iII. Concevoir le projet Un refuge face aux risques du climat et de l’exil
Livret n°3
Un temps pour habiter, à temps pour s’abriter Reconstruire le village de Breil-sur-Roya après la tempête
Valentine Chauvet Alice Roux
Projet de fin d’études sous la direction de Catherine Rannou, Vincent Laureau, Marc Dilet, Edith Akiki Rapport de PFE DE Expérimental : &co-systèmes ENSA Paris Val-de-Seine - JUILLET 2021
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Remerciements
Nos remerciements s’adressent à tous ceux qui, directement ou indirectement, nous ont aidées et soutenues dans la réalisation de ce travail. Nous souhaitons remercier en particulier nos familles, nos amis et nos camarades de classe, qui nous ont accompagnées dans l’orientation et la réflexion de nos recherches, ainsi que tous ceux qui ont répondu à nos interrogations lors de nos entretiens ou nos séjours dans la vallée.
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Sommaire Avant-propos
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Introduction
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I. Un travail paysager à l’échelle du bassin versant
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. Libérer le lit majeur . Terrasser la pente . Entretenir la forêt . Maintenir les prairies de fauche II. Un travail programmatique à l’échelle du village
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Comment faire de la Roya un lieu accueillant et hospitalier pour ceux qui l’habitent et ceux qui y migrent ? 1. Héberger de manière temporaire 2. Intégrer à la vie du village 3. S’installer sur le long terme Comment prévenir et préparer au mieux la gestion de l’urgence en cas de nouvelle catastrophe ? 1. Accepter le risque inondation 2. Se réfugier 3. Sensibiliser au risque III. Un travail architectural à l’échelle du village
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. Développer des stratégies d’intervention liées au bâti existant . Valoriser les ressources locales . Rechercher le confort via une conception bioclimatique Conclusion Bibliographie
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Avant-propos
Ce troisième livret retrace le processus de conception de notre projet. Après avoir longuement analysé le territoire de la vallée de la Roya et l’avoir parcouru à trois reprises, il a fallu élaborer un projet qui synthétiserait toutes les informations variées que nous avions récoltées, et qui répondrait à toutes les questions que nous nous sommes posées en tant qu’architectes. Nous avons tenté de résumer ces dernières autour de deux problématiques principales : > Comment continuer à habiter ce territoire en s’adaptant aux risques naturels du climat ? > Comment rendre la vallée accueillante et hospitalière pour ses habitants actuels mais aussi pour ceux qui la traversent à la recherche d’une vie meilleure ? Il s’agit donc d’imaginer le futur plus ou moins proche de la vallée, et ce qu’elle pourrait être amenée à devenir.
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Fig. 1 : Accrochage de l’intégralité du travail du premier semestre Photographies personnelles
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Introduction
Le premier semestre de cette année a vu éclore 3 scéanrii de projet différents, qui tentaient tant bien que mal de répondre à ces questionnements à l’échelle de toute la vallée. Nous avions pris le parti de travailler sur 4 sites différents avec 4 programmes bien distincts, chacun à un étagement différent de la montagne (étage collinéen du village, étages montagnards et subalpins des forêts, et étage alpin des prairies d’altitude) pour traduire la diversité des paysages et des situations dans la vallée de la Roya. Mais les limites de ce projet quadripode nous sont vite apparues : nous manquions d’ancrage sur le terrain, de matière et d’informations sur ces sites que nous avions choisis sur Google Maps. Nous avons donc décidé au second semestre de nous concentrer sur un seul site précis dans la vallée, pour élaborer un projet qui rassemblerait tous les éléments de programme dont nous avions déjà parlé, et qui pourrait par conséquent développer plus de richesse et d’amplitude au niveau architectural. Nous avons ainsi ‘‘atterri’’ à Breil-sur-Roya, sur le site du plateau de la gare, qui dès le premier jour nous avait semblé évident tant toutes les activités liées à la gestion de la crise y étaient rassemblées. Nous sommes donc revenues à nos intuitions du début en choisissant ce plateau de 10,5 hectares comme le point de départ de tout notre projet, même si celui-ci se déploie dans un second temps jusqu’au centre ancien de Breil, autre point-clé du village que nous souhaitions travailler.
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Néanmoins, nous avons conservé toute l’approche paysagère du premier semestre comme introduction de notre projet actuel. En effet, sans un travail global de gestion de l’eau à l’échelle de tout le bassin versant, il est impossible de réduire l’impact des inondations sur les villages en contrebas de la vallée. Nous diviserons donc ce livret en deux parties : - une première qui traite de l’échelle du bassin versant, où nous proposons d’aménager et d’entretenir le paysage à tous les étagements de la montagne, pour minimiser le ruissellement des eaux au fond de la vallée en cas d’épisode méditerranéen - une seconde qui traite de l’échelle du village, où nous développons un projet architectural tourné vers l’hébergement et l’intégration des populations migrantes, en poursuivant néanmoins le travail de gestion de l’eau mais cette fois à une échelle plus macro.
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I. Un travail paysager à l’échelle du bassin versant
Fig. 2 : Entretien avec Pierre Brigode, hydrologue Reproduction personnelle
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Comment réduire à terme les impacts des inondations ?
Depuis qu’elle est habitée par l’être humain, la vallée de la Roya a été le théâtre d’aménagements paysagers particuliers, principalement liés à l’agriculture, jusqu’à atteindre à la fin du XIXe siècle l’apogée de l’exploitation agricole de son territoire. Ces aménagements se traduisaient par un déboisement important voire excessif des versants de la Roya et ses affluents, ainsi que le talutage progressif d’une grande partie de la vallée grâce aux restanques. On cultivait l’olivier, le châtaignier et les arbres fruitiers sur les terrasses ainsi créées, et on y mettait en place des systèmes de récupération et de stockage des eaux de pluie et de ruissellement (réseaux de canaux et de bassins de chaux et pierres sèches) pour pallier aux durs étiages d’été. A partir des années 1940, la guerre, puis l’exode rural ont entraîné une reforestation massive de la commune par abandon de nombreux quartiers agricoles. La majorité des paysages de restanques de la vallée, par manque d’entretien, ont été rendus à la forêt. En nous entretenant avec Pierre Brigode, hydrologue et maître de conférences à l’Université Côte d’Azur, nous avons réalisé que l’anthropisation du territoire au cours du temps a paradoxalement permis de réduire, dans une certaine mesure, les impacts des épisodes méditerranéens, et ce à tous les étagements de la montagne. A titre d’exemple, les restanques et talus végétalisés constituent un rempart contre l’érosion et l’écoulement rapide de l’eau de pluie. Au lieu de dévaler les pentes des montagnes, cette dernière s’infiltre en partie dans le sol aplani ou est récupérée dans les canaux et bassins de rétention dont dispose chaque foyer. Il s’agit de phénomènes
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peu significatifs à l’échelle d’un terrain, mais sur les 600 km2 du bassin versant, la quantité de tonnes d’eau en moins en bas de la vallée est incontestable. Il nous paraît donc capital de revenir à un entretien régulier des secteurs agricoles, forestiers et d’alpages, désormais très réduits au regard du passé, si l’on veut continuer à habiter cette vallée. C’est dans cette logique, que nous avons identifié pour chaque étagement de la montagne une démarche à suivre, et des aménagements paysagers à mettre en place pour pouvoir sur le long terme réduire la violence des inondations.
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Fig. 3 : La végétation selon les étagements de la montagne Philippe Mayoux / Fleurs des Pyrénées
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Fig. 4 : Les différents étages de la montagne dans le bassin versant de la Roya Reproductions personnelles
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Fig. 5 : L’aménagement paysager à l’étage du village au fond de la vallée Reproduction personnelle
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Libérer le lit majeur des constructions et de la végétation existante Etage du village au fond de la vallée (300 m d’altitude)
> Abattage des grands arbres situés dans le lit majeur de la rivière et de ses affluents, pour éviter tout risque d’embâcle en aval
> Aménagement de promenades inconstructibles et inondables aux abords des villages La végétation doit y être basse et les aménagements temporaires (tables, bancs, etc.) pour le printemps et l’été doivent pouvoir être retirés facilement au début de l’automne, avant l’arrivée des épisodes méditerranéens.
> Traitement naturel des berges Les digues et aménagements artificiels en béton le long de la Roya n’ont pas tenu lors de l’inondation du 3 octobre. Dans une démarche résiliente d’acceptation du risque et de la crue, le traitement des abords directs de la rivière doit se faire sans infrastructure particulière : pente en terre naturelle, chemins de terre, etc.
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Fig. 6 : L’aménagement paysager à l’étage collinéen Reproduction personnelle
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Terrasser la pente pour la cultiver et limiter le ruissellement de l’eau Etage collinéen (de 300 m à 1000 m environ) > Développement des terrassements en restanque partout où ces pratiques anciennes ont été abandonnées. Terrasser la pente de la montagne permet de réduire les phénomènes d’érosion, de ralentir le ruissellement de l’eau lors de fortes précipitations et de favorsier la capacité d’absorption des sols. Ces restanques de pierres sèches peuvent avoir une hauteur très variable (50 cm à 5 m), elles sont perméables et, bien que nécessitant une maind’oeuvre assez importante, peuvent être réalisées par tous les profils (hommes, femmes, jeunes et personnes âgées), ce qui est plutôt pratique pour les chantiers participatifs ! > Entretien de ces restanques par des agriculteurs et maraîchers locaux, qui y cultivent les produits typiques de la vallée : oliviers, châtaigniers, arbres fruitiers, maraîchage, élevage ovin et caprin. En effet, les restanques permettent une accumulation de terre arable sur une profondeur bien supérieure à ce qu’elle serait sans cet aménagement du sol. > Création de réseaux de canaux dans ces restanques pour capter et rediriger les eaux de pluie. Légèrement en pente, les restanques permettent l’écoulement des eaux de pluie vers des canaux de pierres sèches et chaux, qui dirigent celles-ci vers des bassins de rétention où elles sont stockées en attendant d’être utilisées (pour l’arrosage, l’élevage des bêtes, ou les besoins domestiques).
