Photographies de la collection Ruth et Peter Herzog
13 septembre – 13 décembre 2020
www.antikenmuseumbasel.ch
Portrait d’un drogman (guide de voyageurs), Tirage albuminé, 1860–1867, Félix Bonfils © by Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel. All rights reserved
Oriental Grand Tour
LA COLLECTION DE PHOTOGRAPHIES DE RUTH ET PETER HERZOG La collection du couple Ruth et Peter Herzog-Wyss raconte à travers des photographies l’histoire humaine dans la société industrielle depuis 1839. Il s’agit d’œuvres datant de l’époque des pionniers ainsi que de documents de toutes époques confondues : des photographies professionnelles, artistiques, mais aussi amatrices. Toutes les techniques analogiques de l’histoire de la photographie depuis l’invention du média y sont présentes. Tandis que la collection continue son expansion, son archivage, sa conservation, l’organisation d’ateliers, de conférences et de visites guidées, la réalisation d’expositions au sein de la collection ainsi que dans d’autres institutions sont aussi 2
réalisés. S’y ajoutent des publications telles que des catalogues d’exposition, des livres, des articles dans des revues et des magazines, des cartes postales, des affiches et des vidéos. La collection, l’expertise et la bibliothèque sont à la disposition des particuliers intéressés ainsi que des institutions nationales et internationales (écoles, universités, musées) à des fins d’enseignements, de recherches, d’expositions et de publications. Peter et Ruth Herzog-Wyss constituèrent leur collection de photographies avec méticulosité, ténacité et expertise, en utilisant non seulement tout leur savoir mais aussi toutes leurs ressources. Pour leur engagement culturel, ils reçurent conjointement le Prix de la culture de la ville de Bâle en 2000 et un doctorat honorifique de la faculté de philosophie et d’histoire de l’Université de Bâle en 2002. 3
ITINERA CUM CAMERA Après des siècles d’activités exercées dans le monde entier par des marchands, des soldats et des missionnaires, la photographie – inventée en 1839 – offrit pour la première fois la possibilité de saisir de manière simple ce que l’on voyait dans des pays étrangers et sur des continents lointains. Les photographies exposées à l’Antikenmuseum Basel en sont des témoins spectaculaires. Peu après l’invention de ce média, les connaissances et les compétences photographiques se développèrent rapidement. Le dessin des sites anciens, souvent fastidieux, fut remplacé par la photographie qui, après l’introduction de la plaque sèche, fut plus facile à réaliser. Des ateliers photographiques virent le jour. Cependant, à l’époque 4
des pionniers de la photographie (vers 1839–1860), des photographes étaient occasionnellement engagés pour accompagner des aristocrates lors du Grand Tour, un voyage autour de la Méditerranée. Si au début, seules quelques personnes instruites et fortunées (principalement des Anglais et des Français) visitaient les lieux bibliques et les sites anciens, ces périples furent de plus en plus prisés au cours du XIXe siècle par les touristes qui demandaient également des photos pour les présenter plus tard avec fierté à ceux restés chez eux. Parallèlement à l’industrie du tourisme, celle de la photographie se développa. Des milliers de clichés de notre collection, dont certains présentés ici, en témoignent : Italie, Grèce, Égypte, Turquie, Palestine, Perse, aucun monument n’échappa à la photographie. Ces images étaient gé-
néralement directement vendues par les ateliers qui proposaient des photos individuelles ou des albums entiers, compilés selon les souhaits des voyageurs. Outre les monuments, il était possible de s’offrir des représentations de paysages des pays visités ainsi que des photos de type folklorique. Certains modèles y tenaient des rôles différents selon le motif, comme par exemple les vendeurs d’eau et de melons ou les rabbins et les gardiens de harem. La quête d’exotisme de la clientèle masculine trouvait satisfaction à travers des photographies de femmes plus ou moins séduisantes et vêtues qui pouvaient également apparaître dans des rôles divers. Curieusement, les archéologues eurent longtemps des difficultés avec la photographie, bien que Henri William Fox Talbot (1800–1877), l’inventeur du négatif sur papier, eût
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déjà mentionné les avantages évidents du procédé, par exemple lors des fouilles. Aujourd’hui, nous sommes heureux qu’un certain nombre d’archéologues ait laissé non seulement des documents écrits et dessinés mais également des photographies. Grâce à ces dernières, beaucoup d’informations qui auraient pu être irrémédiablement perdues furent préservées. Les archéologues en particulier sont très reconnaissants envers ce procédé, car sans lui, de nombreux détails importants manqueraient à la reconstitution de monuments anciens. Peter Herzog
