HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE Près de quatre siècles se sont écoulés entre la description de la chambre obscure par Léonard de Vinci et l'invention de la photographie par Niepce. Daguerre perfectionne rapidement le procédé inventé par Nicéphore Niepce : la pose devient moins longue; l'image obtenue est d'une parfaite netteté, mais elle reste unique. On ne décèle alors encore aucun souci d'interprétation. Le daguerréotype se répand dans le monde entier : un atelier de daguerréotypie est ouvert à Calcutta en 1840, un autre en Australie en 1841, alors que l'Américain Mathew Brady (1823-1896) réalise d'innombrables portraits et des photographies de la guerre de Sécession. Plusieurs genres sont particulièrement en vogue : des vues de villes et de paysages — des photographes accompagneront les voyageurs au Moyen-Orient —, quelques reportages, mais surtout le portrait. Le daguerréotype démocratise ce dernier, qui n'est plus un privilège de gens aisés commandant un souvenir aux artistes peintres. Beaucoup parmi les pionniers de la photographie ont été peintres avant d'être photographes et ont subi l'influence du réalisme pictural. Si, en France, Nadar reste l'un des plus célèbres photographes de son temps, il ne faut pas oublier Etienne Carjat (1828-1906), qui photographie ses amis, Baudelaire, Rossini, Gauguin, Verlaine et tant d'autres. Les oeuvres de l'un et de l'autre témoignent d'un sens psychologique aigu. C'est à l'âge de vingt-deux ans que Gaspard Félix Tournachon (1820-1910) prend le pseudonyme de Nadar et devient journaliste. Humoriste perspicace, il réalise des dessins et d'excellentes caricatures. En 1849, il fonde la Revue comique et alimente à la fois le Journal pour rire et le Charivari. C'est en 1853 qu'il ouvre un atelier de photographie, qui connaît vite un grand succès. En 1854, il commence, sous le nom de Panthéon Nadar, la publication d'une galerie de célébrités contemporaines. Contrairement à A. E. Disderi (1819-1890) attaché à l'apparence et au détail, Nadar étudie la lumière, attend la pose naturelle, recherche le caractère et l'expression de son modèle. Le portrait de Gustave Doré qu'il réalise est d'un naturel étonnant. Attiré par l'aérostation, il fait plusieurs ascensions en ballon avec les frères Godard. En 1858, véritable reporter, il réussit la première photographie aérienne et pense immédiatement à la possibilité de relevés topographiques. Propagandiste de l'idée du plus lourd que l'air, il fait construire, en 1863, un ballon de 6000 m3, le Géant, avec lequel il réalise plusieurs ascensions, dont Daumier nous laisse un souvenir plein de verve. Chef d'une patrouille d'aérostiers, il exécute de nombreuses photographies du siège de Paris et des mouvements des troupes ennemies. Son imagination fertile l'avait amené, en 1860, dans les catacombes de Paris; il y avait installé un éclairage au bec Bunsen permettant les quinze minutes de pose indispensables. D'un genre tout différent sont les portraits d'Antony Samuel Adam-Salomon (1811-1881), ancien sculpteur; tout un décor de draperies, de velours encadre ses modèles. Le négatif. C'est à l'Anglais William Henry Fox Talbot que revient le mérite de la découverte du négatif, du positif et du développement humide de l'image latente. Vers 1840, le procédé permettant plusieurs tirages est au point : c'est le calotype. L'école anglaise emploie rapidement le calotype et plus tard le collodion humide. Elle cherche moins la précision et la vérité que l'école française. Cela vient en partie de la technique utilisée. La netteté du détail apparaît beaucoup moins avec les premiers papiers qu'avec la plaque métallique du daguerréotype. La, rivalité entre ces deux moyens laisse présager la future querelle entre les «flouistes», adeptes d'un « pictorialisme photographique», et les partisans de la seule vérité. Robert Adamson (1821-1848) et David Octavius Hill (1802-1870) refusent le naturel : l'attitude, le décor, tout est savamment apprêté. Étonnante portraitiste, Julia Margaret Cameron (1815-1879) utilise le procédé au collodion humide avec un matériel assez médiocre. En choisissant un éclairage subtil, elle saisit admirablement l'expression de ses modèles. L'un de ses chefs-d'œuvre demeure le portrait du savant Herschel ou encore celui de la mère de Virginia Woolf. 1