Tempi Fa - Tome 3 extrait 1

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U Corpu di Cristu in u Campuloru « Le matin, il y avait une messe chantée. Des capelle étaient installées dans les ruelles du village. Chaque quartier du village voulait faire la plus belle capella. Il y en avait parfois une dizaine. On dressait une table qui était décorée de fleurs et de bougies allumées. On sortait de l’église et on partait en procession. Le curé marchait sous un baldaquin (baldachinu) porté par quatre hommes qui se relayaient. Les femmes et les enfants portaient des paniers remplis de fleurs dont “u fiore di San Antone” qui “chez nous (Campuloru) est le genêt et non pas le lys”. Le curé arrivait devant a capella, il posait l’ostensoir (l’ostensoriu) et s’agenouillait

Prete Filippi (avril 2009)

pour prier. Les femmes et les enfants jetaient des fleurs et un des enfants de chœur portait l’encensoir. Le prêtre encensait trois fois puis il récitait à genoux : u padre nostru, l’ave maria, u tantum ergo. Il se levait, reprenait l’ostensoir et repartait en procession vers une autre capella. À la fin de la visite des chapelles, retour à l’église pour une courte messe et des prières. Souvent, la messe était concélébrée par trois prêtres, a messa parata. » Dumane hè Corpu di Cristu Làmpanu fiori à sparme Noi à lu nostru Signore È li lampemu di carne

Dumane hè Corpu di Cristu ghjùnghjenu le zitelle Si sò ben mutate Pè visità le capelle A tò Mariuccia ùn ci era In cumpagnia di quelle

À Ghjuncaghju, on trouve une variante : Dumane hè corpu di Cristu È si coglienu li fiori Quale hè chì li coglierà O Mariuccia (ou autre prénom) pè noì.

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U Corpu di Cristu in Vizzani La Fête-Dieu mobilisait toutes les femmes du village (fig. 6 et 7). Chaque quartier, au nombre de neuf, commençait à préparer « l’altari, e capelle », les autels qui sont toujours en nombre impair. Les habitants d’A Casuccia, Piazza di a Funtana, Piazza Griscellana, l’hôtel Continental, A Traversa, Casa Marchioni, A Chjesa, A Porta, E Fratane, commençaient par préparer tout ce qu’il fallait pour aménager « leur » chapelle. « Il y avait une sorte de

6. Les femmes étaient chargées d’aménager les autels

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7. Préparation d’un autel à Viscuvatu en 1954.

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compétition entre chaque quartier, même un peu de jalousie, explique Lucie Foglia, tous voulaient avoir la plus belle chapelle (fig. 8). À la maison, nos mères conservaient précieusement des draps brodés qui servaient uniquement à décorer les autels. Ils devaient être d’un blanc immaculé. » La veille, les hommes allaient dans les champs alentours ramasser les fleurs jaunes, les soucis, « i fiori di u Corpu di Cristu » (fig. 9). « Aujourd’hui il n’y en a plus, raconte Nénette Milelli, car ces fleurs ne poussaient que dans les champs de blé (i suminati). Aujourd’hui le blé a disparu et on doit aller ramasser ces fleurs, loin, à la plaine » (fig. 10). Ces fleurs servaient à confectionner des colliers et des bracelets (e curone) que portaient les enfants. Les fleurs sont conservées dans l’eau puis elles sont enfilées (fig. 11) comme des perles à l’aide d’une aiguille et du fil pour former des bracelets et des colliers (fig. 12). Jadis, les hommes et les femmes portaient

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11 8. À Vizzani, chaque quartier voulait avoir le plus bel autel.