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VOYAGES EN ORIENT ET PHOTOGRAPHIE AU XIXe SIÈCLE Les voyages au Moyen-Orient connurent un véritable essor au cours du XIXe siècle avec le développement d’un tourisme destiné aux riches Européens conformément à la tradition du Grand Tour. Il s’agissait d’un parcours initiatique très populaire dès la fin du XVIIe siècle, notamment auprès des aristocrates anglais, allemands et français qui affectionnaient les destinations telles que l’Italie, la Grèce et l’Asie Mineure. En Europe, la fascination pour l’Orient n’était cependant pas nouvelle. Inspirés par les descriptions des premiers explorateurs et aventuriers, les peintures orientalisantes, la volonté de suivre les traces des pèlerins chrétiens en Terre 8
Sainte ou encore de visiter les sites archéologiques récemment découverts, les voyageurs européens s’aventurèrent de plus en plus nombreux dans cet éprouvant périple. Des récits de voyage tels que «Itinéraire de Paris à Jérusalem» (1811) de F.-R. Chateaubriand ou «Voyage en Orient» (1851) de G. de Nerval contribuèrent également de manière significative à cet attrait pour l’Orient. Dans le contexte des débuts de la photographie en Orient, l’expédition d’un autre écrivain joue un rôle particulier : celle de Gustave Flaubert (1821–1880). Avec son ami, le photographe Maxime Du Camp (1822–1894), Flaubert voyagea en Égypte, en Nubie, en Palestine, en Asie Mineure et en Grèce entre 1849 et 1852. Du Camp compléta les notes de voyages de Flaubert par des photographies et rapporta près de 200 négatifs sur papier
de leur voyage qu’il publia en plusieurs volumes comme «Souvenirs et Paysages d’Orient» (1848) ou «Égypte, Nubie, Palestine, Syrie» (1852). Pour ses prises, il utilisa le procédé photographique du calotype (ou talbotype en référence à son inventeur Henry Fox Talbot) développé vers 1841. Le grand avantage du calotype par rapport aux techniques antérieures telles que le daguerréotype, dans lequel chaque tirage était unique et ne pouvait être reproduit, consistait en un procédé négatif-positif. Ainsi, plusieurs tirages positifs pouvaient être obtenus en les copiant par contact à partir d’un négatif sur papier. Cela offrit la possibilité de reproduire alors les photographies et de les publier dans des albums. Au milieu du XIXe siècle, l’âge d’or de la photographie commença avec le perfectionnement du calotype et l’usage de plaques de verre comme
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support à la place du papier. Le développement de la photographie comme moyen de documentation favorisa l’engouement pour les voyages en Orient qui influencèrent à leur tour l’utilisation et la diffusion de la photographie dans cette région. À partir des années 1860, des photographes européens et locaux ouvrirent de nombreux studios spécialisés, comme à Beyrouth, Constantinople ou Damas afin de répondre à la grande demande de photos souvenirs.
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VOYAGES EN ORIENT Alors que les voyages en Orient étaient encore sélectifs au début du XIXe siècle et réservés aux diplomates, aux chercheurs, aux pèlerins et autres privilégiés de la classe supérieure, ces périples se démocratisèrent dans les années 1850. Grâce à l’amélioration de la mobilité comme le développement des routes maritimes et des liaisons ferroviaires, et avec l’ouverture croissante des pays du Moyen-Orient aux visiteurs occidentaux, les voyages s’étendirent plus largement à une clientèle bourgeoise. Le désir d’une éducation universelle, l’attrait de l’exotisme, mais aussi la volonté d’explorer l’histoire du christianisme en empruntant les voies bibliques attirèrent de plus en plus d’Européens au Moyen-Orient. Ces motivations 12
étaient soutenues par un sentiment de supériorité envers le Levant façonné par le colonialisme. En 1869, l’entrepreneur Thomas Cook, d’abord spécialisé dans les voyages en Europe, proposa pour la première fois à sa clientèle européenne une croisière sur le Nil. La même année, les premiers voyages organisés en Palestine furent également à la carte. Depuis l’Europe, le Moyen-Orient était atteint par différentes routes. Dans la plupart des cas, les voyageurs se rendaient d’abord par bateau à Alexandrie ou à Port Saïd puis vers Jaffa, Beyrouth ou Tripoli. Une autre liaison maritime passait par le Pirée (Grèce) pour se rendre ensuite à Constantinople ou à Smyrne (Izmir) et ensuite rejoindre le Levant. À l’origine, les voyages proposés qui disposèrent entre temps de leurs propres infrastructures avec des agences de voyages locales, des
guides (appelés drogmans) et des hébergements, se concentrèrent sur la Palestine, où l’accent fut surtout porté sur la visite de sites bibliques. Cependant au fil du temps, d’autres destinations de voyages au Liban et en Syrie furent également proposées focalisant cette fois leur intérêt sur la visite des sites anciens tels que Baalbek et plus tard Palmyre. Si l’on considère le développement du tourisme en Orient au XIXe siècle et sa popularité croissante, il n’est pas surprenant que la photographie en Orient, adaptée au besoin des voyageurs, ait parallèlement connut un véritable essor.
