GLOBAL+ No. 48 | Eté 2013

Page 1

NUMERO 48 | ETE 2013

Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch

Accord commercial avec l’Indonésie : Pas de libre-échange sans coopération Evasion fiscale : Manœuvres dilatoires de la Suisse

Partenariats privé-public : Critères de la DDC insuffisants


News Birmanie : la Suisse peut davantage Doris Fiala (PLR) et Carlo Sommaruga (PS) ont déposé des interpellations au Conseil national sur ce que la Suisse entend faire pour prévenir une « ruée vers l’or » calamiteuse en Birmanie. Le Conseil fédéral, qui prévoit une augmentation des investissements suisses, souligne qu’il « attend des entreprises suisses qu’elles assument leurs responsabilités envers la société et l’environnement dans le cadre de leurs activités à l’étranger », évitent de susciter des violations des droits humains et des conflits, et « contribuent au développement durable de l’économie locale » (Ip 13.3144). Concrètement, l’ambassade « intégrée » de Suisse au Myanmar promeut le devoir de diligence à travers une plateforme avec les entreprises. La Suisse va également soutenir la création d’un centre de compétence pour une économie responsable au Myanmar, géré par l’Institute for Human Rights and Business de Londres et le Danish Institute for Human Rights. Pour la suite, le Conseil fédéral « examine actuellement si un engagement renforcé se justifie ». Selon « Droit sans frontières », il serait bien avisé d’élaborer rapidement des directives obligeant les investisseurs à rendre transparentes leurs activités au Myanmar, à l’instar de celles que les Etats-Unis ont adoptées fin mai. me

Impressum GLOBAL+ paraît quatre fois par an. Editeur: Alliance Sud Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper Monbijoustr. 31, Postfach 6735, 3001 Berne, Tel. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31 E-Mail: globalplus@alliancesud.ch Internet: www.alliancesud.ch Rédaction: Michel Egger (me), Isolda Agazzi (ia), Tel. 021 612 00 95 Concept graphique: Clerici Partner AG Mise en page: Frédéric Russbach Impression: s+z: gutzumdruck, Brig. Tirage: 1500 Prix au numéro: Fr. 7.50 Abonnement annuel: Fr. 30.– Abonnement de soutien: min. Fr. 50.– Prix publicité / encartage: sur demande Photos: couverture: Joerg Boethling ; dernière page : Action de Carême / Meinrad Schade. Prochain numéro: octobre 2013.

2

GLOBAL + ETE 2013

Afrique : 1200 milliards d’évasion fiscale dh Ces trente dernières années, au moins 1’200 milliards de dollars de fortunes non déclarées ont fui les pays en développement africains. C’est ce que montre une nouvelle étude de la Banque africaine de développement et de l’institut de recherche Global Financial Integrity. Les sorties d’argent noir dépassent la somme de tous les flux financiers vers l’Afrique pendant cette même période, y compris l’aide au développement et les investissements directs. Alliance Sud demande au Conseil fédéral de prendre urgemment des mesures contre le dépôt de tels fonds en Suisse. Suisse-Chine : droits humains à la trappe L’accord de libre-échange (ALE) de la Suisse avec la Chine, dont les négociations ont été conclues le 13 mai, ne contient probablement pas de dispositions efficaces et contraignantes sur les droits humains et les normes du travail. « Probablement », car le texte n’est pas connu. Le processus de négociation a été opaque, la société civile en a été exclue et le parlement ne savait pas, début juin, ce que l’accord contient. Tout porte à croire cependant qu’il n’y a pas de chapitre sur le développement durable, lequel a ia

été demandé par la Commission des affaires extérieures du Conseil national et par la plateforme Chine, dont fait partie Alliance Sud. La Suisse risque ainsi d’importer, à des conditions préférentielles, des produits fabriqués en violation des normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail. Coopération : pour le 0,7% à Genève La nouvelle constitution genevoise, entrée en vigueur le 1 er juin, réaffirme l’importance de la solidarité internationale comme mission de l’Etat. La Fédération genevoise de coopération (FGC) et ses 63 associations membres en profitent pour lancer – avec le soutien d’Alliance Sud – une pétition demandant au canton de Genève que, dès 2018, il y consacre 0,7% de son budget de fonctionnement. Un taux fixé dans la loi depuis 2001, mais qui – contrairement à près de la moitié des communes – n’a jusqu’ici jamais été atteint par le canton. L’effort de ce dernier en matière de coopération au développement, aide humanitaire et promotion de la paix, stagne à 0,2%. Il s’agirait donc d’augmenter la contribution de 0,1% par an pendant cinq ans. L’objectif est d’atteindre 10’000 signatures d’ici à la fin de l’été. www.fgc.ch me

Alliance Sud en un clin d’œil Président Hugo Fasel, directeur de Caritas. Direction Peter Niggli (directeur), Kathrin Spichiger, Rosa Amelia Fierro, case postale 6735, 3001 Berne, Tél. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31, E-mail: mail@alliancesud.ch www.facebook.com/alliancesud https://twitter.com/AllianceSud Politique de développement

– Relations publiques Daniel Hitzig, Tél. 031 390 93 34, daniel.hitzig@alliancesud.ch – Développement durable / Climat Nicole Werner, Tél. 031 390 93 32, nicole.werner@alliancesud.ch Documentation Berne Jris Bertschi/Emanuela Tognola/ Renate Zimmermann, Tél. 031 390 93 37, dokumentation@alliancesud.ch

– Coopération au développement Nina Schneider, Tél. 031 390 93 40, nina.schneider@alliancesud.ch

Bureau de Lausanne Michel Egger/ Isolda Agazzi/Frédéric Russbach, Tél. 021 612 00 95/ Fax 021 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch

– Commerce / OMC Michel Egger/Isolda Agazzi, Tél. 021 612 00 95, lausanne@alliancesud.ch

