NumÉro 52 | ÉtÉ 2014
Globalisation et politique Nord-Sud
Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch
L’éthique avant le profit Protection du climat : avec l’argent de l’aide
Coopération : micmacs comptables
Ursula Haller : besoin d’action légale
News ONU: traité sur les multinationales me. Malgré l’adoption en 2011 des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, des multinationales continuent de commettre quotidiennement des violations en toute impunité. C’est pourquoi un groupe de 85 pays en développement, emmenés par l’Uruguay et l’Afrique du Sud, réclament un traité international contraignant qui pousserait les Etats à rendre les entreprises responsables des incidences négatives de leurs activités extraterritoriales. Lors de la session de juin du Conseil des droits de l’homme à Genève, une résolution sera déposée demandant la création d’un groupe de travail intergouvernemental chargé de l’élaboration d’une telle convention. Cette initiative est soutenue par plus de 500 organisations de la société civile – dont Alliance Sud – réunies dans l’Alliance pour un Traité. www.treatymovement.com Passe d’armes sur l’agenda post-2015 ns. Lors d’une réunion informelle début juin, le Groupe de travail ouvert a discuté la première « esquisse zéro » de l’agenda post-2015 de l’ONU pour le développement durable. Sont débattus les principes supérieurs des
Aide controversée dh. En Suisse et en Grande-Bretgane, des investissements financés par l’argent du développement font l’objet de critiques. Le SIFEM ( Swiss Investment Fund for Emerging Markets ), une société par actions ( de droit privé ) de la Confédération ( Seco ), a fourni 414 000 francs à Virgin Mobile Latin America du milliardaire Richard Branson pour établir un réseau de téléphonie mobile en Amérique du Sud. Un cas analogue est dénoncé par des ONG anglaises : CDC, société mandatée par
le gouvernement britannique pour investir en Amérique latine, Asie et Afrique, participe à hauteur de 260 millions USD à la construction de quartiers résidentiels contrôlés, centres commerciaux et villas de luxe. Les deux organisations semi-étatiques se défendent avec le même argument : cela permet de créer des milliers d’emplois. Oui ambigu à l’EAI mh. L’échange automatique d’informations ( EAI ) en matière fiscale prend enfin corps au plan international. Le Conseil fédéral a présenté mi-mai la manière dont il envisage de le mettre en œuvre. Il entend malheureusement exclure les pays en développement de ce nouveau standard. Selon son projet de mandat, l’EAI ne serait introduit qu’envers les Etats « avec lesquels il existe des relations économiques et politiques étroites ». De plus, il conviendrait de prendre en compte les pays « considérés comme importants et porteurs d’avenir pour l’industrie financière ». Autrement dit, la Suisse ne doit offrir l’EAI qu’aux pays qui pourraient lui nuire économiquement ou politiquement. Le Conseil fédéral fait fi une fois de plus des considérations de politique de développement.
Impressum
Alliance Sud en un clin d’œil
GLOBAL + paraît quatre fois par an.
Président Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse
Editeur : Alliance Sud Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper E-Mail : globalplus@alliancesud.ch Site Internet : www.alliancesud.ch Médias sociaux : facebook.com/ alliancesud, twitter.com/AllianceSud Rédaction : Michel Egger ( m e ) Tel. 021 612 00 98 Iconographie : Nicole Aeby Graphisme : Clerici Partner AG, Zurich Impression : s+z : gutzumdruck, Brig Tirage : 1500 Prix au numéro : Fr. 7.50 Abonnement annuel : Fr. 30.– Abonnement de soutien : min. Fr. 50.– Prix publicité / e ncartage : sur demande Photo de couverture : un bidonville de Kuala Lumpur ( Malaisie ) dans l’ombre des tours jumelles de Petronas. © Mark Henley / Panos Le prochain numéro paraîtra début octobre 2014.
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traités internationaux, seize objectifs et leurs sous-objectifs ainsi que des pistes controversées pour leur mise en œuvre. Parmi celles-ci figurent les engagements non réalisés des pays donateurs tirés du huitième objectif du Millénaire, comme des règles commerciales équitables via un libre accès au marché pour les pays les plus pauvres. Mais aussi des mesures contre les fluctuations de prix des denrées alimentaires, pour la régulation des flux financiers illicites et de l’évasion fiscale internationale. Une proposition curieuse est l’objectif en blanc qui devrait reprendre les résultats de la conférence de l’ONU sur le climat COP 21.