11. Les fleurs sont enfilées comme des perles. 12. Colliers et bracelets de soucis.

9. Les soucis, i fiori di u Corpu di Cristu. 10. Les femmes sont chargées de fabriquer les colliers de fleurs.

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aussi ces colliers qui étaient bénis et conservés à la maison toute l’année (fig. 13). Ils étaient brûlés et remplacés par les colliers de l’année suivante. Le matin de la fête, les femmes commencent à préparer les autels qui sont revêtus avec les linges brodés, décorés de fleurs. Dans les temps, les autels étaient décorés uniquement avec des roses sauvages et de la fougère. Aujourd’hui on utilise toutes sortes de fleurs avec une préférence pour les roses rouges. Certains mettent des tableaux du Christ et des crucifix. On installe une boîte recouverte d’un drap brodé pour symboliser le tabernacle et des bougies allumées. Un tapis et des coussins sont

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posés devant l’autel pour que le curé puisse s’agenouiller. La messe a lieu le matin, puis l’après-midi se déroule la procession. En tête se trouvent les confrères qui portent la croix du Christ et les bannières, puis suivent les enfants qui portent des paniers remplis de pétales de fleurs (fig. 14). Le curé avec l’ostensoir se trouve sous un baldaquin porté par quatre hommes. Les hommes et les femmes ferment la procession (fig. 15). Devant chaque autel le curé s’agenouille, pose l’ostensoir et prie quelques instants. Les enfants jettent des pétales de fleurs devant l’autel (fig. 16) puis le curé se relève

13. Les enfants sont chargés de porter les pétales de fleurs 14. Aujourd’hui, seuls les enfants portent des bracelets et des colliers. 15. Les colliers bénits sont conservés toute l’année à la maison.

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et présente l’ostensoir aux fidèles avant de repartir en procession vers une autre chapelle. Les fidèles ramassent les pétales de fleurs pour les emporter à la maison (fig. 17). Il y a quelques années les fidèles s’agenouillaient aussi devant chaque autel (fig. 18), « Aujourd’hui cette tradition a disparu, pourtant s’agenouiller cela voulait dire quelque chose, c’était un acte de piété important », se souvient Lucie Foglia. « C’est un événement important, affirme Nénette Milelli, ghjè u Cristu chì esce di a chjesa è chì face u giru di u paese (c’est le Christ qui sort de l’église pour faire le tour du village). C’est la seule fois que l’ostensoir quitte l’église. Tous, participaient à cette

fête religieuse qui était sacrée pour les habitants de Vizzani. Il y avait tellement de respect pour la religion que les hommes se décoiffaient systématiquement quand ils passaient devant l’église. » 16. Les enfants jettent des pétales de fleurs aux pieds de l’autel. 17. Les pétales sont ramassés par les fidèles. 18. Quelques fidèles s’agenouillent encore devant les autels. 19. Capella à Pianellu 20. À la fin de la messe, le curé va revêtir le mantellone pour la procession. 21. Abbé Olive Tagliazzuca.

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houx pour confectionner les arches (archi) au-dessus des capelle.

U Corpu di Cristu in Pianellu La Fête-Dieu n’avait pas été célébrée à Pianellu depuis cinquante ans. Jeanne Luccioni se souvient que c’était une fête importante qui mobilisait tout le village. Les villageois revenaient parfois de très loin pour assister à la procession. Dans les temps, chaque quartier décorait sa propre chapelle. Il y en avait plus de dix dans le village. La veille, les hommes nettoyaient les sentiers du village et les femmes et les enfants allaient cueillir les fleurs jaunes, des soucis (i bàrculi), la fleur du pastel Isatis tinctoria (a cascianinca) et du genêt (a vinestra) mais aussi les roses sauvages et du

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Les capelle étaient recouvertes avec les plus beaux draps brodés, conservés pour la circonstance (fig. 19). Chaque quartier se jalousait, affirme Jeanne Luccioni, « ci era a ghjelusia, on envoyait les enfants “espionner” les chapelles des autres quartiers. S’ils avaient mis un tapis ou un très beau drap, on en faisait autant. À U Poghju, nous voulions avoir la plus belle capella ». On confectionnait des guirlandes de fleurs jaunes qui étaient tendues au-dessus des ruelles. Après la fin de la messe, le curé revêt u mantellone, une cape brodée de fils d’or, conservée dans l’église de Pianellu depuis plus de deux siècles (fig. 20 et 21). Portant