Documentation Lausanne Pierre Flatt / Amélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon, Tél. 021 612 00 86, doc@alliancesud.ch

– Finance internationale /Fiscalité Mark Herkenrath, Tél. 031 390 93 35, mark.herkenrath@alliancesud.ch

Bureau de Lugano Silvia Carton / Lavinia Sommaruga Tél. 091 967 33 66/Fax 091 966 02 46, lugano@alliancesud.ch


Daniel Rihs

Mettre l’OMC sous pression

Points forts

4

Suisse et évasion fiscale Entre attentisme et évitement

6

Libre-échange AELE-Indonésie Deux visions du développement

8

La DDC et les PPPD Manque de cohérence

Mesures climatiques 10 Un financement opaque

Pour son départ de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le directeur général Pascal Lamy a présenté un rapport sur L’avenir du commerce : les défis de la convergence. Il a été rédigé par des représentant-e-s d’entreprises et d’associations économiques ainsi que de la Confédération syndicale internationale et du Programme des Nations Unies pour le développement. Le rapport montre ce que les sociétés transnationales veulent aujourd’hui en matière de politique commerciale. En premier lieu, le rapport réclame plus de flexibilité. Les règles, exceptions et dispositions transitoires de l’OMC ne devraient plus à l’avenir être définies selon des catégories rigides comme les « pays les moins avancés » (PMA), les pays en développement ou les pays industrialisés. Il s’agirait plutôt de partir du fait que les pays en développement auraient rattrapé les pays industrialisés dans certains secteurs économiques et que les PMA ne devraient plus être exemptés des obligations de l’OMC. Logiquement, le rapport met en question le « traitement spécial et différencié » qui jusqu’ici – étant donné les différences flagrantes de développement entre les membres – a constitué l’un des principes fondamentaux de l’OMC. Ce principe devrait maintenant être assoupli et adapté à la « réalité ». La flexibilisation en matière de politique commerciale réclamée par le rapport de Lamy, est comparable au bras de fer entre pays industrialisés et en développement dans la politique climatique. Dans les deux cas, les pays industrialisés ne veulent plus reconnaître les obligations particulières qui découlent de leur rôle économique et technologique dominant. Leur principal argument est que le monde a beaucoup changé et que les pays en développement ont accompli d’importants progrès économiques. C’est pourquoi le rapport de Lamy parle de convergence. Toutefois, nous sommes loin encore d’une réelle convergence. Il n’y pas que la Chine et le Brésil. Il existe des dizaines de pays pauvres dont l’agriculture s’est dégrradée et dont les industries faibles ont été démantelées. Les 49 PMA ont réalisé ensemble en 2011 un PIB égal à celui de la Suisse, mais avec une population cent fois plus grande. Le rapport de Lamy reflète plus ou moins l’opinion des membres occidentaux de l’OMC. Depuis des années, ils refusent tout changement aux règles en vigueur qui défavorisent les pays en développement. Ils ne seraient prêts à des concessions que si les pays en développement acceptaient d’ouvrir tout grand leurs marchés, ce qu’ils refusent. C’est pourquoi les négociations à l’OMC sont bloquées depuis dix ans. Les pays industrialisés essaient aujourd’hui de faire pression de l’extérieur sur les « récalcitrants ». Si des traités de libre-échange (actuellement en négociation) devaient voir le jour entre les USA et l’Union européenne ainsi qu’entre l’Amérique du Nord et une série de pays asiatiques du Pacifique, ces deux zones couvriraient la plus grand part de l’économie mondiale – elles contourneraient aussi la Suisse. Clara Hill, qui avait négocié l’accord de libre-échange Canada-USA-Mexique (ALENA), a écrit dans le New York Times qu’à l’instar de l’ALENA en 1993, ces deux accords devraient débloquer les négociations à l’OMC. Ils visent à accomplir les ultimes libéralisations que les pays en développement ont jusqu’ici réussi à empêcher à l’OMC. Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud

GLOBAL + ETE 2013

3


Suisse et évasion fiscale des pays du Sud

Entre attentisme et stratégie d’évitement Mark Herkenrath

La pression internationale sur les paradis fiscaux continue d’augmenter.

La Suisse réagit comme d’habitude par des manœuvres dilatoires. Elle nuit ainsi également aux pays en développement. Les pays en développement sont chaque année spoliés de milliards de revenus dont ils auraient urgemment besoin pour lutter contre la pauvreté et les effets négatifs des changements climatiques. Ces pertes massives sont dues aux pratiques de soustraction fiscale des élites riches et des multinationales. L’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan l’a rappelé récemment sans ambages dans un article paru dans le New York Times. Il souligne qu’aucun continent ne souffre autant que l’Afrique des conséquences des flux d’argent douteux vers les pays industrialisés1. Il a demandé expressément à la Suisse, mais aussi à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, de prendre enfin les mesures qui s’imposent et d’accroître la transparence dans le secteur financier. Manque de recettes fiscales De fait, les recettes fiscales des pays en développement ne représentent en moyenne que 17% de leur produit intérieur brut. Ce taux s’élève dans les pays riches industrialisés à 35%, mais n’atteint même pas 15% dans nombre de pays africains pauvres. Selon l’avis unanime de nombreux experts du développement et du Fonds monétaire international (FMI), c’est trop peu pour pouvoir financer un appareil administratif en état de fonctionner dans les grandes lignes. Il existe cependant, et heureusement, un énorme potentiel de rattrapage.