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Fig. 7 : L’aménagement paysager aux étages montagnard et subalpin Reproduction personnelle
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Entretenir la forêt afin de libérer ses cours d’eau Etages montagnard et subalpin (de 1000 m à 2000 m environ)
> Entretien des forêts de feuillus et de conifères en bordure des torrents pour ne pas encombrer le lit de ces derniers Abattage et élagage des arbres qui pourraient, en cas de crue du cours d’eau, être emportés par le courant et former des embâcles plus bas dans la vallée. Cet entretien nécessite la création de chemins supplémentaires dans les forêts pour pouvoi accéder aux torrents, ainsi qu’une main-d’oeuvre experte en sylviculture (agents de l’ONF).
> Construction de restanques dans le cours du torrent Les restanques en pierres sèches vont ici permettre de retenir les sédiments et alluvions transportés par le cours d’eau : petit à petit, ces dépôts forment une couche de terre plane, comme un petit terrassement dans le cours du torrent. Ceux-ci ralentissent la vitesse du torrent et permettent plus d’infiltrations en cas de fortes précipitations.
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Fig. 8 : L’aménagement paysager à l’étage alpin Reproduction personnelle
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Maintenir les prairies de fauche et limiter l’expansion de la forêt Etage alpin (de 2000 m à 2600 m)
> Abattage de certains conifères pour conserver le paysage ouvert de la prairie d’alpage Les prairies, en plus de constituer un écosystème unique, accueillent les lacs d’altitude et les sources des torrents, qui deviendront plus tard des rivières, jusqu’à atteindre la Roya. Elles constituent donc le premier maillon sur lequel travailler en ce qui concerne la gestion en eau du territoire, et doivent par conséquent être entretenues dans une certaine mesure.
> Maintien de la culture fourragère et de l’élevage extensif dans ces alpages Les estives des troupeaux permettent d’entretenir les prairies d’altitude et de limiter la croissance d’une végétation trop haute. De plus, les bêtes participent à la création des prés de fauche, où l’on génère du foin local pour l’hiver en bas de la vallée.
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A l'échelle globale de la vallée, ce projet paysager constitue pour nous une réponse assez complète à la question des inondations. Cependant, entretenir toute l'année un territoire aussi immense et sauvage représente un véritable travail de fourmi, qui nécessite du temps et de la main-d'oeuvre. Ceci présuppose donc la participation active de tous les habitants de la vallée à cet effort d'aménagement et d'entretien, ainsi que l'accueil de nouveaux habitants pour y participer, car avec une densité moyenne de 17 hab./km2 la vallée est aujourd'hui trop peu peuplée pour que ces travaux soient possibles à grande échelle. Notre propos tourne donc autour de l'accueil de nouveaux arrivants dans la vallée. La situation des migrants de passage dans la Roya, les risques qu'ils prennent pour traverser la frontière alpine, leur hébergement, la durée aberrante des procédure de régularisation et la menace constante d'être renvoyé à Vintimille demeurent aujourd'hui une question brûlante, peu consensuelle parmi les Royasques, même si elle a été fortement médiatisée ces derniers temps par l'affaire Cédric Herrou. Nous avons souhaité, parallèlement à notre propos sur la gestion de l'eau dans la vallée, travailler sur un projet qui permettrait d'héberger ces personnes en exil, et de leur offrir la possibilité de s'installer sur le long terme dans la Roya si elles le souhaitent.
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quoi ? quand ?
Quoi ?
re ancien
Des lieux d’accueil et d’hospitalité
Pour qui
dans la friche
II. Un travail programmatique à comment ? l’échelle du village UN ESPACE D’ACCUEIL ET
D’HOSPITALITÉ SUR LE PLATEAU DE LA GARE DE BREIL, ANCIENNE FRICHE FERRO-
ferroviaire et
LES PERSONNES
le centre-ville
IRRÉGULIÈRE ET
historique du
D’ASILE QUI PAS
village
LES PERSONNES
VIAIRE OÙ LE COEUR DU VILLAGE S’EST DÉPLACÉ DEPUIS LA TEMPÊTE ALEX.
LES SINISTRÉS ;
3. S’INST
2. INTÉGRER
MAIS AUSSI LE R
1. HABITER TEMPORAIREMENT
quand ?
comment ? 3. S’INSTALLER
2. INTÉGRER
1. HABITER TEMPORAIREMENT
comment ? 2. INTÉGRER
3. S’INSTALLER
R TEMPORAIREMENT
Fig. 9 : Schéma programmatique Reproduction personnelle
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Comment faire de la Roya un lieu accueillant et hospitalier pour ceux qui l’habitent et ceux qui y migrent ?
Sur le même principe que l’association Emmaüs Roya qui accueille des compagnons venant de tout horizon et déploie une activité d’insertion par l’agriculture, nous avons souhaité développer un projet mêlant un centre d’hébergement, des activités permettant l’intégration à la population locale, et une possibilité de logement permanent. Ce projet se déploie sur le site du plateau de la gare de Breil, centre névralgique du village depuis la tempête, et a été conçu pour héberger une cinquantaine de personnes à la fois environ. Il s’agit d’un chiffre que nous avons déterminé en comparant le nombre approximatif de migrants qui arrivent à dans la Roya aujourd’hui en 2021 (quelques-uns par mois) et le nombre total d’habitants du village (2200 environ). Pour que le processus d’intégration soit effectif, ce rapport doit rester proportionné à l’échelle de la commune. En juin 2015, au moment de la fermeture de la frontière francoitalienne, le nombre de personnes en situation irrégulière «échouant» dans la Roya avoisinait la vingtaine par jour... Depuis, les mesures drastiques des forces de l’ordre (contrôle d’identité et renvoi à Vintimille) semblent avoir réduit ce chiffre.
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Le programme de notre projet prévoit donc :
1. dans un premier temps, l’hébergement à court ou moyen terme (3 ans maximum) des personnes en situation précaire (demandeurs d’asile en attente de régularisation, SDF, etc.) en attendant que leur situation se régularise. Cette structure doit être adaptée aux personnes seules, mais aussi aux familles monoparentales et aux familles nombreuses. Elle doit de plus proposer un accès aux premiers soins, un accompagnement psychologique et un accompagnement administratif et juridique.
2. des activités permettant l’intégration professionnelle, culturelle et sociale des personnes du centre au reste de la population breilloise. L’intégration professionnelle peut être permise par une formation à l’agriculture (cf. Cédric Herrou) et aux technqiues constructives locales (travail de la pierre sèche, restanques, etc.), tandis que l’intégration culturelle peut passer par la pratique du sport, des cours de français, la participation à la vie associative du village ou bien à sa programmation culturelle (théatre, cinéma, etc.).
3. une possibilité pour les compagnons qui souhaiteraient s’installer à terme à Breil-sur-Roya, de récupérer un des nombreux logements vacants du centre ancien en échange d’un petit loyer ou bien de services rendus à la commune.
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1. Héberger de manière temporaire Pour qui ? 50 personnes Cela peut être des demandeurs d’asile, des SDF, des personnes en réinsertion, etc. Le profil le plus répandu des demandeurs d’asile dans la vallée de la Roya est celui d’un homme entre 20 et 30 ans, venant d’Afrique orientale et centrale (Erythrée, Soudan du Sud, Tchad, Somalie, Cameroun), du Moyen-Orient ou bien d’Asie du Sud (Bangladesh, Chine, Afghanistan, Pakistan).
Pour combien de temps ? 2/3 mois à 3 ans de séjour La durée de cet hébergement doit être limitée dans le temps, pour inciter les personnes à faire des projets sur l’avenir et à ne pas rester passives pendant trop longtemps. Pourquoi 3 ans ? Parce qu’aujourd’hui, depuis la Loi asile et migration (2018), les compagnons d’une communauté agricole comme Emmaüs Roya peuvent prétendre à l’obtention automatique d’un titre de régularisation au bout de 3 ans.
Sous quelle forme ? un hébergement individuel (pas en dortoirs) qui permet de retrouver de l’intimité et de l’autonomie, en échange d’une participation aux formations et activités agricole et constructive proposées dans le village. Pour élaborer le programme de ce centre, nous avons commencé par lister les points qui nous semblaient importants à travailler
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lors de la création d’un centre d’hébergement pour personnes en situation de précarité, et donc de fragilité : - l’implantation dans le village, qui ne doit pas être excentrée si l’on veut engager un véritable processus d’insertion et d’intégration. Aujourd’hui, la quasi-totalité des centres d’accueil et d’hébergement en France sont invisibles, relégués à la périphérie des villes, dans des quartiers industriels traversés par de grosses infrastructures (autoroutes, périphérique, voie ferrée).
« La France, petite patrie des droits de l’Homme, ne peut hurler son mécontentement et son mépris, elle ne peut expulser tous les migrants. Par conséquent, elle met en place une triple stratégie de dissuasion et de non-accueil : une politique de l’attente, une politique de la violence et une politique de l’invisibilité.» JOFFROY, Pascale et GUILPAIN, Laureline, Loger le pauvre, l’immigré, le demandeur d’asile, D’architecture, 25 Mars 2017, n°251, p.72
On voit cependant quelques projets, comme celui de l’association Quatorze, In My BackYard, qui cherchent à réellement intégrer les personnes au tissu de la ville et à la viemême des habitants. Le principe est simple : un propriétaire volontaire propose son jardin pour que l’association Quatorze y installe en quelques jours, grâce à un chantier participatif, une tiny-house écologique de moins de 20 m². Celle-ci permet au propriétaire d’accueillir une ou deux personnes jusque là sansabri tout en préservant l’intimité de chacun.
