NUMÉRO 64 | ÉTÉ 2017
Globalisation et politique Nord-Sud
Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch
Qu’apporte la prévention de la violence ? Les coûts de l’asile dévorent le budget du développement
Devoir de diligence Le parlement britannique montre la voie
Investir en Iran ? Oui, mais à condition de ...
News Agenda 2030 : la plateforme des ONGs prend forme sf. Le 4 mai, à l’invitation d’Alliance sud, KOFF, de l’USS et de l’Alliance climatique, à peu près 60 organisations se sont rencontrées à Berne pour une conférence sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030 en et par la Suisse. Le but principal de cette rencontre était de structurer la collaboration autour de l’agenda 2030. Lors de la première rencontre au mois d’octobre dernier, les nombreuses ONGs et syndicats représentés avaient manifesté un large intérêt à une collaboration renforcée. Lors de la deuxième conférence, il a été décidé de créer une association comme base de la plateforme Agenda 2030. Des groupes de travail se pencheront sur la rédaction des statuts et sur le financement, alors qu’un groupe central s’attellera aux contenus, avec des représentants des domaines des droits humains, de l’économie collaborative, du genre et de la jeunesse. La plateforme devrait être lancée lors du deuxième anniversaire de l’Agenda 2030, le 25 septembre prochain. Piège de la dette, fuite des capitaux, évasion fiscale dh. L’on trouve régulièrement sur la toile des informations d’intérêt concernant les obs-
Impressum GLOBAL + paraît quatre fois par an. Editeur : Alliance Sud, Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper E-Mail : globalplus@alliancesud.ch Site Internet : www.alliancesud.ch Médias sociaux politique : www.facebook.com/alliancesud, www.twitter.com/AllianceSud Médias sociaux InfoDoc : www.facebook.com/AllianceSudDok, www.twitter.com/dok_alliancesud Rédaction : Laurent Matile ( lm ), Tél. + 41 21 612 00 98 Iconographie : Nicole Aeby Graphisme : Clerici Partner AG, Zurich Impression : s+z : gutzumdruck, Brig Tirage : 1500 Prix au numéro : Fr. 7.50 Abonnement annuel : Fr. 30.– Abonnement de soutien : min. Fr. 50.– Prix publicité / encartage : voir site internet Photo de couverture : À la frontière tuniso-lybienne de Ras Ajdir, des travailleurs migrants égyptiens s’opposent à leur refoulement vers la Lybie, où sévit la guerre civile. © Panos / Carlos Spottorno Le prochain numéro paraîtra début octobre 2017.
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tacles au développement du continent africain. Le comité sur l’Afrique et le Centre pour les études africaines de l’université de Bâle publient quatre fois par an un bulletin, dont le thème actuel est le « piège de la dette ». Y sont abordés, notamment, les dangers d’une nouvelle crise de la dette, les flux financiers illicites, les crédits illégitimes pour le Mozambique et les implications du Crédit Suisse. Cour de justice de l’UE : une victoire en demi-teinte pour les défenseurs de la démocratie ia. Le 16 mai, la Cour de justice de l’UE a rendu un avis de droit lourd de conséquences pour les accords « de nouvelle génération », à savoir ceux qui contiennent des dispositions sur les investissements en plus de celles sur le libre-échange. Il stipule que l’accord de libre-échange avec Singapour, tout comme les futurs accords de l’UE, est un accord mixte et doit donc être ratifié aussi par les parlements nationaux en raison de deux dispositions : le mécanisme de règlement des différends investisseurs – Etats et les investissements autres que directs ( tels que les investissements de portefeuille ). Cette décision implique que le TTIP, s’il est conclu, tout comme le CETA avant lui, va nécessiter l’aval des 38 parlements nationaux et régionaux de l’UE – en attendant, le CETA va en-
trer en vigueur le 1er juillet de façon provisoire. Cet avis de droit ne semble pas concerner TISA, qui ne couvre pas les investissements, mais la Commission elle-même avait affirmé l’année passée que c’était un accord mixte. AIE: Changement de tendance reconnu pour la première fois js. L’ Agence internationale de l’énergie ( AIE ), connue pour ses prévisions conservatrices sur l’avenir énergétique a présenté pour la première fois dans son rapport sur les perspectives 2017 un scénario « sous la barre des 2 degrés ». Elle arrive à la conclusion qu’un « nul net » d’émissions du secteur énergétique global est techniquement possible, même s’il existe encore un fossé entre les mesures nécessaires et la politique actuelle. Jusqu’alors, l’AIE avait extrapolé des « tendances énergétiques » et pronostiqué une augmentation de la température d’au moins 2,7 degrés. Il semble que la stagnation des émissions des trois dernières années ait été décisive dans ce changement de mentalité, qui est attribuable à l’augmentation exponentielle des énergies renouvelables et à l’efficacité accrue. L’AIE y voit 75 pour cent du potentiel, même si elle mise encore sur l’énergie nucléaire ( 6 pour cent ) et sur le « Carbon Capture & Storage » ( 14 pour cent ). www.iea.org
Alliance Sud en un clin d’œil Présidente Caroline Morel, directrice de Swissaid Direction Mark Herkenrath ( directeur ) Kathrin Spichiger, Andrea Rotzetter Monbijoustr. 31, Case postale, 3001 Berne Tél. + 41 31 390 93 30 Fax + 41 31 390 93 31 E-Mail : mail@alliancesud.ch Politique de développement – Agenda 2030 Sara Frey, Tel. + 41 76 388 93 31 sara.frey@alliancesud.ch – Coopération au développement Eva Schmassmann, Tél. + 41 31 390 93 40 eva.schmassmann@alliancesud.ch – Politique financière et fiscale Dominik Gross, Tél. + 41 31 390 93 35 dominik.gross@alliancesud.ch – Environnement et climat Jürg Staudenmann, Tél. + 41 31 390 93 32 juerg.staudenmann@alliancesud.ch – Commerce et investissements Isolda Agazzi, Tél. + 41 21 612 00 97 isolda.agazzi@alliancesud.ch
– Entreprises et droits humains Laurent Matile, Tél. + 41 21 612 00 98 laurent.matile@alliancesud.ch – Médias et communication Daniel Hitzig, Tél. + 41 31 390 93 34 daniel.hitzig@alliancesud.ch Bureau de Lausanne Isolda Agazzi / Laurent Matile Tél. + 41 21 612 00 95 / Fax + 41 21 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch Bureau de Lugano Lavinia Sommaruga Tél. + 41 91 967 33 66 / Fax + 41 91 966 02 46 lugano@alliancesud.ch InfoDoc Berne Dagmar Aközel-Bussmann / Emanuela Tognola / Emanuel Zeiter Tél. + 41 31 390 93 37 dokumentation@alliancesud.ch Lausanne Pierre Flatt / Nicolas Bugnon / Cécile Mégard / Amélie Vallotton Preisig Tél. + 41 21 612 00 86 documentation@alliancesud.ch
Les multinationales sauvent-elles le monde ?
