L'expérience de l'urgence - Valentine Chauvet & Alice Roux - Rapport de PFE part.2

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ii. S’immerger sur le terrain L’expérience de l’urgence



Livret n°2

Un temps pour habiter, à temps pour s’abriter Reconstruire le village de Breil-sur-Roya après la tempête

Valentine Chauvet Alice Roux

Projet de fin d’études sous la direction de Catherine Rannou, Vincent Laureau, Marc Dilet, Edith Akiki Rapport de PFE DE Expérimental : &co-systèmes ENSA Paris Val-de-Seine - JUILLET 2021

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Remerciements

Nos remerciements s’adressent à tous ceux qui, directement ou indirectement, nous ont aidées et soutenues dans la réalisation de ce travail. Nous souhaitons remercier en particulier tous ceux qui nous ont accueilli avec hospitalité et que nous avons rencontré lors de nos séjours sur place.

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Sommaire

Avant-propos

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I. Découverte de l’urgence

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Contexte Déroulement Bilan II. Permanence de la crise

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Contexte Déroulement Bilan III. Transition vers un retour à la normale

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Contexte Déroulement Bilan Conclusion

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Avant-propos

Nous avons réalisé ce second livret afin de documenter notre expérience du terrain, dans l’esprit d’un journal de bord. Nous nous sommes rendues trois fois, à quelques mois d’intervalle, dans le village de Breil-sur-Roya, que nous ne connaissions pas avant sa médiatisation liée aux inondations du 2 octobre 2020. Nous n’avons donc jamais vu le territoire de la vallée de la Roya sans les dégâts et traces de la catastrophe. Ainsi, nous souhaitons par le récit de nos trois voyages, retranscrire l’expérience particulière d’un temps dont nous avons été témoins pour la première fois : celui de l’état de crise et de l’urgence post-catastrophe d’une région, afin de mieux comprendre ce territoire et concevoir un projet qui lui est adapté.

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I. Découverte de l’urgence du 26 octobre au 30 novembre 2020

Fig. 1 : L’urgence dans le village de Breil Photographie personnelle

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Contexte Après avoir choisi de travailler autour de la thématique des inondations du 2 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes, nous avions pour objectif de nous rendre rapidement dans une des trois vallées touchées par la tempête Alex et d'y trouver notre site de projet. Nous ne possédions alors aucune information sur la situation actuelle et comment s'organisaient les communes, hormis celles, assez sommaires, communiquées par les médias lors de l’évènement. Nous avons dans un premier temps essayé de prendre contact avec des instances et organismes présents sur place, tels que les mairies de plusieurs villages, l'ONG des Architectes de l’urgence, le CAUE du 06, l’association des Architectes des risques majeurs, ainsi que celle des Week-ends Solidaires, afin de nous intégrer directement aux chantiers organisés sur place et d'avoir un point de chute dès notre arrivée dans la région. N’ayant reçu que très peu de réponses claires, nous avons préféré entrer directement en contact avec les habitants des vallées touchées. Grâce aux informations relayées par les journalistes de France 3 Provence, nous avons très vite intégré le groupe Facebook d’ « Entraide aux sinistrés du haut pays des Alpes Maritimes » et avons été mises en relation avec Marylène, adjointe au maire et responsable des bénévoles dans le village de Breil-sur-Roya.

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Fig. 2 : Premiers échanges avec le groupe Facebook de l’entraide Internet, consultable sur https://facebook.com

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Ce contact, ainsi que l'accès facile en train depuis Paris nous ont convaincues de partir pour Breil-sur-Roya un peu moins d'un mois après la catastrophe, juste avant le confinement de novembre, afin de découvrir la vallée, de recenser les organisations mises en place pour gestion de la crise, et de nous laisser porter par les rencontres et les opportunités sur place.

Déroulement Lundi 26 octobre 2020 : Arrivée à Nice à 23h et nuit dans une auberge de jeunesse près de la gare.

Mardi 27 octobre 2020 : Départ à 10h depuis la gare de Nice pour atteindre le village de Breil-sur-Roya via le Train des Merveilles. Le « Pass Intempéries », qui offre la gratuité du trajet en train à tous les bénévoles venus aider, nous permet de découvrir une partie de la vallée depuis la fenêtre du train, et d'apercevoir les dégâts de la crue pour la première fois. Après une heure de trajet, nous nous arrêtons à la gare de Breilsur-Roya et nous mettons à la recherche de personnes pouvant nous informer sur les chantiers bénévoles organisés dans la journée. Un groupe d’une vintaine de retraités niçois nous propose alors de les accompagner sur le chantier d’un particulier dans les hauteurs du village, dans le vallon de la Lavina, un des affluents principaux de la Roya. Nous les suivons et

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Fig. 3 : Arrivée à Breil-sur-Roya Reproduction personnelle

Fig. 4 : Pass intempéries pour le train des Merveilles Photographie personnelle

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Fig. 5 : Itinéraire du premier chantier Itinéraires Google Maps

