Recherche Agronomique Suisse 2 0 1 1
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N u m é r o
1 1 – 1 2
Agroscope | OFAG | HESA | AGRIDEA | ETH Zürich
N o v e m b r e – D é c e m b r e
Edition spéciale
echerche, vulgarisation et enseignement pour une R alimentation saine et une agriculture durable
Sommaire Novembre–Décembre 2011 | Numéro 11–12 Jean-René Germanier, Président du Conseil national 2010/2011, au marché de Berne. Les connaissances en matière de production de denrées alimentaires, de conservation des ressources vitales et d’entretien des paysages cultivés sont élaborées et communiquées par la recherche, la formation, la vulgarisation et la pratique. (Photo: Hélène Tobler)
Impressum Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées. Editeur Agroscope
Edition spéciale consacrée au système de connaissances agricoles en Suisse 483
I mportance de la recherche agronomique suisse à l‘échelle mondiale, Bernard Lehmann
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Le système de connaissances agricoles en Suisse Alfred Buess, Urs Gantner, Markus Lötscher, Anton Stöckli et Matthias Tschumi
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Agroscope – Recherche agronomique pour la Suisse Jean-Philippe Mayor, Michael Gysi et Paul Steffen
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GRIDEA: des solutions innovantes et durables pour A l’espace rural, Ulrich Ryser
498 Interviews de personnalités issues de la politique et du secteur agricole, Karin Bovigny-Ackermann, Carole Enz et Sibylle Willi 508
âches d’exécution d’Agroscope: un soutien T scientifiquement fondé pour le législateur Lukas Bertschinger, Daniel Guidon et Stephan Pfefferli
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ases scientifiques du conseil aux politiques B Stephan Pfefferli et Lukas Bertschinger
Rédaction Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope LiebefeldPosieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch
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echerche, développement, conseil – la clé du R succès suisse Paul Steffen, Denise Tschamper et Ulrich Ryser
Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, Case postale 1012, 1260 Nyon 1, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch
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Production végétale Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse Tomke Musa, Eveline Jenny, Hans-Rudolf Forrer et Susanne Vogelgsang
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Production végétale Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles Gabriella Silvestri et Simon Egger
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Aliments Des cultures fromagères championnes du monde Hans-Peter Bachmann, Elisabeth Eugster, Barbara Guggenbühl et Hans Schär
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ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse
Production animale Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives Valérie Piccand, Erwan Cutullic, Fredy Schori, Karin Keckeis, Christian Gazzarin, Marcel Wanner et Peter Thomet
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Actualités
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Manifestations
© Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.
Listes variétales Encart Liste suisse des variétés de pommes de terre 2012 Ruedi Schwärzel, Jean-Marie Torche, Thomas
Partenaires b A groscope (stations de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW; Agroscope Liebefeld-Posieux et Haras national suisse A LP-Haras; Agroscope Reckenholz-Tänikon ART) b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne b Haute école suisse d’agronomie HESA, Zollikofen b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau b Ecole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, Department of agricultural and foodscience
Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Directeur général ACW), Sibylle Willi (ACW), Evelyne Fasnacht (ALP-Haras), Etel Keller-Doroszlai (ART), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HESA), Philippe Droz (AGRIDEA), Jörg Beck (ETH Zürich) Abonnements Tarifs Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne: CHF 61.–* * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch ou info@rechercheagronomiquesuisse.ch Adresse Nicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch www.agrarforschungschweiz.ch
Hebeisen, Theodor Ballmer et Tomke Musa
Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS Berner Fachhochschule Haute école spécialisée bernoise Schweizerische Hochschule für Landwirtschaft SHL Haute école suisse d’agronomie HESA
Editorial
Importance de la recherche agronomique suisse à l'échelle mondiale Chère lectrice, cher lecteur,
Bernard Lehmann, directeur de l’Office fédéral de l'agriculture OFAG
La recherche a une haute priorité pour l’alimentation et pour une utilisation agricole durable des ressources naturelles: il s’agit d’un investissement pour les générations futures. La croissance démographique pronostiquée, l'augmentation de la consommation des protéines et les conséquences très différentes au plan régional du changement climatique auxquelles on s’attend, combinées à la surexploitation des ressources naturelles que l’on observe déjà dans de nombreuses régions du monde, représentent un immense défi. Le concept de la sécurité alimentaire met en évidence les facteurs limitatifs: quantité suffisante de nourriture grâce à une production agricole et à une transformation durables; accès à la nourriture pour tous; alimentation saine tant pour les riches que pour les pauvres; stabilité écologique et socio- économique au niveau local et mondial. Nécessité d’une intensification mondiale durable C’est pourquoi il est indispensable de parvenir, entre autres, à une intensification durable à l’échelle mondiale, et donc, de mener des recherches dans les domaines de l’exploitation durable du sol et de la sélection des végétaux et des animaux. De même, il est nécessaire d’avoir des connaissances économiques sur la distribution optimale des ressources limitées entre les utilisateurs et régions actuels, ainsi que dans une perspective intergénérationnelle. Dans les pays développés, nous devons en outre adopter un comportement plus responsable en matière d’alimentation et moins gaspiller. Prenons comme exemple la Suisse et plaçons-la dans un contexte mondial: nous représentons assez exactement un pour mille de la population mondiale; la croissance démographique en Suisse représente elle aussi un pour mille de la croissance mondiale (1 % par an). Il en va autrement pour les surfaces agricoles: alors qu’en moyenne mondiale, elles équivalent à un terrain de foot par habitant, elles n'en représentent qu'un quart chez nous. La part des terres arables s'élève à près de 30 % sur le plan mondial et à près de 25 % en Suisse. C’est pourquoi la Suisse est un pays importateur de denrées alimentaires. Défi: ressources naturelles limitées Les terres, limitées, sont chez nous utilisées de telle manière que les conflits entre la production agricole et les exigences écologiques sont réduits à un minimum et que de véritables prestations écologiques sont fournies. Nous le devons notamment à une forte recherche agronomique en Suisse. Elle a constamment accompagné le processus de développement de l’agriculture et de sa relation aux ressources naturelles limitées (programmes nationaux de recherche PNR portant sur l’environnement et les ressources). La Suisse sert ainsi de «laboratoire mondial»: les thèmes tels que la prévention de la surexploitation et les utilisations superposées combinées à une agriculture productive y sont traités depuis longtemps. Le deux nouveaux PNR, «Sols» et «Alimentation», sont la preuve que la Suisse mène activement des recherches portant sur une thématique à la fois nationale et mondiale. Cela souligne la portée de la recherche agricole dans notre pays; vu le contexte géographique, écologique et sociétal, celle-ci traite en effet des questions de recherche permettant d’obtenir les résultats pertinents pour d’autres contextes locaux sur le plan mondial.
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E d i t i o n
s p é c i a l e
Le système de connaissances agricoles en Suisse Alfred Buess1, Urs Gantner2, Markus Lötscher2, Anton Stöckli2 et Matthias Tschumi2 Président du Conseil de la recherche agronomique CRA, Haute école suisse d’agronomie HESA 2 Office fédéral de l'agriculture OFAG Renseignements: Alfred Buess, e-mail: alfred.buess@bfh.ch, tél. +41 31 910 21 11
1
Les essais pratiques font partie de la formation agricole. (Photo: Haute école suisse d’agronomie HESA)
Le système de connaissances agricoles (SCA) produit et communique le savoir en matière de production de denrées alimentaires, de conservation des ressources vitales et d’entretien du paysage cultivé. Il repose sur quatre piliers: la recherche, la formation, la vulgarisation et la pratique. La recherche agronomique suisse s’oriente à la fois vers la production de connaissances et vers l’application. Elle dispose d’une offre de formation professionnelle et de formation universitaire de même que d’un large spectre de vulgarisation. Un réseau optimal reliant recherche, formation, vulgarisation et pratique est indispensable, car le besoin en matière d’innovation s’accélère, et le savoir ainsi que sa production sont toujours plus complexes.
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Le système de connaissances agricoles (SCA) rassemble toutes les connaissances et expériences dans les domaines suivants: ••moyens de production agricoles; ••production agricole (technique et organisation de la production); ••transformation des matières premières agricoles, y compris des aspects de l’alimentation humaine; ••entreposage des matières premières agricoles et des denrées alimentaires; ••influence de l’environnement et de la société sur l’agriculture; ••influence de l’agriculture sur l’environnement, la nature, le paysage et la société.
Le système de connaissances agricoles en Suisse | Edition spéciale
Transfert de connaissances/ demande de connaissances
Transfert monétaire/ rapports
Transfert de biens
Transfert d'opinions
Recherche privée
Espace, paysage, environnement Intrants
Agriculture
Transformation
Consommation
Producteurs
Transformateurs Commerçants
Consommateurs
Fournisseurs
Vulgarisation
Financement de la recherche via les mises en concurrence
FNS UE PR7
Recherche publique Formation
Gouvernement / administration Confédération et cantons
Parlement / politique
Médias / Représentants d’intérêts
Population suisse Entreprises privées Figure 1 | Mandants et bénéficiaires de prestations dans le système de connaissances agricoles SCA. FNS = Fonds national suisse; UE PR = programmes de recherche de l’UE.
Les principaux acteurs du SCA sont les agriculteurs et les transformateurs. Leur action repose sur le savoir et l’expérience. Ils doivent donc pouvoir tabler sur une formation initiale, une formation continue et une vulgarisation solides. Les méthodes et procédés utilisés, les constructions, les appareils et machines ainsi que le matériel génétique sont essentiels à la performance de leur entreprise. La technique et les méthodes sont développées constamment par la recherche publique et privée et diffusées par la formation et la vulgarisation, puis sont intégrées dans des produits innovants. Ces avancées et l’expérience pratique constituent la base permettant à la production agricole et à la transformation de trouver des réponses adaptées aux nouveaux défis et de mettre une grande force d’innovation au profit d’une évolution positive. La recherche, la formation et la vulgarisation, s’ajoutant à l’expérience issue de la pratique, jouent ainsi un rôle clé dans le SCA en tant que moteurs du progrès. Les quatre éléments du système (recherche, formation, vulgarisation et pratique) doivent cependant interagir et communiquer efficacement.
Objectifs du SCA Le SCA a pour objectifs de fournir des connaissances indispensables à la production de denrées alimentaires saines et de promouvoir l’échange d’expériences. Les intérêts publics, tels que la gestion durable des ressources et de l’environnement, la conservation du paysage cultivé, la participation à l’organisation de l’espace rural ou la promotion du bien-être des animaux doivent être pris en considération. En même temps, la société attend des denrées alimentaires sûres, de haute qualité et issues d’une production qui utilise efficacement les ressources. Ces attentes envers le SCA s’expriment au travers de la vente des produits agricoles (desiderata des clients) et au travers des processus politiques (demandes et attentes de la société). La recherche privée fournit une part considérable des connaissances sur la production et la transformation. Ces connaissances parviennent à la pratique agricole et aux consommateurs par l’intermédiaire de nouveaux produits et se reflètent dans le prix. La recherche privée n’est souvent rentable que si les produits trouvent un débouché sur un grand marché (parfois mondial). Elle
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Edition spéciale | Le système de connaissances agricoles en Suisse
Figure 2 | Les analyses sont un élément important de la recherche agronomique. (Photo: ACW)
ne produit guère de connaissances à spécificité locale (p. ex. variétés adaptées aux conditions locales) et axées sur une production ménageant les ressources et soucieuse de l’entretien du paysage, de la biodiversité et du bienêtre des animaux. La population attend en effet que la pratique agricole fournisse ces prestations, mais ne les rémunère que partiellement par le biais du prix des produits. Les connaissances nécessaires à cet effet sont plutôt produites par la recherche publique; elles sont mises à la disposition de la pratique agricole par la formation et la vulgarisation (fig. 1). Le financement peut être direct ou passer par une distribution des fonds disponibles pour la recherche dans le cadre de mises en concurrence sur les plans national et international. L’ampleur du financement, largement tributaire des besoins et de la compréhension des consommateurs et de la population, est fonction du processus politique. Les médias et les groupes d’intérêts jouent un rôle central dans la médiation des différentes revendications entre la pratique agricole, la population et les décideurs politiques. Offre variée dans le domaine de la recherche, formation et vulgarisation agroalimentaires Recherche L’investissement dans la recherche est motivé par le besoin humain fondamental d’acquérir des connais-
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sances ainsi que par l’aspiration à améliorer le niveau de vie (fig. 2). La recherche poursuit donc deux objectifs: acquisition générale des connaissances et application spécifique du savoir. En référence à la nouvelle définition du Fonds national suisse de la recherche scientifique FNS (FNS 2010), la recherche axée sur le premier objectif est appelée «recherche fondamentale» et la recherche qui réunit les deux objectifs «recherche fondamentale orientée vers l’application». La troisième catégorie, «recherche appliquée», se réfère à une application spécifique, avant tout commerciale. La recherche appliquée est donc souvent menée en coopération avec des entreprises. Une particularité de la recherche agronomique est l’extension, où chercheurs et bénéficiaires se retrouvent autour d’une table pour développer de nouvelles méthodes et résoudre des problèmes. La pratique a dans ce cadre la possibilité de formuler et de prioriser les questions de recherche, qui seront ensuite traitées par les institutions de recherche adéquates. L’extension permet d’intégrer les connaissances de la recherche fondamentale orientée vers l’application dans le traitement des questions posées par la pratique, et de renforcer l’échange de connaissances et le transfert de technologies. En outre, des essais réalisés dans des exploitations agricoles (recherche «onfarm») permettent d’apprécier au plus tôt l’utilité pratique des nouvelles connaissances. Autre particularité de la recherche agronomique: les essais de démonstration et
Le système de connaissances agricoles en Suisse | Edition spéciale
Recherche orientations principales
Institutions Service cantonaux de vulgarisation
Formation
Vulgarisation
Cours proposés aux familles paysannes1
Vulgarisation agricole
AGRIDEA
Participation à des projets et programmes1
Cours proposés aux vulgarisateurs
Documentation destinée à la vulgarisation
Ecoles d'agriculture
Essais privés Essais de démonstration
Formation de base et formation professionnelle supérieure
Vulgarisation agricole
Hautes écoles spécialisées
Recherche appliquée
B.Sc. et M.Sc. Département d'agronomie et des sciences alimentaires
Stations de recherche extrauniversitaires
Hautes écoles et universités
Agroscope
FibL
Recherche fondamentale orientée vers l’application, extension
EPF
Recherche fondamentale
B.Sc., M.Sc., PhD Sciences agroalimentaires
Vetsuisse
Recherche fondamentale
B.Sc., M.Sc., PhD Médecine vétérinaire
Extension Recherche on-farm
Mandats d'enseignement: EPF, universités, hautes écoles spécialisées1
Conseils fournis à la pratique dans l'agriculture bio
Figure 3 | Aperçu schématique de la recherche, de la formation et de la vulgarisation dans le système de connaissances agricoles (SCA). 1 Tâches complémentaires des institutions.
les essais pratiques dans les écoles d’agriculture et leurs exploitations expérimentales. Lors de ces essais, le savoir et les produits développés par la recherche fondamentale orientée vers l’application sont testés, comparés et présentés aux milieux intéressés. Il n’est pas toujours possible de classer explicitement un projet de recherche ou des activités des institutions de recherche dans une seule des catégories précitées de la recherche. Ces institutions doivent néanmoins répondre à des attentes spécifiques. Ainsi, la recherche universitaire doit contribuer dans une large mesure à l’acquisition des connaissances, et donc se consacrer à la recherche fondamentale (fig. 3). Les hautes écoles spécialisées sont avant tout sollicitées dans le domaine de la recherche appliquée et du développement, garantissant une transposition rapide des résultats de recherche dans des applications pratiques et des innovations commercialisables (CRUS 2009). Quant aux institutions de recherche extra-universitaires, elles sont confrontées à des exi-
gences souvent très divergentes en matière d’excellence scientifique et de proximité de la pratique. Leurs atouts résident donc dans la recherche fondamentale orientée vers l’application. Comme le montre la large palette de thèmes qu’ils traitent, le Département des sciences agronomiques et des aliments de l’EPF de Zurich (D‑AGRL), la Haute école suisse d’agronomie (HESA), la station de recherche Agroscope et l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) comptent parmi les principaux centres de compétences dans le domaine de la recherche agroalimentaire. D’autres institutions se focalisent sur des points forts thématiques: la recherche sur les animaux de rente est le thème principal dans le domaine agricole des facultés Vetsuisse aux Universités de Zurich et de Berne, l’œnologie et la viticulture à l’EIC de Changins, l’horticulture à l’HEPIA de Lullier, puis les sciences de l’alimentation à la ZHAW de Wädenswil et à la HES-SO VS.
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Edition spéciale | Le système de connaissances agricoles en Suisse
Figure 4 | Echange de connaissances entre recherche et pratique. (Photo: Haras national suisse HNS)
Formation Le SCA met pleinement à profit les atouts du système suisse de formation. Selon les préférences et talents individuels, il offre différentes voies de formation: écoles professionnelles, hautes écoles spécialisées et cursus universitaires (fig. 3). La formation professionnelle de différents niveaux incombe aux écoles d’agriculture ainsi qu’aux institutions privées agréées à cette fin et soutenues financièrement par le canton. Pour coordonner la formation professionnelle au niveau national, neuf organisations professionnelles se sont regroupées au sein de l’organisation du monde du travail (OrTra) AgriAliForm. Les étudiants des diverses hautes écoles spécialisées peuvent obtenir le titre de Bachelor of Science dans les domaines de l’agronomie, de la technologie des aliments, de l’alimentation et de l’environnement. Le Master of Science (M.Sc.) in Life Sciences est offert en coopération par la Haute école spécialisée bernoise HESB (HESA de Zollikofen), la Haute école zurichoise de sciences appliquées ZHAW (Life Sciences und Facility Management, Wädenswil), la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse FHNW (Life Sciences, Muttenz) et la Haute école spécialisée de la Suisse
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occidentale HES-SO (Fribourg, Lullier, Changins, Sion). Enfin, l’EPFZ est la seule institution universitaire à offrir des cursus de bachelor et de master et des études de doctorat en sciences agronomiques et des aliments. Vulgarisation Dans les cantons, les activités de vulgarisation peuvent être exercées soit par l’administration cantonale soit par un centre de formation agricole. Certains cantons ont délégué cette tâche à une organisation professionnelle agricole. Depuis 2008, les services de vulgarisation agricole cantonaux et ceux d’autres institutions ont été organisés au sein du Beratungsforum Schweiz / Forum La Vulg Suisse (BFS/FVS). Ce forum collabore étroitement avec AGRIDEA et entretient l’échange de connaissances avec la recherche agronomique; il s’agit de relier les connaissances scientifiques et le savoir de la pratique et de les combiner dans une synthèse. Dans certains cantons, le regroupement dans un centre de formation et de vulgarisation agricoles permet une étroite collaboration entre la vulgarisation et la recherche. Quant à l’agriculture biologique, elle bénéficie de l’offre de vulgarisation de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL.
Le système de connaissances agricoles en Suisse | Edition spéciale
AGRIDEA est une institution de services pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural. Elle représente un trait d’union entre la recherche et la vulgarisation cantonale et soutient cette dernière par des cours de formation initiale et continue, des informations et des tâches de mise en réseau. Pratique Le développement fulgurant de nouvelles connaissances dans la recherche et leur intégration dans de nouveaux produits, procédés et méthodes, impose une formation permanente à tous les intéressés. Ainsi, la pratique est appelée, d’une part, à utiliser l’offre de formation et de vulgarisation pour combiner les nouvelles connaissances avec l’expérience et les appliquer adéquatement et, d’autre part, à participer à la production du savoir. Notamment la participation à des projets et campagnes de recherche gagne constamment en importance. Diverses institutions telles que Swiss Food Research et Euresearch promeuvent et soutiennent le partenariat entre la recherche et la pratique (fig. 4). Défis à relever par le SCA La complexité croissante des connaissances et des défis, de même que l’accélération dans les domaines de la production du savoir et des besoins d’innovation, requièrent toujours plus une mise en réseau, aussi bien des disciplines et des catégories de la recherche, que de la recherche, de la formation et de la vulgarisation. Des performances de pointe en matière d’innovation ne peuvent être garanties que lorsqu’un domaine thématique est abordé par toutes les catégories de la recherche, de sorte que les connaissances purement scientifiques puissent être mises en valeur grâce à un transfert adéquat tout au long de la chaîne de valeur ajoutée «recherche fondamentale – recherche fondamentale orientée vers l’application – recherche appliquée – développement/extension». En outre, le succès de la recherche repose essentiellement sur la portée et la rapidité de la diffusion des nouvelles connaissances et leur intégration dans des produits commerciaux, applications pratiques, processus décisionnels généraux et comportements. L’étroite imbrication entre la recherche et l’enseignement des universités et des hautes écoles spécialisées permet d’intégrer rapidement les nouvelles connaissances dans la formation initiale et continue. En même temps, une vulgarisation adéquate est nécessaire, d’une part pour rendre les nouvelles connaissances scientifiques utilisables par la pratique et, d’autre part, pour identifier les défis à relever par les praticiens et pour les intégrer dans de nouveaux projets de recherche en dialogue avec les chercheurs.
Conclusion Les défis complexes tels que la mondialisation des marchés, la pénurie des ressources et le changement climatique (OFAG 2010) exigent une concertation et une large mise en réseau de tous les intéressés, de manière à mieux réunir les forces nécessaires et à les concentrer sur une utilisation maximale des synergies. La société, tout comme les personnes occupées dans le secteur agroalimentaire, attendent en outre que la vulgarisation soit adaptée à l’état actuel des connaissances, ce qui présuppose une étroite collaboration entre la recherche et la vulgarisation. Pour les entreprises du secteur agroalimentaire, notamment les familles paysannes, c’est la recherche interdisciplinaire et transdisciplinaire visant à résoudre les problèmes actuels ainsi qu’une communication des résultats de recherche adaptée à la pratique qui sont prioritaires. En même temps, les entreprises ont besoin d’une formation initiale et continue propres à leur transmettre des compétences techniques, méthodologiques, personnelles et sociales. Seul un SCA qui travaille avec souplesse et en réseau pour soutenir les clients et compte tenu de leurs besoins peut répondre à toutes ces attentes. n
Bibliographie ▪▪ Office fédéral de l’agriculture OFAG, 2010. Agriculture et filière alimentaire 2025, document de travail de l’Office fédéral de l’agriculture p ortant sur l’orientation stratégique de la politique agricole. ▪▪ Conférence des recteurs des universités suisses CRUS, Conférence des recteurs des hautes écoles spécialisées suisses KFH, Conférence des rectrices et recteurs des hautes écoles pédagogiques COHEP,. 2009. Les trois types de hautes écoles au sein du système d’enseignement supérieur suisse. ▪▪ Fonds national suisse FNS, 2010. Programme pluriannuel 2012 – 2016. Planification à l’attention des autorités fédérales.
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Agroscope – Recherche agronomique pour la Suisse Jean-Philippe Mayor1, Michael Gysi2 et Paul Steffen3 Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 1260 Nyon 2 Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras, 1725 Posieux 3 Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Renseignements: Jean-Philippe Mayor, e-mail: jean-philippe.mayor@acw.admin.ch, tél. +41 22 363 41 06
1
Office fédéral de l‘agriculture OFAG Bernard Lehmann
Secteur Recherche et Vulgarisation Urs Ganter
ACW
ALP-Haras
ART
Jean-Philippe Mayor
Michael Gysi
Paul Steffen
Planification et Ressources
Recherche et Développement
Communication et Transfert technologique
Figure 1 | Organisation Agroscope.
Agroscope fait partie de l’Office fédéral de l’agriculture et comprend les trois stations de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, Agroscope LiebefeldPosieux ALP-Haras et Agroscope Reckenholz-Tänikon ART (fig 1 et 2). Elle emploie quelque 900 collaborateurs, dont plus de 39 % de collaboratrices et, en moyenne, plus de 50 apprenti/es par année. Agroscope publie aussi en moyenne plus de 1800 publications annuelles, qui permettent un transfert technologique reconnu et apprécié en Suisse et à l’étranger. Enfin, en 2010, plus de 4200 heures de cours ont été dispensées par des collaborateurs d’Agroscope dans les universités et hautes écoles spécialisées (fig. 3).
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Une agriculture au service de l’être humain et de l’environnement: Agroscope effectue des recherches en vue d’obtenir des aliments sains et un espace rural où il fait bon vivre. Agroscope répond aux préoccupations des personnes actives dans l’agriculture, des consommateurs, de la collectivité et de l’administration. Elle encourage une agriculture suisse multifonctionnelle et compétitive et tient compte, à cet effet, des enjeux économiques, écologiques et sociaux. Elle oriente sa recherche sur les défis à venir et donne la place qui leur est due aux approches systémiques, à la fois transdisciplinaires et novatrices.
Agroscope – Recherche agronomique pour l a Suisse | Edition spéciale
Cours [h]
5000 ALP-Haras
ART
4228
4000 3000 2000
ACW
1252
1476
2008
2009
1000 0
2010
Figure 3 | Nombre d'heures de cours dispensées par des collaborateurs Acroscope dans les hautes écoles suisses de 2008 à 2010. Figure 2 | Emplacements des stations de recherche Agroscope.
L’agriculture helvétique et la filière alimentaire ne peuvent être compétitives que si elles produisent des denrées alimentaires sûres, saines, savoureuses et d’excellente qualité. Par la sélection de variétés végétales et le développement de procédés de production adaptés aux conditions suisses, Agroscope soutient la filière agroalimentaire dans ses efforts en vue du leadership en matière de qualité. Le but poursuivi est d’améliorer les propriétés nutritionnelles des denrées alimentaires et de faire en sorte qu’elles correspondent aux goûts des consommateurs, tout en étant produites avec le moins possible de ressources et en limitant l’impact sur l’environnement. ACW ACW est chargée de la recherche appliquée en production végétale et aliments d’origine végétale, et des tâches légales liées à ces compétences. Les objectifs de sa recherche sont la production de produits végétaux sains, attractifs et répondant aux besoins du marché, au moyen d’une agriculture compétitive et respectueuse l’environnement.
ACW est présente dans les principales zones de culture de la Suisse, afin d’élaborer des solutions axées sur la pratique au service de l’agriculture locale. Une attention accrue a été accordée ces dernières années à la qualité et à la sécurité des denrées alimentaires. La seule chance pour les denrées alimentaires suisses de s’imposer sur un marché toujours plus libéralisé est en effet qu’elles soient irréprochables, c’est-à-dire exemptes de micro-organismes indésirables et de résidus de produits phytosanitaires. ALP-Haras La recherche d’ALP-Haras s’étend des aliments pour animaux aux denrées alimentaires d’origine animale, en passant par la production et la transformation. Son but est que les denrées alimentaires produites en Suisse bénéficient de la totale confiance des consommateurs. Par ses activités de recherche et de vulgarisation et par la mise en application des dispositions légales, ALP-Haras contribue à une production durable et compétitive de lait, de viande et de miel, et à leur transformation en produits sains, sûrs et de haute qualité.
Une huile pour la friture sans acides gras trans grâce au colza HOLL L’huile de colza classique ne peut pas être utilisée comme huile de friture sans hydrogénation préalable. Ce processus industriel génère en effet des acides gras trans, nocifs pour la santé. ACW et des partenaires industriels ont développé le colza HOLL (high oleic low linolenic), qui permet la production d’une huile supportant naturellement les hautes températures. La qualité obtenue en Suisse est excellente. Ceci s’explique par le climat favorable à ce type de produit et grâce aux rotations des cultures limitant les repousses de colza indésirables. Aujourd’hui, la production de colza HOLL représente déjà 20 % de la surface totale de colza.
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Edition spéciale | Agroscope – Recherche agronomique pour l a Suisse
Les fromages suisses – Du pur Swissness! Près de la moitié du lait produit en Suisse est transformé en fromage. Le fromage suisse jouit d’une réputation internationale en raison de sa qualité, et contribue en outre à une alimentation saine. L’évolution des modes de production et de transformation du lait et les exigences accrues en matière de sécurité alimentaire soulèvent de nouvelles questions dans la pratique. ALP-Haras soutient la filière fromagère par une recherche orientée sur la pratique qui a permis de diminuer le risque de fermentations défectueuses atypiques, de réduire les amines biogènes et d’optimiser la formation d’ouvertures.
Grâce à son infrastructure de pointe, ALP-Haras est en mesure d’effectuer une recherche intégrée, au plan national et international. Les chercheurs peuvent ainsi tester des approches systémiques tout au long de la chaîne et trouver des solutions qui bénéficient d’une large acceptation dans la pratique. Le contrôle des aliments pour animaux et le laboratoire national de référence spécialisé dans les analyses de lait et de produits laitiers sont axés sur la réalisation de ces deux objectifs. ART ART oriente ses recherches sur une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement. Elle encourage notamment un espace rural diversifié. ART développe et évalue les systèmes durables dans la production végétale et dans l’élevage. Ce faisant, elle établit le lien entre l’écologie, l’économie et la technologie rurale dans une approche globale de la recherche. ART élabore des bases
Bilan écologique de 100 exploitations Il est possible de produire dans le respect de l’environnement tout en ayant un bon revenu. C’est ce que montre l’étude «Dépouillement centralisé des bilans écologiques des exploitations agricoles» (DC-BÉ), qui a étudié durant plusieurs années l’impact sur l’environnement d’environ 100 exploitations agricoles suisses. Cette étude a cependant démontré que certaines exploitations n’ont pas répondu aux attentes écologiques en ce qui concerne par exemple les émissions influant sur le climat ou l’accumulation d’éléments fertilisants dans les cours d’eau. Il existe encore un potentiel d’optimisation. Les résultats du projet confirment ainsi la nécessité de disposer d’un instrument de gestion de l’environnement orienté sur la pratique qui soutienne les agriculteurs lors de l’optimisation économique et écologique de leurs exploitations.