« La stratégie de l’argent propre n’est pas une alternative à l’échange automatique d’informations. »

Deux éléments essentiels contribuent à l’insuffisance des revenus budgétaires des pays en développement : des systèmes fiscaux souvent déficients et les faiblesses administratives des autorités fiscales. De grandes parties de l’économie et, avant tout, le secteur informel sont à peine ou pas du tout imposés. C’est pourquoi des organisations internationales comme le FMI et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) soutiennent – par une aide financière et des conseils techniques – les pays en développement concernés dans leurs réformes de fond du système fiscal. Divers programmes de développement du Secrétariat d’Etat à

4

GLOBAL + ETE 2013

l’économie (Seco) poursuivent le même objectif. Ces réformes fiscales consistent toutefois assez souvent à introduire des impôts sur la consommation, qui affectent de manière particulièrement forte les segments les plus pauvres de la population. La plaie de l’évasion fiscale En même temps, les pays en développement souffrent du même problème que les pays riches industrialisés qui bénéficient de bons systèmes fiscaux et d’autorités fiscales très bien équipées. Il s’agit de l’évasion fiscale des personnes privées fortunées qui déposent leurs avoirs à l’étranger sans les déclarer. A cela s’ajoutent les pratiques de soustraction fiscale des multinationales qui déplacent – souvent en toute légalité – leurs gains dans des territoires à faible imposition comme la Suisse. Les mesures nécessaires sont avant tout à prendre dans les paradis fiscaux qui profitent des flux de fonds étrangers non déclarés. La communauté internationale a, peu après le déclenchement de la crise financière et économique de 2008, déclaré la guerre aux nombreux oasis fiscaux de la planète. Les progrès enregistrés jusqu’ici en matière de transparence fiscale n’ont cependant quasi rien apporté aux pays en développement. Pour preuve, l’exemple de la Suisse : sous pression de l’OCDE, elle a depuis 2009 conclu des conventions de double imposition fiscale avec presque quarante pays. Ces accords permettent aux pays partenaires – en cas de soupçon de soustraction fiscale fondé – de demander l’échange d’informations bancaires. On cherche cependant en vain les noms de pays en développement pauvres dans la liste des nouveaux traités fiscaux de la Suisse. Pression en hausse Depuis le début de cette année, la pression internationale sur des paradis fiscaux comme la Suisse s’est encore fortement accentuée. De plus en plus de pays, en particulier l’Union européenne (UE), veulent faire de l’échange automatique d’informations le standard international en matière de fiscalité. Il aurait un effet dissuasif important sur les soustracteurs fiscaux potentiels. Il serait donc extrêmement utile aussi aux pays en développement, indépendamment du nombre de données obtenues que leurs autorités fiscales seraient en mesure de traiter effectivement. En même temps, l’UE travaille actuellement à un plan d’action qui lui permettra de sanctionner les places finan-


Photo: Richard Gerster

Même l’association des banquiers privés suisses se prononce pour l’échange automatique d’informations, prenant à contrepied le Conseil fédéral. Il refuse cependant d’en faire bénéficier les pays en développement !

cières insuffisamment transparentes. Des sanctions seraient aussi possibles contre les pays qui pratiquent une concurrence fiscale déloyale. Sont visés les Etats qui imposent les revenus des entreprises obtenus à l’étranger à des taux moindres que les gains réalisés au plan domestique. La Suisse en fait partie, avec ses régimes fiscaux cantonaux préférentiels pour les holdings et sociétés analogues. Elle pousse ainsi les multinationales à transférer les profits issus des pays de production vers leur siège en Suisse, via par exemple des payements d’intérêt ou la comptabilisation de prestations de services élevées. L’UE n’est plus la seule à vouloir mettre fin à ces régimes particuliers. L’OCDE est également montée au front. Dans le cadre de son programme sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), elle envisage des mesures pour combattre la concurrence fiscale déloyale entre sièges nationaux potentiels de multinationales. Manœuvres dilatoires La Suisse continue à réagir à cette pression croissante par des mesures dilatoires. Alors que la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf réfléchit déjà à haute voix sur l’échange automatique d’informations, le Conseil fédéral s’engage toujours officiellement pour une stratégie molle d’argent blanc : les banques devraient entre autres – sur la base d’une autodéclaration des clients – garantir qu’elles n’acceptent plus de fonds non déclarés. De telles autodéclarations de conformité fiscale, qui ont déjà été introduites de manière volontaire par différentes banques, ne servent cependant pas à grand-chose. C’est ce que vient justement de montrer une recherche de la Neue Zürcher Zeitung2. Un employé de banque y avoue sans

vergogne que les fortunes provenant des pays en développement sont « traditionnellement non déclarées » et que l’on a souvent des doutes sur la véracité des formulaires des clients. On n’entreprend cependant rien pour corriger la situation. Pour ces différentes raisons, la stratégie de l’argent propre prévue a peu de chance de s’imposer comme alternative à l’échange automatique d’informations. L’association des banquiers privés suisses l’a aussi bien compris. Son président, Nicolas Pictet, s’est prononcé entre-temps publiquement pour l’échange automatique d’informations. Il ne veut cependant pas en faire bénéficier l’ensemble des pays émergents et en développement, sous le prétexte que la sécurité juridique y serait de toute manière insuffisante. Le commerce florissant des banques suisses avec les fonds non déclarés du Sud doit donc pouvoir continuer sans entraves. La Suisse essaye aussi de sortir par la petite porte dans l’imposition des entreprises. Le Conseil fédéral propose que les régimes fiscaux cantonaux particuliers pour les holdings et sociétés analogues soient remplacés par des produits de licence. Cela donnerait aux multinationales la possibilité d’échapper à l’imposition de leurs bénéfices dans les pays en développement, via le payement de licences le plus élevé possible en Suisse.

1. « Stop the Plunder of Africa », New York Times, 9 mai 2013. 2. « Der Steinige Weg zum “weissen” Geld », NZZ, 18 mai 2013.

GLOBAL + ETE 2013

5


Accord de libre-échange AELE-Indonésie

Deux visions différentes du développement Isolda Agazzi

L’Association européenne de libre-échange (AELE), dont la Suisse est membre,

négocie un accord avec l’Indonésie. Celle-ci demande un effort conséquent en termes

Photo: Keystone

de coopération technique. Deux visions différentes du développement s’affrontent.

