FORUM SUR LA GESTION DE LA DEMANDE EN EAU
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REUTILISATION DES EAUX USEES AU MAROC *****************************************************************
ROYAUME DU MAROC
MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DU DEVELOPPEMENT RURAL ET DES EAUX ET FORETS ADMINISTRATION DU GENIE RURAL DIRECTION DU DEVELOPPEMENT ET DE LA GESTION D’IRRIGATION
JEMALI AOMAR KEFATI ABDELMAJID
Mars 2002
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SOMMAIRE • I- SITUATION ACTUELLE ET CONTEXTE : RESSOURCES EN EAU AU MAROC...............................................................................................................................5 1. Contexte climatique 5 2. Ressources en eau 7 3. Problématique des ressources en eau au Maroc 8 4. Potentiel des eaux usées au Maroc 10 5. Réutilisation des eaux usées 12 • II. ASPECT TECHNIQUE..........................................................................................13 1. Situation actuelle des stations d’épurations 13 Ben Sergao....................................................................................................................14 2. Pertinence des projets 15 3. Critères de choix de site des projets 16 4. Lignes directrices pour la réutilisation des eaux usées 16 5. Performances des systèmes de traitement dans les conditions marocaines 17 6. Techniques d’irrigation 18 7. Valorisation des boues résiduaires 19 • III. ASPECT INSTITUTIONNEL...............................................................................19 • IV. ASPECT ECONOMIQUE ET FINANCIER........................................................20
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• V. ASPECT JURIDIQUE............................................................................................22 • VI. ENVIRONNEMENT ET SANTE.........................................................................24 1. Impact sur l’environnement 24 2. Impact sur la santé 25 • • • • •
VII. ASPECT SOCIAL ET POLITIQUE....................................................................27 VIII. SOLUTIONS PROVISOIRES............................................................................28 IX. CONSIDERATIONS FUTURES..........................................................................29 ...................................................................................................................................31 Références bibliographiques .......................................................................................32
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INTRODUCTION Le Maroc a fourni, depuis les années soixante, d’importants efforts de mobilisation de son potentiel hydraulique pour faire face à l’accroissement démographique et soutenir son développement économique et social. Cependant, le potentiel hydraulique limité nécessite, parallèlement à la poursuite de l’effort de mobilisation et à la maîtrise de la demande, le recours aux ressources non conventionnelles (les eaux usées et les eaux saumâtres). L’utilisation des eaux usées épurées en irrigation est nécessaire pour une meilleure économie des ressources en eau en raison du déficit hydrique de plus en plus accentué, d’autant plus que les expériences réalisées au Maroc dans ce domaine ont permis de préciser la faisabilité de la réutilisation. Aussi, les agriculteurs ont eu déjà recours aux eaux usées brutes dans les zones où celles-ci sont disponibles à proximité des terrains agricoles. Ils sont aidés en cela par une demande croissante en produits alimentaires dont l’écoulement est facilité par la proximité urbaine. A l’heure actuelle, environ 546 millions de m3 d’eau usée brute sont rejetées annuellement dans le milieu récepteur. Près de 60 % le sont dans le littoral ; le reste est réparti entre les déversements dans les eaux superficielles qui représentent la plus grande partie et une réutilisation qui intéresse plus de 7000 ha. La poursuite de ces rejets risque de conduire à une dégradation profonde des ressources en eau avec des conséquences néfastes sur l’approvisionnement en eau potable pour de nombreuses régions du pays. Dans le même temps, la poursuite de la réutilisation des eaux usées brutes continuera de poser des problèmes de santé publique.
I- SITUATION ACTUELLE ET CONTEXTE : RESSOURCES EN EAU AU MAROC 1. Contexte climatique Situé à l’extrême Nord-Ouest du continent Africain, le Maroc est influencé par le climat méditerranéen qui est très variable, suivant la géographie du pays ; et qui est accompagné par des périodes de sécheresse de plus en plus répétitives causant de sérieux problèmes socio-économique. En effet, le climat du Maroc varie du sub-humide au nord, semi-aride à aride au centre, à saharien au sud. Les régimes de précipitations restent dominés par une forte irrégularité dans l’espace et dans le temps. Les hauteurs moyennes annuelles des précipitations se chiffrent à plus de 1000 mm dans les zones montagneuses du nord (Bassin du Rif, Tangérois et côtes méditerranéennes ouest) à moins de 300 mm dans les *
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CRDI Forum GDE : Etude de cas de Maroc
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bassins de la Moulouya, du Tensift, du Souss-Massa, des zones Sud-atlasiques, et de la zone Saharienne (carte 1) .
Carte 1. Répartition géographique des bassins hydrauliques au Maroc Les précipitations annuelles des années sèches peuvent atteindre des niveaux très faibles qui peuvent diminuer à moins de 60 à 75 % de la normale (Tableau 1) . Tableau 1. Répartition des précipitations par bassin Nombre Bassin
de jours
Précipitation moyenne inter annuelle
Précipitation quinquennale sèche
mm
mm
Précipitation décennale sèche
Précipitation centennale sèche
de pluie
Loukkos, Tangérois et côtiers Moulouya Sebou Bou Regreg Oum Er Rbia Tensift Souss-Massa Sud Atlasique Sahara
73 31 59 56 57 36 54 30 21
680 245 750 500 515 330 240 170 50
% du global 9 9 20 7 12 8 6 19 10
510 135 540 370 380 240 170 100 30
% du global 10.5 7.8 21.5 7 13 9 6 16 9
mm
% du mm global 450 10 320 120 8 90 475 22 340 335 8 255 330 14 245 200 9 110 140 6 80 75 15 30 22 8 9 Source : DGH (1999)
% du global 12 9.5 25.5 9.5 16 7.5 5.5 9.5 5
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Aussi, les sécheresses qui ont sévi, au Maroc, au début des années 1980 et années 1990 ont montré à quel point l’économie marocaine est tributaire des hauteurs des pluies et de leur répartition dans l’année. Le produit intérieur brut (PIB) est fortement corrélé à la production agricole elle-même fermement liée à la pluviosité. La superficie des zones défavorisées atteint près de 85% de la superficie du pays, qui est environ 71 millions d’hectares. 2. Ressources en eau Actuellement, les précipitations annuelles sont estimées en moyenne à 150 milliards de m3 dont seulement 29 milliards de m3 sont considérées comme pluies efficaces réparties en eaux de ruissellement (20 milliards de m3) et en eaux infiltrées alimentant les nappes (9 milliards de m3). Le potentiel hydraulique mobilisable au Maroc est évalué à 20 milliards de m3 par an dont 16 milliards de m3 en eau de surface et 4 milliards de m3 en eau souterraine. Cependant, ayant un effet sur le régime hydrologique, le régime climatique a eu une conséquence directe sur la répartition inégale entre bassin des eaux de surface. En effet, comme le montre la figure 1, les bassins du nord (Loukkos, Tangérois et côtiers méditerranéens, et Sebou) disposent à eux seuls de plus de la moitié du potentiel hydraulique du royaume alors qu’ils occupent moins de 1/10 de la superficie du pays et abritent moins de 1/3 de la population. A cette irrégularité de la répartition spatiale des ressources en eau, s’ajoute l’irrégularité saisonnière.
%
45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Loukkos
Moulouy a
Sebou
Bou Regreg
Oum ErRbia
Tensif t
Souss Massa
Sud Atlasique
Sahara
Bassin Ressources
Superficie
Population
Figure 1. Répartition géographique des ressources en eau de surface
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Egalement, les eaux souterraines constituent une part importante du patrimoine hydraulique national. Elles se répartissent en 32 nappes profondes et plus de 48 nappes superficielles. Comme pour les eaux de surface, la répartition géographique des ressources en eau souterraine est aussi inégale. Plus de 50 % sont réparties dans les régions du centre et du nord du pays (Tableau 2).
