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se dirige, à genoux, a strascinella (fig. 16 et 17), et en chantant, jusqu’au sépulcre pour embrasser le Christ.
16. Strascinella à Ficarella. 17. Strascinella à Mandriale. 18. Les confrères partagent un repas maigre accompagné de vin.
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19. Une longue quête de la foi. Pozzu. 20. Pullèzzula des femmes. Purettu.
À la sortie, on s’arrête devant un banchettu pour boire et manger. Dans les temps anciens, il y avait des beignets, i panzarotti, et du vin muscat. À l’époque, les confrères partaient avec la musette, a sachetta, qui contenait des beignets et du vin. Ceux qui avaient les moyens en portaient plus pour les offrir aux confrères plus nécessiteux (fig. 18). On repart vers l’église de San Martinu, en chemin on croise la confrérie de Mandriale qui nous fait a parata, puis on rentre dans l’église de San Martinu pour le même rituel d’a strascinella. Ensuite, on retourne dans notre église de Ficarella après avoir croisé en chemin la confrérie de San Martinu. Les trois confréries accomplissent les mêmes rituels dans la matinée. Il faut près de cinq heures pour boucler la visite des trois villages et on mange trois fois. Certains buvaient sans modération et parfois ils avaient du mal à finir la procession car ils étaient en état d’ivresse. Boire ce n’est pas un péché, cela fait partie du rite des processions. On chante pendant toute la procession. Chanter et marcher en même temps, cela fatigue beaucoup, on termine le circuit, complètement exténués et on doit puiser dans nos dernières forces pour rester dignes.
Pendant les processions, je suis gêné par la présence des chiens, surtout quand ils aboient. J’ai l’impression que c’est le mal qui nous suit, les chiens ont un regard très dur et cela me perturbe beaucoup. Le soir, on accomplit l’office des Ténèbres. C’est important de maintenir ces traditions, cela resserre les liens entre les différentes populations des villages. C’est aussi l’occasion de nous rencontrer. Certains viennent de très loin pour participer à ces cérémonies qui sont sacrées pour nous (fig. 19). »
Les processions du soir E. Ricci nous décrit la granìtula et la croix latine qui se faisaient à 7 h 30 du soir sur la place de l’église à Erbalunga. La nuit tombée, la procession s’ébranle à nouveau, sur deux files, portant des cierges. Elle parcourt les rues du village, illuminées de bougies, pour rejoindre la place di u Pian’di Fora où elle va s’enrouler et se dérouler décrivant une spirale, nommée granìtula. Puis la procession va descendre vers le port pour remonter à nouveau sur la place où elle va alors effectuer une figure complexe, la croix latine. Des confrères, placés au centre et aux quatre extrémités de la croix vont
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servir de repères à la procession qui, sur une file, cette fois, va, passant à chaque point, dessiner une croix latine. Ces deux figures, dont l’une semble venir de la préhistoire, tandis que l’autre en est peutêtre une forme christianisée, dessinent ainsi sur le sol, par les corps en mouvement et les lumières des cierges, des figures lumineuses qui résument à elles seules les mystères de Pâques, de la mort et de la résurrection et des cycles de la vie.
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La confrérie de la Madonna Santìssima (fig.1) a été établie à Viscuvatu dans les années 1500 par Bastianu Filippini. Cette confrérie a été supprimée par une loi du 18 août 1792. Elle se reforma après le Concordat sous le nom de Santa Croce. Elle contribue aux obsèques de ses adhérents et participe aux fêtes religieuses. Elle avait en charge les obsèques, a cumpagnia di i morti, moyennant une cotisation. Elle transportait le mort au cimetière avec une calèche, exposée dans un petit musée du village. Quand la calèche revenait à vide du cimetière, raconte Antoine Comparetti, les enfants montaient à bord.
