–231, 2012
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Actualités
M C oem d ime un nmi iqtut e é isl ud ne gperne s s e
www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen www.agroscope.admin.ch/communiques 29.03.2012 Fourrages en zone sèche: des prairies ou des cultures annuelles? Nourrir les bovins avec l’herbe des prés est le mode le plus naturel de production de lait et de viande. Après deux années consécutives marquées par de longues périodes sans pluie, les stocks de foin peinent à être reconstitués. Agroscope a comparé, dans un essai réalisé sur son site de Changins, diverses cultures fourragères soumises ou non à la sécheresse. Les premiers résultats incitent à prendre au sérieux les effets des aléas climatiques.
26.03.2012 L’esparcette – une légumineuse attrayante pour les prairies temporaires? L‘esparcette (sainfoin) est une légumineuse peu exigeante et de bonne qualité fourragère. Ses teneurs élevées en tanins condensés la rendent attractive pour la
AgRAR foRSchung Schweiz RecheRche AgRonomique SuiSSe
santé du bétail. Dans le cadre de l’étude variétale, Agroscope a récemment testé trois variétés d’esparcette, dont une nouvelle obtention qui est ajoutée à la liste des variétés recommandées.
08.03.2012 A la recherche du principal vecteur de virus pour la pomme de terre Les pommes de terre sont attaquées par de nombreux virus, qui entraînent des dommages considérables. Les insectes jouent un rôle essentiel dans la dissémination des virus de la pomme de terre et les spécialistes d’Agroscope cherchent à identifier les principales espèces responsables. Leurs travaux ont toutefois révélé que les suspects habituellement considérés sont relativement inoffensifs. Les données montrent que les attaques virales sont corrélées avec la présence du puceron vert du prunier.
Informations actuelles de la recherche pour le conseil et la pratique : Recherche Agronomique Suisse paraît 10 fois par année et informe sur les avancées en production végétale, production animale, économie agraire, techniques agricoles, denrées alimentaires, environnement et société. Recherche Agronomique Suisse est également disponible on-line sous www.rechercheagronomiquesuisse.ch Commandez un numéro gratuit! Nom / Société
Recherche Agronomique Suisse/ Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Les partenaires sont l’office fédéral de l’agriculture ofAg, la haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires hAfL, AgRiDeA Lausanne & Lindau et l’ecole polytechnique fédérale de zurich eTh zürich, Département des Sciences des Systèmes de l’environnement. Agroscope est l’éditeur. cette publication paraît en allemand et en français. elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées.
230
Prénom Rue/N° Code postal / Ville Profession E-Mail Date Signature Talon réponse à envoyer à: Rédaction Recherche Agronomique Suisse, Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-haras, case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 26 407 72 21, fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch www.rechercheagronomiquesuisse.ch
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Avril 2012 13.04.2012 7. NATUR Kongress 2012 Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Congress Center, Bâle 19.04.2012 7ème Réunion annuelle du Réseau de recherche équine en Suisse Haras national suisse HNS Avenches 27.04. – 06.05.2012 BEA / PFERD 2012 Haras national suisse HNS Berne
Dans le prochain numéro Mai 2012 / Numéro 5 La sélection de variétés de blé résistantes à l'oïdium a besoin d'informations sur la présence de virulences et la structure des virulences dans les populations d'oïdium locales. Agroscope ACW a testé une nouvelle méthode de monitorage des virulences par approche globale plutôt que par analyse des constituants de la population. (Photo: Carole Parodi, ACW)