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Direction Peter Niggli ( d irecteur ) Kathrin Spichiger, Rosa Amelia Fierro Monbijoustr. 31, Case postale 6735, 3001 Berne Tél. 031 390 93 30 Fax 031 390 93 31 E-mail : mail@alliancesud.ch Politique de développement – C oopération au développement Nina Schneider ( j usqu’au 30.6 ) , Eva Schmassmann ( d ès le 1.9 ) Tél. 031 390 93 40 nina.schneider@alliancesud.ch – Politique financière et fiscale Mark Herkenrath, Tél. 031 390 93 35 mark.herkenrath@alliancesud.ch – Développement durable / c limat Nicole Werner ( j usqu’au 30.6 ) , Jürg Staudenmann ( d ès le 1.9 ) Tél. 031 390 93 32 nicole.werner@alliancesud.ch – Commerce Isolda Agazzi, Tél. 021 612 00 97 isolda.agazzi@alliancesud.ch
– Multinationales Michel Egger, Tél. 021 612 00 98 michel.egger@alliancesud.ch – Médias et communication Daniel Hitzig, Tél. 031 390 93 34 daniel.hitzig@alliancesud.ch InfoDoc Berne Jris Bertschi / E manuela Tognola / Emanuel Zeiter Tél. 031 390 93 37 dokumentation@alliancesud.ch Bureau de Lausanne Michel Egger / I solda Agazzi Tél. 021 612 00 95 / Fax 021 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch InfoDoc Lausanne Pierre Flatt / A mélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon Tél. 021 612 00 86, doc@alliancesud.ch Bureau de Lugano Lavinia Sommaruga Tél. 091 967 33 66 / Fax 091 966 02 46 lugano@alliancesud.ch
Daniel Rihs
Les droits humains sont un devoir
Points forts Méthodes de calcul à l'OCDE Micmacs comptables autour de l’aide
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Entretien avec Ursula Haller « L’autorégulation ne suffit pas »
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Alliance Sud en mouvement Quatre départs et recommencements Photo : © Michael Morgensen ( Tayacan ) / Panos
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Depuis 2002, selon l’organisation Global Witness, 908 personnes ont été tuées parce qu’elles s’opposaient à la mainmise de multinationales de matières premières sur leurs terres ou à la destruction de leurs forêts. Selon l’indice 2013 de la Confédération syndicale internationale, des travailleurs revendiquant des salaires et conditions de travail décentes ont été emprisonnés dans 35 pays, assassinés dans 9 et licenciés dans 53. Tous ont payé pour le simple respect de droits garantis au plan international. De tels rapports nous parviennent mois après mois. Les premiers responsables de violations des droits humains sont les gouvernements. Les luttes pour les améliorations doivent donc être menées dans les pays concernés. Mais les multinationales ont aussi leur part de responsabilité. Elles pourraient agir dans leur sphère d’influence. Personne ne les oblige à profiter de la situation de faiblesse juridique des petits paysans ou des indigènes pour – avec la complicité des gouvernements – s’approprier des terres, polluer des nappes phréatiques, faire briser des grèves ou employer de la main-d’œuvre à des salaires de misère. C’est une problématique récurrente depuis une quinzaine d’années. Quelques milliers d’entreprises ont promis des changements sur une base volontaire. Les violations des droits humains cependant continuent – aussi par les « volontaires ». Cette situation explique les efforts au sein de l’ONU pour élaborer une convention internationale contraignante pour toutes les multinationales. Le projet a cependant été sabordé par la Chambre de commerce internationale. Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés en 2011, encouragent maintenant les Etats à veiller à ce que leurs multinationales respectent les droits humains. La coalition « Droit sans frontières » a suivi en 2012 avec une pétition au Conseil fédéral et au Parlement, demandant entre autres d’obliger légalement les organes dirigeants des entreprises à des procédures de diligence. Le Conseil fédéral a publié en mai un rapport substantiel sur cette question, où il esquisse quatre possibilités pour inscrire dans le droit un devoir de diligence. La combinaison des quatre pistes correspond au minimum des exigences de « Droit sans frontières ». Le gouvernement s’est cependant gardé de formuler une recommandation. Il laisse l’initiative au parlement. L’Union suisse des arts et métiers et le Parti libéralradical rejettent par principe des régulations contraignantes – le PLR prône une réglementation internationale, cela même qui s’est heurté à l’opposition des lobbies économiques. Notre tâche sera de veiller à ce que le rapport ne puisse pas être mis en morceaux ou au rancart.
Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud
Financement des mesures climatiques La Suisse à côté de la plaque
Accord avec la Malaisie 10 La politique étrangère à l’épreuve
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Réforme des méthodes de calcul à l’OCDE
Micmacs comptables au royaume de l’aide Nina Schneider
Les pays industrialisés de l’OCDE sont en train de redéfinir l’aide au développement
et les flux financiers qui la constituent. La réforme devrait être sous toit avant que les nouveaux objectifs de développement soient fixés par les Nations Unies ( agenda post-2015 ). Les statistiques du CAD sont critiquées depuis des années, parce qu’elles permettent aux gouvernements de déclarer comme aide une bonne partie de ce qui leur convient. Ainsi, des ONG comme Alliance Sud contestent l’inclusion des coûts de l’asile ou des bourses d’études. A l’inverse, des gouvernements demandent de pouvoir considérer comme aide les contributions aux opérations militaires de maintien de la paix, les crédits à l’exportation ou des garanties pour des investissements à risques. Jusqu’en décembre 2014, les statisticiens des pays membres du CAD veulent présenter un nouveau standard pour l’APD. L’objectif est d’unifier les critères de comptabilisation, de motiver les « nouveaux donateurs » à monter à bord, de garantir à long
Photo : © C hristian Bobst / E per
Depuis les années 1960, le Comité d’aide au développement ( CAD ) de l’OCDE mesure les flux financiers de ses membres vers les pays en développement. Grosso modo, toutes les contributions non remboursables ( dons ) ainsi que les prêts dits concessionnels ( à des conditions favorables et assortis d’un élément de don ) qui servent au développement économique et social des pays en développement, sont reconnus comme de l’aide publique au développement ( APD ). En 1970, l’Assemblée générale des Nations Unies a, pour la première fois, fixé l’objectif de 0,7 pour cent du revenu national brut. Il a été réaffirmé à maintes reprises, mais jusqu’à aujourd’hui seuls 5 des 28 pays donateurs du CAD – Norvège, Suède, Luxembourg, Danemark, Grande-Bretagne – l’ont atteint.
