Philip LorcaDiCorcia

Page 1

Philip-lorca diCorcia

Stories




Ph i l i p -Lo rca d iCo rc i a

Repères biographiques Philip-Lorca diCorcia est un photographe américain, né en 1951 à Hartford dans le Connecticut. Il vit et travaille à New York. Ses photographies associent des éléments du style artistique documentaire avec un principe de construction maîtrisée et complexe propre à l’image de fiction. Philip-Lorca diCorcia commence à s’intéresser à la photographie dans les années 1970 au début desquelles il étudie la photogrwaphie à l’université d’Hartford. Il est diplômé de la «School of the Museum of Fine Arts» de Boston en 1975 et entre dans le programme de formation en photographie en deux ans de l’université Yale à New Haven en 1979. Après s’être intéressé à la photographie conceptuelle de son époque, diCorcia, pendant sa formation à Yale, hérite de deux approches habituellement opposées de la photographie. Cette conception de la photographie tend à considérer que la réalité et sa représentation sont en adéquation parfaite. Mais, au-delà de cette approche de la photographie, diCorcia hérite également d’une approche de la photographie comme médium aux nombreuses possibilités créatives. Il est particulièrement influencé par l’esthétique de l’image publicitaire mais aussi par certains aspects de l’image cinémato-

graphique. En 1981, diplômé de Yale, diCorcia quitte New York car il n’est pas sûr de vouloir faire de la photographie, il cherche alors un travail dans l’industrie du cinéma mais en vain. Il revient alors à New York où il travaille en tant qu’assistant photographe. Depuis 1984, il gagne sa vie en tant que photographe de magazines. Ainsi, si dans son travail artistique on retrouve le processus de fabrication des images cinématographiques, on y retrouve aussi l’esthétique de la photographie de magazine. Jusqu’au début des années 90, son travail personnel est constitué principalement d’images représentant des scènes de la vie banale mais chaque fois remises en scène de façon cinématographique : l’appareil photo est toujours sur un pied, l’éclairage est complètement artificiel et donc maîtrisé, les personnages posent pendant la prise de vue. Au début des années 1990, diCorcia commence de nouvelles expériences dans son travail personnel. Jusqu’alors, il n’était sorti du studio que pour son travail professionnel, son art étant resté confiné à un environnement personnel et totalement maîtrisé.Ayant obtenu en 1989 une bourse d’État attribuée par la National Endowment of the Arts, diCorcia se rend plusieurs fois à Los Angeles entre 1990 et 1992 pour photographier des hommes prostitués sur Santa Monica Boulevard à Hollywood. Dans ce qui constitue donc sa


première série de photographies : Hustlers, il continue de mettre en scène ses images, tout en limitant son intervention. Il photographie ses modèles dans leur environnement personnel et crée ainsi, comme le dit Peter Galassi, des scénarios représentant les fantasmes désespérés du Hollywood de diCorcia. En 1993, il réalise la série Streetworks dans laquelle il photographie des passants par surprise dans les rues de grandes villes mondiales (Londres, Naples, Paris, New York…).. En 2003, diCorcia réunit 76 photographies prises ces vingt dernières années et jusqu’alors indépendantes, dans son travail A Storybook Life. Le travail de Philip-Lorca diCorcia est à présent régulièrement montré en Europe et aux Etats-Unis lors d’expositions collectives et personnelles. Empruntant des principes au style documentaire et restant dans la même lignée que ses précédents travaux, Philip-Lorca diCorcia marque le sol et organise d’ingénieux dispositifs d’éclairage. Invisibles de tous et déclanchables à distance, ceux-ci se montre particulièrement redoutable pour piéger par les passants. Tout est parfaitement maîtrisé et les figurants involontaires constituent la seule variable à l’équation de sa pratique. Le procédé lui permet de combiner la notion d’ « instant décisif » tant prônée par Henri Cartier-Bresson à son goût pour la mise en scène élaborée. Le travail de Philip-Lorca diCorcia est

à présent régulièrement montré en Europe et aux Etats-Unis lors d’expositions collectives et personnelles : Whitechapel Art Gallery (Londres, 2003), PhotoEspana 2003, Fondacion Telefonica (Madrid, 2003), exposition d’Yvon Lambert, «Photographier» (Avignon,2002), «Hybrid», Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles (2000), Museo Nacional de Arte Reina Sofia (Madrid, 1997), MoMA (New York, 1993). Il est représenté à Paris par la galerie Almine Rech.