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commençons notre voyage. Le but de ce chantier est de déplacer une partie des pierres qui avaient été charriées par la Lavina lors de la crue d’octobre, afin de libérer à nouveau le jardin de Roger, le propriétaire de la maison et du terrain. Ce premier chantier nous a vite permis d’appréhender pour la première fois la catastrophe et les dégâts qu’elle a pu provoquer, mais également de comprendre que ce n’était pas seulement la Roya qui avait débordé, mais bien tous les cours d’eau de la région qui, s’alimentant les uns les autres, avaient fini par faire déborder la Roya de son lit majeur. Nous avons ainsi pu rencontrer plusieurs profils de bénévoles, tous impliqués dans diverses initiatives solidaires chaque weekend. Nous avons également découvert le principe de restanques : les murets de pierres sèches traditionnels de la région qui permettent de retenir la terre de la pente et de cultiver sur les terrasses alors créées. A la fin de l’après-midi, nous décidons de redescendre à pied à Breil afin de trouver un endroit pour passer la nuit. Nous découvrons enfin l’ampleur des dégâts dans le village : le lac que nous avions vu sur les cartes postales est désormais vide, recouvert de machines bruyantes et de tas de pierres, tandis que le village fourmille de bénévoles en provenance de toute la France, d’ouvriers et d’habitants en action !

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Fig. 6 : Journée de chantier chez Roger Reproductions personnelles

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Fig. 7 : Journée de chantier chez Roger Photographies personnelles

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Fig. 8 : Journée de chantier chez Roger et découverte des abords de la Lavina Photographies personnelles

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Fig. 9 : Retour dans le centre de Breil Photographies personnelles

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Nous nous rendons au gymnase de Breil, espace alors utilisé pour le stockage des dons de bouteilles d'eau, de nourriture et de vêtements pour les sinistrés de la vallée, afin d’y rencontrer Marylène, la responsable des bénévoles que nous avions déjà contactée sur Facebook. Elle nous dirige très vite vers le « Quai B », l'ancien bâtiment désaffecté des douanes, situé sur le quai de la gare de Breil, dans lequel nous allons passer la nuit. Nous prenons chacune un lit de camp militaire, réquisitionnés suite à la tempête, et rejoignons Kristine, bénévole assurant l’accueil des personnes dans le besoin au Quai B. Nous nous installons dans le bâtiment des douanes abandonné par la SNCF depuis plusieurs années, et cuisinons puis partageons le dîner avec les quelques bénévoles également présents ce soir-là.

Mercredi 28 octobre 2020 : Réveillées par les annonces SNCF des premiers trains et le bruit des hélicoptères, nous partons à la recherche de nouveaux chantiers bénévoles dans Breil. Nous nous rendons tout d’abord dans la DZ : un hangar désaffecté de la SNCF surnommé « Drop Zone » puisqu’il se situe à côté de la zone d’atterrissage des hélicoptères. Cet espace a été réquisitionné afin de stocker une partie des dons récoltés, pour ensuite les «palettiser» et les envoyer par hélicoptère jusqu’aux villages plus au nord de la vallée, dont l’accès par la route est désormais impossible. Les bénévoles présents trient les dons par catégories (brosses à dents, conserves, savons, etc.), les rangent dans des cartons puis empilent ces cartons sur une palette, qu’on enveloppe de film plastique et qui sera ensuite

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Fig. 10 : Rencontre avec Marylène après le chantier Reproductions personnelles

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Fig. 11 : Découverte du gymnase et du quai B Photographies personnelles

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Fig. 12 : Passage de la soirée au quai B Reproduction personnelle

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Fig. 13 : Réveil sur le quai de la gare Photographie personnelle

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tractée par l’hélicoptère jusqu’à d’autres villages. Alex, nouvel employé de la CARF (Communauté d’Agglomération de la Riviera Française), nous emmène d’ailleurs voir les dégâts qu’ont provoqués les inondations dans les alentours du village. Nous revenons ensuite à Breil et découvrons la cuisine solidaire mise en place à côté du gymnase après la catastrophe. C’est ici que tous les bénévoles et habitants se retrouvent pour manger. Pascal, traiteur dans les Alpes Maritimes, a en effet décidé de venir avec son équipe installer sa cuisine à Breil-sur-Roya afin de nourrir gratuitement le village pendant la crise. Nous poursuivons notre journée en aidant au tri des montagnes de dons de vêtements empilés dans le gymnase ainsi que dans la friperie solidaire, créée pour l’occasion dans le bâtiment du Quai B, celui où nous dormons. Les vêtements y sont triés par tailles et genre pour que tous les sinistrés puissent récupérer les vêtements dont ils ont besoin pour survivre après la catastrophe. La SNCF a donné son accord pour que durant quelques mois ces locaux soient réquisitionnés par la commune et soient ainsi accessibles à tous.

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Fig. 14 : Travail de tri et «palettisation» dans la DZ Photographies personnelles

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Fig. 15 : Les impacts de la tempête autour de Breil Photographies personnelles

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Fig. 16 : Les dispositifs mis en place pendant l’urgence : la cuisine et la friperie solidaire Photographies personnelles

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Fig. 17 : Carte des dispositifs d’urgence Reproduction personnelle

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Fig. 18 : Le tri des dons, rencontre avec Alex, visite du centre ville Reproductions personnelles

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Fig. 19 : Les dégâts dans la mairie de Breil Photographies personnelles

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Enfin, nous allons visiter une partie du centre-ville ancien du village et découvrons les dégâts qu’a provoqués l’inondation à l’intérieur mêmes des immeubles : les rez-de-chaussée et les caves de toutes les habitations prés de la rive ont été remplis de boue, y compris ceux de la mairie et de l'office de tourisme. Nous passons également devant la « Maison des sinistrés », espace réservé aux délogés afin de les aider dans les démarches administratives et juridiques liées à la perte ou à la destruction de leurs habitations. Nous passons à nouveau la soirée et la nuit au Quai B, où nous discutons et faisons de nouvelles rencontres chaque soir, suivant les bénévoles qui y sont logés.