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Mais ces initiatives restent de l’ordre de l’exception : «Les gouvernements ne veulent pas de cette solution pour certaines raisons qui ne sont pas complètement dénuées de sens. En effet, ils n’ont pas envie de les installer convenablement car si les demandeurs d’asile reçoivent une réponse négative, ce sera d’autant plus compliqué de les faire quitter le territoire. Il est plus difficile de garder le contrôle s’ils sont dispersés dans la nature que s’ils sont regroupés dans des structures plus grandes.» PIERRE Thomas, Que peut l’architecture pour les réfugiés et les demandeurs d’asile ? Mémoire de Master en architecture, Université de Liège, 2018
Nous souhaitons donc implanter ce programme d’hébergement dans un lieu central du village, proche des activités et des transports, tel que l’est le plateau de la gare à Breil. Pour que les services (accompagnement juridique, administratif, psychologique, accès aux soins, activités en commun) soient acccessibles à tous, et qu’une véritable communauté se crée avec un sentiment d’appartenance nous pensons que le format de «centre» d’hébergement avec concentration des fonctions reste le plus efficace. Mais tout en réinventant ce schéma classique, souvent angoissant et trop impersonnel ! - le sentiment de sécurité. Les personnes en transit par la Roya sont toutes venues à pied depuis Vintimille sans avoir de destination précise, ce qui représente environ 30 km sur 500 m de dénivelé si l’on passe par la montagne, soit près de 9 heures de marche si les conditions sont bonnes, sans compter le passage des voies ferrées, de l’autoroute et de la rivière. Avant
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ça, elles ont connu la violences des camps à Vintimille, et encore avant l’effroyable traversée de la Méditerranée. Leur pays sont souvent en guerre, et leur famille proche presque toujours restée là-bas. Le besoin de sécurité et de tranquillité est un élément important à prendre en compte : le centre d’hébergement doit être situé dans un endroit calme, bien que central, à l’atmosphère apaisante et à l’abri des regards extérieurs. Les chambres doivent être fermées, bien isolées les unes des autres et appropriables par leurs habitants. - l’intimité des personnes, surtout lorsque le centre est mixte. Celle-ci passe par une attention particulière à l’emplacement et l’utilisation des sanitaires, la dimension des fenêtres des chambres, la qualité du verre employé, les vues que l’on a de l’intérieur vers l’extérieur et inversement, le nombre de portes, l’isolation acoustique entre les chambres et les parties communes, la possibilité de personnaliser son habitat et de se sentir «chez-soi», etc. - la possibilité d’échanger et partager, car si conserver son intimité est important, pouvoir rencontrer des personnes qui ont traversé des épreuves similaires et lier des liens avec elles est important. Le centre d’hébergement peut être un endroit chaleureux où l’on se divertit aussi, notamment autour des espaces communs : -la grande cuisine où l’on peut se retrouver autour de plats communs, éléments forts de la culture d’origine, - le réfectoire où l’on partage ces repas, - l’espace du salon où l’on peut se reposer, jouer à des jeux de société, discuter, faire un spectacle, danser, regarder un film, etc. - les espaces extérieurs comme les terrasses, qui sont aussi des
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lieux de détente, de jeux, de partage et de repos. A titre d’exemple, le centre pour demandeurs d’asile d’Ivry-surSeine, construit par l’atelier Rita, peut accueillir jusqu’à 400 personnes et a placé ses espaces de vie et de partage dans 6 yourtes au centre du bâtiment, dont la forme ronde circulaire particulière et l’absence de fenêtres permettent de conférer une atmosphère chaleureuse et conviviale. C’est là qu’on mange tous ensemble, mais que l’on se retrouve aussi pour des activités en groupe : jeux, cours pour les enfants, ateliers créatifs, etc.
- l’expression de la culture et de la religion. Pour des personnes en exil, déracinées de leur terre natale, la culture du pays d’origine et la religion peuvent devenir des liens avec la vie d’avant et la famille restée sur place. Le centre d’hébergement doit-il être un espace laïc où chacun pratique sa religion dans son espace privé, ou bien peut-il y avoir un lieu spirituel au seinmême du centre, dédié à la pratique de toutes les religions ? Il s’agit là de questions sensibles, à laquelle beaucoup de centres répondent aujourd’hui par une laïcité totale : la pratique de la religion se fait à l’extérieur du centre, pour éviter tout conflit. Nous pensons néanmoins qu’à l’échelle de notre projet, qui n’accueillera pas plus de 50 personnes simultanément, il est envisageable d’imaginer un espace spirituel en dehors du centre, dans un lieu qui accueillera par ailleurs d’autres usages, mais qui peut par moments revêtir une fonction religieuse.
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Fig. 10 : Croquis du projet In My Back Yard Association Quatorze
Fig. 11 : Centre d’hébergement d’urgence à Ivry-sur-Seine Atelier Rita
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Fig. 12 : Centre d’hébergement d’urgence à Ivry-sur-Seine Atelier Rita
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- l’autonomie «Les demandeurs d’asile ont tendance à perdre en autonomie parceque dans ces infrastructures on leur fait à manger, on s’occupe de leur linge, on leur met une panoplie de soutiens à leur disposition. Plus on leur apportera de services, moins ils seront autonomes. Ces gens ont fait des milliers de kilomètres pour arriver jusque chez nous. Ils ont payé des sommes folles, ils ont pris des risques fous pour venir. Ils sont en fait détenteurs d’une capacité d’adaptation nettement supérieure à ce qu’on imagine. Les seules personnes qui ont tendance à vouloir diminuer cela ce sont nous, [...] bienveillants, qui voulons leur faciliter la tâche et leur trouver des solutions pour tout. Finalement on ne leur rend pas service. Ils sont débrouillards, ils ont l’envie d’y arriver parce qu’ils ont payé cher, ils veulent vivre autre chose que ce qu’ils ont vécu. Il faut leur faire confiance. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Cela veut dire qu’il faut être extrêmement prudent sur la manière dont on leur rend service. Pour ces raisons, le centre est loin d’être un idéal pour les demandeurs d’asile.» Extrait de l’interview d’Eric Buyse (Directeur du centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Bierset en Belgique), PIERRE Thomas, Que peut l’architecture pour les réfugiés et les demandeurs d’asile ? Mémoire de Master en architecture, Université de Liège, 2018
Le centre d’hébergement, par la pluralité des services qu’il propose, peut donc entraîner un cercle vicieux d’infantilisation, où le désoeuvrement conjugué à la longue attente de la procédure de régularisation peut faire perdre le sens des réalités aux personnes, voire les mener à la dépression. Il y a donc un
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travail à mener sur le mode de fonctionnement du centre, et donc par extension ses espaces, où les personnes hébergées doivent être actrices de la vie de la communauté : ce sont elles qui cuisinent, lavent leur linge, effectuent l’entretien des locaux et du terrain extérieur, organisent les évènements de leur choix, suivant le même principe de ‘‘grande colocation’’ de la communauté agricole d’Emmaüs Roya. Un petit nombre d’organisateurs veillent cependant au respect des règles et chapeautent la coordination entre tous les résidents. Ainsi, peu à peu, les résidents du centre deviennent acteurs de celui-ci : ils n’occupent plus seulement l’espace, ils l’habitent, et prouvent alors leur présence dans le monde. «L’homme est homme parce qu’il habite.» Heidegger
- le sentiment d’intégration au reste du village et de sa population, qui va déterminer si la personne y reste ou pas lorsqu’elle reçoit le droit d’asile et peut s’installer en France. Cette intégration peut passer par diverses activités auxquelles participeraient à la fois les personnes hébergées et les Breillois, pour créer des liens entre eux et un attachement à la vallée qui pourra déboucher par la suite sur une installation définitive. Dés leur arrivée au centre, les personnes hébergées doivent donc avoir la possibilité de se sentir chez eux, d’apprendre le français, de travailler, de développer des activités de loisirs, etc.
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Etudier ces questions nous a ainsi permis d’élaborer un programme précis des espaces et des surfaces nécessaires pour notre projet de centre d’hébergement.
Hébergement - un espace chambre individuel avec de grands espaces de rangement, et différentes typologies selon la situation familiale : célibataire --> 20 m2 environ monoparental --> entre 25 et 30 m2 famille de 4 personnes --> entre 45 et 50 m2 - une terrasse extérieure par chambre --> environ 830 m2 de surface de chambres
Sanitaires
des salles de bains et des WC partagés (1 pour 3 personnes environ), donc environ 15/16 salles de bain de 15m2 chacune. Séparation hommes/femmes à respecter. --> 315 m2 de surface
Espaces communs - 2 cuisines équipées ouvertes à tous pour la préparation en commun des repas --> 50 m2 chacune - réfectoire commun avec accès à une terrasse extérieure --> 100 m2 - espace convivial type “salon” en lien avec l’extérieur (jeux, TV, livres, canapés, tables, estrade) --> 150 m2 (3m2 par personne) - salle informatique (connexion Wifi et ordinateurs) avec un niveau sonore bas et la possibilité
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de s’isoler --> 50 m2 - buanderie collective avec 10 machines environ --> 20m2 - local technique + local ménage --> 25 m2 --> 445 m2 de surface
Espaces d’accueil spécialisés - accès au premiers soins --> en lien avec l’hôpital tout proche, à moins de 100 mètres - accompagnement psychologique : 1 à 2 bureaux --> 15 m2 chacun - accompagnement juridique et administratif : 1 à 2 bureaux --> 15 m2 chacun - administration : 1 à 2 bureaux --> 15 m2 chacun + une salle de repos / tisanerie --> 20 m2 + sanitaires --> 5 m2 --> 115 m2 de surface
Surface totale pour le centre d’hébergement (sans les circulations et espaces extérieurs) = 1 700 m2 environ
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Fig. 13 : Typologies des chambres du centre d’hébergement Reproduction personnelle
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2. Intégrer à la vie du village Pour poursuivre la démarche de l’association Emmaüs Roya, nous souhaitons développer notre projet autour d’un programme d’activités inclusives, ouvertes à tous les habitants, qu’ils soient permanents ou de passage. Ainsi, outre ses fonctions d’hébergement, le centre devient le lieu de vie d’une communauté de compagnons rassemblés autour d’activités fédératrices, qui leur permettent également de gagner un petit salaire, premier pas vers l’indépendance. Nous imaginons développer ces activités sur le plateau de la gare, à la situation et à l’orientation idéales.