Récolte de noix de palme en Indonésie (Sumatra), principal exportateur mondial d’huile de palme. Jakarta n’ouvrira son marché industriel qu’en contrepartie d’un accès accru au marché suisse pour ses produits agricoles.

« Ce n’est pas un accord de libre-échange que nous négocions avec l’AELE, mais un accord exhaustif de partenariat économique », précise d’emblée Soemadi Brotodiningrat, le chef négociateur indonésien, joint par téléphone à Jakarta, juste après le septième tour de négociations qui a eu lieu dans la capitale indonésienne en mai. « La différence est que nous intégrons la coopération en matière de création des capacités. C’est notre deuxième accord de ce genre, après celui avec le Japon (2008). L’initiative est venue de l’AELE et nous y avons répondu positivement, parce que les relations commerciales entre nos pays sont encore très en-deçà de leurs potentialités et qu’il y a plus de complémentarité que de compétition. Par exemple, vos produits agricoles sont très différents des nôtres. Malgré cela, il n’est pas facile d’accéder au marché de l’AELE. » Avec un produit national brut (PNB) qui a crû de 5,9% au cours des six dernières années, un PNB par habitant qui a doublé pour atteindre 3’500 dollars et une population de 238 millions d’habitants, l’Indonésie est un marché très appétissant pour l’AELE. Les Indonésiens sont relativement inexpérimentés dans ce genre de négociations, mais ils ont les idées très claires sur un point : ils veulent de l’aide pour profiter au maximum de

6

GLOBAL + ETE 2013

l’accord. « Pour l’instant, ils sont en train d’établir leurs priorités en matière de coopération, souligne Martin Zbinden, le négociateur suisse. En principe, nous sommes prêts à entrer en matière, comme nous l’avons fait avec d’autres partenaires de libre-échange, mais il faudra voir, concrètement, quels projets ils vont nous proposer. » Agriculture contre industrie Le principal intérêt de l’Indonésie réside dans l’agriculture et les matières premières. « Les pays de l’AELE se montrent très généreux pour les produits manufacturiers, mais lorsqu’il s’agit d’agriculture, ils ne sont prêts à abaisser que 30% de leurs lignes tarifaires, regrette Soemadi Brotodiningrat. Pourtant, s’ils libéralisaient leur marché agricole, nous pourrions peut-être ouvrir notre marché industriel. Cela doit être équilibré. » Les ouvertures agricoles sont particulières en ce qu’elles se négocient bilatéralement, pays par pays de l’AELE. En Suisse, la protection moyenne tarifaire est de 31,9% pour les produits agricoles, contre 2,3% pour les produits manufacturiers. Mais elle peut monter à 100%, voire carrément à 1676% pour les produits les plus protégés, comme la viande et le lait.


Martin Zbinden assure que la Suisse est disposée à entrer en matière pour améliorer l’accès au marché, mais dans les limites de la politique agricole nationale. « Jusqu’à présent, on a toujours réussi à se mettre d’accord, tout en sauvegardant la protection des produits importants pour la Suisse. Avec un pays comme l’Indonésie, cela devrait être d’autant plus facile que nous ne produisons pas les mêmes choses, ou pas à la même saison. » Malgré ces possibles concessions, l’Indonésie n’est pas prête à ouvrir son marché industriel à n’importe quel prix. Forte d’une politique économique plutôt volontariste, elle applique un droit de douane moyen de 7,5% sur les produits in-

« Nous critiquons les accords de libreéchange, parce qu’il y a un manque flagrant de transparence et de reddition des comptes. » dustriels et de 9,5% sur les produits agricoles – elle impose, au passage, la certification « halal » à toute viande importée. Les entreprises d’Etat continuent à jouer un rôle essentiel dans le développement industriel. Leur contribution au produit national brut s’élève à 40%. Aucune privatisation significative n’a eu lieu récemment. Les principaux produits d’importation et d’exportation de l’Indonésie restent liés à l’énergie. Le gouvernement vient d’adopter une série de mesures pour développer les industries locales et les aider à progresser dans la chaîne de valeur : les exportations de matières premières sont restreintes et taxées, les licences d’importation et la participation étrangère aux banques limitées. Des mesures parfaitement assumées par notre interlocuteur : « Nous voudrions offrir à nos partenaires l’accès au marché par le biais des investissements. Au lieu de nous vendre des produits fabriqués ailleurs, pourquoi ne viendraient-ils pas les produire ici ? Les produits intermédiaires pourraient être importés hors taxe, s’ils ne sont pas disponibles sur place ou s’ils ne peuvent pas y être fabriqués. » Intervention de l’Etat versus économie de marché De fait, entre l’Indonésie et l’AELE, deux conceptions différentes de la politique industrielle et du développement s’affrontent. Pour Martin Zbinden, cela va dépendre des conditions cadres que Jakarta est en mesure d’offrir aux investisseurs étrangers. « Chez nous, ce sont les entreprises qui investissent, pas l’Etat. Nous ne pouvons que garantir leurs investissements par le biais de la protection de la propriété intellectuelle et de la propriété juridique. » A quoi Soemadi Brotodiningrat rétorque que l’Indonésie respecte les droits de propriété intellectuelle, mais qu’elle veut un transfert de technologie. Et Martin Zbinden de répondre : « Chez nous, le transfert de technologie est du ressort des entreprises privées, pas de l’Etat, et il ne peut se faire que par le biais des investissements. D’où la nécessité de créer des conditions cadres favorables. » A cet égard, un accord de promotion et protection des investissements existe entre les deux pays et il est en train d’être révisé. Concrètement, l’Indonésie veut inciter les investisseurs à ajouter de la valeur aux