Jeudi 29 octobre 2020 : Nous décidons ce matin, en compagnie de trois autres bénévoles, de partir à Tende afin d’aller voir la situation et d’apporter un coup de main dans ce village encore enclavé et accessible uniquement par le train. Il s’agit du village le plus au nord de la vallée, situé à 815 mètres d’altitudes. Nous nous rendons en train jusqu’à Saint-Dalmas de Tende, hameau de Tende et dernier arrêt encore desservi par le train, puis faisons de l’autostop pour parvenir jusqu’à Tende. A notre arrivée là-bas, nous tentons de proposer notre aide au PC Crise du village, où s’activent les pompiers, la sécurité civile et quelques bénévoles tendasques, sans résultat. Nous rencontrons finalement plusieurs habitants qui nous racontent la difficulté du village à rebondir après la catastrophe. Près d’un mois après la tempête, aucune réelle organisation

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Fig. 20 : Journée passée à Tende Reproductions personnelles

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bénévole n’est mise en place : les habitants font la queue à la seule supérette ouverte et sont rationnés sur les quantités, tandis que plus bas dans la vallée, à Breil notamment, les dons de nourriture affluent en abondance toute la journée. La mairie n’est pas encore parvenue à gérer la crise et ne souhaite apparemment pas déléguer de son pouvoir à l’initiative des bénévoles qui sont pourtant nombreux à affluer et proposer leur aide aux habitants. Après une brève mission de déchargement d’hélicoptère, nous sommes voués à arpenter le village tout le reste de la journée, et essayons alors d’observer et de comprendre le décalage des réactions possibles face à l’urgence. Nous reprenons plus tard le train, un peu déçus de n’avoir pu aider, et rentrons à Breil pour y passer notre dernière nuit.

Vendredi 30 octobre 2020 : Il est temps de rentrer, le confinement est désormais en vigueur dans toute la France. Nous saluons nos nouveaux amis et reprenons le train des Merveilles en direction de Nice. Le trajet nous paraît alors bien moins étranger qu’à l’arrivée, puisqu’il raconte désormais une toute autre histoire.

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Fig. 21 : Arrivée par le Train des Merveilles à Tende Photographies personnelles

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Bilan Ce premier séjour a été extrêmement enrichissant : il nous a permis de mettre des images et des visages sur les informations théoriques que nous avions consultées avant de partir, mais aussi de nous approprier, pendant plusieurs jours, l'atmosphère particulière post-catastrophe, tournée vers le court terme, l'entraide et le partage. C'est ce contexte qui a fait que nous nous sommes intégrées si facilement, et que nous avons tissé des liens aussi rapidement avec les personnes que nous rencontrions. Tout le monde était à l'extérieur, encore abasourdi par ce qui s'était passé mais actif et disponible, que ça soit pour donner un coup de main, raconter sa version des évènements ou nous montrer les dégâts qu'il.elle trouvait le plus impressionnants. Nous avons découvert un territoire qui nous était totalement inconnu, séduisant par ses paysages variés et son patrimoine architectural riche, par son climat doux même en automne mais surtout par ce contexte fébrile si particulier, où plus personne ne parlait du Covid ni ne portait de masque, et où chaque habitant, quelque soit son origine ou son milieu, déjeunait à la cuisine solidaire sur les longues tables disposées à l'extérieur. Ce climat de solidarité et d’entraide nous a permis de rencontrer énormément de personnes dévouées, de se sentir utiles, et de vivre véritablement au cœur de l’urgence en dormant dans la gare et en participant aux chantiers bénévoles. Toutefois, ce séjour nous a également permis de constater les nombreuses difficultés rencontrées lors de la gestion d’une crise de cette ampleur, même dans un village de 2200 habitants comme Tende ou Breil-sur-Roya.

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Il ne dépend souvent que de quelques personnes volontaires et organisées pour faire de cette entreprise un succès : le jeune maire de Breil (26 ans) et son équipe ont ainsi du apprendre à réagir vite et à déléguer certaines taches aux masses de bénévoles venus aider, quand dans d’autres villages comme Tende, la mairie, par peur de prendre des décisions hâtives, s’est retrouvée submergée par la situation. C’est dans ce contexte que sont mis en valeur les conflits qui peuvent exister de base entre les populations des villages : royasques natifs et nouveaux arrivants, membres de la mairie et ceux de l’opposition, etc. Nous retenons néanmoins cet élan de solidarité de la part du département entier, et entre tous les bénévoles et sinistrés que nous avons rencontrés.