Tableau 2. Répartition géographique des ressources en eau souterraine Bassin Loukkos, Tangérois et côtiers méditerranéens Moulouya Sebou Bou Regreg Oum Er-Rbia Tensift Souss-Massa Systèmes aquifères du Haut et du Moyen Atlas Sud Atlasique Sahara Ecoulement diffus
Ressources en eau mobilisable (%) 5.65 19.47 11.33 3.15 8.15 11.45 6.00 3.75 15.30 0.40 15.35
Source :DGH (1999) Ces nappes souterraines jouent un rôle stratégique dans le développement agricole et l’approvisionnement en eau des populations particulièrement durant les périodes de sécheresse. 3. Problématique des ressources en eau au Maroc
Au Maroc, le volume d’eau disponible par habitant et par an, indicateur de la richesse ou de la rareté de l’eau d’un pays, avoisine le seuil de 1000 m3/hab./an, communément admis comme seuil critique avant le saut vers la pénurie. Ce taux varie actuellement de 180 m3/hab./an pour les zones réputées très pauvres en ressources en eau (Souss-Massa, Sud Atlasique, Sahara) à près de 1850 m3/hab./an pour les zones du bassin du Loukkos, du Tangérois et côtiers méditerranéens relativement riches. Les ressources en eau par habitant se situeraient autour de 720 m3/hab./an vers l’horizon 2020. A cette date, près de 14 millions d’habitants, soit près de 35 % de la population totale du royaume disposeraient de moins de 500 m3/hab./an (Figure 2).
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3 1200 m /an/hab.
Egypte Dotation en eau
1000 800 600
Maroc
T e
Algérie Tunisie
400 200
Jordanie Lybie
2025
2020
2015
2010
2005
2000
1995
1990
1985
0
Année
Figure 2. Evolution des dotations en eau disponibles par habitant et par an en comparaison avec certains pays de la Méditerranée Source : AGR/DDGI (1999) La pénurie chronique d’eau devient donc une donnée structurelle qu’on ne peut plus ignorer pour tracer les politiques et les stratégies de gestion des ressources en eau au Maroc (Tableau 3). Tableau 3. Disponibilité des ressources en eau, projection sur 2020
Disponibilité des ressources en eau (m3/habitant/an) Bassin
Population (Millions d’habitant) Année moyenne
Loukkos, Tangérois et côtiers Moulouya Sebou Bou Regreg Oum Er-Rbia Tensift Souss-Massa Sud Atlasique Sahara
3.645 2.448 7.918 9.076 6.171 3.131 3.250 2.606 0.625
1353 1065 0996 0109 1232 0546 0362 0735 0168
4 années sur 5 1 année seche 745 795 605 049 973 324 207 414 -
Année décennale sèche 563 696 509 039 910 280 180 347 -
Année centennale sèche 418 541 395 029 835 240 156 279 -
Source : AGR/DDGI (1999)
Aussi, les bilans hydrauliques élaborés dans le cadre des études de planification, menées au niveau de l’ensemble des bassins hydrologiques, ont montré que plusieurs bassins sont déficitaires. En plus, la qualité de ces ressources a subi une dégradation significative durant les dernières décennies sous l’action de diverses sources de pollutions (eaux usées domestiques, industrielles, agricoles, etc.).
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Suivant le contexte climatique et géographique du Maroc, le recours aux eaux non conventionnelles, notamment les eaux usées épurées, constitue une alternative potentielle surtout dans les bassins soufrant d’un déficit hydrique pendant les périodes de sécheresse. Les eaux usées épurées constitueraient un facteur de développement au niveau national par l’extension des périmètres irrigués, la mise en valeur des terres arides, l’amélioration de la santé publique, le contrôle de la pollution environnementale et la gestion de la qualité des ressources en eau à l’échelle des bassins hydrographiques. 4. Potentiel des eaux usées au Maroc
Le volume annuel des eaux usées a presque triplé au cours des trois dernières décennies. Il a passé de 48 à 500 millions de m3 de 1960 à 1999 et il est prévu atteindre près de 900 millions de m3 en l’an 2020 (CSEC, 1994). L’évolution temporelle des rejets urbains est présentée dans la figure 3. 900 900 800 666 700
Volm e en Mm 3
600
495 370
500 400
270
300 200
129 48
100 0 1960
1970
1980
1990
2000
2010
2020
Année
Figure 3. Evolution des rejets urbains au Maroc Les principaux facteurs qui concourent à cette augmentation sont : 1 2 3
l’accroissement de la population urbaine, qui augmente à un taux variant de 4,4 à 5% ; l’augmentation du taux de branchement au réseau d’eau potable dans les zones urbaines, qui est passée de 53 % en 1972 à 79 % en 1993 et à 85 % en l’an 2000 ; l’augmentation du taux de branchement au réseau d’assainissement a pu atteindre 75 % dans les grandes villes en 1999 ; et l’augmentation de la consommation individuelle en eau potable dans les grandes villes, qui a crû de 85 à 116 litres par habitant et par jour entre 1972 et 1992.
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En 1999, le volume des eaux usées produites par la population urbaine est de 546 millions de m3, plus de 58 % de ce volume sont rejetées dans le littoral et le reste dans les oueds et les talwegs sans traitement préalable (Tableau 4).
Tableau 4. Répartition des eaux usées rejetées selon le milieu récepteur Milieu récepteur Littoral atlantique, méditerranéen Oueds et Talwegs Total
Volume rejeté en millions de m3 316
% 57,8
230 546
422 100 Source : CSEC
(2001)
Comparativement avec les eaux conventionnelles, le volume des eaux usées ne dépassera guère les 4,2 % des ressources en eau, au Maroc, vers l’an 2020. En plus, ce volume ne peut pas être totalement mobilisé pour les raisons suivantes : (i) l’absence de terrains irrigables à l’aval des déversements dans plusieurs centres, notamment les villes côtières ; (ii) le coût d’adduction élevé lorsque le site de leur réutilisation nécessite des frais de pompage et de conduites ; et (iii) la disponibilité satisfaisante en eaux conventionnelles. Sur le plan qualitatif, une classification des eaux usées urbaines au Maroc a été réalisée pour le compte de l’ONEP (1998). Les résultats de cette étude donnent une idée précise de la qualité des eaux usées au Maroc, de l’évolution des ratios et du taux de restitution, en fonction de la taille du centre (Tableau 5). Tableau 5 . Classification des eaux usées au Maroc Paramètres
Petits centres Centre moyens Grandes villes (moins de 20.000 (entre 20.000 et (plus de 100.000 habitants) 100.000 habitants) habitants) DBO5 (mg/l) 400 350 300 DCO (mg/l) 1000 950 850 MES (mg/l) 500 400 300 Taux de restitution (%) 50 75 80 Dotation x taux de restitution 40 70 80 (l/hab)
Moyenne nationale 350 900 400 65 60
Source :ONEP-GTZ (1998)
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Plus la ville est grande, plus la concentration de polluants exprimée en termes de DBO5, DCO et MES diminue. En effet, les grandes villes utilisent une plus grande quantité d’eau d’où une dilution plus forte des eaux usées. 5. Réutilisation des eaux usées
Au Maroc, la réutilisation des eaux usées brutes est une pratique courante et très ancienne. Leur réutilisation en agriculture est, dans les faits, le mode de valorisation le plus généralisé dans le pays. Elle est réalisée à la périphérie de certaines grandes villes continentales où les terrains agricoles sont disponibles en aval des lieux de déversements des effluents, et également dans de petites parcelles aux alentours des rejets des réseaux d’assainissement. Les contraintes climatiques amènent naturellement les agriculteurs à irriguer les cultures là ou la ressource en eau est disponible. Durant les dernières années, la réutilisation des eaux usées s’est développée aussi autour de certaines agglomérations récemment pourvues d’un réseau d’assainissement. On totalise une superficie de plus de 7000 ha irriguée directement avec les eaux usées brutes rejetées par les villes, soit environ 70 millions de m3 d’eaux usées réutilisées chaque année en agriculture sans qu’aucune précaution sanitaire ne soit appliquée (normes OMS par exemple). Une grande diversité de types de cultures est concernée par cette réutilisation (cultures fourragères, cultures maraîchères, grandes cultures, arboriculture, …). L’irrigation des cultures maraîchères avec les eaux usées brutes est interdite au Maroc. Mais, cette interdiction n’est pas respectée, soumettant ainsi à la fois et le consommateur des produits agricoles et l’agriculteur à des risques de contaminations bactériologiques ou parasitologiques. Le tableau 6 donne, pour certaines villes continentales, une estimation des volumes d’eaux usées réutilisées en agriculture ainsi que les différentes spéculations.