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scientifiques, et également des aides à la décision axées sur la pratique pour l’agriculture, les autorités et la société. Cette combinaison des aspects «orientation sur la pratique» et «science» est son point fort. Recherche, conseil aux politiques et tâches d’exécution A l’interface de la science et de la politique: depuis le développement d’applications de pointe pour la culture des champs jusqu’aux analyses complexes de laboratoire en passant par les évaluations de la gestion des exploitations agricoles, les trois stations de recherche Agroscope accomplissent d’innombrables tâches en rapport avec l’agriculture et le secteur agroalimentaire. Afin de pouvoir garder la vue d’ensemble, Agroscope a restructuré ses tâches et activités. L’ordonnance révisée sur la recherche agronomique a introduit trois nouvelles notions: «recherche et développement», «conseil aux politiques» et «tâches d’exécution».
Agroscope – Recherche agronomique pour l a Suisse | Edition spéciale
Renforcer l’échange de connaissances Les tâches et activités d’Agroscope sont caractérisées par une approche axée sur la pratique et orientée sur la résolution des problèmes. Cela présente l’avantage pour les stations de recherche agronomique de réunir un savoir aussi bien disciplinaire qu’inter- et transdisciplinaire (voir encadré ci-après). Cela permet en outre de mener une recherche appliquée et un développement de haut niveau, de réaliser des expertises prospectives et rétrospectives et d’apporter un soutien scientifique aux tâches étatiques d’exécution en relation avec la politique agricole. Les nouvelles notions de l’ordonnance précitée mettent également en relief l’échange de connaissances entre la communauté scientifique, l’administration et la pratique. Cet échange de connaissances revêt une importance centrale dans la perspective des défis dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation.
Encadré | Quelques définitions Recherche systémique: La recherche systémique fait appel à une approche globale du problème en incluant toutes les disciplines qui lui sont liées. Pour un problème agronomique par exemple, il peut s’avérer nécessaire de prendre en considération les aspects environnementaux, sociaux, économiques, les systèmes de production et d’élevage, les modes de culture, etc. Les relations entre les différentes disciplines et acteurs sont alors mises en évidence. Recherche transdisciplinaire: La formulation de l’objectif est faite conjointement par des disciplines des sciences naturelles et sociales. L’équipe de recherche transdisciplinaire est capable de créer de nouvelles méthodes qui ne pourraient exister sans cette approche de recherche. La recherche est coordonnée entre toutes les disciplines. Cette recherche en équipe tient fortement compte des expériences des utilisateurs. Recherche interdisciplinaire: La formulation de l’objectif est donnée. Les groupes des disciplines échangent des concepts et des méthodes pouvant faciliter la résolution des problèmes.
Programmes de recherche Agroscope Dans les trois programmes de recherche Agroscope (PRA), les problématiques centrales de l’agriculture et de la filière alimentaire sont convergentes. ProfiCrops, NutriScope et AgriMontana couvrent des domaines auxquels Agroscope attache une grande importance: l’avenir de la production végétale en Suisse, le rôle clé de la chaîne alimentaire, du champ à l’assiette, sur la qualité et la sécurité des denrées alimentaires, et le développement durable de l’agriculture de montagne.
ProfiCrops Programmes de recherche Agroscope
Un programme novateur pour une production végétale compétitive Le programme de recherche ProfiCrops a pour objectif prioritaire de garantir la compétitivité de la production végétale suisse dans un cadre de plus en plus libéralisé et de renforcer la confiance des consommateurs envers les produits suisses. ProfiCrops élabore de nouvelles connaissances issues de la recherche, puis les développe, les évalue, les échange et les diffuse.
NutriScope Programmes de recherche Agroscope
Une recherche innovante au service des denrées alimentaires suisses NutriScope coordonne la recherche pour des denrées alimentaires d’origine suisse, saines, sûres et de haute qualité. La recherche met l’accent sur l’alimentation, la qualité et la sécurité des denrées alimentaires.
AgriMontana Programmes de recherche Agroscope
Des questions pertinentes pour l’agriculture de montagne L’agriculture, sa production et les prestations multifonctionnelles qu’elle fournit sont très importantes pour les régions de montagne. Cependant, les changements qui surviennent dans leur environnement remettent toujours plus en cause les exploitations de montagne et leurs prestations. Le programme AgriMontana élabore des stratégies de développement pour l'agriculture de montagne et les branches situées en amont et en aval de la production de montagne. L’objectif de ce programme est de renforcer la contribution de l’agriculture au développement des régions de montagne. n
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AGRIDEA: des solutions innovantes et durables pour l’espace rural Ulrich Ryser, Agridea, 1006 Lausanne / 8315 Lindau Renseignements: Ulrich Ryser, e-mail: ulrich.ryser@agridea.ch, tél: +41 52 354 97 10
AGRIDEA organise annuellement plus de 200 cours fréquentés par environ 7000 personnes. (Photo: AGRIDEA)
AGRIDEA est une association de droit privé fondée en 1958. Sa centrale de vulgarisation est active dans le développement de l’agriculture et de l’espace rural. Elle déploie son activité sur deux sites: Lindau et Lausanne. AGRIDEA agit pour une agriculture et un développement rural durables; elle offre des prestations aux services cantonaux de vulgarisation, aux organisations et à toutes les personnes actives dans le développement de l’espace rural (fig. 1 et 2). Application de la politique agricole: AGRIDEA atteint d’excellents résultats avec un minimum d’investissements Aujourd’hui, plus de 95 % des exploitations agricoles respectent les exigences liées aux prestations écologiques requises. Sans AGRIDEA et les services cantonaux de vulgarisation, la Confédération n’aurait pas pu appliquer sa nouvelle politique agricole aussi efficacement et rapidement. Actuellement, la Confédération met en place des mesures d’accompagnement pour atténuer les effets de
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la suppression du soutien aux marchés et de l’abandon de la protection aux frontières: la vulgarisation publique joue un rôle d’accompagnement des réformes déterminant et internationalement reconnu. Groupe des conseillers/ères pour la compensation écologique: un des nombreux groupes thématiques animés par AGRIDEA Le groupe des conseiller-ère-s pour la compensation écologique (BÖA BeraterInnengruppe Ökologischer Austausch; fig. 3) s’engage pour une compensation écologique pertinente et efficace sur l’exploitation agricole. Le groupe veut favoriser au mieux la faune et la flore en mettant en œuvre une compensation écologique qui s’intègre au fonctionnement global de l’exploitation et dont les conditions de mise en place et d’entretien sont adaptées. La BÖA est ouverte à tous les spécialistes issus de la vulgarisation, de la recherche, de l’enseignement, de l’administration et des ONG actifs dans le domaine de
AGRIDEA: des solutions innovantes et durables pour l’espace rural | Edition spéciale
Figure 1 | Pour soutenir les familles paysannes, AGRIDEA offre une large palette de documents variés sur la production ou la gestion d’entreprise. (Source: AGRIDEA)
Figure 2 | AGRIDEA anime 70 plateformes d’échanges (ponts entre la science et la pratique) et participe à plus de 150 groupes de réflexion. (Source: AGRIDEA)
la compensation écologique. D’une part, la BÖA encourage les échanges d’expériences et de connaissances entre ses membres et avec d’autres organisations/institutions. D’autre part, elle constitue un groupe d’experts qui développe des méthodes et des solutions pragmatiques pour des défis communs. Elle assure une coordination intercantonale de ces activités. AGRIDEA dirige le groupe, organise et anime les rencontres des membres. Aujourd’hui, la BÖA est avant tout active en Suisse alémanique. En Suisse romande, AGRIDEA anime le groupe intercantonal «agriculture et nature» ainsi que la plateforme d’échanges sur les projets de mise en réseau OQE (Ordonnance sur la qualité écologique). AGRIDEA stimule l’échange intensif entre ces différents groupes.
Figure 3 | BÖA: un des nombreux groupe animé par AGRIDEA.
Contact AGRIDEA: Barbara Würth, direction du groupe des conseillers/ères pour la compensation écologique (BÖA), Groupe environnement et paysage, barbara.wuerth@agridea.ch, 052 354 97 70, Lindau (ZH) www.agridea-lindau.ch/boea «Je m'engage dans la BÖA car ici je peux alimenter le système des connaissances agricoles par mon expérience de conseiller acquise durant de nombreuses années et apporter ma contribution au niveau national. La BÖA me permet en outre de soigner mon réseau professionnel et de profiter des expériences de mes collègues, ce que je peux directement appliquer dans mon travail quotidien.» Alois Blum, conseiller en écologie au Centre de formation professionnelle Nature et Environnement BBZN, Schüpfheim (LU). (Photo: A. Blum)
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Value Chain: un outil pour la Suisse La méthode «Value Chain» a été développée pour la coopération internationale (fig. 4). Il s’agit d’identifier et d’étudier de façon systématique les différents circuits de valorisation d’un produit agricole, afin de consolider les filières existantes et de répondre à des opportunités de marché. AGRIDEA a étendu la méthode à l’étude de la valorisation des produits des filières agricoles suisses, cantonales et nationales. A partir des informations recueillies durant des entretiens auprès d’experts et de professionnels, AGRIDEA établit des « cartes de filière » présentant les parts de marché des différents circuits dans le canton et le portefeuille de produits finis. Les groupes stratégiques d’acteurs suivant une stratégie commerciale simi-
laire sont identifiés. Cet état des lieux très précis permet de construire des analyses stratégiques et prospectives, notamment durant des ateliers de professionnels modérés par les collaborateur-trice-s d’AGRIDEA. AGRIDEA travaille en partenariat avec le Service cantonal de l’agriculture de l’Etat de Vaud, Prométerre, le projet franco-suisse Interreg de l’Union Lémanique des Chambres d’agriculture (Genève, Vaud, Valais, Ain, Haute-Savoie). Contact AGRIDEA : Sophie Réviron, cheffe du groupe Marchés & Filières, sophie.reviron@agridea.ch, 021 619 44 23, Lausanne http://www.agridea-lausanne.ch/pages/valorisation_ produits.htm
Moyenne 2006 – 2007 – 2008 177 exploitations / 772 ha UFL
autres poires de table
Hautes tiges
pommes de table CRP
880 t 1260 t
24 200 t 21 700 t
Expéditeurs Thury, Trottet, Chevalley grossistes
Transformation 1200 t industrielle Jus de pomme artisanal 3 800 t
Léman fruits( (Fenaco) ) grossistes
Fruits frais
Gastro & industrie*
Grande distribution
Vente directe
Jus de Pomme
* estimation Effectué dans le canton
Bio
Autres: kiwis, fraises, pruneaux, cerises
Figure 4 | Value Chain: un outil pour la Suisse.
«Les marchés agricoles en Suisse sont caractérisés par un haut degré d’intégration. La méthode «Value Chain» permet aux différents acteurs, en particulier aux producteurs, de débrouiller l’écheveau des filières pour une meilleure connaissance du fonctionnement des marchés et dès lors un ajustement stratégique plus affûté.» Jean-Luc Kissling, secrétaire général de Prométerre (VD). (Photo Prométerre)
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PRAMIG: un projet multidisciplinaire et multipartenaire Le projet PRAMIG, consacré à l’amélioration des herbages au Tessin, est mené conjointement par l’Asso ciation pour le développement de la culture fourragère (ADCF), Agroscope ACW, le canton du Tessin et AGRIDEA (fig. 5). Un soutien aux familles paysannes et aux conseillères et conseillers tessinois est apporté avec l’analyse de la situation, l’appui d’experts, l’animation et le suivi d’un réseau d’exploitations, le développement, la coordination d’activités locales, ainsi que la réalisation de fiches techniques en italien.
13 exploitations sont regroupées en réseau. Le projet a permis d’étudier les courbes de croissance de l’herbe et de relever les stades de croissance de l’herbe. Diverses actions de formation et de communication ont été menées. L’originalité de la démarche réside dans le fait que les interventions sont adaptées aux besoins spécifiques identifiés sur chaque exploitation par un diagnostic stratégique. Ce faisant, les mesures sont adaptées à chaque exploitant. Le défi pour les partenaires du projet est de répondre à ces besoins par des mesures et un accompagnement adapté. A l’avenir, un réseau sera maintenu sur un nombre restreint d’exploitations. D’autre part, un nouveau projet visant à valoriser les produits laitiers, particulièrement les fromages, issus des prairies et pâturages du sud des Alpes, est en voie d’élaboration. Contact AGRIDEA: Pierre Praz, chef de projet pierre.praz@agridea.ch, 021 619 44 62, Lausanne Emiliano Nucera, collaborateur scientifique, emiliano.nucera@agridea.ch, 077 432 05 70, Cadenazzo (TI) n
Figure 5 | Pramig: un projet multidisciplinaire et multipartenaire.
«La création de plateformes avec différents acteurs tels que la recherche, la vulgarisation, les services cantonaux, et les agriculteurs, permet d'identifier les questions les plus importantes dans le tissu économique et social dans lequel on opère, et ensuite de fournir des résultats liés aux problèmes réels de la pratique. Ce type d'approche est aujourd'hui indispensable: il favorise l’émergence de résultats efficaces à moindre coût.» Mario Bertossa, collaborateur scientifique Agroscope ACW, Cadenazzo (TI). (Photo: M. Bertossa)
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Interviews de personnalités issues de la politique et du secteur agricole A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)?
Jean-René Germanier Président du Conseil national 2010/2011, ingénieur oenologue HES Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Une recherche agronomique dynamique en Suisse est essentielle afin de pouvoir orienter les essais et les développements en fonction de nos besoins spécifiques dans le pays. Dans le domaine viticole par exemple, la création de nouveaux cépages a permis le développement économique de vins suisses originaux, adaptés à leur terroir et orientés vers la demande des consommateurs.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil au marché agricole? La proximité des stations de recherche agronomique avec les lieux de production a permis des échanges intenses entre agriculteurs et chercheurs. La qualité de la vulgarisation agricole a contribué fortement à placer notre pays à la pointe du savoir en matière de production intégrée et d’originalité. De plus, c’est un appui essentiel à la formation et au maintien du niveau d’excellence de connaissances enseigné dans nos HES agricoles.
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Nos chercheurs suisses doivent pouvoir développer les échanges au niveau international et participer aux réseaux de la recherche mondiale. Au niveau national, la recherche agronomique doit permettre au secteur agricole de mieux s’orienter sur le marché en développant des produits originaux de qualité dans des conditions respectueuses de l’environnement. L’amélioration des coûts de production permettra d’apporter des perspectives à nos agriculteurs en les rendant plus compétitifs.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Dans le domaine de la transformation, il faudrait une recherche qui permette d’optimaliser la mise en valeur de la matière première. La maîtrise du goût, de l’aspect, et de tout ce qui porte un produit à l’excellence doit permettre aux produits suisses de se profiler sur leur marché. Au niveau international, la création et le développement de variétés qui permettent d’économiser les ressources en eau et en énergie sont primordiales. La recherche sur les bio-carburants de deuxième génération qui ne font pas concurrence à l’alimentation doit aussi contribuer à relever le défi du développement démographique de notre planète.
Les interviews ont été conduites par Karin Bovigny-Ackermann1, Carole Enz2 et Sibylle Willi2 1 Office fédéral de l‘agriculture OFAG 2 Station de recherche Agroscope Changins-Wädenwil ACW
Interviews de personnalités issues de la p olitique et du secteur agricole | Interview
Maya Graf Conseillère nationale, travailleuse sociale HES et co-exploitante d’une exploitation bio Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? La recherche agronomique revêt en Suisse une grande importance. J’entends par là surtout une recherche fondamentale publique indépendante et la recherche appliquée. A mon avis, les fonds investis dans la recherche pour l’agriculture biologique sont insuffisants. La Suisse pourrait jouer un rôle pionnier à l’échelle mondiale dans ce domaine et miser pleinement sur la recherche pour une agriculture et une production de denrées alimentaires ménageant les ressources et le climat.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil aux exploitations bio? La recherche pour l’agriculture biologique, combinée avec le savoir-faire pratique et l'expérience des agriculteurs, revêt une importance capitale. Il y a encore de très nombreux problèmes à résoudre, ce qui nécessite un effort commun, déployé non seulement en laboratoire, mais aussi directement dans les exploitations. Le FIBL, le plus grand institut de recherche pour l’agriculture biologique sur le plan international, fournit à cet égard un travail exemplaire; il devrait bénéficier d’un soutien plus généreux des pouvoirs publics.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)? Les défis que doit relever la recherche agronomique sont immenses: il s’agit de réaliser enfin dans l’agriculture le changement de paradigme exigé déjà dans le rapport mondial sur l’agriculture de 2008. En effet, vu le change-
ment climatique, l'aggravation de la pénurie des ressources naturelles «sol», «eau» et «biodiversité», de même que de l’énergie fossile, il n'est plus possible de continuer comme si de rien n'était. En même temps, la croissance démographique se poursuit. En outre, aucune stratégie visant à réduire la «consommation du tout jetable» dans les pays industrialisés n’est pour l’instant en vue. Un autre défi que doit relever la recherche agronomique, peu discuté jusqu’à présent, concerne la concentration du marché dans le secteur agricole: seule une poignée de grands groupes semenciers et agrochimiques dominent le marché et ont une grande influence sur l’orientation de la recherche et du développement. Leur influence économique et politique se répercute aussi sur la recherche agronomique financée par les fonds publics et menace son indépendance. Le savoir et l’expérience des paysannes et des paysans doit être intégrée dans la recherche. C’est la seule manière d’assurer une vulgarisation agricole plus réussie. Le secteur privé a aussi une grande influence dans ce domaine, rendant ainsi difficile la reconversion à des méthodes écologiques.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Le rapport mondial sur l’agriculture donne déjà des recommandations très importantes à ce sujet. En outre, des rapports plus actuels de l'UE, de l'Allemagne et du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la nourriture contiennent des déclarations claires et nettes. La recherche doit porter sur une agriculture aux petites structures, écologique et variée. Nous avons besoin d'une recherche pleinement orientée sur la pénurie de ressources. La production agricole future doit être conforme aux cycles naturels, ne peut utiliser que peu ou pas d'énergies fossiles et améliorer la fertilité du sol. Les facteurs sociaux et économiques doivent aussi être pris en considération: les habitants de la campagne doivent pouvoir trouver dans l’agriculture du travail leur permettant de vivre dignement. Bien entendu, il faut aussi étudier comment l’agriculture peut contribuer à réduire les émissions des gaz à effet de serre et comment la production des denrées alimentaires peut s’adapter au changement climatique. Enfin, la production ne doit mettre en danger ni l’environnement ni la santé des êtres humains et des animaux. Nous disposons d’ores et déjà d’un savoir et d’une expérience considérables sur les possibilités dont dispose l’agriculture pour maîtriser les défis actuels et futurs, mais ces connaissances ne sont pas mises en pratique. Reste à clarifier qui freine le développement nécessaires et pourquoi, et ce qu’il faut faire, notamment sur le plan politique, pour mettre en œuvre par exemple les recommandations du rapport mondial sur l’agriculture.
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Interview | Interviews de personnalités issues de la p olitique et du secteur agricole
risation et de conseil compétente. Il s’agit de permettre à la viticulture suisse de profiter le plus rapidement possible des connaissances nouvelles acquises.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)?
Laurent Favre Conseiller national, directeur de la chambre neuchâteloise d'agriculture et de viticulture Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Comme pour tous les secteurs économiques, la recherche est garante de progrès technique, d’innovation et normalement de plus-value sur le marché. La recherche agronomique ne fait pas exception. Les entreprises agricoles et viticoles de notre pays ont besoin d’un support scientifique adapté aux réalités agronomiques, économiques et sociales rencontrées en Suisse. Si la recherche fondamentale peut se réaliser en «hors sol», il paraît impossible de reprendre les résultats d’une recherche appliquée déconnectée du terroir local. Une des particularités qui a permis à la recherche agronomique suisse de se singulariser réside justement dans le fait qu’elle a toujours cherché à répondre à des préoccupations concrètes en ayant le souci de communiquer ses résultats et son savoir aux principaux intéressés. Le réseau «Recherche – Vulgarisation – Conseil – Application» prend ici tout son sens.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil aux viticultrices et viticulteurs? Face à des exigences toujours plus élevées en matière de qualité des vins, la recherche apporte des réponses et ouvre des pistes afin de mieux comprendre les processus qui mettent en valeur cette qualité – tant à la vigne qu’à la cave. La rencontre de la tradition et de l’empirisme avec la science est ici très profitable. Aujourd’hui, les méthodes de production généralistes qui tendent à s’appliquer à tous et partout sont en perte de vitesse. Les solutions modernes s’affinent et se personnalisent à chaque terroir; la transmission de ces nouvelles connaissances nécessite l’appui d’une structure de vulga-
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La production intégrée, développée dès les années 1980, a toujours insisté sur l’aspect évolutif des méthodes de production. Rien n’est jamais acquis lorsque l’on travaille avec le vivant! La mise en question, voire l’abandon de plusieurs matières actives souligne la fragilité de solutions que l’on pensait bonnes et durables. La recherche est dès lors constamment sollicitée pour mettre à disposition de notre agriculture des méthodes de production performantes et respectueuses de l’environnement. Avec la même vision, la création de nouvelles variétés tolérantes aux maladies reste une priorité. Les moyens financiers mis à disposition de la recherche agronomique ont déjà passablement diminué. La vulgarisation et le conseil ne bénéficient pratiquement plus d’aucun soutien. Cette érosion des moyens est contreproductive pour toute la branche à long terme. En effet, comme dans les autres secteurs économiques, la recherche et l'innovation doivent produire un avantage technologique, qui normalement se traduit sur les marchés par une plus-value. A cet égard, la Confédération doit maintenir les budgets de la recherche agronomique et lorsque les instituts parviennent à déposer des brevets, les recettes inhérentes doivent rester au budget de la station en question. Ce retour sur investissement permet de dynamiser les travaux des chercheurs. Les partenariats avec les acteurs privés sont également à promouvoir pour une bonne efficacité de la recherche appliquée.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Le domaine de la génétique et le développement de cultivars plus tolérants aux ravageurs et maladies constitue un créneau solide à travers lequel de grands progrès peuvent être réalisés. La recherche liée aux méthodes de productions biologiques doit être développée et non laissée à la seule initiative d’instituts spécialisés. La connaissance des sols, et particulièrement les aspects liés à leur biologie. La collaboration internationale est dynamisante et contribue à la notoriété de toute la viti-viniculture suisse.
Interviews de personnalités issues de la p olitique et du secteur agricole | Interview
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)?
Albert Rösti Conseiller national, directeur de la Fédération des producteurs suisses de lait FPSL
Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Le temps que j’ai consacré à la recherche alors que je préparais ma thèse à l’Institut d’économie rurale à l’EPF de Zurich a été très instructif. Depuis lors, je suis cependant surtout utilisateur des résultats publiés. A mon avis, il est absolument central que la Suisse dispose d’une recherche agronomique autonome. Certes, la coopération en matière de recherche et le transfert de connaissances de l'étranger influencent notre manière de penser et d’agir, mais la Suisse a trop de particularités naturelles, sociales et politiques. C’est pourquoi notamment l’économie rurale doit traiter des questions spécifiques axées sur les conditions-cadre suisses.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil aux pro ducteurs suisses de lait?
Des mégatendances mondiales telles que la prolifération des phénomènes météorologiques extrêmes avec trop ou trop peu d'eau ou la volatilité accrue des prix sur les marchés agricoles exigent notamment des réponses régionales et locales. En effet, l’engagement personnel des acteurs est en fin de compte toujours essentiel pour une activité aussi enracinée dans le territoire que l’agriculture. La recherche est à cet égard doublement sollicitée: d’une part, elle doit étudier les conditions-cadre les plus porteuses d’avenir; d'autre part, les acteurs attendent des réponses tout à fait pragmatiques aux nombreuses nouvelles questions. Tout en sachant que les recettes miracle sont de plus en plus rares, la recherche et la vulgarisation sont appelées à élaborer des bases sérieuses permettant de renforcer la compétence de décision des différents acteurs.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? La tâche principale de toute agriculture est toujours la production durable de denrées alimentaires permettant de nourrir une population croissante au niveau local, régional, national et mondial. Depuis la crise des denrées alimentaires survenue en 2007, nous savons que de nouveaux éléments tels que spéculation, cours de change ou questions d'énergie ont une influence de plus en plus forte sur l’économie tout au long de la chaîne de valeur ajoutée. Je pense qu’en sus des tâches courantes, ces nouvelles influences et interactions doivent trouver une place prioritaire dans la recherche concernant les techniques de production et l’économie rurale.
La recherche agronomique et le transfert des connaissances dans la pratique, tant dans le domaine de la production végétale que de la production animale, ont grandement contribué à augmenter la productivité. De même, les paysans sont parvenus à obtenir de très bons résultats en matière d'efficience des ressources et d'écologie. Toutefois, je me fais vraiment du souci pour le revenu moyen du travail, qui mesure la rentabilité des exploitations et qui est resté sur le carreau toutes ces années. Or, comme on le sait, le bas niveau des revenus n’accélère pas l’évolution des structures, mais détériore avant tout la situation économique et sociale des familles paysannes au sein de la société.
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tions pour traiter des questions de vulgarisation. De même, il est important que les chercheurs établissent un lien avec la pratique, puis que les enseignants et les vulgarisateurs entretiennent des contacts avec les stations de recherche.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)?
Peter Küchler Directeur du Centre de formation et de conseil agricole Plantahof LBBZ
Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? La recherche agronomique suisse contribue à l’autonomie de notre agriculture. L’agriculture suisse se présente autrement que celle de l'UE et devra donc adopter une autre orientation à l’avenir. Quant à la recherche agronomique, elle ne saurait être réduite à la recherche fondamentale. Une recherche appliquée proche de la pratique permet de vérifier la pertinence et les effets des procédés développés dans la pratique. Par ailleurs, la recherche produit elle-même des innovations. La recherche agronomique doit compenser les tensions entre les différents courants sociaux, les décisions politiques et les réalités agricoles. Elle y parvient grâce à une approche globale et axée sur le long terme, protégeant ainsi le système de production agricole qui n’est parfois pas assez réactif pour suivre le bouillonnement de la pensée sociale et politique.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil aux écoles d'agriculture? La recherche et la vulgarisation agricoles influencent les écoles de différentes manières. La recherche agronomique présente aux enseignants des perspectives en matière de production agricole. Elle fournit de la matière pour rendre le programme d'enseignement plus actuel et l’adapter au progrès scientifique. Cependant, les différents niveaux de l’enseignement ne se prêtent pas tous de la même manière à l’intégration des résultats de recherche. Le service de vulgarisation agricole fournit des cas pratiques aux enseignants. Idéalement, le vulgarisateur enseigne lui-même et l’enseignant visite des exploita-
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Le défi majeur est le temps: la recherche en a besoin pour établir des faits pertinents et fiables, alors que la pratique doit s’adapter de plus en plus vite aux conditions changeantes. Le service de vulgarisation est placé entre ces deux pôles. L’accès individuel à l’information s'est nettement amélioré. En même temps, la qualité de l’information a en moyenne diminué. Une forte alliance entre la recherche agronomique et la vulgarisation garantit la pertinence et la qualité de l'information. Le financement du travail de recherche et de vulgarisation reste un enjeu de taille. Une grande prudence s'impose si nous voulons éviter que le financement privé entraîne une dépendance quant au fond.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée? Personnellement, je ne comprends pas le changement du système des valeurs de la population suisse. Comment est-il possible que le besoin existentiel que représente un approvisionnement sûr et varié en denrées alimentaires soit marginalisé par rapport aux idées sur l’exploitation extensive du sol ou la dignité des animaux? Cependant, il est peu probable que cela puisse faire l’objet d’une analyse dans le cadre de la recherche agronomique. Concrètement, nous avons constaté que peu de résultats sont disponibles en ce qui concerne l’estivage du bétail laitier. De bons résultats portant sur l’aptitude des vaches laitières à l’estivage, qui datent d’il y a 30 ans, ne sont plus actuels depuis longtemps et ont donc perdu leur signification.
Interviews de personnalités issues de la p olitique et du secteur agricole | Interview
tions et de transformation, de même que la qualité des produits, ont été réalisés ou sont en cours. Ainsi, un projet de grande envergure récemment initié a pour objectif de développer une nouvelle méthode pour déterminer et optimiser la qualité de la graisse chez le porc.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)?
