GLOBAL+ No. 45 / Automne 2012

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NUMERO 45 | AUTOMNE 2012

Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch

Objectifs du Millénaire : Quelle suite après 2015 ? Droit sans frontières : Vers une obligation de diligence

Endettement des pays du Sud : Le problème demeure


News Coup de frein aux agrocarburants Dans un rapport récent, le Conseil fédéral estime que « le remplacement des carburants fossiles par des agrocarburants ne constitue pas un élément déterminant de la politique climatique après 2012. » Il considère comme problématique la concurrence entre les réservoirs et les assiettes ainsi que ses conséquences sur les prix des denrées alimentaires. Sur cette base, la commission de l’environnement du Conseil national va à nouveau débattre de cette question début novembre. A l’ordre du jour figure toujours l’initiative parlementaire qui exige des critères plus stricts pour la mise sur le marché des agrocarburants. nw

Succès pour Publish What You Pay Le réseau mondial d’ONG Publish What You Pay, qui exige la transparence dans les payements financiers liés au secteur des matières premières, a fêté cet automne son 10e anniversaire. En même temps, la commission des affaires juridiques du Parlement européen a voté un renforcement de la législation comptable. Cette révision doit être avalisée par les Etats membres de l’Union européenne. Elle suit les décisions de l’autorité américaine de surveillance de la bourse. Fin août, la SEC a exigé des entreph

Impressum GLOBAL+ paraît quatre fois par an. Editeur: Alliance Sud Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper Monbijoustr. 31, Postfach 6735, 3001 Berne, Tel. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31 E-Mail: globalplus@alliancesud.ch Internet: www.alliancesud.ch Rédaction: Michel Egger (me), Isolda Agazzi (ia), Tel. 021 612 00 95 Concept graphique: Clerici Partner AG Mise en page: Frédéric Russbach Impression: s+z: gutzumdruck, Brig, 6-2011 Tirage: 1500 Prix au numéro: Fr. 7.50 Abonnement annuel: Fr. 30.– Abonnement de soutien: min. Fr. 50.– Prix publicité / encartage: sur demande Photos: couverture: GCAP; dernière page: Morgane Ischer. Prochain numéro: décembre 2012.

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prises d’extraction minière cotées en bourse qu’elles publient tous les versements financiers de plus de 100’000 dollars aux gouvernements étrangers. Les Chambres fédérales vont bientôt se saisir de la question. Fin septembre, la conseillère nationale socialiste Hildegard Fässler a déposé une motion demandant que les entreprises de matières premières ayant leur siège ou un centre d’affaires important en Suisse soient obligées d’informer sur leurs payements à des gouvernements étrangers. OECD : un Beirat pour le Point de contact Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) a commencé à mettre en œuvre les Principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales, révisés en 2011. Il prévoit de flanquer le Point de contact national d’une commission (Beirat) de 12 membres, composée de représentants de l’administration fédérale, des lobbies économiques, des employeurs, des syndicats et des ONG. Cet organe aura avant tout une fonction consultative. Il ne jouera pas un rôle de supervision et ne pourra pas intervenir sur le contenu des plaintes, comme le demandent les ONG et syndicats. Le projet suisse reste de facto en-deçà de ce que font d’autres PCN plus avancés et efficaces (Norvège, Pays-Bas, me

Royaume-Uni). Alliance Sud s’est malgré tout déclarée prête à y participer et à tester les possibilités offertes. Travail forcé et commerce avec la Chine ia Alors que les négociations sur l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine s’accélèrent, la plateforme Chine – dont Alliance Sud est membre – a invité le célèbre dissident chinois Harry Wu. Après dixneuf ans de camps de travail, il réside aujourd’hui aux Etats-Unis où il a créé la Laogai Research Foundation pour documenter le travail forcé en Chine. Lors de manifestations à Genève et Zurich ainsi que dans ses rencontres avec des politiciens, les autorités et les médias, il a affirmé que de nombreux produits chinois sur le marché mondial proviennent de plus de mille camps de travail forcé où croupissent entre trois et cinq millions de prisonniers. Sans mesures de précaution, le risque est grand que de telles marchandises n’arrivent sur le marché helvétique à des conditions préférentielles. La plateforme Chine exige donc du Conseil fédéral qu’il intègre des clauses sur les droits humains dans l’accord de libreéchange et qu’il garantisse une meilleure traçabilité des produits originaires de Chine.

Alliance Sud en un clin d’oeil Présidente Caroline Morel, directrice de Swissaid. Direction Peter Niggli (directeur), Kathrin Spichiger, Rosa Amelia Fierro, case postale 6735, 3001 Berne, Tél. 031 390 93 30, Fax 031 390 93 31, E-mail: mail@alliancesud.ch www.facebook.com/alliancesud https://twitter.com/AllianceSud Politique de développement – Coopération au développement Nina Schneider, Tél. 031 390 93 40, nina.schneider@alliancesud.ch –

Commerce / OMC Michel Egger/Isolda Agazzi, Tél. 021 612 00 95, lausanne@alliancesud.ch

– Finance internationale /Fiscalité Mark Herkenrath, Tél. 031 390 93 35, mark.herkenrath@alliancesud.ch

