HISTOIRE & PATRIMOINE ASSOCIATION PRÉHISTORIQUE ET HIS TORIQUE DE LA RÉGION NAZAIRIENNE
L’histoire locale de la Région Nazairienne et de la Presqu’île Guérandaise
C’était le Casino de Saint-Nazaire Souvenirs d’un jeune réfugié nazairien Les Amis de la Chanson
Monsieur Hulot à Saint-Marc
42 ans de chant choral à Saint-Nazaire
Une journée particulière La Baule : 1er août 1914 Le Gargantua Guérandais Les villages disparus de Mesquer Marcel Baudry (1920-1996) Le Pouliguen au cœur
A.P. H.R.N - n° 87 - juillet 2016 - 10 €
Pêcherie, près du pont de Saint-Nazaire Photo Roland Chevillard
L
Éditorial
es pages brunes, couleur de boue, placées au centre de notre revue, sont réservées aux textes relatifs à la guerre de 1914-1918. Cette couleur n’a pas été choisie au hasard. C’est une allusion aux conditions de vie, ou plutôt de mort, des hommes appelés au front. Il est bon de se les remémorer afin qu’ils ne s’évanouissent pas tout à fait dans l’oubli, « nuit sombre, où va tout ce qui tombe »1. Nombreuses sont les familles possédant encore des témoignages de différentes époques, et en différents domaines. Qu’ils soient adhérents, ou uniquement lecteurs, nous sommes heureux de les accueillir dans nos pages. C’est à l’honneur de leurs ancêtres. Rappelons que nous sommes tenus de déposer à la BNF (Bibliothèque Nationale de France) un exemplaire de notre revue HISTOIRE & PATRIMOINE, lors de chaque parution. Nos écrits sont des moyens, dérisoires, peut-être, de lutte contre la disparition totale de toutes ces vies, mais c’est un geste dont l’idée restera. Car seules les idées survivent. Nous tentons de conserver le souvenir de ceux qui nous ont précédés, quelles qu’aient été leurs vies, à toutes les époques, jusqu’aux plus reculées. But ambitieux. Ainsi en est-il des pêcheries le long de l’estuaire ligérien, aux environs de l’an Mil, et des villages disparus de Mesquer. Venant de la nuit des temps, Gargantua — une découverte locale, qui l’eut cru — fait l’objet d’un article original étayé, inattendu. En comparaison, les autres personnages et évènements semblent contemporains. Les Hospitaliers de l’Ordre de Malte, les traces qu’ils nous ont laissées sont l’occasion d’une étude, puis on a plaisir à retrouver ce mariage princier à Saillé. Les faits plus récents entrent, eux aussi, chaque jour qui s’écoule, dans l’histoire. Qu’il s’agisse du Casino de Saint-Nazaire, lieu de réceptions officielles ou de fêtes, de biographies de personnalités marquantes, de souvenirs personnels franchissant nos frontières, ou de ceux d’un enfant lors d’une époque tragique, de baraques construites dans l’urgence, après les bombardements subis pendant la Seconde Guerre mondiale, tous ces titres, indiqués au sommaire, ont leur rôle inhérent à notre région. Même si nos travaux sont minimes en comparaison de la somme de documents accumulés, c’est une chance de pouvoir fixer ces épisodes. Un jour, des chercheurs, des historiens passionnés, comme il en existe à présent, découvriront quelques détails qui les aideront. Un peuple qui oublie son histoire se sclérose, est appelé à disparaître. Il ne se comprend plus. N’oublions pas que le passé a toujours un lien avec le présent, qui, lui-même s’enchaîne avec le futur que nous créons.
Christiane Marchocki Présidente de l’APHRN
1 - « Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie… En vain l’oubli, nuit sombre, où va tout ce qui tombe… » Victor Hugo. 1e page de couverture : Statue de Monsieur Hulot, devant la plage de Saint-Marc. (Photo Daniel Sauvaget - 2008)
Histoire & Patrimoine n° 87 — juillet 2016
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A . P. H . R . N
Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne
Agora (case n° 4) 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire aphrn.asso@gmail.com - http://aphrn.fr - Tél. 06 62 58 17 40 HISTOIRE & PATRIMOINE n° 87 - juillet 2016 Editeur : A.P.H.R.N Directrice de la publication : Christiane Marchocki Maquette/Mise en page : Tanguy Sénéchal Impression : Pixartprinting Dépôt légal : 3e trimestre 2016 N° ISSN : 2116-8415 Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145
Contribuez à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE Vous vous intéressez à l’histoire, et, en particulier, à l’histoire de notre région ? Vous souhaitez apporter votre témoignage sur une époque, aujourd’hui révolue ? Vous possédez des documents, ou objets, anciens (écrits, photos, dessins, peintures, tableaux, sculptures, objets divers), qui pourraient faire l’objet d’une publication ? Vous aimez écrire, raconter, transmettre, ce qui vous intéresse, ou vous tient à coeur, et qui a trait à l’histoire locale ? L’APHRN vous propose de publier vos écrits, ou documents, ou de transcrire vos témoignages, dans la revue HISTOIRE & PATRIMOINE. Téléphonez-nous, au 06 62 58 17 40, ou écrivez-nous, à l’adresse ci-dessous, ou, tout simplement, adressez-nous, directement, votre texte, sous forme numérique. Vos propositions seront examinées avec la plus grande attention et soumises au conseil de direction de l’APHRN, qui vous répondra dans un délai d’un mois, maximum. Adresse électronique : aphrn.asso@gmail.com - Adresse postale : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire
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— Histoire & Patrimoine n° 87 juillet 2016
SOMMAIRE HISTOIRE & PATRIMOINE n° 87 — juillet 2016
01 04 08 16 P. 26 22
Éditorial
Christiane Marchocki
C’était le Casino des Mille Colonnes de Saint-Nazaire Patrick Pauvert
Souvenirs d’un jeune réfugié nazairien - 1940-1945 (2e partie)
Paul Correc
Monsieur Hulot à Saint-Marc Daniel Sauvaget
Les Amis de la Chanson
42 ans de chant choral à Saint-Nazaire Robert Richou
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Aux environs de l’An Mil, dans les Chartes
Les pêcheries sur les rives de l’estuaire ligérien Claude Thoméré
P. 42
42
Une Nazairienne, en 1988, à Berlin-Ouest et Berlin-Est
avant la Réunification de 1989 Michelle Speich
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Une journée particulière er La Baule, 1 août 1914 Alain Moussat
P. 56
P. 80
56
Mariage princier à Saillé
60
Le Gargantua Guérandais
65
Les villages disparus de Mesquer
70
Marcel Baudry (1920-1996) - Le Pouliguen au cœur
80
Françoise et Malou Roussel Jocelyne Leborgne
Geneviève Haspot - Marie-Anne Gerbault - Bernadette Pauvert - Maryvonne Caro
L’Ordre de Malte en Bretagne La commanderie de La Feuillée Jean de Saint-Houardon
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P. 94
Josick Lancien
Journal d’un aumônier breton - 1850 (18e partie) Christiane Marchocki
CA SE PASSE AUJOURD’HUI 96 96 - Un peintre de l’estran - Pierre Josse - Christiane Marchocki À LIVRE OUVERT 98 - Les baraques dans la ville - Regards sur l’histoire urbaine de Saint-Nazaire Daniel Sauvaget - Marcel Belliot 98 102 - Voyages au pays nantais - Christiane Marchocki 103 - Comme un port d’attache - Gérard Lambert-Ullmann 104 104 - Le débarquement de Quiberon ou le retour des émigrés - Christiane Marchocki 106 - à la découverte de Merquel, en Mesquer - Christiane Marchocki 108 L’ASSOCIATION Histoire & Patrimoine n° 87 — juillet 2016
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C’était le
Casino Mille Colonnes
des
de Saint-Nazaire 4
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Patrick Pauvert
Face à la baie du « Grand-Traict », entre le Jardin des Plantes et la grande plage de Sautron, le Casino de Saint-Nazaire, appelé Casino des « Mille colonnes » en raison des colonnettes qui ornaient la façade, est solennellement inauguré dans les premiers jours du mois de mars 1897. Histoire & Patrimoine n° 87 — juillet 2016
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Souvenirs
d’un jeune réfugié nazairien 1940-1945
(2ème partie) Paul Correc
Nous allions rendre visite à nos cousins de Redon, à pied. Nous marchions sur le chemin de halage parfois, lorsqu’il faisait beau, le long du canal de Nantes à Brest, sur lequel naviguaient de longues péniches. Quelquefois, nous devions céder le passage aux attelages de chevaux qui halaient les péniches sans moteur. À Redon, chez les cousins
C
’était toujours une joie d’aller à Redon ; j’aimais cette grande maison dans laquelle demeuraient nos cousins. C’était une vraie maison, avec de vrais meubles, des tableaux au mur
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et des bibelots sur le buffet de la salle à manger. Cette salle à manger, tout en longueur, avait une unique fenêtre qui donnait sur la grand-rue pavée. Les meubles étaient cirés et deux bustes de Bretons en porcelaine jaune et noir trônaient sur le buffet. On accédait à l’appartement situé au 2e étage de l’immeuble, par un
escalier en bois sans éclairage, qui sentait l’humidité. Ma mère ayant dû être opérée à nouveau en urgence de l’appendicite, nos cousins m’avaient cette fois encore accueilli. L’hôpital n’étant pas loin de la grand-rue, j’attendais chaque jour avec impatience l’heure des visites pour aller la voir.
Elle me gardait son dessert et se lamentait de m’avoir laissé seul ; moi j’étais heureux de la retrouver chaque jour. Je n’étais pourtant pas malheureux dans cette famille, mais je n’avais rien qui m’appartenait, pas le moindre jeu. Jean le fils de la maison, plus âgé que moi, en profitait pour me chahuter et me faire toutes sortes de petites « misères » ; mais à qui pouvais-je me plaindre ? J’avais besoin d’affection, mais dans cette famille, c’était un sentiment que l’on ne semblait pas connaître. Par ailleurs, lorsqu’à la T.S.F. on entendait la chanteuse Berthe Sylva chanter Les roses blanches, cela me rendait très triste. Je rêvais que c’était moi le petit garçon qui volait des roses blanches pour sa mère et qu’un jour, une infirmière me disait qu’elle était morte. Je courais toujours pour monter la côte qui menait à l’hôpital, en pensant à cela. Pourtant plus tard, ma mère et moi avons beaucoup chanté cette chanson, mais là, elle était bien vivante et tout près de moi.
La vie quotidienne Baptiste notre cousin, travaillait aux Ponts et Chaussées de Redon, dont les locaux se trouvaient devant le bassin à flot, proches de la minoterie1. Il avait un grand jardin près de la vilaine, qu’il cultivait le soir après le travail et tous les dimanches. Pour y accéder, nous empruntions l’écluse du canal de Nantes à Brest près du pont de la digue. Dans ce jardin, qui en hiver était souvent inondé, cousin Baptiste récoltait absolument tous les légumes et les fruits pour sa famille. Il en vendait aussi, je crois ; c’était la guerre et heureux celui qui alors possédait un jardin. Il en donnait aussi très régulièrement à ma mère et qui plus est, il cultivait un « carré » » spécialement pour nous. Nous allions régulièrement au jardin et nous ramenions des sacs de légumes sur le vélo de ma mère. Quelquefois, la côte de la garenne était difficile à monter, je poussais de toutes mes jeunes forces derrière le vélo. À cette époque, les femmes lavaient leur linge à la main ; mais à la campagne, 1 - Devenu un immeuble et le restaurant « La Minoterie » - Déjeuner de l’A.P.H.R.N. lors de l’excursion à Redon, en 2013.
