Global 60 / Eté 2016

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NumÉro 60  |   ÉTÉ 2016

Globalisation et politique Nord-Sud

Swissaid  |   Action de Carême  |   Pain pour le prochain  |   Helvetas  |   Caritas  |   Eper  |   www.alliancesud.ch

Vers la transformation du monde Agenda 2030 : Suisse loin du compte

Durabilité : besoin d’un ­nouveau modèle d’affaires

Fiscalité : le secret bancaire résiste


Photo : © Alliance Sud / Martin Bichsel

dh. Une large coalition de plus de 75 organisa­ tions s’est engagée pour une Suisse ouverte et ­solidaire les semaines précédant le débat parle­ mentaire sur la coopération internationale ­2017–2020. Coordonné par Alliance Sud, l’Appel contre la faim et la pauvreté a été soutenu par des personnalités de toutes les parties du pays. Plus de 36 000 personnes se sont ­pro­noncées pour une augmentation de l’aide

avec les partenariats migratoires et les accords de réadmission des requérants d’asile. Le débat à venir au Conseil des Etats lors de la ­session ­d’automne exigera à nouveau une grande atten­ tion de la société civile. Le site web de l’appel ­permettra à toutes celles et ceux qui ont soutenu la campagne ­d’obtenir des informations actualisées sur les ­décisions des commissions préparatoires.

Impressum

Alliance Sud en un clin d’œil

GLOBAL + paraît quatre fois par an.

Président Melchior Lengsfeld, directeur d’Helvetas Swiss Intercooperation

Editeur : Alliance Sud, Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper E-Mail : globalplus@alliancesud.ch Site Internet : www.alliancesud.ch Médias sociaux politique : www.facebook.com/alliancesud, www.twitter.com/AllianceSud Médias sociaux InfoDoc : www.facebook.com/AllianceSudDok, www.twitter.com/dok_alliancesud Rédaction : Michel Egger ( m e  ) Tel. + 4 1 21 612 00 98 Iconographie : Nicole Aeby Graphisme : Clerici Partner AG, Zurich Impression : s+z : gutzumdruck, Brig Tirage : 1500 Prix au numéro : Fr. 7.50 Abonnement annuel : Fr. 30.– Abonnement de soutien : min. Fr. 50.– Prix publicité /  e ncartage : sur demande Photo de couverture : Centrale thermique de Ratcliffe-on-Soar, près de Nottingham. © A ndrew Testa/Panos Le prochain numéro paraîtra début octobre.

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suisse au développement à 0,7 pour cent du re­ venu national brut ( RNB ). Au terme d’une discussion émotionnelle, le Conseil national a refusé de renvoyer à l’expé­ diteur la proposition du Conseil fédéral de­ mandant un taux de 0,48 pour cent. Il a égale­ ment renoncé de justesse à une réduction à 0,4 ou 0,45 pour cent du RNB ainsi qu’à lier étroitement la coopération internationale

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Direction Mark Herkenrath ( d irecteur  ) Kathrin Spichiger, Andrea Rotzetter Monbijoustr. 31, Case postale, 3001 Berne Tél. + 4 1 31 390 93 30 Fax + 4 1 31 390 93 31 E-Mail : mail@alliancesud.ch Politique de développement – C oopération au développement Eva Schmassmann, Tél. + 4 1 31 390 93 40 eva.schmassmann@alliancesud.ch – Politique financière et fiscale Dominik Gross, Tél. + 4 1 31 390 93 35 dominik.gross@alliancesud.ch – Environnement et climat Jürg Staudenmann, Tél. + 4 1 31 390 93 32 juerg.staudenmann@alliancesud.ch – Commerce et investissements Isolda Agazzi, Tél. + 4 1 21 612 00 97 isolda.agazzi@alliancesud.ch

– Multinationales et droits humains Michel Egger, Tél. + 4 1 21 612 00 98 michel.egger@alliancesud.ch – Médias et communication Daniel Hitzig, Tél. + 4 1 31 390 93 34 daniel.hitzig@alliancesud.ch InfoDoc Berne Dagmar Aközel /  E manuela Tognola / Emanuel Zeiter Tél. + 4 1 31 390 93 37 dokumentation@alliancesud.ch Bureau de Lausanne Isolda Agazzi / Laurent Matile ( d ès le 1. 8 . )  /  Katia Vivas Tél. + 4 1 21 612 00 95 /  Fax + 4 1 21 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch InfoDoc Lausanne Pierre Flatt /  A mélie Vallotton Preisig /  Nicolas Bugnon Tél. + 4 1 21 612 00 86, doc@alliancesud.ch Bureau de Lugano Lavinia Sommaruga Tél. + 4 1 91 967 33 66 /  Fax + 4 1 91 966 02 46 lugano@alliancesud.ch


Photo : © Daniel Rihs

L’aide sur place commence à Berne

Points forts Accords d’investissement Plaintes de multinationales suisses contre des Etats

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Mise en œuvre de l’Agenda 2030 La Suisse encore loin du compte Photo : © L aurent Gillieron/Keystone

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Agenda 2030 et secteur privé Besoin d’un autre modèle d’affaires

Le Sud exclu de la transparence fiscale 10 Le secret bancaire suisse résiste Changement à Alliance Sud 10 Un grand merci à Michel Egger