Par la pratique de l’agriculture La force de la communauté, le travail de la terre, l’autoproduction alimentaire, et un lien fort avec le paysage environnant peuvent être des outils pour réhabiliter des personnes en situation de crise, et redonner un sens à leur quotidien, à court ou long terme. Le centre d’hébergement de Breil-sur-Roya doit être en lien avec une ferme où serait dispensée une formation aux pratiques agricoles traditionnelles de la vallée : oléiculture, canastéiculture, maraîchage, production d’oeufs. La vocation de cette ferme doit rester la formation et l’insertion des compagnons, et non la rentabilité, qui n’est pas à envisager pour ce genre de programme. En collaboration avec Emmaüs Roya, dont les locaux, excentrés au sud de la commune sont aujourd’hui trop petits pour l’ampleur de l’association, nous
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Fig. 14 : La pratique de l’agriculture dans la vallée Photographie Denis Meyer
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Fig. 14 : La pratique de l’agriculture dans la vallée Photographie Denis Meyer
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proposons donc un vaste espace de culture sur le plateau de la gare. Le site, en plus d’être plat et situé au centre du village, offre un éclairement idéal toute l’année de par sa situation en fond de vallée, ainsi que plusieurs hectares disponibles pour l’implantation de serres, bassins, poulaillers et plantations. Bordé par un talus raide de plus de 15 mètres, ce site offre également la possibilité d’aménager plusieurs étages de cultures en restanques pour la culture d’oliviers, ce qui mettrait en avant ce mode d’agriculture traditionnel dès l’entrée en gare des nouveaux arrivants dans le village.
Par une formation professionnelle aux techniques constructives locales La formation agricole peut s’accompagner d’une formation aux techniques traditionnelles de construction et d’aménagement du paysage, notamment autour de l’emploi de la pierre sèche, matériau emblématique de la région, que l’on retrouve dans les restanques, les bassins de rétention, les aiguiers (petites citernes semi-enterrées en dôme), les canaux d’évacuation, les murets ou encore les bâtiments pastoraux. Nous avons vu précedemment qu’il était nécessaire de redévelopper ces modes d’aménagement paysagers ancestraux pour entretenir la montagne et continuer à habiter le territoire : il est donc nécessaire de former toute la population à ces questions, qu’il s’agisse de locaux, de personnes hébergées ou de volontaires venus aider ponctuellement dans la vallée. Il s’agit donc d’organiser des chantiers-écoles à différents endroits de la vallée, animés par des muraillers professionnels, dans l’esprit des «Weekends Solidaires», une association qui réunit jusqu’à des centaines de bénévoles lors de chantiers de reconstruction dans les trois vallées de la Roya, la Vésubie et la
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Fig. 15 : Principe de formation à la construction Reproduction personnelle
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Fig. 16 : L’organisation des Week-Ends Solidaires Photographies consultables sur le groupe Facebook d’Entraide
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Tinée. Le ‘‘siège’’ de ces chantiers-écoles pourrait se situer sur le plateau de la gare, dans un des hangars désaffectés du sud du site, et servir de lieu d’expérimentation pour rechercher de nouvelles techniques et matériaux de construction.
Par des activités sportives inclusives Les personnes qui arrivent dans la Roya pour y chercher l’asile ne parlent que rarement le français, et la communication est souvent malaisée avec ceux qu’ils rencontrent, qu’ils soient royasques ou bien migrants d’une autre origine que la leur. Les sports collectifs font partie des rares activités où parler la langue locale n’est pas nécessaire, et où l’on peut se comprendre et partager un moment sans avoir besoin de communiquer autrement que par des gestes. Nous pensons donc que proposer des terrains de sports sur le plateau de la gare, en lien avec le village et le centre d’hébergement peut être une manière intéressante de fédérer des populations qui n’ont rien à voir (demandeurs d’asile, locaux, touristes, résidents secondaires) le temps d’un match, qui plus est dans un village où la majeure partie des infrastructures sportives a été détruite lors de la tempête (terrain de football, de tennis, de pétanque, piscine municipale).
Le choix des sports que l’on compte développer n’est pas anodin : nous souhaitons favoriser les pratiques collectives, les sports de groupe, ceux qui réunissent tous les milieux et parlent au plus grand nombre, jeunes, vieux, femmes ou hommes. Le football, le basketball, le handball, le volleyball et le badmington nous paraissent ainsi des sports fédérateurs et relativement
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Fig. 17 : La piscine municipale et le terrain de foot de Breil après la tempête Photographie personnelle / Photographie Laurent Carré
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universels, sans oublier bien sûr le sport régional, la pétanque, que tout les locaux pratiquent assidûment dès les beaux jours.
Par la participation à la vie associative du village Le village de Breil-sur-Roya compte aujourd’hui 48 associations (humanitaires, culturelles et sportives) dont beaucoup ne disposent pas de locaux confortables et accessibles dans le centre du village. Nous souhaitons donc développer dans notre projet un véritable centre associatif sur le plateau de la gare, qui réunirait ces associations en un lieu convivial et accueillant, où toutes les populations du village pourraient se retrouver autour d’activités diverses. Les demandeurs d’asile et réfugiés pourraient y suivre des cours de français le soir, les personnes âgées du village y auraient accès à des ordinateurs et des cours d’informatique, les associations artistiques et musicales de Breil y bénéficieraient de lieux de répétition insonorisés, et les associations sans local fixe pourraient y installer leur petit bureau. Depuis la tempête, le village de Breil-sur-Roya a également perdu son seul café, «Le Café des Alpins», situé dans le centreville Place Brancion, et dont les locaux vont aujourd’hui être détruits car situés sur un sol trop fragile. Nous tenons à redonner une place à ce lieu, hautement symbolique pour les Breillois, en l’installant au milieu de ce centre associatif. A la fois café, bar et cantine, ce «Nouveau Café des Alpins» permettrait d’apporter de la vie en journée et soirée au plateau de la gare et à servir de point de rencontre pour tous les habitants du village. De plus, la surface du site du plateau lui permettrait de bénéficier de grandes terrasses ouvertes plein
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15 ASSOCIATIONS CULTURELLES ASSOCIATION AMACCA ASSOCIATION ART ET MANIÈRES ASSOCIATION AUX ARBRES 20 ASSOCIATIONS SPORTIVES
CLUB DE L'OLIVIER COMITÉ D'A STACADA D'BREÏ
FOOTBALL
ECOMUSÉE DES TRANSPORTS
BREIL ATHLETIC CLUB
FANFARE L'ECHO DU LAC
JUDO CLUB
FORMES ET COULEURS
GARDONS LA FORME
GROUPE FOLKLORIQUE AR TANTUROULET
VÉLO CLUB DE BREIL
COMPAGNIE DE L'ARPETTE
ROYA DANSE
LES AMIS DE PIÈNE
SALLE DE REMISE EN FORME
LES AMIS DES ORATOIRES
TIR CLUB
ASSOCIATION SANCTA MARIA IN ALBIS
L'ECHO DU LAC
A SOUCETA BRIIENCA
DREAM ZUMBA FITNESS
ASSOCIATION NOTRE DAME DU MONT
CERCLE AÏKIDO DE LA ROYA TENNIS CLUB DE BREIL HORIZONS LOINTAINS YOGA
13 ASSOCIATIONS SOCIALES
ENFANTS DE LA BALLE
AMICALE DES SAPEURS POMPIERS
CANOË-KAYAK CLUB DE LA ROYA
ASSOCIATION DES ANCIENS COMBATTANTS
A.A.P.P.M.A
ASSOCIATION DES FRANÇAIS MUSULMANS
BREIL OFF SHORE
UNION DES ANCIENS HARKIS
LA BOULE BREILLOISE
ASSISTANCE AUX ANIMAUX
LA GRIVE
APE
PEPS'Y FORM
ADTRB CERCLE DES AMITIÉS BREILLOISES COMITÉ DES FÊTES BREÏ OEUN FESTA COUSINADE IPERT ROSTAGNI DE BREIL ROYA CITOYENNE LES VEILLEURS DE VIE
Fig. 18 : Liste des associations de Breil-sur-Roya Reproduction personnelle
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Fig. 19 : Les animations du Café des Alpins Internet, consultable sur https://cafe-des-alpins.business.site/
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Fig. 20 : Le Café des Alpins aujourd’hui Photographie personnelle
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sud, chose qui lui faisait défaut lorsque le Café des Alpins était situé en centre-ville dans un tissu plus dense.
Par le développement de la vie culturelle de Breil-sur-Roya Nathalie Masseglia, clown de théâtre et figure engagée du mouvement pro-migrants dans la vallée, a fondé avec trois autres artistes l’association AMACCA de la Roya : Association pour le Maintien d’Alternatives en matière de Culture et de Création Artistique. Basée sur le micro-mécenat local, celleci regroupe des danseurs, des comédiens et des clowns qui souhaitent mettre en commun leurs forces et proposer des actions artistiques contemporaines dans la vallée mais aussi l’ensemble du département 06. La Roya, rurale et agricole est en effet un territoire peu tourné vers la création contemporaine. Les fonds des communes sont en priorité alloués aux spectacles et concerts estivaux destinés aux touristes, c’est-à-dire des initiatives saisonnières qui cessent dès la fin de la haute saison. L’AMACCA cherche aujourd’hui à proposer des alternatives (ateliers, expositions, spectacles) ouvertes à tous toute l’année, pour développer une vie culturelle dans la vallée et une véritable scène municipale. Nous souhaitons donc créer des espaces à la fois de répétition et de représentation pour que des artistes et des compagnies de théâtre, danse ou cirque puissent venir présenter leurs projets toute l’année dans le village de Breil. Ces dernières années, les spectacles et concerts proposés par la commune avaient lieu sur des gradins qui faisaient face au lac et au centre ancien. Ces équipements sont aujourd’hui fortement endommagés par la tempête et doivent être relocalisés ailleurs, loin du lit majeur de la Roya.