Heinrich Bucher Directeur de Proviande
Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Il n’y a pas d'avenir sans progrès. Partant de ce principe, la recherche est tout simplement indispensable. Une recherche tant fondamentale qu’appliquée dans le domaine agricole est la clé de l’avenir de notre agri culture et alimentation. Si nous ne développons pas notre propre savoir-faire, nous nous condamnons à une dépendance problématique vis-à-vis d’instituts de recherche étrangers. Or, ceux-ci ne seraient pas à même d'adapter suffisamment leurs projets aux conditions de l’environnement et du marché spécifiques à notre pays, ce qui est précisément nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie qualité envisagée. Dans ce contexte, il me semble très important que le poste de professeur de sélection animale, vacant depuis plusieurs années à l’EPF de Zurich, soit enfin repourvu.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil au secteur de la viande? Ces dernières années, des résultats utiles ont pu être obtenus grâce à divers projets réalisés dans le secteur de la viande en collaboration avec les hautes écoles et les stations de recherche. Ainsi, il a été possible de déterminer les causes de la cicatrisation de la tranche carrée en viande bovine, un phénomène qui entraîne depuis des décennies des pertes annuelles élevées dans le secteur. Un autre projet soutenu par la CTI (Commission pour la technologie et l’innovation de la Confédération) a porté sur les nombreux facteurs d’influence pouvant causer des destructurations dans le jambon cuit. De nombreux autres projets visant à optimiser les procédés de fabrica-
Dans le domaine agricole, nous devons une nouvelle fois relever un immense défi à l’échelle mondiale, à savoir assurer l’approvisionnement durable d’une population mondiale en constante progression en denrées alimentaires de qualité irréprochable. Aussi faut-il développer les procédés existants et trouver de nouvelles méthodes, acceptables sur le plan économique, écologique et social. Des solutions universelles ne seront envisageables que jusqu’à un certain point. Les projets devront être fondés sur les résultats de la recherche fondamentale et adaptés aux conditions locales. La recherche agronomique suisse peut y contribuer substantiellement au niveau tant national qu’international. Les résultats doivent être transmis aux acteurs concernés et transposés en mesures concrètes par l’intermédiaire d’une vulgarisation axée sur la pratique.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Comme je l’ai dit plus haut, il faut assurer à long terme l’approvisionnement de la population mondiale en denrées alimentaires de qualité irréprochable issues d’une production durable. Les denrées alimentaires d’origine animale apportent une contribution importante à une alimentation équilibrée. Le lait et la viande notamment sont des sources précieuses de protéines, de minéraux et de vitamines. La production animale fait l’objet de critiques parfois très indifférenciées selon lesquelles elle porterait atteinte à l’environnement et au climat. Une recherche intensive est indispensable pour permettre à l'avenir une production de denrées alimentaires à base animale qui soit non seulement respectueuse de l'environnement et des animaux, mais aussi la plus neutre possible en CO2. Quant aux autres optimisations souhaitées, il faut accorder une attention particulière à la qualité sous ses multiples facettes.
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recherche fondamentale avant tout théorique peut ouvrir de nouvelles possibilités à la pratique. La vulgarisation est un trait d’union entre la recherche et la pratique. Dans cette fonction, le vulgarisateur aimerait recevoir du chercheur des réponses aux questions auxquelles il est confronté dans son travail. Cependant, une recherche agronomique active est aussi capable d'identifier des tendances de développement et de mettre en évidence des perspectives à long terme.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)? Peter Bieri Conseiller aux Etats, ingénieur agronome EPF
Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Durant mes études d’agronomie à l’EPFZ, mon assistanat à l’Institut de zootechnie et mes 27 années au Centre de formation et de vulgarisation agricoles du canton de Zoug, j’ai régulièrement côtoyé la recherche agronomique. En qualité de président de la Commission consultative de l'Institut pour la phytologie, la zoologie et les sciences des écosystèmes agricoles de l'EPFZ, il m’importe d’être au courant de ce qui se passe actuellement dans le domaine de la recherche agronomique. En tant qu’homme politique, j’aimerais savoir comment la recherche agronomique peut contribuer à l’approvisionnement suffisant en denrées alimentaires saines et à un environnement intact. Enfin, avec deux collègues, nous sommes responsables pour le Département fédéral de l'économie au sein de la Commission des finances du Conseil des Etats. Je dois donc régulièrement étudier de manière approfondie le budget, les comptes et les conventions sur les prestations des stations de recherche agronomique Agroscope.
Qu’apporte la recherche agronomique à la vulgarisation agricole? Dans notre société moderne, nous aspirons à produire de nouvelles connaissances et à les appliquer de manière utile. Partie intégrante de l’économie nationale, l’agriculture ne peut se fermer à l'évolution que traversent la société et l'environnement, mais au contraire elle doit y contribuer activement. De nouvelles connaissances peuvent être produites de deux manières: l'expérience et des observations issues de la pratique peuvent aboutir à des connaissances de portée générale. A l’inverse, une
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Les conditions économiques et politiques, de même que les possibilités offertes par les techniques de production dans l'agriculture suisse sont en constante mutation. La recherche et la vulgarisation peuvent contribuer à identifier correctement ces changements, nous permettant ainsi d'y réagir. Dans le domaine agricole, l’Etat couvre une grande partie des coûts de la recherche et de la vulgarisation. J’aimerais que la population et notamment les agriculteurs reconnaissent mieux ces prestations publiques. Quiconque garde les yeux ouverts sur notre planète constatera sans peine que de grands défis attendent l’agriculture et la filière alimentaire. Si l’on considère l’année en cours en Afrique, on voit que la nourriture, l’eau, la santé, l’espace vital, les ressources et l’environnement sont des enjeux majeurs pour la communauté internationale. Au niveau international, notre recherche et notre vulgarisation peuvent produire et diffuser du savoir, permettant ainsi de l’appliquer de façon judicieuse dans d’autres régions du monde.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Sécurité de la qualité des denrées alimentaires, gestion respectueuse des ressources naturelles, conservation de l’espace rural, alimentation mondiale, besoins en énergie, conditions commerciales équitables, équilibre des intérêts économiques, écologiques et sociaux: ce sont les défis que nous devons relever aujourd'hui et demain. Il faut corriger les développements erronés et ouvrir de meilleures voies. De nouveaux résultats et connaissances fournies par la recherche sont donc indispensables. Pour ma part, je travaille souvent sur la question de savoir comment nous devons procéder pour intégrer de façon responsable les nouvelles découvertes en matière de techniques de production dans les processus naturels de la vie.
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A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)?
Sibyl Anwander Phan-Huy Responsable de la qualité et du développement durable chez COOP
Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Il est réjouissant de constater la place importante accordée à la recherche agronomique dans notre petit pays hautement industrialisé. Je considère cet engagement comme une profession de foi en faveur de l’agriculture et de la filière alimentaire. En effet, la Suisse doit elle aussi contribuer, dans le domaine de la recherche agronomique, à relever le défi mondial que représente la sécurité alimentaire. Le côté pragmatique de la Suisse, combiné avec la coopération internationale, sont pour Coop le garant de solutions adaptées à tous les niveaux de la chaîne de valeur ajoutée pour maîtriser les différents défis. L‘Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL revêt une importance particulière pour Coop, qui le soutient financièrement: il est en effet indispensable au développement de notre assortiment bio.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil aux consommateurs? Les consommateurs veulent pouvoir savourer en toute bonne conscience des denrées alimentaires de haute qualité, variées et issues d’une production durable. A cet égard, dans l’îlot de cherté qu’est la Suisse, la sécurité de l’approvisionnement en termes de calories est moins prioritaire que le respect des exigences élevées en matière de bien-être animal, de diversité et de qualité. La sécurité des denrées alimentaires est considérée comme une évidence, alors qu’elle présente toujours de nouveaux défis à la recherche et aux autorités de contrôle. La recherche forme la base d'un leadership en matière de qualité du secteur alimentaire suisse.
La sécurité alimentaire est un défi de taille à l’échelle mondiale, compte tenu de la croissance démographique, de la pénurie croissante des ressources naturelles et des conséquences du changement climatique. Dans ce contexte, l'efficience des ressources et la gestion de l’incertitude et de l’instabilité sont de grands thèmes de la recherche; il ne faut pas les traiter d’un point de vue purement technique et agronomique, mais intégrer aussi des facteurs sociaux et économiques. La complexité des systèmes agro-écologiques impose une approche globale et systémique. Nous encourageons donc vivement un renforcement de la coopération internationale dans le domaine de la recherche. Enfin, nous attendons de la recherche agronomique qu’elle contribue à la transparence tout au long de la chaîne de valeur ajoutée, revendiquée par les consommateurs et par les politiques.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? La recherche et la vulgarisation doivent promouvoir des systèmes qui respectent l’environnement et les animaux tout en ménageant les ressources et en réunissant stabilité et intérêt économique. L’approche «value chain» doit être mieux intégrée, pour qu’on puisse augmenter la valeur ajoutée tout au long de la filière et réduire au minimum les pertes. A l’échelle mondiale, environ 40 % de la production agricole sont perdus. Dans l’ensemble, le fonctionnement des marchés et des chaînes de valeur ajoutée complexes a été encore trop peu étudié, mais c’est une condition importante pour que le progrès technique puisse déployer son plein potentiel. D’autres thèmes importants sont le remplacement à long terme de protéines animales, une meilleure disponibilité des micronutriments, la conservation de la biodiversité dans les systèmes de production servant de protection contre les variations climatiques, ainsi que l’amélioration de la fertilité du sol. Des initiatives privées de recherche lancées par les transformateurs et les commerçants jouent déjà un rôle important. Ces acteurs devront s’engager encore plus dans la recherche agronomique et ils doivent pouvoir compter sur de bonnes conditions-cadre et sur une collaboration axée sur la recherche des solutions avec les institutions publiques.
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variétés et d’autres domaines de la production agricole; en outre, elle doit anticiper les problèmes. En tout cas, il est important que la recherche ait une portée pratique. Elle peut ainsi constituer la base de la vulgarisation et de la formation agricoles et garantir que les paysans suisses disposent d’un savoir-faire de haut niveau.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil?
Hansjörg Walter Conseiller national, président de l’Union suisse des paysans USP Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Une recherche agronomique locale a une grande importance pour les Suisses. Comme chacun sait, qui n’avance pas recule à moyen terme. De nouveaux défis se posent régulièrement et nous devons pouvoir y répondre par de nouvelles connaissances.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil aux paysannes et aux paysans? La recherche agronomique doit fournir de nouvelles connaissances concernant les techniques de production efficientes et préservant les ressources, la lutte contre les maladies et les organismes nuisibles, la sélection des
Je vois des défis dans plusieurs domaines. Premièrement, le changement climatique nécessite une gestion plus efficace des ressources telles que l’eau, de nouvelles méthodes culturales ainsi que de nouvelles variétés résistant mieux à la sécheresse; des améliorations techniques permettant de réduire au minimum les atteintes à l’environnement sont à l'ordre du jour d'une manière générale. D'un autre côté, le rendement des terres disponibles doit être aussi élevé que possible pour nourrir la population croissante. La lutte optimale contre les maladies et les organismes nuisibles, ou la sélection de variétés résistantes, gardent ainsi toute leur importance.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée? En tout cas, il est important que la recherche ait une portée pratique. Nous n’avons pas besoin, en Suisse, d’une recherche agronomique fondamentale, mais plutôt d’une recherche concrète «sur le terrain». L’optimisation de l'impact sur l'environnement et des coûts de production joue pour moi un rôle central. le secteur de l’arboriculture fruitière, une recherche agronomique de haut niveau est tout à fait essentielle pour que nous puissions rester dans le peloton de tête mondial en matière de technique culturale, d’écologie, de qualité des produits, de mécanisation et de rentabilité. En outre, il ne faut pas négliger les secteurs situés en aval, comme l’entreposage, la transformation et les procédés de fabrication.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil au secteur de l’arboriculture? Bruno Pezzatti Conseiller national, directeur de Fruit-Union Suisse Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? La filière arboricole suisse fait face à des désavantages en matière de coûts en raison du niveau général élevé des prix. C’est pourquoi la stratégie du leadership en matière de qualité est depuis longtemps une priorité pour nous. Dans
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Les résultats de la recherche agronomique ne peuvent pas être obtenus du jour au lendemain; il s’agit de projets de longue haleine. Ainsi, la sélection et la diffusion des variétés de pommes tolérantes au feu bactérien est une grande priorité depuis des années, mais nécessite de nombreuses années, voire décennies de recherche. Cependant, nous espérons obtenir le plus vite possible des résultats concrets dans ce domaine. Afin de pouvoir gérer cette maladie tout en répondant aux attentes des clients, nous avons besoin d’un réseau international de chercheurs représentant
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diverses disciplines, ainsi que, à tous les niveaux, de vulgarisateurs compétents transmettant les résultats à la pratique. On peut constater avec fierté que la Suisse a une très bonne réputation à l’échelle mondiale dans le domaine de la recherche en arboriculture fruitière, notamment grâce aux derniers résultats concernant le feu bactérien.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)? Les problématiques sont de plus en plus complexes et, en même temps, la production et la transmission du savoir sont de plus en plus rapides. La communication entre la recherche et la pratique jouera donc un rôle clé. D’une part, les chercheurs doivent informer les producteurs par des moyens adaptés à notre époque, notamment les
médias électroniques les plus modernes, tout en restant proches de la pratique; d'autre part, les connaissances issues de la pratique doivent être intégrées efficacement dans les questions traitées par les chercheurs.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Le changement climatique, la croissance démographique qui se poursuit, les ressources limitées et la gestion de l’eau: rien que ces thèmes suffisent pour nous occuper à long terme. L’évolution des dernières années montre que la recherche peut de moins en moins faire la distinction entre les niveaux national et international. Il est important que la Suisse contribue au système de connaissances mondial, ce qui assure à long terme le meilleur retour sur investissement.
semence saine, développer des variétés végétales et des races animales qui valorisent au mieux les intrants et qui apportent des résistances aux maladies anciennes et nouvelles, développer des méthodes culturales qui garantissent une fertilité des sols pour les générations à venir, améliorer les produits pour qu’ils se conservent et apportent tous leurs bienfaits aux consommatrices et consommateurs: voici quelques objectifs permanents de la recherche agronomique.
A votre avis, quels seront les défis futurs pour la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil (national, international)? Willy Gehriger Président da la direction de fenaco Que signifie pour vous la recherche agronomique suisse? Chaque société et chaque nation a le devoir de participer à la recherche agronomique mondiale. La planète d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui ni celle de demain. L’environnement change en permanence, avec et sans l’influence de l’homme. Ce dernier a néanmoins une constance dans le temps et l’espace : il doit se nourrir. La recherche agronomique suisse a le devoir d’apporter sa contribution pour adapter en permanence les possibilités de produire de la nourriture saine dans un environnement en perpétuel mouvement.
Qu’apportent la recherche agronomique et les instances de vulgarisation et de conseil au marché agricole? La recherche agronomique apporte des solutions aux divers problèmes liés à la production, à la conservation et à l’utilisation des produits agricoles. Garantir une
Les principaux défis de la recherche agronomique de demain seront assez semblables aux défis actuels: aider l’agriculteur à produire d’avantage tout en économisant les ressources naturelles et les intrants, et aider l’agriculture à produire des aliments de haute qualité nutritionnelle et gustative.
Dans quels domaines la recherche devrait-elle être renforcée (national, international)? Tout commence par la génétique et c’est là que la recherche devrait être renforcée. La génétique est le moyen originel de lutter contre les maladies, de mieux s’adapter et de mieux valoriser son environnement. Je regrette amèrement que la recherche agronomique étatique ait abandonné ses travaux sur le génie génétique. C’est en effet un des rôles d’un institut d’Etat de pouvoir se prononcer de manière fondée et indépendante sur des questions ayant trait à des utilisations de technologies nouvelles. Nous faisons tous partie de la même planète qui devra nourrir 8 milliards d’hommes, de femmes et d’enfants d’ici une quinzaine années.
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Tâches d’exécution d’Agroscope: un soutien scientifiquement fondé pour le législateur Lukas Bertschinger1, Daniel Guidon2 et Stephan Pfefferli3 Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 8820 Wädenswil 2 Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras, 1725 Posieux 3 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Tänikon 1, 8356 Ettenhausen Renseignements: Lukas Bertschinger, e-mail: lukas.bertschinger@acw.admin.ch, tél. +41 44 783 62 02
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La contribution à des tâches d’exécution et de contrôle constitue une part importante des missions d’Agroscope. La Confédération veut donner une base scientifique aux mesures destinées à protéger l’homme, l’animal et l’environnement dans les domaines de l’économie agricole et alimentaire. Les tâches qui exigent les moyens les plus importants sont par exemple le contrôle des aliments pour animaux, l‘Observatoire national des sols, la certification des semences et plants ainsi que l’examen des autorisations de produits phytosanitaires. D’autres tâches mobilisent également des moyens importants: le dépouillement centralisé des données comptables d’exploitations agricoles, destinées à établir un tableau objectif de la situation économique de l’agriculture, l’examen des produits phytosanitaires ou encore le laboratoire national de référence pour le lait et les produits laitiers.
A l'aide d'essais agronomiques et de modèles informatisés, Agroscope développe des seuils de tolérance pour agents nuisibles afin que les produits phytosanitaires soient utilisés «autant que nécessaire mais aussi peu que possible». (Photo: ACW)
Les mesures prises par la Confédération en faveur de la protection de l’homme, de l’animal et de l’environnement en relation avec l’économie agricole et alimentaire, reposent sur une base scientifique. Selon l’article 5 de l’Ordonnance sur la recherche agronomique, la Confédération charge Agroscope du support à l’accomplissement des tâches légales de protection. Elle obtient ainsi que ces tâches d’exécution, comme on les désigne, sont accomplies sur une base scientifique et d’une manière efficace, transparente et proche de la pratique. Etant donné que la recherche, le développement et les tâches d’exécution sont sous le même toit, la collectivité bénéficie de prestations peu coûteuses, de haute qualité technique et prêtes à être mises en application.
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Aperçu Un aperçu de toutes les tâches d’exécution attribuées à Agroscope figure dans l’Ordonnance sur la recherche agronomique ORAgr du 27 octobre 2010. Il est stipulé dans l’article 1 que «la Confédération mène une recherche agronomique élaborant les connaissances scientifiques et les bases techniques en vue d’une agriculture et d’une filière alimentaire durables, de la prise de décisions en matière de politique agricole et de l’exécution de tâches légales». Agroscope prend en charge les tâches d’exécution selon l’article 5 et dans le cadre d’accords avec d’autres offices fédéraux. Les articles 6 – 8 attribuent ces tâches aux stations de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras et Agroscope Reckenholz-Tänikon ART (voir encadré ci contre). Les stations d’Agroscope accomplissent les tâches d’exécution dans le cadre de divers projets (tabl. 1). Les exemples suivants illustrent la diversité des tâches: Observatoire national des sols NABO La pollution des sols par des substances nocives a fortement augmenté depuis l’industrialisation au XIXe siècle. Les substances nocives libérées par les activités humaines
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se mêlent au cycle des substances naturelles. Or, le sol joue un rôle important de régulateur écologique pour de nombreuses substances, par filtrage et stockage, comme milieu d’échanges et lieu de vie pour les animaux, les hommes et les organismes du sol. Les atteintes au sol par apport de substances nocives mettent en danger sa fertilité. L’importance du sol en tant que base de toute vie et le risque de sa dégradation durable ont incité la Confédération à donner un mandat légal de surveillance de la pollution des sols.
Encadré | Répartition des tâches d’exécution entre les stations de recherche selon les articles 6c, 7c et 8c de l'ORAgr: ACW 1. Examen des variétés dans les grandes cultures, certification de plants, banque de gènes et les mesures phytosanitaires, 2. examen de produits phytosanitaires et données de base de fumure pour les grandes cultures et cultures spéciales, 3. contrôle de vins destinés à l’exportation. ALP-Haras 1. Gestion du laboratoire de référence national en matière d’économie laitière, 2. autorisation et contrôle d’aliments pour animaux, 3. annonce, agrément et enregistrement des producteurs d’aliments pour animaux et des personnes procédant à la mise en circulation. ART 1. Données de base pour la fumure, engrais de ferme et engrais de recyclage, directives en matière de fumure pour la culture fourragère, méthodes de référence et reconnaissance des laboratoires effectuant des analyses d’engrais et du sol, 2. évaluation de la fertilité du sol et des atteintes portées au sol, dans le cadre de l’observatoire national des sols, 3. certification de semences, toutes cultures comprises, examen des variétés dans le domaine des cultures fourragères, 4. examen d’installations techniques et de véhicules et autorisations d’installations d’étables, 5. analyse de la situation économique de l´agriculture.
Depuis 1984, l’Observatoire national des sols NABO est géré conjointement par l’Office fédéral de l’environnement OFEV et par la branche Agroscope de l’Office fédéral de l’agriculture OFAG. Le NABO a établi une centaine de points de mesure permanents répartis sur tout le territoire suisse, afin d’estimer l’état et l’évolution de la pollution chimique, physique et biologique des sols. Il s’agit là d’un instrument essentiel pour la détection précoce et pour le contrôle de l’efficacité des mesures de protection des sols (cf. http://www.nabo.admin.ch). Examen de produits phytosanitaires Il n’est pas possible de pratiquer une agriculture durable et concurrentielle, productrice de denrées alimentaires végétales de grande qualité, sans protéger les cultures contre les pathogènes et les ravageurs (champignons, insectes etc.) au moyen de produits phytosanitaires. Pour exclure des effets négatifs de tels produits, ces derniers sont soumis à une autorisation délivrée par la Confédération. Des experts de divers offices fédéraux examinent les informations que l’industrie et les demandeurs d’autorisations ont l’obligation de fournir. Les évaluations portent sur les questions suivantes: l’application est-elle justifiée sur le plan agronomique, et l’effet recherché sur les organismes nuisibles est-il réalisé? Les résidus sur les produits récoltés restent-ils dans le cadre des prescriptions légales? Quelles sont les répercussions de ces produits sur les organismes non visés (écotoxicologie) et sur l’environnement physique (par exemple, comportement dans le sol et dans l’eau)? La composition chimique et la conformité de la présentation commerciale (formulation, notice d’emballage) sont également examinées. Ces vérifications sont pour la plupart réalisées par les spécialistes d’Agroscope, qui par les réseaux scientifiques internationaux et par leur activité de recherche connaissent les particularités des systèmes de culture. Agroscope met ainsi à disposition de l‘autorité concédant les autorisations des motifs de décision scientifiquement fondés en toute indépendance, compréhensibles et orientés vers la pratique. Contrôle des seuils de tolérance en grandes cultures et en cultures spéciales Les seuils de tolérance sont des instruments essentiels pour une agriculture durable. L’application de produits phytosanitaires protège les cultures, mais elle occasionne des frais et peut exercer des effets négatifs sur l’environnement si la pratique est inappropriée. Les seuils de tolérance indiquent à partir de quel degré d’attaque une application se justifie. Le principe de base est: aussi peu que possible, autant que nécessaire. Les seuils de tolérance prescrits contribuent à assurer la durabilité de l’agriculture. Agroscope établit, vérifie, élabore et publie
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Tableau 1 | Charge de travail imposée par certains projets dans le cadre des tâches d’exécution d’Agroscope (programme d’activité 2012 – 13) Thèmes
Station de recherche
Charge annuelle: > 700 jours de travail Autorisation et contrôle d’aliments pour animaux, enregistrement, agrément et contrôle des producteurs et des personnes procédant à la mise en circulation d’aliments pour animaux
ALP-Haras
Observatoire national des sols NABO
ART
Certification des semences et plants
ACW et ART
Examen des produits phytosanitaires
ACW, ALP-Haras, ART
Charge annuelle: 200–700 jours de travail Dépouillement centralisé des données comptables
Figure 1 | Des échantillons pris dans les aéroports de Genève et Zürich sont analysés avec des méthodes de diagnostic moléculaire. Cela évite l'introduction en Suisse de nouveaux agents pathogènes. (Photo: ACW)
(transfert de connaissances) des recommandations scientifiquement fondées. La grande diversité des plantes cultivées et des organismes qui leur sont nuisibles impose de difficiles arbitrages entre nécessités et possibilités au vu des moyens disponibles.
Laboratoire national de référence pour le lait et les produits laitiers
Analyses d‘OGM La contamination de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux, mais aussi de semences de plantes cultivées, par des organismes génétiquement modifiés OGM ou par des traces de ceux-ci, constitue un critère important de
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ALP-Haras
Examen et mise à jour des seuils de tolérance en grandes cultures et en cultures spéciales
ACW
Diagnostic des nématodes à kystes de la pomme de terre
ACW
Banque de gènes de plants de vigne
ACW
Inspectorat phytosanitaire
ACW
Diagnostics sur les importations de plantes Analyses OGM des semences Bureau de conseil «Cheval»
Diagnostic sur les produits importés Les plantes ou boutures acquises comme souvenirs de vacances sont aujourd’hui rapidement achetées et emballées. Le marché international des plantes et l’importation de fruits et légumes ont fortement augmenté ces dernières années dans le cadre de la globalisation. Cela a entraîné une augmentation du risque d’importation de nouveaux ravageurs et pathogènes (organismes de quarantaine). L’importation de nombreuses espèces de plantes est interdite ou soumise à des restrictions. Agroscope est associée à la mise en œuvre des prescriptions y relatives dans le cadre du Service phytosanitaire fédéral. La présence d’organismes nuisibles exotiques doit être contrôlée dans les envois de plantes en provenance de l’étranger. L’examen de diagnostic à la frontière, souvent à l’aéroport, doit être pratiqué rapidement. Agroscope relève ce défi grâce aux méthodes les plus modernes de la biologie moléculaire (fig. 1). Dans le cadre de projets internationaux passionnants, ses spécialistes peuvent développer sans délai des méthodes rapides et hautement sensibles et les mettre à disposition de l’agriculture, de la foresterie et de la collectivité, pour les protéger de l’introduction de nouveaux organismes nuisibles.
ART
ACW ALP-Haras, ART ALP-Haras
Charge annuelle: 50 – 200 jours de travail Banque de gènes d'espèces fruitières
ACW
Recommandations de distances minimales olfactives
ART
Plan national d’action «Ressources génétiques végétales»
ACW
qualité. La contamination de produits par des OGM ou par des traces d’OGM entraîne d’importantes pertes de valeur de ces produits. Les denrées alimentaires produites selon les techniques intégrées ou biologiques doivent être exemptes de toute trace d’OGM, et les clients doivent être protégés de toute fraude. À cette fin, Agroscope procède pour toute la Suisse à des contrôles des aliments pour animaux, par échantillonnage. Agroscope pratique aussi des examens analogues sur les semences. La réalisation de cette tâche exige des méthodes d’analyse de pointe, qui font l’objet de développements constants pour augmenter leur efficacité et leur sensibilité. Recommandations pour les distances minimales d’émissions nauséabondes Agroscope développe et vérifie les bases pour l’établissement de lignes directrices destinées à éviter la pollution olfactive des zones d’habitation par les émanations de l’agriculture. La Loi sur la protection de l’environnement LPE et l’Ordonnance sur la protection de l’air OPair ont pour objectif de protéger les hommes des émanations nocives ou désagréables, donc aussi des odeurs gravement perturbantes. La réglementation des lignes direc-
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trices édictées par Agroscope concerne en premier lieu la limitation préventive des émissions. Selon le Tribunal fédéral, ces lignes directrices peuvent aussi être invoquées lorsqu’il s’agit d’établir la prévision qu’une exploitation de garde d’animaux est (ou n’est pas) susceptible d’occasionner des émissions dépassant la limite acceptable. Contrôle officiel des aliments pour animaux Sur mandat de la Confédération, Agroscope contrôle et autorise les aliments pour animaux de rente et de compagnie, évitant ainsi que des substances toxiques ou indésirables ne contaminent les denrées alimentaires (fig. 2). Le contrôle des aliments pour animaux permet de protéger aussi les détenteurs d’animaux contre les fraudes, et de veiller à ce que l’utilisation des aliments pour animaux soit conforme aux besoins des espèces et à la protection de l’environnement. Le «contrôle officiel des aliments pour animaux» est responsable pour les aliments fabriqués en Suisse et pour les aliments importés. C’est le premier maillon du contrôle de la chaîne alimentaire, et donc un élément important de la sécurité des denrées alimentaires. Agroscope accorde l’enregistrement ou l’agrément aux entreprises qui produisent ou commercialisent des aliments pour animaux, elle y procède à des inspections et fait analyser les aliments. Le «contrôle officiel des aliments pour animaux» délivre les autorisations pour de nouveaux produits destinés à l’alimentation des animaux de rente et des animaux de compagnie comme les chiens et les chats. Laboratoire national de référence en matière d’économie laitière Depuis 1996, Agroscope gère sur mandat de la Confédération le Laboratoire national de référence LNR pour les contrôles analytiques du lait et des produits laitiers. Le LNR est intégré au réseau des laboratoires de référence de l’UE. Les contrôles du lait brut, pratiqués sur mandats officiels ou privés en vue d’assurer la qualité et l’hygiène (législation sur les denrées alimentaires), sont coordonnés par des représentants de la branche laitière dans la Commission de contrôle du laitreprésentée à titre consultatif dans le LNR. Agroscope élabore les bases des contrôles et met à disposition des services de la Confédération et des cantons, ainsi que des laboratoires privés, l’appui scientifique nécessaire à l’application des mesures fixées par la législation sur les denrées alimentaires. La reconnaissance de laboratoires dans la branche de l’économie laitière se base sur les travaux de recherche établissant les aides à l’interprétation, sur l’évaluation des risques et sur une offre adaptée aux besoins de méthodes analytiques de référence, de proficiency testings et de
Figure 2 | Agroscope prélève des échantillons et analyse environ 1400 aliments pour animaux chaque année (Illustration : ALP-Haras)
matériel de référence. Cela permet de garantir la qualité du lait et des produits laitiers sur le plan analytique et technique. Bilan: un socle scientifique, des réalisations orientées vers la pratique La notion de «tâches d’exécution» semble impliquer peu de créativité, mais la réalité est toute autre. Dans le cadre d’Agroscope, la présence sous le même toit des tâches d’exécution, de la recherche et du développement, pose de passionnants défis et crée des synergies. Les tâches ne sont pas accomplies sur le tapis vert par des experts déconnectés de la réalité, mais par des personnes qui connaissent de près la situation des utilisateurs et les derniers développements techniques. La nécessité de tenir compte de recherches scientifiques et de développer les applications au plus près de la pratique est une grande force, mais aussi un défi pour Agroscope et pour ses spécialistes: les méthodes de mise en œuvre, les recommandations et les décisions doivent être immédiatement applicables, qualitativement irréprochables, compréhensibles et objectives. Elles doivent pouvoir être transposées dans les faits rapidement et aisément selon les nécessités du moment. Le temps manque souvent pour de longues recherches. Les conditions-cadres présentées dans cet article garantissent que l’accomplissement des tâches d’exécution par Agroscope se fait sur une base scientifique et associe efficacité, transparence et proximité avec la pratique. La bibliographie est disponible chez l'auteur.