Points forts Prevention of Violent Extremism Le nouveau violon d’Ingres de Didier Burkhalter
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Entreprises et droits humains Une leçon de Londres
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Année internationale du tourisme durable En avant, dans la mauvaise direction Photo : © Fabian Stamm
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Dépenses consacrées au développement L’argent reste en Suisse pour l’asile
Investissements étrangers 10 L’Iran, test pour la Suisse
Financement climatique 13 Le Conseil fédéral produit de l’air chaud
Les entreprises multinationales investissent depuis 2010 en moyenne 600 milliards USD par an dans des activités commerciales dans les pays en développement ; une tendance croissante. Non seulement leurs investissements directs ont augmenté en Chine, en Inde ou en Afrique du sud, mais également dans les pays pauvres d’Asie, d’Afrique, et d’Amérique latine. Ces investissements dépassent largement les dépenses des pays industrialisés réalisées au terme de la coopération publique au développement dans ces pays. Les multinationales affirment aujourd’hui qu’elles appliquent volontairement des critères de responsabilité sociale et environnementale dans le cadre de leurs investissements. Et nombre d’entre elles se mettent en scène comme précurseurs dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable. Derrière ces promesses se cachent souvent de pures réflexions de marketing ou la prise de conscience qu’il n’y a finalement pas d’alternative au développement durable. Les entreprises multinationales sont-elles désormais le fer de lance de la coopération au développement ? La réponse est : malheureusement pas. Il est vrai que les multinationales peuvent contribuer à créer des emplois et offrir des perspectives de vie dans les pays en développement ou à permettre le transfert de nouvelles technologies respectueuses de l’environnement. Par contre, par trop souvent, elles évincent des entreprises locales plus faibles du marché et remplacent la main-d’œuvre indigène par des machines importées. Dans le même temps, elles font usage de leur influence politique pour s’assurer un accès privilégié à l’infrastructure financée par des fonds publics. Mais, avant tout, trop d’entre elles transfèrent leurs bénéfices dans des pays où la fiscalité leur est favorable. Malgré cela, les agences de développement des pays industrialisés misent de plus en plus sur des partenariats avec ces entreprises. Les agences veulent par ce biais mobiliser des investissements privés en direction des pays en développement, en réduisant leurs risques. Les partenaires privilégiés sont souvent les multinationales de leur propre pays. Des fonds publics au développement et le savoir-faire des spécialistes gouvernementaux du développement sont ainsi utilisés pour réduire les risques des investissements privés des grandes entreprises du pays donateur et les rendre plus lucratifs. Il y a deux raisons à cette nouvelle stratégie : d’une part, l’espoir d’une augmentation effective des investissements propices au développement dans les pays pauvres. Mais il s’agit, d’autre part, de dissimuler des réductions budgétaires. Si les pays industrialisés parviennent à générer plus de flux d’investissements privés, cela a un effet stratégique : il est moins perceptible qu’ils s’éloignent du but d’allouer 0,7 pour cent de leur PNB à l’investissement dans la coopération publique au développement. Si et dans quelle mesure l’impact sur le développement des partenariats avec le secteur privé doit être mesuré reste ouvert. Également dans le financement des mesures de protection contre le changement climatique, on attend du secteur privé qu’il montre la voie. Mais la construction de digues de protection – pour ne citer qu’un exemple – ne dégagera jamais un retour sur investissement. Néanmoins, le Conseil fédéral mise, dans son récent rapport sur le financement climatique international de la Suisse, en grande partie sur des contributions privées. Mais il n’a aucun plan pour en assurer le bon fonctionnement. Son leitmotiv semble être : le développement est d’autant mieux qu’il coûte moins au secteur public. Cette attitude cynique méconnait les faits. Mark Herkenrath, directeur d’Alliance Sud
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Photo : © Panos / Petrut Calinescu
Makoko est une implantation illégale dans la lagune de Lagos, au Nigéria, où l’État ne gère aucune école publique. La photo montre une des rares écoles privées pour les enfants francophones immigrés du Bénin.
Prévention de l’extrémisme violent
La coopération au développement en tant que politique de sécurité ? Nathalie Bardill 1
Il existe un lien direct entre le terrorisme et le sous-développement.
Les organes de l’ONU tout comme la Suisse officielle en sont convaincus. État des lieux des connaissances scientifiques en la matière.
Pour le ministre suisse des affaires étrangères, la coopération au développement et la politique de sécurité vont de pair. Selon lui, il n’est quasiment plus possible de dissocier les intérêts en matière de sécurité intérieure des situations de menace de politique extérieure. Didier Burkhalter voit donc la prévention de l’extrémisme violent ( Prevention of Violent Extremism, PVE ) comme une tâche importante de la coopération au développement. Si cette dernière se conforme aux approches de la PVE, elle soustrait aux groupements terroristes ce qui fait le terreau de cet extrémisme. Une telle coopération au développement renforcerait la « capacité des individus et des communautés à lui résister » et les aiderait « à instaurer des conditions dans lesquelles personne ne sera tenté de céder à la violence pour des motifs politiques ou idéologiques ou de se laisser enrôler par des extrémistes violents ».2 C’est ce qu’on peut lire dans le plan d’action de politique étrangère de la Suisse pour la PVE. La peur des attentats terroristes grandit, à l’intérieur de nos frontières
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également. Les projets tentant de prévenir l’extrémisme violent bénéficient par conséquent d’un large soutien parmi la population et au sein de l’ONU également.3 La coopération au développement a pour objectif de réduire la pauvreté dans le monde. La PVE lui impose-t-elle une réorientation ? Ou la coopération au développement contribue-t-elle déjà, de toute manière, à éliminer ce qui fait le terreau de la violence et des idéologies extrémistes ? La mesure dans laquelle la lutte classique contre la pauvreté réduit l’extrémisme violent donne lieu à controverse parmi les chercheurs. Mais le problème de cette recherche réside dans le fait qu’elle s’est jusqu’ici centrée sur le phénomène ( comparativement ) marginal du terrorisme international. Elle omet d’observer les mouvements extrémistes locaux, mais jouissant d’une large assise, et les motifs d’adhésion à de tels mouvements. La recherche sur le terrorisme réfute une relation directe entre la pauvreté et l’inégalité et les actes de violence.
