NUMÉRO 56 | ÉTÉ 2015
Globalisation et politique Nord-Sud
Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch
L’APD se transforme en aide au climat Chef de l’OFEV : sans ambages
Initiative populaire : le business réagit
Financement des ODD : conflit Nord-Sud
News Message sur l’APD: menace de coupes es. Dans la discussion sur le message pour la coopération au développement 2017 – 2020, ( presque ) tout tourne autour de l’argent. Les pronostics de croissance de l’économie suisse se sont détériorés depuis l’abolition du cours plancher par la Banque nationale. De plus, des réformes fiscales comme celle sur l’imposition des entreprises II ponctionnent la caisse fédérale. Ce n’est qu’en septembre que le budget de l’aide au développement pour la période du prochain message sera connu. On verra alors si l’engagement à consacrer 0,5 pour cent du revenu national brut à l’aide au développement sera honoré, ou si l’on va économiser sur le dos des plus pauvres de la planète. La société civile est actuellement consultée sur le contenu du message. Celui-ci doit être adopté par le Conseil fédéral en décembre 2015. Le Parlement décidera fin 2016. Cycle de Doha : la guerre est ouverte ia. « Re-calibration ». C’est le mot magique trouvé par les pays industrialisés pour remettre en question les acquis du cycle de Doha et conclure ce dernier à la ministérielle de Nairobi, en décembre. Sous prétexte de simplification, les pays riches veulent rouvrir les textes de négociation dans l’agriculture et les produits industriels, et faire
Principes de l’OCDE : maigre bilan me. Dans quelques cas récents, des médiations menées par des Points de contact nationaux ( PCN ) en charge de la mise en œuvre des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales, ont abouti à des engagements des entreprises d’améliorer leur diligence raisonnable en matière de droits humains. Ce n’est malheureusement de loin pas la règle. Selon une étude du réseau international OECD Watch sur les 200 plaintes déposées par des ONG ces 15 dernières années, les PCN ont globalement échoué à remédier aux violations des Principes. En cause, de nombreuses faiblesses qu’il convient de corriger : un manque d’in-
dépendance et d’impartialité, dû à un ancrage institutionnel dans l’instance gouvernementale responsable de la promotion des investissements ; le refus d’établir l’existence de violations dans les déclarations finales ; l’absence de sanctions pour les entreprises refusant de jouer le jeu. Autant de carences qui caractérisent le PCN suisse ( Seco ), pointé du doigt par le rapport Remedy Remains Rare pour sa mauvaise gestion du cas Triumph en 2009. www.oecdwatch.org real21 – comprendre le monde dh. Alliance Sud s’engage avec l’école suisse de journalisme MAZ pour du travail d’information de haute qualité sur les questions de développement global. Pour le promouvoir, les deux organisations ont créé l’association « real21 – comprendre le monde ». Un fonds permettra de subventionner des enquêtes à raison de 54 000 francs par an, et des prix de 10 000 et 5000 francs récompenseront les meilleures contributions. Les dossiers pour le fonds pourront être déposés entre fin août et fin octobre. Un jury sélectionnera les projets à promouvoir. Les premiers prix seront décernés en automne 2016. « real21 » est financée par la Direction du développement et de la coopération ( DDC ) qui comble ainsi le manqué né de la disparition d’Infosud en Suisse alémanique. www.real21.ch
Impressum
Alliance Sud en un clin d’œil
GLOBAL + paraît quatre fois par an.
Président Melchior Lengsfeld, directeur d’Helvetas Swiss Intercooperation
Editeur : Alliance Sud Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper E-Mail : globalplus@alliancesud.ch Site Internet : www.alliancesud.ch Médias sociaux : facebook.com/alliancesud, twitter.com/AllianceSud Rédaction : Michel Egger ( me ) Tel. + 41 21 612 00 98 Iconographie : Nicole Aeby Graphisme : Clerici Partner AG, Zurich Impression : s+z : gutzumdruck, Brig Tirage : 1500 Prix au numéro : Fr. 7.50 Abonnement annuel : Fr. 30.– Abonnement de soutien : min. Fr. 50.– Prix publicité / encartage : sur demande Photo de couverture : Dans un camp de personnes déplacées internes à Gareida au Darfour du Sud ( Soudan ). © Sven Torfinn/Panos Le prochain numéro paraîtra en octobre 2015.
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passer à la trappe les flexibilités accordées aux pays en développement. Pour l’agriculture, il s’agirait de revoir, par exemple, le mécanisme spécial de sauvegarde, qui aide les pays en développement à se protéger temporairement de flux d’importations massives. Ou de permettre aux pays riches de continuer à subventionner leur agriculteur, sans améliorer l’accès au marché des pays en développement. Ces derniers, y compris les grands pays émergents, refusent cependant de brader l’aspect développement du cycle et de le conclure au rabais. Les hostilités sont lancées.