••Monitorage des virulences et structure des populations de l’oïdium de 2003 à 2010, Fabio Mascher et al., ACW ••La qualité microbiologique des aliments pour animaux, Jean-Louis Gafner, ALP-Haras ••Comparaison de l’écoulement sur les revêtements en dur des aires d’exercice dans les stabulations bovines, Beat Steiner et al., ART et Université de Hohenheim ••Essai de systèmes culturaux de Burgrain: aspects pédologiques, Jürg Zihlmann et al., ART et BBZN Schüpfheim
Mai 2012 03.05.2012 Réflexion éthique face au cheval ET12 Haras national suisse HNS BEA Pferd, Berne 08.05.2012 Fachtagung MARSEP-Ringversuch & Düngerkontrolle / VBBo-Ringversuche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Liebefeld, Berne 09. – 10.05.2012 Landtechnik im Alpenraum Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Feldkrich, Autriche Juin 2012 03.06.2012 Breitenhof-Tagung 2012 Agroscope Changins-Wädenswil ACW Steinobstzentrum Breitenhof, Wintersingen 08. – 10.06.2012 OpenART12 – Forschungsfest Landwirtschaft Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Reckenholz, Zurich-Affoltern
••Changement climatique et agriculture: développement de la base des connaissances, Daniel Felder, OFAG ••Liste recommandée des variétés de colza d’automne pour la récolte 2013, Didier Pellet et Jürg Hiltbrunner, ACW et ART
Informationen: Informations: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen www.agroscope.admin.ch/manifestations
Recherche Agronomique Suisse 3 (4): 229–231, 2012
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harasnational.ch
7ème réunion annuelle du Réseau de recherche équine en Suisse 19 avril 2012 9 h - 17 h, Théâtre du Château, Avenches -
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Journée ouverte à tout public avec exposés et posters Echange et transmission d’un savoir scientifique aux détenteurs, cavaliers, meneurs et éleveurs Thèmes: Prévention et maladies ; Elevage et génétique ; Bien-être et détention ; Définition des besoins Prix (y. c. les repas): Participants CHF 120.- (€ 100.-) Participants au cycle Equigarde® CHF 100.- (€ 85.-) Etudiants et doctorants CHF 40.- (€ 35.-) Inscription* obligatoire Schweizerische Eidgenossenschaft Confédération suisse Confederazione Svizzera Confederaziun svizra
Eidgenössisches Volkswirtschaftsdepartement EVD Département fédéral de l'économie DFE Forschungsanstalt Agroscope Liebefeld-Posieux ALP -Haras Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras
Siebte Jahrestagung Netzwerk Pferdeforschung Schweiz 19. April 2012 9 - 17 Uhr, Théâtre du Château, Avenches - Öffentliche Tagung mit Vorträgen und Ausstellung - Wissenschaftlicher Austausch und Wissenstransfer zu den Haltern, Reitern, Fahrern und Züchtern - Themen: Prävention und Krankheiten; Zucht und Genetik; Wohlbefinden und Haltung; Definition der Bedürfnisse - Tagungsgebühren (inkl. Verpflegung): Teilnehmer CHF 120.- (€ 100.-) CHF 100.- (€ 85.-) Equigarde®-Teilnehmer Studenten und Doktoranden CHF 40.- (€ 35.-) - Anmeldung* obligatorisch *Anmeldungen und Infos: / * Inscriptions et renseignements : Tel. 026 676 63 00 Fax: 026 676 63 04 sabine.begert@haras.admin.ch
Mittwoch/Donnerstag, 9./10. Mai 2012
11. Tagung Landtechnik im Alpenraum Gemeinsame Tagung der Agroscope ART und BLT Wieselburg
Themen • Elektrisch getriebene Traktoren und Feldhäcksler • EU-Agrarpolitik nach 2014 – Perspektiven für kleinstrukturierte Betriebe • Eindämmung der Gemeinen Rispe • GPS- und GSM-basierte Trackingsysteme für Rinder in Berggebieten • Controlled traffic farming • Dieselruss, Emissionen und elektron. Traktorentuning
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Tagungsort Kongresszentrum Monforthaus AT-6800 Feldkirch Detailprogramm und Anmeldung www.feldkirchtagung.at Offizieller Empfang auf der Schattenburg Mittwoch, 9. Mai, 19 Uhr
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