Entre réel et f ictio n

D’un monde ordinaire ver s un univer s décalé Dans ses modernes et post-modernes incarnations, la photographie a eu ses deux fonctions. La fonction moderne (le Cartier Bresson, Alvarez-Bravo, Robert Frank camp) dit que la vie des documents photo, révèle un a priori formelle, affectif ou existentielles vérités qui sont inhérents en t:emps réel, l’affichage de ce qui plaît, se déplace ou améliore nous. La fonction post-moderne reconnaît que, dans notre ère de l’information, la photographie est une fratrie fictive moyennes, capables de créer réalités. La visualisation des questions complexes qui pose de la façon dont nous pense, comment nous nous en remettons sens, comment nous définir la véritable et comment nous inculquer normes collectives et signes (entrer les gens comme John Baldessari, Jeff Wall, Cindy Sherman). Yale grad, basé à New York, Philip-Lorca diCorcia est entré en sa propre en tant que photographe dans le ‘ 70s, tout comme la photographie conceptuel a été de trouver son pied. En tant que telle, ses oeuvres jouer dans l’espace entre la représentation (docu- REÈ) et re-présentation (commentant sur le processus de signification). icho-reographed scènes de la vie quotidienne. Le statut de scènes jouées cet oxymoron inhérente de la vie quotidienne est une contradiction et la ironique destiné stratégie sur laquelle une grande partie de ce travail a été construit.

Dans un Claustrophobe tiré de son frère de scoping de son haggard frigo pour un snack, il est facile d’imaginer ennui, la pauvreté et l’isolement. Comme l’image devient un tissu soyeux de la Viewer’s (ainsi que l’artiste’s) système personnel de signes et de symboles. En fait, diCorcia avait son frère jouer et rejouer le scénario encore et encore, en tenant test des coups et à modifier les moindres détails de l’éclairage et la posture jusqu’à ce qu’il avait fabriqué le plus convaincant «moment en temps réel.» Le Baroque et cinématographiques est le stade craft ici que diCorcia truqué un flash ampoule dans le frigo et il va juste à l’instant la porte est ouverte. Photographe parmi les plus influents, l’américain Philip-Lorca diCorcia, né en 1953, occupe une place particulière dans la photographie contemporaine. Depuis plus de trente ans, il réalise des images à la croisée des chemins entre le documentaire traditionnel, inspiré par les américains Paul Strand, Walker Evans, Harry Callahan, et Robert Frank, et une construction cinématographique qui oscille entre réel et fiction. Philip-Lorca diCorcia a commencé par prendre ses amis et sa famille en photographie, les faisant poser dans d’étranges tableaux de la vie quotidienne. Sa série “A Storybook Life” nous rappellent les photographies de tournage des films de fiction, où le temps semble arrêté, telle cette cuisinière figée, le


couteau à la main.Les photographies de la série “Heads” ont été prises à New York, plus particulièrement dans le quartier de Times Square ; en utilisant un flash qui isole le sujet du reste du monde, Philip-Lorca diCorcia réalise des portraits saisissants. Chez ses passants, quelques détails anodins nous renseignent sur notre époque : bouteille d’eau en plastique à la main, lunettes de soleil d’aviateur, écouteurs enfoncés dans les oreilles. Philip-Lorca diCorcia nous livre des photos proches de l’univers de la mode et de la publicité. Ces inconnus, sans le savoir, évoluent dans une mise en scène dont ils sont les personnages principaux. Di Corcia est un raconteur d’histoires, ses collaborations pour le magazine américain W l’ont montrées. La série Hollywood qui occupe la deuxième partie de l’exposition en est également une preuve tangible. Elle présente des hommes photographiés dans des chambres de motels, à travers les fenêtres d’un salon ou sur le parking d’un supermarché, des scènes calquées sur des plans de cinéma hollywoodien. Mais le regard ici est absent et le corps perdu dans un cadre obscur, flottant dans la chaleur moite de la nuit californienne. Ils planent comme des zombis, dans une réalité inconfortable et male taillée. Et l’on peut lire le vide dans

leur expression, le renoncement dans leur posture. Signatures Philip-Lorca diCorcia est connu pour ses tranches de vie et ses portraits dramatiquement éclairés, et aussi pour une version contemporaine du thème de la Vanitas. Une photographie datant de ses débuts et une photo qui est une référence diCorcia montre son frère contemplant l’intérieur du réfrigérateur. Une lumière maniériste émane des tripes du réfrigérateur, éclairant l’humeur nocturne du frère. Son immobilité, encore une signature de diCorcia, le montre distrait, à l’intérieur de luimême; peut-être est-il en train de calculer ses chances. C’étaient des portraits complexes, dans lesquels la mise en scène et l’éclairage prenaient une place aussi importante que le personnage. Mais l’éclairage théâtral de diCorcia fonctionne à la fois comme miroir réfléchissant et projecteur à faisceau concentré (pour emprunter la métaphore littéraire de M.H. Abrams), que ce soit en éclairant le regard d’un passant à la recherche d’un coupe-faim, ou rebondissant sur des visages qui ne regardent nulle part. Les personnages ne sont pas nécessairement frappés par une reconnaissance fatidique.Pourtant, autre chose que le visible est suggéré par l’immobilité gelée du flash, tellement immobile et silencieuse que le terme « nature morte » semble acquérir un sens nouveau.