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Direction Peter Niggli ( directeur ) Kathrin Spichiger Monbijoustr. 31, Case postale 6735, 3001 Berne Tél. + 41 31 390 93 30 Fax + 41 31 390 93 31 E-Mail : mail@alliancesud.ch Politique de développement – Coopération au développement Eva Schmassmann, Tél. + 41 31 390 93 40 eva.schmassmann@alliancesud.ch – Politique financière et fiscale Mark Herkenrath, Tél. + 41 31 390 93 35 mark.herkenrath@alliancesud.ch – Environnement et climat Jürg Staudenmann, Tél. + 41 31 390 93 32 juerg.staudenmann@alliancesud.ch – Commerce et investissements Isolda Agazzi, Tél. + 41 21 612 00 97 isolda.agazzi@alliancesud.ch
– Multinationales et droits humains Michel Egger, Tél. + 41 21 612 00 98 michel.egger@alliancesud.ch – Médias et communication Daniel Hitzig, Tél. + 41 31 390 93 34 daniel.hitzig@alliancesud.ch InfoDoc Berne Jris Bertschi / Emanuela Tognola / Emanuel Zeiter Tél. + 41 31 390 93 37 dokumentation@alliancesud.ch Bureau de Lausanne Michel Egger / Isolda Agazzi / Katia Vivas Tél. + 41 21 612 00 95 / Fax + 41 21 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch InfoDoc Lausanne Pierre Flatt / Amélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon Tél. + 41 21 612 00 86, doc@alliancesud.ch Bureau de Lugano Lavinia Sommaruga / Mirka Caletti Tél. + 41 91 967 33 66 / Fax + 41 91 966 02 46 lugano@alliancesud.ch
Photo : © Daniel Rihs
Plus de protection du climat, moins d’aide ?
Points forts Financement du développement Bras de fer entre le Nord et le Sud Photo : © Daniel Rihs
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Chef de l’OFEV avant la COP21 « Pas de grandes attentes, s.v.p. ! »
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Initiative sur les multinationales Alliance contre la régulation
Accord sur les services ( TISA ) 10 Communes et cantons au filet
Le changement climatique a un coût élevé. Si on ne le freine pas, les diminutions de récolte, les inondations de régions littorales basses, les maladies, les migrations de masse et les conflits armés autour des ressources vont se multiplier. Y remédier engendre aussi des coûts. Il convient de faire transiter vers les énergies renouvelables les systèmes énergétiques, de production et de transport. C’est ce que l’on appelle la protection du climat. Les estimations modérées la chiffrent à quelque 200 milliards de dollars par an. Sa réalisation impliquerait dès 2020 des investissements dans les pays émergents et en développement. A cela s’ajoutent 50 milliards d’investissements annuels pour l’adaptation au changement climatique. Celle-ci comprend, par exemple, des systèmes de protection côtière contre l’élévation du niveau de la mer, des modifications des cours d’eau ou la relocalisation de populations au sein des pays concernés. Dans les pays du Sud, ces 250 milliards s’ajoutent aux coûts qui découlent du développement des systèmes de formation, de santé et des infrastructures. A Copenhague en 2009, les pays industrialisés ont promis de participer à la facture globale du climat à raison de 100 milliards par an, soit 40 pour cent. Cela, de manière additionnelle à l’aide au développement, qui s’élève aujourd’hui à 135 milliards. Ils pourraient générer facilement ces 100 milliards selon le principe du pollueur-payeur, en taxant les émissions domestiques de gaz à effet de serre, ce qu’ils doivent de toute manière faire s’ils entendent promouvoir leur propre protection du climat. En Suisse comme dans beaucoup de pays industrialisés, on sent cependant peu la volonté d’adopter les mesures politiques et légales nécessaires. Pour preuve, l’entretien dans ce numéro avec Bruno Oberle, chef de la protection de l’environnement en Suisse. Oberle prétend de manière apodictique qu’il aurait déjà été décidé de financer la contribution suisse au climat avec le budget du développement. Dans la mesure où ce dernier a été augmenté à 0,5 pour cent, il s’agirait de fonds « nouveaux et additionnels ». C’est contraire aux accords internationaux. Jusqu’ici, la Suisse et d’autres pays occidentaux ont utilisé l’argent du développement pour leurs apports homéopathiques au climat. Dès 2020, cela représentera cependant plusieurs centaines de millions de francs au détriment des tâches de développement de la DDC et du Seco. Pour Oberle, une telle ponction n’a rien de problématique, car les priorités de l’aide obéissent à des changements de mode constants. Hier on s’est concentré sur le genre et la décentralisation, aujourd’hui on devrait mettre l’accent sur le climat. Cela servirait aussi aux pauvres. Mais autant on ne peut « manger du climat », autant on manquera de nourriture si le changement climatique devait échapper à tout contrôle. L’un ne peut pas être remplacé par l’autre. Ceterum censeo : Oberle contredit la loi sur l’aide au développement. P.-S. Ceci est mon dernier éditorial. Conformément à ma tâche, il ne s’est pas agi d’une méditation rétrospective, mais d’une ouverture sur des confrontations à venir. Le 1er août, je confierai le gouvernail à de plus jeunes mains. Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud
Peter Niggli prend sa retraite 11 La fin d’une ère
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Controverses sur le financement du développement
Bras de fer entre le Nord et le Sud Eva Schmassmann
En juillet, la communauté des Etats réunie à Addis Abeba va adopter
le document final sur le financement du développement. Les négociations cependant sont âpres et aucun compromis ne se dessine sur les questions clés. Trois semaines supplémentaires de tractations devraient déboucher sur une percée. Analyse des principaux points de friction.