En revanche, la recherche sur la violence politique montre qu’il y a bel et bien une relation avec la pauvreté et la marginalisation économique de minorités. Le lien est particulièrement fort dans le contexte de structures étatiques fragiles. La recherche considère qu’un État fragile et l’absence de libertés civiles sont des facteurs prépondérants de l’émergence de violence politique et extrémiste. Une mauvaise gouvernance, la non-satisfaction des besoins fondamentaux par l’État ( éducation, santé, prospérité ) et des expériences de discrimination et d’exclusion de minorités peuvent être réunies sous la même bannière de la fragilité. Il convient aussi d’y ajouter le manque de participation politique et la répression croissante des personnes ayant des convictions différentes. Si la coopération au développement cible ces facteurs, elle rend le recrutement de disciples plus difficile pour les groupements extrémistes. Elle lutte par là même également contre de potentiels sentiments d’impuissance. Mais, à elle seule, la frustration ne suffit pas à faire émerger des groupements à caractère violent : ce qui joue également un rôle, sur cette toile de fond, est de savoir si les acteurs politiques ou de la société civile saisissent l’occasion du moment et savent canaliser l’insatisfaction. De nombreuses interventions de la coopération au développement misent à juste titre sur la bonne gouvernance, l’état de droit et la participation politique. De telles approches démocratiques recèlent toutefois certains risques également. En effet, du fait de l’instabilité qui les caractérise, les transitions politiques peuvent offrir de nouvelles opportunités à des groupements extrémistes et donner prise à une violence politiquement motivée. Les nombreuses causes de la violence Or, pour prévenir la violence, il est crucial que les personnes soient associées aux activités communautaires. Si des structures locales font défaut, à la jeunesse en quête de sens et d’identité notamment, des organisations à caractère violent peuvent sauter dans la brèche. L’accès à la formation professionnelle et à des emplois pour favoriser l’inclusion de la jeunesse sont mis en avant dans le plan d’action de la Suisse pour la PVE. Un aperçu des recherches sur les facteurs générateurs d’extrémisme violent confirme que certains groupements extrémistes recrutent des personnes sous-occupées et sans emploi. Il recommande par voie de conséquence à la coopération au développement de donner la priorité à la création de postes de travail, particulièrement dans des régions marquées par de forts courants d’opposition, et en ciblant les hommes en âge de combattre. Alors que de telles interventions peuvent s’avérer judicieuses, une autre étude met toutefois en garde contre une surestimation de la relation entre violence politique et chômage. La propension à la violence résulterait d’expériences multiples de l’injustice, le chômage ne suffisant pas à lui seul. 4 Un accent placé sur la formation professionnelle – en lien étroit avec la création d’emplois afin de ne pas produire des chômeurs frustrés supplémentaires – est malgré tout une approche valable en vue de réduire la base de recrutement de groupements extrémistes. Des programmes de formation sont judicieux pour prévenir l’extrémisme violent aussi parce que l’encouragement à faire preuve d’esprit critique, la promotion de la tolérance et de stratégies de résolution non violente des conflits réduisent l’attrait exercé par des idéologies extrémistes. Mais la formation peut également aiguiser la sensibili-
« L’ aspect le plus novateur de la politique extérieure de la Suisse réside dans le fait qu’elle repose non seulement sur des intérêts mais encore sur des valeurs intrinsèques. Nous réalisons mieux nos intérêts, à savoir la sécurité et la prospérité, si nous défendons des valeurs claires : davantage de paix, de droits de l’homme, de démocratie, moins de pauvreté et un environnement mieux préservé » 5 Didier Burkhalter, Conseiller fédéral
té pour l’injustice sociale et économique et encourager une volonté de renversement politique. C’est toutefois d’autant plus vrai là où il n’y a guère de possibilités de protestation modérée et d’exercer une influence politique. À elles seules, des interventions sur le plan de la formation ne suffisent donc pas. L’approche de la PVE a ceci de problématique que l’extrémisme violent est actuellement mis particulièrement en relation avec l’islam politique. Le risque existe que dans le cadre de cette approche, la coopération au développement réduise ses interventions en lien avec des groupes de population systématiquement soupçonnés du fait de leur religion. Un accent par trop manifeste sur l’extrémisme peut en outre provoquer des résistances de la part de la population et de la société civile concernées. Cela complique la collaboration avec des organisations de la société civile critiques vis-à-vis du gouvernement et qui, de ce fait déjà, sont taxées d’extrémistes par les élites dominantes. Il est clair que la coopération au développement contribue aujourd’hui déjà à prévenir la violence. Sa mission première – l’engagement en faveur d’une répartition plus équitable des ressources, d’un état de droit performant, d’institutions intègres et de la participation politique, ainsi que pour une société civile forte et ouverte – réduit du même coup l’attrait exercé par des groupes à caractère violent promettant un avenir plus radieux. La coopération au développement a une utilité ici, même si elle ne s’effectue pas expressément sous la bannière de la PVE. Elle ne garantit toutefois pas non plus de prévenir les flambées de violence. La violence est un phénomène tout aussi complexe que le développement est un processus multiforme. La coopération au développement peut contribuer dans une mesure prépondérante au développement, et contrer la violence, mais elle ne peut pas les contrôler pleinement l’un et l’autre. 1 L’historienne Nathalie Bardill s’est penchée sur la PVE pour Alliance Sud dans le cadre d’un projet financé par des fonds tiers. 2 DFAE, Plan d’action de politique étrangère de la Suisse pour la PVE. 2016. 3 Plan d’action pour la PVE, décembre 2015 ; Geneva Conference on PVE, April 2016. 4 Mercy Corps, Youth & Consequences. 2015. 5 Journée des entrepreneurs, Liechtenstein, mai 2016.
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Comptabiliser les coûts de l’asile comme dépenses de développement
Publicité mensongère Nathalie Bardill
Un franc sur cinq de l’aide publique
au développement est restée dans le pays, également en 2016. La Suisse est par conséquent la première bénéficiaire de ses propres dépenses consacrées au développement. Début avril, le DFAE et l’OCDE ont publié, à bref intervalle, leurs derniers chiffres concernant l’aide publique au développement ( APD ). En 2016, la quote-part de l’APD de la Suisse a augmenté à 0,54 pour cent du revenu national brut ( RNB ). Cette augmentation étonne au vu des pourcentages décroissants de la coopération au développement proprement dite, qui ont diminué de 0,41 pour cent en 2015 à 0,39 pour cent en 2016, selon le DFAE. La baisse de la coopération au développement et de l’aide humanitaire a ainsi été compensée par une part croissante des coûts de l’asile. Ce sont concrètement 19,4 pour cent de l’APD suisse qui ont été alloués au domaine de l’asile. Alliance Sud condamne clairement cette pratique de comptabilisation autorisée par l’OCDE. Dans la comparaison internationale du Comité d’aide au développement ( CAD ) de l’OCDE, la quote-part de l’APD suisse reste dans le top ten. En font par contre partie des pays qui, comme l’Allemagne, mettent des moyens additionnels à disposition de l’aide au développement proprement dite, malgré des coûts croissants de l’asile. Dans le groupe de tête, les pourcentages des « véritables » dépenses de développement ( donc sans coûts de l’asile ) de la Norvège, du Luxembourg et également presque de la Suède sont toujours deux fois plus élevés que ceux de la Suisse.
La Suisse comptabilise ses coûts de l’asile depuis 1998 dans son APD. De la manière la plus « généreuse » entre 2004 et 2013, ce qui lui avait permis de dépasser ainsi de deux fois le deuxième pays donateur. Depuis, la Suisse a été surclassée par plusieurs autres pays, mais elle se situe toujours dans le haut du classement. Ce sont principalement des pays membres de l’UE qui intègrent de manière accrue leurs coûts de l’asile. L’exception notable est le Luxembourg, mais également la France, le Royaume-Uni et l’Irlande qui ne comptabilisent qu’une petite partie de leurs coûts liés à l’asile. La « publicité mensongère » découlant de l’imputation des coûts de l’asile à l’APD empêche une véritable comparaison des quote-parts de l’APD des pays membres du CAD, étant donné que les méthodes de calcul des coûts de l’asile diffèrent d’un pays à l’autre. C’est pour ça que le CAD a initié en 2016 un processus de clarification des méthodologies qui, dans le meilleur – mais peu vraisemblable – des cas pourrait entraîner une limitation de la possibilité de comptabiliser les coûts de l’asile ou même leur exclusion. Pour la Direction de la coopération pour le développement ( DCD-CAD ), le domaine de l’asile est une tâche importante des pays membres de l’OCDE, mais il observe de manière critique leur comptabilisation et exhorte les pays membres à ne pas négliger leur engagement en faveur de la coopération au développement à long terme.1 Le processus de clarification en cours démontrera si les membres du CAD partagent l’avis de sa direction. Si et dans quelle mesure les coûts de l’asile pourront à l’avenir être pris en compte dépend également de l’accord au sujet de la nouvelle valeur de mesure de l’OCDE, TOSSD ( Total Offical Support for Sustainable Development ), qui doit refléter l’ensemble des flux financiers à destination des pays en développement et dans laquelle les coûts de l’asile pourraient être comptabilisés séparément. Si l’on ne peut s’entendre sur le TOSDD, le risque subsiste que l’APD soit encore davantage gonflée par des coûts étrangers au développement. 1 Rich Countries Criticized for Using Aid Money to Host Refugees instead of Tackling Poverty, Reuters, 26. April 2017.