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Fig. 21 : Nathalie Masseglia, fondatrice de l’association AMACCA Site de l’AMACCA
Fig. 22 : L’espace loisir, avant et après la tempête Alex Internet / Photographie personnelle
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Nous nous proposons de les installer sur le plateau de la gare, en lien avec le centre associatif et ses espaces de répétition. Il s’agirait d’imaginer un lieu convivial, assez vaste pour accueillir une centaine de personnes, avec une grande scène que l’on pourrait selon le temps couvrir ou découvrir. Cet espace pourrait également revêtir d’autres fonctions : amphithéatre lors de conférences, piste de danse les jours de fête, salle de cinéma, lieu spirituel, ou bien agora publique pour des consultations citoyenne avec la mairie par exemple. Après avoir défini et étudié ces programmes, nous avons entrepris de lister tous les espaces nécessaires à leur conception, ainsi que les surfaces de ceux-ci.
Ferme communautaire Espaces extérieurs : - Espaces de maraîchage (sous serre ou non) --> 8000 m2 environ - Restanques en pierres sèches avec culture d’oliviers et de châtaigniers - Poulailler pour 300 poules environ --> 450 m2 (1,5 m2 par poule) + 3000 m2 d’espaces extérieurs (10 m2 par poule) - Bassins de rétention en lien avec les canaux des restanques --> 2000 m2 environ - Haies fruitières - Espace compost - Stockage fermé pour véhicules et machines --> 500 m2 environ Surface globale --> environ 3 hectares Espaces intérieurs : - Espace de traitement post-récolte des légumes, avec cuves
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pour le lavage et tables de conditionnement --> 100 à 150 m2 - Espaces de stockage différents selon les denrées --> 150 à 200 m2 - cave pour les préparations et conserves - chambres froides - séchoir chaud (13,5°C) ventilé pour les oignons et l’ail - stockage à 0,5°C humide pour les carottes, choux, radis, céleris et betteraves - stockage à 4°C sans humidité pour les pommes de terre - stockage entre 5°C et 8°C pour les oeufs - stockage des olives à température ambiante dans des cuves - Espace dédié à la transformation des denrées, de type grande cuisine avec réfrigérateurs, vastes plans de travail, fours, cuves de cuisson et local pour l’emballage des produits --> 100 m2 environ - Boutique pour la vente directe --> 100 à 150 m2 - Petite administration avec WC --> 30 m2 Surface totale au sol --> 600 m2 environ
Siège des chantiers-écoles - Espaces (certains couverts, d’autres à l’air libre) dédiés à l’expérimentation et à la construction - Salle de cours théorique en intérieur pour l’accueil des volontaires (40 à 50 personnes environ) --> 70 m2 - Stockage et rangement des outils, machines, matériaux, etc. --> 150 à 200 m2
Terrains de sports municipaux - Terrain de football en gazon naturel pour 6 défenseurs --> 63x41 donc 2570 m2
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- Terrain couvert multisports (basketball, handball, volleyball, badmington) --> 22x44 donc 968 m2 - Gradins couverts pour une centaine de personnes --> 150 à 200 m2 - Vestiaires H/F avec casiers et douches --> 80 m2 environ - 5 terrains de pétanque de 3x12 --> 180 m2 - Aire de jeux pour enfants --> 500 m2 Surface totale au sol --> 4500 m2 environ
Halle associative - Cafétaria / cantine «Le Nouveau Café des Alpins» avec cuisines et grand espace intérieur pour se restaurer et se divertir (tables, bancs, canapés, fauteuils) + grande terrasse extérieure plein Sud --> 30 m2 de cuisine + 200 à 300 m2 de restaurant environ - Salle informatique en libre accès avec une vingtaine de postes --> 30 à 50 m2 - Salle de classe fermée avec tables, paillasses et chaises pour les cours et ateliers du soir (de langue, de cuisine, de couture, de bricolage, etc.) --> 100 m2 - Salle de répétition insonorisée pour les cours de musique, les compagnies de théâtre et de danse de la vallée, les répétitions de concert, les cours de sport, etc. --> 100 m2 - Bureaux fermés dédiés aux locaux associatifs + petite salle de réunion --> 150 m2 environ - Sanitaires + vestiaires H/F --> 40 m2 Surface totale --> 800 m2 environ
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Scène municipale
- Scène couverte mais avec possibilité de l’ouvrir sur le paysage --> 80 à 100 m2 - Gradins ou assises pour accueillir une centaine de personnes --> 120 m2 environ - Coulisses avec petites loges et espaces de rangements et stockage --> 100 m2 environ Surface totale --> 300 m2
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3. S’installer sur le long terme Dans un troisième temps, notre projet prévoit d’offrir la possibilité aux personnes hébergées qui se seraient intégrées à la population du village et qui souhaiteraient poursuivre leur vie dans la vallée de pouvoir s’y installer sur le long terme, sans nécessairement beaucoup de moyens.
Comment ? Le centre ancien de Breil-sur-Roya est aujourd’hui touché par un important phénomène de désertion, du fait de la vétusté des logements disponibles, mais aussi de l’évolution des modes de vie. Les futurs acquéreurs sont désormais plus intéressés par des maisons indépendantes dans les hauteurs de Breil, avec du terrain, de la lumière et des vues, que par les maisons du centreville. La fermeture des activités, la dégradation du cadre naturel support de nombreuses pratiques touristiques, les difficultés d’accès, et sans compter les effets de la crise sanitaire, risquent d’affaiblir d’autant plus l’attractivité résidentielle et touristique du village sur le long terme. En se promenant dans les rues du tissu ancien, nous avons donc fait un relevé précis des immeubles vacants ou partiellement vacants : plus de 70 d’entre eux sont concernés. Notre entretien avec Marion Serre, docteur en architecture et chercheuse sur les dispositifs de tiersLe fait qu’une grande partie des résidences secondaires se trouve dans des situations foncières complexes et que le marché immobilier du centre de Breil ne soit plus du tout dynamique, rend le renouvellement très lent. Même s’il crée des
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foncier dans les villes, nous a ainsi permis de mieux comprendre la situation de fragilité dans laquelle se trouvait le centre ancien de Breil.
En effet, depuis plusieurs années, le centre-ancien de Breilsur-Roya est le support d’un processus d’abandon et de dégradation des tissus, conséquences de différents facteurs : les indivisions et successions non résolues notamment -beaucoup d’immeubles appartiennent à des familles qui en ont hérité sans avoir les moyens de les entretenir - mais aussi les revenus trop faibles de certains ménages bloquant des travaux de copropriétés nécessaires (toitures, cages d’escaliers) ou ne leur permettant pas de terminer leurs travaux de rénovation ; des biens invendus, car trop dégradés et/ou trop chers ; des personnes âgées propriétaires d’immeubles, mais qui n’en occupent qu’une petite partie ; ainsi que des typologies difficilement adaptables aux désirs et besoins des habitants. Dans tous les cas, si la démarche de mise en vente n’est pas entreprise, c’est qu’elle revient chère que de laisser le bien à l’abandon. Peu à peu, ces maisons sont donc amenées à tomber en ruine par manque d’entretien.
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Fig. 24 : Le centre ancien de Breil Photographies personnelles
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Fig. 25 : Le centre ancien de Breil Photographies personnelles
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opportunités d’accession à la propriété pour de jeunes ménages, les processus de rénovation se heurtent souvent au coût élevé de la rénovation dans l’ancien et à l’arsenal de règles qui ne permettent pas toujours d’adapter les typologies aux besoins des habitants (lumière, extérieurs, superficie, etc.) et aux normes en vigueur. Notre échange avec Marion nous a donc permis de découvrir la notion d’organisme foncier solidaire, équivalent français du Community Land Trust anglo-saxon, qui permet à une mairie de racheter des parcelles pour ensuite revendre les murs à un prix abordable. Ce procédé permet ainsi aux communes de récupérer des biens à l’abandon pour vendre le bâti à un prix bas à des ménages défavorisés, en échange de la réhabilitation et de l’entretien de celui-ci. Elle reste propriétaire du sol et peut ainsi éviter tout phénomène de plus-value du terrain, qui pourrait entraîner le départ forcé de ces ménages. Nous avons imaginé que la mairie de Breil pourrait ainsi acheter les parcelles des maisons en ruine du centre ancien, et les proposer à la vente à prix très bas voire nul aux personnes qui souhaiteraient quitter le centre d’hébergement pour fonder leur propre foyer. En échange, celles-ci s’engageraient à les restaurer et les entretenir, grâce notamment aux techniques de construction auxquelles elles ont été formées, pour qu’à terme le centre ancien retrouve de la vie et de l’activité.
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Fig. 26 : Relevé de la vacance dans le centre historique Reproduction personnelle
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Comment prévenir et préparer au mieux la gestion de l’urgence en cas de nouvelle catastrophe ?