Fresque de la vie quot idienne Les photographies de Philip-Lorca diCorcia ne se laissent pas consommer dans l’instant. Elles exigent au contraire temps et attention pour que se révèle toute l’intensité qu’elles contiennent. A Storybook Life, son travail le plus récent, est une suite de 76 photos faites au cours des 20 dernières années, dans laquelle plusieurs lieux et plusieurs personnes reviennent et se croisent, créant ainsi une grande fresque de la vie quotidienne qui peut se lire aussi comme une discrète autobiographie. Ce travail est accompagné dans l’exposition par des ensembles importants de séries antérieures telles que Hollywood, Streetwork, et Heads, ainsi que Two Hours — 11 images de grand format faites dans une rue de La Havane en l’espace de deux heures, du même endroit, à l’aide d’un dispositif d’éclairage et de déclenchement automatique. Présentation des œuvres Comprenant 76 photos, la série A Storybook Life permet une totale immersion dans l’œuvre de Philip-Lorca diCorcia. Comme le souligne l’artiste, le titre indique qu’il s’agit à la fois d’une histoire et de la vie, de la mise en relation des images entre elles, pour constituer une trame narrative et fictive,

comme dans un livre d’images. Philip-Lorca diCorcia montre les rituels banals du quotidien. Organisées comme dans un album de photos personnelles, les images se succèdent, sans chronologie apparente et révèlent thèmes, personnages et contextes qui s’interconnectent, bousculant l’ennui auquel est trop souvent lié le quotidien. Comme dans une biographie, il arrive que les mêmes personnes réapparaissent à différents moments de leur vie. Certains protagonistes regardent la télévision au lit, d’autres sourient béatement à leurs animaux, prennent un bain, prennent l’ascenseur, jouent aux cartes… Rituels de vacances, rituels ménagers : voilà les thèmes préférés de l’artiste qui transforme ces instants, les plonge dans une lumière cinématographique éclatante… Two Hours est une série de 11 photographies prises à La Havane en deux heures. Philip-Lorca diCorcia a installé son appareil-photo et son flash et les a dirigés vers un coin de rue animé, enregistrant tout ce qui s’y passait, de manière aléatoire. Le résultat montre des instants éphémères. En effet, le temps est le sujet principal de la série : un vieil homme s’arrête, peut-être regarde-t-il quelque chose, peut-être attend-il quelqu’un. Une femme en jaune figure sur quatre photographies, toujours à la même place, au milieu des passants.









L umière éclat ant e Il s’agit de photographies dont le fond est sombre, comme si elles avaient été prises de nuit, même si ce n’est pas forcément le cas. Les sujets, isolés, sont enveloppés dans une lumière diffuse qui provient de spots installés au-dessus d’eux. Cette lumière n’est pas celle d’un théâtre. Ces hommes et ces femmes ne sont pas des acteurs, ils ne voient pas la lumière, ils ne savent pas qu’ils vont être photographiés. Pourtant, à leur insu, à un instant précis, ils sont éclairés par un flash, parce qu’ils ont été sélectionnés par l’artiste. Aucun n’a été prévenu, rien n’a été convenu, ces gens sont anonymes. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils avancent dans la rue, ils vont au travail ou au restaurant ou bien marchent sans but précis. Soudain, ils sont frappés par l’éclair sans en avoir conscience. Ils continuent d’avancer mais le temps s’est arrêté pour eux à leur insu. La série Heads a été réalisée à la suite de Streetwork, selon le même principe : mettre en lumière pas seulement éclairer mais littéralement illuminer une scène banale ou un personnage anonyme, leur conférant une dimension fictionnelle voire, dans certains cas, quasi religieuse. D’autres photographes avant Philip-Lorca diCorcia avaient photographié, de manière aléatoire, des personnes circulant dans un lieu public. Ses photographies sont semblables à des feuilletons de tous les jours avec des vedettes sans nom. Ses person-

nages sont semblables à ce que E.M. Forster, dans Aspects du Roman, nommait les personnages banals, par opposition aux personnages conséquents. Ce sont des figurants, des gens de la rue surpris in medias res des gens anonymes qui soudain acquièrent une identité. Il prépare une mise en scène afin de révéler un but caché quand des personnages se trouvent sans le savoir dans ses éclairages. Les images deviennent des images de Vanitas par défaut. Les personnages de Philip-Lorca diCorcia nous montrent quelque chose du potentiel inconnu de la vie, qui est l’énigme incarnée.Dans ses œuvres, il donne à un personnage de la vraie vie une place de premier plan. Quel personnage mettre au premier plan dans une scène particulière est la décision qu’il doit prendre. C’est là que la photo se définit et là que nous reconnaissons son influence et son art qui, sous un éclairage intense, aborde le dilemme impénétrable de l’existence. Dans ses photos de mode les mêmes questions sont posées. Pourtant, ces photos seront toujours des photos de mode. Il le sait et nous le savons également.»