Photo : © Keystone / Elisabeth Real
Opacité des chiffres
Des enfants de requérants d’asile syriens jouent dans le centre de transit de Ober Halden, Hinteregg, Canton de Zurich.
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Les dépenses de l’aide publique au développement ( APD ) sont destinées à soutenir le développement économique et social dans les pays bénéficiaires ou sont allouées à des organisations multilatérales. En 1970, les pays riches s’étaient engagés dans le cadre de l’ONU à mettre à disposition 0,7 pour cent de leur RNB pour le développement des pays pauvres. La quote-part de l’APD permet d’apprécier la mesure avec laquelle les pays membres de l’OCDE font face à leur responsabilité à l’égard des pauvres et des plus pauvres du monde. Depuis 1992, les coûts liés à l’assistance et à l’hébergement des demandeurs d’asile dans le pays peuvent être comptabilisés. Quelles que soient leur nécessité et leur utilité, ces dépenses ne contribuent en rien au développement et sont en conséquence critiquées par Alliance sud aussi bien que par la direction de la coopération pour le développement.
Entreprises et Droits humains
Le parlement britannique met la pression Laurent Matile
Le débat sur la mise en œuvre
des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et les droits humains prend de l’ampleur aussi au Royaume-Uni. Un rapport parlementaire pose, en grande partie, les mêmes exigences que l’Initiative
Le Royaume-Uni avait été le premier pays à adopter un Plan d’action national, en 2013, visant à mettre en œuvre les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et droits humains. Trois ans avant la Suisse. Ce Plan d’action national britannique a été révisé en mai 2016. En mars 2017, le Joint Committee on Human rights du Parlement britannique 1 a adopté un rapport, dont le contenu mérite toute l’attention, également en Suisse. Ce Rapport est en effet exemplaire dans sa portée et profondeur d’analyse. 2 Il contient notamment de nombreux témoignages ad verbatim des entreprises, des autorités concernées, de professeurs et d’ONGs qui permettent de cerner de manière différentiée les positions exprimées. Tout d’abord, ce Rapport exprime ouvertement la déception du Comité parlementaire à l’égard du manque d’ambition du Plan d’action national révisé en 2016 et l’absence de nouveaux engagements, regrettant tout particulièrement l’absence d’analyse de base ( baseline study ). Le Comité appelle à cet égard le gouvernement à consulter un large éventail de parties prenantes, de développer des objectifs plus ambitieux et spécifiques et de mettre en place des mesures d’évaluation. Des requêtes semblables à celles exprimées par les ONGs suisses à l’égard du PAN adopté par le Conseil fédéral en décembre 2016. Se référant aux nombreux témoignages recueillis, le Rapport souligne la vulnérabilité particulière des enfants 3, des femmes et des filles à l’égard de certaines formes de violations des droits humains par les entreprises, tout particulièrement dans les secteurs de l’extraction minière, de l’agriculture à grande échelle et du textile. Sont concernés en premier lieu la liberté d’association, les atteintes à la santé et la sécurité, les bas salaires et horaires de travail excessifs, la traite des humains, le travail forcé et le travail des enfants. Ce dernier serait courant dans l’industrie globale du tabac, largement représentée en Suisse. Dans le secteur des marchés publics, le Rapport exige qu’une diligence raisonnable soit effectuée pour les contrats publics et que les entreprises qui ne rempliraient pas cette obligation soient exclues des marchés publics, y compris au niveau local. Cette exigence devrait également s’appliquer aux crédits à l’exportation et aux autres mesures financières incitatives d’opérer à l’étranger. 4 Cette exclusion devrait en outre sanctionner les entreprises reconnues coupables de violations des droits humains par un tribunal ou le Point de contact National.
Photo : © Keystone / Peter Schneiderl
pour des multinationales responsables.
Manifestation « Walk for Freedom », le 15 octobre 2016 à Berne, contre le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage.
Le Rapport est particulièrement incisif dans sa partie relative à l’Accès à la justice. Après avoir passé en revue les actuels obstacles et difficultés rencontrés par les victimes de violations des droits humains par les entreprises et analysé la portée des législations récemment adoptées aux États-Unis, en France et aux Pays-bas, le Rapport recommande la soumission par le gouvernement d’une législation imposant un devoir de diligence raisonnable à toutes les entreprises – s’appliquant aux maisons mères, à leurs filiales et à l’ensemble des chaînes de valeur –, afin de prévenir les violations des droits humains. Une entreprise qui n’aurait pas pris les mesures nécessaires à prévenir une violation des droits humains seraient passibles de poursuites civiles et pénales, à l’instar de ce que prévoit le Bribery Act 2010. Les entreprises devraient apporter la preuve qu’elles ont pris les mesures de diligence raisonnable pour pouvoir se disculper. Un ensemble de mesures similaires – hormis l’accès à la justice pénale – à celles préconisées par l’Initiative pour des multinationales responsables, dont le Conseil fédéral a proposé le rejet, sans y soumettre un contre-projet, le 11 janvier 2017. Did you say « missed opportunity » ?
1 House of Lords and House of Commons Joint Committee on Human Rights. Human Rights and Business 2017 : Promoting responsibility and ensuring accountability. Sixth Report of Session 2016 –172. 2 http://bit.ly/2o8EGw9 3 Selon l’OIT, plus de 168 millions d’enfants travaillent dans le monde, dont 85 millions qui effectuent un travail dangereux. 4 Le volume global de marchés publics se monte à 1000 milliards d’Euro par an, soit 12 pour cent du PIB en moyenne, dans les pays de l’OCDE.
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« Le tourisme détruit ce qu’il cherche par le fait qu’il le trouve. » Hans Magnus Enzensberger
La qualité plutôt que la quantité Eva Schmassmann
L’ Année internationale du tourisme durable en
cours a un rôle important à jouer dans la réalisation des objectifs de l’Agenda 2030. Mais l’année risque de servir purement et simplement à la promotion du tourisme.
Déclarée Année internationale du tourisme durable par l’Assemblée générale de l’ONU, l’année 2017 devait renforcer la prise de conscience de l’apport du tourisme à la réalisation des Objectifs de développement durable ( ODD ) de l’ONU. À mi-parcours, aucun élément ne suggère toutefois les changements de comportement nécessaires au niveau de la politique, de la branche du tourisme ou des touristes. Selon l’Organisation mondiale du tourisme ( OMT, une agence de l’ONU ), le tourisme contribue à hauteur de 10 pour cent au revenu mondial. Un emploi sur onze se rattache au tourisme. Conçu et développé différemment, le tourisme recèle un fort potentiel de contribuer significativement au développement durable, un fait déjà reconnu lors de l’élaboration de l’Agenda 2030. Trois des 17 Objectifs de développement durable qu’il contient se réfèrent explicitement au tourisme, plus pré-
Photo : © CCO Public Domain / Simon Steinberger
Où va l’argent pour des prestations touristiques ? Moins il y a d’intermédiaires, comme les agences, mieux c’est.