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II. Permanence de la crise du 7 janvier au 11 janvier 2021

Fig. 22 : Le dernier repas de la cuisine solidaire Photographie personnelle

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Contexte Dès le mois de janvier, après plusieurs semaines de recherches théoriques, nous avons décidé de retourner dans la vallée, afin cette fois de visiter et faire les relevés des différents sites de projet que nous avions déterminés. Nous avions en effet pour objectif de travailler sur des terrains situés à tous les étages de la montagne : collinéen, montagnard, alpin et nival. Nous souhaitions également confronter nos premières impressions de la vallée après la catastrophe à la situation trois mois après la tempête Alex, et appréhender le territoire dans un contexte hivernal. Nous avons alors à nouveau posté un message sur le groupe Facebook d'entraide aux sinistrés afin de connaître la situation sur place et de trouver un hébergement pour le séjour. Lola, une jeune habitante de Breil, a alors proposé de nous loger chez elle pendant ces quelques jours.

Déroulement Jeudi 7 janvier 2021 : Nous prenons le train depuis Paris tôt le matin, afin d’arriver à Breil dans l’après-midi. Une fois sur place, nous nous dirigeons directement vers la DZ, lieu de rendez-vous donné par Lola, et retrouvons quelques bénévoles rencontrés lors du premier séjour. L’ambiance du lieu n’a pas vraiment changé : les habitants et bénévoles s’y retrouvent toujours, et même s’il y en a moins, les palettes de cartons continuent d’être assemblées et acheminées

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Fig. 23 : Demande d’hébergement pour le second voyage Internet, consultable sur https://facebook.com

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dans les villages de la vallée. Nous partons donc chez Lola avec son chien Peyote et Hélène, une autre bénévole. Son ancienne maison ayant été détruite par les inondations, Lola, jeune agent immobilière venue s’installer il y a quelques années à Breil, s’est fait prêter une maison par un de ses clients. Celle-si est située dans les hauteurs de Breil dans le vallon de la Maglia. Ni Lola ni nous n’avons de voiture, nous marchons donc près d’une demi-heure à côté de la nationale puis des cultures d’oliviers pour l’atteindre. Nous passons la soirée avec ces deux femmes, que nous apprenons peu à peu à connaître, et comprenons vite que la maison dans laquelle nous sommes hébergées gratuitement est un lieu d’accueil pour les bénévoles depuis la tempête. En effet, Lola, temporairement logée dans cette maison trop grande pour elle, a proposé à tous ceux qui en manifestaient le besoin d’y séjourner le temps de leurs chantiers.

Vendredi 8 janvier 2021 : Nous partons de la maison de bonne heure afin de visiter un des sites que nous avons choisis : celui est situé dans une forêt de conifères au nord-est du village et nous paraît assez difficile d’accès (Google Maps nous a prédit la veille une randonnée de plus de 2h). Nous commençons par traverser des cultures d’oliviers en restanques, puis grimpons peu à peu vers la forêt, en passant par des sentiers plutôt vertigineux, des ponts audessus du vide et d’autres qui n’existent même plus. La neige ne facilite pas la suite de la marche et le chemin devient de plus en difficile : certains passages ont été abîmés par les fortes précipitations d’octobre.

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Fig. 24 : La maison de Lola, dans les hauteurs de Breil Photographies personnelles

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Fig. 25 : Itinéraire de la randonnée pour la visite du site à l’étage subalpin (vallon de la Maglia) Itinéraire Google Maps

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Après 3h de marche, nous n’avons encore rencontré personne et nous ne nous trouvons qu’à la moitié du parcours. Nous décidons donc, sans avoir atteint le site, de faire demi-tour afin de ne pas nous retrouver en pleine montagne lorsque le soir commencera à tomber. C’est à ce moment-là que nous rencontrons Leandro, habitant d’un hameau de la Maglia. Il propose gentiment de nous raccompagner à la gare en voiture et nous en profitons pour lui parler de notre projet. D’origine italienne, il a étudié à l’école des Beauxarts de Bruxelles et s’est installé dans la vallée il y a quelques mois avec sa copine. Très intéressé par l’architecture et luimême artiste-menuisier, il nous parle de son projet de créer une communauté autonome d’artisans autour de sa maison actuelle. Il nous montre d’ailleurs des photos de la construction de sa première cabane en bois. Cette rencontre inespérée nous permet d’entrevoir la diversité des habitants qui peuplent de la vallée : de plus en plus de jeunes urbains viennent aujourd’hui s’installer ici dans le but de retrouver un mode de vie plus proche de la nature. La marche ne nous a donc pas permis de découvrir ce que nous attendions, mais a ouvert notre réflexion à de nouvelles idées et de nouveaux profils ! Nous rentrons finalement à Breil et passons une soirée chaleureuse aux côtés de plusieurs bénévoles chez Lola.