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Bases scientifiques du conseil aux politiques Stephan Pfefferli1 et Lukas Bertschinger2 1 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8356 Ettenhausen 2 Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 8820 Wädenswil Renseignements: Stephan Pfefferli, e-mail: stephan.pfefferli@art.admin.ch, tél. +41 52 368 32 02
Les ourlets contribuent à accroître la biodiversité des terres cultivées. (Photo: ART)
En 2012 et 2013, les tâches les plus importantes d’Agroscope en matière de conseil aux politiques seront: le monitoring agro-environnemental, la mise en place du système d’information sur les sols NABODAT, l’évaluation des mesures encourageant la biodiversité, le monitoring des résistances à la streptomycine, les travaux visant à combler les lacunes dans l’homologation des produits de protection des plantes, les analyses économiques pour l’amélioration de la compétitivité et l’évaluation politique ex ante (anticipée) à partir de modèles quantitatifs. La politique agricole suisse doit sans cesse s’adapter au changement économique, écologique et social de la société, notamment dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Pour préparer le terrain à temps, selon le mandat qui leur a été imparti par la Loi sur
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l’agriculture (RS 910.1), les législateurs et les organes d’exécution ont besoin de connaissances fondées scientifiquement. Une partie essentielle de ce mandat consiste à estimer les répercussions des mesures politiques prévues. Selon l’Ordonnance sur la recherche agronomique (ORAgr, RS 915.7), Agroscope est, entre autres, responsable «du conseil aux politiques, des expertises, des évaluations et du monitoring». Agroscope s’acquitte de cette tâche notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement. Le tableau 1 indique quelle station de recherche d’Agroscope est responsable de quel domaine et résume les principales tâches et compétences des stations Agroscope. L’ampleur et l’importance des différentes tâches est variable. Quelquesunes d’entre elles, d’actualité, seront décrites plus précisément ci-après.
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Tableau 1 | Tâches des stations de recherche Agroscope dans le d omaine du conseil aux politiques Station Article ORAgr
Domaines de responsabilité
ACW Art. 6
1. Production végétale et ressources génétiques. 2. Protection des végétaux, fumure des grandes cultures et des cultures spéciales. 3. Qualité et sécurité des produits d’origine végétale et de leurs produits de transformation.
ALP-Haras Art. 7
1. Production et transformation de viande et de lait. 2. Sélection et élevage d’animaux de rente et d’abeilles, alimentation des animaux et aspects relatifs à la physiologie nutritionnelle. 3. Aliments pour animaux et marché des aliments pour animaux.
ART Art. 8
1. Bilans de fumure et écobilans, protection des eaux et du sol et émissions en provenance de l’élevage d’animaux de rente. 2. Répercussions économiques, écologiques et sociales de mesures politiques sur le secteur agricole. 3. Indicateurs agro-environnementaux.
Source: Ordonnance du 27 octobre 2010 sur la recherche agronomique (ORAgr).
Indicateurs agro-environnementaux (IAE), monitoring agro-environnemental En vue d’évaluer la politique agricole et les prestations de l’agriculture sous l’aspect de la durabilité, l’Office fédéral de l’agriculture OFAG a mis en place un monitoring agro-environnemental sur la base de l’Ordonnance sur l’évaluation de la durabilité de l’agriculture (RS 919.118). En sa qualité de Centre de compétences Indicateurs agro-environnementaux, Agroscope ART est responsable pour les deux types d’indicateurs «forces motrices1» et «effets potentiels sur l’environnement2». Pour atteindre les objectifs fixés, des données structurelles et des données culturales sont relevées chaque année dans plusieurs centaines d’exploitations. Afin de réduire la charge de travail des agricultrices et agriculteurs participant au relevé, les IAE de l’exploitation sont calculés si possible à partir de données déjà saisies pour répondre à d’autres questions écologiques. Pour ce faire, toutes les exploitations agricoles participantes sont simultanément intégrées au Dépouillement centralisé des données comptables. Les méthodes de calcul des IAE à l’échelle de l’exploitation (dans les domaines de l’azote, du phosphore, de l’énergie, du climat, de l’eau, du sol et de la biodiversité) sont développées par les équipes de recherche d’ART, d’ACW et de l’Office vétérinaire fédéral OVF. L’interprétation des dépouillements normalisés a lieu en collaboration avec les responsables de ces méthodes.
Indicateurs pour l’utilisation des agents de production ayant des effets sur l‘environnement. 2 Indicateurs pour les impacts environnementaux calculés à l’aide de modèles.
1
Evaluation des mesures de biodiversité Depuis 1993, des mesures de compensation écologique sont mises en œuvre dans le cadre de la politique agricole pour lutter contre le recul de la biodiversité sur les terres agricoles. Dans les régions de plaine, ces mesures ont un effet modérément positif (Herzog et Walter 2005). Dans les régions de montagne, la diversité des espèces et des espaces vitaux est, par rapport au potentiel, nettement plus élevée que dans les zones de plaine. Les mesures ont toutefois permis de freiner le recul, mais pas de le stopper (Walter et al. 2010). La recherche soutient les processus politiques par des connaissances relatives aux objectifs et aux stratégies. Avec le recul croissant de la biodiversité agricole, on s’interroge de plus en plus sur ses fonctions dans des domaines tels que la pollinisation, la promotion des auxiliaires, la fertilité du sol, la formation du rendement. Pour la production agricole, il est primordial que ces fonctions soient préservées. Or pour stimuler la biodiversité, il s’agit de connaître quelles fonctions sont générées par les différents organismes, et comment on les gère. Pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir s’appuyer aussi bien sur la recherche fondamentale que sur la recherche appliquée. Modèles quantitatifs pour l’évaluation politique Les modèles économiques quantitatifs sont d’une importance cruciale pour estimer les répercussions des mesures de politique agricole prévues. De l’introduction et du réaménagement des paiements directs (Zimmermann et al. 2011) au libre-échange avec l’UE, en passant par l’abandon des contingents laitiers, Agroscope a calculé, pour les principaux scénarios de politique agricole, l’évolution possible du portefeuille de production, des paiements directs, des paramètres écologiques définis, du niveau des prix agricoles et du revenu de l’agriculture suisse. Trois modèles sont actuellement employés pour ce type d’évaluation ex ante: 1. Le modèle sectoriel SILAS, combiné à un modèle de marché, utilisé pour prévoir les prix des produits agricoles. 2. Le modèle SWISSland, développé ces dernières années s’appuie sur les données des exploitations et, contrairement à SILAS, il peut calculer les impacts de différents scénarios sur le changement structurel. 3. Le modèle UE CAPRI, basé sur les régions et conçu selon le même principe que SILAS, permet de calculer les interactions entre la Suisse et les pays de l’UE dans le domaine agricole. Ces modèles permettent de simuler dans un temps relativement court les répercussions économiques et, de plus en plus, les impacts écologiques de différents scé narios.
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Analyses technico-économiques La réduction des coûts de production est un enjeu majeur de l’agriculture suisse. Par rapport aux pays voisins, les coûts de production sont nettement plus élevés en Suisse. Des analyses de coûts (calcul des coûts complets sur la base des comptabilités d’exploitations, calculs de coûts, comparaison des coûts internationaux) serviront à trouver des possibilités pour réduire les coûts à l’échelle des procédés, des branches de production et de l’exploitation dans son ensemble. Une analyse de la productivité sur la base des résultats comptables permettra de déterminer les facteurs décisifs pour l’efficience de l’exploitation. D’autre part, une analyse des exploitations à temps partiel permettra d’étudier les conséquences du déplacement toujours plus important des activités vers des secteurs non agricoles, et de l’exercice d’une activité annexe. L’accent sera mis non seulement sur le revenu des activités agricoles, mais aussi sur la composition du revenu annexe. L’objectif principal de ce projet économique est de fournir aux exploitations agricoles, à la vulgarisation, ainsi qu’à l’administration cantonale et fédérale, des bases de décision leur permettant d’améliorer la compétitivité de l’agriculture. Système d’information sur les sols NABODAT Les informations sur les sols sont indispensables pour une protection ciblée des sols, pour gérer les ressources et pour dresser l’état de l’environnement. Le traitement des données pédologiques analogiques et digitales disponibles en Suisse, le suivi et l’entretien des données dans un système d’information sur les sols, la mise en valeur spatiale des propriétés du sol pour obtenir des cartes d’application et valoriser les données des sols constituent une longue chaîne de valeur ajoutée faite d’éléments étroitement corrélés. La pièce maîtresse est le système national d’information sur les sols NABODAT (fig.1), mis en service au printemps 2011. Le Mapping de l’Observatoire national des sols NABO relie efficacement ces différentes étapes et a fourni un important travail préparatoire ces dernières années dans le domaine des données pédologiques, du système d’information sur les sols et des cartes d’application. A l’avenir, NABODAT permettra à tous les offices fédéraux et services cantonaux de gérer leurs données pédologiques dans une base de données centralisée. Cette étape représente une avancée considérable en vue d’harmoniser les mises en valeur à l’échelle de la Suisse. Elle est extrêmement importante tant pour la recherche que pour l’exécution et le conseil aux politiques.
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Figure 1 | La base de données NABODAT réunit toutes les informations pédologiques disponibles. (Photo: ART)
Produits phytosanitaires pour les usages mineurs Les cultures maraîchères et la culture des baies sont prétéritées par l’absence d’homologation de produits pour les petites cultures (usages mineurs). Pour que l’on dispose néanmoins de tels produits qui soient issus d’une agriculture suisse durable, Agroscope travaille à combler ces lacunes – en contribuant à l’acquisition de données d’essais nécessaires aux homologations, ou en procédant à ses propres essais. Ce travail est soutenu financièrement par les branches concernées. Les premiers succès peuvent déjà être constatés dans plus de 20 cultures. Ainsi, pour les fongicides permettant de lutter contre le mildiou de la laitue, la situation des homologations a été nettement améliorée. Jusqu’ici, les fongicides efficaces n’étaient autorisés que pour le type de salade principal (la laitue pommée), mais pas pour les autres types de salade comme les feuilles de chêne, les lollos ou les chicorées. Il était pratiquement impossible de traiter contre la plus importante maladie des salades, dès que l’on plantait divers types de salades sur la même parcelle. Des données sur les résidus ont été acquises pour trois produits permettant une lutte efficace contre le mildiou pour tous les types de salades. L’action coordonnée de tous les cercles concernés (pratique, Agroscope, entreprises, autorités), a permis de résoudre de manière satisfaisante l’un des plus grands problèmes de protection des plantes posés aux maraîchers suisses (Baur et al. 2006). Monitoring des résistances à la streptomycine Le feu bactérien (agent pathogène Erwinia amylovora) peut causer de très gros dommages dans les cultures de fruits à pépins. Ces dernières années, cette maladie infectieuse s’est développée de manière préoccupante en Suisse orientale et centrale, sachant que les infestations fluctuent considérablement d’une année à l’autre
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en fonction des conditions météorologiques. A l’échelle internationale, il n’existe aucune méthode de lutte efficace et durable à l’aide de produits phytosanitaires. Pour endiguer le feu bactérien et «vivre avec», la technique suisse repose donc sur une large palette de mesures accompagnatrices et intégrées. Des pronostics de l’infection des boutons, un service d’alerte, le diagnostic des plantes sur lesquelles une infection est suspectée, une communication efficace et la recherche et le développement de stratégies de management durables, tels sont les différents éléments combinés. L’emploi de streptomycine pour la lutte directe contre l’agent pathogène est autorisé sous restrictions depuis 2008 en cas de risque d’infection élevé. Les conditions restrictives imposées réduisent au minimum le risque de voir apparaître des bactéries résistantes et d’une éventuelle transmission de la résistance à l’homme et à l’animal. Toutefois, dans un système biologique, ce phénomène ne peut être exclu à 100 %. C’est pourquoi Agroscope a été chargée par la Confédération (Commission fédérale d’experts pour la sécurité biologique CFSB) de conduire un projet de monitoring interdisciplinaire de la streptomycine dans les cultures fruitières. Il s’agit de contrôler l’utilisation agronomique des antibiotiques en ce qui concerne la formation de résistances sur l’agent pathogène et sur la micro-flore en général. Evolution du conseil aux politiques: tendances actuelles La globalisation, la mise en réseau intensive et la mobilité des acteurs complexifient beaucoup les problèmes dont s’occupe une politique fondée sur un savoir scientifique. Les questions concernant l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ne peuvent souvent plus être abordées que par des approches inter- et transdisciplinaires. Les enjeux sont nombreux: la politique requiert les mesures les plus simples possibles. La recherche doit identifier les relations entre les causes et les conséquences. La politique gère souvent des questions d’actualité, tandis que la recherche est axée sur le moyen et long terme. Entre la prise de décision de mesures de politique agricole et environnementale et leur effet empiriquement mesurable dans la pratique, les conditions dans lesquelles elles ont été décidées ont déjà bien souvent changé. La recherche, qui fournit des bases scientifiques aux décisions politiques, tente de relever le défi. Des modèles quantitatifs lui permettent de calculer les répercussions possibles des mesures et des conditions-cadres avant qu’elles ne soient perceptibles dans le monde réel. Des modèles quantitatifs et des applications fiables nécessitent en général des données multiples et différenciées pour pouvoir être validés. Les données issues du monitoring aident à couvrir la demande de données.
Tableau 2 | Importance des tâches au vu des jours de travail prévus en 2012–2013 Tâche
Station de recherche
Jours de travail par an
Indicateurs agro-environnementaux (IAE), monitoring agro-environnemental
ART, ACW, OVF
1000
Produits phytosanitaires pour les usages mineurs
ACW
670
Evaluation des mesures pour la bio diversité
ART
500–600
Analyses technico-économiques
ART
575
Système d’information sur les sols NABODAT
ART
450
Modèles quantitatifs pour l’évaluation politique
ART
400
Monitoring des résistances à la streptomycine
ACW
90
Conclusions La délimitation entre recherche et conseil aux politiques n’est pas toujours claire. Le conseil scientifique aux politiques s’appuie néanmoins toujours sur des résultats de recherche. Le tableau 2 présente les tâches principales et actuelles en matière de conseil aux politiques, auxquelles les stations de recherche Agroscope prévoient de consacrer plus de 80 jours de travail par an n en 2012 et 2013.
Bibliographie ▪▪ Baur R., Heller W. & Neuweiler R., 2006. Usages mineurs: d’autres succès visibles. Der Gemüsebau/Le Maraîcher 5, 5–7. ▪▪ Herzog F. & Walter T., 2005. Évaluation des mesures écologiques: d omaine biodiversité. Schriftenreihe der FAL 56, 208 p. ▪▪ Walter T., Klaus G., Altermatt F., Ammann P., Birrer S., Boller B., Capt S., Eggenschwiler L., Fischer J. Gonseth Y., Grünig A., Homburger H., Jacot K., Kleijer G., Köhler C., Kohler F., Kreis H., Loser E., Lüscher A., Meyer A., Murbach F., Rechsteiner C., Scheidegger C., Schierscher B., Schilperoord P., Schmid H., Schnyder N., Senn-Irlet B., Suter D., Zbinden N. & Zumbach S., 2010. Landwirtschaft in: Lachat T., Pauli D., Gonseth Y., Klaus G., Scheidegger C., Vittoz P. & Walter T., 2010. Wandel der Biodiversität in der Schweiz seit 1900. Ist die Talsohle erreicht? Zürich Bristol-Stiftung; Bern, Stuttgart, Wien, Haupt. p. 64–122. ▪▪ Zimmermann A., Möhring A., Mack G., Mann S., Ferjani A. & Gennaio Franscini M.-P., 2011. Les conséquences d’une réforme du système des paiements directs: simulations à l’aide des modèles SILAS et SWISSland. Rapport ART 744, 1–16.
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E d i t i o n
s p é c i a l e
Recherche, développement, conseil – la clé du succès suisse Paul Steffen1, Denise Tschamper1 et Ulrich Ryser2 1 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich 2 Agridea, 1006 Lausanne / 8315 Lindau Renseignements: Paul Steffen, e-mail: paul.steffen@art.admin.ch, tél. +41 44 377 72 70
Figure 1 | Variétés sélectionnées de pommes. (Photo: ACW)
La recherche agronomique suisse se concentre sur des enjeux d’importance globale et d’impact national. Dans les vingt prochaines années, il s’agira avant tout de garantir la production de denrées alimentaires, de produire en respectant l’environnement et les animaux, et d’utiliser efficacement les ressources naturelles tout en les préservant. Un transfert de connaissances orienté vers la pratique et une activité de vulgarisation ciblée sont au service de l’agriculture suisse pour l’aider à rester compétitive dans des conditions économiques difficiles.
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Notre époque est marquée par plusieurs défis. Selon les estimations de la FAO, la demande en denrées alimentaires augmentera globalement de 50 % d’ici 2030, du fait de la croissance démographique. D’après les prévisions de l’Office fédéral de la statistique, la population suisse augmentera elle aussi, passant de 7,8 millions d’habitants aujourd’hui à 8,6 millions en 2025. D’autre part, les habitudes alimentaires changent dans de nombreux pays: d’un côté, nous mangeons de plus en plus souvent à l’extérieur et la demande de produits d’origine animale est en hausse, tandis que, parallèlement,
Recherche, développement, conseil – la clé du succès suisse | Edition spéciale
nous souhaitons davantage d’informations sur les produits transformés. D’autre part, la tendance à vouloir s’alimenter sainement augmente, de même que la demande de produits bio. Répondre à la demande croissante de denrées alimentaires alors que les ressources naturelles non renouvelables comme le sol, l’eau, la biodiversité se raréfient, est un enjeu de taille. L’agriculture est concernée par tout ce qui touche aux engrais, comme le phosphore et l’azote, dont l’importance est cruciale pour la production de denrées alimentaires. Les sols arables de qualité se font de plus en rares et de nouvelles questions se posent, suite au changement climatique, par rapport à l’eau, aux variétés et aux maladies dans la production végétale. Finalement, la compétitivité de l’agriculture suisse dépend essentiellement de son potentiel d’innovation, de sa capacité d’adaptation et de l’évolution politico-économique. La recherche agronomique et la vulgarisation suisses tiennent compte de ces enjeux et cherchent des solutions pour l’agriculture d’aujourd’hui. Les stations de recherche Agroscope jouent un rôle central en tant que centres de compétence de la Confédération dans le domaine de la recherche agricole. La vulgarisation agricole, de son côté, s’efforce de permettre l’application pratique des nombreux résultats de recherche. A l’interface entre science et politique, la recherche d’Agroscope se caractérise par une approche axée sur les solutions et à l’écoute de la pratique. Grâce à une méthode de travail interdisciplinaire, les questions biologiques et écologiques rejoignent les thèmes qui touchent l’économie, les sciences sociales et l’ingénierie. Une approche systémique globale intègre les connaissances pratiques, les utilisateurs et les groupes d’intérêt. De nombreux forums spécifiques permettent à la recherche et à la pratique de se rencontrer pour débattre des sujets brûlants d’actualité et des résultats des projets, et pour définir les besoins les plus urgents en matière de recherche et de développement (tabl. 1). La composition des forums varie d’un thème à l’autre, mais comprend en
Tableau 1 | Forums d’échange entre la recherche et la pratique Lead Légumes, Fruits à pépins et à noyaux, Baies, Viti-Vinicole Suisse Grandes cultures, Plantes ornementales, Plantes aromatiques et médicinales, Proficrops
ACW
Transformation du lait et de la viande, Abeilles, Chevaux, NutriScope
ALP-Haras
Agriculture biologique, Grandes cultures et cultures fourragères, Technique agricole, AlpFutur, Agrimontana
ART
général toute la palette des parties intéressées, de la production aux consommateurs en passant par la transformation et l’industrie. Cette méthode permet d’éviter que la recherche et le développement ne se désolidarisent de la pratique, assurant au contraire qu’elles recherchent ensemble des solutions aux problèmes qui se posent. Identifier à temps Le programme de travail actuel d’Agroscope comprend environ 60 % de purs projets de recherche et de développement. L’évaluation précoce de nouvelles méthodes et technologies comme le génie génétique, la robotique, le «Precision Farming» ou l’utilisation des auxiliaires dans la lutte contre les ravageurs est particulièrement importante à ce niveau. C’est dans cet esprit qu’Agroscope s’est également engagée dans deux essais de terrain sur l’utilité et les risques de la dissémination des plantes génétiquement modifiées et étudiera l’effet des nanomatières sur les microorganismes du sol et les plantes cultivées. Sous l’étiquette Cleantech, Agroscope s’occupe également des technologies d’avenir. Garantir la production de denrées alimentaires De nombreux projets d’Agroscope se consacrent à garantir la production de denrées alimentaires à l’avenir. Cela nécessite une recherche solide en production végétale, orientée vers la sélection de plantes fourragères et de grandes cultures, la culture de fruits, de vigne, de légumes, de baies et de plantes médicinales, aromatiques et ornementales. Il s’agit par exemple de développer de nouvelles variétés adaptées aux nouvelles con ditions environnementales (sécheresse, nouveaux ravageurs, nouvelles maladies) d’une qualité irréprochable et fournissant des rendements plus élevés. C’est un travail de longue haleine, car la sélection d’une nouvelle variété, qu’il s’agisse de blé, de pommes, de trèfle ou de soja, dure au moins 12 ans, du croisement à sa commercialisation. La production de lait et de viande, ainsi que leur transformation ultérieure, sont tout aussi importantes. La Suisse, avec ses prairies et pâturages verdoyants, offre la base d’un affourragement proche de la nature et respectueux des animaux. En production laitière, il s’agit avant tout de donner aux agricultrices et agriculteurs les meilleures recommandations possibles pour l’alimentation du bétail, et de contribuer ainsi à l’obtention de produits de haute qualité. Pour la transformation du lait en fromage, la recherche est surtout axée sur le développement pour soutenir l’important savoir-faire de la branche fromagère. Récemment, Agroscope a pu mettre à disposition de la branche fromagère une méthode permettant de fournir un certificat d’origine
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irréfutable. Ainsi, le producteur et le consommateur sont protégés des contrefaçons et des fraudes (fig. 2). Enfin, les produits d’origine végétale et animale doivent répondre à des exigences sanitaires élevées et être exempts de tout résidu. Agroscope garantit une qualité élevée des produits en élaborant des bases pour l’alimentation des animaux et l’hygiène.
Production respectueuse de l’environnement et des animaux Notre agriculture doit se plier à des normes environnementales spécifiques et à une législation pointue sur la protection des animaux. Les prestations écologiques requises (PER) et les paiements directs aux exploitations en dépendent. Produire de manière écologique et respectueuse de l’environnement implique de ménager le plus possible les ressources naturelles essentielles. Il s’agit autant de réduire la pollution de l’air, de l’eau et du sol lors de la production que de fournir des prestations ayant un effet positif sur la diversité biologique et l’esthétique du paysage (fig. 3). Agroscope développe de nouvelles bases pour la protection des plantes et cherche des méthodes naturelles pour réguler les ravageurs dans les grandes cultures et les cultures fourragères. Les stations de recherche Agroscope évaluent également l’effet des substances toxiques comme les mycotoxines dans l’environnement et les récoltes, et en tirent des recommandations pour les minimiser par le biais de l’assolement et le choix des variétés. Actuellement, l’accent est mis sur la lutte contre l’organisme nuisible responsable du feu bactérien. Des recherches intensives sont effectuées pour trouver une alternative durable à l’utilisation de la streptomycine dans la lutte contre cette bactérie. Le développement de systèmes de production durables – l’agriculture biologique en est une variante – a pour but d’assurer la durabilité de la production. De tels systèmes sont développés aussi bien pour les principales régions de production et types d’exploitation que pour l’agriculture de montagne et les zones marginales. Pour que la biodiversité soit préservée en Suisse et dans les zones agricoles, des principes et des outils d’application sont nécessaires, de façon à ce que les agricul-
Figure 3 | Des paysages variés garantissent la biodiversité et sont une plus-value pour le tourisme. (Photo: ART)
Figure 4 | La détention des animaux respectueuse de leurs besoins spécifiques a une grande importance en Suisse. (Photo: ART)
Figure 2 | Fromage Emmental. (Photo: ALP-Haras)
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Globalement, les analyses de cycle de vie renseignent sur l’utilisation efficace et modérée des ressources. De plus, pour optimiser les exploitations agricoles sur le plan économique et écologique, Agroscope développe en collaboration avec la vulgarisation, ses propres instruments de management environnemental, qui considèrent aussi les aspects économiques des procédés de production.
Figure 5 | Des combinaisons de machines et des tracteurs toujours plus gros peuvent nuire aux sols. C’est pourquoi il est très important de travailler en ménageant les ressources. (Photo: ART)
teurs puissent travailler de manière ciblée. Les premières évaluations montrent que la perte de la diversité des plantes et des animaux a pu être enrayée et que des améliorations ont été constatées localement. Ces connaissances systémiques ont pu être intégrées dans l’étude du phénomène du déclin des colonies d’abeilles. Cette approche globale a permis à Agroscope de jouer un rôle crucial dans les réseaux de recherche internationaux. Produire en respectant les animaux signifie veiller à leur bien-être et créer un environnement adapté à leurs besoins spécifiques. Dans cette optique, Agroscope teste et autorise de nouveaux systèmes de détention, de même qu’elle étudie la garde de vaches, de moutons, de chèvres, de porcs ou de chevaux. Aujourd’hui, trois quarts des animaux de rente sortent régulièrement, soit 2,5 fois de plus qu’il y a dix ans (fig. 4). Exploiter les ressources avec efficacité et ménagement L’utilisation correcte et efficace des moyens de production, ainsi que le respect du sol, constituent un objectif prioritaire de l’agriculture. Un des aspects importants de cet objectif est la fertilisation adaptée aux besoins des plantes et du site. Par sa recherche appliquée, Agroscope fournit des bases de recommandations aux agriculteurs. Le maintien de la fertilité du sol pour les générations futures représente aussi un but incontournable à long terme. La question se pose par exemple de savoir quelle charge maximale on peut imposer à un sol sans que le compactage ne lui cause des dommages irréversibles. C’est une question d’actualité, étant donné l’emploi de machines toujours plus grandes. Pour répondre à cette question, Agroscope met à disposition de la pratique des instruments d’application sous différentes formes (données, simulations, modes d’emploi; fig. 5).
La vulgarisation, un lien indispensable La vulgarisation agricole suisse est une plaque tournante centrale des connaissances agricoles. Avec sa structure à deux étages (AGRIDEA/conseillers cantonaux), elle bénéficie d’une très bonne implantation régionale. Ceci lui permet d’être bien acceptée et de pratiquer un transfert des connaissances efficace dans la pratique. De plus, elle influence positivement la réalisation des objectifs de politique agricole, en adaptant rapidement les exigences légales à la pratique et en les complétant par différents outils. La vulgarisation soutient les familles paysannes dans leur travail quotidien et stimule activement le développement des exploitations, par le biais d’une planification stratégique sur mesure et des conseils en technique de production. En particulier, les campagnes communes de la recherche, de la vulgarisation et des producteurs permettent d’atteindre des améliorations durables dans les exploitations agricoles. Avec son système de mise en réseau des connaissances agricoles, la Suisse dispose d’un excellent instrument pour influencer de manière positive la multifonctionnalité de l’agriculture. Elle garantit ainsi non seulement la production de denrées alimentaires, mais aussi la préservation d’un paysage rural intact (fig. 6). n
Figure 6 | La vulgarisation permet de faire connaître les résultats de la recherche dans la pratique. (Photo: Agridea)
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P r o d u c t i o n
v é g é t a l e
Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse Tomke Musa, Eveline Jenny, Hans-Rudolf Forrer et Susanne Vogelgsang Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Renseignements: Tomke Musa, e-mail: tomke.musa@art.admin.ch, tél. +41 44 377 72 39 céréale la plus touchée (Munkvold 2003). Par rapport au blé, le maïs est infecté par un plus grand nombre d’espèces de Fusarium, d’où un spectre de mycotoxines plus large (Dorn et al. 2009; Desjardins 2006). Par conséquent, la récolte peut être contaminée simultanément par plusieurs toxines. De 2005 à 2007, Agroscope ART a réalisé une première étude sur le maïs, au niveau local et limitée à des essais variétaux (Dorn et al. 2009). Cette étude a montré que les échantillons de maïs-grains étaient contaminés par un grand nombre d’espèces de Fusarium et que les teneurs en mycotoxines des échantillons analysés étaient parfois très élevées. A partir de ces résultats, un monitorage du maïs-grains a été réalisé dans l’ensemble de la Suisse sur trois ans avec des échantillons provenant d’exploitations agricoles.