La conférence d’Addis Abeba sur le financement du développement ( FdD ) devrait indiquer comment financer les Objectifs de développement durable ( ODD ) qui sont au cœur du futur agenda post-2015. Ils seront adoptés lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. Point de friction 1 : comment s’articulent FdD et ODD ? Les pays industrialisés – Union européenne en tête – voient le financement du développement comme une partie intégrante de l’agenda post-2015. La conférence d’Addis Abeba doit selon eux fournir les ressources pour accomplir les ambitieux ODD, préciser l’objectif 17 ( « Renforcer les moyens de mise en œuvre » ) et quasiment anticiper sur sa réalisation. Ce n’est pas l’avis du G-77 qui regroupe les pays émergents et en développement. Il souhaite garder ouverte la possibilité de négocier jusqu’en septembre certaines options de mise en œuvre des ODD. De plus, la conférence onusienne du FdD représente un cadre universel pour débattre de thèmes que les pays riches discutent volontiers entre eux, par exemple au sein de l’OCDE. Si, à l’avenir, il ne devait plus exister qu’un seul processus commun de suivi pour l’ensemble du cadre post-2015 des ODD, ainsi que le préconisent l’Union européenne et la Suisse, les pays du G-77 craignent que les sujets traditionnels du FdD perdent leur spécificité. Cette peur est compréhensible, étant donné l’étendue thématique du spectre des ODD, qui vont de l’accès aux énergies propres à la protection des océans. C’est pourquoi le G-77 demande un oui clair à une quatrième conférence sur le FdD.
Le G-77 demande un oui clair à une nouvelle conférence sur le financement du développement. En dehors des ODD.
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Outre cette question fondamentale de procédure, deux autres points cruciaux de contenu se sont cristallisés dans les négociations. Si on ne parvient pas à les résoudre, la controverse risque de se poursuivre au sommet de l’ONU. Cela, sans parler des blocages politiques dans les négociations sur le climat, qui pourraient encore s’accroître. Point de friction 2 : organe sur les questions fiscales La dispute porte également sur la question de savoir comment générer des recettes fiscales au service du développement. Les pays industrialisés voient un gros potentiel dans la mobilisation des impôts nationaux. Des administrations fiscales efficaces pourraient apporter une contribution importante dans les domaines de la formation, de la santé et de la lutte contre la pauvreté. C’est pourquoi des pays comme la Suisse veulent aussi y investir de l’argent du développement et renforcer les institutions correspondantes. C’est certainement important, mais cela détourne l’attention loin du scandale de l’optimisation et de l’évasion fiscales internationales. Chaque année, ces pratiques font perdre – selon les estimations – entre 170 et 280 milliards de dollars de recettes fiscales aux pays en développement. Ceux-ci tiennent donc avec raison à ce que l’on mette un terme à ces flux d’argent. Ils estiment que l’on a besoin pour cela d’un organe intergouvernemental équipé des moyens nécessaires et d’un mandat approprié. L’Allemagne a signalé qu’elle serait prête à soutenir financièrement davantage le comité existant, sans que l’on doive pour autant étendre son mandat. Pour le G-77, cela ne va pas assez loin. Il insiste pour que la collaboration en matière fiscale ne soit plus du ressort de la seule OCDE. Ce club exclusif des pays riches industrialisés dirige actuellement les initiatives internationales contre l’évasion et la soustraction fiscales. Les pays en développement ne participent pas aux processus de décision. Le nouvel organe à créer devrait en revanche garantir un droit de parole égal pour tous les pays.
Point de friction 3 : restructuration de la dette Le G-77 et les pays industrialisés s’opposent diamétralement sur un autre thème. Les pays en développement réclament depuis longtemps une procédure réglée pour la restructuration de la dette. Dans la mesure où les Etats ne peuvent se déclarer en faillite, des situations d’endettement sans issue traînent trop longtemps ( voir GLOBAL+ no 55, printemps 2015 ). Ils sont contraints de prendre de nouveaux crédits pour servir leurs anciennes dettes, ce qui accélère toujours plus la spirale de l’endettement. S’il existait un mécanisme équitable et transparent d’insolvabilité, ces fonds pourraient être libérés pour des projets de développement durable. En septembre 2014, l’ONU a posé les bases pour des négociations vers un cadre juridique multilatéral sur la restructuration des dettes étatiques. Les pays en développement exigent que la nécessité d’une telle procédure soit confirmée à Addis Abeba. Cependant, les Etats-Unis en particulier s’y opposent. Ils estiment qu’il revient au Fonds monétaire international ( FMI ) ainsi qu’à l’OCDE de continuer à mener les débats. Etant donné la répartition des droits de vote, ils disposent d’un pouvoir de veto de fait au FMI. La Suisse également rejette la mention d’une procédure de l’ONU dans le document final. Par cette position, elle ne met pas seulement en péril la conférence d’Addis Abeba. En effet, si les pays industrialisés ne font pas de concession aux revendications du G-77 sur au moins un des deux points cruciaux de contenu, cela rendra encore plus difficiles les négociations sur le climat.