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Fig. 26 : Randonnée dans le Vallon de la Maglia Photographies personnelles

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Fig. 27 : Randonnée dans le Vallon de la Maglia : hauteurs enneigées Photographies personnelles

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Samedi 9 janvier 2021 : Aujourd’hui est prévue la randonnée pour visiter un autre de nos sites de projet, cette fois plus accessible, dans les hauteurs de Breil, dans le quartier de la Pinéa. Nous prenons la route du col de Brouis (D2204), la seconde départemantale qui dessert le village et découvrons les terrains et maisons situées à l’Ouest du village, mieux orientés et plus huppés que les quartiers que nous avions vus jusqu’alors. Après 1h30 de marche dans le vent hivernal, nous parvenons au terrain convoité, étagé en restanques comme tous les jardins du village. Nous l’arpentons, le photographons et y découvrons de petites constructions en bois ou en pierre à moitié abandonnées, certainement d’anciennes bergeries ou abris à récoltes. Nous revenons finalement au village en passant un chemin que nous n’avions jamais emprunté, et nous retrouvons au-dessus du plateau de la gare de Breil, un des sites sur lesquels nous aimerions également travailler. Il s’agit du seul terrain plat du village, aplani dans les années 1920 au même moment que la contruction de la gare et de la ligne ferroviaire. Il y a ce jour-là un peu d’activité sur le plateau, au niveau de la DZ où quelques bénévoles s’activent encore pour trier les dons, ainsi qu’autour d’un des hangars qui abrite les locaux d’une entreprise de construction. Nous faisons le tour du site et retournons chez Lola avant le couvre-feu pour y passer la soirée et préparer un bon repas avec les autres bénévoles.

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Dimanche 10 janvier 2021 : Nous décidons aujourd’hui d’aller marcher dans les hauteurs de Breil, toujours dans le quartier de la Pinéa mais sur l’autre rive de la Lavina cette fois, pour prendre des vues d’ensemble du site que nous avons arpenté la veille. Nous emmenons Kristine avec nous, une bénévole que nous avions rencontrée lors de notre premier séjour et avec qui nous avions immédiatement sympathisé. Elle vit à Nice en temps normal, mais cela fait maintenant 3 mois qu’elle s’est installée à Breil puisqu’elle est responsable de l’accueil des bénévoles dans des Algeco récupérés par la mairie. Après la marche, elle nous propose de faire un tour dans le centre-ville historique que l’on connaît finalement assez peu. Les ruelles y sont étroites et sombres, et les rez-de-chaussée accueillent peu de commerces. Sur la porte de plusieurs immeubles sont placardés des arrêtés de péril imminent, indiquant leur destruction prochaine. En repassant par le gymnase, nous assistons à la fermeture définitive de la cuisine solidaire qui avait ouvert ses portes 3 mois plus tôt et n’avait cessé de cuisiner matin et soir pour bénévoles et sinistrés. La friperie solidaire doit elle aussi bientôt fermer afin que la SNCF récupère ses locaux. En discutant avec les bénévoles encore en action, nous comprenons que la fatigue commence à gagner les troupes.

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Fig. 28 : Itinéraire de la randonnée pour la visite du site à l’étage collinéen (quartier de la Pinéa) Itinéraire Google Maps

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Fig. 29 : Découverte des ruines du site Photographies personnelles

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Fig. 30 : Passage au-dessus du plateau de la gare Photographies personnelles

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Nous passons notre dernière soirée chez Lola, avec les quelques bénévoles qui l’aident quotidiennement pour ses procédures adminisitratives liées au sinistre, l’entretien de la maison qu’on lui prête, l’organisation des repas, etc. Elle peut compter sur cette petite équipe attentionnée, qui sont devenus ses amis au fil du temps.

Lundi 11 janvier 2021 : Nous prenons les dernières photos nécessaires à notre travail sur le plateau de la gare et reprenons le train pour Nice, puis Paris.

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Fig. 31 : Vues depuis le site de la Pinéa Photographies personnelles

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Fig. 32 : Vues du site depuis l’autre côté du vallon Photographies personnelles

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Fig. 33 : Visite du centre-ville historique Photographies personnelles

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Fig. 34 : Les hangars du plateau de la gare Photographies personnelles

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Bilan Tout comme le premier, ce second séjour a été enrichissant pour nous, en nous faisant côtoyer des aspects de la vie à Breil que nous n'avions pas encore vus, l'effervescence des premières semaines passées. Être hébergées dans les hauteurs du village sur un des flancs de la vallée nous a permis d’explorer des zones bien plus sauvages de la commune, et donc d’avoir un aperçu des conditions de vie en montagne l'hiver, et notamment de la dureté du climat. A cette saison, le soleil n'éclaire directement que le fond de la vallée et même s'il ne neige pas, le froid peut être glacial : la vie s’arrête quelque peu et l’on reste chez soi. Nous avons également compris que l’état de crise, qui s’est prolongé depuis plusieurs mois, représente désormais un réel poids pour les habitants et les bénévoles restés sur place. Les conditions climatiques et la fatigue accumulée par les mois de travail ont ralenti le rythme des chantiers et des actions organisés par la population. Il est difficile de travailler la terre et les journées se finissent très tôt. Cette ambiance crée donc parfois de petits conflits et jalousies entre habitants (qui profite le plus des dons et de la bonté de certains bénévoles ?) et entre bénévoles (qui travaille le moins ? qui est le plus autoritaire avec les autres bénévoles ?). Nous avons aussi observé un phénomène paradoxal, : certains bénévoles, isolés et désoeuvrés chez eux, ont trouvé un vrai sens à leur vie en venant aider à Breil. Après avoir passé 3 mois sur place et s’être pleinement intégrés à la vie du village, ils ont du mal à rentrer chez eux et à retrouver la routine de leur quotidien. Des amitiés se sont créées, mais aussi de véritables liens de