Dans le village de Yonoféré au cœur de la zone semi-désertique du Ferlo, cet abreuvoir est alimenté par un puits co-financé par l’Eper. L’OCDE va-t-elle encourager l’aide aux pays les moins avancés comme le Sénégal sous la forme de crédits plutôt que de dons, avec les risques budgétaires qui en découlent ?
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terme la crédibilité et la légitimité du CAD ainsi que la pertinence de son système de contrôle pour l’agenda post-2015 de l’ONU. La Russie, la Turquie et les Emirats arabes unis adhèrent aujourd’hui déjà aux critères sur une base volontaire. Le Mexique et – selon certaines rumeurs – aussi la Chine devraient suivre encore cette année. Vers une « nouvelle » aide publique La critique des ONG envers les nouvelles méthodes comptables ne sera probablement pas entendue. Il est vraisemblable qu’à la fin des négociations, les intérêts des grands pays donateurs prévaudront sur ceux des pays en développement. Ceux-ci sont invités au processus, mais sans droit de vote. De fait, chaque pays aimerait pouvoir calculer comme aide son propre « cocktail » de fonds. Une manière de réaliser le 0,7 pour cent, si possible sans ressources budgétaires supplémentaires. On cherche donc un compromis avantageux pour tous. La question – chère aux ONG – pour un recentrement sur l’« aide réelle » ( dons et contributions aux banques de développement ) a plus ou moins été abandonnée. Les tractations portent avant tout sur ladite « nouvelle » APD. La proposition en discussion concerne les prêts concessionnels. L’idée est d’abroger la condition actuelle pour la comptabilisation, qui fixe à 25 pour cent au moins la part de don. Il s’agit d’empêcher que soient déclarés comme subventionnés des taux d’intérêt supérieurs au taux réel d’un pays donateur. La « nouvelle » APD reconnaîtrait un équivalent-don reposant non sur la valeur nominale d’un crédit, mais sur la différence entre le taux d’intérêt et les coûts du capital ( y compris la prime de risque ). Cette méthode permettrait notamment à l’Union européenne de considérer comme aide les crédits de la Banque européenne pour le développement et la reconstruction ( BERD ), qui se trouvent juste sous le taux du marché. La « nouvelle » APD intégrerait aussi les investissements publics à risques. L’adoption de cette proposition conduirait à une augmentation automatique de l’APD de 3 à 6 pour cent. Point particulièrement inquiétant, elle créerait des incitations pour des instruments de financement fondés sur le marché et désavantagerait les pays fournissant une aide non remboursable. La tendance est claire. On va vers des modèles de calcul moins transparents via la création de produits voilant les flux financiers. Ils permettront aux donateurs de s’épargner les dépenses promises et grèveront les pays en développement de nouvelles dettes. A l’inverse du credo de la lutte contre la pauvreté qui encourage les contributions sous forme de dons, un nombre croissant de gouvernements recourent à des prêts. D’où pour les pays donateurs une charge budgétaire moindre, réduite à la différence par rapport au taux du marché. Selon les statistiques du CAD, les flux d’aide se sont déplacés ces dernières années des pays les plus pauvres ( PMA ) vers les pays émergents, dont la croissance économique constante est particulièrement attrayante pour les pays industrialisés. Risque de renchérissement des services publics Les PMA attirent moins les investissements, car ils sont moins aptes à rembourser des prêts. L’aide qu’ils reçoivent est actuellement composée entre 70 et 90 pour cent de dons. Le CAD discute de savoir s’il est légitime d’encourager une augmentation des crédits avec des primes de risques élevés. Il en résulterait des charges budgétaires accrues pour les pays en développe-
ment, via des coûts en intérêts et des amortissements supplémentaires. D’où également un renchérissement des services publics comme la santé et l’éducation, ce qui irait clairement à l’encontre de l’objectif de lutte contre la pauvreté. Au pire, des crédits de développement pourraient susciter une nouvelle spirale de surendettement.
La critique des ONG envers les nouvelles méthodes ne sera probablement pas entendue. Plus fondamentalement encore, la question se pose de savoir si – au lieu de promouvoir un développement durable et équitable – les nouveaux instruments de financement et investissements à risques ne vont pas, une fois de plus, grossir les poches des pays donateurs et des investisseurs privés, réduisant par là-même l’appropriation des pays en développement. Mais ce n’est pas tout. Dans la mesure où la « nouvelle » APD ne couvre pas l’ensemble des flux que les pays donateurs aimeraient considérer comme aide, le CAD envisage d’introduire dans la négociation un nouvel instrument intitulé « soutien public total au développement ». L’idée est de pouvoir intégrer tous les flux financiers possibles – y compris ceux qui ont peu à voir avec la lutte contre la pauvreté – qui pourraient prendre de l’importance dans le financement de l’agenda post2015. Tout se passe donc comme si on essayait de créer un argument fort pour déconsidérer l’APD comme valeur de référence de la coopération internationale.