Sexu a l ité, d é rives et déc héa nce

Homosexualit é, st rip -t ease, prost it ut ion Désireux de s’éloigner des clichés établis par des photographes historiques, il décide, à de multiples occasions, de séjourner à Los Angeles, pour photographier des homosexuels et prostitués attendant sur le boulevard Santa Monica. Grâce à l’argent d’une bourse offerte par le National Endowment of the Arts (1989), Philip-Lorca diCorcia réalise sa série « Hollywood » : il les paye, tire leurs portraits et titre chacun avec le nom, l’âge et le lieu de naissance du modèle. Par ce geste politique, il souhaite détruire l’histoire du portrait, un genre souvent associé à l’image dominante... Le regard que Di Corcia porte sur ces femmes n’a pas l’indolence de ses modèles. La tension sexuelle et tous les attendus de la scène érotique classique que pourraient suggérer l’image s’effondrent comme des leurres. L’abandon des corps face aux corps à l’abandon : l’«ailleurs» érotique ne s’accorde pas avec la fragilité et le martyr de ces femmes que la photographie finit par dévoiler. Il ne s’accorde pas non plus avec l’écrasante humiliation du mât métallique auquel ces corps semblent attachés, comme pouvait l’être le bœuf écorché de Soutine. 
Au-delà de cette image à la fois belle et terriblement critique sur la condition féminine, l’américain décrit en filigrane une autre réalité, celle de jeunes femmes attirées par les lumières d’Hollywood et qui achèvent leur

parcours dans les cabarets de strip-tease comme «Pole dancers», c’est-à-dire danseuses autour d’un mât. Philip-Lorca diCorcia n’a pas donné de titre à sa nouvelle série dont nous présentons cinq oeuvres dans la première salle de la galerie; cinq oeuvres de la série antérieure « Hollywood » sont présentées dans la seconde. Nous avons articulé ces oeuvres en les réunissant dans la même expositon car elles sont les deux volets d’un même sujet: la condition humaine versus le mirage hollywoodien. Les deux séries traitent de la prostitution comm e ultime stade au bas de l’échelle des illusions perdues de jeunes hommes ou femmes venus faire du cinéma ou tenter leur chance à Los Angeles. Les hommes sont devenus des «Hustlers» (prostitués masculins) et les femmes des «Pole dancers», danceuses de cabarets de strip-tease utilisant un mât. Ces oeuvres de Philip-Lorca diCorcia, tout d’abord frappantes par leurs qualités esthétiques, font apparaître leurs sujets à travers leur regard ou leur attitude, comme des figures intemporelles de l’espoir et du désespoir, ou, paradoxalement pour les «Pole Dancers», parfois comme des vierges martyres. Philip-Lorca diCorcia révèle un monde underground qui est, dans une société où tout est très vite à la mode, un véritable underground. Au-delà de cette image à la fois belle et terriblement critique sur la condition


féminine, l’américain décrit en filigrane une autre réalité, celle de jeunes femmes attirées par les lumières d’Hollywood et qui achèvent leur parcours dans les cabarets de strip-tease comme «Pole dancers», c’est-à-dire danseuses autour d’un mât. Déchéance d’un rêve américain porté par des milliers de jeunes gens, parabole d’une société occidentale qui crée l’envie sans accorder les moyens de l’atteindre, Philip-Lorca Di Corcia joue en virtuose de cette crise d’identité qui présuppose le «désenchantement du monde». Le regard ici est absent et le corps perdu dans un cadre obscur, flottant dans la chaleur moite de la nuit californienne. Ils planent comme des zombis, dans une réalité inconfortable et male taillée. Et l’on peut lire le vide dans leur expression, le renoncement dans leur posture. Les œuvres de Di Corcia n’ont pas de morale à transmettre, ni même de réponses à donner. Elles sont pourtant des témoignages saisissants de la violence sourde qui régit notre rapport au monde. Elles se posent comme des visions subtiles situées entre document et fiction, tendresse et brutalité. Dans l’oreille, elles viennent nous souffler à quel point ces personnages nous ressemblent. Certains sont des «Hustlers» (prostitués masculins) et d’autres des «Pole dancers», danceuses de cabarets de strip-tease. « Je retournais dans la rue comme les clients ordinaires des prostitués. Je m’avançais et je leur disais :