Début juin, le Conseil national a accepté la proposition du Conseil fédéral de réduire l’aide au développement de 0,52 à 0,48 pour cent du revenu national brut pour la période 2017–2020. L’objet passe maintenant au Conseil des Etats. De nouveaux débats intenses en perspective sur le sens et le but de la coopération internationale. Dans la chambre basse, le rédacteur en chef de la Weltwoche Köppel a joué la carte populiste. Il s’est cru obligé d’affirmer que l’Afrique n’avait pas avancé d’un pouce ces dernières décennies malgré des milliards de francs d’aide. Le conseiller fédéral Burkhalter a répliqué en soulignant la diversité de la situation africaine, mais que beaucoup de pays avaient enregistré d’énormes progrès. Cela dit, la question est justifiée : pourquoi y a-t-il encore tant de pauvreté et de détresse dans nombre de pays en développement d’Afrique et sur d’autres continents ? La coopération au développement est une partie non pas du problème, mais de la solution. Elle a conduit à d’importantes avancées dans la santé et l’éducation, notamment la formation des jeunes filles et des femmes. Elle a aussi contribué à renforcer la société civile locale qui, plus que jamais, pousse les gouvernements à prendre leur responsabilité politique. On n’aimerait pas avoir à imaginer où seraient les pays en développement sans soutien extérieur. Cependant, la meilleure coopération au développement du monde ne peut rien contre les différences de pouvoir entre pays industrialisés et pays en développement, les relations commerciales inéquitables, les violations des droits humains et les transferts de gain des multinationales ou encore les conséquences des changements climatiques. Elle ne peut rien non plus contre les frontières arbitraires qui, depuis la fin de l’ère coloniale, nourrissent les conflits et les luttes de pouvoir ethniques dans nombre de pays en développement. Ce sont les raisons des problèmes qui persistent. Les exportations d’armes des pays industrialisés alimentent ces conflits en munitions. Les paradis fiscaux et les places commerciales opaques permettent aux seigneurs de la guerre de financer leurs affaires. En même temps, ils aident les soustracteurs fiscaux à priver les Etats qui fonctionnent bien des recettes publiques dont ils ont urgemment besoin. Les flux financiers illicites ont pour effet que, chaque année, des milliards de francs disparaissent des pays du Sud sans laisser de trace. Ils sont dix fois plus élevés que l’aide au développement. Quant aux changements climatiques qui s’accélèrent, ils renforcent les luttes pour les ressources et accroissent la pression migratoire. La Suisse a ici une responsabilité à assumer. La droite au Parlement exige toujours de l’« aide sur place ». D’accord, mais seulement si la « place » en question est avant tout la Berne fédérale. Car pour avoir davantage de succès en matière de développement, on a besoin d’une politique suisse qui ne crée pas d’obstacles pour les pays du Sud. Cela implique des règles de transparence pour la place financière suisse et le négoce des matières premières, mais aussi une démarche conséquente pour prévenir la catastrophe climatique qui menace. Sont également ­nécessaires des dispositions contraignantes pour les multinationales domiciliées en Suisse, afin qu’elles soient obligées de respecter les droits humains et les standards environnementaux internationalement reconnus partout dans le monde.

Mark Herkenrath, directeur d’Alliance Sud

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Accords de promotion et protection des investissements

Des multinationales suisses portent plainte contre des Etats Isolda Agazzi

Glencore contre la Colombie, Alpiq contre la Roumanie et peut-être

­bientôt Novartis contre Bogota. Des plaintes sur la base des traités ­suisses de ­protection des investissements. Des pratiques discutables qui ­pourraient continuer malgré les velléités de réforme du Seco. Début mars, le Secrétariat d’Etat à l’économie ( Seco ) a présenté le rapport d’un groupe de travail interdépartemental sur la révision des accords de promotion et protection des investissements ( APPI ). Le moins que l’on puisse dire est qu’il a laissé Alliance Sud et les ONG sur leur faim. Il promet de mieux définir certaines clauses controversées, mais comme le nouveau modèle d’accord n’est pas public, il est à craindre que les dispo­ sitions les plus problématiques y figurent toujours. Ainsi, la « clause parapluie » qui permet à une entreprise de contester une disposition liée à un contrat ou le fait que la protection de la santé et celle de l’environnement ne soient toujours pas considérées comme des exceptions à l’expropriation indirecte. Par ailleurs, ce nouveau modèle ne s’appliquera pas rétroactivement aux 131 accords déjà existants avec des pays en développement. Il ne va concerner que les quelques pays en développement qui restent, ceux qui veulent moderniser leur APPI avec la Suisse et éventuellement les pays industrialisés ( Canada, Etats-Unis, Union européenne-UE ? ) avec lesquels la Suisse n’a pas encore de traité. Cette dernière éventualité n’est pas purement théorique : lors de la mise à jour de l’accord de libre-échange avec le Canada, la Suisse pourrait être tentée d’y inclure le mécanisme de règlement des différends investisseur – Etat ( ISDS ), comme le Canada l’a fait dans son accord avec l’UE ( CETA ). Et si la Suisse accède au TTIP ( Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ), elle va devoir accepter ce mécanisme controversé avec les Etats-Unis et l’UE. Glencore contre la Colombie Le Seco affirme avoir amélioré la transparence dans l’arbitrage. Malheureusement il n’en est rien, comme le montre la dernière plainte en date : Glencore contre la Colombie. Enregistrée le 16 mars auprès du CIRDI ( Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements ) sur la base de ­l’APPI entre la Colombie et la Suisse1, on n’en connaît aucun détail. Glencore n’a pas communiqué, le Seco non plus. Il s’agit pourtant d’une des premières plaintes d’une multinationale contre l’Etat colombien. D’après la presse locale, elle porterait sur l’amendement du contrat d’extraction de la