Figure 1 | Fusarioses des épis et des tiges sur le maïs, provoquées par une infestation par des espèces de Fusarium. (Photos: ART)
Introduction En Suisse, la culture du maïs-grains occupe environ 17 000 ha. Comme le maïs-ensilage, il est essentiellement utilisé pour l’alimentation des animaux de rente. Différents agents pathogènes et ravageurs attaquent le maïs, dont les champignons du genre de Fusarium. Les fusaries peuvent attaquer aussi bien les épis que les tiges et les racines et entraînent la pourriture de la racine et du collet (fig. 1). L’infestation se traduit d’une part par des pertes de rendement et de qualité. D’autre part, le métabolisme des fusaries génère des produits toxiques, aussi appelés mycotoxines, nocifs pour l’homme et l’animal. La littérature montre que le maïs est souvent la
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Echantillons de maïs-grains issus de la pratique Le but du monitorage était de pouvoir tirer des conclusions représentatives sur la présence et l’importance des différentes espèces de Fusarium, ainsi que sur le risque de contamination du maïs-grains par des mycotoxines en Suisse. Il s’agissait en outre d’identifier les facteurs qui influencent l’infection et d’en tirer des recommandations pour la pratique. En effet, contrairement au blé, de telles recommandations n’existent pas encore pour le maïs. La demande est cependant forte dans le milieu agricole, car depuis avril 2008, il existe aussi des valeurs indicatives pour les mycotoxines déoxynivalénol (DON), zéaralénone (ZEN) et fumonisines (FUM) dans le maïs et les produits à base de maïs destinés aux aliments pour animaux (tabl. 1).
Matériel et méthodes Les agriculteurs participant à l’étude ont reçu des instructions pour effectuer les prélèvements sur leur récolte afin d’obtenir un échantillonnage représentatif. Ils ont également reçu un questionnaire afin de consigner les informations spécifiques à la variété de maïs cultivée, le précédent cultural et l’avant-dernier précédent, le travail du sol, les dates de semis et de récolte, l’infestation par la pyrale du maïs, l’infestation par des fusaries, les épisodes
de grêle ainsi que les engrais et herbicides employés. En 2008 et en 2009, des échantillons nous sont parvenus en provenance de 14 cantons et en 2010 de 12 cantons: AG, BE, FR, JU, LU, NE, SG, SH, SO, TG, TI, VD, VS, ZH. Après réception, les échantillons ont été séchés pendant trois jours à 35 °C. Puis, un prélèvement représentatif de 200 grains a été effectué à l’aide d’un diviseur de grains pour déterminer s’il y avait ou non des infestations par des espèces de Fusarium. Les grains ont été stérilisés à la surface et soumis à un test sanitaire de plusieurs étapes en laboratoire. Les espèces de Fusarium ont été déterminées au microscope à l’aide des critères morphologiques des spores et de la croissance des colonies dans les boîtes de Pétri avec agar (Nelson et al. 1983; Leslie et Summerell 2006). Le pourcentage des différentes espèces de Fusarium dans l’ensemble de l’infestation a été calculé en comptant les colonies de champignons qui se sont développées dans les boîtes d’agar. Sur les 289 échantillons de maïs envoyés pendant les trois années, un total de 57 800 grains de maïs ont été prélevés et ont permis d’obtenir 6482 souches de Fusarium. Pour déterminer leur contamination, les échantillons ont été broyés finement et les mycotoxines extraites. Un test immuno-enzymatique (ELISA®Ridascreen) a permis de mesurer la teneur des extraits en DON, ZEN et FUM.
Résumé
Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse | Production végétale
De 2008 à 2010, ART a réalisé le premier monitorage du maïs-grains à l’échelle de la Suisse à partir d’échantillons fournis par des exploitations agricoles. Cette étude avait pour but d’étudier la présence et l’importance des espèces de Fusarium, afin d’évaluer le risque potentiel représenté par les mycotoxines. Il s’agissait en outre d’identifier les facteurs culturaux influençant l’infection et d’en tirer des recommandations pour la pratique afin de limiter la contamination par les mycotoxines. 22 % de tous les grains analysés étaient infectés par des souches de Fusarium et 16 espèces de Fusarium différentes ont été identifiées. F. graminearum, F. subglutinans, F. verticillioides et F. proliferatum étaient dominantes. En 2008 et en 2010, 57 % et 70 % des échantillons ont dépassé la valeur indicative fixée à 0,9 ppm de déoxynivalénol (aliments complémentaires et aliments complets destinés aux porcs) tandis que le pourcentage était de 30 % en 2009. La contamination par les autres mycotoxines était nettement plus faible. En dépit des nombreuses données disponibles, pour l’instant seules des recommandations générales peuvent être formulées sur les facteurs déterminant l’infection.
Résultats et discussion Infestation des échantillons de maïs-grains par des spèces de Fusarium e En 2008, 14 % de tous les grains de maïs étudiés étaient infectés par les fusaries; en 2009, le pourcentage était de 22 %, et en 2010 de 31 %. Dans les différents échantillons, l’infection des grains par des fusaries variait entre 0 et 100 %. Durant les trois années, 16 espèces de Fusarium différentes ont été identifiées, ce qui a permis de confirmer la grande diversité des espèces de Fusarium déjà constatée dans la première étude mentionnée par Agroscope ART (Dorn et al. 2009; tabl. 2). Durant les trois années, les espèces les plus fréquentes étaient les suivantes: F. graminearum, F. verticillioides, F. subglutinans, F. proliferatum et F. crookwellense (fig. 2). Comme le montre la figure 2, il existe un net effet de l’année considérée sur la fréquence de leur présence. En 2008, F. graminearum dominait avec 42 %, tandis qu’en 2009, les quatre espèces citées en premier sont apparues dans des proportions pratiquement semblables. En 2010, F. graminearum et F. verticillioides étaient plus fréquentes que les autres espèces. D’autres effets de l’année étudiée sur la présence des fusaries ont également été décrits dans des études réalisées en Allemagne, en Belgique et en Suisse (Goertz et al. 2010; Scauflaire et al. 2011; Dorn et
al. 2011). Les conditions météorologiques peuvent expliquer les différences dans la présence des espèces. Fusarium verticillioides notamment apparaît davantage dans des conditions sèches et chaudes, tandis que F. graminearum domine généralement lorsque le temps est humide et plutôt frais. Contamination des échantillons de maïs-grains par des mycotoxines La contamination des échantillons par des mycotoxines variait également selon l’année étudiée: en 2008 et 2010, où les espèces produisant de la DON (F. graminearum et F. crookwellense) dominaient, 57 % et 70 % des échantillons atteignaient, voire dépassaient la valeur indicative de 0,9 ppm recommandée pour les aliments complémentaires et les aliments complets destinés aux porcs. En 2009, ce n’était le cas «que» pour 30 % des échantillons (fig. 2). Ces résultats montrent clairement que le risque de conta-
Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 520–525, 2011
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Production végétale | Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse
Tableau 1 | Teneurs maximales recommandées pour les produits à base de maïs destinés à l’alimentation animale (Source: Journal officiel de l’Union européenne, 23.8.2006, L 229/7) Mycotoxine
Teneur maximale recommandée en mg/kg (ppm) pour un aliment pour animaux ayant un taux d’humidité de 12 %
Produits destinés à l’alimentation animale – Sous-produits du maïs
Déoxynivalénol
12
– Aliments complémentaires et complets excepté pour:
5
• les porcs
0,9
• les veaux (< 4 mois), les agneaux et les chevreaux
2
– Sous-produits du maïs
3
– Aliments complémentaires et complets pour: Zéaralénone
• les porcelets et les jeunes truies
0,1
• les truies et les porcs d’engraissement
0,25
• les veaux, le bétail laitier, les ovins (agneaux compris) et les caprins (chevreaux compris)
0,5
– Maïs et produits à base de maïs*
60
– Aliments complémentaires et complets pour: Fumonisine B1 + B2
• les porcs, les équidés, les lapins et les animaux familiers
5
• les poissons
10
• la volaille, les veaux (< 4 mois), les agneaux et les chevreaux
20
• les ruminants (> 4 mois) et les visons
50
* L’expression «maïs et produits à base de maïs» couvre non seulement les matières premières à base de maïs, mais également les autres matières premières dérivées du maïs entrant dans la composition des aliments pour animaux, notamment les fourrages et les fibres de maïs.
mination en DON du maïs-grains est très élevé. Cette contamination est très importante car le maïs-grains produit sur l’exploitation est souvent utilisé directement pour l’alimentation des animaux de rente sans analyse préalable de sa teneur en mycotoxines. Par conséquent, les éventuelles charges en mycotoxines passent souvent inaperçues et représentent un risque pour la santé des animaux. La contamination en ZEN était nettement plus faible que la contamination en DON dans le présent monitorage des grains de maïs. Dans l’ensemble, 19 % des échantillons ont dépassé la valeur indicative pour la ZEN pour les truies et les porcs à l’engrais (0,25 ppm dans les aliments complémentaires et les aliments complets). Pour les fumonisines, seuls 2 % des échantillons (6 sur 289) dépassaient la valeur indicative de 5 ppm pour les porcs et les chevaux (aliments complémentaires et aliments complets). Quatre de ces échantillons provenaient du canton du Tessin, un échantillon du canton de St-Gall et un autre du canton de Schaffhouse. Lien entre la contamination par des espèces de Fusarium et par des mycotoxines Contrairement à l’étude effectuée sur le blé (Vogelgsang et al. 2009), notre étude n’a pas permis de constater une relation étroite entre l’infection par F. graminearum (FG) et la teneur en DON. Néanmoins, on a pu constater, en 2008 seulement, un coefficient de corrélation (valeur r) de
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Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 520–525, 2011
Tableau 2 | Fréquence d’infestation relative (%) et nombre de souches de Fusarium lors du monitorage des grains de maïs réalisé par ART à l’échelle de toute la Suisse de 2008 à 2010. Le tableau représente les moyennes des échantillons de grains de maïs par an. La fréquence d’infestation a été déterminée par un test sanitaire. Les cinq espèces de Fusarium les plus fréquentes apparaissent sur un fond bleu. Espèce de Fusarium
2008 (n = 94)
2009 (n = 105)
2010 (n = 90)
Fréquence d’infestation relative (%)
F. avenaceum
2,1
3,0
2,5
F. crookwellense
3,7
2,1
7,3 1,3
F. culmorum
1,5
1,6
F. equiseti
3,3
3,3
1,7
F. graminearum
42,0
19,8
30,9
F. oxysporum
1,4
3,4
1,0
F. poae
2,9
5,6
1,3
F. proliferatum
7,9
13,0
11,2
F. sambucinum
0,1
0,0
0,0
F. semitectum
0,1
0,0
0,0
F. solani
0,0
0,1
0,1
F. sporotrichioides
0,3
0,3
0,7
F. subglutinans
20,1
24,1
13,4
F. tricinctum
0,1
1,1
0,6
F. venenatum
1,3
0,5
0,3
F. verticillioides
13,0
22,0
26,8
% de grains infectés
14
22
31
Nombre de souches
1355
2354
2774
n = nombre d'échantillons
Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse | Production végétale
0,68 (2009 r=0,28; 2010 r=0,26). Une corrélation plus importante entre FG et DON a pu être observée lorsque l’analyse ne portait que sur les échantillons non infectés par F. verticillioides. Il semblerait donc que les différentes espèces de Fusarium s’influencent les unes les autres lorsqu’elles sont présentes ensemble, comme le montrent également des études de Reid et al. (1999) et Picot et al. (2011). Aucun rapport n’a été constaté entre l’infestation par des champignons formant des FUM (F. verticillioides, F. subglutinans et F. proliferatum) et la teneur en FUM des échantillons de maïs-grains. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela: de par la littérature, on sait qu’il existe des souches d’une même espèce produisant plus ou moins de mycotoxines (Logrieco et al. 2007). Cela pourrait aussi être lié à ce qu’on appelle les mycotoxines «masquées» (Berthiller et al. 2009). Il s’agit de toxines conjuguées solubles qui se forment soit pendant les processus chimiques dans la plante (p. ex. détoxification), dans les microbes, dans le champignon lui-même ou pendant la fabrication des denrées alimentaires, ou encore qui s’intègrent à la paroi cellulaire sous forme de complexes liés. Différents processus comme la digestion peuvent rendre à ces mycotoxines conjuguées leur forme toxique initiale et nuire à la santé. Par conséquent, les mycotoxines masquées peuvent participer au risque global des mycotoxines, bien qu’elles ne soient pas enregistrées par l'analyse. On sait qu’il existe de tels complexes pour DON, ZEN et FUM (Dall’Asta et al. 2008). A la recherche des facteurs déterminant l’infection L’identification des facteurs culturaux potentiels s’est concentrée sur l’espèce la plus fréquente, F. graminearum (FG) et sur la mycotoxine DON. A l’instar du monitorage du blé réalisé par Agroscope ART, qui a permis de montrer la nette influence du précédent cultural, du travail du sol et de la combinaison de ces deux facteurs sur l’infection par FG et la contamination par DON (Vogelgsang et al. 2009), ces facteurs ont également été étudiés dans le projet sur le maïs-grains. Concernant le travail du sol, on a distingué les procédés avec labour et ceux avec semis sous litière (semis direct compris); pour l’effet du précédent cultural, les groupes des céréales (blé et orge) ont été différenciés des autres cultures précédentes (maïs, pommes de terre, soja, tournesol, jachère florale, prairie temporaire, petits pois, carottes). Toutes les données et années confondues, une différence significative n’a été constatée que pour le travail du sol. Ni le précédent cultural seul, ni la combinaison du précédent cultural et du travail du sol n’ont donné de différences significatives. Les échantillons de maïs-grains provenant de champs labourés présentaient une infection par FG et
13%
2008
4% 8%
57%
42% 43%
13% 20%
19%
20%
2009 30%
2% 13% 24%
70%
21% 11%
2010
7%
31%
11%
30%
70%
13% 27% F. graminearum F. verticillioides
F. subglutinans F. proliferatum
F. crookwellense
F. spp.
% d’échantillons ≥ 0,9 ppm DON % d’échantillons < 0,9 ppm DON
Figure 2 | Spectre des espèces de Fusarium et fréquence de leur présence dans les grains infectés lors du monitoring du maïs de 2008 à 2010 (à gauche). Pourcentage des échantillons ayant dépassé la valeur recommandée de déoxynivalénol fixée à 0,9 ppm (à droite). F. spp.: résumé de toutes les autres espèces de Fusarium identifiées. F. graminearum forme notamment du déoxynivalénol et de la zéaralénone; F. verticillioides, F. subglutinans, F. proliferatum forment des fumonisines, F. crookwellense forme notamment du déoxynivalénol et de la nivalénol.
une contamination par DON significativement plus faible que les échantillons provenant de parcelles avec semis sous litière (fig. 3). L’avant-dernier précédent cultural n’avait aucune influence sur l’infestation par FG et la teneur en DON, quelles que soient les données et les années considérées. En 2008, les échantillons pour lesquelles une culture intermédiaire (généralement mélange herbe-trèfle) avait été mise en place, affichaient toutefois une infestation par FG et une teneur en DON significativement plus élevées. Des dates de récolte plus tardives se sont traduites par une infestation plus élevée. Les échantillons de maïsgrains récoltés seulement vers la fin octobre ou en
Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 520–525, 2011
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Production végétale | Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse
Précédent cultural «Céréales»
Précédent cultural «Autres»
Infestation par FG (%)
10
12 10
8
8
6
6
4
4
2
2
0
Semis sous litière
Labour
Semis sous litière
Labour
Teneur en DON (ppm)
12
0
Moyenne de l'infestation par FG (%) Moyenne de la teneur en DON (ppm)
Figure 3 | Influence du précédent cultural et du travail du sol sur l’infestation par F. graminearum (FG, colonnes bleues) et la contamination par la mycotoxine déoxynivalénol (DON, triangles jaunes). Moyennes des récoltes 2008 à 2010 avec écart-types comme mesure de la variabilité. n= 289, précédent cultural «céréales» = blé, orge; précédent cultural «autres» = maïs, pommes de terre, soja, tournesol, petits pois, carottes.
novembre présentaient une infestation par FG, une teneur en DON et en ZEN significativement plus élevées que les échantillons récoltés de mi-septembre jusqu’à mioctobre. Ce phénomène a également été observé dans d’autres études de terrain (p. ex. Blandino et al. 2009). Il existait une grande diversité de variétés de maïs. C’est pourquoi l’aspect variétal a été analysé à partir des groupes de maturité correspondants (précoce, mi-précoce et mi-tardif). Les variétés précoces avaient une teneur en DON et en FUM significativement plus faible que les variétés mi-tardives. Les groupes de maturité n’avaient aucune influence sur la contamination par ZEN. Dans les parcelles où une infection par la pyrale du maïs avait été observée, l’infestation globale par les fusaries était significativement plus importante que dans les autres parcelles. Aucune influence sur les différentes espèces de Fusarium n’a cependant pu être identifiée, bien que d’autres études aient pu montrer que l’infection par la pyrale du maïs conduisait à une infection plus forte par F. verticillioides (Blandino et al. 2009).
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Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 520–525, 2011
Conclusions L‘analyse des facteurs pour le maïs-grains est nettement plus complexe que l’analyse des facteurs pour le blé qui est clairement axée sur la problématique FG/DON. Le maïs est attaqué par un plus grand nombre d‘espèces de Fusarium, qui peuvent s’influencer les unes les autres dans leur développement et leur production de mycotoxines. De plus, les conditions météorologiques ont une grande influence sur l’éventail des espèces de Fusarium et de mycotoxines. Etant donné les résultats du monitorage des grains de maïs de 2008 à 2010, il est recommandé de tenir en compte des aspects suivants pour éviter l’infestation par FG et la contamination par DON: ••le risque d’infection par FG et de contamination par DON est plus important avec semis sous litière qu’avec labour; ••la lutte contre la pyrale du maïs réduit le risque d’infestation par des espèces de Fusarium; ••la récolte devrait avoir lieu le plus tôt possible; ••la culture de variétés de maïs précoces minimise le risque de contamination par DON grâce à la date plus précoce de la récolte; ••en cas d’utilisation du maïs-grains dans l’exploitation, il est recommandé de bien le nettoyer, car les grains chétifs et avec des brisures peuvent être fortement contaminés par des mycotoxines. Perspectives Comme le maïs est souvent infesté par des fusaries et que le changement du procédé de travail du sol ou de l’assolement ne suffit pas à réduire suffisamment le risque représenté par des mycotoxines, les variétés de maïs devraient si possible avoir une sensibilité basse aux espèces de Fusarium. Des études sont prévues dans le cadre des essais variétaux d’Agroscope sur le maïs-grains pour mieux estimer l’influence des différentes variétés. En collaboration entre Agroscope ART et ACW, des échantillons de grains de différentes variétés seront prélevés et analysés pour savoir s’ils présentent une infection par des fusaries et quelle est leur teneur en mycotoxines. Des conditions standards (facteurs culturaux moins diversifiés, répétitions) devraient permettre de mieux comprendre les interactions complexes entre l’infestation par les fusaries et la contamination par des mycotoxines du maïs-grains et de pouvoir fournir des recommandations plus détaillées à la pratique. n
Fusarium e micotossine nel mais da granella in Svizzera Tra il 2008 e il 2010, la Stazione di ricerca Agroscope Reckenholz-Tänikon ART ha svolto il primo monitoraggio della contaminazione da micotossine su campioni di mais da granella svizzeri. L'obiettivo era di chiarire l'importanza delle diverse specie di Fusarium presenti e di valutare il rischio dovuto alla micotossina. Si trattava inoltre di identificare i fattori legati ai metodi colturali sull'infestazione ed elaborare raccomandazioni per evitare contaminazioni. L'esame di 289 campioni (da 14 cantoni) ha rivelato un tasso di Fusarium del 22 %. Ne sono state identificate 16 specie. Le più frequenti erano Fusarium graminearum, F. subglutinans, F. verticillioides e F. proliferatum. La nostra analisi ha indicato che le contaminazioni sono dovute soprattutto alla micotossina deossinivalenolo: nel 2008 e 2010, il 57 %, risp. il 70 % dei campioni di mais ha superato il valore indicativo di 0,9 ppm (complementi nutritivi e foraggi completi per suini). Nel 2009, il 30 % ha superato questo valore. La contaminazione da altre micotossine era molto inferiore. Nonostante la gravità dei dati, per ora si possono formulare solo raccomandazioni generali per evitare il rischio di contaminazione.
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Summary
Riassunto
Fusaries et mycotoxines dans le maïs-grains en Suisse | Production végétale
Fusaria and mycotoxins in grain maize in Switzerland Between 2008 and 2010, Agroscope ReckenholzTänikon ART conducted a first Swiss-wide monitoring of commercial grain maize samples. The aim was to determine the occurrence and impact of different Fusarium species in order to assess the potential risk of mycotoxin contamination. In addition, we evaluated the potential influence of different cropping factors in order to provide advice for growers on how to avoid high mycotoxin loads. 289 grain-maize samples from 14 cantons were analysed. Overall, 22 % of the grains were infected with Fusarium and 16 different species were identified. Fusarium graminearum, F. subglutinans, F. verticillioides and F. proliferatum were the most dominant species. In 2008 and 2010, 57 % and 70 % of the samples, respectively, exceeded the guidance value of 0,9 ppm deoxynivalenol (complementary and complete feedingstuffs for pigs). In 2009, 30 % of the samples exceeded this value. The levels of the other mycotoxins were substantially lower. Despite the extensive dataset, as of yet, only general recommendations can be defined with respect to influencing cropping factors that reduce the risk of mycotoxin contamination in grain maize. Key words: maize, fusarium ear rot, mycotoxins, cropping factors.
▪▪ Logrieco A., Moretti A, Perrone G. & Mulè G., 2007. Biodiversity of complexes of mycotoxigenic fungal species associated with Fusarium ear rot of maize and Aspergillus rot of grape. International Journal of Food Microbiology 119, 11–16. ▪▪ Munkvold G. P., 2003. Cultural and genetic approches to managing mycotoxins in maize. Annual Reviews of Phytophathology 41, 99–116. ▪▪ Nelson P. E., Tousson T. A. & Marasas W. F. O., 1983. Fusarium species: An Illustrated Manual for Identification. Pennsylvania State: University Press. 89 p. ▪▪ Picot A., Hourcade-Marcolla, Barreau C., Pinson-Gadais, Caron D., R ichard-Forget F. & Lannou C., 2011. Interactions between Fusarium verticillioides and Fusarium graminearum in maize ears and consequences for fungal development and mycotoxin accumulation. Plant Pathology, DOI 10.1111/j.1365 – 3059.2011.02503.x, published online 13.7.2011. ▪▪ Reid L. M., Nicol R. W., Ouellet T., Savard M., Miller J. D., Young J. C., Stewart D. W. & Schaafsma A.W., 1999. Interaction of Fusarium graminearum and F. moniliforme in maize ears: disease progress, fungal biomass, and mycotoxin accumulation. Phytopathology 89, 1023–1037. ▪▪ Scauflaire J., Mahieu O, Louvieaux J., Foucart G., Renard F. & Munaut F. 2011, Biodiversity of Fusarium species in ears and stalks of maize plants in Belgium. European Journal of Plant Pathology 131 (1), 59–66. ▪▪ Vogelgsang S., Jenny E., Hecker A., Bänziger I. & Forrer H. R., 2009. Fusarien und Mykotoxine bei Weizen aus Praxis-Ernteproben. Agrarforschung 16 (7), 238–243.
Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 520–525, 2011
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P r o d u c t i o n
v é g é t a l e
Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles Gabriella Silvestri et Simon Egger Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW Renseignements: Simon Egger, e-mail: simon.egger@acw.admin.ch, tél. +41 44 783 63 94
Figure 1 | Analyse de jus en laboratoire. Diversité de couleurs, de goûts et d’arômes.
Introduction Le feu bactérien est une grave maladie des fruits à pépins, causée par Erwinia amylovora. Cette bactérie pathogène originaire d’Amérique du Nord infecte surtout les Pomoïdées, une sous-famille des Rosacées. Détecté pour la première fois en Suisse en 1989, le feu bactérien s’est ensuite largement propagé. Dans certaines régions de Suisse, les années de forte contamination, comme 2000 et 2007, ont accéléré le recul général des surfaces de pommes à cidre. Les experts estiment que plus de 15’000 arbres à haute-tige ont été touchés depuis 2000. L’approvisionnement des industries de transformation en pommes à cidre suisses de qualité devient toujours plus précaire: 30 à 50 % des variétés de pommes à cidre cultivées sont sensibles à très sensibles au feu bactérien. L’hécatombe n’est donc pas terminée. La conservation des vergers à haute-tige dépend ainsi du choix de variétés peu sen-
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Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 526–533, 2011
Encadré 1 | Profil recherché pour les variétés de pommes à cidre • Faible sensibilité au feu bactérien ainsi qu’aux autres maladies en général (par ex. tavelure, oïdium et chancre) • Très bonne qualité du jus de fruits (goût et arôme) • Acidité d’au moins 5 g/l et teneur en sucre d’au moins 45 °Oechsle (11,2 °Brix) • Pressage facile et rendement en jus (poids du jus par rapport à celui des fruits) d’au moins 77 % • Rendements élevés et si possible réguliers • Fenêtre de récolte étroite et récolte mécanisable • Bonnes propriétés de croissance et structure des couronnes stable
sibles. Toutefois, l’évaluation de cette sensibilité est une tâche complexe. Elle peut varier en fonction des conditions météorologiques, du déroulement de la floraison, de l’âge des arbres et de la pression de l’infection. Le projet SOFEM a testé cette sensibilité par inoculations ciblées des pousses et des fleurs dans des serres de quarantaine, en conditions optimales pour l’agent pathogène. Des relevés au verger en 2007, 2008 et 2011 ont servi de témoin aux résultats des inoculations réalisées en laboratoire. Pour les cidreries, le principal critère est la qualité du jus, évaluée par le goût, l’arôme, la teneur en sucres, en acides et en tanins. Dans le projet SOFEM, les variétés peu sensibles au feu bactérien ont été également contrôlées avec soin sur leur aptitude à la transformation. Un bon jus possède un arôme de pomme typé. Dans l’évaluation sensorielle, le panel de la Fruit-Union Suisse FUS a classé les jus sur une échelle de 18 points.
Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles | Production végétale
Résumé
Le recul des vergers de pommes à cidre, dû notamment au feu bactérien, met en péril l’approvisionnement des cidreries en pommes suisses de qualité. Les variétés peu sensibles sont capitales pour maîtriser à long terme la propagation du pathogène, pour approvisionner les cidreries en fruits suisses de qualité et pour préserver l’arboriculture de plein champ, qui modèle nos paysages et joue un rôle écologique important. Dans le contexte de libéralisation croissante des marchés, la qualité des jus et la brièveté des transports d’une production indigène constituent des atouts réels pour les transformateurs de fruits suisses. En collaboration avec la Coopérative centrale pour la valorisation des produits fruitiers suisses non distillés CAVO et d’autres partenaires, la Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW a testé différentes variétés de pommes – anciennes et nouvelles – sur leur sensibilité au feu bactérien, la qualité de leur jus et leur aptitude à la transformation, ainsi que sur leur rendement et leur croissance. Entre 2008 et 2011, une centaine de variétés ont été inoculées en conditions contrôlées pour tester la sensibilité de leurs pousses au feu bactérien et, pour une dizaine d’entre elles, celle de leurs fleurs. Une cinquantaine de variétés ont montré des propriétés très prometteuses pour la transformation et les qualités chimiques et organoleptiques de leur jus ont été analysées. Parmi les cultivars examinés, 17 donnent un jus de grande qualité et sont en même temps peu sensibles au feu bactérien.
Encadré 2 | Le projet SOFEM SOFEM – Sélection des variétés pour une stratégie intégrée contre le feu bactérien dans la culture suisse des pommes à cidre (Sortenwahl für eine nachhaltige Feuerbrandstrategie im Schweizer Mostapfelanbau). La fondation CAVO est le donneur d’ordre et le principal partenaire financier. La Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW est responsable de la mise en œuvre. Le projet s’est déroulé de 2008 à 2011, avec le soutien financier de la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI) de la Confédération. Les services d’arboriculture des cantons de BE, LU, SG, TG et ZH ont collaboré activement au projet, de même que Jardin Suisse et la Fruit-Union Suisse (FUS). Le projet SOFEM fait partie de l’éventail de so lutions étudiées par ACW pour la maîtrise à long terme du feu bactérien. Des fiches et d’autres informations sont disponibles sur www.varietesarbo.ch/Commentaires et résultats.