Tableau 6. Principales zones de réutilisation des eaux usées brutes au Maroc Province Marrakech Meknès Oujda Fès El Jadida Khouribga Agadir Béni-Mellal Ben guérir Tétouan Total
Superficie (ha) 2000 1400 1175 800 800 360 310 225 95 70 7235
Spéculations Céréales, maraîchages, arboriculture Céréales, maraîchages, arboriculture Maraîchages, céréales, arboriculture Arboriculture, maraîchages Maraîchage, fourrage Céréales, maraîchages Arboriculture, maraîchages, soja, floriculture Céréale, maraîchage, coton, betterave Maraîchages, fourrage, arboriculture Maraîchages, fourrage Source : CSEC (1994)
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Globalement, les volumes d’eau usées réutilisées ne représentent guère plus de 0,5 % de l’eau utilisée en agriculture. 1
Cette situation a tendance à se généraliser dans toutes les agglomérations pourvues d’un système d’assainissement là où les eaux usées sont rejetées. On totalise, d’après une enquête réalisée dans le cadre du SNDAL (1998), environ 70 zones de réutilisation des eaux usées réparties sur l’ensemble du territoire. Cette pratique n’est pas dépourvue de conséquence néfaste sur la santé humaine et sur l’environnement. A titre d’exemple :
2
Dissémination des maladies hydriques (plus de 4000 cas de typhoïde et plus de 200 cas de paludisme enregistrés en 1994, des foyers de choléra dans le bassin de Sebou) ;
3
Difficulté et surcoût de traitement pour la production d’eau potable ;
4
Plusieurs tronçons de cours d’eau du pays présentent de très faibles quantités d’oxygène dissous, voir un déficit en oxygène lorsque les déversements sont importants, ce qui cause des mortalités massives de poissons ;
5
Plusieurs retenues de barrages présentent des signes d’eutrophisation, conséquence de rejets azotés et phosphorés importants. Depuis une dizaine d’années, de nombreux projets de recherches pluridisciplinaires de grande importance intéressant le traitement et la réutilisation des eaux usées épurées en irrigation ont été lancés au Maroc afin d’apporter des réponses aux questions préoccupantes d’ordre agronomique, sanitaire et écologique. Les résultats de ces recherches ont permis de mettre à la disposition des collectivités locales et des bureaux d’études des données fiables nécessaire à la conception, au dimensionnement des stations d’épuration des eaux usées adaptées aux contextes locaux et à la conduite contrôlée de la réutilisation des eaux usées épurées en agriculture.
II. ASPECT TECHNIQUE 1. Situation actuelle des stations d’épurations
La quantité d’eaux usées traitées au Maroc reste faible, malgré un nombre important de stations de traitement. Aucune des grandes villes du Maroc ne dispose de station de traitement des eaux usées. Toutefois, des stations ont été construites dans de moyennes villes (ex. Nador, Benslimane, Boujaâd), des petits centres urbains, des complexes touristiques, des aéroports, et des unités industrielles. Le Tableau 7 résume la situation actuelle des stations de traitement des eaux usées au Maroc.
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Tableau 7. Situation des Stations de Traitement des Eaux Usées au Maroc STEP Nombre En Hors NonPourcentage en Fonction Service Raccordée fonctionnement Boues activées 20 12 5 3 60 Lits bactériens 11 5 6 0 45,5 Décanteurs17 2 13 2 11,8 Digesteurs Egouttage 3 0 3 0 0 Lagunage 13 7 5 1 53,8 Infiltration2 2 0 0 100 Percolation Chenal Algal 3 1 1 1 33,3 Total 69 29 33 7 42,0 Source : CSEC (2001) Le tableau ci-dessus montre que près de : (i) 60% des stations d’épuration à boues activées ne sont pas fonctionnelles, suite aux coûts très élevés de l’électricité, le manque d’entretien des appareils d’aération et la non coordination entre les différents intervenants dans la gestion de ces stations. Si l’on omet les petites stations à boues activées installées dans les hôtels, les aéroports, et les unités industrielles, seulement 2 stations sur 10 desservant les centres urbains sont fonctionnelles ; et (ii) 37% des stations des autres filières de traitement sont fonctionnelles. Il y a eu quatre projets au Maroc dans lesquels la réutilisation des eaux usées a été une préoccupation dans la conception de la STEP : Ouarzazate (lagunage), Ben Sergao (infiltration-percolation), Benslimane (lagunage aéré), et Drarga (infiltration-percolation). Le tableau 8 présente quelques éléments d'identification des principaux projets de traitement et de réutilisation des eaux usées au Maroc. Seules sont citées, les études où un suivi régulier a été réalisé par des équipes pluridisciplinaires. Tableau 8. Projets de Traitement et de Réutilisation des Eaux Usées au Maroc
Station Système de traitement Réalisation
Date de démarrage Capacité de traitement Population raccordée (Eq-hab.)
Ouarzazate Lagunage ORMVAO FAO-OMSPNUD IAVHII 1989 430 m³/j (5 l/s) 4 300
Ben Sergao Infiltrationpercolation DGCL RAMSA
Ben Slimane Lagunage aéré
Drarga Infiltration-percolation
1990 750 m3/j
ONEP/ MILD Contribution Canadienne Municipalité Ben Slimane 1997 5.600 m3/j
Projet PREM/ USAID Département de l’Environnement Commune de Drarga ERAC-Sud 2000 1.000 m³/j
15 000
37 000
8 000
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2. Pertinence des projets 1
Les stations de Ouarzazate et de Ben Sergao ont été réalisées à des fins expérimentales et de recherche. En effet, les principaux objectifs de ces projets ont consisté à :
2
étudier les effets de l’utilisation des eaux usées épurées su les sols, les cultures et les systèmes d’irrigation ; 3 définir les critères sanitaires pour l’utilisation des eaux usées épurées ; 4 identifier les techniques les plus appropriées pour une meilleure valorisation des eaux usées épurées et des boues résiduaires ; 5 étudier l’efficacité du système de traitement des eaux usées épurées par bassin ; 6 suivre les effets de la réutilisation sur l’environnement et particulièrement sur l’évolution de la qualité des eaux de la nappe ; 7 renforcer les capacités nationales de réutilisation des eaux usées épurées à des fins agricoles ; 8 utiliser les résultats pour étendre l’utilisation des eaux usées épurées à un niveau régional et national ; 9 produire les normes de dimensionnement pour les stations futures ; et 10 calculer les coûts liés directement ou indirectement, s’inscrivant dans une analyse financière et économique. Les stations d’épuration de Benslimane et celles de Drarga sont conçues comme des stations pilotes. A Benslimane, l’expérience a mis en place un système de traitement adapté aux besoins de la ville. Le projet a été lancé pour répondre aux objectifs prioritaires suivants : (i) réduire les nuisances à l’environnement générées par les eaux usées brutes, et (ii) économiser les ressources en eaux souterraines qui ont été destinées à l’irrigation du terrain de golf de Ben Slimane. A présent, les eaux épurées sont en quasi-totalité réutilisées pour l’arrosage du golf de Ben Slimane, le surplus de la station est évacué en cas de nécessité en dehors de la station où il est réutilisé, de manière saisonnière et fragmentaire, par les agriculteurs situés à l'aval, notamment dans la commune de Ziaïda. Le projet de Drarga a été conçu pour que tous les produits de la STEP soient valorisés. Les eaux usées épurées sont vendues aux agriculteurs et réutilisées en irrigation, les roseaux de la roselière sont coupés et vendus, les boues résiduaires sont séchées et seront compostées avec les déchets organiques de Drarga, et le biogaz des bassins anaérobiques sera récupéré et converti en énergie. Les expériences conduites au Maroc sont nombreuses et éparpillées. Les résultats de ces travaux ont démontré que la réutilisation des EU traitées peut contribuer à l’économie de l’eau, à l’amélioration de la production agricole par l’apport nutritif des EU, et à la protection de la santé du consommateur et de l’environnement.
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3. Critères de choix de site des projets La disponibilité du terrain à aménager est généralement le premier critère pris en compte dans le choix de l’emplacement d’une station. En l’absence d’une vision lointaine, certaines stations ont été installées à la limite de certaines villes, ce qui menace leur devenir face à l’extension des habitations et aux nuisances pouvant être engendrées par les odeurs. Le titre foncier des terres devant être aménagées pour la construction d’une station de traitement a été souvent un élément fondamental dans le choix des sites. Les terres à la sortie des villes sont souvent des terres agricoles de valeur commerciale élevée. Bien que l’expropriation reste un dernier recours, les stations installées au Maroc sont pour la plupart construites sur des terres domaniales ou des terres guiches. Jusqu’à présent aucun projet de construction d’une station d’épuration n’a été bloqué par manque de terrain. 4. Lignes directrices pour la réutilisation des eaux usées Le Décret d’Application (N° 2-97-875 du 4 février 1998) de la loi sur l’eau 10-95 relatif à l’utilisation des eaux usées stipule qu’aucune eau usée ne peut être utilisée si elle n’a pas été préalablement reconnue épurée. L’utilisation des eaux usées brutes est donc proscrite. Le Comité Normes et Standards (CNS) relevant du Conseil National de l’Environnement, élabore les objectifs de qualité des milieux récepteurs (normes de qualité) et les limites générales et sectorielles de rejets (normes de rejets). Le CNS est composé des représentants de tous les départements ministériels concernés. Parmi les différentes normes proposées, figure un projet de normes de qualité des eaux destinées à l’irrigation qui fixe les paramètres bactériologiques, parasitologiques et physicochimiques (Tableau 9).