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mine de charbon de Calenturitas, renégocié en 2010 par Glencore et les autorités colombiennes. Le but était alors de diminuer les redevances ( royalties ) payées par Glencore en échange d’une augmentation de ses activités minières, dans l’idée qu’au bout du compte la Colombie finirait par gagner plus. Mais il n’en a pas été ainsi. En 2010, les redevances sont tombées de 129 à 77 milliards de pesos colombiens. La cour des comptes de Colombie a alors contesté la renégociation du contrat ( entourée de soupçons de corruption ) et infligé à Glencore une amende de 62 milliards de pesos colombiens ( 18 millions USD ). La Colombie est très affectée par la baisse des prix des matières premières. L’opinion publique est choquée par une affaire de corruption qui entoure la modernisation de la raffinerie de Cartagena, que Glencore aurait dû effectuer en 2006. Et quelques autres multinationales minières viennent de porter plainte contre Bogota, contestant des mesures de protection de l’environnement ( création d’un parc naturel, etc ). Pour Alliance Sud, il est inacceptable qu’une décision de justice d’un Etat souverain puisse être remise en question par trois arbitres qui relèvent de la justice commerciale privée. Bras de fer sur le Glivec La Colombie pourrait ne pas être au bout de ses peines. Elle vient de faire une « déclaration d’intérêt public », le premier pas vers l’émission d’une « licence obligatoire » pour le Glivec ( Imatinib en langage local ), un médicament produit par Novartis pour lutter contre la leucémie. Cela permettrait aux entreprises pharmaceutiques locales de produire des médicaments génériques qui feraient baisser le prix exorbitant du Glivec de 77 pour cent – son coût actuel est de 20 000 USD par patient et par an. Entre 2008 et 2014, les Colombiens ont dépensé près de 134 millions USD ( 400 milliards de pesos colombiens ) pour le Glivec. Cette décision serait une première pour la Colombie, qui n’a jamais émis de licence obligatoire. Sans surprise, Novartis s’oppose à cette décision. Plus étonnant et contestable, la Suisse officielle a aussi mis la pression sur Bogota pour qu’elle s’abstienne. L’année passée, le


Petits humains, énormes multinationales. Des activistes zurichois visitent Glencore en Colombie.

Seco a envoyé une lettre aux autorités colombiennes, leur demandant de renoncer à ce projet en raison des bonnes relations économiques existantes entre les deux pays : traités de libre-échange, de protection des investissements et de double imposition fiscale. L’émission de licences obligatoires est pourtant autorisée par l’accord sur les ADPIC ( aspects des droits de propriété ­intellectuelle qui touchent au commerce ) de l’Organisation mondiale du commerce ( OMC ). Mais l’accord de libre-échange entre l’AELE et la Colombie renforce les droits de propriété intellectuelle et rend la production de génériques plus difficile. C’est l’une des raisons pour lesquelles Alliance Sud s’oppose à ces accords. Un pays comme la Colombie, qui doit se reconstruire après des années de guerre civile, a besoin de moyens additionnels pour garantir le droit à la santé de sa population. De surcroît, il est à craindre que ce litige finisse devant un tribunal arbitral, comme l’affaire Glencore, en vertu de l’accord de promotion des investissements entre la Suisse et la Colombie. Plainte d’Alpiq contre la Roumanie Une autre entreprise suisse ne se prive pas de faire à l’étranger ce qu’elle ne pourrait pas faire chez elle : Alpiq. Si en Suisse l’entreprise électrique vend une partie de ses barrages et demande des subventions à l’Etat, à l’étranger elle n’hésite pas à porter plainte contre un Etat souverain lorsqu’elle n’arrive pas à s’entendre sur ses relations contractuelles. C’est ainsi qu’en 2014, Alpiq a porté plainte contre la Roumanie2, car la société publique Hidroelectrica avait fait faillite

Photo : © D ominique Rothen/ask

et résilié le contrat de fourniture d’électricité. La plainte se fonde sur l’APPI entre la Suisse et la Roumanie ainsi que sur l’Environment Charter Treaty ( un traité multilatéral auquel la Suisse est partie ). Alpiq réclame 100 millions d’euros de dédommagement à la Roumanie. La plainte est toujours en cours. Pour Alliance Sud, il est inacceptable qu’une entreprise ( étrangère ) porte plainte contre un Etat qui n’a plus les moyens d’honorer ses engagements. Alpiq, qui est une entreprise suisse, ne pourrait pas porter plainte contre son propre pays. Mais si la Suisse vend ses barrages à des entreprises étrangères, elle pourrait faire l’objet de plaintes au cas où, par exemple, elle adopterait des mesures de protection de l’environnement susceptibles de diminuer le profit des investisseurs étrangers – même s’ils sont minoritaires. Ces traités de protection des investissements sont déséquilibrés, car ils permettent aux entreprises étrangères de porter plainte contre l’Etat d’accueil, mais pas l’inverse. Depuis quelques années, Alliance Sud demande à la Suisse de rééquilibrer ses accords et de renoncer au mécanisme de règlement des différends investisseur – Etat. A ce jour, la Suisse n’a fait l’objet d’aucune plainte connue. Mais vu l’augmentation des investissements étrangers dans notre pays, c’est aussi dans son intérêt.