produits sur place, au lieu de les exporter tels quels, et à améliorer leur qualité technique pour qu’ils répondent à nos standards – sinon, cela ne sert à rien que la Suisse réduise ses droits de douane. Concernant le commerce de services, « qui est très asymétrique entre pays en développement et pays industrialisés », l’Indonésie voudrait que les Etats de l’AELE acceptent d’accueillir des stagiaires en formation, par exemple dans le tourisme et l’hôtellerie. Sur le chapitre de la durabilité, Martin Zbinden assure que des progrès ont été réalisés. « Nous proposons à l’Indonésie le chapitre modèle de l’AELE. Comme presque tous les pays en développement, notamment asiatiques, elle a des réticences, car elle craint des velléités protectionnistes, mais son attitude est constructive. » En effet, Soemadi Brotodiningrat affirme préférer une coopération sur l’environnement que de lier commerce et environnement. Il se déclare d’accord sur les normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT). Processus opaque et non démocratique Ces précautions ne convainquent pas Ario Aditjo, directeur de l’Institut pour les études nationales et démocratiques à Jakarta. L’institut est membre de l’Alliance des peuples d’Indonésie, une large plateforme de plus de 50 organisations nationales et sept réseaux régionaux qui s’opposent à l’agenda libéral du gouvernement. « Nous critiquons les accords de libre-échange, parce qu’ils n’ont pas besoin d’être ratifiés par le parlement indonésien – aussi corrompu soit-il. Le gouvernement a tous les pouvoirs et il ne consulte pas la société civile. Il y a un manque flagrant de transparence et de reddition des comptes. » Selon lui, l’AELE exporte surtout des produits pharmaceutiques et des machines à haute technologie qui ne servent pas à l’industrialisation de son pays, puisque 70% du tissu industriel est composé de manufactures qui fabriquent des produits semi-finis. « L’AELE demande à l’Indonésie d’ouvrir trois autres secteurs : l’agriculture, les services et les investissements. Mais nous sommes un pays agricole et les services occupent une large partie des forces productives. L’Indonésie veut devenir un grand acteur commercial, mais pour cela elle devrait avoir une industrie forte – ce qui n’est pas le cas – et assurer d’abord la consommation et les besoins de sa population. »

Balance commerciale en faveur de la Suisse ia En 2011, l’Indonésie a exporté pour 406 millions de dollars vers la Suisse et importé pour 708 millions. Cela ne représente que 0,2% et 0,4% respectivement du commerce extérieur indonésien – fortement stimulé par la demande mondiale de matières premières – et quasi les mêmes proportions pour la Suisse : 0,22% du total de ses importations et 0,33% de ses exportations. L’Indonésie est le principal exportateur mondial d’huile de palme. A côté de cela, elle exporte du pétrole, du gaz naturel, du charbon, des métaux précieux, des minerais, du bois et du caoutchouc. Côté agriculture, du café, du cacao et des crevettes. En matière industrielle, des textiles, des chaussures, des biens électroniques et des machines électriques.

GLOBAL + ETE 2013

7


La DDC et les partenariats privé-public de développement

Manque de cohérence Nina Schneider

Win-Win : tous en profitent. C’est ce que promet l’alliance entre l’Etat et l’éco-

nomie privée, la main publique et les entreprises en quête de profit. Une collaboration qui n’est pas sans pierres d’achoppement.

La Direction du développement et de la coopération (DDC) suit la tendance internationale. Elle veut accroître son engagement avec les multinationales suisses. Alliance Sud a mis en question les nouvelles lignes directrices pour ses « partenariats privé-public de développement » (PPPD) : qui profite de cette collaboration ? La DDC prend-elle suffisamment en compte le fait que deux « modèles d’affaires » fondamentalement différents se télescopent dans les PPPD ? L’économie privée vit de la concurrence et de la maximisation du profit, ce qui implique notamment la protection des secrets d’affaires. La DDC en tant que bailleur de fonds public est, en revanche, tenue à la non-lucrativité et à la publication de ses données. Cela seul lui donne la légitimité de s’immiscer avec des projets dans les programmes de développement des pays les plus pauvres. Projets sauvages LA DDC a esquissé ces défis de manière différenciée dans des lignes directrices publiées au début de cette année. Mais qu’en est-il en pratique ? L’évaluation des PPPD réalisés jusqu’ici se fait attendre depuis longtemps. Une consultante externe a été mandatée en mai et devrait fournir un rapport d’ici août. Il n’est pas sûr cependant qu’elle puisse répercuter les doutes

Critères pour des PPPD efficients Pour garantir l’efficacité des PPPD en matière de développement, plusieurs questions doivent être prises en considération :

ns

• A-t-on tiré les leçons des partenariats passés et suffisamment étudié les alternatives ? • Existe-t-il une plus-value de développement que l’entreprise privée ne réaliserait pas sans un cofinancement public ? • Peut-on prévenir l’éviction d’entreprises locales ? • Les droits humains et du travail ainsi que la protection de l’environnement sont-ils respectés ? • Va-t-on rendre des comptes de manière transparente et vérifier les résultats de façon indépendante ? • Les droits de regard sont-ils respectés dans les pays récipiendaires et les savoirs locaux sont-ils utilisés ? • Le choix des instruments obéit-il à un concept de développement cohérent ?