Santìssima) (fig. 5 et 6). Ainsi, on trouve dans la même confrérie des confrères vêtus de blanc, sans cape, et d’autres confrères
également vêtus de blanc avec une cape bleue ou une cape rouge, sans galons (fig. 7 et 8).
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Dans les temps anciens, les processions se déroulaient le jour. Les confrères, uniquement des hommes, ne portaient qu’une aube blanche, càmisgiu biancu (c’était un principe d’égalité sociale, du sgiò au berger) (fig. 2 et 3), seuls, le piore et le sottu piore avaient le droit de mettre une cape, pelerina, rouge (le sang du Seigneur) ornée de galons (calloni) (fig. 4). Aujourd’hui certains confrères ont opté pour une cape bleue, pelerina turchina, par fidélité à la Vierge Marie (à l’origine la confrérie était dédiée à la Madonna
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1. Confrérie Santa Croce de Viscuvatu, anciennement appelée Madonna Santìssima. Document Mimi Comparetti. 2. Incamisgiatu en 1962. 3. Confrères en aube blanche. 4. Prieur et sous-prieur vêtus de la cape rouge (pelerina) ornée de galons (calloni).
6. Confrères vêtus de la pelerina turchina. 7. Au sein de la confrérie, certains ont choisi de porter une cape rouge et d’autres une cape bleue. 8. Confrère portant une cape rouge symbolisant le sang du Seigneur.
5. Certains confrères portent une cape bleue par fidélité à la Vierge à laquelle était originellement dédiée la confrérie.
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9 9. Les confrères, que le port de l’aube blanche (càmisgiu biancu) rend égaux, portent les chapeaux et casquettes de leurs aïeux. 10. Porter la casquette du père, du grandpère ou de l’oncle permet de faire la procession en compagnie des morts. 11. Sous la cagoule, la casquette de l’ancêtre.
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Beaucoup de confrères portent les chapeaux et les casquettes de leurs aïeux (père, grand-père, oncle), « c’est un symbole car de cette façon on fait faire la procession à nos morts, explique Antoine Comparetti, ils sont avec nous. » (fig. 9, 10 et 11). Les confrères portent les habits, i càmisgi, la pèlerine avec un cordon qui est le symbole de l’obéissance et de la discipline (fig. 12). Il y a aussi la cagoule, a cappa (fig. 13 et 14). Souvent, il y avait des inimitiés dans les villages et certains étaient interdits de séjour dans l’un des deux villages. Avant de
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rentrer, le piore (le prieur) criait : « cappa à l’ochji » (mettez la cagoule), comme cela personne n’était reconnu. « Si les gens d’un village reconnaissaient quelqu’un d’indésirable, il recevait des pierres ou il pouvait se faire tirer dessus », raconte Barthélemy Comparetti.
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12. Les confrères vêtus de la pèlerine dont le cordon est symbole d’obéissance et de discipline. 13. Confrère portant la cagoule (a cappa). 14. « Cappa à l’ochji (mettez la cagoule) ! » criait le prieur avant d’entrer dans les villages.
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La procession, c’est avant tout un apprentissage et de la discipline. Chacun est à sa place. Les anciens apprenaient à faire une granìtula aux jeunes avec des haricots disposés sur une table. En disposant les haricots, ils leur montraient comment il fallait faire pour tourner ! (fig. 15). Le soir de la procession on désigne ceux qui auront une tâche dans la procession pour l’année qui vient. Ils avaient une tablette, a tàvula d’appellu, qui permettait de répartir les rôles. Pour désigner les porteurs du bâton, du lampion, des croix, i pententi. Des petits bâtonnets qui représentent les différents objets à porter sont enfoncés devant l’un des trois trous qui se trouvent devant le nom du confrère. Ainsi, il sait ce qu’il aura à faire pour la procession (fig. 16, 17 et 18).