Contentieux persistant : volume de l’aide publique La discorde règne encore dans d’autres domaines. Parmi ceuxci, le volume et le rôle de l’aide publique au développement ( APD ). Les pays industrialisés désirent l’utiliser davantage comme levier pour mobiliser des ressources privées et nationales. Les pays en développement regardent cela avec scepticisme. Le maintien de l’APD continue à jouer pour eux le rôle central dans le financement du développement. Ils demandent en particulier que la promesse – faite depuis des décennies – d’augmenter l’aide à 0,7 pour cent du revenu national brut, soit enfin réalisée, au plus tard jusqu’en 2020. Si les pays industrialisés sont d’accord de réaffirmer cet objectif, ils refusent de se lier les mains par un délai contraignant. En bref, un projet corrigé de document final devrait être prêt fin juin pour la conférence d’Addis Abeba. Le temps presse pour s’accorder sur les questions centrales. Pour Alliance Sud, il revient maintenant aux pays industrialisés de montrer qu’ils sont prêts à soutenir les pays en développement dans la réalisation des ODD. Cela implique de faire un pas dans leur direction dans au moins une de leurs revendications clés : la lutte internationale contre l’évasion et la soustraction fiscales, ou le désendettement. Cela exige également l’octroi de moyens financiers. De telles concessions permettraient aussi de réduire la tension sur l’indépendance du processus de FdD. Si elles figurent de manière satisfaisante dans le document final d’Addis Abeba, le G-77 pourrait accepter ce dernier comme plan de mise en œuvre des ODD.
Un avenir incertain attend ces enfants dans une crèche gérée par une ONG locale à Dacca ( Bangladesh ). Photo : © Sven Torfinn / Panos
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Entretien avec Bruno Oberle, directeur de l’Office fédéral de l’environnement ( OFEV )
« Les contributions pour le climat seront financées par l’aide au développement » Jürg Staudenmann et Daniel Hitzig
La Suisse devra payer dès 2020 environ un milliard de francs
par an pour la protection internationale du climat. Le chef de l’OFEV, responsable de la politique climatique de la Suisse, le dit tout net : la DDC devra changer son fusil d’épaule. Plutôt que de miser sur le genre et la gouvernance, l’aide publique suisse au développement doit maintenant se réorienter vers le climat.
GLOBAL+ : Que faut-il pour que le Sommet de Paris sur le climat, qui aura lieu dans six mois, ne réitère pas l’échec cinglant de Copenhague ? Bruno Oberle : Nous n’attendons pas que tous les problèmes actuels soient réglés à Paris. Le sommet doit concrétiser la tâche que l’on s’est donnée à Durban en 2011 : surmonter la partition du monde entre une moitié de riches coupables qui doivent passer à la caisse, et une autre moitié de pauvres innocents qui peuvent attendre avant d’agir. Trois piliers sont essentiels à cet égard. Primo, les contributions prévues déterminées au niveau national ( CPDN ) : chaque pays peut décider lui-même ses réductions de gaz à effet de serre. Secundo, la règle du mesurable, notifiable et vérifiable ( MNV ) : les objectifs ne sont pas contraignants, mais doivent pouvoir être contrôlés. Ces deux piliers, nouvellement négociés, permettent aux pays riches comme les Etats-Unis ainsi qu’à certains pays en développement de monter à bord, en fixant le tempo qui leur convient. Tertio, le financement qui a été décidé à Copenhague : plusieurs instruments existent, dont le Fonds vert pour le climat. La France vient de définir encore un quatrième pilier que je trouve intelligent : avec la devise « faisons éclore des milliers de fleurs », il s’agira de voir ce que le secteur privé et des initiatives alternatives peuvent fournir. Les conférences sur le climat présupposent le consensus de tous les pays. Du coup, on ne s’accorde que sur le plus petit dénominateur commun . . . Le monde ne se réduit pas à un ensemble de gouvernements. De nombreux autres acteurs sont à l’œuvre. On a toujours su que le Sénat américain ne ratifierait jamais le protocole de Kyoto. Cependant, des Etats fédéraux des Etats-Unis sont aussi grands que des pays européens et une multitude d’acteurs
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privés se sont engagés. Généralement, il y a partout des pionniers et des boulets. Les pionniers agissent par conviction, parce qu’ils savent qu’ils seront plus concurrentiels dans le monde de demain. Avec la conférence de Paris, on ouvre maintenant d’une certaine façon un gros livre où chaque pays peut inscrire son objectif de réduction. On pourra ainsi à tout moment venir le consulter et rappeler les pays à leurs engagements. Mais, ce faisant, on perd de vue l’objectif que l’on ne doit pas dépasser un réchauffement global de 2 °C. Cela reste bien sûr le point de mire que personne ne conteste. Toutefois, le climat n’est qu’un élément parmi d’autres d’un agenda beaucoup plus large vers lequel nous devons avancer : les Objectifs de développement durable ( ODD ). C’est « le monde que nous voulons », ou plutôt « le monde dont nous avons besoin ». Vos propos, si nous vous comprenons bien, laissent percer une certaine désillusion quant au niveau gouvernemental : vous considérez un accord sur un traité substantiel avec des objectifs de réduction et financiers suffisants comme une attente exagérée. En formulant les choses ainsi, vous ne faites de nouveau rien d’autre que préfigurer la déception. Je dis que pour obtenir des résultats, nous avons besoin de la coopération de beaucoup d’acteurs. Avec le livre dont j’ai parlé ( CPDN ), les délégués des Etats et les leaders du secteur privé indiquent la direction générale et signalent que le problème est pertinent. L’enjeu central du plafond des 2 °C est connu. Mais Merkel, Poutine et Obama ne vont pas le relever seuls. Ils vont annoncer au monde : « C’est un thème important, nous devons aspirer à cet objectif, cela va dans cette direction. » Ensuite, ils vont – avec d’autres – fournir leur contribution.