1 https://icsid.worldbank.org/apps/icsidweb/cases/Pages/ casedetail.aspx?CaseNo=ARB/16/6&tab=PRD 2 http://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/568

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Photo : © Keystone/Photopress/Alexandra Wey

Atelier de production à la Nguyen Hoa ­Garment Company en mai 2008, dans la ­province de Hung Yen ( Vietnam ). Le princi­ pal objectif de la coopé­ ration suisse dans la ­région du Mékong est la lutte contre la pau­ vreté, l’utilisation ­durable des ressources et le développement économique à travers le soutien aux PME.

Mise en œuvre de l’Agenda 2030

La Suisse encore loin du compte Eva Schmassmann et Jürg Staudenmann

Si la rhétorique de la Confédération sur

l’Agenda 2030 est bonne, il n’en va pas de même des politiques et mesures prévues jusqu’ici. Celles-ci ne corres­pondent pas aux exigences en termes d’approche et de moyens. Pour a ­ ssurer une mise en œuvre ­cohérente, la société civile a également ­plusieurs défis à relever.

Au plan international, l’organe compétent pour le suivi et l’examen de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable ( ODD ) est le Forum politique de haut niveau sur le développement durable ( HPLF ). Il se réunira du 11 au 20 juillet à New York. La Suisse y présentera ses plans, aux côtés de l’Allemagne, de la Chine et de 19 autres pays. Cohérence des politiques Un objectif explicite de l’Agenda 2030 est l’amélioration de la cohérence des politiques. Cela signifie que toutes les décisions politiques doivent contribuer au développement durable. Autrement dit, chaque département et office fédéral est tenu de fournir son apport. En tant que cadre de référence universel, les ODD concernent non seulement la coopération au développement, mais aussi les politiques sociale et environnementale, économique et financière de la Suisse. A l’inverse de la plupart

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des autres pays, la Suisse ne dispose pas d’un organe pré­ sidentiel ou ministériel capable d’intégrer du haut vers le bas la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Il existe en revanche déjà une base légale qui demande au Conseil fédéral de prendre en compte, pour chaque nouveau projet législatif, ses « conséquences économiques, sociales et environnementales ainsi que pour les générations futures » ( art. 141.2.g de la loi sur le Parlement ). Pour la réalisation de l’Agenda 2030, le Conseil fédéral mise avant tout sur la coopération internationale et la Stratégie pour le développement durable ( SDD ), élaborée en 1997. La cinquième version a été adoptée en janvier dernier pour la période 2016 – 2019. Elle déploie une vision à long terme et un programme à travers neuf champs d’action qui vont de la consommation et production à l’égalité entre les sexes, en passant par le climat, l’énergie ou encore les ressources naturelles.


Si la vision de la SDD correspond dans les grandes lignes aux ODD, les mesures prévues sont lacunaires et insuffisantes. Elles demeurent concentrées sur le plan national, limitent la solidarité à celle entre les générations – en omettant celle entre les régions du monde – et n’envisagent des activités de politique étrangère que si elles sont pertinentes pour la « réalisation des objectifs en Suisse ». La SDD passe ainsi à côté du changement de paradigme et de la dimension universelle de l’Agenda 2030. Elle devrait s’occuper de la mise en œuvre non seulement en Suisse, mais par la Suisse, en analysant l’impact à l’étranger des activités de la Suisse au plan national. Moyens insuffisants Selon Alliance Sud, la révision en cours de la loi fédérale sur les marchés publics constitue une occasion unique de poser, dans l’administration, les bases pour une consommation durable. Avec quelque 40 milliards d’achats publics par an, les com­ munes, les cantons et la Confédération ont une responsabilité particulière. Si l’ODD 12 appelle à des modes de consommation et production durables, la SDD en fait son champ d’action 1 en soulignant le rôle exemplaire de la Confédération. Cependant, les mesures qu’elle propose visent une plus grande responsabilité des entreprises et des consommateurs privés, mais pas des pouvoirs publics en tant que consommateurs – la révision de la loi sur les marchés publics est passée sous silence. Concernant cette dernière, le projet du Conseil fédéral envoyé en consultation ne contient pas, par exemple, de critères sur la protection de l’environnement et le respect des droits humains dans la chaîne d’approvisionnement. L’accent mis sur le prix comme principal critère pour l’octroi des marchés publics défavorise les offres de produits et services socialement et écologiquement durables. La critique centrale aux efforts de la Suisse concerne cependant le manque de moyens pour une mise en œuvre sérieuse. Le Conseil fédéral a beau reconnaître l’Agenda 2030 comme nouveau cadre de référence universel et prétendre vouloir s’y atteler sans tarder, en l’absence de ressources ­correspondantes, cela reste de la rhétorique. La Suisse, par exemple, ne dispose toujours pas de stratégie pour empêcher l’évasion fiscale en provenance des pays en développement ( voir l’ article p. 10 ). Défi pour la société civile L’ Agenda 2030, du fait de son universalité et de l’interdépendance entre les objectifs individuels, offre la chance de traiter les problèmes globaux actuels de manière holistique. Cette approche, en même temps, représente un immense défi. Les acteurs doivent en effet prendre congé d’un mode de penser et d’agir compartimenté. Une exigence qui concerne aussi les organisations de la société civile. Si les ONG contribuent déjà à la réalisation de l’Agenda 2030 dans plusieurs domaines, elles doivent aussi – à l’instar des divers offices fédéraux – regarder au-delà de leur pré carré et vérifier si leur apport aux divers ODD correspond à la perspective systémique requise. Afin d’accompagner la Suisse officielle dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et d’exiger des autorités une approche conséquente et cohérente, une coordination et mise en réseau renforcés des efforts de la société civile s’impose. Alliance Sud va organiser en septembre prochain une première table ronde dans ce sens.