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Tableau 9. Projet de normes de qualité des eaux destinées à l’irrigation Paramètres BACTERIOLOGIQUES 1 Coliformes fécaux 2 Salmonelle 3 Vibrio Cholérique PARASITOLOGIQUES 4 Parasites pathogènes 5 Œufs, kystes de parasites 6 Larves d’Ankylostomidés 7 Flurococercaires de Schistomosa hoematobium PHYSICO-CHIMIQUES 8 Mercure Hg mg/l 9 Cadmium Cd mg/l 10 Arsenic As mg/l 11 Chrome Cr mg/l 12 Plomb Pb mg/l 13 Cuivre Cu mg/l 14 Zinc Zn mg/l 15 Sélénium Se mg/l 16 Fluor F mg/l 17 Cyanures Cn mg/l 18 Phénols 19 Aluminium Al mg/l 20 Berylium Be mg/l 21 Cobalt Co mg/l 22 Fer Fe mg/l 23 Lithium Li mg/l 24 Manganèse Mn mg/l 25 Molybdène Mo mg/l 26 Nickel Ni mg/l 27 Vanadium V mg/l * 1000 CF/100 ml pour des cultures consommées crues
Valeurs limites 5000/100ml * Absence dans 5 L Absence dans 450 ml Absence Absence Absence Absence 0,001 0,01 0,1 0,1 5 0,2 2 0,02 1 1 3 5 0,1 0,05 5 2,5 0,2 0,01 0,2 0,1
Ce projet de normes ne s’applique pas seulement à l’irrigation avec des eaux usées épurées mais à tout type d’eau d’irrigation. L’objectif de ces normes pour la réutilisation des eaux usées est de protéger l’environnement et la santé. 5. Performances des systèmes de traitement dans les conditions marocaines
En matière de traitement des eaux usées, le tableau 10 résume les résultats des performances épuratoires de certains systèmes de traitement expérimentés.
17
Tableau 10. Performances épuratoires : Taux d’abattement en % Station
Ouarzazate
Système de Lagunage traitement Temps de séjour 25 (jours) DBO5 (mg/l) 81.7 DCO (mg/l) 72 MES (mg/l) 28 NTK (mg/l) 31.5 Pto t(mg/l) 48.5 CF /100ml 99.9 O. Helminthes/L 100
Lagunage à Haut Rendement 21.9 65.3 65.4 48 54 99.9 100
Ben Drarga Sergao Infiltration percolation
Ben Slimane
Marrakech
Bouznika
Lagunage aéré
Lagunage facultatif
Lagunage
-
-
30 – 40
30
-
98 92 100 85 36 99.9 100
98.5 96 96.6 96.8 95.9 99.9 100
78 79 75 41 100 100
97 76 69 71 85 99.4 100
75 71 76 14 99.9 100
Source : ONEP-FAO
(2001)
En matière de réutilisation en irrigation : Les résultats obtenus ont démontré que, la réutilisation des eaux usées épurées peut contribuer à l’économie d’eau et de fertilisants, l’augmentation des rendements, l’amélioration des techniques culturales et à la protection de la santé du consommateur et de l’environnement. Les principales cultures testées sont la luzerne, le maïs, le blé, la courgette, la fève, le concombre, le pois, la tomate et le navet. D’autres exemples de réutilisation : A Nador et Khouribga, les eaux usées épurées par des stations à boues activées, sont utilisées pour l’arrosage de pépinières municipales. En outre, à Khouribga, un camion citerne, alimenté par la station d’épuration, assure l’arrosage des arbres de la ville. A Boujâad, la création de la station de traitement par lagunage a entraîné la mise en place spontanée d’un vaste secteur irrigué par les effluents épurés dont la qualité sanitaire autorise la production des cultures maraîchères. A Ben Slimane, les eaux usées épurées produites par un système de type lagune renforcée par une légère aération sont de qualité A (Nématodes intestinaux ≤ 1 œuf par litre; Coliformes intestinaux ≤ 1000 par 100 ml selon les normes de l’OMS (1989)). Ces eaux épurées sont en quasi-totalité réutilisées pour l’arrosage du terrain de golf, le surplus est évacué en dehors de la station où il est réutilisé, de manière saisonnière et fragmentaire, par les agriculteurs situés à l’aval. 6. Techniques d’irrigation Plusieurs méthodes d’irrigation ont été testées dans les projets pilotes. Ceci inclut l’irrigation par submersion, à la raie, par aspersion et l’irrigation localisée. Au Maroc, la plupart des problèmes rencontrés n’étaient pas liés à la méthode d’irrigation mais au pilotage de l’irrigation qui doit prendre en considération la qualité des eaux usées épurées qui sont généralement chargées en sels (Ouarzazate) et en azote (cas de Ben Sergao). A la station de Ben Sergao, il a été démontré que le choix d'un bon type de goutteur, peut améliorer significativement la distribution des eaux usées épurées au niveau de la parcelle. De même que l’installation d’une double filtration (filtre à sable et filtre à disque) est indispensable pour empêcher le colmatage de goutteurs.
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7. Valorisation des boues résiduaires Les essais conduits en matière de valorisation des boues résiduaires ont été moins étoffés que dans le cas de la réutilisation des eaux usées épurées. Des essais ponctuels ont été menés à Ouarzazate et à Ben Sergao. A Ouarzazate, les boues issues de lit de séchage ont donné des résultats très satisfaisants. Dans un essai agronomique concernant la culture du Ray Gras d'Italie, l'augmentation de matière sèche produite a dépassé les 200 % par rapport au témoin. Aucune accumulation de métaux lourds n'a été détectée dans le sol ou dans le végétal. Dans le cas de Ben Sergao, les boues ont été compostés et utilisées pour l'amendement organique de deux espèces de gazon. Les paramètres hauteur et production de matière sèche ont été significativement améliorée. Le compostage a permis un assainissement total des boues ce qui a anéantit complètement le risque de contamination biologique.
III. ASPECT INSTITUTIONNEL 1 L’action des pouvoirs publics au Maroc est organisée de telle façon que chaque type d’utilisation d’eau est géré par un département ou un office sous tutelle ou privé. En matière de réutilisation des eaux usées, les structures administratives appelées à intervenir directement ou indirectement sont multiples et de nature différente. Parmi ces intervenants, nous pouvons citer : 2 Le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat (CSEC) est chargé de formuler les orientations générales de la politique nationale en matière d’eau : planification, répartition et gestion des ressources. Il examine et formule son avis sur le plan de développement intégré des ressources en eau des bassins hydrauliques et en particulier les dispositions de valorisation, de protection et de conservation des ressources en eau. 3 Le Ministère de l’Intérieur : En qualité d’administration de tutelle des collectivités locales, ce département assure l’assistance technique, la réalisation des ouvrages et le contrôle de la mise en œuvre de la politique en matière d’assainissement. Il joue également un rôle privilégié en matière de gestion des eaux usées à travers la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL). Depuis la charte de 1976, la DGCL est chargée de l’alimentation en eau potable des populations par l’intermédiaire des régies et de l’assainissement liquide des communes. 4 Le Ministère de l’Equipement par le biais de l’Administration de l’Hydraulique (AH) est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de planification, de mobilisation, de gestion et de préservation des eaux, d’aménagement des grandes ouvrages hydrauliques, de leur entretien et de leur gestion ainsi que le contrôle de leur pollution. Le Ministère de l’Equipement a entre autres sous sa tutelle l’Office National de l’Eau Potable (ONEP) qui a pour tâche la production de l’eau potable, la gestion de la distribution de l’eau potable, l’assistance technique, 19
l’assainissement liquide et l’épuration des eaux usées pour les communes qui les lui confient, ainsi que le contrôle de la pollution des eaux susceptibles d’être utilisées pour l’alimentation humaine. 5 Les agences de bassins : Elles ont pour mission d’évaluer, de planifier et de gérer les ressources en eau au niveau du bassin hydraulique. Ces agences peuvent délivrer l’autorisation de toute réutilisation des eaux usées et également définir les conditions d’utilisation des eaux usées 6 Le Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Eaux et Forêts est chargé principalement d’élaborer et de mettre en oeuvre la politique dans le domaine de la réutilisation des eaux usées épurées en agriculture par le biais de ses services régionaux (ORMVA et DPA) ainsi que la gestion de ces eaux, la vulgarisation et l’encadrement technique des Associations des Usagers des Eaux Agricoles (AUEA). 7 Le Ministère de la Santé est chargé de la protection de la santé publique, de l’éducation pour la santé, de la surveillance et du traitement des maladies et de la qualité sanitaire des eaux usées traitées. 8 Le Ministère de l’Energie et des Mines est chargé de la protection de l’environnement contre les effets de la pollution dus aux mines et aux industries (dépollution des eaux industrielles). 9 Le Département de l’Environnement a pour mission d’animer, de susciter, de coordonner avec les départements ministériels en matière de protection de l’environnement en vue de renforcer le cadre institutionnel et juridique et de lutter contre toutes formes de pollution et nuisances des milieux récepteurs. Il est chargé de la coordination de toutes les actions liées à la protection de l’environnement et de l’établissement des normes de rejets en matière d’eau usée. Le conseil national de l’environnement établit, quand à lui, les directives nationales. La réutilisation des eaux usées sollicite une coordination étroite entre les différents départements impliqués dans les opérations de réutilisation au niveau régional. Pour rendre cette coordination effective, il conviendrait de développer un partenariat institutionnel par l’établissement d’une convention qui lie les différents partenaires et précise leurs responsabilités et leurs rôles respectifs.