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Portrait d’un drogman (guide de voyageurs) Tirage albuminé, 1860–1867 Félix Bonfils Inv. L0412_F16
2 Groupe de voyageurs à Béthanie (Judée) Tirage gélatino-argentique, 1894 Photographe inconnu Inv. L0415_F22
© Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 15
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GRÈCE La Grèce était souvent la dernière étape des Européens sur le retour du voyage en Orient. Leur intérêt – comme à l’époque du Grand Tour aux XVIIe et XVIIIe siècles – était principalement axé sur les monuments anciens. Dimitrios Konstantinou (1820–1900) est considéré comme l’un des premiers photographes de Grèce. Il travailla d’abord en tant qu’assistant des pionniers de la photographie James Robertson (1813–1888) et Felice Beato (1832–1909) lors de leur voyage en Grèce. Il fonda son propre atelier photographique à Athènes en 1858 et vendit des images de sites antiques aux touristes. Outre cette photographie commerciale, Konstantinou était également au service de la Société Archéologique d’Athènes, pour laquelle il photographia les monuments de la 18
ville et documenta les travaux. Par exemple, dans l’une de ses prises célèbres de l’Acropole d’Athènes, les tas de gravats suite aux travaux de déblaiement entrepris par la Société Archéologique sont parfaitement visibles. Il est également possible de voir sur la photo, dans la zone des anciens propylées, la tour franque, une tour fortifiée datant du XIVe siècle et détruite en 1875. La seconde moitié du XIXe siècle fut l’époque des premières grandes fouilles archéologiques en Grèce et particulièrement à Athènes. De nombreux monuments, comme le théâtre de Dionysos sur la photo d’Henri Beck, furent fouillés et restaurés. La photographie n’était pas seulement utilisée pour documenter les monuments anciens, loin de là : des ouvrages témoignant des progrès de la Grèce, comme la construction du canal de Corinthe
(1881–1893) qui permit d’éviter de naviguer sur la dangereuse voie contournant le Péloponnèse fournirent également des sujets de photographies appréciés.
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3 Athènes, versant sud de l’Acropole Tirage albuminé, 1860–1865 Dimitrios Konstantinou Inv.-Nr. L0363_F13 4
Athènes, Théâtre de Dionysos lors des fouilles Tirage albuminé, 1864–1868 Henri Beck Inv. L0363_F19
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Travaux de construction du canal de Corinthe Phototypie, vers 1885 Photographe inconnu Inv. L0352_F12
© Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 21
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CONSTANTINOPLE Constantinople – le pont entre Orient et Occident – était sans aucun doute l’une des villes les plus importantes dans le succès de la photographie en Orient. La perle du Bosphore séduit de nombreux Européens, comme l’écrivain français Pierre Loti (1850–1923). Ses descriptions de Constantinople dans le roman «Aziyadé» (1879) livrent des témoignages saisissants de la fascination que la ville exerçait sur les visiteurs occidentaux. À partir du milieu du XIXe siècle, l’augmentation du nombre de voyageurs en Orient ainsi que la demande croissante de photographies qui en résultait amenèrent de nombreux ateliers photographiques à s’établir sur place. Ainsi, Pascal Sébah (1823–1886) ouvrit son premier studio dans le 24
quartier de Péra dès 1857. Le choix de cette localisation n’était pas le fruit du hasard, car elle se situait au centre des activités touristiques de Constantinople, près des ambassades, des consulats et des hôtels. Sébah, fils d’un père catholique syriaque et d’une mère arménienne, devint l’un des photographes les plus productifs de la ville. Son fils Jean-Pascal Sébah (1872–1947) reprit l’atelier et s’associa en 1890 avec le français Policarpe Joaillier. En plus des portraits folkloriques de cette période, très prisés par les acheteurs occidentaux, Sébah et Joaillier se spécialisèrent également dans les curiosités (architecturales) de la ville sur le Bosphore. Peu avant le début de la Première Guerre Mondiale, ils furent chargés de photographier tous les monuments de Constantinople.