1. Accepter le risque inondation
La violence et la fréquence des épisodes méditerranéens est à terme amenée à s’intensifier avec le réchauffement du climat, et nombreux sont les départements où ce type de phénomène est récurrent : Pyrénées-Orientales, Hérault, Aveyron, Ardèche, Gard, Var, Vaucluse, Drôme, etc. Doit-on pour autant abandonner ces territoires et aller s’installer là où l’on ne risque rien ? Il faut accepter que ce risque est inhérent aux régions méditerranéenes, où l’air chaud de la mer et l’air froid des montagnes se rencontrent, et il faut se résigner à vivre avec. Car si le risque est anticipé, alors ses impacts seront réduits et la vie de ces vallées pourra continuer sans trop de désordre. Travailler sur ce sujet nous a mené à effectuer de nombreuses recherches sur des manières résilientes de gérer l’eau à l’échelle du village, afin de prévenir les conséquences des crues futures sur les habitations et les terrains. Nous avons ainsi constitué un répertoire de solutions permettant de réduire l’aléa (en stockant l’eau ou augmentant la perméabilité des sols) ou bien de réduire les impacts (en adaptant les constructions), afin de pouvoir par la suite les réutiliser dans notre projet. - puits d’infiltration, ouvrage profond ou non (de 1 à 10 m) qui stocke et infiltre les eaux de pluie ou de ruissellement des toitures, voiries ou parkings grâce à des canalisations souterraines 65
Fig. 27 : L’épisode méditerranéen ou épisode cévenol Internet, consultable sur https://www.wikipedia.fr
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Réduire l’aléa
STOCKER : - bassin de rétention alimenté par un réseau de canaux qui traversent le terrain et récupèrent les eaux de ruissellement - système de stockage temporaire de l’eau de pluie sur la toiture, avec évacuation à débit réduit vers un puits d’infiltration - citerne avec trop-plein pour réutilisation domestique des eaux de pluie
PERMEABILISER / INFILTRER : - construction de restanques dans la pente du terrain et dans le cours des torrents pour limiter la vitesse d’écoulement des eaux et maximiser les infiltrations d’eau de pluie - jardin de pluie ou jardin d’infiltration, dépression peu profonde et plantée, qui sert de parc lorsque le temps est sec, mais qui est prévu pour stocker puis infiltrer les eaux de pluie et de ruissellement en cas de fortes précipitations, à un débit régulé - tranchée de percolation, tranchée excavée peu profonde remplie de pierre concassée ou de graviers, conçue pour infiltrer les eaux pluviales par un sol perméable dans l’aquifère souterrain
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Fig. 29 : Stocker l’eau, perméabiliser les sols, donner plus de place à la rivière Reproduction personnelle
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Fig. 30 : Stocker l’eau, perméabiliser les sols, donner plus de place à la rivière Reproductions personnelles
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- toiture végétalisée, de préférence intensive (substrat >30 cm), qui permet de retenir les eaux de pluie le temps qu’elles s’évaporent (évapotranspiration)
DONNER PLUS DE PLACE A LA RIVIERE - déplacement des digues artificielles hors du lit majeur de la rivière, pour que l’eau puisse s’étaler au lieu que son niveau ne monte - creusement du lit mineur de la rivière, dans la même logique
Réduire les impacts sur les biens et les personnes - aménagement des berges : le lit majeur de la rivière doit être aménagé de telle sorte à pouvoir être inondé temporairement, donc pas de végétation haute, ni d’équipements fixes - implantation des usages essentiels en hauteur (chambres, cuisine, sanitaires) dans les habitations et des usages moins importants (parking, cave) aux étages plus bas, temporairement inondables - pièce-refuge en hauteur dans l’habitat, pour pouvoir attendre les secours temporairement - surélever les habitations grâce à des pilotis ou un vide sanitaire pour protéger les biens et personnes tout en laissant la place pour que l’eau passe, sans chercher à l’arrêter
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- habitat «suspendu» dans l’existant, celui-ci étant théoriquement inondable et constitué de matériaux ne craignant pas l’eau.
Fig. 31 : Réduire l’aléa et construire de manière résiliente Reproduction personnelle
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Fig. 32 : La gestion de l’eau sur le plateau de la gare Reproduction personnelle
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2. Se réfugier : l’organisation de la crise
En plus de prévenir et de réduire les impacts de la crue, notre projet doit également prévoir la phase de l’urgence, pendant et après la catastrophe, durant laquelle le village s’organise très rapidement pour faire face aux dégâts. Si l’inondation ne dure en elle-même que quelques heures à peine, la phase de l’urgence peut elle durer plus de 3 mois. C’est une période à part où toutes les activités annexes s’arrêtent et où tous se concentrent sur la gestion de la crise. Nous y avons pris part, et avons pu l’observer à trois reprises à trois moments différents (J+1mois / J+3 mois / J+6 mois), ce qui nous a permis de relever précisément les dommages qu’a subis Breil, et les solutions à court terme que la commune a mises en place pour y pallier. Cet état des lieux de la crise nous a permis de cerner les différents programmes et espaces nécessaires à cette période d’urgence, et nous en avons établi la liste précise.
Refuge temporaire - un espace de refuge à très court terme pendant la tempête (1 à 2 nuits maximum) pour les personnes évacuées (100 lits environ), avec sanitaires (WC + douches) --> 200 m2 minimum de dortoirs + 40 m2 de sanitaires - un hébergement sur le moyen terme (plusieurs mois) pour les personnes sinistrées, avec chambres individuelles (une dizaine de places) --> 200 m2 - un hébergement pour les bénévoles, avec différentes typologies : dortoirs pour ceux qui restent quelques jours (pour 40 personnes environ) / chambres individuelles pour ceux qui restent plusieurs mois (pour 10 personnes environ) --> 100 m2
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de dortoirs + 100 m2 de chambres privées - une cellule psychologique de crise --> un bureau de 15 m2 environ - la «Maison des Sinistrés», pour l’accueil et l’accompagnement juridque et administratif des sinistrés --> 2 bureaux de 15 m2 - une cuisine solidaire ouverte à tous tous les jours + une salle de repos pour les bénévoles --> 100 m2 environ
Logistique de l’urgence
- espace pour l’acheminement des dons et marchandises, de type héliport (50x50) --> 2500 m2 - espace pour le tri et le stockage des dons --> 1000 m2 environ - espace de distribution des dons aux sinistrés (par paniers préparés en avance) --> 300 m2 - PC Crise avec petits bureaux et salle de réunion pour les instances de la commune (mairie, Communauté d’Agglomération de la Riviera Française, etc.) --> 50 m2 - lieu de communication/déclaration entre les habitants, la mairie, les autorités et les bénévoles --> 150 m2 - espace de stockage des matériaux pour les villages de la vallée (cables, tuyaux, gaines, ciment, etc.) --> entre 1500 et 2000 m2 - espace de stockage des décombres de la tempête (carcasses de voitures, déchêts, gravats, etc.) --> 2000 m2 environ
Puis, sur le principe des smart shelters développé aux Pays-Bas, qui ont un usage en temps normal et celui de refuge temporaire lors d’une inondation, nous avons imaginé que les divers programmes que nous avions travaillés jusqu’ici sur le plateau de la gare (hébergement, halle associative, scène municipale,
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terrains de sport) pourraient être conçus dès le départ pour héberger temporairement les programmes de l’urgence lors d’une prochaine catastrophe. Le plateau de la gare, non touché par la crue et lieu-clé du village lors de l’urgence d’octobre, devient ainsi dans notre scénario la zone-refuge du village, pensée à la fois pour accueillir les usages normaux et ceux spécifiques à la gestion de la crise. Nous avons donc ajouté la contrainte de la réversibilité à notre projet, dans une logique de double conception : le terrain de football en temps normal devient l’héliport en temps d’urgence, la cafétaria devient la cuisine solidaire, etc. Prévoir en amont ces espaces de l’urgence permet ainsi de ne pas «bloquer» l’accès et l’utilisation de certains équipements essentiels du village, comme ce fut le cas en octobre. Ainsi, le gymnase, réservé à la distribution des dons, a été condamné pendant presque 4 mois, empêchant pendant ce temps les collégiens et écoliers de pratiquer une activité sportive, tandis que la crèche, hébergeant les locaux de la mairie temporaire, a également dû fermer un long moment.
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Fig. 33 : Axonométrie programmatique du plateau de la gare en temps normal Reproduction personnelle
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Fig. 34 : Axonométrie programmatique du plateau de la gare en temps d’urgence Reproduction personnelle
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Fig. 35 : La réversibilité des espaces du plateau de la gare Reproduction personnelle
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3. Sensibiliser au risque Enfin, dans un dernier temps, nous pensons qu'il est essentiel pour le futur du village et de l'ensemble de la vallée de conserver des traces des évènements d'octobre 2020, pour ne pas reproduire les erreurs commises à ce moment-là. La mémoire du risque est un des leviers les plus importants lorsque l'on veut réduire les impacts d'un aléa. Si les habitants qui avaient construit ou acheté leur maison dans le lit majeur de la Roya ou d'un de ses affluents avaient pris conscience du danger, notamment en ayant des preuves visuelles de la montée des eaux, l'étendue des dégâts et des victimes aurait sans doute été moindre. Il est surtout du devoir des mairies, qui délivrent les permis de construire, d'interdire toute construction dans ce périmètre. Ainsi, nous souhaitons relier les deux parties du village sur lesquelles nous travaillons - le plateau de la gare et le centre-ville -, aujourd'hui assez coupées l'une de l'autre, par un cheminement piéton et cyclable qui, en longeant les berges de la Roya, proposerait un parcours mémorial et didactique de sensibilisation au risque inondation et comment le réduire.
Celui-ci passerait par les points-clé de la gestion de l'eau dans le village, en proposant à chaque fois des explications sur le fonctionnement de ces dispositifs: le barrage hydroélectrique, le lac de retenue, les tunnels écrêteurs de crue, les restanques et leur réseau de canaux, le plateau de la gare et ses divers aménagements, etc. Il passerait également par des endroits sinistrés que nous souhaitons conserver intacts, sans chercher à les reconstruire
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Fig. 36 : Les cheminements du projet et leurs différentes étapes Reproduction personnelle
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comme avant, pour témoigner de la puissance dévastatrice de la rivière : notamment la piscine municipale toute neuve, aujourd'hui inutilisable, et certains pans de chemin bétonné sur la berge, qui sont partis avec le courant, et sur lesquels nous voudriont rajouter uniquement une passerelle de bois ou un pont de singe, pour laisser possible la traversée sans pour autant gommer les traces des évènements.