Ancienne minoterie de Redon, transformée en immeuble et restaurant. (Photo Paul Correc) Page de gauche : Ancien hôtel de Ville de Saint-Nazaire, après les bombardements. (Photo Pierre Thual)
il fallait aller au lavoir. En principe, chaque famille avait un jour de réservé, sans que ce soit une règle absolue. Il valait mieux s’y tenir afin d’éviter les chamailleries. Le lavoir où ma mère lavait son linge se trouvait au lieu dit « la basse rivière ». Il se situait à plus d’un kilomètre de notre logement, et ma mère s’y rendait une fois par semaine ; sans doute lorsqu’il n’y avait pas école. Elle empruntait une vieille brouette, avec laquelle elle transportait son linge, sa brosse en chiendent, son savon-noir et son battoir. Je l’accompagnais toujours ; d’une part parce qu’elle ne me laissait jamais seul, mais aussi parce que je retrouvais des copains et des copines, avec qui je jouais dans les prés, les mares aux grenouilles dans lesquelles nous pataugions à la belle saison - bonjour l’hygiène - et dans les arbres alentour. Je crois encore entendre ce bruit si rythmé des battoirs en bois sur le linge mouillé. Je revois toutes ces femmes à genoux, qui trempaient, savonnaient, frottaient de leurs deux mains, ce linge dont il fallait prendre grand soin, car pour la plupart, elles ne pouvaient pas s’en acheter d’autre. Puis, afin d’en éjecter l’eau et les salissures, elles le tordaient, le frappaient de leurs battoirs
pour ne s’arrêter que lorsque l’eau qui s’en écoulait était redevenue propre. Pendant des heures, ce vacarme durait, mais cela ne les empêchait pas de parler. Tous les sujets y passaient ; la guerre bien sûr, car beaucoup de ces femmes avaient leurs maris, leurs frères ou leurs fiancés prisonniers. Elles savaient aussi rire ; quelques fois, sans doute parce qu’elles ne voulaient pas que les enfants entendent, elles nous demandaient d’aller jouer un peu plus loin. Nous étions beaucoup d’enfants à jouer à la « basse rivière ». Bien sûr pour nous, c’était un lieu de plaisir et du plaisir il y en avait. Il y en avait lorsque dès les beaux jours, nous allions pêcher les grenouilles dans les mares, équipés de lignes que nous confectionnions avec une ficelle et une épingle masquée d’un chiffon rouge ; les gaules n’étant que de simples branches d’arbustes, de saules surtout. Nous faisions des pêches miraculeuses et nous chahutions les filles avec les grenouilles, que nous leur jetions quelquefois ; quels cris elles poussaient ! Malheureusement, ce n’était pas toujours aussi gai ; il fallait aussi laver le linge en hiver et là, c’était une véritable corvée pour les lavandières. En effet, l’eau gelait dans le lavoir et il fallait casser la glace avec les battoirs pour pouvoir laver. Lorsque ma mère et moi nous ramenions chez nous le linge propre, c’était des blocs de glace que nous transportions aussi ; il fallait faire très attention de ne pas les casser au déchargement, au risque de déchirer le linge prisonnier. Pendant les grandes vacances, j’accompagnais ma mère à « l’Herbinerie » et quelquefois, ou plus exactement, à chaque fois qu’il le fallait, j’aidais les hommes et les femmes aux champs. J’aimais cela, car nous y allions en charrette à bœufs, en tombereau disait-on. C’était très lent et très inconfortable ; il fallait bien se tenir. Il n’y avait que moi qui montais dans le tombereau ; le maître et les commis marchaient à côté des bêtes, l’un d’eux tenant le long aiguillon, qu’il piquait régulièrement dans les encolures des bœufs. Le tombereau avançait, cahoteux, dans un bruit très spécifique à ce genre d’attelage, dû vraisemblablement au jeu important nécessaire des roues sur l’essieu sans roulements. Tout ce qui était cultivé
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Monsieur Hulot à Saint-Marc
Daniel Sauvaget
Monsieur Hulot a fait la gloire de Saint-Marc (sur Mer). Et Saint-Marc le lui rend bien — Saint-Nazaire aussi. Les hommages sont multiformes : la plage porte son nom, une fière statue la domine à son effigie, les cartes postales du lieu diffusent l’imagerie hulotienne, et, à quelques kilomètres de là, le cinéma d’Art et d’essai de Saint-Nazaire a été baptisé du nom de Jacques Tati — c’est justice, car contrairement à ce qu’ont écrit quelques critiques de cinéma pressés, Saint-Marc n’est pas une commune, seulement un lieu-dit.
E
t le nom n’apparaît jamais dans le film, sauf dans l’image finale, celle d’un tampon de la poste sur le timbre d’une carte postale — dont on ne sait si elle figurait dans le montage d’origine, en 1953, ou si elle a été ajoutée plus tard. Les Vacances de monsieur Hulot est bien le film le plus célèbre qui ait été jamais tourné à Saint-Nazaire. Il est vraisemblable que de nombreux spectateurs ont vu le film dans l’ignorance de la station balnéaire qui sert de décor, et qui, d’ailleurs, ne correspond pas à l’image traditionnelle de Saint-Nazaire, port/pont/constructions navales. Sur place, on ne peut ignorer que le héros de quatre films de Jacques Tati est passé par là tant les signes sont présents : la statue du personnage de fiction domine la plage comme les statues des hommes célèbres ponctuent les espaces urbains, et l’Hôtel de la Plage n’a pas été fondamentalement bouleversé dans son insertion dans le site depuis le tournage malgré ses extensions.
Le décor du film Qu’est-ce qui a amené monsieur Hulot à Saint-Marc ? On aurait tort de croire que c’est à cause d’une grande affection pour la région nazairienne que Tati a choisi le site, bien que, selon une information
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dont on cherche encore les preuves, Tati aurait séjourné avant la guerre non loin de là, à Port-Charlotte. Le plus important n’est pas dans cette supposée sympathie pour le lieu. On sait que son décorateur Jacques Lagrange a exploré des dizaines de stations balnéaires le long de la côte atlantique avant de trouver son idéal. Les relevés conservés montrent que de nombreux sites ont été inspectés, Berck, Etretat, Trouville, Paramé, Dinard, entre autres. Le but de cette recherche qui a duré sept mois, dit-on, et qui consacre le triomphe de Saint-Marc sur des stations plus huppées, était de découvrir un décor à la fois typique et passe-partout, le décor idéal-typique pour des vacances de Français moyens, des vacanciers de pure convention, bien sûr : représentativité anonyme et réalisme global plutôt qu’identification précise et référentielle. Les témoignages recueillis par les érudits archéologues du cinéma montrent que le cinéaste ne voulait pas de caractéristiques singulières, personnelles, dans son décor balnéaire. Pari réussi, confirmé par l’égarement d’un critique ayant écrit que le film avait été tourné « sur une plage des Côtes-du-Nord ». Déconvenue pour les observateurs contemporains qui apprendront que Tati est allé jusqu’à modifier le décor de Saint-Marc : ajout d’un phare à l’extrémité de la jetée,
d’une lucarne factice sur le toit (pour simuler la chambre de M. Hulot), d’une fausse entrée d’hôtel près du chemin d’accès à la plage, et surtout d’une construction de bois représentant la maison de la jeune fille — un pur façadisme. Il paraît que l’équipe de Tati a en outre camouflé une maison touchée par une bombe de 1943 (une infraction au réalisme qu’on ne peut reprocher au cinéaste !). Sur ces questions, il faut se référer aux enquêtes méticuleuses du journaliste nantais Stéphane Pajot qui a consacré deux ouvrages au tournage du film et recueilli les souvenirs des participants et témoins encore vivants1. D’autres précisions sur le tournage sont dispersées dans plusieurs ouvrages d’historiens du cinéma et d’analystes de l’œuvre de Tati — sans oublier, surtout, les bonus du DVD édité en 20132.
1 - Les Vacances de Monsieur Tati, sous-titré Hulot à Saint-Marc-sur-Mer (Éditions d’Orbestier, 2003), puis Les Jours de fête de Jacques Tati. De Sainte-Sévèresur-Indre à Saint-Marc-sur-Mer, chez le même éditeur (2006). Le premier de ces ouvrages est généralement disponible au dépôt de presse de Saint-Marc. Il est regrettable que personne n’ait entrepris une telle recherche vingt ou trente ans plus tôt, alors que de nombreux témoins étaient encore vivants. 2 - Éditeur : Les Films de Mon Oncle — StudioCanal.
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Les Amis de la Chanson Robert Richou
L
es dix premières années ont été consacrées à l’interprétation de chants Renaissance, classiques, populaires, sacrés et contemporains. Les Amis de la Chanson n’hésitent jamais à chanter avec d’autres ensembles musicaux tels que l’Harmonie et l’Orchestre Symphonique de Saint-Nazaire. Ils ne manquent surtout pas les rassemblements de chorales de la région tels que « Les MUSICA’les », les concerts pour Retina, et participent bien volontiers à l’animation des cérémonies du souvenir.
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Le jumelage avec la chorale Cäcilia Les Amis de la Chanson se jumèlent en 1975 avec la chorale Cäcilia de Saarlouis-Beaumarais. Leur amitié réciproque dépasse largement les nombreux concerts qu’ils donnent tant à Saint-Nazaire qu’en Allemagne. Les liens sont désormais très étroits entre les familles de Saarlouis et de Saint-Nazaire. Au-delà des réunions de famille, des échanges sont programmés environ tous les deux ans, en alternance entre Saarlouis et Saint-Nazaire.
Des spectacles à thème L’année 1986 voit l’évolution de leurs représentations vers des spectacles à thème où se mêlent effets techniques, mise en scène et chorégraphie. Les chants ne sont plus puisés uniquement dans le répertoire « chorale », mais choisis en fonction du thème et harmonisés par des musiciens nazairiens de talent, tels que Fernand Guériff et Jean Gauffriau maintenant disparus. Jean Gauffriau a harmonisé ou édité pour les Amis de la Chanson plus d’une centaine de titres
42 ans de chant choral à Saint-Nazaire Fondée en 1974 par quelques amis, dont Noël Robin et Patrick Pauvert, la Chorale des Amis de la Chanson rassemble aujourd’hui quelques 110 chanteurs.
dont notamment les symboles de Walt Disney tels que « Blanche Neige », « Mary Poppins » ou « Le Livre de la Jungle » ainsi que des chants d’interprètes illustres comme Jacques Brel, Jean Ferrat, Charles Trenet, Georges Brassens et bien d’autres encore. Les Amis de la Chanson présentent ainsi l’opérette en 1986, les musiques de films en 1987, un bouquet de chansons de Charles Ténet en 1988, les chansons des années 50 en 1990. En 1991, ils offrent un concert de chants sacrés avec spectacle de son et lumière en
l’église Saint-Nazaire. 1992 a vu réunir leurs plus grands succès et, en 1994, ils réitèrent le thème de l’opérette. Les derniers thèmes de leurs spectacles sont successivement les « Dessins Animés », « les Amis de la Chanson prennent la mer » avec la célèbre chanson du France, « Voyages et moyens de locomotion », puis « Florilège de Chants Sacrés »
30e et 40e anniversaires En 2004, c’est le trentième anniversaire de l’association pour lequel le concert « Nos trente ans nos coups de chœur »
prend toute sa signification. Au cours de l’année 2008, les Amis de la Chanson investissent La Soucoupe pour un concert de très grande envergure « Au Chœur de Paris ». C’est un immense succès. En 2011, c’est une histoire de prénoms qui sera le thème retenu avec « Les Prénoms en Chanteurs », puis « Double Chœur » avec la chorale « Sotto Voce » de Rennes en 2013 qui propose une ballade dans les régions françaises. Deux mille quatorze, une année historique, puisque c’est l’année du quarantième anniversaire de l’association. Pour cette
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Aux environs de l’an Mil, dans les Chartes
Les pêcheries
sur les rives de l’Estuaire ligérien Claude Thoméré
Les pêcheries sous forme de pontons et de cabanes de pêche au carrelet sont des silhouettes incontournables du littoral atlantique. On ne sait pas toujours qu’avant ces pontons à carrelet, d’autres pêcheries ont joué un rôle essentiel pour le développement économique de l’Estuaire.