ONG : agenda post-2015 d’abord ns. Les propositions de réforme discutées au Comité d’aide au développement ( CAD ) menacent de voiler l’aide classique au développement et par là-même les obligations internationales des pays donateurs. Alliance Sud soutient la reven dication du réseau européen d’ONG Eurodad ainsi que du G - 77 de ne rien créer de préjudiciable avant que l’ONU ait décidé de l’agenda post-2015. Ce dernier vise un financement durable du développement, qui implique la fixation d’objectifs quantitatifs concrets pour les pays donateurs et les divers domaines. Le CAD devrait se concentrer d’ici à la fin de l’année sur la définition d’une méthode de comptabilisation juste pour les prêts concessionnels, qui ne prenne en compte que les charges budgétaires réelles des donateurs. De plus, dans l’examen des pays récipiendaires, les pays donateurs devraient veiller à ce que dorénavant au moins 50 pour cent de l’aide bénéficient aux pays pauvres.
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Entretien avec Ursula Haller, conseillère nationale PBD
L’autorégulation des entreprises ne suffit pas Après la session d'automne, Ursula Haller ( Parti bourgeois
Michel Egger et Daniel Hitzig
démocratique ) va se retirer du Conseil national après 15 ans d’activités. Politicienne du centre, elle est convaincue qu’une économie florissante est
Photos : © D aniel Rihs / P ixsil
compatible avec le respect de valeurs éthiques. Rencontre.1
Ursula Haller, vous vous êtes engagée dans les commissions de politique extérieure ( CPE ) et de la politique de sécurité ( CPS ) du Conseil national. Pourquoi précisément là ? Lorsque je faisais encore partie de l’UDC, j’étais membre de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture ( CSEC ). C’était dans mes cordes en tant que directrice de l’éducation à la ville de Thoune. Le passage à la CPS avait aussi à voir avec le contexte thounois, puisque plusieurs entreprises importantes d’armement y sont domiciliées. Dans la mesure où la sécurité est une question non seulement extérieure, mais aussi intérieure, j’ai trouvé que l’engagement au sein de la CPE était un complément qui faisait sens. C’est comme cela que je l’ai toujours vécu. Vous avez en mars pris position contre l’industrie d’armement. Comment a-t-on réagi à Thoune ? Cela a été bien reçu ! Même le PDG de Ruag m’a signalé qu’il comprenait ma position. Il s’agissait d’assouplir la loi sur les exportations de matériel de guerre pour pouvoir en exporter aussi dans des pays où le respect des droits de l’homme est tout sauf garanti. Avec comme argument de ne pas prétériter l’industrie suisse face à la concurrence étrangère. Je trouve dévastateur pour la réputation de la ville de Thoune que des armes, qui y sont produites, se retrouvent – même par des voies détournées – dans des mains problématiques. Je pense, par exemple, aux grenades qui ont fini en Syrie ou aux fusils de précision avec lesquels on a tiré sur des civils sur la Place de l’Indépendance à Kiev. Il est donc très important que l’on ait des directives très sévères dans la loi sur le contrôle des biens et son ordonnance, qui règlent l’exportation de matériel de guerre. Je trouve qu’exporter des armes dans des pays comme l’Arabie Saoudite, où les droits fondamentaux des femmes sont bafoués, revient à donner un signal calamiteux. Une forme de double morale de la Suisse humanitaire ? Absolument. Bertolt Brecht a lancé l’idée que manger vient avant la morale. Je suis personnellement d’avis que le succès économique et la morale ne sont en rien incompatibles, bien au contraire. Je suis convaincue que notre pays a tout à gagner
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si nous agissons de manière éthique aussi dans l’économie. Certes, nous avons besoin de matières premières, mais à quel prix humain les entreprises doivent-elles opérer ? Dans le débat sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, des voix affirment qu’il n’y a en Suisse guère besoin d’agir. Elles ont tort ! Quand des entreprises qui ont leur siège principal en Suisse sont complices de travail d’enfant ou de pollutions environnementales, cela nuit à notre réputation. Je ne veux pas accuser une firme en particulier, mais la Suisse – en tant que plaque tournante du négoce mondial de matières premières – doit y regarder de plus près. Je suis persuadée que le Conseil fédéral, Economiesuisse et l’Union suisse des arts et métiers savent tous très bien que la Suisse ne peut pas se permettre d’être impliquée dans des affaires sales. C’est pourquoi nous devons adapter les régulations de la branche, comme cela se passe par exemple aux Etats-Unis et dans l’Union européenne. Il convient certes de trouver le bon équilibre. La Suisse doit en partie servir de modèle. Cela ne signifie pas cependant que nous devons montrer au reste du monde que nous sommes les meilleurs, au risque que des firmes quittent la Suisse.