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Agriculture en restanques
Espace matériaux et production
‘‘Breil Beach’’
Fig. 37 : Les étapes du parcours sur la rive droite du village Reproduction personnelle
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Parcours santé et de sensibilisation avec passerelles en bois sur le modèle de ceux autoconstruites par les Breillois
Piscine municipale détruite par la crue
Ecréteurs de crue
Barrage hydroélectrique
Fig. 38 : Les étapes du parcours sur la rive gauche du village : la gestion de l’eau Reproduction personnelle
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III. Un travailMANIFESTE architectural à l’échelle du village MANIFESTE MANIFESTE
Accepter le risque en concevant des espaces réversibles pour la gestion de la crise
eter en le risque en aces ant des espaces rsibles la pour la se ion de la crise
espaces de bâtiments nts
utiliser rre la pierre our he du site pour ol availler le sol
Accepter le Accepter risque enle risque en concevant des espacesdes espaces concevant réversibles réversibles pour la pour la gestion la criseles Révéler lesde espaces Révéler dedeespaces gestion la crise de qualité des bâtiments qualité des bâtiments vacants vacants
Redonner plus de place à l’eau : la stocker, l’infiltrer, l’évacuer
Réutiliser laRéutiliser pierre la pierre sèche du site pourdu site pour sèche travailler letravailler sol le sol Employer le Employer bois localle bois local en structureen légère structure légère pour s’adapter pour aus’adapter bâti au bâti existant existant
Fig. 39 : Manifeste schématique du projet Reproduction personnelle
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Révéler les Révéler espacesles de espaces de qualité des bâtiments qualité des bâtiments vacants vacants Redonner plus Redonner de place plus de place à l’eau : la stocker, à l’eau : la stocker, l’infiltrer, l’évacuer l’infiltrer, l’évacuer
Réutiliser la pierre sèche du site pour travailler le sol
Employer leEmployer bois localle bois local en structureen légère structure légère pour s’adapter au bâti pour s’adapter au bâti existant Traiter spécifiquement Traiter spécifiquement existant les façades pour les façades le pour le confort bioclimatique confort bioclimatique des espacesdes espaces
Révé qua
Red à l
Em en pou
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c
Développer des stratégies d’intervention adaptées à l’état du bâti existant Afin de mettre en place le programme précédemment évoqué, nous souhaitons révéler les espaces de qualité des bâtiments vacants du village en les réinvestissant afin d’y accueillir de nouveaux usages. Nous nous sommes concentrées pour cela sur deux sites-clé de Breil : le plateau de la gare, espace-refuge révélé par la tempête Alex, et le centre-ancien, de plus en plus déserté surtout depuis les inondations.
Un peu d’histoire de Breil Les bases de l’actuel centre de Breil apparaissent à l’époque des invasions sarrasines, au cours des IX° et X° siècle quand, pour se protéger des envahisseurs, les habitants de la rive droite franchissent la Roya et se regroupent sur la rive gauche, dans l’espace existant entre un méandre de la rivière et les pieds de deux arêtes rocheuses descendant des sommets. C’est là qu’ils fondent l’agglomération primitive de ‘‘Brehl’’. Au cours des siècles suivants, le village se développe vers le nord dans l’espace géographique limité par ses défenses naturelles. L’agglomération conservera ensuite, du Moyen Âge, ses typiques «courréou» (passages couverts) et ses rues étroites, alors que les places aux maisons à arcades et aux façades peintes en trompe-l’œil sont les traces manifestes de l’architecture ligurienne des XVI° et XVII° siècles.
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Lieu de passage obligé de la route du sel à la fin du XVI° siècle, la cité est désenclavée quand est construite la route reliant Breil à Vintimille. Ce processus de désenclavement s’achève en 1928, avec la mise en service des lignes ferroviaires Nice-BreilCuneo-Turin et Vintimille-Breil. Au milieu des années vingt, la construction du barrage de l’usine hydroélectrique de l’Arbousset crée aux abords du village une retenue d’eau qu’utilisent aujourd’hui pêcheurs et kayakistes. Dès la fin du dernier conflit mondial, des routes et des pistes sont construites dans l’olivaie de la rive droite et dans les campagnes environnantes, ce qui permet la construction d’immeubles et de maisons particulières donnant ainsi naissance à de nouveaux quartiers. Désormais, le village de Breil-sur-Roya se délimite en plusieurs zones : on retrouve le centre-ville historique au sud, accroché au rocher ; le plateau de la gare, vaste terrain plat au nord du village ; et la partie intermédiaire entre les deux, qui accueille plutôt les équipements du village et fait le lien avec les espaces précédents.
Le plateau de la gare Nous avons, dans un premier temps, travaillé sur le plateau de la gare, un site qui nous est apparu, dès notre premier voyage, comme un espace désaffecté qu’il fallait utiliser. Sa situation géographique dans la ville, plutôt en hauteur par rapport à la rivière et au reste du village, lui a permis de ne pas
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Fig. 40 : Plan de l’organisation du village de Breil Yann De Natale/ TPFE
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être touché par les inondations. Il est donc devenu, à la suite de la tempête, un lieu de refuge pour les activités d’urgence du village. Il a notamment été utilisé pour accueillir un héliport, pour l’acheminement des dons et denrées dans les villages enclavés du nord de la vallée, mais également pour accueillir de grands espaces dédiés au tri de ces dons. Nous y avons aussi dormi lors de notre premier voyage, puisqu’un des bâtiments avait été réquisitionné pour héberger les bénévoles.
Un espace révélé par la tempête La Gare de Breil-sur-Roya et les installations ferroviaires qui l’accompagnent, ont été calibrées pour le trafic transfrontalier des voyageurs et des marchandises, important à l’époque de leur construction (1928). La création de ce vaste plateau a nécessité de très importants terrassements dans la pente naturelle du site. Abandonnés pour la plupart, les bâtiments le constituant appartiennent désormais à la SNCF et constituent un patrimoine important de la ville.
Une identité architecturale marquée On observe d’une part les bâtiments ‘‘à la niçoise’’, dédiés à l’accueil du public, qui allient simplicité des volumes et déclinaison d’éléments standardisés inspirés des constructions traditionnelles : hautes portes et fenêtres à croisillons, couvertures de tuiles, larges verrières de quais en béton armé, arcs en plein cintre des grandes baies, terrasses à garde-
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Fig. 41 : Vue satellite de Breil avant la tempête Géoportail
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Fig. 42 : Vue satellite de Breil après la tempête : la plateau de la gare comme refuge Géoportail
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Fig. 43 : Axonométries des activités du plateau de la gare, avant et après la tempête Reproductions personnelles
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corps en claustras de terre cuite. Les peinturages ocre rouge des façades et vert mousse des menuiseries complètent l’identification des constructions. Les bâtiments de typologie ‘‘hangars’’ adoptent, eux, la forme moderniste de vastes voûtes de béton armé en plein cintre, dotées d’auvents latéraux en porte-à-faux, et parfois de larges lanterneaux de ventilation en partie haute. Depuis la catastrophe, la gare de Breil-sur-Roya est donc devenue le poumon des activités d’entraide et de solidarité : la réappropriation de ce grand terrain vague a prouvé son potentiel. C’est pour cette raison qu’un des objectifs du projet est de réinvestir les bâtiments et espaces délaissés de ce site afin de mettre en valeur leur potentiel d’accueil. La diversité spatiale et architecturale rencontrée dans ce vaste espace nous a permis d’y proposer différentes activités : l’hébergement temporaire et l’intégration par le sport, la culture et l’agriculture ; en s’adaptant toujours aux contraintes de chaque programme et de chaque espace. Nous avons choisi pour notre projet d’accentuer l’hétérogénéité des langages architecturaux présents en s’adaptant à chaque situation et chaque bâti.
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Fig. 44 : Ancien bâtiment dédié l’accueil des cheminots : 1 120 m² sur les 2 niveaux Photographies personnelles
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Fig. 45 : Le bâtiment de la gare actuelle et le bâtiment de l’ancienne douane : 700 m² vacants Photographies personnelles
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Fig. 46 : Verrières du bâtiment de la gare Photographies personnelles
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Fig. 47 : Hangar de la DZ (à gauche) et de l’écomusée des transports (à droite) : 1 140 m² à moitié vacants Photographies personnelles
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Fig. 48 : Hangars du sud du plateau de la gare Photographies personnelles
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Le centre-ville historique Dans un second temps, il nous a été nécessaire d’étudier plus en profondeur le centre ancien de Breil, qui a peu à peu lui aussi révélé ses problématiques. Le village est majoritairement composé de maisons en hauteur, très serrées les unes avec les autres, qui réunissent les éléments nécessaire à la vie des anciennes populations agricoles, mais qui ne correspondent plus aux modes de vie actuels. La maison traditionnelle est composée de l’écurie, au rez-dechaussée (dont la hauteur est rarement supérieure à 2m30) réservée seulement à quelques animaux tels que les ânes, les mulets, et les bœufs, indispensables pour le ravitaillement en eau et en bois du foyer. A l’étage, on trouve les pièces de vie telles que la cuisine et les chambres distribuées sur un ou deux niveaux, et dans les combles des pièces réservées au séchage et à la conservation des récoltes. La circulation se fait par un escalier intérieur très raide et étroit, et les ouvertures sont peu nombreuses, avec en général une forme verticale très étroite pour éviter les déperditions de chaleur en hiver et la conservation de la fraîcheur en été.
Des dégradations liées à la nature du sol Au-delà de l’abandon et de la dégradation des tissus du fait du taux de vacance important, il existe un second problème de dégradation du village lié à l’état du sol d’une partie du village. L’affaissement régulier de la place Brancion, parmi les deux seules places du village, a incité peu à peu les autorités à lancer des études pour en identifier les causes. Les premières
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études de sols faites en 2012 mentionnent alors des circulations d’eau souterraines affectant les couches alluvionnaires : des mouvements de sol affaiblissent la zone nord-ouest du village. La présence de gypse et d’alluvions dans les sols ainsi que les circulations d’eau souterraines liées au réseau hydrologique engendrent ainsi le déplacement progressif des fondations de plusieurs constructions. 5 ou 6 immeubles semblent être plus ou moins concernés directement par les tassements de sols, et une quinzaine d’autres bâtiments mitoyens sont affectés par les déformations des premiers. Il apparaît donc urgent et nécessaire de reprendre en main la situation du centre historique, comme en a témoigné la procédure de mise en péril imminent récemment engagée place Brancion qui a impliqué la fin d’une activité à l’année (le café des Alpins) ainsi que l’abandon des édifices. Afin de permettre aux populations hébergées puis intégrées, de s’installer sur le long terme dans le centre-ville historique, notre projet a pour but de remodeler les tissus par le vide afin d’améliorer les qualités de l’habitat et de l’habiter. La déconstruction des maisons en ruines, dangereuses pour le reste du tissu permettraient en effet de dégager des creux dans le tissu ancien très dense et ainsi amener de la lumière et créer des espaces extérieurs pour les logements ou encore revaloriser l’espace public du village. Le projet prévoit également que les maisons de plus en plus dégradées par les tassements du sol alluvionnaire, soient vidées de leurs occupants puis déconstruites peu à peu, afin de redonner plus de place à l’eau et peut-être retrouver à terme le dessin du cours inital de la Roya ?