E
lles sont mentionnées dans les chartes de l’an mil, mais ont dû vraisemblablement exister avant cette période. Les eaux de l’Armorique étaient poissonneuses et les hommes du rivage ont cherché depuis la nuit des temps à y établir des pêcheries. À Saint-Jean-le-Thomas dans la baie du mont Saint-Michel, les pièges à poissons en bois sont datés de 2000 ans avant Jésus-Christ. À ces époques héroïques, le sel et le séchage au soleil étaient les principaux moyens de conservation de la nourriture. Sur l’Estuaire1, les Vénètes étaient très inventifs pour produire du sel. Ils l’obtenaient par chauffage d’eau de mer dans des augets. Ensuite, il y a eu la conquête romaine.
Avant l’An Mil Les Romains en Armorique : le Garum Il est connu aujourd’hui que si des pêcheries existaient en nombre en Armorique, l’apport romain a été essentiel dans l’implantation d’ateliers de salaisons. Ces ateliers, appelés en latin cetarae, étaient plutôt situés en Bretagne sud en bord de mer, la plus grande densité 1 - L’Estuaire, avec une majuscule, signifie ici le territoire compris entre Loire et Vilaine avec quelques incursions en rive gauche de Loire.
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en baie de Douarnenez. Ils se situaient nécessairement à côté des pêcheries. Néanmoins, les campagnes archéologiques découvrent encore de nouveaux sites s’échelonnant jusqu’à la ria d’Étel. Il n’est pas impossible que des cetarae soient encore à découvrir par exemple auprès d’une villa romaine située non loin d’une ria poissonneuse2. L’ensemble des activités romaines reposait sur le travail des esclaves. Quand l’Empire cède, de nombreuses révoltes d’esclaves auront lieu dont celle des Bagaudes dans l’ouest de la Gaule. Les propriétaires exploitants3 fuiront, laissant les ateliers de salaisons en friche. Le marché des produits étant organisé depuis Rome, la production sans esclaves et sans débouché n’était plus possible. En outre, les chefs des ateliers de salaisons étaient des fonctionnaires de l’empire 2 - Il y a encore aujourd’hui de nombreuses villes appelées Cetara dont une très connue sur la côte amalfitaine près de Naples, d’autres en Sicile et des lieux-dits dans le reste de l’Italie. Plus près de nous au pays basque français, Guéthary serait une cetaria qui aurait été ensuite transformée en guetaria (il y a un autre guetaria au pays basque espagnol de même origine). L’usine de salaisons de Guethary a été retrouvée fournissant un corps et un appui archéologique à cette thèse. Il y avait des cetariae jusqu’au nord du Maroc [Lixus & Cotta] sur la côte atlantique. 3 - Ces responsables d’ateliers de salaisons, fonctionnaires romains, surtout ceux de la Narbonnaise, de la Bêtique et de la Maurétanie Tingitane, ont été assimilés par des chercheurs universitaires aux premiers entrepreneurs de l’histoire contemporaine vers les deux et troisième siècles AD.
sans intérêts locaux en Armorique. En ce qui concerne Douarnenez, ils provenaient de la Narbonnaise où leurs familles géraient déjà des installations semblables. Le produit phare était le garum, réduction, dans de grandes quantités de sel, de morceaux de poissons avec viscères et autres produits de la mer comme des huitres. Il était le principal condiment utilisé dans le monde romain, provenant à l’origine du Moyen-Orient après avoir transité par la Grèce. Le mélange de tous les ingrédients 4 dans des cuves étanches amenait des phénomènes d’autolyse, les sucs digestifs (enzymes) contenus dans les viscères des poissons digérant les parties tendres et fragiles. On suppose que des phases successives de macération, de malaxage en eau saumurée, d’exposition au soleil pour séchage étaient nécessaires. Le produit obtenu dans les cuves était ensuite filtré à travers des paniers tressés serrés. Le jus clair ou liquamen au sortir du filtre était le premier choix. Les fonds de cuve appelés allec ou allex– où subsistaient encore des petits morceaux -- étaient également conditionnés en amphores puis transportés en bateau en direction du marché romain ou des troupes en mouvement. Le produit final était très nutritif, car contenant une grande 4 - Les constituants du poisson étant intégralement conservés, le garum était ainsi compatible avec les religions orientales et bibliques.
Pêcherie près du pont de Saint-Nazaire.
quantité de protéines, d’acides aminés, de sels minéraux et de vitamines B. L’allex était destiné aux basses classes qui le mélangeaient avec leur nourriture quotidienne comme le font par exemple les Américains avec le ketchup. Aujourd’hui, il ne reste de cette industrie de salaisons que des sites archéologiques. Il est vrai que les sauces antiques saumurées réalisées à partir de poissons fermentés sont passés de mode bien que de l’autre côté de la Manche, la Worcestershire sauce de la firme Lea & Perrins se réclame officiellement5 de la filiation du garum avec son procédé de fabrication à partir d’une pâte d’anchois. Le passé colonial de son fondateur [un lord gouverneur aux Indes], permet de penser aussi à une filiation orientale de cette sauce à partir d’un murrî ou d’un al-muri arabo-byzantin (cf note 6). 5 - La sauce italienne, colatura di alici di Cetara, se réclame également du garum antique. Elle utilise uniquement du jus d’anchois pressés mis en caisse. Ce jus après exposition au soleil est réinjecté dans les caisses puis filtré et vendu très cher pour aromatiser par exemple les pates linguini.
Après les Romains : saumurages et muriers sur l’estuaire Les romains partis, sur les côtes de l’Armorique, une activité de saumurage a pu subsister à partir de salines rudimentaires. Elle a pris son essor avec les marais salants [par insolation et par évaporation] nouvellement mis en place vers le VIe siècle dans le marais breton. Il n’est pas fait mention des installations de pêche dans les documents d’époque. Éventuellement, elle a pu être complétée également à la mauvaise saison par la production des fours à augets, fours qui produisaient un sel plus rustique. Des installations de salines utilisant à la fois l’évapotranspiration (le soleil plus le vent) et le chauffage ont existé et fonctionné jusqu’à très tard après la Révolution le long du littoral de la Manche.
(Dessin Claude Thoméré)
À marée basse, les sauniers grattaient avec des râteaux les surfaces riches en sels d’où la mer venait de se retirer. Ils récupéraient ainsi le sablon qu’ils entassaient sur des claies faisant office de filtre. Celles-ci étaient disposées sur des aires argileuses préparées pour le recueil. Les tas de sablons, les mondains, étaient arrosés d’eau de mer, puis la saumure ainsi obtenue était recueillie dans des cuves. À nouveau filtrée, celle-ci était ensuite chauffée dans des récipients sur des feux de bois jusqu’à évaporation. Le mot utilisé pour le mélange saumâtre est la bruine, nom encore utilisé outre-manche pour la saumure, en anglais «brine»…
Sur le territoire de l’ancienne Armorique, de nombreux toponymes « murier » pourraient signaler ces ateliers de saumurage [hypothèse plus vraisemblable que l’explication par la présence de mûriers, arbres ramenés d’Orient avec les croisades pour l’élevage des vers à soie, le bon sens du mot est fonction de la situation, par exemple sur le littoral à proximité d’anciennes salines]. Le mot
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Une Nazairienne, en 1988
à Berlin-Ouest et Berlin-Est avant la Réunification de 1989 Michelle Speich
Le 3 octobre 2015, l’Allemagne célébrait le 25e anniversaire de la Réunification à Francfort-sur-le-Main. Alors je me suis souvenue de mon voyage à Berlin, à l’été 1988.
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e 3 octobre 2015, l’Allemagne célébrait le 25e anniversaire de la Réunification à Francfortsur-le-Main. Alors je me suis souvenue de mon voyage à Berlin à l’été 1988.
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Était-ce la chanson : Berlin des années vingt de Marie-Paule Belle ou la publicité faite autour de la célébration du Sept cent cinquantième anniversaire de la fondation de Berlin en 1237 arrivant jusqu’à nous ou encore l’envie de découvrir cette ville historique de Berlin qui me décida à repartir de l’autre côté du
Rideau de fer pour visiter les deux côtés de la ville : l’Ouest et l’Est si possible en 1988 ? Dans les années vingt, Berlin était devenue une importante métropole culturelle avec de nombreux artistes, une vie nocturne réputée, de très bonnes universités et une grande ville industrielle. Je ne me rappelle plus très
bien ma motivation, plutôt une décision coup de cœur. Il est vrai qu’avant la tragédie qui frappa l’Allemagne entre 1932 et 1945, les journalistes, les écrivains, les acteurs, les personnes rencontrées ayant séjourné à Berlin dans ces années vingt décrivaient une ville fascinante, dynamique, moderne, animée, avantgardiste et en conservaient de bons souvenirs. Dans mon vieux Mémento Larousse d’avant la guerre, des années trente, je lis que l’Allemagne après la Première Guerre avait une superficie inférieure à celle de la France, mais 65 millions d’habitants dont 4 millions à Berlin, tandis que la France n’avait que 40 millions d’habitants. De nombreux spécialistes de la grande crise de 1929, historiens et économistes, démontrent comment le krach boursier d’octobre 1929 a déstabilisé les politiques économiques allemandes qui repartaient, permettant dans une certaine mesure l’arrivée au pouvoir du parti Nazi à la suite du retrait brutal des capitaux américains d’Allemagne. En 1988, probablement apparaissaient déjà aussi ici et là les prémices de la contestation qui conduiraient à la Réunification de l’Allemagne et à la destruction du Rideau de fer1 ? Donc, je m’y rendis pendant mes vacances
d’été, seule, en train, munie de mon passeport et du guide Berlitz en anglais et toujours sans appareil photo par précautions. Ce n’était certainement pas mes souvenirs du voyage à l’Est de l’Europe de 19682 qui me décidèrent à refranchir le Mur juste 20 ans après. Mais j’aimais me trouver dans des endroits originaux, exceptionnels et, par hasard, aux bons moments de l’Histoire de notre continent, dans un entre-deux du temps pour la ville globale de Berlin. La création d’un mur à Berlin à partir de la nuit du 12 août 1961 est une longue histoire que je ne raconterai pas longuement ici ainsi que ses conséquences. Ce jour-là, ayant obtenu l’aval de Khrouchtchev, Walter Ulbricht lança l’ordre de construction du mur de Berlin, ou mur de la honte, ou encore de la mort3. La ville était alors divisée en quatre secteurs soviétique, américain, britannique et français, mais 2 - Michelle Speich : Histoire & Patrimoine n°86-avril 2016 - Pages 30 à 37 - Des Nazairiens et des Nantais à Prague, pendant l’invasion du Pacte de Varsovie (20 et 21 août 1968). 3 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Walter_Ulbricht - http://www.persee.fr/doc/xxs_02941759_1992_num_34_1_2531 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Mur_de_Berlin#/media/File:Red_pog.svg - http://www.herodote.net/9_novembre_1989-evenement-19891109.php
1 - Uwe Tellkamp : La Tour. 2013, 1343pp. J’ai Lu.
Ci-dessus : Ouvriers du bâtiment de Berlin-Est édifiant le mur de Berlin, en 1961.
(Photo DNSA)
Page de gauche : Mur de Berlin, le 1 juillet 1988. Un garde-frontière Est-Allemand regarde le Kubat-Dreieck (ou Triangle Lenne, enclave de Berlin-Est, située à l’ouest du mur). er
(Photo Neptuul - CC BY-SA 3.0)
« Groupes de combat de la classe ouvrière », le 13 août 1961, devant la Porte de Brandebourg, alors que les travaux d’érection du mur de Berlin commencent. (Photo Deutsches Bundesarchiv - Commons:Bundesarchiv)
les Soviétiques envisageaient pour arrêter l’hémorragie des élites de la République Démocratique Allemande (RDA = DDR en allemand) vers l’Ouest de reprendre les trois secteurs occidentaux. Ce qui les en retint fut la hantise de la bombe atomique : force dissuasive suffisante. La construction de ce mur avait été bien préparée et secrètement par les autorités en accumulant des blocs de béton et des fils barbelés supposés être des acquisitions pour clôturer les élevages du bétail. Au jour J, des soldats Est-Allemands furent placés tout le long de la frontière avec Berlin-Ouest de distance en distance afin d’éviter toute fuite. Pendant la construction du mur, personne ne tira et il n’y eut aucun mort. Le mur, composante de la frontière intérieure allemande, coupa physiquement la ville en deux : Berlin-Est et Berlin-Ouest pendant plus de vingthuit ans et constitua le symbole le plus marquant d’une Europe divisée par le Rideau de fer. Plus qu’un simple mur, il s’agissait d’un dispositif militaire complexe de 160 km de long, comportant deux murs de 3,60 mètres de haut, surmontés de barbelés à l’Est, avec un chemin de ronde, 302 miradors et divers dispositifs d’alarme, 14 000 gardes, des centaines de chiens. Du côté Ouest, le mur était en béton lisse, surmonté d’un rondin en béton, également lisse. Entre les deux murs, il y avait du sable ainsi que des obstacles et des mitraillettes automatiques (Émission du 26 mars 2016, sur la chaîne de télévision Histoire). Un nombre indéterminé de personnes
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LA GRANDE GUERRE
Une journée particulière La Baule - 1 août 1914 er
Alain Moussat Les guerres du 20e siècle ont surpris nos parents ou grands-parents en leurs lieux de villégiature, du moins pour ceux qui déjà en bénéficiaient. Le 1er août 1914, l’annonce de la mobilisation générale interrompit soudainement le rythme estival des familles.