« Je veux vous prendre en photo, je vous paierai exactement ce que l’on vous paie pour une passe » » selon les mots de l’artiste. Pour chaque photo, il consigne nom, surnom, âge, lieu, et tarif. »Je faisais des photos dans des chambres d’hôtel, et puis je retournais dans la rue, comme les clients ordinaires des prostitués. Leurs corps semblent figés, comme arrachés au flux électrique de la ville, et leurs visages, tels des masques fixent des expressions où l’on déchiffre tantôt la lassitude, tantôt la tristesse. Premièrement, nous devons accepter que le travestissement sexuel soit une pratique qui endosse une part d’artifice, tel un manque à combler, duquel l’habillage du corps incarne et incorpore la personnalité du sujet travesti dans son entièreté. Deuxièmement, soulignons que pour la philosophie traditionnelle, la vérité désigne l’accord de la représentation avec le représenté. Sans contredire cette vérité, l’objet à l’étude : le travestissement comme forme de mimétisme dans la pratique artistique ne peut, cependant, se soustraire du champ de la représentation sans tenir compte du projet d’intentionnalité et d’authenticité qui donne forme à l’image/corps du travesti, soit les liens communs entre la représentation et la présentation de l’identité du travesti : image/corps.












Mode

Une nou velle phot ographie Les photos de Philip-Lorca diCorcia flottent entre réel et imaginaire, zones indécises, à la croisées de leurs influences, d’Hollywood à Edward Hopper. Leur force de frappe mystérieuse a conquis les plus grands musées : elles figurent dans les collections majeures, du LACMA à Los Angeles comme du MET à New York. Elles sont aussi partie intégrale de l’histoire de ce magazine aux hauts standards arty qu’était «W» au tournant du millénaire, sous le règne de son directeur artistique, Dennis Freedman. Pulvérisant les tabous qui interdisent la double nationalité, P-L (comme l’appelle son entourage) était alors un des rares photographes à voyager impunément du monde de la mode aux galeries conceptuelles sans compromettre sa réputation. Diplômé de Yale en 1979, basé à New York depuis toujours, P-L diCorcia a été assimilé rapidement au courant de la photo conceptuelle, avec Cindy Sherman, John Baldessari ou Jeff Wall. A la fin des années 80, son style entre baroque théâtral et scènes de rue lui avait déjà assuré l’attention des critiques. A l’époque, il utilisait des membres de sa famille ou des amis. Son entrée en mode à la fin des années 90 est due à la complicité de Dennis Freedman. A l’affiche des plus grandes rétrospectives de musées, Philip-Lorca diCorcia avait déjà décliné des invitations à investir les doubles pages glossy

des magazines. Pas son truc : «la mode partage avec le tourisme l’emphase sur la surface» a-t-il dit autrefois. Mais le DA de «W» lui apportait de nouvelles garanties : celles de l’intégrité de ses histoires, dans le fond, la forme, la taille et l’ordre des images imprimées. Pour l’artiste, la proposition ouvrait d’autres horizons. Au sens littéral, puisqu’elle incluait ces voyages au bout du monde, mais aussi en terme de confort de production et d’expérimentations techniques. Il était assuré aussi d’exercer librement ses commentaires. En règle générale, a-t-il dit aussi, «je cherche à critiquer. On ne peut pas éviter d’avoir une opinion». Sa démarche donne l’impression qu’après avoir éprouvé ce pouvoir dans le monde de la mode, Philip-Lorca diCorcia cherche à l’exorciser par une mise à distance du médium, une analyse approfondie de ses ressorts et un rapport différent au spectateur. Dans son entretien avec Denis Angus, il fait de la photographie de mode une sorte de repoussoir : «j’essaie de critiquer la bête avec qui je travaille. Ce monstre avec qui je partage mon lit est aussi mon sujet». La violence du rejet suggère l’existence d’une véritable dialectique de travail entre les deux sphères de l’activité de l’artiste. Pour les photos de mode, DiCorcia se saisit de l’artificialité même de la demande (présenter des vêtements à vendre)