15. Les anciens apprenaient à faire une granìtula aux jeunes avec des haricots disposés sur une table. 16. A tàvula d’appellu permet d’attribuer à chaque confrère le rôle qu’il devra remplir lors de la procession. 17. Des petits bâtonnets qui représentent les différents objets à porter (bâton, croix, lampion) sont enfoncés devant l’un des trois trous qui se trouvent devant le nom du confrère sur la table d’appel. 18. Table d’appel de l’église San Biasgiu de Poghju Marinacciu datée du début du XXe siècle. Les noms des confrères sont écrits sur la planche.
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Déroulement de la procession Le jeudi soir, la confrérie de Venzulasca visite Viscuvatu. Les deux villages sont à 2,5 km de distance. Le vendredi soir, c’est la confrérie de Viscuvatu, à Santa Croce, qui se rend à Venzulasca. Ce jour-là, les hommes s’arrêtaient de travailler, « dàvanu a so ghjurnata », les journaliers n’étaient pas payés, ils offraient leur journée au seigneur.
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19 19. Les confrères s’habillent dans la chapelle Santa Croce de Viscuvatu.
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20. Procession vers l’église San Martinu.
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21. Le Christ orné de palmes tressées. 22. A cruciona, la grande croix.
À 21 heures à Viscuvatu, les confrères se rassemblent dans la chapelle Santa Croce, siège de la confrérie, pour s’habiller (fig. 19) puis ils rejoignent l’église San Martinu en procession (fig. 20). Deux pénitents 21
(pententi) vêtus de l’aube rouge portent le Christ (u Cristu vestutu) recouvert du voile noir orné de palmes tressées, u fiore (fig. 21) et la grande croix (a cruciona) (fig. 22). Les motifs sont appelés fiore à Vescovatu et vittone à Venzolasca. D’autres confrères portent les lampions et les bâtons ornés de croix (crucette).
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Dans la région d’Orezza, les processions se déroulent le jour et il n’y avait que des hommes (fig. 1 et 2). Tout a changé à la fin de la Première Guerre mondiale. De nombreux hommes étaient morts à la guerre et il restait peu de monde pour faire les processions. Les femmes ont commencé par suivre les confréries, puis elles ont fini par se faire admettre, sans porter de tenue (fig. 3).
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Cinq villages, Pè d’Orezza, Pè di Croce, Stazzona, Carchetu, Pè di Partinu participent aux processions du Vendredi saint. À l’époque, chaque village avait sa confrérie. Aujourd’hui, il ne reste plus que trois confréries, Pè d’Orezza, Stazzona et Pè di Croce. Les confrères de Pè di Partinu et Carchetu ont rejoint ceux de Pè d’Orezza (fig. 4). Les processions partent en même temps dans chaque village. Pè d’Orezza va à Pè di Croce ; Pè di Croce va à Stazzona ; Stazzona va à Carchetu ; Carchetu va à Pè di Partinu et Pè di Partinu va à Pè d’Orezza. Les confréries tournent dans le sens des aiguilles d’une montre et elles ne doivent jamais se rencontrer. Quand l’une rentre dans un village, l’autre est déjà sortie (fig. 5).
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4 1. Procession à Pè di Croce. 2. Jusqu’au début du XXe siècle, seuls les hommes étaient admis dans les confréries. 3. Les confréries sont composées d’hommes et de femmes. 4. Confrérie de Pè d’Orezza. 5. Les confréries ne se rencontrent jamais.
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6. Les confréries sont vêtues de blanc.
Le matin du Vendredi saint, pour partir en procession, les confrères revêtent une aube blanche, u càmisgiu, et une cagoule (fig. 6 et 6a), les deux plus anciens, qui ont une cape (mantelleta) sur les épaules, marchent
en tête (fig. 7). Derrière, un confrère tient u lampione. La grande croix, a crucione, est portée par un homme vêtu de noir (camisgi neri) (fig. 8 et 9), la petite croix est portée par une
6a. Confrère d’Orezza. 7. Les deux plus anciens ouvrent la procession. 8. Porteur de la grande croix.
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