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À
la Baule, Émile et Raymonde Moussat et leurs trois enfants Sylvaine, Maryvonne et Mireille, étaient en vacances cet été 1914, comme chaque année en leur villa « l’Oasis », allée des Mimosas. Le 1er août 1914, alors que le mois de juillet avait distillé toutes les inquiétudes, Raymonde eût la présence d’esprit de noter l’ambiance de ces heures incertaines. En quelques pages, elle nous laisse un témoignage précieux sur cette journée lors de laquelle tout bascula.
Émile et Raymonde Moussat
Ci-dessus : Villa « l’Oasis », allée des Mimosas, à La Baule
Emile Charles Moussat, né le 28 juin 1865 à Alger et Raymonde Alice Nun-Gérardin, née le 7 septembre 1886 à Paris (IIIe) s’étaient rencontrés pendant des vacances à La Baule. La famille Moussat était propriétaire de la Villa « Le Bouquet », esplanade du Casino, juste devant le front de mer, devenue en 1927 le Club House du Cercle Nautique de la Baule. Le grand-père d’Émile, Pierre-Etienne dit Émile Moussat l’avait fait construire et offerte à son épouse, d’où son nom. La famille Nun possédait « l’Oasis » que Charles Nun, Caissier principal du Bon Marché avait fait construire en 1898, à l’orée du Bois d’Amour.
(Aquarelle - Fonds Moussat)
Ci-contre : Portraits de Raymonde Nun-Gérardin et d’Émile Moussat Colonne de droite :: Villa « Le Bouquet », esplanade du Casino, à La Baule (Aquarelle - Fonds Moussat)
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Laissons Émile nous conter comment il fit connaissance avec Raymonde. « À maintes reprises, mon grand-père m’avait engagé à aller voir ses amis Nun. Il y avait là un garçon de mon âge et une fille de l’âge de ma sœur. Je me fis très longtemps tirer l’oreille, car je me méfiais des amis de mes grands-parents : ceux que je connaissais étaient assez ennuyeux. Et puis j’étais resté un peu le petit garçon timide qui se cachait dans l’armoire les jours où ma mère recevait. En face d’inconnus,
Mariage princier à Saillé
Josick Lancien
Né en 1339, à Nantes, Jean de Montfort, le futur duc Jean IV de Bretagne, est emmené par sa mère en Angleterre, dès 1342, au moment où éclate la guerre de succession dans le duché.
E
n effet, une lutte fratricide entre son père, Jean de Montfort, soutenu par le roi d’Angleterre et Charles de Blois, époux de Jeanne de Penthièvre, soutenu par le roi de France, va diviser la Bretagne pendant 23 ans. Le futur duc est élevé à la cour du roi Édouard III. Son père décède au début de ce conflit, en 1345, des suites de blessures reçues au siège de Quimper. Jean de Montfort revient en Bretagne en 1362. Il a tissé des liens très étroits avec l’Angleterre. En 1361, il a, en effet, épousé Marie d’Angleterre, fille d’Édouard III, qui décède un an plus tard. Il se remarie en 1366 avec Jeanne Holland, fille du comte de Kent, qui décède en 1384. Devenu duc de Bretagne par le traité de Guérande de 1365, Jean de Montfort, dit Jean IV de Bretagne, est donc, en automne 1384, libéré de ses liens personnels avec l’Angleterre. Veuf il est toujours sans héritier naturel, il a 45 ans. En septembre de la même année, la comtesse Jeanne de Penthièvre décède également : elle a désigné son fils Jean de Bretagne, comte de Penthièvre, comme rival de Jean IV. Retenu comme otage en Angleterre, Jean de Bretagne devient ainsi le prétendant au duché en cas d’absence de lignée masculine dans la famille de Montfort. Ses partisans engagent aussitôt des pourparlers pour obtenir sa libération…
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Négociations préalables au mariage Afin d’assurer la postérité des Montforts, il devient urgent de trouver au duc Jean IV une nouvelle épouse. Et pourquoi pas en direction de la Navarre ? Jean IV, duc de Bretagne, et Charles II, roi de Navarre se connaissent bien, ils ont déjà guerroyé ensemble en Normandie où Charles II possède des terres. En 1384, ils ont à résoudre le problème de garnisons anglaises occupant Brest et Cherbourg, dont ils souhaitent le départ. Ils veulent, en s’alliant, profiter de l’affaiblissement du royaume de France, toujours en conflit avec l’Angleterre, dans le cadre de la guerre de 100 ans. Ainsi, dès novembre 1384, des négociations sont entamées en vue d’un mariage avec une fille de Charles II. Michael Jones, spécialiste en histoire médiévale et plus particulièrement pour tout ce qui touche le duché de Bretagne,
précise que « le jour même où la cour anglaise célébrait une messe de requiem pour feu la duchesse Jeanne Holland, l’infante autorisa Guillaume Plantarosa, maître d’hôtel de son père, à conclure les termes avec Jean IV ». Il est vrai que les démarches ont dû être facilitées par Jean, vicomte de Rohan, ancien chancelier du duc, qui avait épousé en deuxième noce Jeanne de Navarre, la sœur de Charles II. Le 12 avril 1385, le duc donne son accord de principe à son mariage avec Jeanne de Navarre, du même nom que sa tante. Cependant, près de dix-huit mois s’écouleront encore avant de célébrer cette union : ce délai peut s’expliquer en partie par des difficultés liées à la constitution de la dot de Jeanne (120 000 francs) et la nécessité de l’approbation du pape, qui ne fut reçue qu’en août 1386. Mais il semble qu’il y ait eu aussi une volonté de dissimulation au roi de France du mariage du duc. Début juillet 1385, alors que le mariage est déjà arrangé, Jean IV se plaint quand même auprès du conseil de Charles VI, roi de France, que ses efforts pour trouver une épouse sont restés vains et il fait même appel au roi pour que « ge puisse avoir ligne ». Les prétendantes qui lui auraient été proposées auraient été trop jeunes pour lui donner des enfants dans un avenir proche… pourtant Jeanne de Navarre, sa future épouse, elle, n’a que 16 ans ! Quoi qu’il en soit, ce mariage va impliquer le pays guérandais comme nous allons le voir.
Le voyage en Navarre Le duc confie à un seigneur guérandais, Pierre de Lesnérac, connétable de Nantes, la mission d’aller chercher en Navarre sa future épouse. Pierre de Lesnérac est un membre éminent de l’administration ducale, en qui Jean IV a mis toute sa confiance. Dès 1371, il reçoit des témoignages de bonnes grâces ducales et il lui restera loyal jusqu’à sa mort en 1392. C’est à sa famille qu’est attribuée la mort de Charles de Blois, lors de la bataille d’Auray (29 septembre 1364). Cette version ne repose, cependant, sur aucun fondement. Pierre de Lesnérac part donc le 20 juin de Nantes pour gagner, par la Loire, Le Croisic. L’armement de la flottille, composée de trois navires (dont deux du Croisic), se fait au port de la Garenne,
près du port de Lenclis (buttes de Pô) en Guérande. Dans le vaisseau amiral, une chambre spéciale est aménagée pour la future duchesse. L’équipage est composé de 160 hommes à l’aller : des marins, mais aussi des chevaliers, des écuyers, des « gentilz hommes d’armes » et des membres de la maison ducale. Le retour dut compter plus de passagers, à savoir Jeanne de Navarre et sa suite. Avant le départ vers la Navarre, le frère Geoffroy Rabin monte à bord des navires pour leur donner la bénédiction. Trois jours plus tard, la flottille appareille et gagne Saint-Sébastien. Une délégation se rend à Pampelune, capitale de la Navarre, tandis que les vaisseaux se rendent à Bayonne, première quinzaine de juillet, où ils vont rester amarrés pendant plus de six semaines. Fin août, l’arrivée imminente de la princesse Jeanne est
annoncée : la délégation diplomatique arrive par Saint-Jean-Pied-de-Port, via le col de Roncevaux, en direction de Bayonne, où elle arrive le 25 août. Le frère de Jeanne, le futur Charles III, va inspecter les navires qu’on apprête pour le voyage de retour. Les derniers préparatifs et le pilotage pour sortir du port de Bayonne vers l’Océan (estuaire de l’Adour) se déroulent début septembre.
Ci-dessous : « Le mariage de Jean IV ». Dans l’église de Saillé, peinture à l’huile, sur bois, de la première moitié du XVIIe siècle, commémorant le mariage de Jean IV et de Jeanne de Navarre. (Auteur anonyme - Photo Jibi44 - CC BY-SA 4.0)
Page de gauche : « Le duc de Bretagne Jean IV et ses conseillers » (Chroniques de Jean Froissart - B. M. de Besançon)
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Le Gargantua
Guérandais Françoise et Malou Roussel
À l’école, j’ai appris que l’écrivain français François Rabelais (1494-1553) avait écrit en 1534, « La vie inestimable de Gargantua », fils de Grandgousier et de Gargamelle dont il tira une solide réputation. Son œuvre est considérée parmi les plus remarquables de la littérature française. Toutefois, Rabelais n’a pas inventé le personnage de Gargantua. Il l’a emprunté à des chroniques colportées et des récits de veillées.