pour reconduire cette disjonction entre arrière-plan fluide de la vie, et suspens du premier plan. Le mannequin figé dans les postures stéréotypées de femme victime, éplorée, sexy ou dominatrice, est posé sur un arrière-plan scénarisé (la bonne latina qui regarde la télé, l’effervescence d’un café cubain éclairé à la Hopper, etc.). Mais un égarement déréalisant semble l’étreindre : corps lisse à la plasticité trop parfaite, regard vide ou perdu, elle est seule, à l’écart, si peu humaine. Actuellement sur Mars vue à travers 5ème à David Zwirner est un résumé des onze séances photos éditoriales que Philip-Lorca diCorcia produite au cours de ses onze ans à W Magazine. L’exposition-titre approprié «Onze» illumine combinaison unique de M. diCorcia de son expertise technique et narrative appliquée au genre de la photographie de mode. L’exposition a été ouverte de façon appropriée coïncider avec New York Fashion Week. Ses images, dit-il aussi, n’ont pas pour but de «distiller le moment parfait». Le livre suit l’ordre chronologique inverse des histoires. Cairo est la dernière parution dans “W” en 2008. J’étais au Mali, et quelqu’un au magazine a imaginé que c’était dans le voisinage de l’Egypte. Cette femme était venue accompagner sa fille au casting. Et la maison

appartient aux propriétaires d’une compagnie de téléphones portables. On nous avait dit qu’elle avait une vue magnifique, et c’était vrai. J’ai utilisé une double exposition pour le jeu des reflets. C’est une lumière d’hiver, 11 h du matin, mais avec des éclairages artificiels. Cette histoire en Egypte a pris 4 jours à shooter, une expérience rendue pénible par les difficultés de circulation dans la ville et la corruption extrême. Ils avaient même pris en otage les valises de vêtements. «J’essaie de faire un travail qui requiert attention et temps. L’oppposé de celui d’un photographe de magazine qu’on regarde pour quelques secondes, une image après l’autre, généralement avant d’oublier», explique quelque part l’artiste.




L’expérience «W» et expo L’expérience «W» a duré 11 ans, «les annonceurs ne reconnaissaient pas vraiment leur monde, mais pour un temps, on a pu s’en sortir», commente sobrement l’artiste. Il y a découvert la manipulation digitale post-shooting (avec le cador des retoucheurs, Pascal Dangin de Box Studios), lui qui aujourd’hui encore, shoote au film et snobe Photoshop. A 60 ans, le photographe enseigne son art à Yale et travaille à ses prochains projets : une série qu’il intitule provisoirement «East of Eden», où il tisse ses rêveries autour de la crise financière de 2008, avec un des premiers shooting impliquant des aveugles. Une nouvelle collaboration mode semble en revanche peu probable. C’était ma première collaboration avec “W”, en 1997. Déjà la mode, l’art et les marques commençaient à marcher main dans la main. Dennis m’avait convaincu qu’il était stupide de rester sur la défensive. Il m’avait aussi donné entière carte blanche et un budget conséquent. Au contraire, ils ont aimé. J’avais dû suggérer le lieu : j’ai habité Los Angeles dans les années 80, c’est une ville familière où je me sens à l’aise. La mannequin était Kristin McMenamy, juste avant qu’elle n’arrête sa carrière pour s’occuper de son bébé. L’autre fille de la série était Erin O’Connor. L’histoire, c’était celle d’une jeune fille qui débarque à LA et cherche un

endroit où loger. Comme cela se passe vers Hollywood, on l’associe plus ou moins avec l’industrie du cinéma.«Eleven», viennent rendre hommage à ce travail d’équipe exceptionnel. Chacune de ses images shootées entre 1997 et 2008 a été échaffaudée dans une métropole visitée : Sao Paolo, Havana ou LA. Ré-arrangées sous une lumière cinématographique, les scènes dégagent une atmosphère de drame passif, entre reportage et fiction, mémoire du détail et évaporation du banal. De la narration elliptique, disent les critiques.







L os A ngeles C’était notre deuxième histoire en Californie, et cette fois, on avait eu accès aux Universal Studios. Du coup, je voulais en profiter et utiliser le plus de trucages possible. Comme on était dans ce décor de cinéma, on en a rajouté à volonté : faux buildings, faux sang, fausse pluie. La mannequin est Shalom Harlow. On a reçu énormément de lettres de protestation après cette histoire. On nous a accusés d’insensibilité à la violence contre les femmes. C’était pareil avec l’histoire de coqs et les organisations de défense des animaux. Dennis n’était pas très concerné par ces problèmes. Il essayait de gérer les annonceurs mécontents de ne pas voir suffisamment leurs vêtements. Son approche arty était plus répandue dans le monde des magazines alternatifs que des publications institutionnelles comme “W”. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il cherchait à exploiter mon style comme une signature. J’ai utilisé des techniques que j’avais mises au point pour mon propre travail, bien sûr. Mais personne ne m’a obligé à le faire.