Les trois frères Viçen (1820–1902), Hovsep (1830–1908) et Kevork Abdullah (1839–1918), également originaires d’Arménie, ouvrirent leur premier atelier photographique sous le nom Abdullah Frères en 1858 dans le quartier de Péra. Leur répertoire comprenait des photographies de la ville, notamment des panoramiques, mais leur renommée s’appuyait surtout sur les portraits de personnages célèbres, après avoir été choisis en 1863 comme photographes officiels de la cour par le sultan ottoman Abdulaziz. Les nombreux clichés qu’ils prirent sur demande de la Sublime Porte de Constantinople, mais aussi de tout l’Empire ottoman, furent compilés dans un album en 1863 puis offerts à la Library of Congress de Washington ainsi qu’au British Museum de Londres.
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Constantinople, Pont de Galata Tirage albuminé, 1870–1875 Pascal Sébah Inv. L0363_F23
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Constantinople, Quartier de Péra Tirage albuminé, 1885–1895 Guillaume Berggren Inv. L0391_F10
9 Constantinople, Intérieur de Sainte-Sophie Tirage albuminé, 1860–1870 Pascal Sébah Inv. L0363_F25
8 Constantinople, Mosquée de Yeni-Djami Tirage albuminé, 1870–1880 Viçen Abdullah Hovsep Abdullah Kevork Abdullah Inv. L0363_F29
© Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 27
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BEYROUTH Outre Constantinople, Beyrouth était également considérée comme un haut-lieu des débuts de la photographie en Orient. En tant que port d’escale sur de nombreuses routes maritimes en provenance d’Europe, la ville constituait le point de départ d’excursions vers l’intérieur du pays ou la suite du voyage vers Jérusalem ou Damas. Avec l’augmentation des flux touristiques, une demande florissante de souvenirs photographiques s’y développa. En 1867 Félix Bonfils (1831–1885), originaire d’Alès (France), fonda le plus célèbre et le plus prospère des ateliers photographiques de Beyrouth – la Maison Bonfils – qu’il dirigea avec sa femme MarieLydie Cabanis et plus tard avec son fils Adrien. La Maison Bonfils devint un véritable leader du marché avec 30
plusieurs centaines de négatifs et 15’000 tirages proposés. Peu de temps après, Bonfils ouvrit des succursales à Alexandrie, au Caire, à Jérusalem et à Baalbek. Au départ, Bonfils se spécialisa dans les photographies de sites bibliques qu’il proposait individuellement ou sous forme d’un album en cinq parties avec de courtes descriptions intitulé «Souvenirs d’Orient» (1877). Il reçut un prix pour cet ouvrage lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1878, ce qui consolida la renommée de la Maison Bonfils. Hormis les photographies habituelles de monuments, les clichés de l’atelier Bonfils représentants des habitants locaux, comme celui du drogman présenté au début de cette exposition, furent particulièrement populaires auprès des touristes à partir de 1870. Ces images, considérées de nos jours comme des stéréotypes, non 31
sans controverse, sur lesquelles les locaux étaient mis en scène et représentés selon des groupes ethniques, des professions et des rôles sociaux, alimentèrent l’archétype des Orientaux différents très répandu parmi les Européens. 10 Beyrouth Tirage albuminé, 1860–1880 Félix Bonfils Inv. L0361_F8 11
Beyrouth et le Mont Liban Tirage albuminé, vers 1870 Félix Bonfils Inv. L0412_F9
© Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 32
LA TERRE SAINTE Dès le début de la photographie en Orient, la Palestine eut une signification particulière. Ce statut était étroitement lié aux recherches florissantes à son sujet au cours du XIXe siècle. Jusqu’alors, cette région n’était réservée qu’à quelques pèlerins, missionnaires et explorateurs. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la recherche scientifique sur la Palestine connut un véritable essor. La création du Palestine Exploration Fund britannique (1865) ou du Deutscher Verein zur Erforschung Palästinas (1877) qui existent encore de nos jours en sont la preuve. Si les premières motivations qui menèrent les pionniers de la photographie vers le Levant, comme le français Maxime Du Camp (1822–1894) ou le britannique 34
Francis Frith (1822–1898), furent tout d’abord bel et bien d’ordre scientifique et documentaire, la photographie commerciale en Orient s’imposa rapidement en Terre Sainte, une destination qui devint de plus en plus prisée. La faiblesse politique de l’Empire ottoman et la présence accrue des grandes puissances européennes entraînèrent une ouverture de la région aux voyageurs européens à partir du milieu du XIXe siècle. Avec l’amélioration de la mobilité et l’augmentation conséquente des excursions à motif religieux, les sites bibliques devinrent des destinations populaires pour les touristes européens. Suite aux pèlerinages et aux explorations antérieures, Jérusalem fut la principale destination. Cependant, Bethléem, Jéricho, Hébron, Nazareth et le lac de Tibériade devinrent également d’autres étapes aux programmes des
voyages. Même si les monuments de la chrétienté (comme l’église du Saint Sépulcre ou la Via Dolorosa) constituaient les principaux centres d’intérêt de Jérusalem, des monuments juifs et islamiques (comme le Mur des Lamentations ou le Dôme du Rocher) étaient également visités et photographiés. La Maison Bonfils publia les albums photographiques «Souvenirs de Jérusalem» (1880) et «Nazareth et ses environs» (1894).