A
insi, ma grand-mère maternelle Hermine Ropert, plus communément appelée Marie-Françoise, organisait encore chez elle à Saillé, au début de 1950, des veillées où elle conviait ses fidèles amies Donatienne Brohand et Anasthasie Gougaud ainsi que son voisin et cousin Basile Ropert, auxquels s’ajoutaient parfois, en fonction de l’actualité, d’autres Saillotins (habitants de Saillé). Pendant que nos parents travaillaient sur le marais, notre grand-mère veillait sur nous. En tant qu’aînée, j’avais le privilège de rester parfois dormir chez elle et bien au chaud sous la couette du grand lit de coin, je ne perdais pas une miette de se qui se racontait… Gargantua était un de leur héros favori. Gargantua est bien antérieur au Moyenâge. Il appartient au vieux fond celtique et peut-être même existait-il déjà quand les Celtes arrivèrent en Gaule. Il règne sur les Tumuli, séjours des morts et pourrait remonter au temps des bâtisseurs de mégalithes. Les pierres levées (menhirs en breton) délimitent les terres des vivants de la plaine heureuse où survivent les morts. Pour le quatuor, c’était un presque voisin puisqu’il avait son château entre Saillé et Guérande, sur une petite éminence
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1 - Butte du Château-Gargan à Saillé. (Photo Josick Lancien - 1990)
2 - Pierre de Congor (Photo Malou Roussel - 2015)
Page de gauche : « Le repas de Gargantua » (Gravure de Gustave Doré - 1832-1883)
1 encore appelée de nos jours Mont-Gargan ou Château-Gargan, dénomination attestée dans plusieurs actes, notamment dans un aveu de 1772 (Archives départementales B Guérande). Dans mon enfance, il n’en restait qu’une sorte de rempart (photo n° 1) d’une vingtaine de mètres de diamètre. Monsieur de Kersabiec’h, archéologue, le premier fouilla la butte de construction très primitive où un paludier avait extrait un bracelet gaulois en or et quantité de briques romaines. Puis le lieutenant Arthur Martin y découvrit à l’est un four de potier, des petits augets à sel, des morceaux de charbon et des monceaux de tuiles à rebord. L’archiviste Léon Maitre (1840-1926) y déterra un four, des tessons et des pierres portant des inscriptions indéchiffrables. Les vestiges auraient été donnés au musée archéologique de Nantes, mais comment les retrouver dans les réserves du musée ? Il reste certain que la majeure partie des décombres de Château-Gargan forment aujourd’hui l’empierrement des chemins voisins… Avec Gargantua, les mégalithes ne sont donc jamais loin… Tout à côté, à l’entrée de la route de Congor se trouve le menhir du clos Saint Aubin dit aussi clos de la Pierre. Relevé en 1970, il se dresse au milieu d’un champ riche en vestiges gaulois et gallo-romains. Son flan Est porte des rainures et au sommet un signe cruciforme rappelle la christianisation des mégalithes. Ce monument pourrait être « Petra Concor » ou pierre du conseil
(photo n° 2) à laquelle est attachée une sorte de puissance occulte, mentionnée en 854 dans le cartulaire de Redon, à propos de la vente de la saline Penlan aux moines de Saint-Sauveur. Ma grand’mère et ses amis mélangeaient allègrement Gargantua, le Roi Arthur, Merlin l’enchanteur, les chevaliers de la Table Ronde, Gilles de Rais et les ogres des contes de Perrault ; la fée Morgane était sa marraine, Mélusine régnait aussi sur la Brière, ce qui leur permettait d’être très libres dans les histoires, les personnages et les époques. Afin d’écarter les questions gênantes, nos conteurs rigolards commençaient toujours leurs récits par « C’était au temps où les poules avaient des dents », mais veillaient beaucoup à la proximité du lieu. L’action se déroulait toujours à Guérande ou ses environs. Doté d’un appétit phénoménal, Gargantua incarnait les forces de la nature ; symbole de l’énergie et de la fécondité, généreux, protecteur, il pouvait être parfois néfaste pour le pays et ses habitants : « Ainsi à tant marcher, à tant travailler Gargantua a soif, il met un pied sur le plateau du Four et l’autre à Piriac et se désaltère dans le Traict du Croisic et le met à sec… » Une autre version, probablement plus proche des Turballais, met en scène la Part Gauche, émergence granitique de Trescalan et l’Ile du Four à l’embouchure de la Loire.
La chasse d’Arthur est connue des anciens en Presqu’île et en Brière. Je sais maintenant qu’elle est extraite d’une chronique de Bretagne de 1482, « Le vroy Gargantua ». Elle met en scène le Roi Arthur et l’enchanteur Merlin. Nos conteurs Saillotins connaissaient bien la fontaine de Tromartin ou Tro-marzein proche du village de Careil en Guérande, cerclée de mégalithes aujourd’hui détruits et nos paludiers se réjouissaient d’une histoire promouvant le sel de Guérande. Je vous la transmets telle qu’elle m’a été racontée. « Lorsqu’il fut en âge, Gargantua franchit la Manche et se rendit à la cour du roi Arthur, se mit à son service, l’aida à se libérer de ses ennemis. Ainsi un jour, le roi Arthur avait tué à la chasse une grande quantité de cerfs. Merlin lui conseilla de les saler. Gargantua en trois pas et un saut alla jusqu’à Guérande où il remplit de sel plusieurs navires, ainsi que sa dent creuse qui pouvait en contenir trois quintaux. Les Guérandais donnaient ce grand vilain, à tous les diables, qui ainsi
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Les villages disparus de Mesquer Jocelyne Le Borgne
En 1911, Georges Tattevin1, se référant aux archives qu’il avait consultées, consacrait un paragraphe de sa thèse aux villages disparus et évoquait « le village des Roberts, Kercoizet, Kerfournier, Kergoulinet ou les Buttes, Praderoi, Kervoussion, Kerguistel… »
P
our certains de ces lieux autrefois habités, il donnait quelques vagues précisions sur leur emplacement, ainsi il notait que « Kervoussion était situé vers le moulin de Beaulieu, Kerguistel au sud de Quimiac »…
Un siècle plus tard, au cours de recherches entreprises aux ADLA 2 pour dater le moulin de Beaulieu, j’ai consulté un aveu de 1679 et remarqué qu’il mentionnait quelques-uns de ces hameaux et villages disparus du terroir de Mesquer, comme Kervousion, Penhastel et Kerguistel et c’est ainsi que tout a commencé…
1 - Monographie de Mesquer.
2 - Archives Départementales de Loire Atlantique.
1
Sources manuscrites Il est important lors de recherches en histoire locale de ne négliger aucune source écrite. Les aveux, « minus » ou autres actes notariés permettent de comprendre la répartition des biens, des terres et des droits et échanges qui y sont liés.
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Les registres paroissiaux contribuent à une meilleure appréhension de la vie des hommes et femmes d’autrefois grâce aux mentions de notoriété ou de métier exercé par le père, de village d’origine, de liens de parenté entre parrains et marraines (compères et commères), de personnes présentes à la cérémonie, de surnoms en usage… Les registres de capitation (impôt en vigueur de 1695 à 1791) sont également des sources à explorer, car ils peuvent renseigner sur la répartition géographique, les métiers des personnes imposées. À Mesquer, la capitation de 1718 mentionne Kerfournier, mais on n’y trouve ni Kerdandais (Kerdandé) alias Penhastel, ni Kervousion, ni Kerguistel alias Beaulieu, car ces trois lieux ont été rassemblés sous le vocable de Quimiac, mais on y apprend que guillaume Prioux est meunier, qu’il habite Quimiac et paie trois livres d’impôt. Concernant Mesquer et son importante population maritime, il est judicieux également de consulter les registres du bureau des classes du Croisic, devenu inscription maritime à la révolution.
Sources iconographiques Les cartes et les plans sont également des alliés dans ce type de recherche… Ainsi, le porte feuille N° 43 du Service Hydrographique de la Marine contient une série de cartes recensant les corps de garde, batteries et autres bâtiments servant à la défense côtière où sont notés quelques villages et hameaux stratégiques ou pas, situés à proximité des côtes. Cette carte topographique des côtes de France, levée entre 1771 et 1785 à la demande de Louis XV, indique très clairement l’emplacement de Kervousion, de Kerdandé et de Beaulieu-Kimia, confirmant leur existence et l’appellation en usage au moment de ces relevés. Cette carte marine est à rapprocher de la planche 1593 de la carte Cassini datant de 1787 qui contient Belle Isle, le golfe du Morbihan, le secteur côtier de la vilaine et la presqu’île de Guérande jusqu’à l’embouchure de la Loire.
3 - La planche 159 intitulée Belle Isle inclut Mesquer et fut levée en 1787.
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Ces deux cartes contemporaines sont complémentaires, Kervousion ne figure pas sur la carte Cassini, seul Quimiac est noté ainsi que Prader (Praderoi), à proximité de Promota et Kerfournier entre le manoir de Tréambert et Penlan.
Penhastel « Par devant les notaires royaux de la cour de guerrande soubsignantz… est comparu noble et discret René Maillard chanoine et theologal de sainct aubin de guerrande et prieur du prieuré simple de Merquel… [qui] a recogneu et déclaré tenir et poceder a fieff amorty a devoir de prieres et oraisons les herittages cy apres en la paroisse de merquer… » Ainsi commence l’aveu de René Maillard, daté de 1679, à la calligraphie élégante tout au long de ces dix-neuf pages qui décrivent minutieusement ses possessions et droits, sur les terres sises entre la mer et le marais depuis Merquel « lieu et circuit de Merquer ou a esté autres fois l’églize prieurralle… » jusqu’aux terres de Kerguilloté et Soursac qui incluent entre autres « l’isle du moulin à eau de Campsillon… ».
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Marcel Baudry Le Pouliguen au cœur
(1920-1996)
Geneviève Haspot Marie-Anne Gerbault Bernadette Pauvert Maryvonne Caro
Marcel Baudry est né le 17 août 1920, au Pouliguen, dans la maison familiale du 35, quai Jules Sandeau. Son père originaire de Cugand, en Vendée, à 3 km de Clisson, vient travailler au Pouliguen, comme garçon-boucher, sans doute en raison du développement touristique de la commune. Sa mère, Pouliguennaise, a appris le métier de repasseuse. Sa sœur, Gisèle, est de 8 ans sa cadette.
A
u 35, quai Jules Sandeau, la famille vit avec sa tante Delphine, la sœur de sa mère, qui tient la mercerie « Aux Roses France ». Cette dernière lui parle beaucoup du passé du Pouliguen et l’encourage à faire des études.
suivante. La guerre, puis son activité professionnelle, ne lui permettent pas de continuer… À la retraite, sa soif d’apprendre le conduit à s’inscrire au Centre National d’Enseignement à Distance de Vanves,² où il est passionné par les cours de grammaire structurale. Il y suit des cours de latin et d’anglais. Quelques années plus tard, il s’initie au breton, en suivant, à distance, les cours de l’Université de Rennes.
Quelques éléments de sa vie
Vie professionnelle
Ses études Marcel passe son enfance au Pouliguen, va à l’école primaire Saint-Joseph et obtient son Certificat d’Études Primaires en juin 1933. Puis, il poursuit ses études secondaires au collège Saint-JeanBaptiste, à Guérande, et passe, avec succès, le Brevet Élémentaire, en 1937. Autodidacte, il prépare son Baccalauréat de philosophie par correspondance. Au cours de l’année scolaire 1941-1942, inscrit au Cours Catholique de Paris, il suit les cours de 1re, série B, et passe la 1re partie du Baccalauréat devant
La maison natale de Marcel Baudry, au 35 quai Jules Sandeau, au Pouliguen, et la mercerie « Aux Roses France », tenue par sa tante Delphine.
la Faculté des Lettres de l’Université de Rennes, en candidat libre. Le Diplôme de bachelier de l’enseignement secondaire lui est accordé par cette même Faculté des Lettres, en 1943. Il souhaite poursuivre ses études supérieures et s’inscrit à l’Université Catholique d’Angers, en Littérature Française pour l’année scolaire
En 1937, Marcel devient instituteur à l’école Saint-Joseph, à Saint-Nazaire. Au cours de l’été 1939, il reçoit une carte de son directeur, le frère Guérin, lui exprimant son souhait de le retrouver pour préparer la rentrée, courant septembre, « à moins que… ». Finalement, malgré la guerre, il poursuit, son métier d’instituteur et, en 1943, l’école est repliée à Plessé en raison des bombardements. Le 28 mars 1942, lors du commando britannique, logeant en ville et attiré par l’agitation extérieure, il regarde par la fenêtre de sa chambre. Un soldat allemand le vise, il a tout juste le temps de s’écarter.
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L’Ordre de Malte en Bretagne
La commanderie de La Feuillée Jean de Saint-Houardon
Fondée en 1160 sous la protection du duc Conan IV, la commanderie de La Feuillée s’est éteinte avec la suppression de l’ensemble des ordres religieux à la Révolution en 1791, à l’instar de toutes les commanderies françaises de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, puis de Rhodes, plus connu comme Ordre de Malte depuis le XVIe siècle.
Avertissement
Introduction
ous son nom, celle-ci regroupait huit commanderies d’inégales importances et préalablement indépendantes. Pour appréhender sa taille, on retiendra qu’aux XVIe et XVIIe siècles, ses possessions étaient implantées dans 82 paroisses relevant de six évêchés sur les neuf que comptait la Bretagne, à savoir, de Cornouaille (Quimper), Tréguier, Léon, Vannes, Saint-Brieuc et Dol. Cette commanderie tentaculaire dépendait du Prieuré d’Aquitaine, dont le siège était à Poitiers, comme les commanderies du Temple de Carantoir, du Temple de la Guerche, de Nantes, des Biais et de Clisson, ses homologues en Bretagne. Avec ses 3176 hectares accrochés aux flancs des Monts d’Arrée et un patrimoine immobilier récent et pauvre, datant pour l’essentiel de la moitié du XIXe siècle, la paroisse de La Feuillée, ancien « chef-lieu » de la commanderie, devenue commune du Finistère, n’est pas révélatrice de son riche passé. Seuls quelques vestiges très discrets connus des initiés en gardent les traces.