L’entreprise qui ne respecte pas les règles doit en sentir les conséquences. Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits humains parlent de « mélange judicieux » de normes volontaires et contraignantes. En Suisse, beaucoup croient que l’autorégulation est suffisante. Qu’en pensez-vous ? Idéalement, la sensibilisation devrait conduire à ce que les entreprises soient encore plus conscientes des conséquences de leurs activités et que les dommages puissent être évités. Malheureusement, cela ne se passe pas ainsi. Ou trop peu. On peut faire un parallèle avec les hooligans dans le domaine du football. Là, on voit bien que, seule, l’autorégulation des fans ne suffit pas. L’auto-responsabilisation est en partie une illusion : il y a trop d’acteurs qui ne sont prêts à réguler que dans la mesure où cela ne nuit pas à leurs affaires. Des firmes comme Glencore Xstrata – avec leur savoir-faire – sont pourtant capables d’extraire les matières premières dont nous avons tous besoin de manière à ce que cela ne porte pas atteinte aux êtres humains et à l’environnement. Il convient, ici aussi, de promouvoir une situation win-win. Pour cela, des règles juridiquement contraignantes sont en réalité nécessaires. Je crois personnellement que de telles règles peuvent avoir un effet préventif. Si nous nous contentons d’appeler les entreprises à investir dans la prévention, celle-ci risque de n’être qu’un vain mot. Finalement, il s’agit d’arriver à des améliorations concrètes. « Droit sans frontières » demande que les entreprises doivent rendre des comptes de leurs activités et en assumer la responsabilité à travers un devoir de diligence. Au cas où il serait établi qu’elles n’ont pas respecté ces obligations et que les standards – en lien par exemple avec des risques de
sécurité pour les collaborateurs – ont été violés, elles devraient être soumises à des sanctions. C’est comme cela que je vois les choses. Les rapports qui constatent des manquements et ne sont suivis d’aucun effet, sont des tigres de papier. L’entreprise qui ne respecte pas les règles doit en sentir les conséquences. Pour un tel système, une collaboration entre les Etats est cependant requise. Quant à savoir si les pays où les matières premières sont extraites y voient aussi un intérêt, c’est une autre histoire – les droits humains et les questions environnementales y ont souvent peu de valeur. C’est pourquoi nous avons une responsabilité. Fin mai, le Conseil fédéral a publié un rapport de droit comparé, qui fait suite à votre postulat au sein de la CPE. Comment jugez-vous ses conclusions pour une régulation future de la responsabilité des entreprises ? Le Conseil fédéral établit dans ce rapport un état des lieux. Il reconnaît que la Suisse devrait assumer sa responsabilité en matière de droits humains et d’environnement à travers une législation correspondante. Il signale également qu’un ancrage légal de l’obligation de diligence et / ou du devoir de reporting des entreprises serait imaginable. Cependant, et c’est symptomatique, le Conseil fédéral ne veut pas trop se mouiller. Il ne fait aucune proposition concrète pour les pas juridiques nécessaires à accomplir. Cette formulation ( trop ) prudente a d’ores et déjà conduit à des réactions négatives, notamment de la coalition « Droit sans frontières », mais aussi lors d’une manifestation organisée récemment par Economiesuisse. Les deux bords regrettent que le Conseil fédéral ne dise pas quelles mesures concrètes devraient logiquement venir. Ce sera maintenant au Parlement de s’exprimer sur cette question. Affaire à suivre. L’interview complète d’Ursula Haller peut être téléchargée sur www.alliancesud.ch. 1 L’interview a été réalisée le 20 mai 2014. La dernière question a été posée après la publication du Rapport de droit comparé du Conseil fédéral.
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Alliance Sud en mouvement
Quatre départs pour autant de recommencements Peter Niggli Quatre
de nos collègues, qui se sont fortement engagés pour
Alliance Sud, vont nous quitter cet été. Nous leur disons un cordial merci. Silvia Carton était l’une des deux têtes féminines de notre bureau à Lugano et s’est occupée depuis 1992 du secrétariat. Elle est devenue avec le temps un soutien et une partenaire indispensable de la responsable. Elle vient – malheureusement pour nous – d’atteindre l’âge de la retraite. Nous lui souhaitons le meilleur dans le nouveau royaume de la liberté. A l’antenne de Lausanne, Frédéric Russbach a assumé depuis 2001 les tâches administratives et a réalisé la mise en page de l’édition francophone de GLOBAL+. Les premières années, il a aussi servi d’« homme à tout faire » chez Infosud. Il s’en va pour un nouveau défi. Nous lui souhaitons bon vent.
Pour la justice climatique
Photo : © D aniel Rihs
Photo : © S andro Mahler
Nicole Werner a repris au printemps 2011 le dossier du climat et de la politique environnementale. Les espoirs dans un accord global consistant sur le climat s’étaient alors effilochés. Les gouvernements négocient depuis lors selon le principe « toi d’abord, moi beaucoup plus tard ». Cela fait fi de la recommandation pressante de la science de réduire dans cette décennie encore les émissions de gaz à effet de serre, si l’on entend pouvoir maîtriser les changements climatiques. Nicole a œuvré dans le comité de l’Alliance pour une politique climatique responsable. Elle a participé aux travaux pré-
Frédéric Russbach
Photo : mad
Photo : © Urs Fankhauser
Silvia Carton
Nicole Werner
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Nina Schneider
paratoires de l’Office fédéral de l’environnement pour les conférences annuelles sur le climat, où est géré le surplace politique. Elle s’est battue en notre nom pour la justice climatique ( entre les pays riches et pauvres ) et le financement du climat par les pays industrialisés. Parallèlement, Nicole a préparé le sommet Rio+20. Elle a réalisé notre papier de position sur le processus post-2015, paru sous le titre « Des objectifs suisses pour un développement global porteur d’avenir1 ». Physicienne de formation, elle combine une joie de vivre et une vision lucidement noire du caractère non durable du mode de production dominant. Nous formons nos meilleurs vœux pour les nouvelles activités qu’elle recherche et qu’elle a déjà en partie trouvées dans l’agriculture biologique.