– Relations publiques Pepo Hofstetter, Tél. 031 390 93 34, pepo.hofstetter@alliancesud.ch – Développement durable / Climat Nicole Werner, Tél. 031 390 93 32, nicole.werner@alliancesud.ch Education Urs Fankhauser/Marianne Gujer, Tél. 031 390 93 39, school@alliancesud.ch Documentation Berne Jris Bertschi/Emanuela Tognola/ Renate Zimmermann, Tél. 031 390 93 37, dokumentation@alliancesud.ch Bureau de Lausanne Michel Egger/Isolda Agazzi/Frédéric Russbach, Tél. 021 612 00 95/Fax 021 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch Documentation Lausanne Pierre Flatt / Amélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon, Tél. 021 612 00 86, doc@alliancesud.ch Bureau de Lugano Silvia Carton/Lavinia Sommaruga Tél. 091 967 33 66/Fax 091 966 02 46, lugano@alliancesud.ch


Daniel Rihs

Juteuses spéculations

Points forts

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Surendettement du Sud L’ombre de la crise de l’euro

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Objectifs du Millénaire Des droits plutôt que la charité

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Entreprises et droits humains Devoir de diligence obligatoire

La Landesbank Berlin a renoncé fin septembre à investir dans les opérations spéculatives sur les biens agricoles. C’est la quatrième banque allemande à se retirer de la spéculation sur les produits alimentaires. Ce tournant est la réponse à une campagne de consommateurs. La Deutsche Bank, aujourd’hui sous pression, hésite encore. Elle veut d’abord vérifier si un lien effectif existe entre la spéculation et les fluctuations des prix des biens alimentaires. Selon la Banque mondiale, une nouvelle crise alimentaire menace la fin de cette année et 2013 – la troisième depuis 2007-2008. Les crises, marquées par une escalade des prix, ont plongé des millions de personnes dans la faim. Les causes sont controversées au niveau international. Au premier plan figurent les effets négatifs des changements climatiques sur les récoltes, la transformation croissante de produits alimentaires en agrocarburants et la spéculation sur les marchés financiers où s’échangent des produits dérivés agricoles. La controverse va bientôt gagner la Suisse. La Jeunesses socialiste (JS) a lancé une initiative populaire contre la spéculation sur les biens alimentaires. Elle veut interdire les investissements dans les instruments financiers qui concernent les matières premières agricoles et les denrées alimentaires. Restera cependant autorisée la « bonne spéculation », c’est-à-dire les affaires classiques qui servent à assurer à terme les livraisons contre les variations de prix et les aléas des récoltes. Nombre de gouvernements, d’instituts financiers et d’économistes en vue continuent d’affirmer que toute spéculation est « bonne » et qu’elle ne joue aucun rôle dans les fortes fluctuations de prix. La réalité, c’est que le monde de la bonne spéculation sur les matières premières est mort depuis l’an 2000. Alors, les Etats-Unis ont dérégulé les marchés à terme et le reste des pays occidentaux leur a emboîté le pas. Auparavant, les producteurs et les transformateurs contrôlaient 80% des transactions sur les marchés à terme de marchandises. Aujourd’hui, c’est l’inverse : 80% du marché sont dominés par les spéculateurs financiers. Du coup, la relation entre les marchandises réelles et les valeurs financières nominales s’est inversée : les papiers-valeurs sont aujourd’hui 20 à 30 fois plus élevés. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a montré récemment que – du fait du poids de la spéculation – les prix des matières premières connaissent depuis des années les mêmes évolutions que les marchés financiers. Autrement dit, les prix n’ont plus de rapport avec l’offre et la demande. Radio DRS a demandé à quelques banques suisses si elles entendaient suivre l’exemple des instituts financiers allemands. UBS, le Crédit Suisse et la Banque cantonale de Zurich ont répondu par la négative : elles veulent continuer à offrir leurs fonds agricoles. Elles affirment cependant « être conscientes de la problématique et du débat politique ». Le degré de conscience en question dépendra de l’initiative de la Jeunesse socialiste et de leurs client-e-s. Nous sommes curieux de voir la suite ! Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud

Accords commerciaux 10 L’Inde, partenaire corriace

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Lutte contre les changements climatiques

Les défis de Doha Fin novembre aura lieu à Doha (Qatar) la 18e conférence de l’ONU sur le climat. Elle portera notamment sur la mise en œuvre des décisions de l’an dernier. A Durban, les Etats parties ont décidé d’établir dès 2013 une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto et d’élaborer un nouveau traité sur le climat qui devrait intégrer tous les Etats dès 2020. Photo: Keystone.

On ne sait pas encore si l’Australie et la Nouvelle-Zélande rejoindront l’Union européenne, la Norvège et la Suisse pour la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto. Il est important que les pays industrialisés participants acceptent des objectifs de réduction capables d’éviter des changements climatiques dangereux. Pour cela, ils devraient diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40% par rapport à 1990. L’Union européenne et la Suisse n’ont annoncé que 20% jusqu’en 2020. En même temps, certaines faiblesses doivent être corrigées, comme le report des droits d’émissions inutilisés lors de la première période d’engagement. A Doha, il conviendra également de se mettre d’accord pour que les émissions globales commencent à baisser avant 2020. Cela signifie que les pays industrialisés devront diminuer beaucoup plus rapidement leurs émissions et aider les pays en développement dans

Réunion symbolique du gouvernement des Maldives (2009). La question des dommages irréversibles n’est pas encore assez au cœur de la politique climatique internationale.