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filiation, et même des histoires d’amour ! On ne quitte pas la Roya si facilement... Avoir rencontré des sinistrés de la tempête nous a également permis de comprendre la situation délicate dans laquelle ils sont aujourd’hui, alors que les aides promises par le gouvernement ne sont pas encore arrivées. Les dispositifs solidaires mis en place depuis la tempête s’arrêtent peu à peu mais les sinistrés, eux, n’ont pas pour autant retrouvé leur vie d’avant ! En effet, les transports ne sont pas encore rétablis, la plupart des maisons endommagées restent inhabitables : il faut donc envisager de nouvelles solutions pour survivre après la tempête. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’une partie des habitants commence à imaginer les manières de reconstruire. Des groupes de discussions avec les élus se mettent en place pour réfléchir au futur de la vallée : ils imaginent des nouvelles formes de construire de manière plus légère et souple avec le bois par exemple, sur le principe des passerelles type ponts de singe qui ont été construites un peu partout dans la vallée pour relier les rives entre elles lorsque les ponts anciens ont été emportés.

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III. Vers un retour à la normale du 30 mars au 2 avril 2021

Fig. 35 : Vue sur le centre ancien de Breil Photographie personnelle

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Contexte A la suite du rendu de février, nous avons pris le parti de déplacer la thématique de notre projet vers la question plus générale de l'accueil et de l'hospitalité inconditionnelle dans la vallée, notamment vis-à-vis des migrants. Il était donc primordial pour nous de retourner une nouvelle fois à Breil afin d’affiner nos recherches et d’apporter des précisions au projet, mais aussi de se réapproprier le site au regard des nouvelles thématiques abordées. Nous avons, cette fois encore, choisi de loger dans un nouvel endroit, avec des personnes que nous ne connaissions pas. En recontactant via Facebook une femme qui nous avait proposé un hébergement en janvier dernier, nous avons pu être logés chez Marie-Christine et Philippe, un couple installé depuis plus de quinze ans avec leurs enfants dans le centre-ville historique de Breil.

Déroulement Mardi 30 mars 2021 : Parties le matin en train depuis Paris, nous arrivons en milieu d’après-midi à la gare de Breil et nous dirigeons vers le centre ancien du village, que nous n'avions traversé qu'une seule fois jusqu'alors. Le village historique est situé dans un méandre de la Roya, face à ce qui fut l'ancien lac de Breil, vide depuis la tempête Alex.

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Fig. 36 : Arrivée dans le centre ancien de Breil Photographies personnelles

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Fig. 37 : Vues depuis l’appartement de Marie-Christine et Philippe Photographies personnelles

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Nous savons que nous allons devoir faire les relevés du centre pour élaborer notre nouveau projet, donc nous commençons sans tarder à sillonner les ruelles et les couréous (petites ruelles couvertes et en pente) avec nos sacs à dos, en attendant qu'arrivent Marie-Christine et Philippe. Nous profitons du calme et de la fraîcheur de l’endroit en nous arrêtant à la terrasse de « La Bonne Auberge », qui a hébergé les sinistrés dont la maison a été détrutie en octobre. Marie-Christine et Philippe nous accueillent ensuite dans leur appartement offrant une vue magnifique sur la place Biancheri, la chapelle Sainte-Catherine et l’ancien lac de Breil. Nous passons la soirée en leur compagnie : ils nous font goûter aux spécialités royasques et nous racontent leur parcours, la tempête, le bénévolat, etc. de leur point de vue d’habitant. Nous découvrons de nouvelles histoires, de nouveaux regards, de nouvelles personnes, qui alimentent encore notre connaissance du territoire.

Mercredi 31 mars 2021 : Nous profitons de notre situation idéale en centre-ville pour arpenter et relever précisément le tissu de ce centre historique. L’objectif est de repérer sur le cadastre les immeubles qui nous semblent habités, ceux qui sont vacants et ceux qui sont en ruines.

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Fig. 38 : Matinée dans le centre ancien Photographies personnelles

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Fig. 39 : Matinée dans le centre ancien Photographies personnelles

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Fig. 40 : L’ombre et la lumière dans le village Photographies personnelles

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Fig. 41 : Une cour dans Breil Photographie personnelle

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Plus tard dans la journée, nous avons rendez-vous avec Michel Braun, le président de l’Eco-musée du haut-pays et des transports, musée fermé depuis le confinement situé dans le hangar mitoyen à celui de la DZ. Il nous fait visiter l’intérieur du musée : nous arpentons l’espace plutôt sombre du hangar rempli de vieilles locomotives historiques et montons sur la mezzanine où se trouve une imposante maquette du réseau ferré de la vallée. C'est l'occasion d'observer la structure impressionnante du bâtiment, dont quelques travées ont été peintes en blanc afin d’illuminer l’espace. A l'entrée du musée, nous découvrons également la plaque tournante de 23 mètres de diamètre qui permettait autrefois de faire faire demi-tour aux wagons de train, lorsque la ligne de transport de marchandises était encore en activité. A la fin de la visite, Monsieur Braun nous propose un exemplaire des deux ouvrages qu'il a écrits sur l’histoire ferroviaire de Breil. Nous l'en remercions chaleureusement, car il s'agit là d'un puits d'informations sur les bâtiments du plateau de la gare !