Inte r view pa r Do ri a n Deve n

« Paroles de phot ographe » Dorien Devens : Comment avez-vous commencé dans la photographie ? Philip-Lorca diCorcia : j’étais un étudiant dans un collège d’art et c’était plus ou moins la première période d’art conceptuel au milieu 70s. En ce temps-là je l’ai utilisé comme une sorte de documentation pour les projets conceptuels et ensuite quand j’ai fini d’aller à l’école d’art j’ai décidé que, après un hiatus bref comme un homme de courrier, j’irais sortir de l’école et ensuite je me suis concentré sur la photographie purement comme un médium dans et de lui, pas comme un moyen à d’autres formes … D: Donc vous pourriez dire que c’était le tournant dans l’histoire de photographie où il commençait à devenir plus représentatif de pas la réalité, mais … dC : Bien, je crois qu’avec conceptualism, avec deux ou trois générations d’artistes qui venaient directement de l’école de diplômé, qu’il n’y avait pas toujours d’école de diplômé dans l’art, surtout dans la photographie. En fait, le département de photographie à Yale était une sous-division du département de design graphique jusqu’à ce que l’on ait donné une Chaise à Walker Evans. Et, je ne sais pas combien de temps il l’avait. Même maintenant, je crois que les universités importantes ne considèrent pas de degrés d’art pour être sérieuses. Ils ne croient pas que vous deviez passer par la

sorte de rigueurs qu’une maîtrise dans une autre discipline exige. Cela peut être vrai, c’est une autre sorte de rigueur que je devine. Et vous fermez pas le vent avec un revenu garanti, en fait, on s’engage presque que vous ne pas ayez celui. Ainsi il y a toutes les sortes de risques impliqués dans le fait de le prendre et je veux dire, je n’avais aucun problème dans lequel, je n’ai pas vraiment voulu aller sortir de l’école, c’était une énorme récession alors. Je juste la sorte de n’ai pas voulu recevoir un emploi. D : A cette éoque, étaient vos influences importantes alors pas les photographes ? dC : Autant que la photographie que j’ai faite, je crois que je n’étais pas trop différent que d’autres gens dans ce qui était la sorte de période initiale de modernisme post, j’ai utilisé les mass-média comme l’influence primaire pour que j’ai fait. Et, je me suis intéressé pas vraiment à mes précurseurs dans le monde photographique. D: Pendant que vous faisiez cette transition en utilisant des objets inanimés pour les personnes utilisant Qu’avez-vous ressenti que c’était une chose natu-


relle ou avez-vous eu des problèmes à le faire? DC: Bien, l’une des raisons pour lesquelles j’ai photographié ma famille quand j’ai commencé à le faire parce que je pouvais les pousser. Je n’ai pas mal à l’aise sur leur utilisation. Et, je sentais que je savais quelque chose sur eux et ce qu’ils représentaient en général. Je n’ai jamais vraiment essayé faire des images que je sentais étaient membres de ma famille personnalité tellement, mais ils sont, chacun un type je pense. Et, une partie de rendre le travail qui parle à d’autres personnes est une certaine simplification. Malheureusement, c’est la nature de celui-ci, et comme je suis devenu plus vieux, tu sais, j’ai essayé de ne pas le faire. Mais, quand j’ai commencé, je pense que j’essayais de faire genre de personnages archétypiques dans mes représentations des personnes et, j’appliquerais ces archétypes de ce que je considère être le peuple le plus malléable autour et ils étaient généralement ma famille ... D: Maintenant, il semble que vous êtes capable de mettre les gens dans un contexte dans lequel peut-être les objets ou les paramètres seraient plus que de l’archétype de la personne ... DC: Oui, je, pour une chose, quand j’ai fini quelque chose que je essayer de

tourner la page et j’ai l’habitude de commencer par établir certains intérêts et le type de cadre pour travailler au sein et ensuite voir où cela me mène et juste en quelque sorte le processus de déterminer exactement comment je vais aborder un projet est probablement la partie la plus intéressante à ce sujet pour moi et puis il ya juste, vous le savez, la part de travail. Surtout quand vous travaillez en série comme je l’ai fait dans les dernières années. Un grand nombre de répétitions, il est, vous le savez, vous avez créé un type de format, puis vous appliquez ce format à plusieurs reprises et encore et encore jusqu’à ce que vous obtenez ce que vous voulez. interview de Dorian Deven





L’art, comme la religion, cache autant qu’il révèle. Philip-Lorca diCorcia est excellent dans ce domaine. Ses photographies sont semblables à des feuilletons de tous les jours avec des vedettes sans nom. Ses personnages sont semblables à ce que E.M. Forster, dans Aspects du Roman, nommait les personnages banals, par opposition aux personnages conséquents. Ce sont des figurants, des gens de la rue surpris in medias res des gens anonymes qui soudain acquièrent une identité. Il prépare une mise en scène afin de révéler un but caché quand des personnages se trouvent sans le savoir dans ses éclairages. Les images deviennent des images de Vanitas par défaut. Les éclairés ne sont pas des saints, ni des poètes se scrutant le nombril, mais des personnages séculaires dont le regard est fermement fixé sur nulle part. C’est ce que recherche la mode avec ses séductions, ses appels du pied, et ce qui a fait de Philip-Lorca diCorcia une cible pour les larcins nonchalants et quotidiens de la mode. Ses images fonctionnent. Elles sont des arrêts sur image de la vie en train de se passer. Mais c’est la photo elle-même qui capte notre attention.L’éclairage, la mise en scène, les personnages et le style. Les magazines souhaitent son genre de style direct et ne se gênent pas pour