De tous les anciens ordres de chevalerie, le plus illustre fut sans conteste celui des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, même si l’ordre du Temple resta le plus mythique. Nous connaissons les luttes menées par cet ordre lors des croisades et savons qu’en contrepartie de ses actions et de ses sacrifices, il reçut des dons importants des seigneurs chrétiens d’Occident et de leurs souverains, notamment en dotations foncières, regroupées sous des commanderies, dont le nombre triplera en Bretagne par l’adjonction des biens templiers. Dès 1130, les deux ordres hospitalier et templier se développèrent rapidement en Bretagne où ils trouvèrent de nombreux appuis. Ils fondèrent des commanderies grâce aux dons de terres à défricher. Le duc Conan IV confortera leur implantation en son duché. À cet égard, un aveu de 1731 rappelle à cet égard que la commanderie de La Feuillée « est une fondation des anciens ducs de Bretagne, lesquels conservèrent sous leur protection immédiate les fiefs et les biens en dépendant, afin qu’ils
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Un ouvrage aurait pu consigner l’histoire de ses fondements et de ses évolutions, de la constitution de son patrimoine et de son extension avec, notamment, l’absorption des biens templiers au début du XIVe siècle, mais aussi ses réalités économiques et structurelles, ses règles de gestion, ses rapports aux hommes, et leur évolution dans le temps. Aussi, cet article n’a pour seule ambition que de présenter un bref résumé de cet ouvrage à publier.
ne puissent être usurpés en l’absence des commandeurs ». Après la dissolution de l’Ordre du Temple en 1312, l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, héritier de la plupart de ses possessions, se réorganisa. C’est dans ce contexte que les commanderies templières voisines de celles de La Feuillée et du Palacret s’ajoutèrent à ces dernières. La Commanderie de La Feuillée absorbera plus tard le Palacret. Si l’on ne peut parler des commanderies de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem sans évoquer l’histoire de ce dernier et son emprise en France sous l’Ancien Régime, il convenait d’insister ici sur ce que fut le régime de la Quévaise. Cette pratique successorale appliquée au sein de la commanderie de La Feuillée jusqu’à la fin de l’Ancien Régime influença en effet son organisation économique et sociale.
1. L’ordre de Saint-Jean de Jérusalem Les fondements de l’Ordre Si la tradition hospitalière en terre sainte s’avère être beaucoup plus ancienne, c’est à partir de l’implantation vers 1110 à Jérusalem d’un hôpital dédié à Saint-Jean-Baptiste par un chevalier provençal du nom de Gérard Thom de l’Isle de Martigue, donné par erreur comme Gérard Tunc ou encore Tenque1, 1 - « Tunc » est un adverbe de temps en latin qui veut dire « à ce moment-là ». La méprise est née de la formule « Gerard tunc hospitalis praefectus » (Gérard, à ce moment-là administrateur des hospitaliers).
que fut fondé l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean. C’était huit ans avant qu’à Jérusalem soit aussi créé l’Ordre des frères de la milice du Temple de Salomon. Assujettis à des règles différenciées, celles du Temple s’étant inspirées de la règle de Saint-Bernard, quand les hospitaliers servaient sous celle de Saint Benoît, les membres des deux ordres se distinguaient aussi par leur vêture, la catégorisation de leurs membres et leur organisation. Les Hospitaliers portaient un habit et un manteau noir revêtus d’une croix pattée blanche, au milieu de la poitrine pour l’habit et sur l’épaule à gauche pour le manteau. Ils se plaçaient sous un étendard portant une croix blanche sur fond rouge. Plus tard, les chevaliers de l’ordre s’arrogèrent cet emblème en chef de leur blason. Divisés en trois classes, les Hospitaliers étaient chevaliers, prêtres ou chapelains
Ci-contre Portrait d’Alof de Wignacourt (élu Grand Maître de l’Ordre, en 1601) (Le Caravage -1571-1610)
Page de gauche : Frère Gérard reçoit Godefroy de Bouillon. (Antoine de Favray - 1706-
1792 - National Museum of Fine Arts, La Valette - Malte)
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Journal d'un aumônier breton - 1850 (18e partie)
Christiane Marchocki
Voyager n’offre pas toujours des moments merveilleux, en particulier à cette époque. Il semble que le moral de notre cher homme soit atteint, car à force de le lire on le connait assez bien, il nous devient familier, on devine un esprit assombri.
L
e climat, le paludisme, l’attente, l’isolement sont difficiles à vivre. Cela ne durera pas. Sa vision des évènements politiques de son époque est particulièrement intéressante dans la mesure où elle est présente pour lui. Il parle en philosophe.
6 novembre 1850 J’ai eu la fièvre. J’ai souffert horriblement d’un mal de tête. Aujourd’hui, j’ai gardé la chambre et fait diète, n’ayant pris pour toute nourriture, que 4 pilules de quinine ce matin et un potage à la julienne ce soir. Je suis trop faible pour écrire. Ce ne sera rien cependant.
7 novembre Je suis beaucoup mieux pour ne pas dire parfaitement bien. Quoique personne ne l’est. Nous sommes sous
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une influence générale et chacun paie son tribut : l’un par des coliques, l’autre par de la fièvre ou au moins par des mouvements fébriles, des maux d’estomac ou des maux de tête. Pour peu que l’amiral anglais se fasse désirer encore quelques jours et que nous persistions à l’attendre, je ne sais ce que nous deviendrons, aussi figurez-vous ce que c’est ! On se plaignait quand nous sommes arrivés, il y a une quinzaine, que la saison des pluies devait commencer cette année. Le pays avait beaucoup souffert de la sécheresse de trois années et on craignait une suite désastreuse si on devait en éprouver une quatrième. On doit être satisfait, il fait de la pluie, petite ou grosse, depuis deux jours. Tout est humide sans que nous ayons plus frais. L’air est chargé d’électricité et la nuit dernière il y a eu un orage violent et tout nous annonce que nous allons encore en avoir un autre la nuit prochaine.
J’ai été faire, ce soir, ma visite d’indignation à Mr Villemain, qui a appareillé sans feux dans la nuit. L’Agile est parti ainsi que les deux bricks anglais. Nous serons bientôt seuls. Et nous sommes, cependant, le bateau le plus maltraité de toute la station. Celui qui a le plus de malades… À demain.
8 novembre J’ai voulu reprendre aujourd’hui toutes mes habitudes et me remettre à mon Saint-Thomas, que j’avais laissé depuis deux jours. Je ne sais si je me suis fatigué, si ma tête n’était pas encore suffisamment remise, pour un travail aussi sérieux, aussi absorbant, mais je ne me sens pas aussi bien ce soir. J’ai la tête incertaine et une lassitude générale dans tous les membres. J’ai pris par précaution trois pilules de quinine. Du reste, rien, absolument rien de nouveau. Le temps s’est un peu rasséréné et, malgré l’électricité dont l’atmosphère est chargée, le ciel est presque pur et ne nous annonce pas encore de pluie. Nous sommes toujours dans l’attente et nous souhaitons tous, vivement, voir la frégate lever l’ancre, prendre le large et mettre cap au nord. Quand reverrons-nous Gorée et recevrons-nous des nouvelles du pays ? J’ai lu, aujourd’hui, dans une gazette portugaise, un mot sur lequel il me tarde d’avoir une explication. On y disait qu’un mouvement légitimiste avait eu lieu à Vannes, le jour de la Saint-Henri et qu’on avait arrêté le principal coupable. Je me défie un peu de la nouvelle. Car, qu’est-ce qu’un mouvement qui n’aurait donné lieu qu’à une seule arrestation ? Ce n’est qu’un fou qu’on aura donné comme un parti. Et puis, à quoi bon, ce n’est pas ainsi que les révolutions se font. Il y a assez de fous à Vannes, il est vrai, pour que l’un d’eux ait voulu prendre les devants et se faire la victime d’un principe dont il croyait voir le triomphe très prochain. Qui serait-ce ? Un Mirabeau ? Le colonel Cadoudal ? Ce que je souhaite vivement, c’est que le bon sens de notre pays ait repoussé toute espèce de solidarité et que nos campagnes ne soient pas exposées, comme en 1830, à une occupation armée qui, en démoralisant tout, en perpétuant les haines, les préjugés, donne des divisions profondes. Comment voulez-vous que le paysan qui a vu son champ foulé par le soldat, qui s’est vu, lui-même, traqué comme une bête, maltraité, puisse jamais croire que ces armes, dont les soldats se sont servi pour leur défense, leur ont été confiées par le pays pour le défendre, et, de son côté, dont on a nourri les préventions, et la crédule défiance à grand renfort de mensonges et de calomnies, comment pourrait-il fraterniser avec celui qu’il croit voir, à chaque instant, caché derrière un buisson, armé d’une carabine, tout prêt à l’abattre pieusement. Je plains le pays si cette échauffourée avait quelque racine, ou, si le gouvernement, tirant parti de cette folie, en prend occasion de ruines, alors que plus de prudence aurait su se rendre redoutable au désordre.
9 novembre Rien de nouveau. J’ai pu continuer mon habitude, en prenant soin de ne pas trop en faire, à varier mon étude. J’ai pu garder ma chambre comme de coutume. Je suis allé, ce soir, à terre avec Monseigneur, qui avait une visite à faire. Nous avions recommandé à notre canot de venir nous prendre au pied du fort devant lequel nous sommes mouillés. Nous avons pu traverser la ville et voir une partie que nous n’avions pas pu encore visiter. Nous avons passé par une place entre deux rangées de restaurants nègres, en plein soir, où deux groupes de femmes, entourant une large lampe, pêle-mêle avec des enfants, faisaient frire des poissons les entourant de farine de manioc, prenant pour la friture de l’huile de palme qui brûlait, on m’avait dit que le goût des nègres en était extrêmement flatté, que c’était là pour eux une délicatesse, qu’ils le servaient uniquement les jours de fêtes. Nous sommes entrés dans une petite église, que nous avons trouvée ouverte, Déjà plusieurs fois nous avions remarqué la propreté extérieure, nous l’avons trouvée aussi, intérieurement, fort propre, une lampe y brûlait, devant une statue de la Sainte Vierge. Le chœur était garni de pavés de porcelaine qui formaient des tableaux que je supposais être des ex-voto. Ils doivent appartenir à l’époque brillante de la colonie, car ils me semblaient, quoique peu remarquables sous le rapport de l’art, avoir coûté fort cher. Nous avons regagné notre frégate après une petite promenade, par une soirée magnifique, et la baie où nous nous sommes embarqués nous a donné un spectacle comme jamais encore nous en avions vu. Des poissons en telle abondance que, littéralement, nous semblions glisser dessus, tellement que si nous avions eu un haveneau nous aurions pu en remplir le canot. »
Ci-dessus : Le port de Saint-Paul de-Loanda, en 1899. (Actuelle capitale de l’Angola).
(Image extraite de « Heures africaines. L’Atlantique-Le Congo. 140 photographies inédites » - James Vandrunen, British Library HMNTS 010095.i.26, Bruxelles, 1899)
Page de gauche : Plan de Saint-Paul de-Loanda, de 1665. (Johannes Vingboons - 16161670 - Nationaal Archief)
Christiane Marchocki
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ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI
Un peintre de l’estran Pierre Josse
L’estran, territoire en marge de l’océan, en marge du continent, territoire intermédiaire à surface variable, c’est ce nom qui fut choisi pour associer les peintres de Pornichet : « Les Peintres de l’Estran ». Pierre Josse en est le fondateur. Actuellement, il en est le président, succédant ainsi à Jean Robion, décédé récemment.