Contre le mauvais usage des ressources Nina Schneider s’est plongée en novembre 2011 dans le dossier de la politique de coopération au développement. Quelques mois auparavant, le Parlement avait pris la décision d’augmenter l’aide au développement à 0,5 pour cent du revenu national brut jusqu’en 2015. Nina a contribué à la consolider : en 2012, le Parlement a adopté les grands crédits-cadres avec les dernières tranches de l’augmentation. Nina a veillé à ce qu’une majorité refuse de lier l’aide au développement et le rapatriement des requérants d’asile. L’élargissement du cadre financier a stimulé les envies de puiser dans le budget de la coopération pour financer des activités à l’efficacité de développement douteuse – par exemple, la collaboration avec le secteur privé. Nina s’est occupée de notre demande à la DDC de renforcer les critères pour le choix et l’évaluation de tels programmes, afin d’éviter un mauvais usage des ressources. Les affections détournées de fonds ont fait l’objet de notre contribution – coordonnée par Nina – à l’examen par les pairs de la Suisse, réalisée par le Comité d’aide au développement de l’OCDE. Finalement, Nina s’est occupée de nos apports dans les consultations de la DDC sur l’agenda post-2015. A côté de tout cela, elle a assumé le secrétariat du Groupe parlementaire Suisse-Solidarité internationale ainsi que de la plateforme des ONG suisses de développement. Elle souhaite à l’avenir un travail plus concret et proche du terrain. Elle est en ce sens ouverte à la nouveauté. Nous ne pouvons que la recommander. 1 voir www.alliancesud.ch/fr/publications/livres/position-sur-un-agendade-developpement-post-2015
Financement du climat
Le Conseil fédéral à côté de la cible Nicole Werner L’adoption
d’un nouvel accord international sur le climat en 2015 à Paris dépend des
objectifs nationaux de réduction des gaz à effet de serre et des engagements financiers des
pays industrialisés. Si la Suisse campe sur ses positions, elle sera clairement coresponsable en cas d’échec des négociations.
Selon le dernier rapport du Conseil mondial du climat, l’objectif de 2˚C ne pourra être réalisé que si les émissions globales de gaz à effet de serre diminueront de 40 à 70 pour cent jusqu’en 2050 par rapport au niveau de 2010 et seront réduites à quasi zéro d’ici à la fin du siècle. Une répartition équitable des charges implique un effort de réduction plus grand des pays industrialisés, afin de donner un espace aux pays du Sud pour leur développement. Or, le Conseil fédéral a annoncé fin mai que la Suisse ne reverrait pas ses objectifs climatiques : au maximum une baisse de 20 pour cent jusqu’en 2020 par rapport à 1990. La Suisse n’a pas seulement pris congé d’une politique climatique ambitieuse au plan national. Le traité international qu’elle aborde superficiellement ne verra le jour que si les pays émergents et en développement adoptent des objectifs climatiques contraignants. Or, ils ne s’y résoudront que si les pays industrialisés assument leur responsabilité (historique) pour les changements climatiques et s’acquittent de leurs promesses financières. Selon l’accord passé à Cancún en 2010, leurs contributions devraient s’accroître dès maintenant de 10 milliards de dollars par an pour atteindre 100 milliards de dollars en 2020. Fonds additionnels et nouveaux Il n’existe actuellement pas de clé officielle pour fixer les contributions nationales des pays industrialisés afin d’atteindre cette somme. La Suisse a fait ses propres calculs pour évaluer son
apport au financement pendant les années 2010 à 2012. Avec la même méthode, on arrive à une contribution d’environ 460 millions de francs. C’est largement sous-estimé. En prenant les critères de l’ONU pour les contributions de ses membres, elle devrait payer une part de 1,3 milliard de francs en 2020, soit environ 90 millions de francs de plus par an dès maintenant.1 Sinon, elle ne remplira pas ses obligations. Cet argent – point essentiel – doit s’ajouter à l’aide au développement. Autrement dit, le financement du climat ne doit pas s’accomplir au détriment de la lutte contre la pauvreté. C’est malheureusement ce que le Conseil fédéral envisage de continuer à faire. Si tel est le cas, en 2020, quelque 38 pour cent de l’aide seraient détournés pour des mesures climatiques. Si la Suisse entend honorer ses engagements internationaux en évitant un tel travers, elle doit promouvoir de nouvelles sources officielles de financement. Pour cela, elle ne doit pas manquer l’occasion que constitue la modification constitutionnelle nécessaire au nouveau système d’incitation climatique et énergétique prévu pour 2020. Une taxe sur le CO2 pourrait ainsi être créée qui permettrait de réaliser trois objectifs d’un coup : répartir les coûts selon le principe du pollueur-payeur, encourager la protection du climat et générer les fonds nécessaires. 1 Alliance Sud publiera le détail de ces calculs dans un document sur le climat à paraître en septembre 2014.
Contribution de la Suisse aux engagements financiers internationaux pour le climat en millions de CHF 2600 2400 2200 2000 Contribution selonsur 1 Alliance Sud publiera le détail de ces calculs dans un suisse document la clé de l’ONU le climat à paraître en septembre 2014.