Politique climatique de la Suisse

L’ enjeu d’une approche holistique es / js  L’une

des clés pour la réalisation du

changement de pa­radigme au cœur

de l’Agenda 2030 est l’interconnexion entre

les 17 objectifs de développement du­

rable ( ODD ). Dans ce sens, des ONG suisses ont élaboré un plan d’action global

pour une politique climatique suisse res­ ponsable et efficiente.

Le 22 avril, la conseillère fédérale Leuthard a fêté la signature de l’accord de Paris sur le climat. La Suisse s’est ainsi engagée, conformément à sa responsa­ bilité, à contribuer à l’objectif de « zéro émissions nettes » de gaz à effet de serre en 2050, ainsi qu’aux 100 milliards de dollars par an nécessaires pour la protection du climat et l’adaptation dans les pays les plus exposés. Une manière de concrétiser l’ODD 13 sur la « lutte contre les changements climatiques et leurs répercussions ». En sachant que l’accord de Paris ne pourra être réalisé qu’à travers un ensemble cohérent de mesures dans presque tous les domaines couverts par les ODD, comme une « croissance économique durable » ( 8 ) et des « modes de consommation et de production durables » ( 12 ). Malgré la rhétorique fleurie du Conseil fédéral sur l’agenda 2030, la Suisse continue de se concentrer sur les intentions insuffisantes de réduction des émissions domestiques de CO2. Or, une politique ­climatique responsable au sens des ODD implique de dépasser cette unidimensionnalité. C’est pourquoi l’Alliance climatique suisse a présenté le 2 juin un plan d’action global pour la Suisse. Les 66 ONG de la coalition y proposent – outre des instruments ­politiques pour la diminution des émissions do­ mestiques – des mesures dans les domaines du commerce, de la consommation, de l’agriculture, du trafic aérien ainsi que des investissements de la place économique. Autant de sources directes et ­indirectes d’émissions de gaz à effet de serre dont la Suisse est responsable, au-delà de ses frontières. Le « Masterplan Climat » montre également comment la Suisse pourra financer son soutien urgent aux pays en développement. Sa contribution annuelle attendue de un milliard de francs devra être financée en dehors de l’aide au développement, via par exemple des taxes sur les billets d’avion et sur les transactions financières.

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Agenda 2030 et secteur privé

Besoin d’un autre modèle d’affaires Michel Egger

Le secteur privé ne pourra contribuer

à la « transformation du monde » visé par ­l’Agenda 2030 de l’ONU que s’il se transforme lui-même. Pour cela, les gouvernements ­doivent fixer les conditions-cadres nécessaires à une réorientation du modèle d’affaires ­dominant.

Photo : © L aurent Gillieron/Keystone

L’ Agenda 2030 adopté en septembre 2015 par L’ Assemblée générale de l’ONU se veut « universel » et « ambitieux ». Son but n’est rien moins que de « transformer le monde » en « libérant l’humanité de la tyrannie de la pauvreté et du besoin » ainsi qu’en « prenant soin de la planète et en la préservant ». Pour cela, la communauté des Etats a défini un plan d’action en 17 objectifs de développement durable ( ODD ) déclinés en 169 cibles. Sa mise en œuvre doit reposer sur un « Partenariat mondial revitalisé », où « tous les pays et toutes les parties prenantes agiront de concert ».

Risque d’instrumentalisation L’une des parties prenantes dont il est beaucoup attendu est le secteur privé. En tant que pourvoyeur de capitaux et de re­ cettes fiscales, créateurs d’emplois et d’innovations technologiques, il est vu par nombre de gouvernements comme un ­acteur fondamental. En même temps, les sociétés transnationales ne sont mentionnées qu’une fois dans les 17 ODD, en lien avec l’établissement de modes de consommation et de production durables ( 12.6 ). Il est clair cependant que nombre d’objectifs ne seront pas réalisables sans elles. Le problème est de définir les conditions d’une contribution effective des entreprises à L’ Agenda 2030. Ni l’ONU ni les Etats n’ont effectué ce travail d’interprétation et les propositions issues de la société civile sont encore rares. Faute d’une compréhension commune, le risque est grand que le secteur privé refaçonne L’ Agenda dans son intérêt et impose ses propres standards. Des multinationales – suisses notamment comme Nestlé et le Credit Suisse – ont déjà intégré les ODD dans leur communication. Par ailleurs, le Pacte mondial de l’ONU – avec la Global Reporting Initiative ( GRI ) et le World Business Council on Sustainable Development – ont développé un guide ( SDG Com-

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Des stagiaires nigé­ rians dans les couloirs du Nestlé Product Technology ­Center à Orbe. Ils participent à un projet de for­ mation de polymé­ caniciens, dans le cadre du partenariat migratoire entre la Suisse et le Nigéria.