Les priorités de l’APD sont à redéfinir. Venons-en au financement international du climat : 100 milliards de dollars ont été promis, mais il n’existe pas de feuille de route sur la manière d’y arriver d’ici 2020. L’Allemagne a récemment annoncé qu’elle allait mettre à disposition chaque année 4 milliards d’euros de fonds publics à partir de 2020. Pour la Suisse, si l’on transpose ce chiffre, cela reviendrait à 750 à 800 millions par an. La Suisse est-elle prête à suivre l’Allemagne ? Cela donnerait aux pays en développement le courage de s’engager également pour des objectifs de réduction ambitieux. Une différenciation s’impose : « les pays en développement » n’existent pas. Personne ne met en doute que les pays les moins avancés ( PMA ) doivent être soutenus et que, du moins aujourd’hui, ils ne contribuent pour ainsi dire pas au réchauffement climatique. Cela ne vaut pas forcément pour tous les pays du G-77. De gros pays industrialisés en plein essor comme la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud ne dépendent plus dans la même mesure de l’aide économique. Le débat actuel porte au contraire plutôt sur ce que devrait être leur apport futur au financement du climat.
Photos : © Daniel Rihs
Concernant les 100 milliards de dollars pour le financement du climat, notre position est différente de celle de l’Allemagne. Celle-ci prend 10 pour cent des 100 milliards, avec des fonds à 40 pour cent publics et 60 pour cent privés. La Suisse calcule sa participation en combinant son revenu national brut ( RNB ) et sa part aux émissions. Cela correspond à la législation suisse. Il en résulte grosso modo une contribution d’un demi-milliard de francs, dont un tiers de fonds publics et deux tiers de fonds privés. Les 100 milliards ont été promis comme des fonds venant en plus de l’aide au développement existante. Ainsi que cela a été décidé à Copenhague, les fonds publics sont nouveaux et additionnels, c’est-à-dire dans le cadre de l’augmentation de l’aide publique du développement à 0,5 pour cent du RNB. Ils sont prévus de manière correspondante dans le plan financier. Cela a peut-être été le cas jusqu’ici. Si l’APD s’accroissait encore pour atteindre l’objectif – convenu au plan international – de 0,7 pour cent du RNB, on pourrait même poursuivre cette argumentation. Toutefois, dans la mesure où l’APD suisse est plafonnée à 0,5 pour cent, le financement international de la protection du climat tel que vous l’esquissez, se ferait sur le dos de l’alimentation, de la formation, de la santé et d’autres projets de développement classiques. Oui, c’est possible. Mais que veut dire « aide au développement classique » ? Les priorités de l’APD sont redéfinies de manière cyclique : cela a été le genre, ou aussi la décentralisation, ou encore la promotion de la démocratie. Pour le moment, le climat est au centre. Et il a été décidé que le financement du climat se ferait dans le cadre de l’APD. Par ailleurs, c’est tout à fait dans l’intérêt des plus pauvres, car ils seront les plus touchés par le changement climatique. Nous nous réjouissons de savoir ce que la Direction du développement et de la coopération ( DDC ) pense de votre interprétation sur ce qu’est l’APD et ce qu’elle doit couvrir . . . Les gens du développement sont une communauté qui va apprendre à assumer ces nouvelles tâches, parce que ce sont les engagements et le cap que la politique impose. C’est une politique raisonnable. Je ne vois pas pourquoi cette communauté devrait, à la longue, se refuser à être un instrument d’une bonne politique.
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Initiative pour des multinationales responsables
Alliance public-privé contre des règles contraignantes Michel Egger
Lancée le 21 avril, l’initiative
pour des multinationales responsables va jouer un rôle catalyseur dans le débat sur les entreprises et les droits humains. Les positions, très diverses, bougent. Une stratégie se dessine cependant entre le gouvernement et les lobbies économiques pour contrer toute régulation juridique.