1800 1600
Aide suisse au développement
1400 1200
(1,3 pour cent de 100 milliards CHF)
Projection de l’aide au développement (0,5 pour cent du RNB 2015)
Contribution suisse
(moyenne entre la clé de l’ONU et la méthode de calcul unilatérale de la Suisse)
1000 800
Contribution suisse minimale selon la méthode de calcul unilatérale
600 400
(0,43 pour cent de 100 milliards CHF)
200 0
Global+/Weber/Werner Sources : ONU, DDC, OFEV, Alliance Sud
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
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Photo : © Keystone / A P / Vincent Thian
L’accord de libreéchange entre l’AELE et la Malaisie va-t-il stimuler encore da vantage la destruction des forêts pluviales, comme ici dans le Sarawak ? La Suisse est au défi de faire respecter l’environnement et les droits des populations autochtones.
Accord de libre-échange avec la Malaisie
La politique étrangère à l’épreuve
Isolda Agazzi
L’Association européenne de libre-échange ( AELE ), dont la Suisse est membre, négocie
un accord de libre-échange avec la Malaisie. Des questions se posent comme les droits des autochtones, l’environnement ou encore la corruption. Que fait le Conseil fédéral pour garantir la cohérence de sa politique extérieure ? « Les accords de libre-échange de la Suisse reposent avant tout sur des critères économiques, tout en prenant en considération, dans le cadre d’une politique cohérente du Conseil fédéral, le respect des normes environnementales et sociales, y compris les droits de l’homme. Ces derniers sont évoqués dans le préambule de l’accord, qui n’est pas contraignant. » Voilà ce que Didier Chambovey, chef du commerce mondial au Secrétariat d’Etat à l’économie ( Seco ), a déclaré à des ONG malaisiennes, au Bruno Manser Fonds, à Alliance Sud et à la Société pour les peuples menacés. Politique discriminatoire En 2009, lors de l’Examen périodique universel1 de la Malaisie, la Suisse a recommandé à Kuala Lumpur de respecter les droits des populations autochtones et de garantir leur droit à la terre. En 2012, la Commission de politique extérieure du Conseil national a donné son feu vert aux négociations de l’accord de libre-échange, en soulignant que le parlement attend de la Ma-
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laisie qu’elle ratifie les textes fondamentaux sur les droits umains et du travail internationalement reconnus. h « La Malaisie aspire à devenir un pays développé d’ici à 2020. Elle a fait beaucoup de progrès, mais sur le front des droits humains, des populations autochtones et des minorités, elle a encore beaucoup de retard », affirme Bala Chelliah, représentant de l’ONG SUARAM à Genève. Il pointe du doigt la « Nouvelle politique économique », lancée en 1971, qui est devenue un instrument de discrimination des Malais de souche envers les Malaisiens d’origine chinoise et indienne, considérés comme des citoyens de seconde classe. Selon lui, ce ne sont pas les gens de la rue qui vont bénéficier de cet accord, mais les élites au pouvoir qui possèdent toutes les entreprises. « Même les sociétés suisses vont être discriminées, car elles ne pourront pas recruter les meilleurs collaborateurs. » Les droits fonciers sont l’autre grand souci des ONG malaisiennes. Peter Kallang, de SAVE Rivers, ajoute que l’Etat prévoit de construire dans l’est du pays 50 barrages hydrauliques d’ici
à 2030, au grand dam de l’environnement et des terres des opulations autochtones. « Nous avons le nombre de plaintes p liées à la terre le plus élevé au monde – 300 à l’heure actuelle. Nous avons obtenu gain de cause dans 20 cas, mais le gouvernement et les autochtones interprètent différemment la notion de droit foncier. Les populations ne peuvent pas donner leur consentement libre, préalable et informé. Tout se fait dans le plus grand secret. » Les entreprises suisses sont aussi visées. Pour la construction du barrage controversé du Murum, à Sarawak ( partie malaisienne de Bornéo ), ABB a livré des composantes pour la production d’énergie à hauteur de six millions USD. Ce barrage est le premier d’une série de douze qui pourraient entraîner le déplacement de dizaines de milliers d’habitants et inonder des centaines de kilomètres carrés de forêt tropicale, selon le Bruno Manser Fonds. Celui-ci demande à ABB de se retirer de Sarawak et d’indemniser les populations concernées à hauteur de 1,5 million USD. Le 15 mai, ABB a annoncé vouloir réévaluer ses affaires en Malaisie. Gros problèmes de corruption L’Etat de Sarawak fait l’objet de toutes les convoitises de la part des investisseurs étrangers. Selon les ONG, la forêt pluviale y a déjà été détruite à 80 pour cent. « Après le déboisement il y aura des plantations – en particulier d’huile de palme. Cela va laminer la vie des gens », affirme Peter Kallang. Didier Chambovey assure que la Suisse est consciente de certains problèmes liés à la production d’huile de palme et qu’elle soutient la Roundtable on Sustainable Palm Oil ( RSPO ). Plusieurs indus-
triels suisses se sont d’ailleurs engagés à n’importer, à terme, que de l’huile de palme certifiée par cette initiative. Pour les ONG, cela ne résout pas le problème, car la RSPO a des limites et, surtout, l’association malaisienne de producteurs d’huile de palme a l’intention de la quitter pour créer son propre label, dont les critères seront encore plus bas. La Malaisie est l’un des pays les plus corrompus du monde et le quatrième en termes de flux financiers illicites ( 370 millions USD ), selon un récent rapport du Global Financial Integrity. Par exemple – en échange de concessions forestières sur l’île de Bornéo – Musa Aman, le chef de gouvernement de l’Etat de Sabah aurait touché plus de 90 millions USD de pots-de-vin, qui auraient été blanchis via la filiale d’UBS à Hong Kong et placés sur des comptes en Suisse. Le Ministère public de la Confédération a ouvert une procédure pénale contre UBS pour blanchiment d’argent. On le voit : la Suisse a du pain sur la planche pour assurer la cohérence de sa politique extérieure en Malaisie. Car si, comme le dit le chef négociateur suisse, « le Conseil des droits de l’homme est l’endroit le plus approprié pour soulever les questions des droits humains », pour Alliance Sud l’accord de libre-échange est un bon moyen d’assurer leur réalisation. En effet, en droit international il n’y a aucun moyen d’obliger un Etat à respecter ses engagements en matière de droits humains, contrairement à ses obligations commerciales, dont la violation peut entraîner des sanctions. 1 Mécanisme du Conseil des droits de l’homme qui passe en revue tous les Etats, tous les quatre ans.