La face cachée de l’iceberg nw Extrêmes climatiques, raz-de-marée, sécheresses, glissements de terrain, fonte des glaciers... Les émissions démesurées de gaz à effet de serre, qui ont atteint en 2011 le nouveau record de 31,6 gigatonnes, ont des effets dramatiques sur la population mondiale. Au-delà des catastrophes passagères, les changements climatiques permanents provoquent des dégâts et des pertes durables, dont on peine encore à imaginer l’ampleur et les solutions à y apporter. Ils mettent en danger

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leur protection du climat, de sorte qu’ils puissent aussi accroître leurs réductions. Un autre objectif de la conférence est d’établir une feuille de route et de poser des jalons pour l’élaboration d’un nouvel accord sur le climat, qui devrait intégrer de manière contraignante tous les Etats à partir de 2020. Une tâche clé est de clarifier, jusqu’en 2015, les critères selon lesquels le budget d’émissions restant (environ 18 milliards de tonnes de CO2 par an) pourra être distribué équitablement entre les pays. La négociation d’une telle répartition des charges entre le Nord et le Sud requiert un dialogue ouvert et la volonté des parties de sortir des positions figées. Fonds vert pour le climat Enfin, Doha montrera si les pays industrialisés sont prêts à tenir leurs promesses financières pour soutenir les pays en développement dans la protection du climat. A Copenhague en 2009, ils avaient annoncé une contribution annuelle de 10 milliards de dollars entre 2010 et 2012 et de 100 milliards à partir de 2020. Rien n’a été décidé jusqu’ici pour la transition de 2013 à 2020. Entre 10 et 15 milliards seront nécessaires de 2013 à 2015 pour la seule mise en route du Fonds vert pour le climat. On décidera au Qatar qui hébergera le secrétariat de ce fonds : Genève figure parmi les six villes candidates.

l’économie de régions entières, la survie de millions de paysans, les bases de la vie des populations insulaires. Les inondations et éboulements, qui ont touché 70% du territoire en 2010, ont fait perdre sept milliards de dollars à la Colombie et détruit les habitations de 2,2 millions de personnes, soit presque 5% de la population. En 2011, la sécheresse qui a frappé le Mexique – la pire depuis 2004 – a fait périr de soif et de faim 750’000 bovins dans l’Etat de Chihuahua ; la production de maïs y a chuté de 100’000 tonnes par an à 500 tonnes.

Nicole Werner

Par ailleurs, les experts estiment que le niveau de la mer pourrait augmenter d’un à trois mètres au cours des 75 prochaines années. Nombre des quelque quarante Etats insulaires risquent de devenir inhabitables. Où iront les 350 millions de personnes qui y vivent ? Comment va-t-on minimiser les dégâts à leurs cultures ? Diverses organisations non gouvernementales réclament donc que les Etats membres de l’ONU se penchent sur ces destructions irréversibles et les inscrivent en tête de l’agenda politique. Les mesures de prévention et d’adaptation seules ne suffiront pas, en effet, à en venir à bout.


La dette oubliée des pays en développement

Dans l’ombre de la crise de l’euro La crise européenne de la dette met la planète en ébullition. On oublie du coup la banqueroute qui menace de nombreux pays en développement. L’endettement massif de la Grèce et les mesures d’économie drastiques auxquelles sont soumis d’autres pays de l’Europe méridionale ont pour effet d’occulter le fardeau de la dette des pays pauvres. Or, ainsi que l’ONU l’a affirmé dans une résolution en décembre, celle-ci reste très préoccupante. Suite à la crise financière mondiale, nombre de pays en développement sont même menacés d’un risque croissant d’insolvabilité. 19 pays à revenu faible seraient dans cette situation selon le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que 7 pays à revenu intermédiaire selon les ONG allemandes erlassjahr.de et Kindernothilfe. Par ailleurs, de nombreux pays pauvres souffrent toujours du poids des dettes « illégitimes », contractées par des régimes autoritaires et corrompus sur le dos de la population. L’initiative multilatérale de désendettement HIPC a certes soulagé beaucoup de pays en développement. Elle ne suffit cependant pas. Pour preuve, un tiers des pays menacés de faillite en ont profité et d’autres ne remplissent pas les conditions pour en bénéficier. Ainsi que l’ONU le relève, d’autres mesures sont urgemment nécessaires pour résoudre le problème à long terme. Pour éviter des crises futures de la dette, les créanciers et débiteurs doivent se plier à certaines règles du jeu. C’est pourquoi le réseau européen d’ONG Eurodad a, l’année dernière, publié une charte pour des crédits responsables et que le réseau africain de partenaires Afrodad a établi des critères pour des emprunts responsables. La Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced) a entretemps fait des propositions dans son projet de régulation internationale contraignante. Il serait très important qu’une procédure d’insolvabilité pour les pays surendettés voit enfin le jour. L’absence d’une telle procédure est synonyme de chaos en cas d’incapacité de paiement. Débiteurs et créanciers se disputent alors pour savoir qui doit renoncer à quoi. Afin d’éviter ou du moins de repousser ces marchandages, les gouvernements concernés prennent de nouveaux crédits et s’enfoncent ainsi de plus en plus dans la spirale de la dette. Cela coûte de l’argent, crée de l’insécurité et réduit à néant des progrès importants de développement. Des propositions pour une procédure d’insolvabilité équitable et transparente existent depuis longtemps. Elles doivent enfin être mises en œuvre. Mark Herkenrath - Action de Carême, Pain pour le prochain: « Le poids de la

Suisse pionnière ? mh Plusieurs pays menacés d’insolvabilité sont des bénéficiaires de l’aide suisse : le Laos et le Tadjikistan soutenus par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) ainsi que neuf autres partenaires de la Direction pour le développement et la coopération (DDC). Le risque est que les progrès en matière de développement auxquels la Suisse contribue soient annihilés par une dégradation de l’endettement. La Suisse est donc appelée à s’engager pour une solution durable de ce problème.