Jeudi 1er avril 2021 : Nous repartons ce matin vers le plateau de la gare afin de faire le relevé précis de ses bâtiments. Nous avons trouvé la veille les plans, coupes et façades du hangar de la DZ ainsi que ceux de la gare en elle-même dans les livres offerts par Michel Braun. Il nous reste donc à faire les relevés de 2 bâtiments qui nous intéressent pour notre projet : celui qui accueillait autrefois les cheminots italiens ainsi que celui du «Quai B», ancienne douane où nous avions dormi lors de notre premier séjour.

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Fig. 42 : Le hangar de la ‘‘DZ’’ et la plaque tournante du plateau de la gare Photographies personnelles

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Fig. 43 : L’écomusée des transports de Breil, vues intérieures Photographies personnelles

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N’ayant jamais pu rentrer dans le bâtiment des cheminots, fermé au public et encore propriété de la SNCF, nous nous adressons aux services techniques de la mairie, relocalisés après la tempête dans des Algeco près de la DZ, afin d’avoir accès à l’intérieur et de le visiter. Les agents sont conciliants et l’un deux nous fait entrer : nous parcourons le grand couloir qui dessert les anciennes chambres de cheminots, qui ont visiblement aussi servi de squats pendant un certain temps. Aujourd’hui le bâtiment est abandonné et toutes les pièces sont remplies de vieux meubles et objets divers. Néanmoins, les hauteurs sous plafond et la lumière y sont très agréables, tout comme la fraîcheur apportée par les larges murs de pierre. Nous en profitons aussi pour passer voir ce qui se passe désormais dans la DZ toute proche, que l’on retrouve quasiment vide de ses habituels cartons. Quelques habitants que nous avions déjà croisés lors de nos séjours précédents font un barbecue devant le bâtiment, prouvant que cet endroit, lieu de retrouvailles des bénévoles en octobre garde toujours une fonction symbolique forte dans le coeur des breillois ! Nous continuons nos relevés et mesures dans les autres édifices du plateau, qui sont des hangars datant de la même époque : l’un d’entre eux est complètement abandonné, tandis que l’autre accueille les locaux de plusieurs entreprises de construction. Nous poursuivons cette longue journée autour de la gare en rencontrant Thibaut, un habitant de la vallée qui nous avait contacté via Facebook, très investi dans la reconstruction après les inondations et animé par plusieurs projets. Il souhaite ainsi nous rencontrer afin de discuter de son projet de réhabilitation du dernier étage du bâtiment de la gare. En effet, il aimerait

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Fig. 44 : Relevés des bâtiments du plateau de la gare Reproduction personnelle

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Fig. 45 : L’ancien bâtiment des cheminots italiens Photographies personnelles

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Fig. 46 : L’intérieur de l’ancien bâtiment des cheminots Photographies personnelles

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Fig. 47 : Les circulations du bâtiment Photographies personnelles

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imaginer des espaces de répétition et de spectacle dans le but de créer une offre culturelle dans le village. Nous échangeons avec lui sur le sujet et lui expliquons les grandes lignes de notre projet de diplôme, tout en comprenant qu’il y a sûrement eu méprise : Thibaut semble n’avoir pas compris que nous menons un travail prospectif et étudiant et que nous ne sommes pas encore officiellement des architectes pouvant l’aider à réaliser ses projets personnels... Nous gardons néanmoins son contact pour un potentiel futur échange. Nous terminons la journée en compagnie de plusieurs bénévoles dont Oleg, l’ancien gérant du camping de Breil, totalement détruit par la tempête puisqu’il se trouvait sur les berges de la Roya, dans son lit majeur. Oleg, qui habitait aussi le camping, a donc perdu son travail en même temps que son logement. Il nous raconte son arrivée dans la vallée après son départ de Russie, ses différents jobs et nous explique que malgré les sinistres qu’il a vécus, il est reconnaissant envers tous les gens qui lui ont tendu la main, notamment pour le reloger.

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Fig. 48 : Le hangar de la DZ Photographies personnelles

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Fig. 49 : Entrée nord de la DZ Photographie personnelle

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Fig. 50 : Intérieur d’un hangar du plateau Photographies personnelles

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Fig. 51 : Intérieur d’un hangar abandonné du plateau de la gare Photographies personnelles

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Vendredi 2 avril 2021 :

Après de nombreux mails, appels, et contacts sans réponse depuis octobre, ce dernier jour sur place est enfin l’occasion de rencontrer un membre d’Emmaüs Roya : c’est son président, Loïc Le Dall, qui accepte de s’entretenir avec nous pour nous parler plus en détail du processus d’intégration mis en place depuis quelques années par l’association. Nous le rencontrons sur le quai de la gare, une heure avant de prendre notre train. Loïc Le Dall est dans la vie surveillant au collège, mais aussi président (bénévole) de l’association fondée par Cédric Herrou en 2017 sous le nom Défend ta Citoyenneté. A l’époque, celle-ci défendait le droit à l’hébergement à moyen et long terme des migrants qui arrivaient dans la Roya. En 2019, elle a rejoint le groupe Emmaüs et est devenue la première communauté entièrement paysanne de France, ouverte à toutes les personnes en situation d’exclusion (demandeurs d’asile, SDF, personnes avec troubles psychiatriques, etc.) et installée sur les terres agricoles breilloises de Cédric Herrou. Loïc nous raconte le quotidien de la vie à la ferme avec les 6 compagnons actuels, qui logent chacun dans un petit bungalow de bois indépendant, perçoivent un salaire de 355/mois et sont tenus de participer aux travaux agricoles (oliveraie, verger, maraîchage, poulailler) ainsi qu’aux travaux ménagers et à la cuisine de la maison. «C’est comme un grande colocation finalement, avec 30 h hebdomadaires obligatoires de tâches ménagères et agricoles» ajoute-t-il, même si le processus d’intégration est encore expérimental et que ça n’est pas toujours évident de gérer la vie de ces personnes souvent