8

GLOBAL + ETE 2013

sur l’utilité et l’efficacité des PPPD. Selon le service de contrôle de la DDC, les données à disposition pourraient n’aboutir qu’à des considérations générales sur le volume des engagements en matière de PPPD, mais pas sur les questions d’ordre qualitatif. Car nombre de partenaires privés n’ont jamais dû rendre des comptes de manière détaillée. Cette situation est due aux structures décentralisées qui ont permis jusqu’ici à chaque département et bureau de coopération sur place d’initier des projets de partenariat avec des entreprises privées. C’est ainsi que sont nés de manière sauvage une initiative de formation professionnelle en Afrique du Sud, un programme de Nestlé pour les producteurs de lait au Pakistan, un projet-pilote au plan mondial pour des micro-assurances de la Zurich et un joint-venture avec l’industrie pharmaceutique pour le développement de nouveaux remèdes contre la malaria. Mais on n’a jamais évalué, dans ces programmes, la relation entre l’utilité en termes de développement et l’impact publicitaire pour les firmes. On ne s’est jamais demandé dans quelle mesure des entreprises – grâce aussi au label de la DDC – convoitaient ainsi de nouveaux marchés. Principes mi-figue mi-raisin Avec ses nouvelles lignes directrices, la DDC entend régler de manière plus ferme les PPPD. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays européens, où des fonds richement dotés avec l’argent de la coopération ont été créés pour des PPPD, la DDC ne devrait initier de tels projets que lorsqu’ils sont supérieurs à d’autres formes de programme. Les questions de savoir si les PPPD génèrent des sources de financement nouvelles et supplémentaires ou s’ils sont aussi efficaces en termes de coût qu’on le prétend, sont très discutées au sein de la DDC. Cela reflète la critique fréquemment avancée que les PPPD ne seraient en réalité qu’une nouvelle forme d’« aide liée », c’est-à-dire – sous couvert de développement – une manière cachée pour un pays de promouvoir sa propre économie. Selon les lignes directrices de la DDC, la Suisse entend prendre ici d’autres chemins. Elle se présente moins comme une promotrice que comme une dompteuse de l’économie privée. Ainsi, elle ne désire pas utiliser des activités déjà en cours d’entreprises suisses seulement à des fins de développement, mais aussi influer sur leur comportement écologique et social. Il ne suffira plus à l’avenir pour une entreprise d’afficher son adhésion à une initiative volontaire comme le Pacte mondial de l’ONU. Au contraire, la DDC attend de ses partenaires privés des plans concrets pour le renforcement des droits humains et du travail, la protection de l’environnement, ainsi que des concepts pour la résolution des conflits. Réjouissante


également est la volonté de la DDC de soumettre dorénavant tous les PPPD, pendant toutes les phases de programme, à un contrôle indépendant, pour autant cependant que cela apporte des éléments d’information pertinents sur leur utilité en matière de développement.

Absence de droit de regard Les risques de réputation pour la coopération publique au développement – suite à des agissements peu scrupuleux et intéressés de multinationales – ne sont pas le seul problème. Deux acquis centraux de politique de développement pourraient être mis en péril par des PPPD. D’une part, le « principe d’appropriation » (ownership), qui intègre les gouvernements des pays récipiendaires dans les processus de décision. D’autre part, l’« utilisation des systèmes nationaux », qui exige une étroite collaboration avec les acteurs publics et privés locaux dans la mise en œuvre des programmes de développement. Ces deux aspects manquent dans les lignes directrices de la DDC. Font également défaut les possibilités de droit de regard et de plainte pour les personnes concernées. Cette lacune est d’autant plus frappante si l’on considère le nombre de plaintes rendues publiques ces derniers mois contre des entreprises suisses actives à l’étranger. Forte de sa conviction que des programmes novateurs requièrent aujourd’hui la collaboration avec le secteur privé, la DDC rejette tout soupçon général envers les PPPD. Très en vogue comme nouveaux instruments de la coopération au développement, les partenariats avec les grandes entreprises comportent cependant le danger de contredire les approches poursuivies jusqu’ici. Contre ce risque, des méthodes de contrôle adaptées à la logique d’affaires des multinationales ne suffisent pas.

Photo: Keystone

Sensibilité aux risques potentiels La DDC se distancie également des projets visant la privatisation des infrastructures publiques ainsi que des entreprises de matières premières, dont les modèles d’affaires reposent précisément sur le non-droit et l’impunité juridique dans les pays en développement. Elle se montre ainsi sensible aux risques potentiels des PPPD. A juste titre, car ce qui est en jeu – dans le pire des cas – est la bonne réputation de la coopération suisse au développement. C’est pourquoi elle veut éviter que des entreprises usent de ressources publiques pour échapper à la stagnation économique dans les pays industrialisés et conquérir de nouveaux marchés et champs d’investissement au Sud. Les lignes directrices – c’est une nouveauté – mentionnent la possibilité de mettre fin à des collaborations. La DDC tient cependant peu compte de la demande d’exclure de tels partenariats les multinationales auxquelles peuvent être reprochées des atteintes aux droits humains et à l’environnement. L’important pour la DDC n’est pas que les entreprises soient irréprochables partout dans le monde, mais qu’elles soient prêtes à reconnaître leurs fautes et à prendre les mesures concrètes qui s’imposent en cas de plainte. L’avenir dira si la DDC est prête à entériner la demande d’Alliance Sud de chercher davantage des partenariats avec

des services publics (par exemple dans les domaines de l’eau et des transports), des coopératives ou des entreprises locales, qui à coup sûr correspondraient mieux à son image de marque.

AG de la Zurich Financial Services, mars 2012. La DDC a développé avec la Zurich un projet-pilote de microassurances au plan mondial. Elle n’a cependant jamais évalué jusqu’ici la relation entre l’utilité en termes de développement et le gain publicitaire pour l’assureur.

GLOBAL + ETE 2013

9


Mesures climatiques dans les pays du Sud

Un financement tout sauf transparent Les pays industrialisés ont promis en 2010 à la conférence de Cancún sur le climat de soutenir les pays du Sud dans leurs efforts vers un développement compatible avec les changements climatiques.

Photo: Joerg Boethling

Cela, avec des fonds nouveaux et additionnels. Deux ans et demi plus tard, le bilan est décevant.

Bois de chauffage et éoliennes : deux formes d’énergie se croisent à Kanyakumari (Sud de l’Inde).