C
e mot, « estran », convient au domaine pictural, qui n’est ni la réalité exacte d’une photo, ni l’imaginaire pur, atteint, cependant, parfois, lorsque celui-ci s’envole ailleurs, laissant le spectateur à sa propre recherche. La peinture est un domaine particulier, entre deux mondes,
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elle nous appelle, nous fait signe, nous fait découvrir une vision sensible, différente de la nôtre, éveille notre propre ressenti, nous choque, ou nous charme. C’est là tout l’art du peintre. Pierre Josse est l’un d’entre eux. Il peut nous fixer le mouvement des chevaux, leur galop, leur imprimer la vitesse, il peut aussi exalter la beauté dans l’esthétique féminine, ou, sublimer un objet, un paysage au point de laisser le spectateur en arrêt, analysant avec délice la toile, les couleurs. P. Josse n’est pas un peintre descriptif, il est suggestif de l’émotion qu’il ressent. C’est ainsi que l’imaginaire prime chez lui. Il éprouve un tel besoin de s’exprimer qu’il écrit aussi des poèmes, regroupés dans recueil, intitulé « Alto Stratus ». On y retrouve sa vision, peinte avec des mots.
Maintenant, dans le joli cadre qu’ils ont créé tous les deux, ils reçoivent la famille qu’ils ont fondée, enfants, petits-enfants. Il continue de s’adonner à ses créations artistiques. Un groupe de peintres locaux se constitue. Ils exposent « sur le sable », puis, différenciant leurs techniques, nait l’association « Les Peintres de l’Estran », le 10 juillet 2003, suivant la loi de 1901. Tous ses membres sont issus d’une école d’art. La prochaine exposition sur le thème : « Mise en valeur de l’esprit balnéaire et de notre patrimoine pornichétain » se déroulera, du 28 juin au 5 juillet 2016, salle des conférences de la médiathèque de Pornichet. Ces précisions d’ordre prosaïque nous font souhaiter de voir et de revoir ses œuvres. Rien n’est plus révélateur, pour qui sait les comprendre. Pierre Josse n’est pas un vague peintre, il a une solide formation, diplômé, sur le plan national, de l’École des Beaux-Arts de Nantes. Il a étudié différentes techniques. Ses sujets de prédilection sont l’univers marin et la vie du littoral. Son parcours professionnel est du domaine artistique : professeur d’arts plastiques, peintre décorateur à l’opéra Graslin de Nantes, architecte d’intérieur. C’est ainsi qu’il est l’auteur de bien des décors qui nous sont familiers dans notre région et ailleurs : Pour le groupe A.I.A. architectes, décorateur des paquebots-transbordeurs - Brittany Ferries... Tant d’autres réalisations qu’on ne peut les citer toutes dans ces lignes. Armé de ses pinceaux et de sa palette, l’esprit imprégné de ses images picturales, il s’est fixé à Pornichet avec son épouse, Jacqueline, qui l’a toujours suivi et encouragé.
C’est grâce à l’art que les esprits, les pensées, la vision de l’existence se laissent appréhender. La preuve en est qu’il est arrivé que certains peintres aient été interdits de toile. Momentanément, car l’art demeure toujours. Christiane Marchocki Histoire & Patrimoine n° 87 — juillet 2016
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À LIVRE OUVERT
Les baraques dans la ville Regards sur l’histoire urbaine de Saint-Nazaire
La réédition du livre de Joël Anneix et Daniel Sauvaget Saint-Nazaire au temps des baraques est annoncée à l’automne prochain – une nouvelle édition augmentée de nombreuses photos.
N
ous avons demandé à un ami de la revue, Marcel Belliot, ancien directeur de la Fédération nationale des agences d’urbanisme1, d’interroger notre collaborateur Daniel Sauvaget sur la genèse de l’ouvrage, en particulier, en cette saison de réflexions sur l’aménagement des villes, sur les aspects historico-urbanistiques dans lesquels s’inscrit cette épopée du provisoire, née de la guerre et des destructions de 1943.
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Ce livre restitue une époque, une ambiance, un mode de vie, et c’est une étude, abondamment documentée par les photos d’époque d’un moment-clé de la reconstruction de la ville. Quelles sont les recherches qui lui ont donné naissance ? L’origine du livre est d’abord la collection rassemblée par Joël Anneix sur la cité d’Herbins, la plus importante des cités de baraques de Saint-Nazaire. Joël et moi y avons vécu, lui
surtout, car ma famille a été relogée en ville assez vite, mais mon père, instituteur, est resté fidèle à l’école d’Herbins de 1947 à 1962, et ses archives m’ont permis de m’associer au projet de Joël. Dans une première étape, il a pu réaliser, presque seul, une exposition sur Herbins, avec des plans et des documents, et des photos collectées patiemment auprès de 200 familles environ. C’était en juin 2007, à Herbins même. Un succès impressionnant : plus de 2000 visiteurs en moins d’une semaine, beaucoup d’anciens de la cité, évidemment, mais aussi des Nazairiens de tous les quartiers et de plusieurs générations. Quelques mois plus tôt, nous avions rencontré au Salon du livre breton, à Guérande, le patron de Liv’Éditions, qui venait de publier un livre sur les baraques de Lorient2, ce qui nous a immédiatement donné envie de réaliser un ouvrage du même type sur notre bonne ville de Saint-Nazaire. Il nous a encouragés, il est venu
1 - Il a consacré un article au livre dans la revue Urbanisme, n° 320, janvier-février 2010.
2 - Au bonheur des baraques, ouvrage publié avec le concours de la Ville de Lorient.
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visiter l’exposition d’Herbins, et il a suggéré, comme d’autres visiteurs d’ailleurs, d’élargir le travail à l’ensemble des cités provisoires d’après-guerre, même si Herbins devait rester au centre du livre, car le plus gros des archives photo en provient. Il ne fallait pas se limiter à un album photo, même si, en lui-même, un tel rassemblement d’images prend un véritable sens, historiquement, sociologiquement (en même temps qu’il peut séduire un public important). D’où tout un travail de recherches dans les archives, archives officielles, archives de presse, etc., principalement à l’Écomusée (dont la bibliothèque était encore ouverte au public) et les archives municipales. Cela pour l’édition de 2009 – et la nouvelle édition ? L’exposition Mémoire d’Herbins de 2007, qui a circulé ensuite dans d’autres quartiers ainsi qu’à la Médiathèque de la ville, nous a valu de nouveaux témoignages, de nouvelles photos. De même, la parution du livre a déclenché de nouveaux dons, de nouvelles informations, dont l’exploitation s’est faite dans les nouvelles expositions organisées par Joël Anneix dans les lieux très divers. Et comme le livre a obtenu une large audience, comme il a été épuisé en moins de 3 ans, et que l’éditeur a été saisi de demandes de libraires, il a souhaité publier non pas une simple réédition, mais une édition augmentée – une trentaine de pages supplémentaires.
Ce sera un texte légèrement retouché, étendu de quelques pages, avec surtout beaucoup de photos nouvelles, dont plusieurs dizaines substituées à celles de la première édition. En conclusion, un ouvrage plus complet, dû en grande partie aux contributions des lecteurs et des visiteurs d’une dizaine d’expositions présentées par mon co-auteur, infatigable, et qui a calculé que plus de 300 personnes, au total, lui ont communiqué des photos et documents… Puisque la ville de Saint-Nazaire était détruite à 85 %, voire plus, et qu’un plan de reconstruction et d’aménagement a été rendu public en janvier 1947, comment ont été choisis les lieux d’implantation des baraques ? En effet, si l’implantation des logements provisoires a dû attendre que les travaux de déblaiement des ruines soient achevés (juillet 1945 - février 1946), il fallait respecter le projet global de reconstruction, le Plan Lemaresquier officialisé en 1947, encore modifié jusqu’en 1949. Il fallait répondre aux nécessités du retour des réfugiés et à la relance des activités économiques. Le choix des sites a donc été fait sous contraintes. Dès janvier 1946, les services du Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme ont établi un schéma d’implantation, répartissant prioritairement baraques et bungalows hors du périmètre du remembrement urbain et des chantiers du centre-ville,
Ci-contre : Vue aérienne du Saint-Nazaire d’aprèsguerre : les cités sont colorisées en rouge. (Collection particulière)
Page de gauche : Les baraques d’Herbins. Photo utilisée pour la couverture du livre paru en 2009. (Collection Joël Anneix)
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où le tracé des rues devait être modifié. D’où le choix de Kerlédé, de Pertuischaud-Trélan, ou Savine (sur la commune de Trignac). Hors du centre-ville, les terrains appartenant aux chantiers navals, dont les logements ouvriers avaient été détruits sous les bombes ont été occupés par les baraques – plutôt les « chalets » – de type Morosini (produit à l’atelier menuiserie des Chantiers de Penhoët), attribués prioritairement aux salariés des entreprises métallurgiques. Des petits ensembles de quelques bungalows se sont glissés provisoirement dans les interstices urbains, et sur des terrains inoccupés ou en instance d’affectation, et là où ne se posait aucun problème d’expropriation. La plus grande unité du centre-ville a été « Zone verte », qui s’étendait de l’église de Saint-Nazaire à Herbins. Ces bungalows ont été transférés à partir de 1955 dans une cité-relais, près du Grand marais. Les bungalows de cette zone verte auraient donc freiné la volonté du plan Lemaresquier de séparer radicalement la ville du port… Mais ensuite, a-t-elle été réalisée ? Cette zone était en effet un des axes du Plan Lemaresquier, qui, comme l’a dit une universitaire 50 ans plus tard, n’aimait sans doute pas l’océan ; et elle a connu bien des avatars. La coupure verte entre la ville moderne et le port n’a jamais été réalisée, de même que l’idée de supprimer certaines zones d’habitation au profit d’extensions industrielles. Les terrains de la Zone verte ont été réattribués en partie au périmètre de la reconstruction dès 1951, et plusieurs projets d’aménagement se sont succédé tout en laissant s’installer des activités mineures, parfois temporaires – on constate encore aujourd’hui que la barrière programmée a bien
résisté entre la ville et la base sous-marine. Une barrière qu’on cherchera à effacer bien plus tard autour de l’année 2000 (projet urbain VillePort). Quant à l’espace vert projeté, ses traces se trouvent du côté du dolmen et de l’Agora. Évidemment, c’était le règne de l’urgence, la demande de logement des familles évacuées de la ville en 1943 était pressante. Ces logements provisoires ont été installés sur une période d’environ deux ans : comment étaient-ils attribués, sous quelle responsabilité ? Mises à part les baraques des terrains appartenant aux Chantiers, où les priorités étaient clairement liées aux besoins de l’industrie, c’est une commission d’attribution qui légiférait, sous contrôle du Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme, et des services municipaux qui étaient habilités à recevoir les demandes. Elle comprenait des représentants de l’administration, de la Ville, des syndicats, des anciens combattants, des sinistrés et réfugiés de Saint-Nazaire. Ces derniers étaient réunis en une association qui détenait un certain pouvoir, du fait de sa représentativité et de l’activité de ses sections locales dans les principales localités d’accueil, secours, aides sociales, fêtes, loisirs pour enfants. Les demandeurs devaient prouver, notamment, qu’ils habitaient à Saint-Nazaire avant les bombes, et fournir la preuve qu’ils étaient réfugiés-sinistrés. La commission, qui a tout de même subi quelques critiques, se devait d’être vigilante et communiquait à la presse locale le nombre d’attributions par catégorie bénéficiaire, dockers, municipaux, Ponts et Chaussées, police, familles nombreuses… Une autre particularité est que tous ces logements provisoires, y compris ceux de Trignac, Montoir, Donges et La Baule/Le Guézy, appartenaient à l’État, mais étaient gérés par l’Office des anciens combattants et victimes de guerre, qui signe les contrats de location jusqu’en 1953, date de la réorganisation du Ministère de la reconstruction et du logement. Le livre évoque surtout les bungalows à l’américaine et les petites baraques aux formes pavillonnaires simplifiées. Quels ont été les critères de choix des modèles de baraquements provisoires ? Les premiers critères sont : l’urgence, l’utilisation du bois de récupération (traité à l’usine aéronautique pour constituer des panneaux utilisables), les possibilités d’approvisionnement en matière première (pin des Landes, notamment), et d’achat à l’étranger par l’État (Canada et États-Unis pour ce qui concerne Saint-Nazaire)… Plusieurs modèles théoriquement industrialisables avaient
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Ci-contre : L’église de SaintNazaire entourée de bungalows. (Collection particulière)
Page de gauche : Vue aérienne de l’église de SaintNazaire, avec les bungalows installés sur les terrains libres. (Collection particulière)
été retenus par l’administration précédente, sous l’Occupation. Le Service des constructions provisoires né en août 1940 avait lancé un concours destiné aux régions détruites ; on en trouve la trace dans les revues professionnelles de l’époque3, où sont présentés des modèles de maisons de bois démontables et des préfabriqués légers. Certains modèles viennent ainsi du Gouvernement de Vichy, comme les baraquements scolaires adaptés des camps de jeunesse du Maréchal. À la Libération, les recherches sont relancées pour le logement d’urgence4. Deux modèles dominent à Saint-Nazaire : le chalet Morosini, conçu probablement en 1941, et fabriqué sur place, et le bungalow américain, acheté en pièces détachées outre-Atlantique. Le Morosini est le logement-type des cités vraiment ouvrières comme Herbins et le Pré Gras. Le bungalow UK-100 (ainsi nommé parce qu’il était destiné primitivement au Royaume-Uni)5 était plus confortable, car équipé d’une salle d’eau ; on le rencontre un peu partout, mais surtout à Kerlédé et Villès-Martin, et dans la Zone verte (puis dans la Cité-relais). Les deux modèles, comme la maison canadienne, offrent 4 pièces sur 49/50 mètres carrés. D’autres modèles sont présents, comme le modèle 534-10, rebaptisé en 1945 MRU 534-10, plus petit, qui était beaucoup moins répandu qu’à Brest, par exemple6. 3 - Par exemple, la revue Techniques et Architecture de septembre-octobre 1942, consultée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, à Paris. 4 - Même revue, n ° spécial daté de juillet 1945. 5 - Ils devaient être livrés au Royaume-Uni en 8 000 exemplaires… Ils auraient été refusés pour inadaptation au climat, et rachetés par la France. Toutefois, les archives de la ville de Sunderland – ville jumelée avec Saint-Nazaire, consultées en 2014, révèlent que 200 bungalows environ ont été édifiés près du port… 6 - Cf. Rouxel (Françoise). Brest en baraques – Histoire d’une ville provisoire, 1945-1975. Éditions du Télégramme, 1998.