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cisément l’ODD 8 sur le travail décent, l’ODD 12 sur la consommation et la production responsables et l’ODD 14 sur les écosystèmes marins. Mais le tourisme a des liens indirects encore plus forts avec l’Agenda 2030. Des efforts redoublés sont ainsi nécessaire en rapport avec d’autres objectifs de l’Agenda 2030, des conditions de travail ( salaire, formation continue, promotion des femmes ), à la moralité fiscale en passant par l’utilisation des ressources ( consommation d’eau, protection de l’environnement et des eaux, émissions de CO2, utilisation des énergies renouvelables ). La campagne menée jusqu’ici par l’OMT dans le contexte de l’Année internationale du tourisme durable fait toutefois l’impasse sur une réflexion approfondie sur ces aspects. Il est davantage question du potentiel de croissance dans le secteur touristique. Référence est par exemple faite à la contribution
spectaculaire citée du secteur du tourisme au revenu mondial et au marché de l’emploi, ainsi qu’à la croissance continue du nombre de touristes à l’échelle mondiale. Mais on mesure tout au plus de cette manière un apport du tourisme au développement économique mais pas au développement social et écologique. Or, les trois niveaux doivent être de toute urgence interconnectés dans le cadre de l’Agenda 2030. Il est donc aussi utile de débattre de la quantité de ressources utilisées par le tourisme, de la mesure dans laquelle les droits humains sont respectés et des répercussions du tourisme sur une société et sa cohésion sociale. Qui voyage ? En 2015, l’OMT dénombrait 1,3 milliard de voyageurs internationaux. Des prévisions indiquent que ce nombre devrait passer à 1,8 milliard d’ici 2030. Il faut s’attendre au double d’ici 2050. À l’aune des quelque 7,5 milliards d’êtres humains peuplant la planète, la proportion paraît importante. Mais les statistiques tiennent compte des voyages transfrontaliers et non pas des individus, ces derniers étant donc souvent comptés plusieurs fois. Les estimations concernant les voyages procèdent de l’idée que 5 pour cent au plus de la population mondiale peut en fait se permettre des déplacements par-delà les frontières nationales. Consommation de ressources imputable au tourisme On pense le plus souvent aux émissions de CO2 quand on évoque les répercussions du tourisme sur l’environnement. En comparaison avec d’autres secteurs économiques, le tourisme n’occasionne toutefois que 5 pour cent des émissions mondiales ( 2011 ). Mais ce sont précisément les émissions imputables au trafic aérien – correspondant à 40 pour cent des émissions du tourisme – qui sont particulièrement nocives pour le climat. Elles sont rejetées à une altitude où elles influencent de manière nettement plus marquée l’effet de gaz à effet de serre que des émissions à la surface de la terre. À cela s’ajoute que les émissions doubleront d’ici 2040 malgré les gains d’efficacité réalisés dans les transports. L’accroissement du nombre de voyageurs dépasse donc de loin les gains d’efficacité. Mais l’utilisation de ressources est énorme dans d’autres domaines aussi. La consommation d’eau pose un problème particulier, celle de l’hôtel de luxe équipé d’un centre dédié au bien-être étant naturellement bien plus significative que celle de la petite pension sans piscine. La consommation d’eau du tourisme oscille entre 94 et 3300 litres par personne et par jour. Des projections partent de l’hypothèse d’une multiplication par deux de la consommation d’eau d’ici 2050. À titre de comparaison, la consommation moyenne d’eau avoisine 170 litres en Suisse. La consommation de sol est souvent sous-estimée. Le tourisme est tributaire d’infrastructures comme les aéroports, les routes, les complexes hôteliers, les domaines skiables ou les terrains de golf, pour ne donner que ces exemples. Il faut des ressources foncières supplémentaires pour la production alimentaire et spécialement l’élimination des déchets. Dans des régions très touristiques, les décharges construites pour la population locale sont insuffisantes. Des projections admettent que l’occupation des terres par le tourisme doublera d’ici 2040 déjà, et triplera même d’ici 2050.
Qui bénéficie du tourisme et qui en supporte les coûts ? Il est relativement aisé d’identifier les bénéficiaires du tourisme : des produits alimentaires sont-ils achetés sur les marchés locaux ? Des employés sont-ils recrutés sur le marché local de l’emploi ? À quelles conditions ? Bénéficient-ils d’une formation continue et ont-ils accès à des postes supérieurs ? Où les impôts sont-ils payés ? Le prestataire du secteur touristique fait-il partie d’un consortium international établi dans un paradis fiscal ? Pour les touristes, ces informations ne sont certes pas toutes accessibles de la même manière – mais demander ne coûte rien. Une analyse détaillée des coûts est fréquemment plus complexe. Il est cependant manifeste que de nombreux coûts sont supportés par la population locale et que les infrastructures sont financées par les contribuables locaux. C’est pourquoi il est indispensable que les prestataires touristiques paient également leurs impôts sur place. Il n’est pas aisé de chiffrer les coûts de santé induits par la pollution de l’air et les nuisances sonores. Mais ils sont aussi à la charge de la collectivité. Des recherches dans les Panama Papers ont mis en évidence que de nombreux prestataires du secteur du tourisme abritaient leurs activités dans des paradis fiscaux. Ils profitent d’infrastructures financées par un État, d’employés instruits et de parcs nationaux, mais refusent à ce même État une part équitable des bénéfices qu’ils dégagent. Rien n’est moins responsable. Le tourisme est aussi régulièrement sous le feu de la critique d’organisations de défense des droits humains. L’appropriation du sol et de l’océan spolie les communautés locales. Un tourisme durable doit toutefois créer des perspectives pour les riverains. Sur la toile de fond de l’Année internationale du tourisme durable, le respect des droits de l’homme et des droits des enfants – on pense à la prostitution des enfants – doit aussi figurer à l’agenda international. Un cadre juridique mettant les prestataires du secteur du tourisme devant leurs responsabilités est nécessaire. Mais nous-mêmes, nous tous, jouons aussi un rôle prépondérant : comme touristes responsables en droit de poser des questions sur la protection de l’environnement, les droits du travail et les produits locaux.
Cycle de conférences L’InfoDoc d’Alliance Sud consacre un programme de conférences au thème du tourisme et du développement en 2017. On trouvera aussi des articles et des liens pour en savoir plus sur ce thème sur le site internet www.fairunterwegs.ch du Groupe de travail Tourisme et Développement ; une infographie sur le tourisme est mise en ligne sur www.welt-sichten.org.
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Investissements et droits humains
Investissements responsables en Iran : une contradiction ? Isolda Agazzi
Les entreprises devraient respecter les droits de l’homme, y compris
dans le cadre de leurs investissements à l’étranger. Quel rôle la Suisse doit-elle jouer à cet égard dans l’accès de ses investisseurs à l’eldorado iranien ?