Photo : © Martin Bichsel / Konzernverantwortungsinitiave
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L’initiative populaire vise l’inscription dans le droit d’un devoir de diligence raisonnable pour que les entreprises suisses, leurs filiales et fournisseurs respectent les droits humains et les standards environnementaux partout dans le monde. Les maisons mères devront répondre des violations commises par les sociétés qu’elles contrôlent, sauf si elles peuvent prouver qu’elles ont pris les mesures nécessaires pour les prévenir. La collecte de signatures bat son plein ( voir encart dans ce numéro ). Mi-juin, plus de 20 000 avaient été récoltées. Secteur privé divisé Le business a immédiatement réagi. Les ONG ont été invitées à présenter l’initiative devant le Global Compact Swiss Network, l’assemblée générale d’Ethos ainsi qu’au « sommet » sur la durabilité de Migros. Le secteur privé est tout sauf monolithique. Une partie, minoritaire, est favorable à une combinaison judicieuse ( smart mix ) de mesures volontaires et de règles contraignantes, ainsi que le préconisent les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. On y
trouve des patrons actuels ou passés comme Antoinette Ebneter-Hunziker ( Forma Futura Invest ), Marc Bloch ( La Semeuse ) et Jacques Zwahlen ( Veillon ), mais aussi des leaders d’association comme Dominique Biederman ( Ethos ) et Nick Beglinger ( Cleantech ). Ces derniers ont d’ailleurs soutenu la motion de la Commission de politique extérieure ( CPE ) sur une obligation légale de diligence des sociétés, rejetée de justesse à la session de mars par le Conseil national. Les membres de ce camp sont plus nombreux que leur visibilité le laisse accroire. Nombre d’entreprises ont déjà instauré des procédures de diligence et n’ont pas grand-chose à craindre. Elles pâtissent de la concurrence déloyale des firmes peu scrupuleuses et de leur impact négatif sur la réputation de la place économique suisse. Elles n’osent cependant guère se profiler publiquement, notamment pour ne pas désavouer les lobbies économiques. Même si elles n’ont pas formellement pris position, Economiesuisse et Swissholdings opposent le même niet à l’initiative qu’à la motion de la CPE. Pour elles, les démarches volontaires suffisent et les solutions doivent être internationales, afin de ne pas entamer la compétitivité des entreprises suisses. Ce qu’elles ne disent pas, c’est que les lobbies économiques ont tout fait jusqu’ici pour qu’échouent les tentatives de réglementation au sein de l’ONU. Par ailleurs, c’est justement parce qu’il voit émerger un trend international vers plus de régulation, auquel la Suisse devra tôt ou tard s’adapter, que Stéphane Graber, secrétaire général de l’Association suisse du négoce et de l’affrètement ( STAS ), a soutenu la motion de la CPE. Neutraliser le Plan d’action national Globalement, le Conseil fédéral s’est aligné sur l’économie. Il mise sur l’autorégulation des entreprises. Un bon exemple est sa « Position sur la responsabilité sociétale des entreprises ( RSE ) », publiée le 1er avril. Elle a été concoctée sous la houlette du Secrétariat d’Etat à l’économie ( Seco ), mais – contrairement à l’Union européenne – sans véritable consultation des parties prenantes ni évaluation des pratiques de RSE des sociétés suisses. Elle reconnaît rhétoriquement le smart mix, mais ne lui donne pas corps. Ce manque de consistance laisse mal augurer du Plan d’action national de mise en œuvre des Principes directeurs de l’ONU, que le Conseil fédéral doit élaborer en réponse au postulat von Graffenried. Ce Plan d’action est attendu pour l’été, soit avec au moins six mois de retard, dû notamment à la priorité donnée par le Seco à la position sur la RSE. Un autre souci des ONG est le statut qui sera donné au Plan d’action – centré sur les droits humains – par rapport à la position sur la RSE. Si celle-ci est plus large avec des thèmes comme l’environnement ou la corruption, elle a moins de légitimité que le Plan d’action qui repose sur des standards internationalement reconnus, est issu du Parlement et a fait l’objet d’une consultation des parties prenantes. Le Conseil fédéral affirme que les deux sont « complémentaires ». Si c’est le cas, pourquoi le Seco a-t-il mis les bouchées doubles pour publier la position sur la RSE avant le Plan d’action, et pourquoi ce dernier
Lancement de l’initiative pour des multinationales responsables, soutenue par quelque 70 organisations de la société civile, le 21 avril 2015 à Berne.
figure-t-il parmi les mesures de mise en œuvre de la première ? L’impression domine qu’il s’agit bien de définir un cadre global auquel ( sub )ordonner le Plan d’action ( pour mieux le neutraliser ). C’est d’ailleurs ainsi que le business voit les choses. Couper l’herbe sous les pieds de l’initiative La Division sécurité humaine ( DSH, DFAE ) a opté pour une approche moins défensive. Son directeur en partance, Claude Wild, promeut du volontaire dont il espère qu’il pourra devenir obligatoire de facto plutôt que de jure. C’est l’« ingénierie », à son avis plus efficace et rapide que la voie législative, qu’il a développée avec le secteur du négoce des matières premières. L’objectif est – en gagnant la confiance des entreprises et en associant les ONG – d’aboutir à un guide de mise en œuvre des Principes directeurs de l’ONU, sur laquelle les entreprises auront à rendre des comptes.
Le Plan d’action national devrait être (sub)ordonné à la position RSE. Pour le neutraliser. De son côté, la Direction du développement et de la coopération ( DDC ) vient de conclure avec le Global Compact Network Switzerland un partenariat public-privé doté d’un budget de 1,2 million de francs pour trois ans. Selon Jean-Christophe Favre ( DDC ), « l’objectif est de créer un espace de dialogue protégé avec le secteur privé et d’autres acteurs – société civile et monde académique. Il devrait permettre de discuter de manière non tactique du fond des enjeux, mais aussi de développer des instruments pour aider les PME suisses ayant des activités à l’étranger à mettre en œuvre les Principes directeurs de l’ONU. » Ceux-ci seront l’un des axes prioritaires du programme d’activités. Ce partenariat s’inscrit dans une restructuration du réseau suisse, soutenu aujourd’hui par seulement 21 des 84 entreprises suisses membres du Pacte mondial de l’ONU. Dirigé par Antonio Hautle, ancien directeur de l’Action de Carême, le réseau devrait s’affranchir d’Economiesuisse. Pour nourrir sa réflexion, « accroître sa crédibilité, sa transparence et son efficience », il sera flanqué d’un Stakeholder Council de 5 à 9 membres, en majorité issus de la société civile. Une idée serait que le réseau puisse servir de plate-forme pour traiter des questions de mise en œuvre de la position sur la RSE et du futur Plan d’action. En conclusion, on voit se dessiner une stratégie commune entre le gouvernement et le secteur privé pour réduire la pression politique vers une régulation des entreprises. Son principe : non à des mesures légales. Sa règle : aucun pas sans l’aval du business. Son moteur : des processus multistakeholder. On retrouve ainsi au niveau suisse la même approche qui a prévalu – avec succès – au plan international pour empêcher des normes contraignantes pour les multinationales. Le problème, c’est que cela n’a résolu en rien les violations des droits humains et de l’environnement par ces dernières. Seul un smart mix, dont l’initiative populaire constitue un premier jalon essentiel, permettra de commencer à combler le décalage croissant entre la mondialisation et la protection légale des droits humains et de la nature.