pass ) pour la mise en œuvre des ODD par les entreprises1. D’autres démarches sont en cours, entre autres pour le secteur minier et les assurances. Règles étatiques claires Plusieurs questions se posent. L’ Agenda 2030 désigne « l’entreprise privée » comme « moteur important de la productivité, donc de la croissance économique et de la création d’emplois ». Le problème est de savoir de quoi l’on parle. Car la croissance économique qui a prévalu jusqu’ici s’est accompagnée d’inégalités croissantes, de pollutions, d’épuisement des ressources naturelles et de réchauffement climatique. Quantité d’emplois sont très mal payés et caractérisés par de mauvaises conditions de travail. Quant aux investissements directs à l’étranger, ainsi que le montrent de multiples études, ils n’atteignent pas les pays qui en auraient le plus besoin et leur apport au développement durable est très controversé. Autrement dit, les entreprises ne sont pas en soi des agents de développement durable. Elles ne le deviennent qu’à partir du moment où leurs politiques et activités rejoignent les principes et finalités de L’ Agenda 2030. Ceux-ci ont pour noms : croissance « inclusive » et « dissociée des dégradations environnementales », réduction des inégalités, travail décent pour tous, respect des droits humains, gestion durable des res­ sources naturelles… Ainsi que le souligne une étude du londonien Institute for Human Right and Business ( IHRB )2 – cofinancée par le Département des affaires étrangères ( DFAE ) – on a là l’expression d’un « modèle économique sans précédent historique ». Ce dernier n’ira pas sans l’établissement par l’Etat de règles claires – y compris légales – pour rendre les entreprises plus responsables, redevables et durables. Approche fragmentaire et incohérente Un autre problème est qu’avec autant d’objectifs et de cibles, les firmes sont tentées d’adopter une approche sélective. Elles choisissent parmi les ODD ceux qui leur conviennent, sont le plus faciles à atteindre et où existent déjà des projets. C’est, par exemple, ce qu’a fait Nestlé en liant aux ODD les 39 engagements de son programme de création de valeur partagée3, mais aussi le Credit Suisse avec sa brochure sur papier glacé : Wirkung erzielen : die Credit Suisse und die nachhaltigen Entwicklungsziele4. Dans cette perspective, L’ Agenda 2030 devient avant tout un catalogue d’opportunités, voire un instrument de communication. Or, les 169 cibles des 17 ODD sont « intégrées et indisso­ ciables ». Les prendre au sérieux ne signifie pas seulement faire un peu plus ou un peu mieux ce que l’on fait déjà, mais le faire autrement. « Les ODD ont besoin du business, mais pas du business tel qu’il est ( ou est souvent ) », souligne justement l’IHRB. En ce sens, les ODD questionnent la nature de L’ Activité économique, le profit comme finalité plutôt que comme moyen du développement, les pratiques des entreprises appelées à

1 http://sdgcompass.org 2 http://www.ihrb.org/pdf/state-of-play/Business-and-the-SDGs.pdf 3 http://www.nestle.com/csv/what-is-csv/commitments 4 https://www.credit-suisse.com/media/assets/corporate/docs/about-us/ responsibility/banking/cs-broschuere-aiming-for-impact-de.pdf

contribuer à « des changements radicaux dans la manière dont nos sociétés produisent et consomment biens et services ». C’est ce qu’en théorie le Programme d’action d’Addis-Abeba – issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement ( juillet 2015 ) – a bien compris : « Nous élaborerons des politiques et, au besoin, nous renforcerons la réglementation pour mieux faire converger les incitations adressées au secteur privé et les objectifs publics, notamment les mesures qui encouragent le secteur privé à adopter des pratiques viables à terme. » L’ Agenda 2030 mentionne à cet égard les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Dans l’esprit des ODD, il n’est donc pas cohérent, de la part des entreprises, de s’opposer aux efforts de régulation de l’Etat en matière de droits humains et d’environnement, ainsi que l’exige par exemple l’initiative populaire pour des multinationales responsables. Il n’est pas non plus acceptable – à l’instar de Novartis en Colombie – de faire des procès à des Etats pour protéger des brevets, quand les gouvernements prennent des mesures pour « donner accès, à un coût abordable, aux médicaments et vaccins essentiels » ( voir l’article p. 4 ). Conclusion : si le business est un moyen de réalisation des ODD, ceux-ci sont plus encore une occasion de transformer les entreprises vers une durabilité forte et le respect des standards de droits humains et environnementaux internationalement reconnus.

Critères pour les partenariats public-privé me. La mise en œuvre de l’Agenda 2030 va coûter très cher. Outre l’accroissement de l’aide publique au développement à 0,7 pour cent du revenu national brut ( RNB ) et des mécanismes de finan­ cement innovants, deux autres pistes sont proposées qui touchent directement le secteur privé. D’abord, l’augmentation des recettes fiscales. Cela implique que les sociétés transnatio­ nales mettent un terme à leurs pratiques d’évasion fiscale sous couvert d’optimisation. Ensuite, la mobilisation de capitaux privés, en particulier via le levier de l’aide au déve­ loppement. L’ODD 17 encourage des partenariats public-privé dont il postule a priori les effets positifs, alors qu’ils sont l’objet depuis des années de nombreuses évaluations critiques. A cet égard, dans la ligne du Programme ­d’action d’Addis Abeba, plusieurs organisations demandent l’établissement de critères clairs et exigeants pour garantir une contribution effective des partenariats avec le secteur privé à la réalisation des ODD. C’est le cas notamment de l’IHRB qui a défini plusieurs indicateurs en termes de contenu ( populations les plus pauvres ), d’approche ( droits humains et standards environnementaux ), de processus ( participation des communautés, études d’impact ), de transpa­ rence et de contrôle indépendant.

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Le Sud toujours exclu de la transparence fiscale

Le secret bancaire suisse ­résiste Dominik Gross  L’échange

automatique d’informations sur les comptes

­financiers est réservé à un club de pays riches. Les soustracteurs fiscaux

des pays pauvres vont pouvoir continuer à cacher leur argent en Suisse. Notre pays va-t-il se retrouver à nouveau sur la liste noire de l’OCDE ?

