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latérale (fig. 9). Le prieur de la confrérie ouvre la procession avec la croix. Le Christ est orné de rameaux d’olivier et de palmes et un ruban est mis autour de la croix (fig. 10). Le curé commence par dire les prières, puis il invite les fidèles à lever les bras vers le ciel en tenant les rameaux et les palmes pour la bénédiction (fig. 11). Le curé utilise un rameau d’olivier qu’il plonge dans un récipient d’eau bénite. Ensuite, les fidèles se rassemblent en procession derrière le curé (fig. 12) et ils se dirigent vers la porte principale. Le curé prend la croix et tape trois fois sur la porte avec le bas de la croix. Quelqu’un qui est à l’intérieur ouvre et tout le monde pénètre dans l’église pour la messe (fig. 13 et 14).

9. Les fidèles se rassemblent sur le côté de l’église. 10. La croix est ornée de rameaux et de palmes. 11. Les fidèles lèvent les rameaux vers le ciel. 12. Les fidèles se dirigent en procession vers la porte de l’église. 13. L’Attollite portas. La porte est ouverte de l’intérieur. 14. Les Rameaux à Casamàcciule.

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Le tressage des feuilles de palmes est une vieille tradition qui perdure toujours dans certaines régions de Corse. Dans les temps anciens, cet art du tressage, sans doute généralisé dans l’île, était réservé à certaines familles qui se transmettaient ce savoir-faire. Chaque famille avait son style et sa technique, des « secrets » jalousement conservés. Le tressage est avant tout une œuvre collective extrêmement précise qui exige une grande maîtrise du geste et un sens certain de la sophistication. Les Rameaux rappellent l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem acclamé par la foule qui brandissait des feuilles de palmes. « La coutume de bénir les rameaux pour Pâques serait apparue dans la liturgie au début de l’ère chrétienne pour se répandre ensuite à travers la Méditerranée, affirme Robert Castellana dans son ouvrage Les Palmes de la Passion. Dans l’ancien monde, les palmes occupent une position éminente, elles font partie des cycles liturgiques majeurs des religions juives et chrétiennes. Elles prennent place ainsi dans la liturgie pascale chez les chrétiens et les orthodoxes. » Le palmier sauvage de Méditerranée (Chamaerops excelsa), qui pousse naturellement en Corse, a sans doute été utilisé à l’origine, avant d’être remplacé par une autre variété venue du MoyenOrient via l’Italie au début du XVIIIe siècle, le Phoenix dactylifera. Il cohabite aujourd’hui avec « son cousin », le Phoenix canariensis, originaire des îles Canaries. Ces palmiers qui peuvent atteindre vingt mètres de haut, très résistants au froid, possèdent une grosse couronne de feuilles longues, fines et résistantes, idéales pour le tressage. Ces arbres à usage rituel, introduits sans doute par des familles fortunées, fournissent toujours la matière première pour le tressage. Ils sont extrêmement nombreux autour de riches demeures du

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Cap Corse ayant appartenu à des Corses qui ont fait fortune aux Amériques. C’est une palmeraie de Bordighera sur la côte ligure qui fournissait la Corse en palmiers. Cet art obéit à une exigence rituelle liée à la couleur du végétal qui doit être la plus claire possible. Pour obtenir ce résultat, les feuilles de la couronne centrale, u core, sont ligaturées ensemble au mois d’octobre pour empêcher la réaction chlorophyllienne. À l’abri du soleil, privée de lumière, la feuille va prendre une couleur jaune clair, seule couleur admise pour le tressage des motifs. Dans certains villages, les palmes sont coupées en février (fig. 1) et mises dans un sac de jute, le sac est ensuite enterré pour obtenir la couleur jaune recherchée pour les crucette. Cette couleur claire serait un symbole de pureté. Les feuilles sont prélevées délicatement, il faut faire attention à ne pas abîmer le palmier qui ne peut être ligaturé qu’un an sur deux. Selon des spécialistes, c’est en Corse que l’on trouve les formes tressées les plus élaborées, en particulier par le nombre de motifs différents réunis sur une même armature (fig. 2). L’extrême souplesse des feuilles n’impose aucune contrainte à celui qui tresse, capable de réaliser de

véritables œuvres d’art. Ces palmes, une fois tressées, sont longtemps conservées dans les maisons ou dans les églises. Certains refusent même de les brûler pour la cérémonie des Cendres, car elles ont le pouvoir d’éloigner le mal. Le siège de la confrérie de Purettu renferme une belle collection de pullèzzule des années précédentes (fig. 3, 4, 5, 6, 7, 8).

1. Cueillette des palmes à Erbalunga. 2. Pullèzzula de Purettu Brandu. 3, 4, 5, 6, 7, 8. Pullèzzule de la vallée de Purettu Brandu. Siège de la confrérie à Purettu.