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Accord commercial sur les services ( TISA )
Les cantons et communes montent au filet Isolda Agazzi
Les négociations du TISA
pourraient se terminer en 2016. A ce stade, le point le plus sensible porte sur les « annexes », qui obligent tous les Etats parties. La Suisse participe aux négociations. Les cantons et
Photo : © Martial Trezzini / Keystone
les communes aussi sont concernés.
En Suisse aussi, des cercles de plus en plus larges se mobilisent contre le traité sur le commerce des services ( TISA ).
Vingt-quatre membres de l’Organisation mondiale du commerce ( OMC ) négocient depuis 2012, en marge de l’institution, un accord étendu sur les services, plus connu sous son acronyme anglais TISA ( Trade in Services Agreement ). La Suisse est impliquée. Pour la première fois, un délai vient d’être articulé : le traité devrait être conclu en 2016. Il comprend 17 « annexes », qui lient tous les Etats participants et couvrent un très large spectre de services. Ces annexes, qui auraient dû restées secrètes, ont été publiées le 3 juin par Wikileaks. Plusieurs se révèlent très problématiques. Celle sur la transparence donnerait aux entreprises étrangères le droit de s’immiscer dans les processus législatifs
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des Etats. Celle sur la réglementation intérieure prévoit l’élimination des dispositions nationales qui entravent la fourniture de services par des multinationales. Services publics pas garantis à l’avenir Le Secrétariat d’Etat à l’économie ( Seco ) s’est engagé dans ces négociations de son propre chef. Le Conseil fédéral n’a jamais octroyé de mandat spécifique. Les commissions parlementaires compétentes sont informées, mais toujours après-coup. Elles n’ont jamais été consultées avant de négocier des clauses aussi cruciales que le rochet et le gel, la liste négative ou le libre transfert des données personnelles. Pour rappel : la liste négative signifie que tous les services sont libéralisés, aussi à l’avenir, sauf s’ils ont été explicitement exclus. Le rochet signifie qu’un pays ne pourra jamais revenir sur une libéralisation effectuée après la signature du traité, sauf si elle a fait l’objet d’une réserve. Des principes totalement inconnus en Suisse. Pas moins de 13 objets parlementaires ont été déposés au niveau fédéral.1 Les principales inquiétudes portent sur les services publics. Le Conseil fédéral répond qu’il ne va pas les libéraliser. En passant en revue l’offre suisse2, on constate en effet qu’en mettant des réserves partout où cela est nécessaire, la Suisse arrive pratiquement à la même offre que dans l’Accord général sur le commerce de services ( AGCS ) de l’OMC de 2004, c’est-à-dire qu’elle exclut les services publics. La question demeure cependant de savoir combien de temps elle va pouvoir camper sur ses réserves : que va-t-il se passer lorsque d’autres Etats vont commencer à faire des demandes sur l’offre suisse ? Mobilisation locale En revanche, le Conseil fédéral est très évasif sur les annexes, alors que certaines – transports, services postaux, services d’énergie, marchés publics, professions libérales liées à l’éducation – portent bel et bien sur les services publics. C’est d’autant plus dangereux que la relation entre les annexes et les offres individuelles n’est pas claire. Il est probable que les annexes aient la priorité sur ces dernières, ce qui voudrait dire que la Suisse devrait libéraliser même les secteurs qu’elle a exclus dans son offre. Plusieurs interventions ont été déposées dans les cantons et les communes, notamment à Genève, Vaud, Zurich, Berne et Bâle. Le TISA, de fait, concerne ces entités au premier chef. Le Seco affirme que, dans son offre, la Suisse a exclu l’application du rochet au niveau cantonal et communal. Mais va-t-il pouvoir maintenir cette réserve jusqu’à l’accord final, par exemple pour permettre aux communes de recommunaliser les services énergétiques si elles le souhaitent, ou de garder le contrôle des services environnementaux ( ramassage et élimination des déchets, eaux usées, etc. ), qui sont dans leur grande majorité des services municipaux ?
1 http ://goo.gl/HSUqEf 2 http ://goo.gl/rBj70D
Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud, prend sa retraite
Une empreinte durable Melchior Lengsfeld* Affiche de David Berod, qui a participé au concours sur les réfugiés climatiques.
Programme 2015 d’InfoDoc
Evénements autour du changement climatique En cette année de COP21 à Paris, le centre de documentation Alliance Sud InfoDoc se penche sur les conséquences du réchauffement pour les populations de la planète.