La tactique du salami n’est pas pour les affamés. Depuis 2009, la Suisse s’efforce de sauver ce qui peut l’être du secret bancaire. Suite à l’adhésion à l’Accord multilatéral entre autorités compétentes pour l’échange automatique de renseignements ( MCAA, OCDE ) et à l’adoption en décembre par le Conseil des Etats d’une loi correspondante, elle pourra dès 2017 échanger de manière automatique avec 82 Etats des informations sur les comptes bancaires étrangers. Des renseignements que les banques domiciliées dans notre pays devront lui communiquer régulièrement. Contrairement à la perception prévalante dans l’opinion publique, le secret

bancaire n’est pas mort. Pour que l’échange automatique de renseignements ( EAR ) devienne réalité entre deux pays, les membres du MCAA doivent l’activer bilatéralement. La Suisse n’a accompli ce pas qu’avec 28 Etats de l’Union européenne ainsi qu’avec l’Australie, le Canada, l’Islande, le Japon, la Norvège et la Corée du Sud. Elle livre déjà des données aux Etats-Unis depuis 2015 dans le cadre du FATCA ( Foreign Account Tax Compliance Act ). Etant donné les exigences requises, notamment en matière de régulation des fonds, un EAR avec la Suisse reste inaccessible à la plupart des Etats en dehors de l’OCDE et de l’Union européenne.

Changement à Alliance Sud

Un grand merci à Michel Egger Mark Herkenrath  Michel

Egger, membre de la direction d’Alliance Sud

et ­responsable du bureau régional à Lausanne depuis 2009, retourne à Pain pour le prochain. Il a, ces 14 dernières années, fortement

­marqué l’histoire d’Alliance Sud dont il a été un pilier par sa chaleur humaine et son intelligence stratégique. Michel Egger est connu et estimé dans la société civile pour son engagement en faveur d’un commerce mondial plus équitable et de multinationales plus responsables. Il ne défend ses positions que rarement en haussant la voix, mais convainc par son charisme, son écoute patiente et précise, son habileté diplomatique, avec des arguments fondés et exprimés dans une langue riche. Qui l’entend ne peut qu’admirer son inté­ grité et lui faire confiance. Sociologue et journaliste, Michel Egger a rejoint Alliance Sud en 2002. Il a

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été successivement responsable des ­ omaines commerce international, puis d entreprises et droits humains, où il a coordonné un dialogue critique et constructif avec Nestlé sur la question des droits syndicaux en Colombie. Il a ensuite joué un rôle central dans la campagne « Droit sans frontières » et l’ini­ tiative pour des multinationales responsables qui en a découlé. Apprécié au Parlement et dans l’administration pour ses compétences et son intuition politique, il a contribué de manière déter­ minante à ce que des interventions par-

Obstacles importants Les gérants de fortune installés en Suisse ont déjà pris leurs dispositions. Ainsi que l’ont montré les révélations de lanceurs d’alerte, ils essaient depuis des années de gagner des nouveaux clients fortunés, avant tout en Asie et en Afrique. Or, ce sont précisément les Etats pauvres de ces continents qui souffrent le plus de l’évasion fiscale. Les pays en développement qui ont adhéré à la Convention de l’OCDE et du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale peuvent en théorie faire une demande d’aide à la Suisse et accéder ainsi aux fonds non déclarés de leurs concitoyens. C’est toutefois sans compter avec d’importants obstacles, ainsi que le révèle le cas de l’Inde qui, depuis les Swiss Leaks en 2015, a déposé des centaines de demandes relatives aux ressortissants indiens clients de la banque HSBC. Or, la Suisse ne peut pas y donner suite car, depuis l’automne dernier, le Conseil fédéral refuse de présenter au Parlement un projet de loi permettant d’élargir l’assistance administrative aux données dites « volées ».

lementaires sur le respect des droits humains et de l’environnement par des entreprises, trouvent un appui dans plusieurs partis. Michel Egger était également responsable de notre magazine Global+ en français. Dans son travail de traduction, les textes de ses collègues sont souvent devenus non seulement plus courts, mais plus riches de contenu. A côté de ses activités pour Alliance Sud, Michel Egger anime le réseau Trilogies ( www. trilogies.org ) et est l’auteur de nombreuses publications sur l’écospiritualité, en particulier deux livres : La Terre comme soi-même. Repères pour une écospiritualité (2012) et Soigner l’esprit, guérir la Terre. Introduction à l’écopsychologie (2015), les deux chez L­ abor et Fides. Ancré dans la tradition chrétienne mais ouvert aux autres traditions spirituelles et aux apports de la science, il y explore les voies pour sortir de la déconnexion de l’être humain avec la nature, qui est à la racine de la crise écologique. Cela implique notamment une transformation intérieure, c’est-à-dire la


L’enjeu des données « volées » Or, seule une telle modification permettrait aux Etats qui n’appartiennent pas au club sélect des bénéficiaires de l’EAR d’obtenir cette forme d’entraide ad­ ministrative. Pour pouvoir déposer des demandes fondées, donc accéder aux données bancaires de clients privés, des pays comme l’Inde ont besoin de « fuites ». Sans elles, il leur est impossible de percer le voile épais qui entoure la gérance de fortune et de briser le cercle vicieux de l’opacité. L’élargissement de l’entraide administrative aux données volées est une obligation du nouveau standard de l’OCDE sur l’entraide fiscale administrative internationale. Le pays qui n’y répond pas risque d’être épinglé lors de la deuxième phase des examens du Forum global sur la transparence fiscale de l’OCDE. Ce dernier établit actuellement son rapport sur la Suisse. En tant que membre du Forum, l’Inde pourrait empêcher l’accès de la Suisse à la troisième phase. Berne pourrait ainsi se retrouver à nouveau sur la liste noire des pays de l’OCDE.

prise en compte des dimensions culturelles, psychologiques et spirituelles de la transition vers des sociétés à durabi­ lité forte. C’est précisément à ces questions que sera consacré le nouveau domaine que Michel Egger développera à partir du 1er août à Pain pour le prochain. Nous lui souhaitons beaucoup de succès et d’inspiration.