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Dans les villages du Cap Corse, le Jeudi saint et le Vendredi saint, les confréries rivalisent d’adresse pour tresser la plus belle palme (palmu, pullèzzula) qui surmontera la croix. C’est une armature métallique ou en bois qui est habillée pour obtenir a pullèzzula. Ces armatures ont deux formes : rondes pour les hommes, en cœur pour les femmes. Le tressage commence le Lundi saint après la bénédiction des palmes par le curé, e palme sò benedette (fig. 8a). Les traditions changent d’un village à l’autre. À Purettu, les hommes et les femmes tressent ensemble (fig. 9) ; à Pozzu, seuls les hommes tressent ; à Erbalunga et à Brandu, le tressage est réservé aux femmes (fig. 10). Les feuilles, assouplies par trempage, sont fendues (sbaccà a fetta) (fig. 11) pour éliminer les nervures. Il faut des feuilles

8a. Les panzarotti accompagnent souvent les tresseurs à Erbalunga ! 9. Hommes et femmes tressent à Purettu Brandu. 10. À Erbalunga, le tressage est réservé aux femmes. 11. La feuille est assouplie et fendue. Purettu. 12. Les feuilles servent à masquer la tige de la branche. 13. Tressage à huit feuilles à Erbalunga. Claire Cordoleani. 14. Rìcciuli. Erbalunga. 15. Les thèmes sont souvent liés à la mer. Erbalunga.

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très souples pour le tressage (fig. 12). On peut tresser divers volumes, i ricci, à quatre ou huit feuilles (fig. 13). Les rìcciuli sont des petites boules (fig. 14) et i marzapanni sont de grands motifs pyramidaux. Les 11

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thèmes sont d’inspiration religieuse et d’une grande diversité, souvent liés à la mer (fig. 15) et au culte de saint Érasme dans le Cap Corse. Les motifs changent chaque année.

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Parfois dès le lundi, au plus tard le mercredi, les villageois, surtout des femmes, préparaient u sepolcru, le sépulcre ou le reposoir. Les statues des saints étaient voilées en signe de deuil (fig. 1). Le Christ en croix, une statue articulée, ou parfois un gisant, étaient placés dans une chapelle latérale ou devant l’autel, selon les églises (fig. 2). De belles étoffes étaient disposées autour, puis on le décorait de fleurs. Cela représentait le Christ au tombeau, devant lequel viendront se recueillir les fidèles durant les cérémonies de Pâques.

À Albertacce, le Jeudi saint, les enfants faisaient le tour du village avec des crécelles, e battachje. Les filles portaient un grand mouchoir, u mandille, et allaient de maison en maison pour récolter de l’argent en disant : « Pè u santu sepolcru ». Avec cet argent, elles achetaient des fleurs pour décorer le sépulcre. On appelait cela « u primu di l’uffiziu ».

« Dans les temps, raconte Michel Peretti à Purettu, l’autel était recouvert (fasciatu) d’une grande toile blanche et d’une autre toile bleue. Les colonnes de l’église étaient ornées de sparagus et de camélias rouges. Sur les gradins, il y avait aussi des voiles blancs avec des plats de lentilles germées sur chaque marche de l’autel. »

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Sa construction diffère beaucoup selon les villages. Il peut être monumental, avec une architecture en bois tendue d’étoffes rouges ou blanches (fig. 2). Parfois, c’est la chapelle elle-même qui est recouverte de tentures. Dans le sepolcru de Borgu, le Christ est placé sur un catafalque et il est recouvert d’un voile blanc (fig. 4). Dans d’autres reposoirs, le Christ est voilé de noir. À Bastia, le Christ est dans une niche vitrée. Le reposoir est fleuri et on place du blé germé.

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1. Statues voilées dans l’église de Borgu.

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2. Le sépulcre d’Erbalunga se trouve dans une chapelle latérale de l’église. 3. Sépulcre de l’église d’Erbalunga. 4. Sépulcre de l’église de Borgu. 5. Sépulcre de Viscuvatu.

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À Viscuvatu, le reposoir, u sepolcru, était fleuri avec les fleurs des jardins environnants. Pour que les fleurs ne fanent pas, on changeait très souvent l’eau des vases (i vasetti), même la nuit. Les femmes répandaient aussi du parfum pour que le reposoir sente bon (fig. 5). Chaque famille amenait une lampe à huile allumée qui était déposée près du Christ qui était veillé toute la nuit. On ne laissait jamais le reposoir seul.