Matériel et méthodes Inoculation des pousses Les génotypes à tester ont été greffés sur porte-greffe M9vf T337 et cultivés en pot (35,5 cm de haut et 7 cm de diamètre) pendant quatre à cinq semaines en conditions optimales (température 18 à 25 °C; humidité relative 70 %). Les fleurs et les drageons ont été régulièrement éliminés. Du soufre a été appliqué contre l’oïdium et, au besoin, un insecticide contre les pucerons du feuillage. Après quatre semaines, seule la pousse la plus forte a été maintenue sur les plants. Les essais ont porté sur les pousses d’au moins 10 cm de long. L’inoculation a été réalisée en serre de quarantaine avec la souche suisse Erwinia amylovora ACW610rif à une concentration de 109 ufc/ml (Kahn et al. 2006; Momol et al. 1998). L’injection a été faite à la seringue médicale dans la pointe des jeunes pousses au niveau de la dernière feuille complètement développée (10 à 12 plantes par génotype). La longueur des lésions extérieures visibles (fig. 2) a été mesurée chaque semaine pendant trois semaines. La sensibilité des pousses des différentes variétés a été exprimée par le rapport (en %) entre la longueur des lésions visibles et la longueur totale de la pousse (Le Lezec et Paulin 1984). Pour le classement, Gala et Rewena étaient les variétés sensible (tabl. 1) et peu sensible de référence.
Tableau 1 | Echelle de sensibilité des pousses comparée à celle de la variété sensible de référence Gala, trois semaines après l’inoculation Sensibilité de la pousse 1 = résistante 2 = très faible
% en comparaison avec Gala =0 < 10
3 = faible
10 < 25
4
25 < 40
5 = moyenne
40 < 60
6
60 < 80
7 = élevée
80 < 100
8
100 < 125
9 = très élevée
≥ 125
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Production végétale | Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles
sateur à pression Mesto® avec une suspension de bactéries à haute virulence (souche Erwinia amylovora 385, 108 UFC/ml), puis emballés dans des sachets en plastique pendant cinq jours. L’évaluation a eu lieu au 8e, 15e et 22e jour après inoculation. Les symptômes ont été classés sur l’échelle de 1 à 9 présentée au tableau 2, qui a pu ainsi être validée avec des essais à l’extérieur. Durant les 22 jours de test, la température moyenne a été de 14,9 °C. Lors de l’inoculation le 26 mai, la température diurne moyenne de 17 °C et le temps humide réunissaient les conditions nécessaires à l’infection des fleurs. Selon le modèle de prévision MARYBLYTTM, les quatre conditions suivantes doivent être remplies le même jour pour permettre l’infection des fleurs: Figure 2 | Les bactéries se disséminent à partir du point d’injection; l’extrémité de la pousse devient brun-roux et la tige gris-vert à noir.
Inoculation des fleurs Essais effectués en serre de quarantaine La culture d’arbres expérimentaux demande une préparation particulière pour obtenir des bourgeons floraux optimaux. Des arbres âgés de deux ans ont été refroidis à 2 °C durant la phase physiologique de dormance hivernale, pour retarder la floraison et contrôler son développement. Après le séjour au frais, les arbres ont été placés en pot de 5 litres et exposés à l’extérieur pour permettre le débourrement. L’inoculation (fig. 3) a eu lieu au stade pleine floraison (BBCH 65). Comme pour les pousses, la souche suisse Erwinia amylovora ACW610rif a servi d’inoculum (EPPO Richtlinie PP1/166(3)) à la concentration de 108 ufc/ml et à raison de quatre fleurs par bouquet floral. Les fleurs et bouquets non inoculés ont été marqués et ôtés le jour suivant. Selon leur stade de développement, les variétés présentaient un nombre variable de bouquets floraux. Le climat de la serre était de 25 °C la journée et 15 °C la nuit, à 70 % d’humidité relative. L’importance des symptômes a été évaluée sur une échelle de 1 à 9, au 4e, 7e, 10e, 14e, 21e et 28e jour après l’inoculation. L’échelle d’évaluation a été établie dans un essai préalable en automne 2010 (tabl. 2). Essais au champ En Suisse, Erwinia amylovora est un organisme de quarantaine et les essais d’inoculation en plein champ sont interdits. Ils ont donc été pratiqués en Allemagne dans une parcelle isolée, en collaboration avec le Kompetenzzentrum Obstbau Bodensee (KOB). L’inoculation a eu lieu sur des arbres en pot âgés de trois ans avec au moins 50 % de fleurs ouvertes (BBCH65 à BBCH67 selon les variétés). Des bouquets choisis ont été sprayés au vapori-
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••fleurs ouvertes, intactes (pistil et anthères présents) ••une fois la fleur ouverte, 110 degrés-heures au-dessus de 18,3 °C (soit plusieurs jours chauds) ••température diurne moyenne supérieure à 15,6 °C ••pluie (au moins 0,25 mm) ou rosée; ou plus de 2,5 mm de pluie la veille. Transformation et qualité du jus Selon les quantités de fruits disponibles, les essais de pressage de variétés pures ont été réalisés de trois manières: à l’échelle industrielle (10 tonnes) à la cidrerie Möhl AG à Arbon, dans un petit pressoir (250 kg) à Wädenswil, en collaboration avec l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), ou en petites quantités de 20 kg. Il n’a pas été fait usage d’enzymes, d’agents clarifiants ou d’autres additifs. Les exigences minimales pour la qualité des fruits étaient celles des Normes et prescriptions relatives aux fruits à cidre (FUS 2008). Lors des années d’essai successives, l’opération a été si possible répétée avec des fruits de même provenance. La caractérisation chimique des jus s’est basée sur la teneur en sucre total (°Brix), en l’acide malique (g/l,
Figure 3 | Les fleurs ont été inoculées individuellement au vaporisateur (volume par fleur: 200 µ l) dans une serre de quarantaine.
Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles | Production végétale
Tableau 2 | Echelle du projet SOFEM pour l’évaluation des symptômes après inoculation artificielle des fleurs
Cl. 5 = bouquet floral et pédoncule • Coloration foncée du pédoncule, sépales sains • Nécrose limitée au pédoncule • Jeunes pousses saines
Cl. 1 = pas de symptômes • Bouquet sans aucun symptôme visible • Le flétrissement des fleurs est typique de la variété Cl. 2 = symptômes diffus • Réceptacle, pédoncule et sépales verts • Étamines et/ou carpelles décolorés
Cl. 6 = bouquet floral, pédoncule et jeune pousse • Jeunes pousses malades • Pas de jeunes pousses, bouquet floral entier malade • Pas de nécrose visible dans le bois
Cl. 3 = infection des fleurs • Sépales et/ou réceptacle orange à noir • Tige nécrosée sur max. 1/3 de sa longueur • Max. une fleur avec les symptômes de cl. 4
Cl. 7 = nécrose du bois < 5 cm • Nécrose du bois visible (< 5 cm)
Cl. 4 = infection des fleurs • Tige toute noire ou au moins 1/3 nécrosée • Pédoncule vert, nette séparation • Plus d’une fleur avec les symptômes de cl. 4
Cl. 8 = nécrose du bois < 10 cm Cl. 9 = nécrose du bois > 10 cm • Les symptômes visibles de l’infection continuent à s’étendre
Résultats
100
Sensibilité au feu bactérien Les essais d’inoculation de pousses montrent que la dissémination des bactéries dans les tissus hôtes perceptible visuellement varie en fonction des variétés. Dans le projet ont été qualifiées de peu sensibles les variétés présentant une lésion visible de 40 % inférieure à celle de Gala (tabl. 1). La figure 4 présente les résultats d’inoculation des pousses des 17 variétés de pommes à cidre recommandées en arboriculture (ACW-Flugschrift 129: Beschreibung wertvoller Mostapfelsorten, 2011), ainsi que de la variété sensible témoin Gala. Parmi ces variétés, il existe une certaine incertitude concernant la variété précoce Reglindis qui, en 2009, a présenté une lésion
2011 2010 2009a 2009b 2008
80
60 6 40 3 3
20
3
3
3
3
0
3
3
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3
3
3
3
4
3
4
3
4
3
2
3
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e
4 332 e
Longueur des lésions après trois semaines (%)
acidité titrable) et en phénols totaux (mg/l). De plus, les différents types de sucres (glucose, fructose, saccharose) et le sorbitol (sucre-alcool) ont été mesurés. Les sucres, les acides et les phénols sont des composants majeurs du goût des jus de pomme (Schobinger et Müller 1975). Pour juger les jus, des partenaires du projet et des représentants des cidreries artisanales ont utilisé l’échelle à 18 points du panel de contrôle du marché de la FUS. Les critères jugés étaient «limpidité et couleur», «arôme», «goût» et «impression générale». Les jus à taux d’acidité élevé étant peu appréciés, il est indispensable, pour une évaluation exhaustive de leurs propriétés, de tenir compte de commentaires oraux tels que «fruité, aromatique, utilisable en mélange, beaux tanins». Le jus de la variété Boskoop a servi de référence.
Figure 4 | Sensibilité des pousses des 17 variétés recommandées pour les cultures de pommes à cidre après inoculation artificielle. Longueurs des lésions en pourcentage de la longueur totale des pousses trois semaines après inoculation. Le chiffre correspond au classement par rapport à la variété sensible de référence Gala du tableau 1 (1 = résistante, 9 = très grande sensibilité).
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Production végétale | Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles
% cl. 5
a
Gala (27) > cl. 5 <= cl. 4 % cl. 5 Gala (23) > cl. 5
% cl. 5 Enterprise (5) <= cl. 4
Enterprise (6) <= cl. 4
b % cl. 5 Gala (35) > cl. 5
% cl. 5 Rewena (16) <= cl. 4
<= > cl. cl. 4 5
% cl. 5 Heimenhofer (8) <= cl. 4
Liberty (19) % cl. 5
% cl. 5
> cl. 5 % cl. 5 Empire (18) <= cl. 4
> cl. 5 Empire (18) % cl. 5
<= cl. 4 >5cl. Reanda (26) % cl. 5
> cl. <= 5 cl. 4 Boskoop (34)
> cl. 5 Sauergrauech (42) <= % Kl. 5 cl. 4
% cl. 5 Reglindis (15) > cl. 5
c
<= > cl. cl. 4 5 Remo (20) % cl. 5
Figure 5 | Pourcentage de bouquets floraux dans les classes inférieures à 5 (bleu), 5 (jaune) et supérieures à 5 (rouge). Le nombre de bouquets inoculés est indiqué entre parenthèses (100 %). a = en serre, série 1; b = en serre, série 2 (évaluation 28 jours après inoculation) ; c = extérieur (évaluation 22 jours après inoculation).
dépassant 60 % de la longueur de celle de Gala, mais enregistre de meilleurs résultats dans d’autres essais. Reglindis ne peut donc pas être recommandée dans les situations très exposées au feu bactérien. Les variétés les moins sensibles comme Rewena et Enterprise ont, dans certains tests, présenté des lésions dont la longueur n’atteignait pas 10 % de celles de Gala. Comme on le constate pour Gala à la figure 4, la longueur des lésions des variétés les plus sensibles présente souvent une grande dispersion relative entre les années d’essai. Dans les essais d’inoculation des fleurs, l’extension et l’intensité des symptômes ont aussi différé entre les variétés (fig. 5). Dans la classe 4, les fleurs se détachent à la base de la tige; dans la classe 5, une cicatrice se forme sur le pédoncule, qui entraîne aussi souvent la chute des fleurs (fig. 6).
➞
➞
(1)
(2) Figure 6 | Symptômes du feu bactérien après inoculation artificielle des fleurs. Classe 5: Les cicatrices de séparation en formation sur le pédoncule (1) ainsi que l’absence de décoloration du bois (2) sont bien visibles.
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Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 526–533, 2011
Chez les variétés ayant une grande part de bouquets floraux dans les classes 3 à 5, les symptômes visibles se limitent aux organes des fleurs. Par contre, chez la variété sensible Gala, l’infection visible s’étend à l’arbre. Le bois est très nettement nécrosé. Lors des inoculations de fleurs en serre (fig. 5a et 5b), toutes les variétés testées réagissent nettement mieux que Gala. Reanda, Remo et Rewena ont présenté de bons résultats à l’extérieur (fig. 5c), tandis que Reglindis présentait là aussi une plus grande sensibilité. L’extension assez importante des symptômes à l’extérieur pourrait être due aux conditions météorologiques très humides et au feuillage très mouillé, des facteurs clés d’infection de feu bactérien (Moltmann et Herr 2011; Pusey 2000). Variétés peu sensibles: un jus de très bonne qualité Les trois années d’essai de transformation ont abouti à un résultat réjouissant: une série de variétés sont peu sensibles au feu bactérien et offrent un jus de bonne qualité, parmi les variétés suisses traditionnelles à hautetige comme parmi les nouveaux cultivars. Les jus de Boskoop, Grauer Hordapfel, Ingol, Remo et Rewena se situent dans le domaine acide et se profilent comme de bons fournisseurs d’acidité dans la valorisation de fruits de table déclassés, souvent peu acides et à teneurs trop faibles en tanins et en substances sapides. Les jus d’Enterprise et Florina ont été perçus comme très sucrés. Celui de Rubinola présente au contraire un arôme particulier, velouté, rappelant un peu la poire. Les anciennes variétés suisses Schneiderapfel et Heimenhofer, entre autres, ont été très bien notées à la dégustation. La seconde convient aussi en jus de variété pure, d’après l’évaluation du panel, avec un rendement en jus pouvant atteindre 90 %.
Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles | Production végétale
Heimenhofer
Récolte
°Brix 5
Rendement %
4
Phénols
A – M10
Acide malique
3 2
59,2 – 50,3
°Brix
14,3 – 12,0
Acides gAm/l
10,4 – 7,2
Phénols mg/l
490 – 365
Rapport doux /acide
17,4 – 13,8
Acidité équilibrée, fruité, aromatique, propre, beau, convient à la fabrication de jus à partir d’une seule variété
1 Sorbitol
Saccharose
Aspect visuel Arôme
Remo 5
3 2
Sorbitol
Saccharose
Glucose
90 – 86
°Oechsle
56,7 – 46,8
°Brix
13,7 – 11,1
Acides gAm/l
11,2 – 8,2
Phénols mg/l
318 – 132
Rapport doux /acide
1
Fructose
M9
Rendement %
Acide malique
15,5 – 15,0 points (sur un total de 18)
4,3 – 4,2
Récolte
°Brix
4
Phénolse
4,2
Général
Glucose
3 4,1 – 3,7
Goût
Fructose
90 – 80
°Oechsle
13.5 – 11,3
Couleur un peu claire, turbidité parfois instable, très acide, astringent. E xcellent en mélange Aspect visuel
3,0 – 2,0
Arôme
4,1 – 3,3
Goût
3,6 – 3,2
Général
3,6 – 3,0
13,5 – 11,0 points (sur un total de 18)
Figure 7 | Propriétés du jus des variétés de pommes Heimenhofer et Remo.
Discussion L’inoculation des pousses réalisée sur plusieurs années a montré que la sensibilité des différentes variétés peut varier considérablement, même en conditions standardisées (fig. 8). Les essais doivent être répétés à plusieurs reprises. L’évaluation des variétés en comparaison avec la variété sensible Gala a été concluante (tabl. 1) et a permis des comparaisons transversales entre différentes séries de tests. Les variétés peu sensibles ont présenté de manière constante des longueurs de lésions inférieures à 40 % de celle de Gala. Les essais d’inoculation des pousses ont montré que la bactérie n’envahit pas les tissus à la même vitesse pour chaque variété. Cet élément est très précieux pour la pratique, l’assainissement à travers des mesures culturales appropriées ayant plus de chances d’aboutir lorsque la bactérie se propage lentement dans la plante hôte. Divers travaux indiquent cependant que des bactéries peuvent être détectées chez les arbres malades
dans des parties qui ne présentent aucun symptôme visible et encore vertes (SOFEM, Interreg IV «Stratégies contre le feu bactérien», non publié). Pour la pratique, cette découverte est cruciale, car ces arbres pourraient constituer des foyers infectieux «non détectés» et donc un danger pour les plantes hôtes environnantes. L’étude Interreg IV a néanmoins montré que le choix de variétés peu sensibles combiné à des mesures culturales appropriées était un moyen de lutte efficace. Pourquoi les différentes variétés forment-elles des lésions de longueur inégale? Qu’est-ce qui modifie la concentration des bactéries dans les tissus? La virulence des bactéries est-elle variable? Des études ultérieures sur ces questions devraient fournir des bases au développement et à l’optimisation de stratégies appropriées pour maîtriser la maladie. En conditions de culture, la fleur est la principale voie de contamination bactérienne (Thomson 2000). Si le risque d’infection est élevé au moment de la floraison, toutes les variétés de fruits à pépins sont en principe
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Production végétale | Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles
Longueur des lésions après trois semaines (%)
sur la sensibilité de leurs fleurs, par rapport à la variété témoin Gala. Pour plus de fiablilité, des essais supplémentaires devraient être menés sur d’autres variétés. Les observations réalisées à l’extérieur en 2007 et 2011 ont montré que les variétés qui affichaient de mauvais résultats en serre étaient généralement sensibles en culture, comme par exemple Blauacher Wädenswil et Topaz, dont les fruits et le jus présentent par ailleurs des propriétés intéressantes. Le choix de variétés peu sensibles (Fiche ACW n° 732) permet à la fois d’assurer la production de fruits à cidre suisses de qualité et de réduire la pression générale de l’infection. Les résultats du projet SOFEM devraient servir de base de décision aux privés, aux organisations de protection de la nature – par exemple lors du remplacement ou de la création de vergers, ainsi qu’aux producteurs de fruits à cidre. Il est important que les pépinières s’associent maintenant à cet effort en favorisant les variétés peu sensibles au feu bactérien dans leurs assortiments. Toutefois, trois années d’essai représentent peu de temps par rapport à la durée d’un verger. Divers programmes récents ont fait avancer à grands pas la sélection de variétés peu sensibles au feu bactérien et de nouveaux progrès sont attendus. Pour les variétés les plus récentes, l’analyse de leur comportement en termes de rendement et de croissance demandera encore un peu de recul. Des cultures pilotes menées en collaboration avec les services cantonaux d’arboriculture permettront d’observer à moyen terme les variétés très prometteuses. Les responsables du projet adressent leurs vifs remerciements au CAVO, aux autres partenaires du projet et à la CTI pour leur soutien financier et leur excellente collaboration. n
2011 2010a 2010b 2009a 2009b
100
80
60
40
20 4
3 2
3
2 0 Gala
Rewena
Figure 8 | Comparaison des variétés de référence Gala (sensible) et Rewena (peu sensible) après inoculation artificielle des pousses. Longueur des lésions par rapport à la longueur totale de la pousse trois semaines après inoculation. Le chiffre correspond au classement par rapport à la variété de référence Gala (1 = résistante, 9 = très sensible).
menacées. Il n’est pas encore certain qu’il existe un lien entre la sensibilité des pousses et celle des fleurs. Les travaux réalisés jusqu’à présent n’ont pas montré de corrélation claire (Berger et Zeller 1994; Le Lezec et al. 1986). Les essais d’inoculation de fleurs affinent ainsi le profil de la sensibilité des différentes variétés et améliorent la valeur de prédiction pour la situation en plein champ. La figure 9 compare les résultats des tests d’inoculation de pousses et de fleurs des dix variétés examinées en 2011
2010
2009a
2009b
Inoculation des pousses
Inoculation des fleurs
Serre 1
Serre 2
En extérieur
Sauergrauech Rewena 0,0 Remo Reglindis Reanda Liberty Heimenhofer 0,0 Gala Enterprise
0,0
Empire Boskoop 100
90
80 70 60 50 40 30 20 Longueur des lésions après 3 semaines (%)
10
0
0
10
20
30
40 50 60 Corymbes > cl. 5 (%)
70
80
90
100
Figure 9 | Comparaison de la sensibilité des pousses et des fleurs. Longueur moyenne de la lésion par rapport à la longueur totale de la pousse trois semaines après inoculation, ou proportion de bouquets entièrement malades et/ou de nécroses v isibles du bois (classes 5).
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Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 526–533, 2011
Combattere il fuoco batterico grazie a delle varietà poco sensibili Il calo dei frutteti di mele da sidro causato, in particolare, dal fuoco batterico, minaccia l’approvvigionamento delle sidrerie con mele svizzere di qualità. Le varietà poco sensibili al fuoco batterico sono fondamentali per gestire a lungo termine la propagazione del patogeno, per approvvigionare le sidrerie con frutti svizzeri di qualità e per preservare la frutticoltura da alto fusto che modella i nostri paesaggi e ricopre un ruolo ecologico importante. Nel contesto della crescente liberalizzazione dei mercati, l’alta qualità del succo e le brevi distanze di trasporto costituiscono dei vantaggi reali per i trasformatori di frutta svizzera. La stazione di ricerca Agroscope ChanginsWädenswil ACW, in collaborazione con la Zentralgenossenschaft für alkoholfreie Verwertung von Schweizer Obstprodukten CAVO e altri partner, ha testato diverse varietà di mele, vecchie e nuove, sulla loro sensibilità al fuoco batterico, la qualità dei loro succhi, la loro attitudine alla trasformazione, così come la loro produttività e crescita. Tra il 2008 e il 2011 un centinaio di varietà sono state inoculate in condizioni controllate per testare la sensibilità dei germogli al fuoco batterico e, per una decina di loro, quella dei fiori. Una cinquantina di varietà ha mostrato delle proprietà molto promettenti per la trasformazione e si sono analizzate le qualità chimiche e organolettiche del loro succo. Tra i cultivar esaminati, 17 forniscono un succo di alta qualità e risultano allo stesso tempo poco sensibili al fuoco batterico.
Bibliographie ▪▪ Berger F. & Zeller W., 1994. Resistenz von Apfel- und Birnensorten gegen Feuerbrand nach Blüteninfektion. Obstbau 8, 403–404. ▪▪ EPPO-Richtlinie PP 1/166(3), 2002. Efficacy evaluation of bactericides Erwinia amylovora. EPPO Bulletin 32, 341–345. ▪▪ Interreg-IV-A-Projekt «Gemeinsam gegen Feuerbrand». Accès: www.feuerbrand-bodensee.org. ▪▪ Khan M. A., Duffy B., Gessler C. & Patocchi A., 2006. QTL mapping of fire blight resistance in apple. Molecular Breeding 17, 299–306. ▪▪ Le Lezec M., Babin J. & Lecomte P., 1986. Sensibilité des variétés américaines et européennes de pommier au feu bactérien. Arboriculture fruitière 388, 23–29. ▪▪ Le Lezec M. & Paulin J. P., 1984. Shoot susceptibility to fire blight of some apple cultivars. Acta Horticulturae 151, 277–281. ▪▪ Moltmann E. & Herr R., 2011. Effect of Wetness on Blosson Infections by Erwinia amylovora – Impact of Forecasting Models. Proc. 12th Int. Workshop on Fire Blight. Acta Horticulturae 896, 277–281.
Summary
Riassunto
Combattre le feu bactérien grâce à des variétés peu sensibles | Production végétale
Robust varieties crucial for fireblight control The loss of traditional apple orchards, also due to fire blight outbreaks, is threatening the supply of the Swiss cider industry in high quality cider apples. Fireblight tolerant varieties are a key-factor in a sustainable disease-management. They not only ensure the availability of high quality cider apples, but also help to maintain traditional orchards, playing an important role with respect to landscape and ecology. In the market liberalization context, high juice quality and short transport distances are trump cards for the Swiss cider industry in facing competitors. The Research Station Agroscope ChanginsWädenswil ACW in collaboration with the Centralgenossenschaft für Alkoholfreie Verwertung von Schweizer Obstprodukten CAVO and other partners tested traditional and new apple varieties for their susceptibility to fireblight, juice quality, processing ability, as well as growing habit and productivity. From 2008 to 2011 about 100 apple varieties were tested for fireblight susceptibility by shoot inoculation, whereof 10 additionally by bloom inoculation. In total 50 promising varieties have been tested for their processing ability and chemical as well as sensory juice quality. Out of all the varieties tested, 17 fulfilled the high requirements for juice quality, while showing low susceptibility to fire blight. Key words: Erwinia amylovora, fire blight, cider apples, apple juice, traditional orchards.
▪▪ Momol M. T., Norelli J. L., Piccioni D. E., Momol E. A., Gustafson H. L., Cummins J. N. & Aldwinckle H. S., 1998. Internal movement of Erwinia amylovora through symptomless apple scion tissues into the rootstock. Plant Disease 82, 646–650. ▪▪ Pusey P. L., 2000. The role of water in epiphytic colonization and infection of pomaceous flowers by Erwinia amylovora. Phytophatology 90, 1352 – 1357. ▪▪ Schobinger U. & Müller W., 1975. Produktions- und Verarbeitungstechnische Aspekte bei der Beurteilung von Apfel- und Birnensorten für die Getränkeherstellung. Flüssiges Obst 44, 414–419. ▪▪ Thomson S. V., 2000. Epidemiology of fire blight. In: Vanneste J. L. (eds) Fire Blight: The Disease and its Causative Agent, Erwinia amylovora. CAVI Publishing, Wallingfort UK, 9 – 37.
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A l i m e n t s
Des cultures fromagères championnes du monde Hans-Peter Bachmann, Elisabeth Eugster, Barbara Guggenbühl et Hans Schär Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, 3003 Berne Renseignements: Hans-Peter Bachmann, e-mail: hans-peter.bachmann@alp.admin.ch, tél. +41 31 323 84 91
Aujourd’hui, les cultures sont produites chaque semaine sous forme liquide et livrées aux fromagers. (Photo: ALP)
Introduction Depuis plus d’un siècle, la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP développe et produit des cultures destinées à la fabrication de fromages traditionnels suisses à pâte dure et à pâte mi-dure (encadré 1). ALP contribue ainsi de façon déterminante à la qualité, à
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la sécurité, au caractère naturel et à l’authenticité de ces fromages. Ces cultures étant uniquement proposées sur le marché suisse, la branche profite d’un avantage concurrentiel exceptionnel. Au cours des prochaines années, ALP lancera plusieurs nouvelles cultures destinées aux produits laitiers et carnés fermentés. Celles-ci permettront de garantir la sécurité alimentaire des fro-
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Résumé
mages, de prouver leur origine et d’influencer avec précision leur arôme. ALP favorise ainsi amplement la compétitivité internationale des produits laitiers et carnés fermentés d’origine suisse. L’histoire d’un succès hors du commun Les fromages suisses sont régulièrement récompensés lors de concours internationaux. Parmi les spécialistes, il est notoire que les cultures produites à Liebefeld contribuent grandement à ce succès. Aussi, il n’est nullement surprenant que ces dernières fassent l’objet d’une forte demande en provenance de l’étranger. Plusieurs pays ont tenté de reproduire les cultures d’ALP, sans que ces travaux n’aboutissent cependant à des résultats convaincants. Jusqu’ici, il a été possible de réserver cet avantage concurrentiel exclusivement à la production fromagère suisse. La particularité de ces cultures repose sur les facteurs de réussite suivants: ••Il y a plusieurs décennies déjà, des cultures provenant de fromageries de qualité de toute la Suisse ont été collectées et conservées à Liebefeld, où la collection présente aujourd’hui plus de 12 000 souches. Cette biodiversité authentique constitue une base unique au monde pour le développement de nouvelles cultures.
Les fromages suisses sont régulièrement récompensés lors de concours internationaux. Parmi les spécialistes, il est notoire que les cultures bactériennes de Liebefeld contribuent de façon déterminante à ce succès. L’utilisation de cultures composées de bactéries issues de la biodiversité initiale de la région d’origine permet de renforcer considérablement le lien entre les fromages traditionnels suisses et leur terroir. Cet article présente les facteurs d’une telle réussite, le résumé de leur développement historique, les projets de recherche actuels et le modèle économique propre à la production de ces cultures. Un calcul approximatif révèle que les fonds publics alloués au développement de celles-ci exercent un effet de levier important sur les revenus agricoles et jouent un rôle significatif dans le maintien d’une transformation laitière décentralisée et d’une agriculture multifonctionnelle déployée sur l’ensemble du territoire suisse.
Encadré 1 | Qu’est-ce qu’une culture? Les cultures starters (également appelées «starters») sont des microorganismes spéciaux possédant la faculté de se multiplier, choisis pour leurs propriétés spécifiques et utilisés lors des processus de fermentation dans la fabrication des aliments. Il existe des cultures pures ou des cultures mixtes contrôlées. Elles sont ajoutées au produit afin d’en améliorer l’aspect, le goût ou la durée de conservation. On a majoritairement recours à des bactéries lactiques ou à des levures, mais parfois aussi à des mélanges des deux groupes, par exemple pour le levain ou le kéfir. Le terme de «culture starter» s’explique par le fait que ce sont ces microorganismes qui démarrent le processus de transformation de l’aliment. Les cultures starters permettent la production d’environ 35 % de notre alimentation. Les produits de boulangerie, la choucroute, les yaourts, mais aussi les produits à base de lait caillé, le fromage, la saucisse crue, la bière ou le vin sont quelques exemples d’aliments fabriqués selon (Source: Wikipedia) ce principe.
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est encore fort répandue. Or, la composition de ces cultures est dirigée de manière ciblée avec des cultures de Liebefeld pour garantir une qualité constante du fromage.
Figure 1 | Rapport d’activités de l’année 1908: envoi des cultures fromagères.