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Jérusalem, Dôme du Rocher Tirage albuminé, 1890–1894 Francis Frith Inv. L0415_F12
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Jérusalem, Citadelle (« Tour de David ») Photochrome, 1895 Photoglob Co. Inv. L0415_E1_F3
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Jéricho (Palestine) Photochrome, 1895 Photoglob Co. Inv. L0415_E1_F1
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Pèlerins à Bethléem le jour de Noël Tirage albuminé, 1860–1880 Félix Bonfils Inv. L0361_F23
15 Monastère de Mar Saba (Palestine) Tirage albuminé, 1860–1880 Félix Bonfils Inv. L0412_F6 © Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 37
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SYRIE En dehors de la Palestine, l’intérêt des voyageurs européens se porta également sur les témoins de la tradition biblique. Une photographie imprimée par F. Bonfils dans ses «Souvenirs d’Orient» (1877), montre, par exemple, un tronçon de la muraille de Damas, où, selon les Actes des Apôtres (9, 25), Saint Paul aurait fui la ville. Après les lieux chrétiens, les monuments païens devinrent bientôt des destinations tout aussi appréciées. Louis Vignes (1831– 1896) compte, avec Luigi Pesce (1827– 1864), parmi les premiers photographes en Orient. Déjà en tant que jeune marin, Vignes s’intéressait à la technique naissante du calotype et documenta au moyen de photographies le voyage qu’il effectua en Sicile, en Turquie, au Liban 40
et en Palestine entre 1859 et 1862. En raison de ses compétences photographiques et de ses connaissances du Moyen-Orient, Vignes fut recommandé par la Marine française à l’aristocrate et archéologue Honoré d‘Albert Duc de Luynes (1802–1867) qui préparait une expédition en Orient et cherchait un photographe pour ce projet. Le voyage de 1864 conduit Vignes de Beyrouth à Palmyre en passant par la Palestine. 62 photographies de Vignes furent publiées à titre posthume en 1871 dans l’ouvrage du Duc de Luynes «Voyage d’exploration à la Mer Morte, à Petra et sur la rive gauche du Jourdain». Les deux photos présentées ici furent prises par Vignes à Palmyre, mais ne figuraient pas dans la publication du voyage. Le célèbre photographe français Charles Nègre reproduisit les deux tirages sur papier albuminé avant la publication du récit
de voyage. Il s’agit donc des plus anciens témoins photographiques de Palmyre. L’image de la tour funéraire d’Elahbel est d’autant plus remarquable que le monument fut victime de la folie destructrice de Daesh en 2015 et irrémédiablement détruit.