La réélection du réformateur Hassan Rohani à la présidence de l’Iran va donner un nouvel élan aux délégations occidentales qui, depuis la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, le 14 juillet 2015 à Lausanne, et à l’assouplissement des sanctions qui s’en est suivi, se ruent vers Téhéran pour y faire des affaires. À l’exemple de la Suisse, qui a été l’un des premiers pays à y envoyer une délégation économique. En effet, un pays de 80 millions d’habitants au niveau d’éducation élevé, riche en ressources naturelles très peu exploitées, constitue un marché très appétissant. En 2016, le volume des échanges suisses avec l’lran se montait à 517 millions CHF ( 496 millions d’exportations et 21 millions d’importations ). Pourtant les entreprises suisses restent très réticentes à investir au pays des mollahs, notamment les banques, à cause des sanctions américaines encore en vigueur. Credit Suisse et UBS indiquent ne pas y avoir fait d’affaires à ce jour. En janvier 2017 Vitol, principal trader pétrolier indépendant au monde1, a prêté à la National Iranian Oil Co 1 milliard de USD en euros2, garantis par les futures exportations de produits raffinés. Droits humains, droits du travail et environnement Il faut d’abord remarquer que la plupart des investissements étrangers sont en pleine contradiction avec les objectifs de développement durable car ils vont dans le pétrole et le gaz. En plus certains représentants des minorités iraniennes font remarquer qu’ils ne servent qu’à renforcer le régime et l’armée et ne profitent pas à la population locale. Lors d’une réunion au Parlement à Berne ils ont demandé de ne pas investir du tout en Iran, ou au moins de respecter les droits humains, les normes du travail et l’environnement. Plus facile à dire qu’à faire car les défis sont de taille : • La protection de la sphère privée sur internet est très précaire, ce qui peut avoir des implications sérieuses pour la sécurité des employés et des clients et la vente de produits informatiques. • Le travail des enfants est encore répandu et estimé à près de 3 millions. • Le harcèlement sexuel est largement sous-rapporté, mais très présent sur les lieux de travail. • La sécurité au travail est un défi majeur. Selon l’Organisation iranienne de médecine légale, de mai à juillet 2015, 650 personnes sont mortes suite à des accidents du travail et 10 109 ont été blessées. Ces chiffres pourraient
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Photo : © Fabian Stamm
être beaucoup plus élevés car nombreux sont les travailleurs qui ne dénoncent pas ces accidents. En Iran, il n’y a pas de loi qui protège les employés qui refusent de travailler dans des conditions dangereuses et le taux de mortalité est huit fois supérieur à la moyenne mondiale. • La discrimination au travail est un autre sujet d’inquiétude. La Loi Gozinesh interdit l’accès à certaines professions aux femmes, aux minorités religieuses ou ethniques et aux dissidents politiques. Trois millions de réfugiés afghans se trouvent en Iran, dont deux millions en situation illégale et ils risquent d’être discriminés ou employés dans des conditions très précaires. • Les minorités représentent 50 pour cent de la population iranienne et elles sont discriminées. Dans les régions kurdes, par exemple, le taux de chômage est plus élevé, le niveau de vie inférieur et l’accès à l’éducation limité. Les infrastructures et les services de base sont insuffisants. Les investissements étrangers se concentrent à Téhéran, alors qu’il faudrait créer des emplois dans les régions habitées par les minorités, en imposant des quotas de travailleurs locaux. • La corruption est très répandue et le pays est classé 131e dans le classement de Transparency International 2016 sur la corruption ( sur 176 pays ). • Les droits syndicaux ne sont pas respectés. Les syndicats indépendants sont interdits. Il n’y a pas de loi pour protéger les travailleurs d’abus, discrimination ou harcèlement. Les travailleurs sont licenciés sans pouvoir se défendre et ils risquent de se faire arrêter s’ils se mettent en grève. Certains ont été condamnés à être fouettés. Les leaders syndicaux sont accusés de menacer la sécurité de l’État et condamnés à de longues peines de prison. • La faiblesse de l’État de droit, les arrestations arbitraires, l’absence de liberté d’expression,
Partout dans Téhéran, des peintures murales de l’artiste internationalement reconnu Mehdi Ghadyanloo présentent des idylles paradisiaques, des martyrs et des motifs surréalistes – sur mandat de « l’office pour l’embellissement de la ville » – pour dissimuler la suie des façades.
de rassemblement et d’association sont un problème. La justice n’est pas indépendante. • Les expropriations illégales et les expulsions forcées pour faire place à des projets de développement sont importantes. • L’environnement est un défi majeur. Selon Issan Kalantari, un ancien ministre de l’agriculture, l’Iran se dirige vers une catastrophe écologique sans précédent à cause de la raréfaction de ses ressources en eau. La pollution de l’air et la désertification sont aussi problématiques et les investissements étrangers pourraient accentuer ces problèmes déjà aigus. • Finalement, choisir le bon partenaire d’affaires peut être très difficile car les structures de direction sont opaques et certains individus peuvent encore être sous le coup de sanctions. Responsabilité de la Suisse Comme on le voit, la situation des droits humains, y compris des droits fondamentaux au travail et des standards environnementaux est très précaire en Iran. Le gouvernement n’est pas prêt à améliorer cette situation et la société civile est quasi inexistante. Dès lors, une responsabilité particulière doit être exigée des investisseurs par les gouvernements des États d’origine, en conformité avec les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Dans son Plan d’Action National ( PAN ) sur la mise en œuvre de ces principes, adopté le 9 décembre 2016, le Conseil fédéral souligne qu’il attend des entreprises qu’elles assument leur responsabilité en matière de droits de l’homme en Suisse et partout où elles sont actives. Mais le PAN est muet sur la question de savoir avec quelles mesures concrètes le Conseil fédéral entend assurer que les entreprises concernées mettent effectivement en œuvre cette responsabilité. Pour Alliance Sud, le Conseil fédéral devrait prendre des mesures pour s’assurer que les entreprises suisses respectent pleinement les droits humains et l’environnement, notamment via la mise en œuvre du principe de diligence raisonnable, qui est un principe qui s’articule en trois étapes : 1. Identifier les risques de violations des droits humains ; 2. Adopter les mesures préventives et correctives nécessaires ; 3. Faire rapport. Le Conseil fédéral devrait en premier lieu sensibiliser les entreprises suisses aux risques aigus de violation des droits humains en Iran. Dans le cadre de ses dialogues sur la liberté d’expression et la peine de mort, la Suisse devrait également discuter de la question des entreprises et droits humains, sur le modèle de ce qui se fait dans d’autres pays. Finalement, la question se pose de savoir ce que la Suisse compte faire pour contribuer à améliorer la situation des droits humains dans ce pays, notamment les normes internationales du travail et les droits susceptibles d’être le plus affectés par les investisseurs suisses.
1 Chiffre d’affaires de $152 milliards en 2016. 2 http://www.reuters.com/article/us-iran-vitol-oil-idUSKBN14O0HR
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Rapport du Conseil fédéral sur le financement du climat
La montagne accouche d’une souris ! Jürg Staudenmann
Les années passent et le Conseil fédéral n’a toujours pas de plan sur la manière
dont il entend mobiliser chaque année près d’un milliard de francs pour des projets internationaux de protection du climat. Pire encore : il confirme qu’il souhaite détourner de leur objectif premier des centaines de millions de francs de la DDC et du Seco.