l’emprunter. Et pourquoi ? Peut-être parce que la mode souhaite avoir plus que du simple glamour. Une «vraie» photo de mode par Philip-Lorca diCorcia est bénie, car elle possède l’énigme que l’on ne trouve généralement que dans l’art et dans la religion. L’auteur d’un roman joue à être omnipotent. Dans les religions, Dieu est le patron. Les personnages de Philip-Lorca diCorcia nous montrent quelque chose du potentiel inconnu de la vie, qui est l’énigme incarnée. Il joue à être l’omnipotent pondéré, mais ne nous présente pas d’histoire bien ficelée ou de fin bien léchée. Dans ses œuvres, il donne à un personnage de la vraie vie une place de premier plan. Quel personnage mettre au premier plan dans une scène particulière est la décision qu’il doit prendre. C’est là que la photo se définit et là que nous reconnaissons son influence et son art qui, sous un éclairage intense, aborde le dilemme impénétrable de l’existence. Photo couverture W, March 2000, Framed: 37 x 44 3/4 inches (94 x 113.7 cm) Photo 4e de couverture . W, May 2008


St or y b ook li fe

St reet wor k Mexico City 1998 Cairo, 1988 Los Angeles1993 Havana, 1999 Tokyo, 1998 New York, 1997 Hong Kong, 1996 lorcia- 1997 Barcelona, 1995 Francesco 1985 Hilton Als 1986 Rome 1996 NewYork 1993 Cuba 1999 Tokyo 1994 Naples 1994 Havana 1999 new-york Barcelona, 1995 New York City, 1982 New York City, 1999

Singapore, 1993 Paris, 1998 Milan, 1985 Berlin, 1997

Prints, 75,2 x 101,6 cm

A-Storybook Hartford1978 Brian - 1988 hartford 1989 wellfleet 1993 New Haven1978 Sergio & Toti 1985 Catherine 1981 DeBruce1999 Max1983 Mario1978 A-Storybook Hartford, 1989 Hartford, 1980 Wellfleet, 1993 Kent, 1979 Tim1990 A Storybook Life, 2003 «New York City», 1996 Hartford, 1980 Igor 1987

He a ds Gianni 1984 Hartford, 1978

Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head Head

Prints, 40,5 x 52 cm

Prints, 122 x 152,5 cm

# # # # # # # # # # # # # # # # # #

17 09 02 03 14 01 04 11 23 15 18 05 12 20 08 07 10 16

-

2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000


Pool - d ancer s

Hus t ler s

Lola - 2004 Hannah - 2004 Asia - 2004 Tennille - 2004 Juliet Ms. Muse - 2004 Amber - 2004 Harvest moon - 2004 Sin - 2004 Heema - 2004

‘William Charles Everlove; 26 years old ‘Ike Cole, 38 years old, Los Angeles Brent Booth, 21 years old, Iowa, 1990-1992 Mike Miller; 24 years old; Allentown, Pennsylvania;1990-92 Gerald Hughes ; 25 years old; Southern California,1990-92 Chris, 28 years old, Los Angeles, California,1990-92 Tim1990 Mike, 26 years old Todd M. Brooks; 22 years old; Denver, Colorado;1990-92 Marilyn, 28 years old, Las Vegas, Nevada,1990-92 Ralph Smith; 21 years old; Florida; 1990-92

Prints, 175 x 125 cm

W ohn Marcus Allen, 31 years old, Georgia David-Theodore-Lane Untitled Eddie Anderson, 21 Years Old, From Houston

Prints, 61 x 51 cm

W, March2000 W, November 2003 W, September 2000 W, September 2000 W, September 1997 W, March 2000 W, September 1997 W, February 2007 W magazine W The secret History, ST Petersbourg W,september 1999 W,September 2000 W, september 2001 W, March 2000 W, Septempber 1999 W, September 1997 W, September 1997 W, September 1997 W, March 2000 W, May 2008

W magazine, 1997 W, September 2001 W, March 2000 W, September 2001 W, September 2001 W, September 1999 W, March 2000 Untitled W, September 2000 W, September 1997 W, March 2000 W, Septempber 1999 W, September 1997 W, September 1997 W, March 2000 W, May 2008 W magazine, 1997 W, september 2001

Prints, 109 x 148 cm



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.