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17 Damas, Rempart de la ville Tirage albuminé, 1875 Félix Bonfils Inv. L0363_F30 18 Damas, Cour de la Mosquée des Omeyyades Tirage albuminé, 1865–1875 Suleiman Hakim Inv. L0415_F19 19
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Palmyre, Temple funéraire Tirage albuminé, 1864 Louis Vignes Inv. L1031_F9
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Palmyre, Tour funéraire d’Elahbel Tirage albuminé, 1864 Louis Vignes Inv. L1031_F10
Baalbek, Temple de Bacchus Tirage albuminé, 1872 Félix Bonfils Inv. L0363_F35
© Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 43
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PERSE L’officier napolitain Luigi Pesce (1827–1864) arriva en Iran en 1848, où il eut pour mission de moderniser l’infanterie perse au service du Shah Nāser ad-Din Shāh. En plus de son travail d’instructeur militaire, Pesce travailla également comme photographe amateur. Dans ce rôle et grâce à sa fonction officielle à la cour du Shah, il put non seulement saisir des vues de Téhéran, mais fut également autorisé à prendre des photos des membres de la famille royale. Son activité de photographe fut promue par le Shah lui-même qui avait développé une passion personnelle pour la technique encore balbutiante de la photographie. Dès 1850, le Shah voulut envoyer le daguerréotypiste français Jules Richard 46
à Persépolis pour photographier la ville de résidence des Achéménides, ce qu’il ne put réaliser faute de fonds. En 1857, Pesce, qui contrairement à Richard avait reconnue l’importance d’un tel voyage et voulait s’assurer les faveurs du Shah, entreprit une expédition vers les ruines historiques de la Perse à ses propres frais. Les photographies de Persépolis, Pasargades et Naqsh-e Rostam prises par Pesce sont considérées comme les plus anciennes images conservées de ces sites anciens. En 1858, Pesce présenta à son client le résultat de cette campagne photographique, enrichie par des images de Téhéran, sous forme d’un album, toujours conservé dans la collection du Palais du Golestan à Téhéran. Pesce envoya d’autres tirages qu’il rassembla également dans des albums pour le Comte Camillo Benso Cavour et l’empereur Guillaume Ier de
Prusse. En 1860, une sélection de 42 tirages au sel et sur papier albuminé compilés par Pesce dans un autre album fut présentée à son ami, le célèbre diplomate anglais et père de l’assyriologie Sir Henry Creswicke Rawlinson (1810–1895). Pesce le lui offrit comme cadeau d’adieu personnel peu avant son départ de Perse. Les photographies de Pesce ont une valeur historique particulière : elles incarnent non seulement les premières photographies des anciens monuments persans, mais témoignent également des nombreux monuments de Téhéran disparus aujourd’hui ou fortement transformés.
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Persépolis, Porte (« Porte des Nations ») Tirage albuminé, 1858 Luigi Pesce Inv. L0337_E1_F5
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Persépolis, Relief avec les délégations assujetties provenant de l’escalier nord de la salle d’audience (« Apadana ») Tirage albuminé, 1858 Luigi Pesce Inv. L0337_E1_F10
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Taq-e Bostan, Relief sassanide avec chasse aux sangliers Tirage albuminé, 1850–1858 Luigi Pesce Inv. L0337_E1_F14
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Naqsh-e Rostam, Relief sassanide Tirage albuminé, 1850–1858 Luigi Pesce Inv. L0337_E1_F9
© Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel (Stiftung) 49
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IMPRESSUM Direction générale: Andrea Bignasca Michel Pompanin Concept d’exposition: Laurent Gorgerat Claudia E. Suter Prêts: Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett (Stiftung), Basel Scénographie & Graphisme: Giorgia Imber Trinidad Moreno Publicité & social media: Tine Dittmar Textes: Laurent Gorgerat Peter Herzog Relecteurs: Anna Laschinger Tomas Lochman 51
Traductions: Aurélie Gorgerat (fr.) Sandy Hämmerle (engl.) Restauration / Montage: Kurt Bosshard Susanne Dürr Olivier Berger Médias / Marketing: Alexandra Maurer Montage / Technique: Abdeslam Achlhi Urs Kaufmann
Exposition réalisée grâce au généreux soutien de : Claudia E. Suter 52
BIBLIOGRAPHIE B. Forster, Fotografien als Sammlungsobjekte im 19. Jahrhundert. Die Aphons-StübelSammlung früher Orientfotografien (Weimar 2013) J. Hannavy (éd.), Encyclopedia of Nineteenth-Century Photography, Vol. 1 A-I (New York 2008) M. Luchterhandt (éd.), Das unschuldige Auge. Orientbilder in der frühen Fotografie, Katalog zur Ausstellung Göttingen, Kunstsammlung der Universität, 23. April – 17. September 2017 (Petersberg 2017) C. W. Sui – A. Wieczorek (éds.), Ins Heilige Land. Pilgerstätten von Jerusalem bis Mekka und Medina, Katalog zur Ausstellung Mannheim, Reiss-Engelhorn-Museen, 23. Juli – 5. November 2006 (Heidelberg 2006)
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partenaires mĂŠdia:
Exposition financĂŠe par Claudia E. Suter