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Fig. 52 : Thibaut Lavigne et Oleg Photographies personnelles

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dépendantes. Hier Cédric a gagné son procès et est rentré fêter ça à Breil. Parallèlement, Emmaüs Roya s’agrandit et s’installe dans une nouvelle maison moins excentrée, proche du plateau de la gare. Il est ensuite temps de dire au revoir à tous et de rentrer à nouveau à Paris par le train des Merveilles…

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Fig. 52 : Loic Le Dall, président d’Emmaus Roya et Kristine Photos personnelles

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Bilan Ce troisième voyage, encore une fois très différent des précédents, nous a permis, au-delà de faire des relevés architecturaux précis, de confirmer et renforcer notre attachement pour cette vallée et ce village. La météo magnifique a bien sûr participé à apprécier le calme et la douceur de vie de la région dès le début du printemps. Il faut dire aussi que 6 mois après la tempête, l’urgence s’est peu à peu estompée pour laisser place au chantier de la reconstruction. Les chantiers bénévoles réunissent désormais des centaines de personnes chaque fin de semaine et sont organisés par l’association des Week-Ends Solidaires. Ils permettent de maintenir l’entraide et la solidarité dans la vallée et deviennent aussi et surtout un moyen de se retrouver. Ce séjour nous a également permis une véritable immersion au sein du centre-ville historique du village : son manque de lumière, ses hautes façades vétustes, son acoustique faite d'échos et de réverbérations, mais aussi sa fraîcheur bienvenue, ses courants d'air agréables et son ambiance hors du temps. Nous avons également pu observer de l'intérieur la vie d'une famille établie depuis plusieurs années : on nous a raconté la difficulté de s’installer en tant « qu’étrangers » dans la vallée et la manière dont la catastrophe leur a permis de se rapprocher des autres habitants. Bien que la tempête ait généré des flux de population importants et parfois pesants pour les locaux, causes de conflits dans les villages, elle a paradoxalement créé une nouvelle dynamique dans toute la région.

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Enfin, notre rencontre avec Loïc d’Emmaüs Roya nous a réellement permis d’appréhender la démarche de la communauté paysanne et de mieux imaginer la mise en place de notre projet dans ce contexte.

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Fig. 53 Photographie personnelle

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Conclusion

Au-delà de l'expérience du terrain, dont le but premier était d'élaborer et d'ancrer les fondations de notre projet, ces trois séjours sur place nous ont donné l'opportunité rare de nous immerger de manière totale dans un territoire qui nous était étranger. Ce processus de recherche par la pratique, l'action et le dialogue a été étoffé par la découverte, jour après jour, de nouvelles problématiques que nous n'avions pas anticipées et qui ont, à terme, enrichi le propos de notre projet. Quelque part, nous pensons sincèrement que ces 3 séjours, que nous avons tenté de retranscrire par l'écrit, la photo et la bande dessinée, sont devenus, plus que des outils, des éléments à part entière de notre projet. La démarche de partir sans rien prévoir et sans savoir ce que l'aventure nous réservera, de prendre part instantanément à l'action et de faire confiance aux gens que l'on rencontre, fait partie du projet et de notre réflexion globale sur l'accueil, l'hospitalité et bien sûr le refuge. Nous avons rencontré et même lié des amitiés avec des personnes de tous âges, tous milieux, venant de la France entière : bénévoles, habitants, sinistrés, élus, experts, architectes, etc. Tous ont été à leur manière des sources d’informations importantes et primordiales pour la compréhension du territoire de la Roya et pour l’élaboration de notre projet. Nous avons eu avec chacun d'eux un rapport parfaitement neutre, qui nous a permis de nous intégrer partout et de récolter tout type d'informations, parfois contradictoires, ce qui nous a aidé à

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comprendre les subtilités des relations et des conflits entre eux tous. Breil reste un petit village où, même en temps d'urgence, on parle les uns sur les autres... Enfin, cette expérience nous a donné le goût de travailler sur ces territoires méconnus, reculés et finalement « oubliés » par les théories et réflexions urbaines et architecturales plus métropolitaines. L'échelle de ces villages est pourtant intéressante en ce qu'elle permet la vraie participation de chaque citoyen à un projet, qu'il soit architectural ou politique. C'est ce que fait aujourd'hui Sébastien Olharan, maire de Breil, en organisant un rendez-vous Zoom tous les dimanche soir avec les habitants de la commune, pour proposer et débattre des actions mises en place par la mairie. Le principe de consultation pré-projet semble ici primordial ! Nous sommes donc motivées pour continuer à partager le fruit du travail de notre diplôme avec les contacts que nous avons sur place, afin de poursuivre la discussion et pourquoi pas inspirer des idées pour la future reconstruction !

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Fig. 54 Photographies personnelles

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