IV. ASPECT ECONOMIQUE ET FINANCIER Le financement de projets de construction d’une station de traitement est le principal handicap dans la réalisation des projets. Les projets de traitement des eaux usées sont pour la plupart financés par les communes à partir de crédits de l’état. D’autres stations ont été construites à titre expérimental dans le cadre de partenariat regroupant les régies de distribution d’eaux et de la municipalité. La contribution financière d’organisations internationales a également aidé à la construction de petites stations dans certaines villes et petites communes au Maroc. Bien qu’une bonne volonté soit exprimée 20
par les communes, la conception d’un projet de station de traitement passe par l’installation d’abord d’un réseau d’assainissement. Le coût de financement de ce dernier fait paraître illusoire les futurs projets de station de traitement. Les coûts d’investissement pour les stations de traitement des eaux usées varient considérablement suivant la technologie adoptée, les filières de traitement, les spécificités du site, la charge polluante, et le devenir des eaux usées épurées. Pour les eaux traitées destinées à la réutilisation, des normes de protection de la santé et de l’environnement imposent une qualité de l’effluent final suivant l’usage qui en est fait. Il est toutefois possible de comparer les coûts d’investissement de différents projets de traitement et de réutilisation des eaux usées au Maroc par équivalent habitant. Le tableau 11 résume les coûts d’investissement et de fonctionnement des projets de Ouarzazate, Ben Sergao, Benslimane, et Drarga. Tableau 11. Comparaison des coûts de différentes stations de traitement des eaux usées au Maroc Station Coût Coûts de Coût par Coût / m3 D’investissement Fonctionnement Habitant / an (dirhams) (millions de (dirhams / an) (dirhams) dirhams) Ouarzazate 5 108.500 643 1,43 Ben Sergao 5 307.500 250 1,12 Benslimane 96,44 935.000 1.928 1,45 Drarga 20,3 260.000 1.000 1,70 Il n’y a pas, pour le moment, de modèle d’estimation des coûts de traitement des eaux usées dans le contexte marocain. Comme nous l’avons mentionné précédemment, ces coûts sont très variable suivant un certain nombre de facteurs. Toutefois, les expérience pilotes ont montré que le coût de technologies appropriées pour le Maroc telles que le lagunage et l’infiltration-percolation varient entre 1,12 et 1,70 dirhams par m3 d’eau traitée. Dans le cas des projets de Drarga et de Benslimane, les eaux usées épurées (EUE) sont vendues (pour le Golf dans le cas de Benslimane et aux agriculteurs dans le cas de Drarga). A Ben Slimane, les eaux usées épurées sont vendues au golf a un tarif de 2 dirhams par m3 alors qu’à Drarga, le tarif initial est de 0,50 dirham par m3. A titre de comparaison, les eaux usées agricoles distribuées par les Offices de Mise en Valeur sont vendues en moyenne à 0,5 dirham par m3, tandis que l’eau potable est vendue entre 2 et 8 dirhams par m3. Il faut noter que dans beaucoup d’endroits, les agriculteurs utilisent directement les eaux souterraines et ne payent que les frais de pompage. Dans certaines régions où la nappe phréatique a connu des baisses de niveau considérables, notamment le Souss-Massa, les coûts de pompage sont devenus très onéreux et peuvent s’élever jusqu’à 1,5 Dirhams le m3.
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Il y a toujours des résistances à l’augmentation des prix de l’eau. Toutefois, avec la rareté croissante de la ressource et les sécheresses répétées, de plus en plus d’agriculteurs acceptent le principe d’une gestion plus rationnelle de la ressource, notamment à travers une politique de tarification plus adéquate. Dans les régions où les pénuries d’eau sont les plus sévères, les agriculteurs sont près a payer le coût de l’eau, à condition d’avoir une ressource pérenne. Dans le cadre de la loi sur l’eau 10-95, des redevances de prélèvement sont prévues et l’utilisation des eaux usées brutes sera proscrite. Il faut donc s’attendre à ce que lorsque les décrets d’application de la loi entreront en vigueur, la demande pour les eaux usées épurées va fortement augmenter, ainsi que la volonté de payer pour cette eau. Les eaux usées traitées apportent des éléments fertilisants et permettent d’économiser des intrants. Le tableau 12 résume les gains économiques de l’utilisation des EUE en agriculture. Ce tableau est basé sur les performances obtenues dans les projets de Ouarzazate et de Ben Sergao. Tableau 12.Gain Economique de l’Irrigation avec les Eaux Usées Epurées Culture Gain Net sur l’eau (1) Gain en Fertilisnats (2) Gain Total (Dh / an/ha) (Dh / an/ha) (Dh / an/ha) Blé tendre 750 1.492 2.242 Maïs grain 1.588 3.614 5.202 Maïs fourrager 1.568 3.572 5.140 Bersim 774 1.539 2.313 Courgette 677 1.545 2.222 Courge 611 1.216 1.827 Tomate 1.553 3.542 5.095 Pomme de terre 940 2.140 3.080 (1) Calculé sur la base de l’eau de pompage du Souss-Massa (0.7 dh/m3) et du prix de vente des eaux usées épurées (0.5 dh/m3) (2) Calculé sur la base de la valorisation totale des éléments fertilisants véhiculés par les eaux usées traitées.
V. ASPECT JURIDIQUE Au Maroc, le statut juridique des eaux a été institué progressivement. L’intervention du législateur pour former le nouvel arsenal juridique dans le domaine de l’eau date de la période du Protectorat français au Maroc. Plusieurs textes ont été adoptés. Il s’agit principalement : 1. du dahir du 1er juillet 1914 (abrogé par la nouvelle Loi sur l’eau) complété par le dahir du 8 novembre 1919 sur le domaine public qui pose le principe de la domanialité publique de toutes les eaux et de leur lit ;
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2. du dahir et l’arrêté Viziriel du 1er août 1925 (abrogé par la nouvelle Loi sur l’eau) sur le régime des eaux, modifié par les dahirs du 2 juillet 1932, du 15 mars 1933, du 18 septembre 1933 (abrogé par la nouvelle Loi sur l’eau), du 9 octobre 1933, du 25 juillet 1939, et du 24 septembre 1952. Cette ancienne législation n’était plus adaptée à l’organisation moderne du pays et ne répondait plus aux besoins de son développement socio-économique, ce qui a nécessité la création d’une nouvelle réglementation moderne des eaux par l’adoption du dahir n° 195-154 du 18 rabii I 1416 (16 août 1995) portant promulgation de la loi n° 10-95 sur l’eau. Cette loi sur l’eau visant à mettre en place une politique nationale de l’eau basée sur une vision prospective qui tient compte de l’évolution des ressources et des besoins nationaux en eau. En matière d’eaux usées, cette nouvelle Loi 10-95 sur l’eau, dans son chapitre VI, traitant la réutilisation des eaux usées et ses textes constituent la base juridique du cadre institutionnel des projets de réutilisation des eaux usées, notamment les articles 51, 52, 56, 57, 59 et 84 de ladite loi. Cette Loi fixe dans l’article 51, les normes de qualité auxquelles une eau doit satisfaire selon l’utilisation qui en sera faite, ont pour objet de définir les procédures, les modes opératoires d’essai, d’échantillonnage et d’analyse ainsi que la grille des eaux définissant les classes de qualité des eaux permettant de normaliser et d’uniformiser l’appréciation de la qualité des eaux (caractéristiques physico-chimiques et bactériologiques notamment de l’eau usée destinée à un tel usage). Elle précise dans ses articles 52 et 54, l’interdiction de rejeter des eaux usées ou des déchets solides, d’effectuer tout épandage ou enfouissement d’effluents et tout dépôt de déchets susceptibles de polluer par infiltration les eaux souterraines ou par ruissellement les eaux de surface, afin d’en modifier les caractéristiques physico-chimiques ou bactériologiques sans autorisation préalable accordée, après enquête, par l’Agence de bassin et fixe également une redevance. En matière de réutilisation des eaux usées, cette Loi stipule dans son article 57, que l’administration définit notamment les conditions d’utilisation des eaux usées et d’obtention de l’autorisation de la réutilisation de ces eaux usées. Elle stipule aussi que tout utilisateur des eaux usées peut bénéficier du concours financier de l’Etat et d’une assistance technique de l’Agence de bassin si l’utilisation qu’il fait est conforme aux conditions fixées par l’administration et a pour effet de réaliser des économies d’eau et de préserver les ressources en eau contre la pollution. La Loi 10-95 stipule dans son article 84, que la réutilisation des eaux usées à des fins agricoles est interdite lorsque ces eaux ne respectent pas les normes fixées par voie réglementaire. Ces normes sont actuellement en préparation au niveau national par le Comité Normes et Standards (CNS).