En juin, la conférence d’Hervé Kempf ( Reporterre ) sur les rapports entre médias et changement climatique et l’atelier avec Adèle Thorens ont ouvert les feux. Nous avons reçu aussi les contributions à un concours d’affiches de sensibilisation au problème des réfugiés climatiques ( voir illustration ). Un jury se réunira prochainement et l’affiche gagnante servira de vitrine pour l’exposition qui sera consacrée cet automne aux réfugiés climatiques. On pourra la découvrir à Alternatiba Léman ( 18–20 septembre, Genève ) où l’Infodoc tiendra un stand avec une bibliothèque mobile et des projections vidéos. Elle sera visible également du 1er octobre au 4 décembre dans notre centre de documentation. A l’occasion du vernissage, Jérémie Guélat – chercheur à l’Université de Neuchâtel – présentera ses recherches de terrain dans les îles du Pacifique Sud.
Tout le programme 2015 www.alliancesud.ch/fr/infodoc/programme/2015 E-Dossier documentaire « Les réfugiés de l’environnement » www.alliancesud.ch/fr/infodoc/dossiers/ecorefugies
Il convient d’être prudent avec les super-
latifs. Cependant, le départ fin juillet de Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud, marque la fin d’une ère. Peter Niggli a été pendant dix-sept ans la tête pensante et dirigeante de nombreuses campagnes, dont plusieurs couronnées de succès comme le oui à l’adhésion de la Suisse à l’ONU, l’augmentation de l’aide à 0,5 pour cent du revenu national brut, la pétition « Droit sans frontières » qui a débouché sur la première initiative populaire exclusivement portée par des organisations de la société civile. L’un des fils rouges de son engagement a été la cohérence de politique de développement. Un combat qui lui a valu un respect non dissimulé jusque chez ses adversaires politiques. Alliance Sud et, plus encore, toute la scène helvétique des ONG ont énormément profité des connaissances de Peter, de son flair politique, de sa capacité à convaincre et à tisser des alliances. Parlementaires, fonctionnaires ou journalistes, beaucoup de ceux qui l’ont écouté ou ont débattu avec lui ont été impressionnés par son art oratoire affûté et ses analyses pointues. Celles-ci reposent toujours sur des faits et des recherches approfondies. Cela ressort notamment de ses deux livres : La mondialisation, et après ... ( 2004 ), A qui profite l’aide au développement ? ( 2008 ). Dans toutes ses activités – conférences, formations, relations avec le personnel et les organisations membres et partenaires d’Alliance Sud – Peter a fait preuve d’un engagement personnel énorme. C’était pour lui une évidence. Je me suis toujours demandé comment il arrivait à s’y retrouver au milieu des piles de dossiers qui s’entassaient sur son bureau. Il faut dire que Peter a une mémoire exceptionnelle, doublée de la faculté à aller à l’essentiel et à rendre ses arguments concrets par des petites histoires. Cela, sans oublier son sens incomparable de l’humour. Une qualité non négligeable dans le milieu pas toujours simple où nous évoluons. Le départ de Peter à la retraite est difficile à imaginer. On voit mal son tempérament et son énergie politique au repos. De fait, on n’a pas fini d’entendre parler de lui. Il est membre du comité de l’initiative pour des multinationales responsables, a été élu au comité de l’Action de Carême et est proposé pour celui d’Helvetas. Il mérite notre infinie reconnaissance pour son engagement au service d’une Suisse solidaire et consciente de sa responsabilité dans le monde. Un tout grand merci pour tout, cher Peter ! Photo : © Daniel Rihs / Alliance Sud
* Melchior Lengsfeld est actuellement président d’Alliance Sud.
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Regards suisses sur le Sud. Le tremblement de terre au Népal a eu un impact désastreux sur Bhaktapur, qui figure sur la liste du patrimoine culturel mondial de l’Unesco. Du 28 avril au 4 mai, le photographe Remo Nägeli a accompagné une équipe de l’aide humanitaire suisse ( DDC ) dans le royaume de l’Himalaya. L’objectif était de soutenir l’hôpital de Gorkha, proche de l’épicentre. A l’inverse de la capitale, la destruction saute aux yeux dans cette région : des villages entiers ont été complètement détruits. « J’ai été très impressionné par la bravoure de la population ; pas une fois je n’ai entendu un gémissement, raconte le reporter. Comme photographe, je n’ai jamais senti de refus : les gens nous ont souvent montré leurs conditions de vie difficiles de manière très ouverte. »
Faits et chiffres Aide humanitaire Sources : www.admin.ch, Chaîne du Bonheur, www.globalhumanitarianassistance.org
Remo Nägeli ( 43 ans ) vit et travaille à Blumenstein, près de Thoune. Après un apprentissage de menuisier, il a rejoint en 2001 le groupe autodidacte de photographes ( GaF ) de Berne. Il a ensuite effectué en 2004 la formation de photographe de presse au MAZ ( Lucerne ). Il travaille depuis en libre. www.remonaegeli.ch Photo : © Remo Nägeli
13 pour cent
25 mio CHF
4,6 mrd USD
de l’aide publique suisse au développement est humanitaire ( 2014 ).
C’est la somme récoltée par la Chaîne du Bonheur pour le Népal, contre 19,5 mio pour la Syrie depuis le début de la guerre.
ont manqué à l’ONU en 2013 pour couvrir les besoins humanitaires.
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