Les bons tuyaux de l’InfoDoc

Le marché contre les peuples ? TTIP, TAFTA, CETA, TISA... Autant d’acronymes annonçant une nouvelle vague de libéralisations. Le grand marché trans­ atlantique négocié actuellement entre les Etats-Unis et l’Union européenne, le Partenariat transpacifique signé en février ­dernier entre l’Amérique du Nord et une dizaine de pays du ­Pacifique ( à l’exception notable de la Chine ) ou encore l’Accord sur le commerce des services négocié à l’Organisation mondiale du commerce impliquant une cinquantaine d’Etats, tous annoncent « l’installation de l’entreprise au centre des rapports sociaux, comme forme universelle du gouvernement des conduites, comme mode de production des existences ­individuelles, comme horizon des espérances » ( Pierre Rimbert, Manière de voir ). Cette gigantesque métamorphose – qui introduit notamment un mécanisme permettant aux multinationales d’attaquer les Etats en justice s’ils créent des lois diminuant leurs profits ( par exemple pour la protection de la santé ou de l’environnement ) – s’opère en catimini, loin des regards des peuples. Elle indique que le changement de paradigme décidé à la dernière conférence de Paris sur le climat, n’est pas parvenu aux oreilles des négociateurs commerciaux. Ceux-ci, une nouvelle fois, mettent tout en œuvre pour relancer la « sainte croissance ». A quel prix pour les peuples et l’environnement ? TTIP, TISA, TPP, CETA, prise de pouvoir des multinationales ?, Alliance Sud InfoDoc, https://frama.link/fHX4zVPG « Libre-échange : la déferlante : TAFTA, CETA, TISA ... », Manière de voir, No 141, juin-juillet 2015, https://frama.link/0_aUlLUg [disponible au centre de documentation] « TTIP: Switzerland at the table or on the menu ? », foraus-Policy Brief, May 2016, https://frama.link/LXS49T7t « Traités de libre-échange : les multinationales contre la ­démocratie ? », Dossier Basta !, https://frama.link/eWpCfbGz « Faut-il avoir peur du grand méchant marché ­transatlantique ? », Pascal Riché, L’Obs, 29 mars 2014, https://frama.link/GxMrByhe

Photo : © D aniel Rihs

« Incontournable, le futur Partenariat transatlantique ? », La Libre Belgique, 24 février 2015, https://frama.link/yMBcd9mB

Av. de Cour 1, 1007 Lausanne Horaires d’ouverture: Lu-Ve 8 h 30–12 h, 13 h 30–17 h 30 doc@alliancesud.ch, www.alliancesud.ch/fr/infodoc

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Photo : © A ram Karim/Keystone

Regards suisses sur le Sud. dh. Une image, deux histoires. La photographie montre un jeune requérant d’asile au centre d’accueil des migrants de Crissier ( VD ) en train ­d’accomplir ses devoirs de français. L’apprentissage d’une langue nationale aide à remplir de manière sensée l’attente d’une décision, loin de la famille et de ses amis. La deuxième histoire est celle de l’auteur de cette image, le Kurde iraquien Aram Karim. Il a travaillé comme photographe de presse dans sa patrie du Nord de l’Iraq, où Metrography, la « première agence photos indépendante d’Iraq », a diffusé ses œuvres. En automne 2015, il a participé au festival Visa pour l’image à Perpignan. A son retour, il a été aspiré dans la tourmente de la guerre.

Faits et chiffres Politique du climat Sources: Masterplan Climat de l’Alliance climatique suisse ( juin 2016) bit.ly/1t1S3wN

Menacé, il a décidé de fuir et de demander l’asile en Suisse. Pour financer son exil, il a dû vendre son matériel. Un article dans « Le Temps » a attiré l’attention du chef photographe adjoint de l’agence suisse Keystone. Touchés par le destin de Karim au centre d’accueil de Gland ( VD ), des collègues lui ont offert un nouveau matériel ainsi que la possibilité de montrer ses images et de travailler. Seuls, les requérants d’asile ne sont pas autorisés à travailler durant les trois premiers mois. Et parce qu’il est entré via la France, Karim n’avait pas le droit à l’asile en Suisse. Le 20 mai dernier, il a donc quitté notre pays pour Marseille. Cela, alors que tout parlait en sa faveur : il avait un emploi et des contacts, était indé­pendant et désireux de s’intégrer rapidement pour reconstruire une nouvelle vie.

Zéro

2040

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émissions globales de CO2 est l’exigence de l’ac­ cord de Paris sur le climat jusqu’en 2050.

est le délai pour la ­réduction à zéro des émissions ­domestiques de CO2 de la Suisse.

fois les émissions do­ mestiques de CO2. C’est ce que produit la place financière Suisse.

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