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Cette loi formule dans son article 112, les contraventions aux dispositions des articles 12 et 57 relatifs aux conditions d’utilisation des eaux usées et à l’article 84 relatif à l’utilisation des eaux usées à des fins agricoles. Le décret n° 2-97-224 du 24 octobre 1997 spécifie dans son article 2 que l’accumulation artificielle des eaux usées brutes n’est pas autorisée que si elle fait partie intégrante d’un système d’épuration de ces eaux, agrée par l’agence du bassin hydraulique concerné. Le décret d’application de la Loi 10-95 du 4 février 1998 (n° 2-97-875) relatif à l’utilisation des eaux usées précise les modalités d’obtention d’autorisations. Le décret stipule qu’aucune eau usée ne peut être utilisée si elle n’a pas été préalablement reconnue épurée. L’utilisation des eaux usées brutes est donc proscrite. La demande d’autorisation doit comporter un dossier technique qui inclut une étude technique indiquant la qualité des eaux usées épurées à utiliser. Le décret d’application prévoit que l’agence de bassin peut apporter un concours financier pour la réalisation des investissements de l’épuration des eaux usées et, le cas échéant, de leur pompage et/ou de leur adduction, jusqu’au lieu d’utilisation, à condition que les eaux ne proviennent pas directement du milieu naturel. Pour être éligible à un concours financier de l’Agence de bassin, l’utilisation des eaux usées doit permettre de réaliser des économies d’eau, et ne pose aucun préjudice au domaine public hydraulique. Le décret d’application de la loi 10-95 du 4 février 1998 (N° 2-97-787), fixe les normes de qualité auxquelles une eau doit satisfaire selon l’utilisation qui en sera faite. Ces normes ont pour objet de définir les caractéristiques physico-chimiques et bactériologiques, notamment des eaux usées destinées à l’irrigation. Aussi, ce décret affirme la nécessité de réaliser un inventaire du degré de pollution des eaux superficielles ainsi que des eaux des nappes souterraines.
VI. ENVIRONNEMENT ET SANTE 1. Impact sur l’environnement Le traitement et la réutilisation des eaux usées contribuent à la protection du milieu récepteur. En effet, si on considère le volume d’eaux usées de 900 m3 qui sera rejeté en 2020 dans l’ensemble du territoire, on peut calculer que l’épuration permettra de rabattre la charge polluante exprimée en terme de DBO5 de 270.000 tonnes à moins de 27.000 tonnes par an. La charge polluante azotée passera de 54.000 tonnes à moins de 25.000 tonnes par an. A titre d’illustration, le système de traitement-valorisation mis en place dans la commune de Drarga permet actuellement de réduire la charge azotée de 12,7 tonnes à 1,6 tonnes. La réutilisation des eaux usées consiste à valoriser les éléments nutritifs véhiculés par ces eaux en agriculture ou en espaces verts. Ceci permet ainsi de recycler les éléments nutritifs dans la biomasse végétale et atténuer leur pouvoir polluant qui de manifeste
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lorsqu’ils sont infiltrés dans les eaux souterraines ou livrés sous forme particularise ou en solution dans les eaux de surface. Toutefois, il convient de souligner qu’une réutilisation des eaux usées épurées qui permet de valoriser ces eaux tout en préservant la qualité de l’environnement doit reposer sur de bonnes pratiques agricoles : type d’irrigation, choix des cultures, mode d’assolement, etc.. En effet, en plus du souci de maîtrise des aspects sanitaires, deux paramètres méritent d’être efficacement gérés : la salinité et le pool d’éléments nutritifs et particulièrement l’azote qui peut dépasser les besoins usuels de la plupart des cultures. L’interaction type épuration-réutilisation est aussi un aspect important à considérer. Le bilan azoté dans le cadre de la réutilisation des eaux usées a été mesuré dans les expériences de Ben Sergao (infiltration-percolation) et de Ouarzazate (lagunage). Dans le cas de Ben Sergao, l’irrigation avec des eaux épurées par le système infiltrationpercolation (sans dénitrification) apporte au sol une quantité d’azote nitrique qui dépasse largement les besoins des cultures et génèrent par conséquent une lixiviation des nitrates vers les eaux souterraines. Ceci risque, à long terme, de détériorer de manière significative la qualité des ressources en eau. Cette préoccupation est encore plus importante dans les zones à sol sableux dans lesquelles le transfert de l’azote vers la nappe est rapide. Dans le cas de Ouarzazate, le stock moyen d’azote minéral du sol des parcelles irriguées avec des eaux usées épurées varie entre 350 et 450 kg d’azote minéral par hectare, alors que le besoin estimé pour les cultures était de 175 kg/ha. Toutefois, dans ce cas précis, une bonne partie du stock d’azote a subit des pertes par voie de volatilisation étant donné la nature basique du sol. Une autre préoccupation environnementale concernant la réutilisation des eaux usées épurées est la salinité. Les concentrations en sels solubles dans les effluents d’eaux usées sont généralement supérieures à celles des eaux d’alimentation. En effet, ces eaux subissent un enrichissement minéral après l’usage domestique. Ainsi, les concentrations élevées en sels solubles et en particulier en sodium ont des conséquences néfastes sur la production végétale et sur les propriétés physico-chimiques des sols. 2. Impact sur la santé La réutilisation des eaux usées à l’état brute risque de compromettre la santé humaine et de contaminer les milieux récepteurs par des polluants chimiques véhiculés par les eaux. En effet, les eaux usées peuvent transporter de nombreux germes pathogènes (parasites, bactéries, virus et champignons) doués d’une grande résistance dans le milieu et qui peuvent, lorsque les conditions de transmission sont réunies, affecter l’homme. Les eaux usées représentent donc un important véhicule d’agents biologiques et chimiques résultant de l’activité humaine et/ou industrielle. Les cultures irriguées avec des EU concentrent de nombreux agents infectieux et toxiques. Par ailleurs, elles représentent un milieu favorable pour la prolifération de certains agents pathogènes émis dans les excrétas de l’Homme ou de l’animal. Aussi, Les EU issues des milieux