Dans ce sens, le conseiller aux Etats libéral-radical Felix Gutzwiller a déposé en septembre 2011 un postulat chargeant le Conseil fédéral d’élaborer des propositions pour une procédure internationale d’insolvabilité des Etats. Le Conseil fédéral l’a accepté et le Conseil des Etats l’a suivi. La Suisse aurait ainsi de bonnes chances de jouer un rôle pionnier au plan international face à l’aggravation du problème global de la dette. Un rapport du Conseil fédéral est attendu pour la fin de l’année. La réponse du Conseil fédéral au postulat Gutzwiller laisse toutefois craindre que le rapport esquivera certaines questions importantes. Ainsi, le gouvernement entend limiter ses propositions aux dettes issues du marché des capitaux. Cela contredit le sens et l’objectif d’une procédure d’insolvabilité : on ne peut en effet normaliser la situation d’un pays endetté qu’à condition de prendre en compte l’ensemble de ses dettes. Cela concerne donc également les autres dettes envers des créanciers privés ainsi qu’envers des créanciers publics bi- ou multilatéraux (Banque mondiale, banques régionales…). Un tel règlement global de la dette a jusqu’ici échoué avec les initiatives de désendettement HIPC et MDRI. Cela, au préjudice des pays endettés et au profit de quelques fonds vautours qui ont depuis lors tenté de réclamer le plein remboursement des dettes devant les tribunaux.

dette », Repères 1/2012, juin 2012.

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Après les Objectifs du Millénaire

Des droits plutôt que la charité Pepo Hofstetter / Nina Schneider

Les Objectifs du Millénaire pour l’élimination des pires formes de

pauvreté devraient être réalisés d’ici à la fin de 2015. On en est encore loin. La discussion bat cependant déjà son plein sur la suite à leur donner.

Le rapport de bilan 2012 de l’ONU1 le montre une fois de plus : globalement, la plupart des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ne seront pas atteints. La communauté des Etats n’est dans la cible que pour la réduction de moitié de la pauvreté monétaire la plus grave (merci la Chine !), de l’accès à l’eau potable et de l’égalité entre filles et garçons à l’école primaire. Elle est à mi-chemin pour la scolarisation élémentaire de tous les enfants. En revanche, pour tous les autres objectifs, on est encore loin du résultat attendu. Les OMD, en particulier, n’ont que très peu conduit à des progrès locaux dans les Etats fragiles, en proie à la guerre ou à des conflits. Cela dit, il serait faux de parler d’un échec pur et simple du concept des OMD. Nombre de pays, aussi africains, ont accompli des avancées considérables en matière de formation, de santé ou de réduction de la mortalité infantile ; ils ont pour cela obtenu d’importants moyens financiers. En même temps, sur plusieurs plans, les pays industrialisés n’ont pas rempli leurs devoirs. Seuls cinq des vingt-deux Etats de l’OCDE ont augmenté comme promis leur aide à 0,7% du revenu national brut. Aucun n’a mis en question les règles inéquitables des systèmes commercial et financier.

La discussion en Suisse ns En Suisse, la Direction du développement et de la coopération (DDC) ainsi que l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) ont initié des processus de consultation sur le nouvel agenda de développement et les objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDGs). Alliance Sud, qui y participe, va s’engager pour que le nouvel agenda repose sur une approche intégrale en matière de durabilité et de droits humains, et pour qu’il soit focalisé sur la justice sociale. Un accent particulier sera mis sur la cohérence : il importe que tous les domaines politiques (commerce, finance, environnement, politique sociale…) soient évalués à la lumière de leur compatibilité sociale et environnementale. Les débats futurs ne devront pas porter uniquement sur des listes d’objectifs individuels. Il s’agira davantage de réfléchir à une nouvelle conception du développement.

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Conserver les forces Les points forts des OMD devraient fonder le suivi qui est actuellement esquissé pour la période post-2015. C’est, entre autres, ce qu’exige l’UN Task Team (voir encadré) dans un rapport2 au secrétaire général de l’ONU ainsi que les réseaux d’ONG Beyond 20153 et Eurostep4. Les trois soulignent que les OMD ont permis de focaliser la coopération au développement davantage sur la lutte contre la pauvreté et les objectifs sociaux. Ils ont donné une orientation commune aux différents acteurs. Le nombre réduit d’objectifs, leur formulation claire, leur mesurabilité ont rendu possible une large mobilisation politique. Tirer les leçons des faiblesses Les OMD ont toutefois aussi révélé des lacunes évidentes qu’il conviendra d’éviter à l’avenir. Ainsi, la large perspective de la Déclaration du Millénaire – fondée sur les droits humains – a été réduite à des objectifs sociaux politiquement inoffensifs et peu controversés. On a mis entre parenthèses la nécessité de réformes structurelles ainsi que des questions comme les inégalités sociales, la sauvegarde de l’environnement ou la prévention des conflits et de la violence. Les Objectifs ont fixé des Manifestation de la campagne « 0,7% – Ensemble contre la pauvreté », Bâle, octobre 2007. Les Objectifs du Millénaire pour le développement ont permis de sensibiliser l’opinion publique pour une lutte accrue contre la pauvreté et davantage d’aide au développement.


résultats finaux, mais soigneusement esquivé les causes de la pauvreté et les politiques requises pour les surmonter. De plus, les OMD ont été élaborés sans une large consultation des gouvernements, de la société civile et des personnes concernées. Beaucoup de pays en développement les ont du coup perçus comme de nouvelles conditionnalités et se sont peu identifiés avec eux.