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l’ostensoir, il va ouvrir la procession pour visiter toutes les capelle du village. Le curé, c’est la tradition, marche sous un baldaquin brodé (u baldachinu) porté par six hommes (fig. 22, 23, 24 et 25). À chaque capella, le curé pose l’ostensoir et s’agenouille pour prier. Les enfants jettent des pétales de fleurs et du riz qu’ils portent dans des corbeilles (fig. 26, 27, 28 et 29). La procession durait plus de deux heures. Les confréries chantaient entre chaque capella puis tout le monde retournait à l’église. 25 23

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22. Le curé porte l’ostensoir. 23. Le curé marche sous le baldaquin. 24. Baldaquin à Viscuvatu en 1954. Doc. Mimi Comparetti. 25. La procession fait le tour du village. 26. Le curé s’agenouille devant chaque autel. 27. Les enfants jettent des fleurs. 28. Visite d’un autel. 29. Une visite est consacrée à la Vierge.

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25. San Pancraziu est aussi le « patron » des petits voleurs. 26. Confrères de San Parteu.

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San Pancraziu à Piòghjula (Ghjussani) La San Pancraziu de Piòghjula avait plus l’allure d’un pèlerinage que d’une simple fête religieuse (fig. 25). On dit même dans le village que san Pancraziu n’était pas seulement le patron des bergers, il protégeait aussi les « petits voleurs », ceux qui volaient par besoin. « Il avait une mansuétude pour ces petits délinquants », affirme Santu Massiani. François Carboni se souvient avoir vu des milliers de fidèles venus de toute la Balagne, d’Ascu et de la vallée de l’Ostriconi. De nombreux pèlerins faisaient le parcours pieds nus. Les fidèles venus de Balagne se retrouvaient au col di à Croce d’Ovu avant de rejoindre, ensemble, le village. Ceux qui venaient d’Ascu arrivaient souvent la veille. C’est la confrérie de Santa Croce qui a en charge la cérémonie. Elle se réunissait dans la casazza qui fait face à l’église di à Santa Croce (fig. 26). Aujourd’hui, une confrérie, baptisée San Parteu, rassemble les quatre confréries de la région, en signe d’unité et de partage.

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28 29 27. La confrérie San Parteu quitte la casazza pour entrer dans l’église. 28. U piore. Il porte un bâton sculpté, a pace. 29. La statue n’est pas fleurie.

Les fidèles prenaient place dans l’église. La confrérie sort de la casazza en procession pour rejoindre l’église en chantant. Elle est conduite par le sous-prieur (fig. 27) tandis que le piore (fig. 28) ferme la marche avec un bâton sculpté appelé « a pace ». La statue n’est pas décorée de fleurs (fig. 29). Elles sont déposées dans l’église aux pieds de la statue.

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30. Procession. 31. La statue est bénie et présentée aux quatre points cardinaux. 32. La cérémonie est ponctuée de chants entonnés par les confrères. 33. François Carboni : le dernier sonneur de cloches.

Après la messe, la procession fait le tour de l’église (fig. 30). « Il y avait tellement de monde que les jeunes gens et les moins jeunes se disputaient pour porter la statue », explique Madeleine Volpelli. La statue du saint est présentée aux quatre points cardinaux (fig. 31) avant de conclure la cérémonie par le Dio vi salvi Regina (fig. 32).

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Il n’y avait pas de foire, ni de fête particulière autour de San Pancraziu, les visiteurs étaient invités dans les familles et personne ne restait sans manger. Il y a aussi une tradition dans ce village, celui des sonneurs de cloches. « Ils avaient l’art et la manière de sonner les cloches, c’était une vraie musique, raconte Santu Massiani. Il en reste un seul, c’est François Carboni. À 80 ans il grimpe toujours sur le clocher pour actionner a ciccona et perpétuer cet art légué par nos ancêtres » (fig. 33).

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