••Liebefeld fournit majoritairement des cultures dites «cultures mixtes brutes» composées de nombreuses souches variées. Elles sont produites chaque semaine et livrées sous forme liquide. Les fromagers les utilisent pour réaliser leurs propres cultures d’exploitation, ce qui contribue à la diversité fromagère suisse. Il est donc impossible de reproduire les cultures d’ALP en isolant certaines souches présentes dans les fromages suisses. ••Depuis des dizaines d’années, la station de recherche de Liebefeld, les fromagers, les plateformes régionales de conseil de l’industrie laitière et les associations interprofessionnelles ont acquis un large éventail de connaissances sur les cultures et une expérience inestimable. ••La majorité des fromages traditionnels à pâte dure et à pâte mi-dure sont fabriqués avec des cultures provenant de Liebefeld. Pour Le Gruyère AOC et les fromages d'alpages, l’utilisation de cultures cultivées sur du petit-lait gras par les fromageries elles-mêmes
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Les prémices... Héritiers d’une longue tradition, les fromages suisses sont des produits naturels et sans pareil dont l’affinage résulte de divers processus de fermentation. Leur fabrication exige l’utilisation d’un lait cru frais de qualité supérieure, de solides connaissances et un savoir-faire avérés de la part des professionnels ainsi que la parfaite maîtrise des procédés de fermentation à partir de cultures. Dans ce domaine, la station de recherche de Liebefeld apporte son soutien aux industries agricole et laitière depuis plus d’un siècle. Ses activités de recherche avaient à peine démarré que la station de Liebefeld mettait déjà sa première culture bactérienne à disposition des fromagers. Le rapport d’activités de 1908 précise qu’en cette même année, 3987 flacons de «culture pure» («Thermobacterium helveticus») furent livrés, un chiffre déjà remarquable pour l’époque (fig. 1). Les fromageries utilisaient alors cette culture pure pour une préparation de la présure. Ce rapport souligne également que «les livraisons de cultures pures pour la préparation rationnelle de la présure ont fortement augmenté depuis l’année précédente», ce qui indique que la livraison de cultures avait déjà commencé en 1907. Dans les années 20, ALP fit figure de pionnier avec ses travaux de recherche sur la formation des trous dans l’Emmental, processus qui, à l’époque, semblait échouer de plus en plus fréquemment. Ses chercheurs mirent en évidence le rôle déterminant des bactéries propioniques dans la formation des trous et dans celle du goût typique de l’Emmental. Grâce à l’utilisation ciblée de cultures comprenant des bactéries propioniques appropriées, il a été possible de préserver le caractère typique de l’Emmental. L’isolation, la caractérisation et la culture d’un grand nombre de souches recueillies dans leur milieu naturel ont permis d’établir les bases de la collection ciblée de souches bactériennes. Le recours aux cultures de bactéries propioniques sauva l’Emmental traditionnel et la production de cultures effectuée à Liebefeld jouit ainsi d’une importance de plus en plus affirmée. À partir des années 60, la Suisse connut un essor marqué de sa production laitière et fromagère qui devint, par la même occasion, l’une des principales sources de revenu pour l’agriculture du pays. Fréquemment cependant, une «fermentation secondaire» survenue pendant l’affinage gâchait des productions mensuelles entières de fromage de qualité, donnant ainsi lieu à d’énormes pertes financières. Les recherches conduites à Liebefeld
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permirent de développer des méthodes d’analyse visant à l’identification de fermentations indésirables. Le remplacement des bactéries lactiques, à l’époque habituellement cultivées dans la fromagerie même, par les cultures de Liebefeld, a permis de mettre rapidement un terme au problème (fig. 2). Quel succès pour les fromagers et agriculteurs victimes de cette infortune! L’équipe de développement des cultures de Liebefeld accéléra alors la cadence: en provenance de fromageries basées dans toute la Suisse, une multitude de cultures bactériennes furent collectées, caractérisées, conservées et contrôlées. Les meilleures d’entre elles furent sélectionnées, produites chaque semaine et envoyées aux fromageries (fig. 3). Dans les années 70, la vente des cultures connut une croissance très rapide. Il fut ainsi possible de conserver à un excellent niveau de qualité les caractéristiques d’origine des différents fromages suisses. Les cultures permirent en outre un grand nombre d’innovations aux fromageries. «Recherche, conseil et cultures» sont trois mots-clés sur lesquels s’alignent les activités de la station de recherche de Liebefeld, aujourd’hui comme hier, et demain comme aujourd’hui. Développement de nouvelles cultures: les axes de recherche actuels La pleine libéralisation du marché du fromage entre l’Union européenne et la Suisse a entraîné une accentuation considérable de la concurrence. Aussi, la branche fromagère porte un intérêt non négligeable aux nouvelles cultures afin que ses produits se différencient le plus possible de ceux de la concurrence. ALP développe des cultures spécifiques destinées à différentes variétés de fromages AOC, telles qu’elles sont aujourd’hui déjà proposées pour Le Gruyère AOC.
Figure 3 | Image réalisée au microscope de cultures mixtes brutes à base de lactobacilles (bâtonnets) et de streptocoques (chaînes).
Les travaux portant sur la création de cultures capables d’influencer de façon précise l’arôme ou la sécurité du produit en sont eux aussi à un stade très avancé (Mallia 2008; Roth 2009). Il faudra en revanche attendre un peu plus longtemps avant la mise sur le marché de cultures influençant positivement les propriétés physiologiconutritionnelles, par exemple grâce à des souches probiotiques (Ritter et al. 2009) ou par la formation de peptides bioactifs susceptibles par exemple d’agir en tant qu’hypotenseurs et de compenser ainsi un éventuel effet négatif du sel. L’optimisation de l’impact de ces nouvelles cultures et le maintien d’une qualité invariable exigent le recours à des technologies scientifiques de pointe. Outre les nombreuses méthodes traditionnelles employées, des procédés relevant du génie génétique sont de plus en plus utilisés pour identifier et comprendre les voies métaboliques des bactéries (Bogicevic et al.; Irmler et al.
Encadré 2 | La production de cultures à Agroscope Liebefeld-Posieux ALP en chiffres (données datant de 2010): • Distribution: env. 100 000 unités de 100 ml auxquelles s’ajoutent 2 000 ampoules Lyo pour les fromages d'alpages • Chiffre d’affaires: env. 2 millions de CHF • Assortiment: 40 cultures différentes Figure 2 | Conserve lyophilisée avec bactéries lactiques.
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Figure 4 | Assiette de fromages traditionnels suisses fabriqués avec des cultures d’ALP.
2006 – 2009). Cela permettra par la suite une sélection ciblée parmi l’immense biodiversité naturelle. ALP ne poursuit cependant aucun projet visant à proposer des cultures génétiquement modifiées. Les nouvelles cultures actuellement en phase de développement entraîneront un élargissement considérable de l’assortiment au cours des années à venir (encadré 2). Par conséquent, il ne sera plus possible de procéder chaque semaine à une nouvelle production, sous forme liquide, de la totalité de ces cultures. Pour y remédier, une forme alternative de mise à disposition des cultures est actuellement en voie d’élaboration (Koch 2006). À l’avenir, une sélection de cultures sera mise sur le marché sous forme lyophilisée. Cette technique permettra de proposer davantage de cultures destinées aux produits de niche (fromages d'alpages, spécialités locales, produits de la ferme) ainsi que de mettre à profit les compétences actuelles pour développer et produire des cultures destinées à d’autres produits laitiers et carnés fermentés. La première culture pour saucisses crues arrivera dès l’an prochain sur le marché. Certification d’origine brevetée L’accentuation de la concurrence a entraîné la multiplication des contrefaçons de fromages traditionnels suisses sur le marché. S’inscrivant dans la lutte contre ce phénomène, ALP élabore des cultures dites «de certifica-
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tion d’origine». Celles-ci sont constituées de bactéries lactiques présentant naturellement une séquence génétique unique et identifiable dans le fromage prêt à la consommation (Casey et al. 2008). Ces souches sont exploitées grâce à un système perfectionné qui permet d’affirmer avec certitude si le fromage contrôlé est un original ou une falsification. Ce concept a été introduit au début de l’année 2011 pour une première variété fromagère, l’Emmentaler Switzerland. Si la présence de ces bactéries lactiques spécifiques est prouvée, le fromage est incontestablement un Emmentaler AOC. Cette méthode a été brevetée par ALP. Le brevet a été vendu à l’interprofession Emmentaler Switzerland. Il est cependant stipulé dans le contrat de vente du brevet que d’autres interprofessions peuvent y avoir part. En ce qui concerne le développement de cultures exclusives ne pouvant être achetées par l’ensemble de la branche suisse, il revient aux mandants de participer au financement du projet. Un grand nombre de projets de développement de cultures étant prévu pour les prochaines années, les capacités manquent et le développement d’une culture exclusive n’est donc possible que si le mandant est prêt à financer lui-même la totalité des frais de développement, ce qui est de plus en plus fréquent. Des projets innovants bien précis peuvent éventuellement être financés en partie par la Commission pour la technologie et l’innovation CTI de la Confédération.
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Encadré 3 | Témoignages Les cultures d’ALP sont la colonne vertébrale des fromages traditionnels suisses. La station de recherche a su très tôt en poser les bases et développer avec clairvoyance une collection de souches unique ainsi que la production de cultures. Les travaux de recherche actuels ainsi que le perfectionnement des technologies employées par ALP pour la production des cultures sont indispensables à l’industrie laitière suisse. Jacques Gygax, Directeur de Fromarte – Les spécialistes du fromage suisse Il est désormais impossible d’envisager la production des fromages suisses AOC sans les cultures d’ALP. Outre la supériorité hygiénique du processus de fabrication à partir de lait cru, les cultures sont le pilier central sur lequel repose la qualité exceptionnelle et constante des fromages suisses AOC. Othmar Dubach, Chef du département Fromage chez Emmi
En complément des cultures cultivées sur du petit-lait gras, les cultures mixtes brutes d’ALP m’offrent chaque jour une base de culture saine pour la fabrication du Gruyère. Elles me permettent de réguler facilement et d’influencer positivement mes paramètres de fabrication. Urs Kolly, fromager à Saint-Antoine et sept fois médaille d’or des Jeux paralympiques Pour CASEi et pour les fromagers, les cultures d’ALP signifient une qualité originale, naturelle et spécifique. Elles sont les garantes de la réputation des fromages suisses. La collection de souches d’ALP constitue la mémoire sensorielle de nos fromages. Jean-Pierre Häni, Chef de la plateforme de conseil de l’industrie laitière CASEi
C’est avec la culture AOC-G3 de Liebefeld que j’ensemence le lait du soir, ce qui me permet de garantir une bonne maturation et qui, à mon avis, contribue en grande partie à la qualité de mon Gruyère AOC. Cédric Vuille, fromager à La Brévine, gagnant du classement général du dernier World Championship Cheese Contest 2010 à Madison (USA)
Les spécialités AOC reposent sur une très forte relation avec leur «terroir». Dans le cadre de la production fromagère AOC, il est absolument indispensable de pouvoir disposer de cultures de qualité irréprochable provenant de la région d’origine. C’est ce que permettent les cultures d’ALP qui contribuent ainsi au développement de ces labels caractérisant l’héritage culinaire suisse. Alain Farine, Directeur de l’Association suisse des AOC-IGP
Modèle économique propre à la production des cultures Bien que rentable, le travail de production de cultures d’ALP n’est pas à but lucratif. À l’heure actuelle, les cultures sont exclusivement proposées en Suisse. Il a été décidé qu’aucune différenciation de prix ne serait faite entre les différentes cultures: ainsi, les producteurs de variétés à petit volume de vente, telles la Tête de Moine AOC ou le Sbrinz AOC, achètent leurs cultures au même prix que les producteurs de fromages à plus grand écoulement, comme l’Emmentaler AOC ou Le Gruyère AOC (fig. 4). Afin de renforcer l’image de produits naturels attachée aux fromages suisses, la grande majorité des cultures sont proposées en qualité bio (Bourgeon), garanties exemptes de toutes modifications génétiques et cultivées exclusivement à partir de lait bio sans le moindre additif. Il s’agit là aussi, par rapport à la
concurrence étrangère, d’un atout capital dont l’importance est susceptible d’augmenter encore dans les années à venir. L’introduction de nouvelles cultures engendrera sous peu une forte croissance du chiffre d’affaires, impliquant d’importants investissements dans le développement d’une nouvelle forme de présentation des cultures (lyophilisation; salle blanche). Afin que ces investissements et la hausse des frais ne pèsent pas sur le budget de recherche d’ALP, on a réfléchi à la mise en place d’un nouveau modèle de financement pour la production de cultures à Liebefeld. Depuis le début de l’année 2010, la production de cultures fait l’objet d’une «sous-structure comptable» à part entière qui, sur la base d’un plan d’affaires, peut solliciter des fonds supplémentaires réservés aux investissements, au personnel et aux dépenses d’équipement. Cet apport reviendra par la suite dans les caisses de l’Etat grâce au versement de l’excédent des recettes.
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Ce système a pour conséquence la prise en charge de la totalité des coûts d’investissement par la branche professionnelle suisse. Il sera ainsi nécessaire d’examiner la possibilité de proposer sur le marché étranger, à moyen terme, certaines cultures ne présentant aucun avantage compétitif décisif en termes de qualité pour la branche suisse. Une telle solution serait par exemple envisageable pour les cultures destinées à la certification d’origine ou à la hausse de la sécurité des aliments. Les clients étrangers se verraient alors interdire de mentionner l’utilisation de cultures suisses, cet argument publicitaire devant rester l’exclusivité de la branche fromagère suisse (USP = Unique Selling Proposition). Un succès qui poursuit sa route... A la fin de l’année 2011, une salle blanche avec ligne de lyophilisation sera installée dans l’unité de production de cultures à Liebefeld. Elle permettra à ALP d’introduire sur le marché, l’année prochaine, la culture de certification d’origine pour la Tête de Moine AOC ainsi que la première culture pour saucisses crues. Comme mentionné plus haut, d’autres nouvelles cultures suivront rapidement. Si ce développement persiste, la question de l’extension des capacités se posera de nouveau d’ici à quelques années, entraînant avec elle des réflexions sur le modèle de financement et la forme de l’entreprise. La collection de souches de Liebefeld est unique au monde. De nombreuses souches étant très anciennes, elles couvrent une biodiversité qui n’existe nulle part ailleurs sous cette forme. L’isolation d’une grande partie des souches a été réalisée à une époque où les antibiotiques n’étaient pas encore en usage. Après leur introduction, de nombreuses souches ont disparu ou acquis des résistances qui se transmettent entre bactéries et représentent ainsi un danger potentiel. Dépourvues de telles résistances, les cultures de Liebefeld offrent là aussi un atout décisif. Il ne fait aucun doute que les souches d’ALP ne permettent pas «uniquement» la fabrication de produits laitiers et carnés d’excellente qualité. ALP ne disposant pas des ressources suffisantes pour exploiter idéalement cet énorme potentiel, une recherche d’investisseurs est actuellement en cours.
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Pourquoi des fonds publics? Même si la production de cultures menée à Liebefeld est rentable et que la part de fonds externes pour le développement des cultures ne cesse de croître, ces activités continuent de bénéficier de fonds publics, atteignant 2 millions de francs suisses par an, et ce en dehors de la sous-structure comptable. Est-ce aujourd’hui encore justifié? Sans l’ombre d’un doute, les cultures d’ALP contribuent de manière décisive au succès des fromages suisses sur le marché (encadré 3). Mais la concurrence est loin de sommeiller et le maintien de cet avantage qualitatif doit être garanti par l’introduction de nouvelles cultures. Les fromages suisses traditionnels constituent le principal pilier sur lequel repose la transformation laitière décentralisée et entraînent une hausse du prix du lait dans les régions périphériques, favorisant ainsi l’exploitation sur tout le territoire et le maintien d’une agriculture multifonctionnelle. Précisément dans les régions périphériques, l’exploitation de la superficie agricole n’est souvent possible qu’avec des ruminants consommant du fourrage grossier. Selon un calcul approximatif réalisé par ALP, le fromage suisse vendu sur le marché génère en moyenne une valeur ajoutée supérieure de 1,5 CHF par kilo à celle générée par la concurrence étrangère. Pour une production annuelle de 180 000 tonnes, cela représente un total de 260 millions de CHF. En supposant que seul 1 % de cette valeur ajoutée est dû aux cultures bactériennes, les fonds publics alloués à leur développement porteraient déjà leurs fruits. En fait, on peut prétendre que la contribution des cultures est encore beaucoup plus vaste. Par ailleurs, les cultures provenant d’ALP permettent de consolider des valeurs immatérielles telles l’authenticité, le maintien des traditions (AOC) ou le caractère naturel des fromages. On peut donc aisément affirmer que les cultures de Liebefeld sont à tous égards un véritable succès, dont l’histoire n’est pas prête d’arriver à son terme. n
Colture per la produzione casearia vincente a livello mondiale I produttori di formaggi svizzeri sono regolarmente premiati nei concorsi internazionali. Esperti di chiara fama riconoscono ampiamente che le colture microbiche ottenute a Liebefeld contribuiscono in modo determinante a questo successo. Grazie all'impiego di colture batteriche che evidenziano la biodiversità originaria della regione di origine è possibile rafforzare anche il legame tra le varietà tradizionali di formaggio svizzero e il rispettivo territorio. Nel presente articolo sono illustrati i fattori di successo, riassunti gli sviluppi storici, presentati i progetti di ricerca in corso e il modello aziendale di produzione delle colture. Un calcolo approssimativo dimostra che i fondi pubblici stanziati per lo sviluppo delle colture hanno un notevole effetto leva sul reddito agricolo e contribuiscono in maniera considerevole al mantenimento di una trasformazione del latte a livello decentralizzato, nonché alla multifunzionalità dell'agricoltura svizzera su scala nazionale.
Bibliographie ▪▪ Bogicevic B., Irmler S., Portmann R., Meile L. & Berthoud H. Characterization of the cysK2-ctl1-cysE2 gene cluster involved in sulfur metabolism in Lactobacillus casei. Int. J. of Food Microbiol., submitted. ▪▪ Casey M.G., Isolini D., Amrein R., Wechsler D. & Berthoud H., 2008. Naturally Occurring Genetic Markers in Bacteria. Dairy Sciences and Technology 88 (4 – 5), 457–466. ▪▪ Irmler S., Heusler M.L., Raboud S. Schlichtherle-Cerny H., Casey M. G. & Eugster-Meier E., 2006. Rapid volatile metabolite profiling of Lactobacillus casei strains: selection of flavour producing cultures. Australian Journal of Dairy Technology 61 (2), 123–127. ▪▪ Irmler S., Raboud S., Beisert B., Rauhut D. & Berthoud H., 2008. Cloning and characterization of two Lactobacillus casei genes encoding a cystathionine lyase. Applied and environmental Microbiology 74 (1), 99–106. ▪▪ Irmler S., Schaefer H., Beisert B., Rauhut D. & Berthoud H., 2009. Identification and characterization of a strain-dependent cystathionine ß/g-lyase in Lactobacillus casei potentially involved in cysteine biosynthesis. FEMS Microbiol.Lett. 295 (1), 67–76.
Summary
Riassunto
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World champion cheese cultures Swiss cheeses regularly win prizes at international contests. Experts widely agree that the microbial cultures from Liebefeld have contributed greatly to this success story. Thanks to the use of cultures with bacteria originally stemming from biodiversity in the nearby area, the connection between traditional Swiss cheeses and their terroir can be strengthened considerably. This article will outline the success factors, summarise the historical development, present current research projects and introduce the business model of culture production. An approximate calculation reveals that the public funding going towards the development of microbial cultures has a lot of leverage over agricultural income and contributes significantly to the preservation of decentralised dairy processing and to extensive, multifunctional agriculture in Switzerland. Key words: cheese, cultures, lactic acid bacteria, propionic acid bacteria.
▪▪ Irmler S., 2009. Innovative Technologien in der Käseforschung. In: Recherche et alimentation en dialogue. Weinheim Verlag Wiley-Blackwell, p. 259–262. ▪▪ Koch S., 2006. Effects of fermentation conditions on viability, physiological and technological characteristics of autolytic dried direct vat set lactic starter cultures. Dissertation ETH Zurich N° 16909. ▪▪ Mallia S., 2008.Oxidative stability and aroma of UFA/CLA (unsaturated fatty acid/conjugated linoleic acid) enriched Butter. Dissertation ETH Z urich N° 18020. ▪▪ Ritter P., Kohler C. & von Ah U., 2009.Evaluation of the passage of Lactobacillus gasseri K7 and bifidobacteria from the stomach to intestines using a single reactor model. BMC Microbiology 9, 87. ▪▪ Roth E., 2009. Control of Listeria contamination on the surface of semihard cheeses by natural smear eco-systems and protective cultures. Dissertation ETH Zurich N° 18644.
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P r o d u c t i o n
a n i m a l e
Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives Valérie Piccand1, Erwan Cutullic1, Fredy Schori2, Karin Keckeis3, Christian Gazzarin 4, Marcel Wanner5 et Peter Thomet1 1 Haute école suisse d’agronomie HESA, 3052 Zollikofen 2 Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, 1725 Posieux 3 Institut für Tierhaltung und Tierzucht, Université de médecine vétérinaire, 1210 Vienne, Autriche 4 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8356 Ettenhausen 5 Institut de nutrition animale, Faculté Vetsuisse, Université de Zurich, 8057 Zurich Renseignements: Valérie Piccand, e-mail: valerie.piccand@bfh.ch, tél. +41 31 910 22 18
Dans le but d'une valorisation efficace des ressources fourragères locales, le choix des systèmes de production et des types de vaches associés reste un vaste domaine de recherche, en évolution constante. (Photo: projet «Quelle vache pour la pâture?»)
Introduction Cet article synthétise les principaux résultats du projet «Quelle vache pour la pâture?» et les discute dans un contexte plus large que celui de l’expérimentation – ciblée sur production laitière en pâture intégrale avec vêlages groupés de fin d’hiver – afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche à l’échelle de l’animal comme du système de production.
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Ce projet, mené de 2007 à 2010 par la Haute école suisse d’agronomie HESA et ses partenaires, a fait l’objet de 3 articles dans la revue Recherche Agronomique Suisse, détaillant successivement animaux et pratiques sur les exploitations (Piccand et al. 2011c), performances de production et de reproduction sur les 3 années d’essai (Piccand et al. 2011a) et performances économiques de systèmes de production utilisant ces races (Gazzarin et Piccand 2011). Nous invitons les lecteurs désireux
Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives | Production animale
L’essai visait à comparer les performances de vaches de races suisses Holstein, Swiss Fleckvieh et Brown Swiss à des Holstein- Friesian néo-zélandaises, sur des exploitations pratiquant la pâture intégrale avec vêlages saisonniers de fin d’hiver. Les deux types Holstein ont présenté les meilleures performances laitières et les Swiss Fleckvieh de l’essai une reproduction optimale. Laitières efficaces, même en systèmes bas-intrants, les Holstein suisses devraient présenter de meilleures performances de reproduction pour des vêlages groupés, même si nos simulations suggèrent que la production laitière a plus d’influence que la reproduction ou la performance carnée sur les performances économiques, ce qui confère un avantage aux deux types Holstein, les plus laitiers. Nos références économiques restent cependant à affiner pour ces systèmes spécifiques. Le choix des systèmes de production et le choix d’animaux efficaces dans ces systèmes reste un vaste domaine de recherche, en évolution constante. L’efficacité d’un animal dépend du système dans lequel il se trouve et la définition même de «l’efficacité d’utilisation des ressources» évolue avec nos connaissances en biologie, nutrition humaine, climatologie ou écologie.
Résumé
d’informations complémentaires à se référer à ces articles ou au rapport final du projet «Quelle vache pour la pâture?» (2010). Brièvement, l’essai visait à tester l’adéquation des vaches laitières suisses contemporaines à un système saisonnier en pâture intégrale. Pour ce faire, des vaches de races Holstein suisse (CH HF), Fleckvieh (CH FV) et Brown Swiss (CH BS) ont été appariées pour comparaison à des vaches de race Holstein-Friesian néo-zélandaise (NZ HF). Cette dernière race sert de référence, car sélectionnée de longue date pour ce type de système et connue pour son efficacité laitière ainsi que ses bonnes performances de reproduction. L’efficacité de transformation de l’herbe en lait et la capacité à se reproduire en un temps limité sont en effet les deux exigences majeures imposées aux animaux.
A l’échelle de l’animal, produire ou se reproduire? Les deux types Holstein ont présenté la meilleure efficacité laitière (fig. 1), mais l’ont atteinte différemment. Les CH HF ont produit un grand volume de lait avec un pic de lactation prononcé. Les NZ HF, de plus petit gabarit, ont produit un volume de lait inférieur avec une courbe de lactation plus plate, mais leur lait était plus riche en matière grasse et en matière protéique. Ces différences semblent plus liées au métabolisme en début de lactation qu’à l’ingestion à la pâture (identique par kg de poids vif), même si des différences dans les comportements alimentaires ont pu être observées (P. Kunz, F. Schori, N. Roth, rapport final 2010). Pour des systèmes pâturants utilisant peu de concentré (260 kg / lactation en moyenne pour le projet), ces deux types laitiers s’avèrent donc d’une efficacité comparable, en cohérence avec les résultats irlandais de Horan et al. (2005). En Nouvelle Zélande, avec des systèmes alimentaires encore plus restrictifs, le type Holstein néo-zélandais s’était avéré plus efficace (Macdonald et al. 2008). Pour des systèmes de production qui permettraient l’entière expression du potentiel laitier des animaux, la population CH HF aurait probablement présenté une efficacité supérieure à la population NZ HF, en valorisant plus efficacement le concentré (Horan et al. 2005). Les performances de reproduction ont été excellentes pour les CH FV (fig. 1), atteignant, voire dépassant les objectifs néo-zélandais. Elles ont bénéficié d’une bonne fertilité à l’insémination, probablement d’une bonne cyclicité (attestée en 2e lactation par des profils de progestérone) et d’une bonne expression des cha-
Proportion de vaches gestantes en 6 semaines de saison de reproduction
Synthèse des principaux r é s u l t a t s
90% REPRODUCTION+ CH FV
80% 70%
CHBS
PRODUCTION+ NZ HF
60% 50% 40%
CH HF 40
45
50
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Efficacité laitière (ECM270PV-0.75) Figure 1 | Efficacité laitière et performance de reproduction de vaches de races NZ HF, CH HF, CH FV et CH BS (d’après les données de Piccand et al . 2011a). L’efficacité laitière a été évaluée par le rapport des kg de lait (corrigés des teneurs énergétiques) produits en 270 jours de lactation par kg de poids vif métabolique. La performance de reproduction a été évaluée par la proportion de vaches gestantes sur les 6 premières semaines de la saison de reproduction.
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Production animale | Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives
A l’échelle du système, le lait avant tout? Le choix entre performances de production et de reproduction n’est pas évident. Les vaches réformées pour infécondité sont certes valorisées, mais elles imposent d’élever plus de génisses. Les simulations économiques du système dans son entier sont une simplification de la réalité mais permettent de chiffrer l’impact des taux de renouvellement, du poids des carcasses ou encore de la composition du lait sur le revenu final de l’exploitant, rapporté à la surface de l’exploitation ou aux heures de travail nécessaires. Les simulations économiques réalisées pour un paiement du lait intégrant les taux de matière grasse et protéique donnent un avantage aux deux types Holstein, incontestablement les plus laitiers (CH HF et NZ HF). Le meilleur produit viande et les meilleures performances de reproduction du groupe CH FV n’ont pas suffi à compenser un revenu lait inférieur. Nos simulations donnent en effet moins de poids aux performances de reproduction que des modélisations irlandaises, issues de modèles plus spécifiquement développés pour des vêlages groupés (McCarthy et al. 2007). De même, nos simulations donnent moins de poids au produit viande que les simulations françaises de Delaby et Pavie (2008), qui concluent à une compensation du revenu lait par le revenu viande (vaches de réforme, veaux mâles et génisses d’élevage en excès) pour la race mixte Normande comparée à la race Holstein. Globalement, nos références restent à affiner pour ce type de système de production en Suisse (relation entre nombre de vaches et temps de travail, relation entre performance de reproduction et compacité des périodes de travail, conséquences du taux de renouvellement sur le progrès génétique du troupeau, etc.), et des données plus complètes restent à acquérir sur la carrière des animaux. Mais ces premières références penchent, à l’échelle du système de production, en
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faveur du choix d’un type de vache plutôt laitier pour maximiser le revenu par heure de travail comme par hectare.
Au j o u r d ’h u i , m a i s d e m a i n? Dégradation, constance ou amélioration des performances de reproduction? Du fait de la corrélation génétique négative entre production laitière et fertilité, les performances de reproduction se sont dégradées rapidement dans de nombreux pays laitiers. Seuls les pays ayant intégré directement ou indirectement une sélection sur les paramètres de reproduction (Irlande, Nouvelle Zélande, Suède) ont limité cette dégradation. Depuis le début des années 2000, la reproduction est maintenant incluse dans la plupart des index globaux et le déclin serait enrayé (Le Mezec et al. 2010). Toutefois, le but ne devrait plus être aujourd’hui de maintenir ces performances, mais bien de les rehausser durablement, en osant une sélection agressive sur ces paramètres. La sélection génomique devrait permettre d’accélérer ce progrès sur les
100%
Proportion de vaches ayant repris leur cyclicité
leurs. Les CH HF semblent avoir été pénalisées principalement par une fertilité insuffisante, les NZ HF par une reprise de cyclicité plus tardive (Piccand et al. 2011 b). A même efficacité laitière, les NZ HF présentent des performances de reproduction supérieures aux CH HF et les CH FV des performances supérieures aux CH BS; à même performance de reproduction, les NZ HF présentent une efficacité laitière supérieure aux CH BS (fig. 1). Sur la base de ces deux critères – partiels – de production et de reproduction, le choix pour les éleveurs se porterait donc en priorité sur des animaux de type CH FV ou NZ HF. Le choix entre ces deux types d’animaux est à réaliser en fonction du poids attribué par l’éleveur à la production ou à la reproduction.