par les principes contenus dans la Déclaration du Millénaire : droits humains pour tous, égalité sociale, respect de l’environnement, de la paix et de la sécurité. Ce cadre devrait assurer que les objectifs fixés ne se contredisent pas et qu’ils correspondent à tous les critères de la durabilité. Des réseaux féministes exigent l’ancrage central de l’égalité entre les sexes et des droits reproductifs, car la discrimination persistante des femmes est l’un des principaux obstacles au développement. Finalement, il convient que le nouvel agenda du développement – contrairement aux OMD – soit élaboré de concert avec les autorités nationales et locales, la société civile, la science et avant tout les personnes touchées par la pauvreté. C’est une condition pour que les gouvernements et les populations s’identifient avec les objectifs à venir et s’engagent activement pour leur réalisation. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) prévoit des consultations dans quelque 100 pays. On ne sait pas encore cependant quelle sera leur étendue ni comment leurs résultats seront intégrés dans le nouvel agenda de développement global.

Nouvel agenda Sur la base de ces constats, l’UN Task Team et les deux réseaux d’ONG ont esquissé les premiers contours d’un agenda du développement post-2015. Ils attendent qu’il prenne en compte les crises sociales, économiques, alimentaires et écologiques actuelles. Il devrait viser « un monde équitable et durable, où les droits de tous les êtres humains sont respectés » (Beyond 2015). Il devrait concerner tous les Etats, mais en différenciant leurs responsabilités et leurs devoirs. A l’avenir, tous les pays sont tenus de briser le cercle vicieux de la croissance économique destructrice et d’élaborer des modèles de production et de consommation respectueux de l’environnement. Autrement dit, le paradigme de développement qui a prévalu jusqu’ici – fondé sur la charité (« le Nord aide le Sud ») – doit être remplacé par un engagement universel. Il convient de réduire la pauvreté et les inégalités – à l’intérieur et entre les nations – ainsi que de reconnaître les limites écologiques de la planète. Cela implique deux choses. D’une part, de corriger les déséquilibres de pouvoir et les privilèges des acteurs économiques et financiers transnationaux en faveur des droits publics et de processus de négociations démocratiques. D’autre part, de réévaluer le rôle et le devoir de rendre des comptes des gouvernements, premiers responsables du bien-être et des intérêts à long terme de leur population.

1. http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Resources/Static/Products/Progress2012/French2012.pdf 2. http://www.beyond2015.org/sites/default/files/Realizing%20the%20 future%20we%20want.pdf 3. Beyond 2015 regroupe plus de 400 ONG de 80 pays, parmi lesquelles Alliance Sud: www.beyond2015.org 4. www.eurostep.org

Feuille de route

Photo: Alliance Sud.

Elaboration participative Concernant le processus, l’UN Task Team et les deux réseaux d’ONG proposent de s’accorder sur des principes fondamentaux avant de formuler des objectifs concrets. Le point de départ – en plus des Pactes des droits humains et de l’Agenda 21 adopté au Sommet de la Terre de 1992 – devrait être constitué

ph/ns Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a, depuis décembre, chargé plusieurs instances de plancher sur un nouvel agenda du développement. Primo, coordonné par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Département des affaires économiques et sociales (UNDAES), l’UN Task Team post-2015 comprend quelques 50 agences et unités de l’ONU. Il a publié en juin un premier rapport (voir texte principal). Secundo, un panel à haut niveau de personnalités doit élaborer jusqu’en mai 2013 des recommandations, « avec des responsabilités différenciées pour tous les pays et un accent prioritaire sur la lutte contre la pauvreté et le développement durable ». Ses propositions seront discutées par l’Assemblée générale en automne 2013. Tertio, un comité d’experts dirigé par Jeffrey D. Sachs, doit accompagner le processus d’une manière scientifique. Le but est que le nouvel agenda du développement soit sous toit en 2014, au plus tard en 2015. Parallèlement, le Conférence Rio+20 a chargé l’Assemblée générale de l’ONU de septembre de créer un groupe de travail avec des représentant-e-s de 30 pays de toutes les régions du monde. Sa tâche sera, en l’espace d’une année, d’établir un catalogue complet d’objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDGs). Selon le document final de Rio, le processus sur les SDGs doit se dérouler en cohérence et coordination avec le processus post-2015. On n’a toutefois pas décidé comment et si les différents processus devaient converger dans un agenda commun.

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Entreprises et droits humains

Pour un devoir de diligence obligatoire Michel Egger

Le droit suisse n’oblige pas les multinationales à respecter les droits humains

et l’environnement dans toutes leurs activités à l’étranger. L’introduction dans le Code des obligations d’un devoir de diligence pour les dirigeants d’entreprise serait un premier pas pour combler cette lacune grave. Une disposition recommandée par l’ONU et qui existe déjà dans d’autres pays.