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Les bons tuyaux de l’InfoDoc Brésil, champion des… inégalités La fête du football va-t-elle étouffer la révolte et les protestations ? La nervosité grandissante des forces de sécurité et l’obstination des protestataires à dénoncer les contradictions de la politique gouvernementale laissent penser qu’au pays du futebol, les Brésiliens ne rêvent pas que de ballon rond. La réussite économique du Brésil de ces dernières années et la politique du gouvernement Lula ont permis d’améliorer la situation des plus pauvres. Toutefois, selon l’ONU, le Brésil est toujours neuvième au palmarès des inégalités sociales. Cela explique l’attitude des protestataires qui réclament un meilleur système de santé, l’amélioration de la qualité de l’enseignement, le droit au logement et des transports publics abordables et qui fonctionnent. Le 30 octobre 2007, la Fédération internationale de football ( FIFA ) désigne le Brésil comme pays hôte de la Coupe du monde 2014. C’est l’euphorie dans la population et
les médias. Alors que la croissance économique était encore de 7,5 pour cent en 2011, elle a chuté à 2 pour cent en 2013. L’enthousiasme de 2007 est lui aussi retombé et la population est inquiète. Les Brésiliens attendront-ils la fin de la fête pour formuler leurs revendications, comme le souhaite le président de l’UEFA Michel Platini ? Le gouvernement de Dilma Roussef peut-il se permettre la fermeté visà-vis de la société civile, au risque de tout gâcher ? Une semaine exactement avant le début du tournoi, l’annonce d’une grève illimitée des employés du métro de Sao Paulo, qui gère la principale voie d’accès au stade accueillant le match inaugural, a placé d’entrée le gouvernement Roussef dans une position très inconfortable. Les tuyaux – Dans les coulisses du Mondial brésilien, Alliance Sud InfoDoc, http://goo.gl/pgaJEa – « Brésil : peur sur le Mondial ? »,
Infrarouge, émission de la RTS, 3 juin 2014, http://goo.gl/lgYNfv – Marwan Chahine, « Autodromo, cerné par la modernité », Libération, 30 mai 2014, http://goo.gl/zgyfAA – Yanik Sansonnens, « Brésil : la faillite de l’éducation publique », Le Courrier, 17 avril 2014, http://goo.gl/UQfTIV – Olivier Petitjean, « Jeux Olympiques et Coupe du monde : terrains de jeux d’un néolibéralisme de choc », Basta !, 6 février 2014, http://goo.gl/tij36w – Dossier Mondial sur le site Autres Brésils, http://goo.gl/Ygcbyx Pour plus d’informations : Alliance Sud InfoDoc Avenue de Cour 1, 1007 Lausanne doc@alliancesud.ch ou 021 612 00 86 www.alliancesud.ch/fr/infodoc facebook.com/Alliancesuddoc twitter.com/doc_alliancesud
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Regards suisses sur le Sud.
7,15 CHF
Une pochette de Panini coûte 7 ,15 CHF au Venezuela. Avec 37 pochettes, le salaire moyen ( 2012 ) est épuisé.
4 matches
4 matches du Mondial auront lieu en Amazonie. Coût : 224 millions CHF. Le meilleur club de Manaus joue devant 900 spectateurs.
250 000
Faits & chiffres Mondial au Brésil
Selon le Comité populaire du Mondial, un quart de million de personnes vont être déplacées de force. Sources: Tages-Anzeiger, NZZ, Heinrich-Böll-Stiftung En ligne et mis à jour en permanence : le dossier sur le Mondial d’Alliance Sud InfoDoc Photo : © F lurina Rothenberger
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Avenue de Cour 1 | 1007 Lausanne Téléphone 021 612 00 95 E-Mail : globalplus@alliancesud.ch www.facebook.com/ alliancesud
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L’eau revient chaque année. Elle transforme les rues en rivières, pénètre dans les chambres à coucher, s’infiltre sous les lits. Malikh et son cousin Gora se sont retirés dans la dernière pièce encore sèche de leur maison à Thiaroye, une banlieue de Dakar, la capitale du Sénégal. Quelques jours plus tard, toute la famille va se réfugier sur le toit plat de la maison, parce qu’ils n’ont pas les moyens de régler la facture pour le pompage. Ces inondations régulières sont dues aux changements climatiques et à l’urbanisation sauvage. Cette image provient d’un projet à long terme de la photographe Flurina Rothenberger. Elle a grandi en Côte d’Ivoire et vit aujourd’hui à Zurich.