75% E M 33j
50%
38j
F 53j
25%
0% 0
20
40 60 Jours post-partum
80
100
Figure 2 | Pourcentage de vaches de race Holstein néo-zélandaise en 2e lactation ayant repris leur cyclicité après le vêlage et prédiction pour une proportion de sang Original-Kiwi-Friesian élevée (E, 73 %, quartile supérieur de la population NZ HF du projet), moyenne (M, 66 %, médiane) ou faible (F, 50 %, quartile inférieur; d’après les données de Piccand et al. 2011 b). La courbe en escalier est déduite des estimateurs de Kaplan-Meier, les courbes lissées d’un modèle de survie supposant une distribution log-logistique et intégrant la v ariable e xplicative proportion de sang Kiwi-Friesian (P = 0,002). Les points et délais indiqués correspondent au stade post-partum où 50 % des vaches ont repris leur cyclicité, pour les 3 valeurs de sang Kiwi-F riesian simulées.
Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives | Production animale
Définir des critères pertinents d’efficacité… Ce projet souligne l’intérêt de la prise en compte du poids vif et des taux de matière grasse et protéique du lait dans l’évaluation de l’efficacité laitière, ramenant à une même performance les CH HF et les NZ HF en pâture intégrale. Ces dernières (qui de surcroît se reproduisent mieux) auraient été éliminées de nos schémas de sélection depuis longtemps, car jugées peu productives. Entre extrêmes, des vaches peuvent produire presque deux fois plus de lait que d’autres sans être plus efficaces, si l’on considère les kg de matière utile (matière grasse et protéique) produits par kg de poids vif (fig. 3, Cutullic et al. 2011). Diviser ces kg de matière utile / kg de poids vif, par les jours de vie serait un important pas de plus, intégrant la longévité des animaux. De tels critères devraient aussi intégrer le niveau d’alimentation des animaux pour
Efficacité (MP305 + M G305 / 100kg PV305)
150
100
6005 kg
9681 kg
50
0 2000
6000
10000
14000
Production laitière 305 jours (kg)
150 Efficacité (MP305 + M G305 / 100kg PV305)
performances de reproduction, lent pour les critères conventionnels (taux de non-retour, intervalle vêlage – insémination; h² ≤ 5%), et d’ouvrir la sélection sur de nouveaux paramètres biologiques plus héritables (p. ex. caractéristiques de cyclicité). Dans notre projet, les CH FV se sont distinguées par d’excellentes performances de reproduction, qui profitent au système de production et limitent aussi le recours aux traitements hormonaux. Cet avantage ne doit pas être négligé dans un contexte de production laitière durable. Sur ce point, la dérive du délai de reprise de cyclicité sera à surveiller pour la population NZ HF. Ce délai augmente lorsque la part de sang «Original-KiwiFriesian» des animaux diminue (fig. 2), en cohérence avec un délai de reprise de cyclicité plus long de 6 jours pour des Holstein néo-zélandaises des années 90 que pour leurs homologues des années 70 (Macdonald et al. 2008). Nous devons aussi être conscients que la sélection pourra rebattre les cartes demain. En race Holstein, divers QTL (quantitative trait loci) affectant la fertilité ont été détectés et les animaux génétiquement plus fertiles peuvent présenter le même niveau de production laitière que les génétiquement moins fertiles (CoyralCastel et al. 2011). Les stratégies de croisement (idéalement rotationnel) requièrent certes un maintien de populations en race pure, mais ne sont pas à exclure d’emblée de la réflexion sur le choix d’animaux robustes et adaptés à des systèmes de production à bas intrants. Enfin, n’oublions pas qu’à patrimoine génétique donné, la conduite des animaux peut permettre d’améliorer les performances de reproduction: monotraite notamment en début de lactation, note d’état corporel (ou BCS, body condition score) limitée à 3 au vêlage, apports protéiques modérés pour freiner le pic de lactation.
100
515 kg
748 kg
50
0 400
500
600 700 Poids vif (kg)
800
900
Figure 3 | Relation entre l’efficacité laitière et la production laitière (graph 1) ou le poids vif moyen (graph 2) sur 305 jours pour des vaches de races Holstein et Red Holstein (n = 30 767 lactations initiées en 2009 chez swissherdbook; d’après les données de C utullic et al. 2011). L’efficacité sur 305 j est ici estimée par les kg de matière grasse et protéique produits par 100 kg de poids vif, c elui-ci ayant été estimé à partir de paramètres de description l inéaire. L’efficacité ainsi calculée n’intègre qu’une seule lactation; elle n’intègre donc pas la notion de longévité. La régression (en vert) correspond à la prédiction pour des vaches en 3 e lactation et pour un niveau d’alimentation estimé moyen. Pour une efficacité de 90 kg de matière grasse et protéique par 100 kg de poids vif, les points en rouge représentent les médianes des deux populations extrêmes, les 5 % moins productives et les 5 % plus productives pour le graph 1, et les 5 % moins lourdes et les 5 % les plus lourdes pour le graph 2.
Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 542–547, 2011
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Production animale | Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives
pondérer les performances selon la densité énergétique et protéique de la ration offerte. La composition de la ration annuelle devrait être estimée directement, et non pas indirectement par le niveau d’expression du potentiel génétique des animaux de l’exploitation (simplification utilisée dans l’analyse illustrée par la fig. 3). Mais de tels critères omettent la performance carnée, le bien-être animal (boiteries, stress thermique; K. Keckeis, rapport final 2010) ou encore la composition fine du lait et sa fromageabilité. Sélectionner intensivement sur la matière utile, comme c’est le cas en race Holstein néo-zélandaise, ne doit pas se faire au détriment de la qualité de cette matière grasse et protéique. Une étude spécifiquement réalisée sur le troupeau de «l’Abbaye» à Sorens a révélé peu de différences entre NZ HF et CH HF: plus d’acides gras courts pour les NZ HF, pas de différence sur la fromageabilité, ni sur la qualité des fromages (F. Schori, rapport final 2010). Malheureusement, nous ne disposons pas de comparaisons avec les CH FV et surtout avec les CH BS. Les Brown Swiss présentent en effet plus de variants BB pour la κ-caséine que les autres populations (Moll 2003). Ce variant est favorable à la coagulation du lait et à la fermeté du caillé. Cet avantage ne devrait pas être négligé en Suisse, où 40 % de la production laitière est transformée en fromage. … en changeant notre échelle d’approche Les critères pour définir l’efficacité d’un animal peuvent être nombreux. Ils doivent refléter les objectifs du système de production, qui dépendent des objectifs du territoire en matière d’agriculture. Ces objectifs territoriaux sont influencés par les attentes de la société (environnement, santé publique, aspects sociaux, coût de la nourriture, part de viande consommée, bien-être animal) et doivent composer avec la nature et la disponibilité des ressources locales (fourrages, co-produits de cultures), ainsi que la complémentarité entre systèmes de production. Par exemple, même si les régimes ovo-lacto-végétariens sont plus durables (Redlingshöfer 2006), tant que nous aspirons à consommer de la viande, le choix entre races mixtes lait-viande et races spécialisées lait ou viande restera d’actualité. Sur la base d’estimation des émissions de gaz à effet de serre, Kampschulte (2009) juge l’option races mixtes plus efficace. Dans le contexte de l’arc alpin, l’option races spécialisées peut aussi s’avérer intéressante pour valoriser des alpages difficiles par les troupeaux allaitants. Les critères d’efficacité des vaches ne sont donc pas figés, ils évoluent au gré des avancées scientifiques en génétique animale, en conduite de la lactation ou des systèmes de production, mais aussi en nutrition humaine, en climatologie ou en écologie. Ils évoluent parallèle-
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Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 542–547, 2011
ment aux critères utilisés à l’échelle du système de production ou du territoire pour juger de l’efficacité d’utilisation des ressources locales.
Perspectives pour la recherche: de la vache au système Les essais systèmes, à moyen ou long terme, sont aujourd’hui une nécessité pour répondre aux questions du choix des systèmes de production de demain et du choix des vaches dans ces systèmes de production. De tels essais doivent 1) permettre l’acquisition de références actuelles, solides et exhaustives (paramètres physiologiques, composition fine du lait, ingestion…) sur l’ensemble de la carrière des animaux, et 2) au-delà de la simple comparaison des deux ou trois systèmes et types d’animaux testés, permettre de simuler par modélisation une palette de systèmes intermédiaires (conséquences économiques, sociales, environnementales…). Ces essais sont transversaux, ils regroupent de nombreuses compétences et peuvent être le support de nombreuses recherches. Ils permettent de générer de nouveaux objectifs de sélection, propres à chaque système de production, sur la base de critères d’efficacité d’utilisation des ressources. Espérons que ce type d’essai fédérateur se développera en Suisse. n
Progetto «La mucca da pascolo e la sua genetica» Sintesi e prospettive Scopo della prova era di confrontare, in aziende con pascolo completo e prato stagionale a fine inverno, le prestazioni tra le razze svizzere Holstein, pezzata e Bruna Alpina con le HolsteinFriesian neozelandesi. I due tipi Holstein hanno presentato le migliori prestazioni lattiere, mentre la razza pezzata nella prova presentava una fertilità ottimale. Le Holstein svizzere sono una razza lattifera efficiente anche quando gestita attraverso sistemi di basso input e dovrebbe presentare migliori prestazioni riproduttive relative ai parti raggruppati. Ciononostante le nostre simulazioni suggeriscono che la produzione lattiera influisce maggiormente sulle performance economiche, rispetto alla riproduzione e alle prestazioni di carne, conferendo, quindi, un vantaggio per i due tipi Holstein maggiormente lattifere. I dati precedentemente emersi dovranno essere completati rispetto a questi sistemi specifici. La scelta di sistemi di produzioni e la scelta di animali efficaci in questi sistemi rimane un’importante area di ricerca che è in costante evoluzione. L’efficienza di un animale dipende dal sistema in cui si trova e la definizione stessa di «uso efficiente delle risorse» evolve attraverso le nostre conoscenze nella biologia, nella nutrizione umana, climatologia o ecologia.
Bibliographie ▪▪ Coyral-Castel S., Ramé C., Monniaux D., Fréret S., Fabre-Nys C., Fritz S., Monget P., Dupont F. & Dupont J., 2011. Ovarian parameters and fertility of dairy cows selected for one QTL located on BTA3. Theriogenology 75, 1239–1250. ▪▪ Cutullic E., Bigler A., Schnyder U. & Flury C., 2011. Breeding for milk efficiency in three Swiss dairy breeds. In: 62nd meeting EAAP 2011, Stavanger NORWAY. ▪▪ Delaby L. & Pavie J., 2008. Impacts de la stratégie d’alimentation et du système fourrager sur les performances économiques de l’élevage laitier dans un contexte de prix instables. Rencontres Recherche Ruminants 15, 135–138. ▪▪ Gazzarin C. & Piccand V., 2011. Projet «Quelle vache pour la pâture?»: évaluation économique. Recherche Agronomique Suisse 2, 354–359. ▪▪ Horan B., Dillon P., Faverdin P., Delaby L., Buckley F. & Rath M., 2005. The interaction of strain of Holstein-Friesian cows and pasture-based feed systems on milk yield, body weight, and body condition score. Journal of Dairy Science 88, 1231–1243. ▪▪ Kampschulte J., 2009. Doppelnutzung statt Hochleistung. Beitrag einer Rinderrasse zur Verringerung der Emission von Triebhausgasen – das Beispiel Fleckvieh. In: Der kritische Agrarbericht 2009, pp. 136–141. ▪▪ Le Mezec P., Barbat-Leterrier A., Barbier S., Cremoux R. de Gion A. & Ponsart C., 2010. Evolution de la fertilité et impact de la FCO sur la reproduction du cheptel laitier français. Rencontres Recherche Ruminants 17, 157–160.
Summary
Riassunto
Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Synthèse et perspectives | Production animale
Wich cow for pasture-based production systems?: Synthesis and outlook The objective of the study was to compare, within pasture-based seasonal-calving systems, the performance of Swiss Holstein-Friesian, Fleckvieh and Brown Swiss dairy cows with New Zealand Holstein-Friesian dairy cows. Within the trial, the two Holstein breeds had the best production performance, whereas the Fleckvieh cows had optimal reproductive performance. Swiss Holstein cows were efficient milk producers, even in low-input systems, but should have better reproductive performance to be suitable for compact calvings, even though our economic simulations suggest that milk production is a more influential profit factor than reproduction or meat production, giving a financial advantage to the two more dairy-oriented Holstein breeds. However, our economic references need to be refined for these specific systems. The choice of dairy systems and of appropriately efficient cows for these systems remains a large and constantly evolving research area. The efficiency of an animal depends on the system in which it is and the definition of «efficient use of resources» is evolving with our knowledge of biology, human nutrition, climatology and ecology. Key words: pasture, seasonal calving, breeds, dairy systems, production efficiency.
▪▪ McCarthy S., Horan B., Dillon P., O'Connor P., Rath M. & Shalloo L., 2007. Economic comparison of divergent strains of Holstein-Friesian cows in various pasture-based production systems. Journal of Dairy Science 90, 1493–1505. ▪▪ Moll J., 2003. Höhere Käseausbeute dank Braunviehmilch. CHbraunvieh. ▪▪ Piccand V., Cutullic E., Schori F., Weilenmann S. & Thomet P., 2011a. Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Production, reproduction et santé. Recherche Agronomique Suisse 2, 252–257. ▪▪ Piccand V., Meier S., Cutullic E., Weilenmann S., Thomet P., Schori F., Burke C. R., Weiss D., Roche J. R. & Kunz P., 2011 b. Ovarian activity in Fleckvieh, Brown Swiss and two strains of Holstein-Friesian cows in p asture-based, seasonal calving dairy system. Journal of Dairy Research 78, 464–470. ▪▪ Piccand V., Schori F., Troxler J., Wanner M. & Thomet P., 2011c. Projet «Quelle vache pour la pâture?»: Problématique et description de l'essai. Recherche Agronomique Suisse 2, 200–205. ▪▪ Projet «Quelle vache pour la pâture?», 2010. Rapport final, décembre 2010, 217 pages. Accès: http://www.shl.bfh.ch/index.php?id=849&L=2 ▪▪ Redlingshöfer B., 2006. Vers une alimentation durable ? Ce qu’enseigne la littérature scientifique. Courrier de l’environnement de l’INRA 53, 83–102. ▪▪ Macdonald K. A., Verkerk G. A., Thorrold B. S., Pryce J. E., Penno J. W., McNaughton L. R., Burton L. J., Lancaster J. A. S., Williamson J. H. & Holmes C. W., 2008. A comparison of three strains of Holstein-Friesian grazed on pasture and managed under different feed allowances. Journal of Dairy Science 91, 1693–1707.
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547
A c t u a l i t é s
Actualités Surfaces* de plants de pommes de terre visitées et admises en Suisse en 2011 Henri Gilliand et Brice Dupuis, Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 1260 Nyon Theodor Ballmer, Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich
Variété
Lady Christl
Surface inscrite (ha)
Surface refusée ou retirée (%)
30,8
0,5
Répartition des surfaces par variété (%)
30,6
2,0
Agata
51,2
0
51,2
3,4
Lady Felicia
44,7
0
44,7
3,0
Annabelle
48,2
0
48,2
3,2
Amandine
34,7
0
34,7
2,3
Celtiane
6,6
0
6,6
0,4
Charlotte
209,6
0,5
208,6
13,9
Gourmandine
17,0
3,0
16,5
1,1
Bintje
28,0
0
28,0
1,9
Victoria
110,5
0,3
110,2
7,3
Ditta
45,0
0
45,0
3,0
Nicola
22,6
0
22,6
1,5
Désirée
40,9
0
40,9
2,7
Laura
20,7
0
20,7
1,4
Agria
429,8
2,4
419,9
27,9
Jelly
37,9
4,1
36,4
2,4
Lady Jo
5,5
0
5,5
0,4
Lady Claire
45,2
0
45,2
3,0
Innovator
79,9
1,3
78,9
5,2
Lady Rosetta
41,2
5,6
39,0
2,6
Pirol
13,5
0
13,5
0,9
Fontane
64,5
4,0
62,0
4,1
Hermes
15,0
39,0
10,8
0,7
Markies
63,1
17,1
53,9
3,6
Panda
22,0
0
22,0
1,5
Stella
2,4
0
2,4
0,2
Antina
4,4
0
4,4
0,3
Blaue St-Galler
3,3
0
3,3
0,2
2011
1538,1
2,2
1505,6
100
2010
1519,6
4,9
1445,6
100
*Surfaces provisoires, sous réserve de changements dus à des refus aux analyses virologiques (ELISA).
548
Surface admise Total pour toutes les classes de certification (ha)
Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 548–551, 2011
A c t u a l i t é s
Nouvelles publications
Rapport ART no. 746
Evolution économique de l’agriculture suisse en 2010 Rapport principal n° 34 du Dépouillement centralisé des données comptables (série temporelle 2001–2010) Septembre 2011
Evolution économique de l’agriculture suisse en 2010
ART-Schriftenreihe 16 | August 2011
Tournant dans l’évolution démographique des villages
Auteurs Dierk Schmid et Andreas Roesch, ART dierk.schmid@art.admin.ch, andreas.roesch@art.admin.ch Impressum Edition: Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Tänikon, CH-8356 Ettenhausen, Traduction Regula Wolz, ART Les Rapports ART paraissent environ 20 fois par an. Abonnement annuel: Fr. 60.–. Commandes d‘abonnements et de numéros particuliers: ART, Bibliothèque, 8356 Ettenhausen T +41 (0)52 368 31 31 F +41 (0)52 365 11 90 doku@art.admin.ch Downloads: www.agroscope.ch ISSN 1661-7576
La baisse de la prestation brute en production végétale a une grande influence sur le revenu agricole en 2010. En 2010, les revenus ont à nouveau baissé considérablement par rapport à l’année précédente. Le revenu agricole des exploitations de référence se monte à 55 200 francs par exploitation contre 60 300 francs l’année précédente, soit une baisse de 8,5 %. La baisse du revenu est en moyenne moins marquée en région de collines et de montagne qu’en région de plaine. Ce résultat négatif est dû à l’important recul de la prestation brute autant de la production végétale comme que de la production animale. Les coûts réels enregistrent une faible baisse de 0,2 % et se situent donc pratiquement au même niveau qu’en 2009.
Le revenu agricole rémunère, d’une part, les 455 000 francs de fonds propres investis dans l’exploitation, et d’autre part, le travail des 1,22 unités de main-d’œuvre familiale. Le revenu du travail moyen par unité de main-d’œuvre familiale s’élève à 39 100 francs et diminue de 4,9 % par rapport à 2009.
Wendepunkte in der Dorfentwicklung Stefan Mann und Maria-Pia Gennaio, ART
Des résultats détaillés portant sur l’ensemble de l’exploitation se trouvent dans les tableaux des pages 10 à 19.
Rapport ART 746 En 2010, les revenus ont à nouveau baissé considérablement par rapport à l’année précédente. Le revenu agricole des exploitations de référence se monte à 55 200 francs par exploitation contre 60 300 francs l’année précédente, soit une baisse de 8,5 %. La baisse du revenu est en moyenne moins marquée en région de collines et de montagne qu’en région de plaine. Ce résultat négatif est dû à l’important recul de la prestation brute autant de la production végétale que de la production animale. Les coûts réels enregistrent une faible baisse de 0,2 % et se situent donc pratiquement au même niveau qu’en 2009. Le revenu agricole rémunère, d’une part, les 455 000 francs de fonds propres investis dans l’exploitation, et d’autre part, le travail des 1,22 unités de maind’oeuvre familiale. Le revenu du travail moyen par unité de main-d’oeuvre familiale s’élève à 39 100 francs et diminue de 4,9 % par rapport à 2009. Dierk Schmid et Andreas Roesch, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART
Cahiers d‘ART 16 Dans la plupart des communes rurales de Suisse, on observe une croissance continue de la population, mais dans certaines régions problématiques, la population a légèrement reculé au fil des décennies. Dans de rares communes, on observe en revanche un véritable tournant dans l’évolution de la population. Dix communes ayant connu un tel tournant entre 1960 et 1990 sont au cœur de ce livre. Pour cinq d’entre elles, le tournant se présentait sous la forme d‘un creux suivi d’une évolution ascendante. Pour les cinq autres communes, il s’agissait d’un record de population suivi d’une baisse. La disposition à accepter des distances de plus en plus grandes entre le lieu d’habitation et le lieu de travail est le facteur de déclenchement principal des revirements. Villages ruraux en déclin au départ, de nombreuses communes sont devenues des agglomérations de pendulaires en plein développement. Le changement structurel économique dans les secteurs secondaire et tertiaire est le deuxième moteur du revirement. D’autres facteurs déterminants sont décrits et analysés dans le livre. Ce cahier d'ART est disponible à la station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART en allemand et en italien (www.agroscope.ch). Stefan Mann et Maria-Pia Gennaio, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART
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549
Actualités
M C oem d ime un nmi iqtut e é isl ud ne gperne s s e
www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen www.agroscope.admin.ch/communiques 15.11.2011 / ACW Un nez électronique pour apprécier le jus d'épinard! Les gens n’achètent pas un aliment qui a une saveur ou une odeur étrange. Pour que les denrées alimentaires conviennent aux consommateurs et qu'elles se vendent bien, elles doivent d’abord être testées. L’odeur et le goût sont normalement appréciés par le nez et le palais humains, mais la dégustation professionnelle est à la fois complexe et onéreuse. Pour économiser du temps et de l’argent, les spécialistes de la Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW évaluent la performance du nez électronique. Les résultats de ce dernier dans un test sur du jus d'épinard ont montré qu’ils se rapprochaient fortement de ceux du nez humain.
14.11.2011 / ACW Vigne et acariens: un fragile équilibre Initiée à la fin des années 70, la lutte biologique contre les acariens en viticulture a connu un essor extraordinaire. Le développement de cette méthode de lutte écologique par la station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW a permis aux viticulteurs suisses de pratiquement s’affranchir de toute intervention chimique visant les acariens. Cette réussite dépend principalement du maintien dans les vignes des ennemis naturels des acariens nuisibles, les acariens prédateurs typhlodromes. ACW s’attache à maintenir ce fragile équilibre qui pourrait être remis en cause par l’évolution du climat et l’arrivée de nouveaux ravageurs.
08.11.2011 / ART Coûts de la production laitière en région de montagne suisse Les coûts de production du lait en région de montagne suisse sont de 70 % à 85 % supérieurs à ceux d’exploitations comparables en Autriche. Cette situation est due au niveau des prix et des salaires plus élevé en Suisse, mais aussi à des techniques de production différentes, comme le montre une étude de la station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon.
03.11.2011 / ACW Variétés suisses locales et anciennes bien préservées car des plus utiles… La Suisse est un petit pays formé de régions très différentes sur le plan climatique, pédologique et géogra-
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phique. Cela se reflète également dans la diversité et le nombre des variétés locales de différentes espèces. Ces variétés sont très bien adaptées aux conditions de leur région d’origine et y ont acquis leurs caractéristiques principales. Outre ces variétés locales, la banque de gènes nationale d’Agroscope Changins-Wädenswil ACW conserve également bon nombre d’anciennes variétés issues de sélections, qui ont été importantes certaines années ou dans certaines régions. Plusieurs de ces variétés sont toujours cultivées et ont montré des caractéristiques très intéressantes.
18.10.2011 / ACW Variétés suisses de blé de printemps: le progrès génétique sous la loupe La station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW sélectionne depuis 1947 des blés de printemps de très bonne qualité boulangère (classe 1 ou TOP), résistants aux maladies et productifs pour répondre à son marché et à son mode de culture extensif (apport d’azote limité et pas de fongicides). L’évolution, au cours de ces dernières décennies, de la qualité boulangère et du rendement des lignées de blés de printemps des sélections ACW a été analysée.
13.10.2011 / ART Les analyses de cycle de vie permettent d’optimiser les exploitations agricoles Produire dans le respect de l‘environnement et néanmoins réaliser de bon revenus? Les agriculteurs peuvent tout à fait y parvenir, comme le montre l’étude des analyses de cycles de vie de cent exploitations suisses. Cependant, toutes ne réussissent pas à combiner les deux objectifs. Les causes varient d’une exploitation à l’autre.
03.10.2011 / ACW Soja suisse En 2010, le 81 % des sojas cultivés dans le monde étaient modifiés génétiquement et cette proportion ne cesse de s’accroître. Une sélection de soja non-OGM est réalisée à la Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW depuis 30 ans. En exploitant la variabilité naturelle de l’espèce, ACW est parvenu, par croisements, à développer des variétés suisses adaptées à nos conditions climatiques très particulières.
Actualités
Manifestations
Liens Internet
Agrovina International, 24. – 27.01.2012 www.agrovina.ch Salon International de la viticulture, de l’œnologie et de l’arboriculture, ce salon biennal est aujourd’hui le rendez-vous privilégié de tous les professionnels de la vigne et de l’arboriculture. Sa renommée dépasse largement les frontières nationales.
Novembre 2011 28.11. – 02.12.2011 Winterbesuchswoche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Zürich-Reckenholz Décembre 2011 16.12.2011 Journée technique de la recherche bio 2011 Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Yverdon
Dans le prochain numéro
Janvier 2012
Janvier 2012 / Numéro 1
12. – 15.01.2012 Agroscope à Swiss’Expo 2012 Stations de recherche Agroscope ACW, ALP et ART Lausanne
Habitat du criquet des clairières. Les projets de mise en réseau améliorent la distribution du grillon champêtre (Gryllus campestris) et du criquet des clairières (Chrysochraon dispar). Afin de remédier à l’appauvrissement de la biodiversité dans les zones agricoles, des paiements directs sont versés en Suisse depuis 1993 pour les surfaces de compensation écologique.
••La mise en réseau des surfaces écologiques favorise les sauterelles, Martin Duss, Kim Meichtry-Stier et al., Station ornithologique suisse de Sempach et Université de Bâle ••15 ans de tests de santé sur des semences de céréales biologiques à Agroscope ART, Irene Bänziger et al., ART ••Pastor, une nouvelle variété de trèfle violet pour la pâture, Beat Boller et al., ART ••Vers une protection des plantes adaptée pour les cultures maraîchères hautes sous serre, Jacob Rüegg et al., ACW
24.01.2012 Journée suisse de l’arboriculture 2012 Agroscope Changins-Wädenswil ACW Martigny, Agrovina 26.01.2012 ART-Tagung 2012 Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Tänikon Février 2012 03.02.2012 Journée Agriculture 2012 Agroscope Changins-Wädenswil ACW ACW, Changins Aula 23. – 26.02.2012 Agroscope à Tier & Technik 2012 Stations de recherche Agroscope ACW, ALP et ART St-Gall
••Facteurs d’influence sur les valeurs nutritives des fourrages secs ventilés, Marc Bössinger et Pascal Python, Agridea ••Performance et efficacité de l’azote des variété de blé Suisses du 20e siècle, Anastase Hategekimana et al., ACW ••Rentabilité de la production de viande de lapin, Gregor Albisser Vögeli et Markus Lips, ART ••Espèces aviaires pour une évaluation spécifique des risques de pratiques phytosanitaires dans l’agriculture suisse, Michela Gandolfi et Thomas Reichlin, ACW
Informationen: Informations: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen www.agroscope.admin.ch/manifestations
Recherche Agronomique Suisse 2 (11–12): 548–551, 2011
551
LE SALON À LA MESURE DE VOTRE DOMAINE DIE MESSE NACH MASS FÜR IHREN BETRIEB
9e Édition - Ausgabe
24 -27 JANVIER 2012 CERM MARTIGNY SUISSE www.agrovina.ch ŒNOLOGIE - ŒNOLOGIE VITICULTURE - WEINBAU ARBORICULTURE - OBSTBAU
PARTENAIRES PARTNER ORGANISATEUR VERANSTALTER
Donnerstag, 26. Januar 2012
ART-Tagung 2012 Ammoniak und Geruch aus der Landwirtschaft: Herausforderungen und Lösungen
Themen
• Wie werden Emissionen und Immissionen gemessen? • Welche Daten liegen vor? • Welche Zusammenhänge bestehen zwischen Ammoniak und Geruch? • Wo liegt Potenzial zur Minderung von AmmoniakEmissionen? • Wo stehen wir bei der Umsetzung? • In welchen Bereichen sind bessere Entscheidungsgrundlagen nötig?
Postenrundgang
Messmethoden: Geruch und Ammoniak, Ammoniak-Minderung: Laufflächen, Ausbringtechnik
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Ort und Zeit
Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Refental, CH-8356 Ettenhausen Donnerstag, 26. Januar 2012, 9.00–17.00 Uhr
Anmeldung und Auskunft
www.agroscope.ch > Veranstaltungen Diana Niederer, Forschungsanstalt Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Tänikon 1, CH-8356 Ettenhausen Telefon +41 52 368 32 23 diana.niederer@art.admin.ch
Anmeldeschluss
Freitag, 15. Januar 2012
04.11.2011 16:11:20