Les médias se sont, ces derniers mois, faits l’écho de violations des droits humains et des standards environnementaux par des filiales de multinationales dont le siège est en Suisse. Ainsi, le grand cimentier Holcim a été accusé de bafouer les droits syndicaux en Inde. Au Pérou, les graves atteintes à la nature et à la santé publique par le géant minier Xstrata ont conduit à des heurts entre les forces de l’ordre et la population, qui ont fait deux morts en mai. En même temps, Holcim et Xstrata ont adhéré au Pacte mondial de l’ONU et à ses dix principes de respect des droits humains et de l’environnement. Un signe que les initiatives volontaires ne suffisent pas ! La législation suisse, malheureusement, ne permet pas de pallier les insuffisances de l’autorégulation des entreprises. Une réforme est donc nécessaire pour adapter le droit à la réalité de la globalisation économique, ainsi que l’exige l’alliance « Droit sans frontières ». Introduire un Director’s Duty of Care Mandaté par « Droit sans frontières », l’avocat genevois François Membrez a proposé une série de modifications légales1. L’une d’elles serait d’étendre le devoir de diligence du conseil d’administration à la protection des droits humains et de l’environnement (Director’s Duty of Care). Pour l’heure, selon le Code des obligations (CO), les instances dirigeantes de l’entreprise sont uniquement tenues de « veiller fidèlement aux intérêts de la société » (art 717) et des actionnaires. Il s’agirait donc de les obliger à prendre les mesures nécessaires raisonnables pour éviter des violations des droits humains et de l’environnement par toutes les sociétés du groupe. Le contenu d’une telle diligence raisonnable (Due Diligence) en matière de droits humains a pour une bonne part déjà été définie par les travaux de John Ruggie, l’ex-représentant spécial de l’ONU pour les questions entreprises et droits humains. L’ONU a publié en début d’année un manuel de mise en œuvre2. L’Union européenne est en train de préparer plusieurs guides, dont un pour les petites et moyennes entreprises (PME). Pour Ruggie, la diligence raisonnable implique une déclaration politique manifestant l’engagement de l’entreprise, des évaluations périodiques de l’impact potentiel et réel de ses activités sur les droits humains, l’établissement de systèmes

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de contrôle et des mécanismes de dialogue avec les communautés affectées. « A cet égard, il serait important d’introduire également un devoir légal de reporting sur les mesures adoptées et leurs effets », souligne Dominique Biederman, directeur de la fondation Ethos. Un tel Director’s Duty of Care a, bien sûr, des limites. Il n’offre pas d’accès direct à la justice aux victimes. Seuls les actionnaires peuvent s’en prévaloir, avec – selon les cas – des frais de justice non négligeables. En cas de condamnation, les dommages et intérêts ne reviennent pas aux victimes, mais finissent dans les caisses de la société. L’exemple de la Grande-Bretagne Si elle est loin d’être la solution, l’introduction d’un Director’s Duty of Care constituerait cependant une brèche dans l’approche purement volontaire. Elle serait un premier pas non négligeable pour faire évoluer la culture d’entreprise vers une responsabilité socio-environnementale effective. Dans le contexte politique actuel, cette mesure a l’avantage de mettre l’accent sur la prévention des violations plutôt que sur leur sanction ; elle est en cela plus acceptable. De plus, elle est clairement encouragée par John Ruggie. Les Principes directeurs pour la mise en œuvre de son cadre « Protéger, respecter, réparer » soulignent l’importance d’ancrer les politiques des droits humains au plus haut niveau directorial de l’entreprise et la nécessité pour les Etats de disposer d’un cadre légal visant à exiger des firmes qu’elles respectent les droits humains. Un Director’s Duty of Care existe déjà sous différentes formes, plus ou moins indirectes, dans d’autres pays. Ainsi, les administrateurs doivent prendre en compte le bien commun (Allemagne), satisfaire les demandes du large public et le rôle social de l’entreprise (Brésil), tenir compte de leur impact sur les communautés (Roumanie) ou encore évaluer les risques pouvant découler de violations des droits humains (Etats-Unis). Le pays le plus avancé est la Grande-Bretagne qui, en 2006, a revu d’une manière substantielle son droit des sociétés (Companies Act). Sous la pression d’ONG et du public qui a adressé plus de 100’000 lettres aux membres du Parlement,


Photo: Keystone.

Protestations au Pérou contre Xstrata (fin mai 2012). La multinationale a signé le Pacte mondial de l’ONU, mais ses mines continuent de menacer l’environnement et la santé.

elle a introduit un nouvel article qui oblige le conseil d’administration à prendre en considération l’impact des activités de l’entreprise sur les communautés et l’environnement. Elle a assorti cette disposition d’un devoir de reporting, trop vague cependant pour avoir un impact significatif, ainsi que le déplore l’ONG britannique CORE. Mesures volontaires et contraignantes Des dispositions juridiques contraignantes comme le Director’s Duty of Care ne doivent pas être opposées aux mesures volontaires de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Elles en sont au contraire le complément nécessaire, ainsi que l’ont souligné tant John Ruggie que l’Union européenne, qui prônent un mélange judicieux (« smart mix ») entre les deux. Un exemple fécond de cette complémentarité pour la prévention des violations des droits humains est le Dodd Frank Act, adopté fin août par les Etats-Unis. Selon le règlement de la Security and Exchange Commission, les entreprises américaines cotées en bourse et leurs fournisseurs actifs dans le négoce de matières premières devront à l’avenir publier des informations sur l’origine de leurs minerais et montrer qu’ils ne servent pas au financement de conflits comme en République démocratique du Congo. Confrontées à cette exigence légale, et afin de garantir que leurs minerais ne sont pas entachés de violations des droits humains, les entreprises électroniques ont mis en place des systèmes de traçabilité qu’elles considéraient comme impossibles il y a encore trois ans. Avec la collaboration de Chantal Peyer, Pain pour le prochain

1. www.droitsansfrontieres.ch (rubrique « revendications ») 2. The Corporate Responsibility to Respect Human Rights: An Interpretive Guide, UNO, 2012, http://www.ohchr.org/EN/Issues/Business/Pages/