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hospitaliers ou milieux infectés peuvent représenter une source de contamination dangereuse. Le risque sanitaire lié aux EU peut être classé en fonction du type de culture : (i) Culture devant être consommée à l’état cru. Ce risque et d’autant plus grave que les conditions de propreté et d’hygiène ne sont pas respectées. Il s’agit dans la plupart des cas de maladies qui revêtent un caractère épidémique, et en particulier à certaines saisons de l’année. Le choléra, en est un bon exemple, cette maladie qui sévissait au Maroc jusqu’au 1994 a connu des flambées en été dans les régions où les cultures maraîchères sont irriguées avec des eaux usées brutes. (ii) Cultures pouvant être consommées cuites ou ayant une écorce. La température de cuisson et les règles d’hygiène dans la cuisine conditionnent le risque de contamination. (iii) Denrée d’origine animale comme véhicule d’agents pathogènes. Cette possibilité est souvent négligée ou parfois sous-estimée. Les animaux peuvent accumuler dans leur organisme et véhiculer de nombreux agents pathogènes ou substances toxiques qu’ils ont consommées avec du fourrage irrigué avec les des eaux usées brutes. Compte tenu de la complexité de la biologie des agents pathogènes et de leur mode de transmission, la contamination de l’homme peut avoir lieu dans diverses circonstances : (i) Par contact direct avec les EU. Il s’agit des agriculteurs qui cultivent les terres sans prendre les précautions nécessaires pour se protéger contre le risque de contamination. La contamination peut avoir lieu par simple contact direct avec les EU qui peuvent contenir des formes libres de parasites d’origine humaine ou animale et qui sont capables de franchir la barrière cutanée et pénétrer dans l’organisme. (ii) La consommation de produits irrigués avec des eaux usées représente également un mode de contamination très fréquent chez l’homme. Ce risque ne se limite pas aux agriculteurs qui consomment leurs propres cultures mais à la population qui s’approvisionnent à partir de cultures contaminées. Dans certaines villes du Maroc, les cultures irriguées avec les eaux usées brutes sont souvent écoulées dans les grandes villes pour échapper à la méfiance de la population locale. De ce fait, le risque reste prépondérant dans tout le territoire. La contamination de l’homme résulte souvent de l’intervention de plusieurs facteurs liés non seulement à l’agent pathogène mais également aux activités anthropologiques dans la région. On peut dire que le risque encouru par la population dépendra implicitement du contexte épidémiologique de chaque maladie. Il reste à souligner qu’en matière de réutilisation des eaux usées brutes en agriculture, le risque sanitaire dépasse les frontières régionales et ce pour les raisons citées plus haut. Le risque inhérent à la REU au sein d’une population est régi par les facteurs suivants :
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1- consommation de produits irrigués par des eaux usées ou fertilisées par des boues, 2- consommation de viande d’animaux nourris de fourrages irrigués par des eaux usées, 3- contact direct avec les eaux usées (ouvriers agricoles,…), 4- proximité des zones d’épandage des EU (enfants, …). Le risque d’infection dépend de l’agent pathogène et des circonstances favorisant sa transmission. Les éléments qui revêtent une importance primordiale sont la concentration des agents pathogènes dans des eaux usées brutes, leur survie dans le milieu extérieur, leur dose infectante, la biologie de l’agent causal et de l’immunité induite chez l’Homme. Hormis les infections virales, aucun autre agent pathogène ne peut conférer une immunité solide pouvant protéger l’Homme contre les ré-infections
VII. ASPECT SOCIAL ET POLITIQUE Il existe des réticences à utiliser les eaux usées épurées (EUE) qui sont souvent perçues comme impropres. Ceci est paradoxal quand on considère les quantités d’eaux usées qui sont réutilisées à l’état brut. Les EUE passent par une station de traitement où l’arrivée des eaux usées brutes est clairement visible. L’origine des EUE est donc connue. Il y a donc des réticences naturelles à consommer des fruits et légumes irrigués avec les EUE. Dans la région d’Agadir, les agriculteurs qui produisent pour l’exportation sont très réticents à utiliser des eaux usées épurées par crainte de compromettre leurs marchés. Pour les petits agriculteurs, les eaux usées brutes qui ont transité par le sol avant d’atteindre la nappe ou par un fleuve sont perçues comme une source d’eau à utiliser même si ces eaux sont polluées. Dans le cadre du projet de Drarga, le projet PREM a mené une enquête auprès des populations de Drarga et de Temsia pour recueillir leurs différentes perceptions par rapport à l’utilisation de différents types d’eau. A Drarga la grande majorité des ménages sont branchés sur le réseau d’eau géré par les associations. On utilise le plus souvent l’eau de robinet (et parfois uniquement cette source). Certaines familles utilisent l’eau de puits pour la lessive, le ménage et l’arrosage du jardin. La population locale est bien informée et sensibilisée sur les questions de santé et d’hygiène liées à l’eau. Les associations de gestion de l’eau jouent un rôle important dans la sensibilisation de la communauté locale et tiennent les gens informés de toutes les questions relatives à l’eau. Historiquement, les associations ont joué un rôle important à Drarga.
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Autrefois, l’eau était gérée par les communautés (souvent à travers des écoles religieuses) et la population payait un droit en contrepartie de son utilisation. Les associations actuelles n’ont fait que réinstaurer cette tradition. Elles sont très proches des habitants et jouissent de leur confiance. Pour la plupart des personnes contactées, la réutilisation des eaux usées est une idée nouvelle, mais beaucoup de gens ont affirmé qu’ils utiliseraient les eaux épurées si les responsables locaux leur demandent de faire ainsi (ex. irrigation, ménage). Les deux zones visitées à Drarga sont munies d’un réseau d’eaux usées qui a été installé avant même l’installation du réseau d’eau potable. La participation communautaire dans la gestion de l’eau est très développée dans certaines parties du Royaume, notamment le Sud, et a tendance à se propager. De plus en plus, les projets impliquent les bénéficiaires dans le choix des options technologiques et dans la gestion des systèmes de distribution des eaux d’irrigation. Pour l’utilisation des eaux usées épurées, la création d’associations d’usagers est encouragée par les Offices de Mise en Valeur Agricole.
VIII. SOLUTIONS PROVISOIRES Le bilan des expériences pilotes en matière de traitement et de réutilisation des eaux usées reste mitigé. Le Maroc a lancé avec le concours d’organisations internationales plusieurs projets dont les résultats étaient concluants. L’échec de certains projets de traitement par l’inadaptation du procédé au contexte socio-économique des centres concernés a permis de mieux appréhender le problème des eaux usées. Malgré l’expérience acquise, l’avancement de projets de traitement des EU reste très timide. Le principal handicap reste le financement, la sensibilisation des pouvoirs publics et l’absence d’une politique nationale de gestion des eaux usées dans la perspective de l’économie et la protection des ressources en eaux. A l’état actuel certaines stations assurent le traitement des EU en maintenant les performances épuratoires définies dans leur système. Le suivi des paramètres physicochimiques et microbiologiques est assuré régulièrement par les équipes scientifiques de tutelle (ONEP, établissements de recherche, LPEE,…). La réutilisation des eaux usées épurées en agriculture reste à titre expérimental ou concerne dans certains cas des agriculteurs sur des terres situées à proximité de la station lorsque ces eaux sont évacuées dans la nature. Mis à part le cas de Benslimane, aucune réutilisation des EU épurées n’est à présent organisée. La station expérimentale de Ouarzazate est en arrêt depuis 1995. Elle a servi comme base pour la conception d’une station d’épuration des EU à la sortie de la ville par l’ONEP dont la réutilisation est prévue entre 2002-2003.