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fig. 40 : Intérieur d’une maison traditionnelle.
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onois Fig. 49 : Coupe d’une maison de village traditionnelle de la vallée Reproduction personnelle
Fig. 50 : Les ruelles traditionnelles de Breil Photographies personnelles
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Fig. 51 : Bâtiments du centre ancien en arrêté de péril imment Reproduction personnelle
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Fig. 52 : Déconstrucion des ruines du centre ancien Fig. 53 : Nouveaux arrivants : consolidation du tissu et réhabilitation des logements vacants Fig. 54 : Résorption de la vacance dans le tissu ancien Reproductions personnelles
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Fig. 55 : Redonner plus de place à l’eau dans le centre ancien ? Scénario de retour au cours initial de la rivière Reproduction personnelle
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Valoriser les ressources locales Un des objectifs du projet est de valoriser les ressources locales. En employant des matériaux naturels que l’on trouve en abondance sur les sites eux-mêmes, le projet a pour objectif de contribuer à réactiver les filières abandonnées qui offraient autrefois des emplois pour les habitants de la vallée et qui pour la plupart n’existent plus à cause de la désertion progressive des populations et du rythme touristique saisonnier qu’a pris la vallée au cours du temps. En effet, dans ce type de région reculée, la construction était avant tout tributaire des ressources locales. Le constructeur utilisait alors les matériaux trouvés sur place : la pierre la plus courante demeure le calcaire, liée au mortier de chaux, mais aussi au plâtre grossier de fabrication artisanale. Les moellons étaient utilisés le plus souvent sans taille ou grossièrement travaillés et seules les pierres pour les linteaux, les encadrements, les marches étaient taillées. Quant aux matériaux de couverture, ils dépendent des ressources alentours : chaume, mélèze, schiste et calcaire. Là où ces éléments faisaient défauts, on utilisait la tuile d’argile, dite tuile ronde, fabriquée localement, autrefois lissée à la main ou à la truelle.
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Utilisations possibles
Fig. 56 : Utilisation de la pierre dans le projet Reproduction personnelle
Fig. 57 : La pierre calcaire, ressource abondante dans la vallée Photographies personnelles
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La pierre calcaire Nous avons donc pour objectif d’utiliser la pierre sèche dans notre projet, ressource la plus abondante notamment depuis les inondations qui ont charrié beaucoup de matériaux jusqu’au village. Cette ressource nous permet de travailler le sol tout en le maintenant perméable, notamment pour la construction de murets, de gradins, de restanques mais aussi de circulations pavées.
Le bois local De nombreuses essences d’arbres sont présentes dans la vallée, différentes en fonction des étagements de la montagne. Nous souhaitons donc utiliser ceux que l’on trouve en abondance : le mélèze, le pin sylvestre et le chêne. Employer le bois local nous permettrait en effet de s’adapter plus facilement au bâti existant au travers de différentes techniques : en structure légère, il permet de le surélever, de se protéger du climat ou bien encore de s’isoler.
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Mélèze
Pin sylvestre
Chêne pubescent
Arbres les plus présents
Répartition des types d’arbres dans la vallée
VALORISER LES RESSOURCES LOCA LE BOIS
la ferme agricole gisements du site
la ferme agricole
VALORISER LES RESSOURCES LOCALES gisements du site
LE BOIS Mélèze
Pin sylvestre
Arbres les la ferme agricole gisements du site
la ferme agricole gisements du site
VALORISER LES RESSOURCES LOCALES LE BOIS
Répartition des types d’arbres dans la vallée
Mélèze
Pin sylvestre
Chêne pubescent
Arbres les plus présents Scieries mobiles
Recyclage du la ferme agricole matériau en du site gisements copeaux
la ferme agricole gisements du site
Répartition des types d’arbres Chantier dans la vallée
Mélèze Préfabrication en atelier
Acheminement sur chantier
Pin sylvestre
Chêne pubescent
Arbres les plus présents
Fig. 58 : Hypothèse de mise en place d’une filière bois Reproductions personnelles
Répartition des types d’arbres dans la vallée Scieries mobiles
Recyclage du matériau en copeaux
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Fig. 59 : L’utilisation des ressources locales dans le projet Reproductions personnelles
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Rechercher le confort via une conception bioclimatique
Nos multiples voyages sur le site nous ont permis d’arpenter le plateau de la gare à différentes saisons : automne, hiver et printemps. Nous avons ainsi pu retirer des informations variées sur le climat du village en fonction de ces expériences empiriques sur le terrain. Il était par exemple souvent difficile de trouver un espace ombragé sur le grand plateau de la gare au mois d’avril et à l’inverse, il était très agréable en plein hiver de profiter de l’apport solaire de ce site en fond de vallée, pas touché par l’ombre des montagnes. C’est en analysant l’emplacement en quinconce des différents bâtiments, de leurs ombres et la course du soleil en été et en hiver que nous avons décidé de venir recréer des endroits ombragés sur le plateau. Le fait que tous les bâtiments du plateau soient disposés en décalé les uns par rapport aux autres et qu’ils aient tous une morphologie longitudinale, nous a permis d’alterner entre espaces ombragés et espaces ensoleillés et ainsi concevoir des espaces de pause, jusqu’ici inexistants, le long de ce vaste terrain. Le projet prévoit également de traiter spécifiquement les façades longitudinales des bâtiments selon l’orientation de celles-ci afin d’améliorer le confort bioclimatique des espaces intérieurs. Cela consiste à profiter de l’ensoleillement des longues façades Sud-Est dégagées pour y loger les espaces de vie et de loisirs et à utiliser plutôt les façades Nord-Ouest pour
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les usages techniques comme le stockage, les espaces humides ou bien la conservation des récoltes.
CARTE DES SENSATIONS
Fig. 60 : Carte de nos sensations lors de nos visites sur le plateau de la gare Reproduction personnelle
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RT SOLAIRE
LIMITER LE RUISSELLEMENT VIOLENT EN PERMÉABILISANT LES SOLS
’été n à partir
EMENT VIOLENT EN PERMÉABILISANT LES SOLS
hiver mbre à partir
Fig. 61 : Journée d’ensoleillement du plateau de la gare le 21 juin à partir de 6h Reproduction personnelle
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h à partir h
LEMENT VIOLENT EN PERMÉABILISANT LES SOLS
d’hiver mbre h à partir h
Fig. 62 : Journée d’ensoleillement sur le plateau de la gare le 20 décembre à partir de 6h Reproduction personnelle
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Fig. 63 : Traitement des façades Sud-Est et Nord-Ouest du plateau de la gare Reproduction personnelle
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PRINCIPES BIOCLIMATIQUES
Fig. 65 : Principes bioclimatiques des interventions Reproduction personnelle
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Conclusion
Que nous aura finalement apporté ce travail de près d’un an sur un territoire aussi isolé et complexe que celui de la vallée de la Roya ? Nous avons appris, parfois de manière laborieuse, à regarder, analyser et pour finir comprendre un territoire dont nous ne savions rien au départ. Un regard étranger et parfois naïf peut somme toute, par le recul qu’il permet, être un atout pour celui qui tente de décrypter un lieu. Nous avons également pris conscience de la difficulté parfois immobilisante de concevoir un projet dans un territoire vierge de toute écriture architecturale contemporaine : par quoi commencer ? Comment s’intégrer dans le contexte tout en évitant tout effet de pastiche ? Il a été difficile de nous détacher de l’empreinte architecturale traditionnelle de la vallée, puisqu’en elle résidait tout son caractère, en dehors bien sûr de ses montagnes caractéristiques et de son paysage. C’est donc en passant par un relevé des matériaux disponibles ainsi qu’une étape de définition programmatique dense que nous avons pu véritablement rentrer dans le projet et nous approprier les lieux. Nous avons saisi l’importance de rencontrer et de passer du temps avec ceux qui vivent et connaissent le territoire depuis longtemps, qui prennent le temps de le raconter pour que nousmême finissions par nous sentir chez nous. Les prémisses du
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projet sont d’ailleurs nées de ces échanges, car il est plus aisé de concevoir lorsque c’est pour des personnes que l’on connaît et qui se sont ouvertes à nous. Enfin, nous avons par cette expérience réalisé notre attrait à toutes deux pour les territoires ‘‘délaissés’’ des recherches, des études et des projets d’urbanisme et d’architecture : des territoires peu rentables, peu peuplés, sans projet d’envergure. Pourtant, ces régions nécessitent cruellement l’intervention d’architectes, afin entre autres que ce genre de catastrophe ne se reproduise plus de la sorte. Nous n’en avons pourtant rencontré que deux dans l’ensemble de la vallée. La catastrophe de la tempête Alex, qui a mis la vallée de la Roya en valeur, peut ainsi paradoxalment constituer une réelle aubaine pour Breil, en offrant notammment aux habitants l’opportunité de s’exprimer sur la future reconstruction.
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Bibliographie
ANSONG Alba, Se réfugier en France. Les modes d’habiter des habitants du Centre Humanitaire pour Migrants d’Ivry-sur-Seine. Mémoire de Master en architecture, ENSAPVS, 2020 BLOM E.T., GERSONIUS Berry, VAN SON E., ZEVENBERGEN Chris, Smart shelter strategies-cost-effective flood preparedness. Taylor & Francis Group, 2012 BOUAGGA Yasmine, Camps et campements de réfugiés. Historiens et géographes, Association des professeurs d’histoire et de géographie, 2019 HANAPPE Cyrille, La ville accueillante. Association Actes & Cités, 2018 HEIDEGGER Martin, Essais et Conférence. Gallimard, 1980 JOFFROY, Pascale et GUILPAIN, Laureline, Loger le pauvre, l’immigré, le demandeur d’asile. D’architecture, 25 Mars 2017, n°251, p.72 MOLLARD Chloé, L’accueil des migrants dans la vallée de la Roya : Hospitalité privée en contexte d’inhospitalité politique. Mémoire de recherche en sociologie des mobilités, Université Nice - Sophia Antipolis, 2017 PIERRE Thomas, Que peut l’architecture pour les réfugiés et les demandeurs d’asile ? Mémoire de Master en architecture, Université de Liège, 2018
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