Timides ouvertures En même temps que la remise de la pétition « Droit sans frontières », cinq interpellations et un postulat ont été déposés en juin par des parlementaires du PS, des Verts, du PDC, des Verts libéraux, du PBD et du Parti évangélique sur des questions de droits humains et entreprises. Les réponses du Conseil fédéral sont ambivalentes. D’une part, il reconnaît la grande importance des Principes directeurs de John Ruggie et a accepté un postulat demandant une stratégie pour leur mise en œuvre. Il attend des multinationales qu’elles aillent au-delà des exigences légales des pays où elles sont actives et qu’elles assument « vis-à-vis de leurs filiales un devoir général de diligence (due diligence) qui les enjoint d’identifier, d’éviter ou tout au moins d’atténuer les effets négatifs de leur activité sur l’environnement, les droits de l’homme ou le droit du travail, notamment ». De l’autre côté, le gouvernement esquive totalement la question des mesures pro-actives et juridiquement contraignantes prônées par John Ruggie et l’Union européenne en complément des initiatives volontaires. Concernant l’accès à la justice pour les victimes de violations commises par les entreprises suisses dans les pays en développement, il refuse toute interférence de la justice helvétique dans les affaires d’Etats tiers et renvoie ceux-ci à leurs engagements internationaux. D’une manière générale, en s’accrochant aux initiatives volontaires et aux procédures non judiciaires, le Conseil fédéral témoigne d’une conception de la responsabilité sociale des entreprises, qui est en retrait par rapport à John Ruggie et à l’évolution internationale. Les commissions de politique extérieure discuteront de la pétition « Droit sans frontières » le 11 octobre (Conseil des Etats) et le 30 octobre (Conseil national).

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Accord d’investissement et propriété intellectuelle

L’Inde, un partenaire coriace Les positions de l’Inde se heurtent parfois aux intérêts occidentaux. Ainsi, elle revoit sa politique d’investissement, s’oppose à des dispositions renforcées sur la

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propriété intellectuelle. La Suisse en fait aussi les frais.

Tout comme la Bolivie, l’Afrique du Sud, l’Equateur et d’autres pays en développement – mais aussi industrialisés, à l’instar des Etats-Unis et de l’Union européenne –, l’Inde est en train de revoir de fond en comble sa politique d’investissement. Car, bien que Delhi ait signé des accords de promotion et protection des investissements (APPI) avec plus de 70 pays, elle n’avait jamais été condamnée avant le 30 novembre 2011. Ce jour-là, à marquer d’une pierre rouge, un tribunal arbitral lui a infligé une amende de quatre millions de dollars australiens dans l’affaire White Industries versus India. L’opinion publique n’a découvert cette sentence qu’en février dernier, car la plupart des décisions sont tenues secrètes. Bien que le différend opposât White Industries (une compagnie minière australienne) à Coal India (une entreprise publique indienne), c’est le gouvernement indien qui va devoir payer les frais de la lenteur des tribunaux nationaux. Ceux-ci n’ont toujours pas tranché l’affaire après neuf ans ! Pour contester ce retard, White Industries, au nom de la clause de la nation la plus favorisée, a invoqué une disposition contenue dans l’APPI avec le Koweït (mais pas avec l’Australie, son pays d’origine), qui garantit un règlement des différends rapide et efficace devant les tribunaux internes. Une démarche parfaitement légale. A tort et à travers « La clause de la nation la plus favorisée est problématique !, s’emporte un haut fonctionnaire indien sous couvert d’anonymat. Cette disposition a été insérée dans l’APPI avec le Koweït à cause de relations spéciales entre les deux pays, comme la promesse d’importants investissements koweïtiens en Inde, mais elle ne s’appliquait pas à White Industries. Plus généralement, elle permet de picorer entre les traités pour choisir le plus favorable et elle a été invoquée à tort et à travers, notamment en Amérique latine. Les APPI sont très différents les

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uns des autres, il faut les harmoniser pour mieux défendre les intérêts des pays d’accueil. C’est ce que nous sommes en train de faire. » Tout en voulant rassurer les investisseurs, notre interlocuteur se plaint de jugements rendus par quelques centaines d’avocats, derrière des portes closes, sur la base d’interprétations complètement imprévisibles. Ainsi, l’expropriation indirecte a été invoquée par les investisseurs pour dénoncer la diminution de la valeur d’un investissement résultant, par exemple, de régulations étatiques visant à protéger l’environnement ou la santé publique. Non à des dispositions TRIPS+ L’Inde tient mordicus à un développement équitable et durable. C’est ainsi qu’elle a décidé de n’accepter aucun accord de libre-échange avec des dispositions sur la propriété intellectuelle qui vont au-delà des règles de l’Organisation mondiale du commerce (TRIPS+) et rendent plus chers les médicaments génériques. Une véritable pierre d’achoppement dans les négociations en cours avec l’Union européenne (UE) et l’Association européenne de libre-échange (AELE), qui vont devoir renoncer à l’exclusivité des données. En revanche, c’est une victoire pour les ONG comme Alliance Sud, qui prônent le droit à la santé pour le plus grand nombre. Cela dit, va-t-il y avoir un accord tout court avec la Suisse ? Notre interlocuteur assure qu’il y en aura un, pour autant que les deux partenaires y trouvent un bénéfice additionnel et équitablement réparti. Si le traité avec l’UE est mis sous toit cet automne, cela pourrait donner un coup d’accélérateur à celui avec l’AELE, visiblement moins intéressant aux yeux de Delhi. A l’instar de celui avec l’UE, ce dernier ne contiendra pas de chapitre sur le développement durable, instamment demandé par les ONG et certains partis politiques suisses. L’Inde craint, en effet, que les standards environnementaux n’imposent une vision du développement « à l’occidentale » et que les normes du travail ne deviennent une forme de protectionnisme. « Nous nous sommes opposés à ces questions à l’OMC, nous continuerons à l’être dans les accords bilatéraux, précise notre interlocuteur. Elles sont très importantes, mais elles n’ont rien à faire dans les traités de libre-échange, car l’AELE a des intérêts commerciaux très clairs et elle va utiliser ces standards à son avantage.» Isolda Agazzi