100 milliards de dollars par an à partir de 2020. C’est la somme que les pays industrialisés ont promis aux pays en développement pour les aider à faire face aux changements climatiques. Pour assurer la transition, ils se sont également engagés à verser 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012. Les ressources financières liées au climat devraient augmenter graduellement dès 2013. La conférence sur le climat de Doha en 2012 n’ayant débouché sur aucun engagement financier supplémentaire, les fonds manquent actuellement. Et les efforts vers un développement favorable au climat sont menacés. Le non-respect des promesses rend plus difficile encore la convergence de vues pour un nouveau traité global sur le climat, qui devrait être sous toit en 2015 et valoir pour tous les Etats à partir de 2020. Il ne reste plus que trois rounds de négociations pour y parvenir. Le prochain aura lieu à Varsovie en novembre.

« Nouveau » n’égale pas « additionnel » La décision de Cancún exige que les engagements financiers du Nord soient « nouveaux et additionnels ». « Nouveaux » signifie qu’il ne doit pas s’agir de ressources déjà décidées auparavant, « supplémentaires » que les moyens doivent s’ajouter à ceux de l’aide au développement. Cela se justifie par le fait que les pays du Sud doivent assumer des coûts – générés par les changements climatiques – qui dépassent la lutte classique contre la pauvreté et dont le Nord est pour une grande part responsable. Ce n’est malheureusement pas ainsi que les choses se passent. La Suisse, par exemple, comprend « additionnel » au sens de « nouveau ». Elle suit les directives de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) qui autorise les pays à comptabiliser comme « fonds climatiques » l’aide au développement dont ils estiment, selon leurs propres critères, qu’elle contribue à la protection du climat. En d’autres termes, on ne fait que verser beaucoup de vieux vin dans de nouvelles bouteilles. Fonds privés controversés La question reste entière de savoir comment les pays industrialisés entendent honorer leurs promesses financières. L’heure est à la levée des ressources privées par des fonds publics. Une approche controversée, car il est diffi-

Part de la Suisse au financement du climat nw Faute de règles internationales, chaque pays industriel a défini lui-même sa part aux 30 milliards de dollars promis pour la période 2010-2012. Dans sa pondération, la Suisse a donné trois fois plus de poids à sa part aux émissions globales de gaz à effet de serre (0,3%) qu’à sa part au revenu mondial (0,8%). La contribution de 0,4% (140 millions de francs) qui en a résulté a été intégrée en 2010 dans le crédit supplémentaire pour la coopération au développement. La faible pondération du revenu national est contestable, car la Suisse, en ce siècle, a économiquement largement profité des émissions non réglementées à domicile et à l’étranger.

cile de savoir quels investissements et crédits du privé auraient de toute manière eu lieu. De plus, les investisseurs ne tiennent le plus souvent pas compte des stratégies nationales de développement, au risque de miner la responsabilité propre des pays récipiendaires (voir l’article « Manque de cohérence », p. 8). Toujours est-il que quelques Etats n’hésitent pas à comptabiliser les investissements privés qu’ils ont mobilisés dans la réalisation de leurs engagements. Il manque à cet égard un système de reporting transparent permettant de comparer les volumes et les sources des contributions financières des différents pays. Besoin de critères rigoureux La Suisse cherche à obtenir l’élaboration de critères, valables au plan international, définissant quels investissements privés et autres garanties contre les risques à l’exportation peuvent être affectés au financement des mesures climatiques. Selon une étude mandatée par l’Office fédéral de l’environnement, entre 0,5 et 2,7 milliards de francs de source privée auraient déjà été engagés dans des projets au Sud pouvant être associés d’une manière ou d’une autre à des activités liées au climat. Sont compris les investissements dans des projets qui servent à compenser les émissions de gaz à effet de serre, conformément aux dispositions légales en vigueur. De fait, si l’on soustrayait ces montants et définissait d’autres standards minimaux garantissant la pertinence climatique, il ne resterait pas grandchose. Cela vaut non seulement pour la Suisse, mais aussi au plan international où le potentiel des apports privés à la protection du climat – et donc à la réalisation des promesses financières du Nord – est surévaluée. Des critères rigoureux sont plus que jamais nécessaires. Nicole Werner

10

GLOBAL + ETE 2013


L’empreinte de Pepo Hofstetter sur notre communication dans lesquelles Alliance Sud était impliquée et qui se sont déroulées en 2002 : l’adhésion à l’ONU, la Fondation de solidarité et l’abolition de la contribution de la ville de Zurich à l’aide au développement. Pepo aimait organiser des manifestations et mettre son nez hors du bureau. Dès 2004 et jusqu’en mars dernier à Tunis, il a ainsi notamment pris en charge et accompagné – avec E-changer – la délégation suisse au Forum social mondial. Très tôt, Pepo m’avait signalé qu’écrire de longs textes n’était pas sa tasse de thé. Il arriva donc qu’il me demande, avec de l’impatience dans la voix, s’il pouvait entreprendre à nouveau quelque chose d’une certaine envergure. La contribution de Pepo a été déterminante dans la campagne « 0,7% – ensemble contre la pauvreté ». Nous l’avons conçue en 2006, lancée en 2007 Photo: Action de Carême / Philipp Rohrer

Pepo Hofstetter a dirigé depuis 1999 les relations publiques d’Alliance Sud. Il a occupé et développé un service qui n’existait pas jusqu’alors. Il vient d’être débauché par les collègues d’Unia, dans une opération dont je ne saurais dire si elle est « amicale » ou « inamicale ». Pepo est certainement un gain pour Unia. Il a fortement marqué notre communication à l’extérieur. Il a conçu et produit notre périodique GLOBAL+. Il a refondu et considérablement rafraîchi deux fois notre site web avec les collègues de la documentation. Il a ouvert une petite porte vers les médias sociaux, organisé nos conférences de presse, rédigé nos communiqués. A côté de cela, Pepo désirait toujours avoir quelque chose de « juste » à accomplir. Le baptême du feu de Pepo fut l’accompagnement de nos activités au Sommet social mondial de Genève en 2000. En même temps démarraient les préparatifs pour trois campagnes de votation

avec une pétition du même nom et clôturée avec succès en 2012, quand le Parlement a décidé d’augmenter le budget de la coopération au développement à 0,5% d’ici 2015. Ces deux dernières années, Pepo s’est engagé dans la direction de la campagne « Droit sans frontières ». Il est maintenant, depuis avril, à la tête de la communication d’Unia. Nous lui souhaitons le meilleur et suffisamment de choses « justes » à accomplir. Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud

Les bons tuyaux de la doc Haïti : faillite de l’aide humanitaire ? Raoul Peck, cinéaste et brièvement ministre de la culture en Haïti, a consacré deux ans à la réalisation d’Assistance mortelle. Ce film constitue une charge violente contre l’échec de l’aide d’urgence qui a tenté de répondre à l’immense crise humanitaire provoquée par le séisme de janvier 2010. Le film a été diffusé sur Arte le 16 avril puis sur la RTS 1 dans le cadre de l’émission Histoire vivante, le 26 mai dernier. C’est peu dire qu’il a fait couler beaucoup d’encre, en Europe francophone comme en Haïti. Le réalisateur dénonce une situation qui n’aurait fait que se dégrader durant les trois dernières années. Il accuse les ONG, les gouvernements étrangers et les organisations internationales d’être responsables de ce fiasco. Il va plus loin encore et considère qu’ils entraînent activement Haïti vers une situation toujours plus

difficile. Pour plusieurs raisons : une gouvernance calamiteuse de l’aide, la non-prise en compte des autorités haïtiennes dans les processus de décision, l’ignorance et parfois l’avidité des bailleurs, dont certains n’agiraient que pour assouvir leur soif de reconnaissance, voire d’argent. Le film témoigne d’une réalité dramatique et des difficultés réelles que les acteurs de l’aide – plus ou moins bien intentionnés et plus ou moins bien formés – rencontrent non seulement en Haïti, mais sur tous les terrains. Le propos cependant est tellement unilatéral et laisse le spectateur avec si peu de réponses qu’il convient de réagir et de donner accès à d’autres sources, afin de poser correctement les enjeux d’un débat grave. Ainsi, plusieurs projets d’ONG suisses conribuent à la reconstruction du pays, notamment dans le domaine des écoles et de la formation des jeunes.

Les tuyaux • Assistance mortelle, Alliance Sud Documentation, 23 mai 2013, http :// goo.gl/8gfwM • Interview de Raoul Peck, Arte, 16 avril 2013, http ://goo.gl/Sp4BN • « “ Assistance mortelle ” : un film pour l’avenir », Haïti News 2000, 5 mai 2013, http ://goo.gl/taJZ3 • « Ce n’est pas l’assistance qui est mortelle, mais l’absence de leadership qui tue ! », Jean-François Roosevelt, Rooseveltjf’s Blog, 19 avril 2013, http ://goo.gl/IzuHg • Pascal Fleury, « Des projets suisses font école en Haïti », La Liberté, 24 mai 2013, http ://goo.gl/upeqB

Pour plus d’informations: Centre de documentation d’Alliance Sud Avenue de Cour 1, 1007 Lausanne, doc@alliancesud.ch ou 021 612 00 86 www.alliancesud.ch/documentation.

GLOBAL + ETE 2013

11


1,25 dollar

Le nombre de personnes qui souffrent de l’extrême pauvreté (moins de 1,25 dollar par jour) a diminué de moitié entre 1990 et 2010. Objectif atteint.

863 millions

En 1990, 650 millions de personnes vivaient dans des bidonvilles. Elles sont aujourd’hui 863 millions, dont 830 dans les pays en développement. Objectif manqué.

76 pour cent

Faits et chiffres Objectifs du Millénaire

En Afrique subsaharienne, la proportion d’enfants ayant accès à l’école obligatoire a augmenté de 58 à 76 pour cent entre 1999 et 2010. Objectif partiellement atteint.

Ressources documentaires

Lumières sur les matières premières « 500 entreprises et 10’000 personnes œuvrent en Suisse dans le secteur des matières premières. […] La Suisse est l’une des plus importantes places de négoce des matières premières du monde. » Voilà ce qu’écrivait le Conseil fédéral dans un communiqué de presse fin mars à l’occasion de la publication de son Rapport de base sur les matières premières. La complexité de cette problématique ne permet guère d’en faire le tour en quelques lignes. Les ressources du centre de documentation d’Alliance Sud sont précisément là pour vous permettre d’approfondir ce sujet, comme bien d’autres. Plusieurs dossiers électroniques thématiques – matières premières, multinationales ou encore pétrole – sont à disposition du public. Ils sont en ligne et librement accessibles. Le portail Multimedia permet d’aborder la question des matières premières en sons et en images et le portail Globalia propose une liste de sites web de référence. Le papier est également un outil de choix pour étudier cette problématique. Avec dix ans d’archives de presse classées en 28 thèmes et des centaines de sous-thèmes, vous pourrez aborder la question des matières premières sous l’angle des multinationales suisses, de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ou encore de la fiscalité. L’équipe de documentalistes professionnels d’Alliance Sud est à votre disposition. Ils travaillent quotidiennement à l’entretien et au renouvellement de son fonds documentaire et sont là pour vous guider et vous conseiller dans vos recherches. Ils n’attendent plus que votre visite !

Centre de documentation d’Alliance Sud, avenue de Cour 1, 1007 Lausanne ; Tél.: 021 612 00 86 ; E-mail : doc@alliancesud.ch ; Ouvert du lundi au vendredi, de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30.

Sources : www.un.org ; www.worldbank.org

www.alliancesud.ch

GLOBAL + Avenue de Cour 1 | 1007 Lausanne | Téléphone 021 612 00 95 E-Mail: globalplus@alliancesud.ch


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.