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IX. CONSIDERATIONS FUTURES Malgré le progrès enregistré, au cours de la dernière décennie, sur le plan technique, institutionnel, financier et législatif relatives au développement du processus « Assainissement-Epuration-Réutilisation » des obstacles persistent encore au déploiement de la réutilisation des eaux usées épurées. A l’heure actuelle, aucun projet intégrant les trois composantes n’a vu le jour. Cette situation paradoxale s’explique par l’existence de plusieurs contraintes. Les principales contraintes nécessitants d’être contrariées pour obtenir des meilleures performances, se présentent dans un cadre général comme suit : Contraintes institutionnelles : 1- l’insuffisance dans le respect des textes législatifs ; 2- le manque de coordination entre les différents intervenants (gestionnaire, exploitant, utilisateur concertation étroite entre les partenaires dans la chaîne épuration-réutilisation des eaux est nécessaire en vue de coordonner leurs actions respectives et les mener à bonne fin. La réutilisation des eaux usées épurées sollicite une coordination étroite entre les organismes impliqués dans les opérations de la réutilisation ou bien cette tâche soit confiée à une institution qui serait chargée du suivi, de l’information et de l’application des textes législatifs. Contraintes techniques : 3- la conception des réseaux d’assainissement a été guidé par la topographie. 4- l’existence de divers points de rejets dans les grandes villes, ce qui limite la réutilisation de eaux usées épurées. 5- le manque d’infrastructures d’épuration des eaux usées Contraintes financières: Ces contraintes sont dues au manque d’équilibre financier entre les dépenses et les recettes suite au : 6789-
Retard accumulé en matière d’équipement d’assainissement ; Désengagement de l’Etat du secteur d’assainissement ; Faible pouvoir d’achat des différentes couches de la population; Coût élevé des équipements pour la réalisation des stations d’épuration des eaux usées. Il dépasse largement les capacités financières des collectivités ; 10- Frais élevé de mobilisation ou de stockage inter-saisonnier des eaux usées épurées. Devant cette série de limites, la collectivité locale est obligée d’agir en hiérarchisant ses objectifs comme suit :
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11- la protection de la santé et l’amélioration des conditions de vie des populations ; 12- la protection du milieu récepteur ; 13- la réutilisation des eaux usées épurées. Mise en œuvre de la réutilisation des eaux usées épurées: La réutilisation des eaux usées épurées est pratiquée dans plusieurs pays y compris les pays du bassin méditerranéen et au Moyen Orient. Les expériences de ces pays peuvent avoir des enseignements pour le Maroc qui irrigue un très faible pourcentage de ses cultures avec des eaux usées épurées. Le succès de programmes pour faciliter la mise en œuvre de la réutilisation des eaux usées épurées durable dépend d’un certain nombre de facteurs : 14- la nécessité de réglementer et réaliser au préalable des études d’impact environnemental pour chaque projet de réutilisation des eaux usées afin de préserver l’environnement; 15- la capacité organisationnelle de gérer la ressource, de sélectionner les plans d’utilisation des effluents et de les mettre en œuvre; 16- l’importance accordée à la protection de la santé des populations et des niveaux de risques acceptables; 17- le choix de stratégies d’usages des eaux usées épurées; et 18- les critères à adopter pour évaluer des scénarios alternatifs de réutilisation. Pour créer un cadre institutionnel qui encourage la réutilisation des eaux usées épurées le gouvernement peut adopter les mesures suivantes : 19- le traitement et la réutilisation des eaux usées épurées doivent être une composante de la stratégie intégrée des ressources en eau, au niveau des bassins versants, avec des liens multidisciplinaires entre les différents secteurs tels que l’environnement, la santé, l’agriculture, l’industrie et les municipalités. Par exemple, les municipalités qui sont les plus importants générateurs d’eaux usées doivent coordonner la réutilisation des eaux usées épurées avec le département d’agriculture, le plus grand utilisateur. Les schémas d’aménagement des territoires doivent prendre en compte les potentialités de réutilisation des eaux usées pour les industries rejetant les métaux lourds localisés dans les zones ou les eaux usées épurées sont destinées à l’irrigation. 20- le gouvernement doit faciliter la participation des ONGs et des bénéficiaires à toutes les phases du projet notamment au niveau de la préparation, l’identification la conception et la réalisation des différents composants du projet (le choix des sites, les systèmes d’épuration et le mode d’utilisation des eaux usées épurées) afin d’en assurer une exploitation et une gestion durable. 21- Il faut mener des compagnes de sensibilisation sur le danger de la réutilisation des eaux usées brutes et sur les avantages de l’utilisation des eaux usées épurées. Il
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faut également diffuser les connaissances actualisées sur les technologies appropriés de traitement et la protection des cultures. 22- Pour assurer la protection de la santé publique et de l’environnement, le gouvernement doit activer la préparation, l’homologation et la mise en place de l’ensemble des décrets d’application des normes relatives à la réutilisation des eaux usées épurées. 23- Il faut mener des suivis de la qualité des eaux usées épurées des pratiques de réutilisation, la santé publique, la qualité de l’eau d’irrigation, et le suivi de la qualité des sols et des eaux souterraines. 24- Il est proposé d’associer l’assainissement, l’épuration et la réutilisation systématique des eaux usées épurées particulièrement en irrigation. Ceci permettra de réduire le coût de l’épuration et de bénéficier d’une ressource en eau appréciable dans le contexte climatique du Maroc, dominé par des sécheresses périodiques plus ou moins sévères. 25- Par ailleurs, l’un des éléments fondamentaux pour la durabilité de la réutilisation est le paiement d’une redevance d’eau pour couvrir les frais de mobilisation. Or, une telle redevance ne serait à la fois régulièrement payée et substantielle que si la culture pratiquée peut générer une valeur ajoutée suffisante. 26- Les cultures sous abris peuvent conduire à des valeurs ajoutées appréciables moyennant un système d’irrigation localisé conduisant à l’absence de contact de l’eau avec le produit pour garantir une qualité hygiénique irréprochable.
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Références bibliographiques CSEC (1994). Réutilisation des eaux usées en agriculture. DGCL (1995). Epuration des eaux usées au Maroc. BO (1995). Loi 10-95 sur l’eau. Bulletin officiel n°4325. DGCL/ DEA (1996). Réutilisation agricole des eaux usées au Maroc. SNDAL (1998). Schéma directeur national d’assainissement liquide : Réutilisation des eaux usées. AGR (1998). Epuration et réutilisation des eaux usées à des fins agricoles. Projet MOR 86/018. PNUD/FAO/OMS. JEMALI A. et KERAI A. (1999). Expérience marocaine dans le domaine de la réutilisation des eaux à des fins agricoles. OADA. AGR/DDGI (1999). Consolidations de la stratégie nationale en matière de réutilisation des eaux usées en agriculture, MADRPM/PNUD. DGH (2000). Etude du plan national de protection de la qualité des ressources en eau. PGRE/ME. JEMALI A. et KERFATI A. (2001). Impact de la réutilisation des eaux non conventionnelles. OADA. JEMALI A. (2001). Expérience marocaine en matière de réutilisation des eaux usées. FAO Atelier du 12 au 14 Novembre, Amman. KERFATI A. (2001). Amélioration des procédures de gestion et d’utilisation des ressources hydriques en agriculture dans le Royaume du Maroc. OADA. ONEP-GTZ (1998). Approche de la typologie des eaux usées urbaines au Maroc. ONEP- FAO (2001). Développement de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement en zone rurale. Amélioration des connaissances dans le domaine des procédés de valorisation des eaux usées épurées. Projet UTF/MOR/023. PREM (2001). Projet pilote de traitement et de réutilisation des eaux usées de la commune rurale de Drarga. DE PREM (2001). Document technique sur les normes et standards pour la réutilisation des eaux usées au Maroc. DE. CSEC (2001). Economie de l’eau.
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ACRONYME PIB AGR DDGI DGH CSEC ONEP GTZ
: Produit Intérieur Brut : Administration du Génie Rural : Direction du Développement et de la Gestion de l’Irrigation : Direction Général de l’Hydraulique : Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat : Office National de l’Eau Potable : Deutsche Gesennschaft fur Technische Zusannenarbeit (Coopértaion Technique Maroco-Allemande) MES : Matière En Suspension OMS : Organisation Mondiale de la Santé SNDAL : Schéma National Directeur de l’Assainissement Liquide ORMVAO : Office Régional de Mise en Valeur Agricole de Ouarzazate FAO : Organisation Mondiale de l’Alimentation et de l’Agriculture PNUD : Programme de Développement des Nations Unies IAVHII : Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II DGCL : Direction Générale des Collectivités Locales RAMSA : Régie Autonome Multi-Services d’Agadir MILD : Société privé chargée de la gestion du Golf de Ben Slimane PREM : Pérennité des Ressources en Eau au Maroc ERAC : Etablissement Régional d’Aménagement et de Construction Eq-Hab. : Equivalent Habitant EU : Eau Usée EUE : Eaux Usées Epurées REU : Réutilisation des Eaux Usées CNS : Comités Normes et Standards AH : Administration de l’Hydraulique DPA : Direction provinciale de l’Agriculture LPEE : Laboratoire Public d’Essais et d’Etudes ONGs : Organisations Non Gouvernementales BO : Bulletin Officiel DEA : Direction de l’Eau et de l’Assainissement OADA : Organisation Arabe du Développement de l’Agriculture DE : Département de l’Environnement
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REMERCIEMENTS A.BOUHAOULI, Secrétaire Général du Département de l’environnement. M. BZIOUI, Directeur de la Planification de Ressources en Eau (DGH), Ministère de l’Equipement. M. BENOUNA, Directeur au Ministère de la Santé Publique. A. KAWNI, Directeur de l’eau et de l’Assainissement (DGCL) A.LAHLOU ABID, Directeur Conseiller Stratégique du Directeur Général (ONEP). A. FOUTLANE, Direction de la Qualité de l’eau (ONEP). J. BAHIJ, Chef de Service, Direction de la Qualité de l’eau (ONEP). F. BEN OSMAN, Direction de l’Assainissement (ONEP). M. KERBI, Directeur du Projet Pérennité des Ressources en Eau au Maroc . R. CHOKR ALLAH, Projet PREM.
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