Des contradictions . . . Mais le rapport déçoit pour d’autres raisons encore : quelquesunes de ses conclusions sont en contradiction flagrante avec sa partie analytique médiane cohérente. Il signale à juste titre que, conformément à la convention-cadre sur les changements climatiques, « les ressources financières engagées par les pays industrialisés dans des projets en faveur du climat doivent être […] nouvelles et additionnelles ». Pourtant, le Conseil fédéral entend utiliser « des fonds publics provenant de sources existantes1 » et confirme en outre – noir sur blanc pour la première fois – que celles-ci « devront, comme jusqu’à présent, être financées en majeure partie par les crédits-cadres de la coopération internationale ( DDC, SECO ) […] ».2 En clair : des contributions annuelles de plusieurs centaines de millions doivent être financées en puisant dans le budget toujours plus restreint du développement au lieu de provenir de sources financières additionnelles ; mesures de protection climatique au lieu de lutte
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contre la pauvreté. Les raisons avancées par le Conseil fédéral selon lesquelles des projets en faveur du climat sont en soi des projets de développement laissent à désirer non seulement pour Alliance Sud. Même le Fonds vert pour le climat ( FVC ) a récemment refusé une proposition de projet au motif qu’il y voyait un projet de développement et non pas de protection du climat. . . . et un optimisme de façade Le Conseil fédéral envisage de « reporter sur le secteur privé une part importante de sa contribution équitable ( … ) » et ce, même si le rapport constate que « la proportion de fonds privés dans l’objectif de financement convenu par les États de 100 milliards de dollars à partir de 2020 » est contestée. On peut partager ou non l’optimisme ( de façade ) du Conseil fédéral. Mais ce dernier devrait pour le moins montrer comment Photo : © Panos / Mikkel Ostergaard
L’accord de Paris sur le climat oblige tous les États de l’OCDE à verser conjointement 100 milliards de dollars par an dès 2020 aux pays en développement et ce, en proportion de leur responsabilité en matière de climat et de leur capacité économique. Alliance Sud signale depuis des années que la contribution équitable de la Suisse avoisine 1 pour cent de ce montant. Dans moins de trois ans, il faudra donc mobiliser de nouveaux moyens financiers de l’ordre d’un milliard de francs par an. En 2015, le Conseil national a de ce fait exigé ( postulat 15.3798 ) l’établissement d’un rapport présentant « les contributions au financement international dans le domaine du climat à partir de 2020 que la Suisse pourrait être tenue de verser et les modalités de leur financement ». Dans son rapport du 10 mai 2017 à ce sujet, le Conseil fédéral revoit sa contribution à la baisse. En effet, il estime qu’une « contribution équitable de la Suisse » se situe entre 450 et 600 millions de dollars par an seulement et le justifie par une « analyse pondérée » des émissions produites à l’intérieur des frontières nationales. Ce faisant, le Conseil fédéral minimise la capacité économique de la Suisse – nous générons 1 pour cent environ du revenu des États de l’OCDE – et oublie notre responsabilité effective dans la crise climatique mondiale ; les mots clés sont ici les émissions grises dans les biens importés, le trafic aérien ou la place financière suisse.
Il y aura, à l’avenir, moins de moyens à disposition pour les tâches prioritaires – ancrées dans la loi – de la lutte contre la pauvreté, telles la formation, la prévention en matière de santé, mais aussi le renforcement de la société civile. Photo: bidonvilles à Manille, Philippines.
il envisage de mobiliser de tels moyens privés en Suisse. Sur cette question cruciale justement, le rapport ne fournit toutefois pas de réponse même si le Conseil fédéral promettait encore en mai 2016 ( en réponse à l’interpellation 16.3027 ) de présenter aussi dans le rapport « les différentes options de financement […] y inclus des possibilités de financement innovantes et conformes au principe du pollueur-payeur ». En lieu et place, le Conseil fédéral veut recourir à des « instruments » pas explicités davantage ou examiner de « nouveaux modèles de partenariat […] stimulant la mobilisation de fonds privés ». Il ne fait pas de doute que des entreprises ou des investisseurs privés n’investiront dans des mesures de protection climatique dans les pays en développement que s’ils peuvent en tirer un avantage direct ou indirect, ce qui est toujours plus le cas dans le domaine des énergies renouvelables. En matière de mesures d’adaptation climatiques urgentes en revanche, il n’y a guère de profit à attendre pour le secteur privé. C’est pourquoi l’accord de Paris sur le climat souligne l’importance des fonds publics et exige de prévoir la moitié de toutes les contributions de financement climatique pour des mesures d’adaptation en faveur de la population la plus pauvre et la plus exposée aux risques climatiques des pays en développement. Sérieux blocage Il est alarmant de constater que le Conseil fédéral n’ait pas progressé depuis 2011 dans la question de la mobilisation additionnelle et conforme au principe du pollueur-payeur de fonds publics. À l’époque, un rapport interdépartemental recommandait l’examen complémentaire de diverses options de financement conformes au principe du pollueur-payeur. Mais cet inventaire différencié a toutefois été rangé dans les tiroirs. Il serait par exemple envisageable d’affecter spécialement les recettes ( ou une partie d’entre elles ) de la taxe sur le CO2 ; un avis de droit de 2008 a déjà montré que cette approche res-
pectait la Constitution et relevait de la compétence du Conseil fédéral.3 Une contribution « quasi volontaire » d’entreprises privées dans un fonds climatique, en contrepartie de l’exemption ( partielle ) de la taxe sur le CO2 par exemple, serait en principe possible. Et cette option n’aurait rien de nouveau : le « centime climatique » pourrait être étendu aux contributions financières internationales pour le climat. On pourrait aussi augmenter la disposition de compensation déjà en place pour les importations de carburants et affecter spécialement les recettes ainsi dégagées. L’introduction d’une compensation obligatoire ou d’une taxe climatique sur les vols internationaux serait plus simple encore. Là aussi, de nombreuses solutions déjà établies dans des pays de l’UE fournissent des modèles possibles. Finalement, le Conseil fédéral pourrait définir un prix de base fixe pour les droits d’émissions délivrés chaque année et utiliser spécifiquement les recettes pour des mesures de protection du climat dans des pays en développement. Conclusion Au lieu d’aller de l’avant avec des solutions concrètes, le Conseil fédéral compte sur des contributions du secteur privé, vagues et controversées sous l’angle du droit international, pour le financement international dans le domaine du climat. En parallèle, il couvre ses arrières avec les ressources financières limitées de la coopération internationale. Cette attitude témoigne-t-elle uniquement d’un manque de leadership, d’un découragement ou le Conseil fédéral craint-il par exemple les résistances politiques d’un Parlement qui approuve des dépenses et des interventions étatiques surtout lorsqu’elles profitent à sa propre clientèle ? Seule certitude : le rapport de dixneuf pages du Conseil fédéral ne répond aucunement au mandat donné par les auteurs du postulat de la Commission de politique extérieure. 1 Mises en valeur du texte par l’auteur. 2 « Financement international dans le domaine du climat – Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat 15.3798 de la Commission de politique extérieure du Conseil national du 2 juillet 2015 ». 3 Umbricht Rechtsanwälte, 2008 : « Rechtsgutachten über den verfassungsrechtlichen Rahmen einer Klimalenkungsabgabe des Bundes ».
Moyens financiers privés et publics de lutte contre le changement climatique js. La réorientation de flux d’investissements et financiers privés se chiffrant en trillions vers des technologies respectueuses de l’environnement est certes un important credo de l’accord de Paris sur le climat. Mais les 100 milliards de dollars annuels également convenus, destinés au financement climatique pour les pays en développement, sont une autre question car les plus démunis et les populations les plus touchées par le changement climatique ne profitent guère de ces investissements du secteur privé. Des moyens publics sont nécessaires pour des mesures d’adaptation dans les pays en développement au vu, surtout, de l’absence de perspectives de retour sur investissement.