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À Bisinchi, le sépulcre était entouré d’aubépine. À Calvi, le Christ est sur un lit de romarin, u rosumarinu (fig. 6). Quand il y avait un mort dans les maisons de Balagne, on mettait du romarin dans la chambre du mort car cette plante sent très fort. Elle est depuis associée à la mort, c’est pourquoi on l’utilise pour orner le sépulcre. Le buis, l’arbousier, le lierre,

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Vendredi saint 1

Dans le Cap, la procession du Vendredi saint, sur les communes de Brandu et San Martinu di Lota, est nommée a cerca (fig. 1). Plusieurs confréries, partant chacune de leur église, suivent un même parcours, très long, de reposoir en reposoir. A cerca, du verbe circà, chercher, évoque l’idée de quête, de recherche, que l’on retrouve dans le long parcours de cette procession qui s’étend sur plus de quatorze kilomètres.

A cerca L’origine de ce type de procession est controversée. Pour certains, il s’agit d’un droit de mendier accordé au Moyen Âge à tous ceux qui avaient fait vœu de pauvreté, et c’était aussi une condition de survie des ordres mendiants. Une théorie contestée par l’Église qui affirme que la cerca est la recherche du Christ enlevé de la croix après sa mort. Pour les villageois, elle représente la Vierge Marie qui cherche son fils (fig. 2).

Dans la vallée de Lota, ce sont les confréries de San Martinu, Ficarella, Mandriale, Miomu qui entament cette très longue procession. À Brandu, tôt le matin, à 7 heures 30 ou à 8 heures selon les époques, les quatre confréries d’Erbalunga, Castellu, Pozzu et Purettu se visitent en tournant dans la vallée, de chapelles en églises, sur quatorze kilomètres, pendant près de cinq heures. La confrérie qui reçoit fait une parata à la confrérie qui lui rend visite (fig. 3). 2

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Les hommes viennent en tête, vêtus d’habits de confrères (àbitu). Ils sont guidés par trois massiers, i mazzeri ou masseri di capu, qui portent, l’un, une masse avec une image sainte, les deux autres, une masse terminée par une pomme de pin dorée (fig. 4). Derrière, un homme porte une

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4 1. A cerca à San Martinu di Lota. 2. Procession di a cerca à Purettu au début du XXe siècle. Coll. Guy Savelli. 3.

Parata à Notre-Dame-des-Neiges. Purettu Brandu.

4. Les masseri ouvrent la procession. 5. Pullèzzula. Elle coiffe la grande croix.

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croix noire drapée d’un voile blanc suivi par le porte-croix avec la grande croix des hommes ornée de pullèzzule (fig. 5). C’est le « Christ des hommes », porté par le même homme, nu-pieds, durant tout le parcours ; derrière suivent la confrérie, puis les fidèles.

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6 6. La faldetta bleu était autrefois en soie épaisse et se transmettait de mère en fille. 7. Faldetta. 8. Crécelle. 9. Procession au début du XXe siècle. Les femmes portant la bannière ouvrent la procession. 10. La procession marque une halte au sanctuaire de Lavasina. Carte postale ancienne. Coll. Terry Campana. 11.

La procession kilomètres.

parcourt

quatorze

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en fils. A cerca se déplaçait au bruit des crécelles qu’agitaient les enfants (fig. 8).

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Ensuite viennent les femmes ; une femme porte le « Christ des femmes » qui est une lourde croix ornée, elle aussi, de palmes tressées. Elle est encadrée par deux femmes portant un cierge, derrière suivent les autres femmes et deux massiers chargés de faire régner le silence. Les femmes portent a faldetta, une jupe bleue relevée sur la tête (fig. 6 et 7). Les chants, le Stabat Mater et le Perdono mio Dio, s’égrènent sur des versi différents. Des Lode sont aussi chantées dans les diverses églises, sur des airs qui varient selon les personnes et les villages, parfois en corse, parfois en italien selon E. Ricci. Ces mélodies étaient transmises de père

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E. Ricci décrit la procession qui partait d’Erbalunga (fig. 9 et 10). Dès l’aube, les gens se rassemblent devant l’église Saint-Érasme d’Erbalunga, vers sept heures à l’époque de E. Ricci, à huit heures actuellement. La procession se met en place et entame son long parcours de reposoir en reposoir : a Madonna di u Cà, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, puis Santa Catalina à Musoleu, u Castellu, Sant’Antonu, Santa Maria, puis monte à San Ghjiseppu point culminant de la procession. Puis sur le territoire de Pozzu (fig. 9) : Église San Bartulumeu, puis San Ghjuvani Battista, a Nunziata à Purettu, puis descend au sanctuaire de Lavasina (fig. 10) et en suivant le bord de mer, rejoint Erbalunga. À chaque reposoir, les fidèles chantent le Stabat Mater, puis une prière finale en corse (fig. 11). Les trois autres villages (Castellu, Pozzu, Purettu), qui sont sur le parcours, ont eux aussi des processions identiques qui démarrent à la même heure et tournent sur le même territoire sans se croiser.

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