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Les bons tuyaux de la doc Enfants forçats Dans le cadre de leur projet Histoire vivante, le centre de documentation d’Alliance Sud et e-media publient une nouvelle fiche pédagogique. Elle porte sur le documentaire Enfants forçats, d’Hubert Dubois, qui sera diffusé sur RTSdeux le 7 octobre prochain à 20h55 et le 8 octobre à 23h45. Selon la feuille de route adoptée par les participants à la Conférence mondiale sur le travail des enfants de la Haye en 2010, les pires formes du travail des enfants devraient avoir été éradiquées d’ici à 2016. A mi-parcours, le film d’Hubert Dubois se demande quels progrès ont été réalisés et quels sont les défis à relever. Si, dans un premier temps, les efforts consentis ont conduit à un net recul des formes d’exploitation les plus graves, il faut constater aujourd’hui une stagnation de la situation, voire une nouvelle augmentation des cas,

• Rencontre avec une classe de CM2 (Hubert Dubois répond aux questions des élèves), www.ina.fr, 5 juin 2012; Vidéo, durée 26 min ;

probablement en raison de la crise économique mondiale. S’appuyant sur le film, la fiche pédagogique offre aux enseignants des pistes originales et adaptées à plusieurs niveaux scolaires pour leur permettre d’aborder et d’approfondir une question qui s’avère de plus en plus complexe au fur et à mesure qu’on l’explore. A la réprobationréflexe s’oppose toute une réflexion menée par les spécialistes du terrain. Ceux-ci s’interrogent non seulement sur la faisabilité des mesures prônées par les organisations internationales, mais aussi, plus profondément, sur le bien-fondé de la volonté d’interdire totalement le travail des enfants.

• Global March Against Child Labour : www.globalmarch.org.

Les tuyaux • Fiche pédagogique : les enfants forçats http://www.alliancesud.ch/fr/ documentation/projets/histoire-vivante/travail-des-enfants/ ;

Centre de documentation d’Alliance Sud Avenue de Cour 1, 1007 Lausanne, doc@alliancesud.ch ou 021 612 00 86 www.alliancesud.ch/documentation.

• « Contre le travail des enfants ? Présupposé à débattre » , Aurélie Leroy, in : Contre le travail des enfants ? Alternatives Sud, Vol.XVI-2009/1, www. cetri.be ; • « Travail des enfants, les leçons des pays émergents », Bénédicte Manier, Le Monde diplomatique, 10 mai 2010, www.monde-diplomatique.fr ;

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50’400

4 sur 5

42,5 millions

Faits et chiffres Réfugiés dans le monde

Fin 2011, l’UNHCR recensait 42,5 millions de réfugiés dans le monde, dont 24,6 millions de déplacés internes et 895’000 requérants d’asile.

4 réfugiés sur 5 vivaient dans les pays en développement.

La Suisse (revenu par habitant de 43’500 USD) abritait 50’400 réfugiés et le Kenya (revenu par habitant de 1’700 USD) 566’500.

www.alliancesud.ch

Nouvelle publication sur la décroissance

Moins égale plus ! Une belle surprise attend les lecteurs romands en ce début d’automne : la parution d’un tout nouveau journal au titre provocateur : Moins ! Comme un défi lancé à la face d’une société qui, à force de vouloir « toujours plus » et d’aller « toujours plus vite », finit par oublier les raisons qui la font courir. « Moins ! est […] à la fois un cri de contestation et de résistance, mais également une condition sine qua non pour pouvoir envisager une façon de vivre ensemble plus égalitaire et solidaire. » Journal romand d’écologie politique issu du Réseau des objecteurs de croissance vaudois (ROC-VD), Moins ! a l’ambition de faire connaître et promouvoir les idées de la décroissance. Chaque numéro sera « balisé » par des citations d’un auteur-phare de l’écologie politique. Le premier invité est Ivan Illich (1926-2002). Théologien et philosophe, auteur de très nombreux ouvrages, cet auteur n’a eu de cesse de démontrer que, à partir d’un certain seuil, le « toujours plus » tend à se retourner contre lui-même et devient contre-productif. Les exemples ne manquent pas : la médecine rend malade, les transports immobilisent, l’information désinforme, l’école abrutit… Le numéro inaugural consacre un dossier à la décroissance. Il en décline les principaux contenus et enjeux, répond à ses détracteurs en démontrant qu’elle est tout sauf synonyme de « récession » et de « retour à l’âge de la pierre », montre en quoi elle se distingue du développement durable. Le dossier se clôt sur une « petite “médiagraphie” décroissante », complétée par quelques livres, revues et films marquants. Il vaut la peine de découvrir ce nouveau-né de la presse romande et son théorème inédit : « Moins, c’est parfois beaucoup plus ».

Le site du journal : http://www.achetezmoins.ch/

GLOBAL + Avenue de Cour 1 | 1007 Lausanne | Téléphone 021 612 00 95 E-Mail: globalplus@alliancesud.ch


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