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Pêche en eaux troubles En 2012, Olivier de Schutter, alors rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, écrivait : « le secteur de la pêche revêt, à l’échelle mondiale, une importance pour le droit à l’alimentation et la sécurité alimentaire qui est capitale [...] » 1 Il précisait que plus de 50 millions de personnes vivaient directement de la pêche artisanale. Ces activités se concentrent surtout dans les pays du Sud. Elles contribuent à la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes. Entre 1976 et 2014, les quantités de poissons exportés sur le marché international ont plus que triplé. Les produits de la pêche sont les produits alimentaires les plus échangés dans le monde. Ils dépassent les revenus cumulés du café, de la banane, du cacao, du thé, du sucre et du tabac 2. L’industrie de la pêche est devenue au fil des ans un domaine concentrant intérêts économiques et géostratégiques. L’industrialisation des mers L’industrialisation des mers a été rendue possible par la double révolution du rail et de la glace qui a permis de réduire les distances et conserver la qualité du produit. A cela sont venus s’ajouter les innovations techniques apportées aux bateaux, aux outils et aux procédés de pêche. Cela a permis d’allonger le temps passé en mer et d’accroître les quantités de capture. Entre terre et mer : quel avenir pour la pêche ? Laurent Delcourt... [et al.]. Louvain-la-Neuve : Centre Tricontinental ; Paris : Syllepses, 2017
La surpêche et le droit à la mer Selon la FAO, près d’un tiers des stocks de poissons est surexploité. La surcapacité récurrente de la flotte mondiale entraîne les prix à la baisse. La dégradation des stocks en Méditerranée et dans l’Atlantique Nord dès les années 60 a amené l’industrie halieutique à se déplacer sur les plateaux ouest et est africains puis dans l’Océan indien. En 1982, la signature de la Convention des Nations Unies sur le droit à la mer ( Montego Bay ) amorce le mouvement d’« enclosure » ( passage d’un usage commun à un usage privé ). Ce mouvement s’appuie sur l’idée que l’absence de propriété explique l’exploitation excessive de zones de pêche. On doit toutefois constater que ce sont avant tout les entreprises exportatrices qui ont bénéficié de ce développement au détriment de la sécurité alimentaire des communautés de pêcheurs artisanaux. On assiste à un véritable « transfert de protéines » du Sud vers le Nord ( l’expression est de Jean Chaussade 3 ). Aquaculture et accaparement des territoires de pêche L’aquaculture est présentée comme la réponse apportée à la surpêche et à la demande en constante augmentation. Cette activité de production est en fait la sœur siamoise de l’agriculture productiviste. Elle entraîne une perte de la biodiversité et la pollution des eaux, notamment en raison de l’utilisation massive d’antibiotiques et d’hormones. Le discours médiatique sur la dégradation des ressources justifie le mouvement de privatisation. On assiste à l’accaparement des mers et des territoires de pêche au nom de la « gestion responsable du capital naturel » 4 . Et ceci aux dépens des communautés locales. Ce mouvement mondial de concentration et ses conséquences pour les communautés de pêcheurs artisanaux amène à se demander si la pêche artisanale n’est pas plutôt une question de droits humains qu’une simple question économique. En effet, la survie et le développement des communautés de pêcheurs artisanaux passe inévitablement par une reconnaissance des droits des communautés. Nous en sommes encore loin, aujourd’hui. 1 La Pêche et le Droit à l’Alimentation, Rapport présenté à la 67 ème Assemblée Générale de l’ONU [A/66/262], Olivier de Schutter, 30 octobre 2012. 2 La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, FAO, 2012. 3 Le pillage des ressources de la mer, Jean Chaussade, 2009. 4 A ce sujet, lire L’accaparement mondial des mers : un livret, publ. par le Programme Justice Agraire du Transnational Institute ( TNI ) [etc.], septembre 2014.
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Tourisme humanitaire
Salle comble pour le tourisme humanitaire ! Nicolas Bugnon
Le 18 mai dernier, une salle
pleine à Alliance Sud InfoDoc a vu trois intervenants présenter une conférence et mener une discussion avec le public sur le tourisme humanitaire. Retour sur
Combien de gens étant jeunes ont voulu aller « sauver le monde » et donner quelques semaines de leurs vacances pour « aider dans l’humanitaire » ? Nous sommes nombreux à l’avoir fait et avons tous espéré avoir un impact profitable aux populations bénéficiaires. Les ONG humanitaires envoient depuis longtemps des volontaires travailler sur leurs projets de développement. Mais quelles sont les différentes pratiques ? Les effets sont-ils toujours positifs ? Et comment s’assurer du bien-fondé d’un séjour de « volontourisme » ? C’est à ces questions que Philippe Randin, directeur de Nouvelle Planète, Emmanuelle Werner, directrice de Friends International Suisse et Isabelle Lejeune, directrice de Tourism for Help, ont voulu répondre devant 75 personnes venues pour en débattre. Philippe Randin a d’abord présenté les aspects positifs de telles pratiques. Son association envoie chaque année plus d’une centaine de personnes sur leurs propres projets de développement. Il a montré comment l’échange entre personnes de différentes cultures était un atout pour la compréhension réciproque des populations mondiales. Il a expliqué combien les jeunes partis aider à la construction d’une école ou d’un centre d’artisanat revenaient marqués et intégraient cette expérience pour le restant de leur vie. Il a également pris garde d’avertir que ces voyages n’étaient en aucun cas une prérogative à la réalisation de projets qui se feraient de la même manière sans les volontaires, éléments qu’il s’agit de bien expliquer à ces voyageurs. Emmanuelle Werner a exposé certaines dérives alarmantes et dramatiques. En effet, des organisations se sont constituées pour tirer profit de cette demande et développent des « projets » dans le seul but de vendre des voyages humanitaires aux jeunes occidentaux. Elle a notamment démontré qu’au Cambodge, nombre d’orphelinats ont été créé avec de faux orphelins et que ces structures arrachent les enfants à leurs familles en leur promettant un meilleur avenir. Le bon sens et l’esprit critique vis-à-vis des « prestataires » doit préjuger. Des outils existent également pour détecter ces pratiques ( voir encadré ) et un conseil majeur est de simplement ne pas aller s’occuper d’enfants, un travail qui doit rester l’apanage de professionnels.
Photo : © AllianceSud
une soirée riche d’enseignements.
Isabelle Lejeune a amené un certain recul sur la question en interrogeant le public sur les intentions de ces voyageurs. Partent-ils pour eux-mêmes ou pour les autres ? Elle a aussi expliqué que si le but est d’aider les populations du sud, le mieux est souvent de voyager en tant que touriste pour favoriser un développement économique, tout en choisissant au maximum les structures touristiques responsables, s’apparentant souvent aux petites entreprises et non aux grands groupes touristico-industriels. La discussion qui s’en est suivie a été riche de questions et commentaires du public relevant d’autres aspects et montrant que le sujet va encore évoluer dans les années à venir avec notamment l’arrivée des pays émergents dans le développement et le tourisme mondial ! Podcast complet de la conférence et ressources complémentaires : http://bit.ly/2sM1h3Q 7 conseils aux voyageurs : https://thinkchildsafe.org/7-tips-for-travelers
Av. de Cour 1, 1007 Lausanne Horaires d’ouverture : Lu – Ve 8 h 30 – 12 h, 13 h 30 – 17 h 30 www.alliancesud.ch, documentation@alliancesud.ch
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Photo : © Andri Pol
Regards suisses sur le Sud. Au Royaume de Tonga, dans le Pacifique sud, le dimanche, il n‘est permis que de manger, dormir ou prier. Aucun avion n’atterrit sur l’île, aucun commerce, bar ou café n’est ouvert, il n’y a aucun taxi. Rien ne vient perturber la quiétude des chiens errants.
Andri Pol est « un conteur par l’images, avec humour, sans concession, sans méchanceté », peut-on lire dans l’éloge qui lui a été adressée en tant que photographe suisse de l’année 2017. Le photographe autodidacte Andri Pol ( *1961 ), de Berne, a fait sa formation de professeur de dessin à l’école des arts appliqués de Lucerne. Depuis 1990, Pol travaille comme photographe indépendant. Ses photos sont notamment publiées par GEO, Weltwoche, Merian, NZZ am Wochenende, National Geographic Deutschland, Allegra, Das Magazin, Facts, Bilanz et autres. www.andripol.com
Faits et chiffres sur le tourisme global Sources : FAIReisen, OIT, Banque mondiale
Jusqu’à 85 %
3,5 mia
20 %
des montants que coûtent les voyages à forfait n’atteignent pas le pays de destination.
Le nombre de passagers que transporte l’aviation par année.
de moins de salaires dans le secteur du tourisme, en comparaison avec les moyennes des pays visités.
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