Combien de temps a duré cette aventure du provisoire ? Et que sont devenus les sites de ces baraques et bungalows ? Le calendrier n’est pas rectiligne. Pendant des années le provisoire a dominé Saint-Nazaire, les écoles primaires, le collège Aristide Briand, une partie des bureaux des administrations et des œuvres sociales, des commerçants même, des pharmacies, des salons de coiffure, etc. Donc, beaucoup de baraquements en plus des 2 060 logements provisoires sur la seule commune de Saint-Nazaire en 1954 (c’est un minimum), sans parler des préfabriqués, comme ceux du Centre Marceau qui a accueilli 70 à 80 commerçants et artisans en 1947. Une période où il fallait s’adapter, improviser… et patienter ! Les équipements scolaires primaires et secondaires, la nouvelle gare, l’Hôtel de Ville, la poste centrale, les cinémas, la salle de bal, le tribunal, etc. ont été réalisés au cours des années 1950 - les années 1959 et 1960 surtout, ont connu une vague d’inaugurations de bâtiments publics. Les commerces ont pu s’installer dans les grandes rues du centre à partir de 1956. Pour les logements, ce fut plus lent. Les plus grandes cités provisoires, Herbins, Savine, Kerlédé, n’ont disparu, par tranches successives, qu’entre 1970 et 1975… Comme l’extension de la ville était orientée vers l’ouest, la cité de Kerlédé a été vite remplacée par une cité H.L.M. de 1 042 logements autour d’une école et d’un centre commercial. Le sort d’Herbins a été scellé bien plus tard, c’est aujourd’hui un petit ensemble pavillonnaire où seul le tracé des rues rappelle ce qu’était la cité de baraques.
Daniel Sauvaget Propos recueillis par Marcel Belliot Histoire & Patrimoine n° 87 — juillet 2016
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Voyages au pays nantais
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’est sous le règne de Louis XVI et celui de Napoléon III que nous découvrons le pays nantais, tant sur le plan historique qu’environnemental. Apprendre à connaître notre région en la parcourant, ou, mieux, en y vivant, est une chose. On s’imprègne de l’atmosphère qui émane des paysages. On prend part à des conversations. On a un ressenti personnel que nous pouvons tous connaître et partager sans grande surprise. Apprendre cette même région, guidés par des regards étrangers, aux habitudes différentes, datant d’une époque antérieure à la nôtre, est parfois surprenant. Voyageons en compagnie de dix auteurs britanniques, chacun d’eux a pris des notes, a raconté les petits et grands évènements dont il a été témoin. Ces voyageurs du XVIIIe siècle, jusqu’en 1815, étaient politiquement nos ennemis. N’oublions pas la Révolution et les guerres napoléoniennes. Cependant, ils ne paraissent pas intimidés, effrayés, il ne semble pas non plus qu’ils aient connu des difficultés relationnelles. Ils étaient en quelque sorte les précurseurs de cette idée d’une Europe pacifiée dans un monde serein. Ils prennent des notes, font des remarques personnelles sur tous les sujets. Par eux on apprend ce qui s’est estompé ou a disparu : la consommation des civelles déjà répandue, l’état des routes difficilement praticables pour accéder au château de Lauvergnac, l’existence qu’on y menait, les grandes différences de modes de vie entre les citadins et les ruraux. Le Croisic, Batz-sur-Mer, Pornic n’échappent pas à leur exploration. Les légendes et les faits avérés font revivre cette région. Nous voyons le port de Saint-Nazaire : « 200 navires de fort tonnage » dans « le grand bassin à flot ouvert en 1858 ». Aussitôt, nous voyons ces grands voiliers, majestueux, porteurs de traversées aventureuses, dans un lieu que nous fréquentons et que nous n’avons pas connu. Tout est si différent. Ce livre bénéficie d’une iconographie rare, de véritables documents, de reproductions de toiles de Turner, qui, à sa façon, et selon sa vision, nous décrit la Loire. C’est un ouvrage complet
qui ne comprend pas uniquement des anecdotes mais nous plonge dans l’Histoire. Ainsi Thomas Adolphus Trollope1 (p.139) aborde « L’aube de la Révolution industrielle », le commerce, les modifications apportées à l’urbanisme, la construction navale…Nous avons un panorama complet du pays nantais. L’auteur, Luc Philamant, professeur d’anglais, a enseigné à Montréal et dans la région nantaise, titulaire d’un doctorat en Études Anglo-américaines, a durant six années de recherches assidues, rassemblé, étudié et commenté ces textes. Qui mieux que lui pouvait les retrouver, les apprécier, en comprendre l’esprit, sélectionner ceux encore inédits et réaliser cet ouvrage dans le cadre de l’Atelier de recherche historique de l’Université Permanente de Nantes. Cette œuvre intéressera ceux que l’Histoire passionne sans fin, toujours attentifs, et particulièrement ceux qui aiment notre région. Ils apprécieront cet angle de vision original et personnel transmis directement par différentes plumes étrangères, contemporaines d’une autre époque qui fut la nôtre.
Christiane Marchocki Voyages au pays nantais Luc Philamant
Saint-Nazaire, vue générale et embouchure de la Loire. (Lithographie, Deroy, 1864)
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Éditions Opéra - décembre 2015 237 pages - Prix : 22 €
1 - Son frère, Anthony Trollope, peu traduit, est l’un des romanciers anglais les plus connus.
Comme un port d’attache
A
près-guerre, dans le Saint-Nazaire de la reconstruction, gigantesque chantier, Simon, jeune adolescent ayant grandi dans les « Baraques », évolue « dans un grand décor de métal, de bois et de couleurs » et se laisse charmer par les cornes de brume « s’échappant des flancs de ces mastodontes d’acier qui font vibrer la cité, les vitres et même le ventre ». Se glissant parmi les milliers de vélos sillonnant la ville, il l’arpente, du port jusqu’au cœur renaissant lentement, dont la Foire de septembre emplit encore les rues de vaches et de chevaux et ou les Yankees (Les « Micains ») instaurent le règne du chewinggum et du jazz. C’est aussi le Saint-Nazaire des colères, des grèves, des manifs et des affrontements sévères avec les CRS. Celui, également, des bistrots sonores où les métallos des chantiers navals se mêlent à des « gens de mer aux caractères bien trempés, mais pas toujours dans l’eau ». Fasciné par les coques de ces navires « dont parfois les peintures, fatiguées, témoignaient de rugueuses embrassades océaniques », Simon se rêve marin, contre la volonté du père, et parviendra à être mousse sur un remorqueur entre deux escapades où il dessine, peint, et frôle les filles. Ce récit de la fusion d’un adolescent avec sa ville est écrit d’une plume vive et chatoyante. Rien à voir avec de plats souvenirs. Jacques Péneau, par sa prose poétique, nous conduit avec bonheur sur « ce chemin qui mène à l’âge d’homme » dans le cœur vibrant de la « Capitale de la construction navale ».
Gérard Lambert-Ullmann
Comme un port d’attache Jacques Péneau Editions Mémoria
edition_memoria@yahoo.fr
218 pages - Prix : 18 €
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SORTIES CULTURELLES
Le débarquement de Quiberon, ou le retour des émigrés Sortie, à la journée, du dimanche 17 avril 2016
Christiane Marchocki En harmonie avec l’article de Jean de Saint-Houardon, « L’expédition de Quiberon ou l’orchestration d’un désastre », paru dans le n° 85 de notre revue (janvier 2016), nous sommes ensemble, ce 17 avril, pour une nouvelle expédition ; nous suivons les traces de nos ancêtres, royalistes et républicains, nous retrouverons leurs combats, menés de part et d’autre, avec la même foi.
C
’est le récit de luttes sans pitié entre compatriotes. Le sujet de cette sortie culturelle, organisée par Nicole Bonnaud et menée par Mr Bougot, guideconférencier, pourrait occuper tout notre n° 87, après avoir inspiré bien des livres et bien des débats. Nous nous contenterons d’évoquer un moment convivial, entre adhérents de l’APHRN, toujours passionnés d’Histoire. Durant ce périple, nous écoutons Mr Bougot nous remémorer les épisodes et le contexte de cet évènement. Au passage, nous longeons les alignements de Carnac, allées, cromlechs, enclos sacrés. Ceux qui les ont érigés, sombrés dans l’oubli, ne cessent de nous intriguer, de nous inspirer des hypothèses, des occasions de recherches. Plage de Ligerez, c’est ici que les émigrés débarquèrent des vaisseaux anglais restés mouillés au large. Plus loin, sur l’isthme, le fort de Penthièvre, si célèbre, où, en 1795, fut écrasée l’Armée catholique et royale. Un calvaire « La croix des émigrés » en rappelle la mémoire. La messe y fut célébrée. En 1794, La Terreur règne. Les récalcitrants au pouvoir en place se dispersent dans la nature, les bois de préférence, dressent des embuscades. Le comte de Puisaye les rassemble, il est le général de cette armée, tandis que Georges Cadoudal est commandant militaire pour Auray et Hennebont. En même temps, Tureau sévit en Vendée, massacrant la population, tandis qu’à Nantes, Carrier, de sinistre mémoire, organise des noyades en Loire. On en évalue le nombre à 4 000. Hoche est à la tête des républicains, il dispose de 15 000 hommes, les royalistes, sous divers commandements sont de 8 à 9 000. Le 20 juillet 1795, le fort de Penthièvre est pris par les républicains, Hoche suit les combats du haut du clocher de Sainte Barbe. Les vitraux actuels mêlent drapeaux tricolores et drapeaux blancs. L’armée catholique et royale est acculée à l’extrémité de la presqu’île. Certains parviennent aux navires anglais
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grâce au va-et-vient des chaloupes. Beaucoup d’entre eux se percèrent de leur épée, d’autres parvinrent aux embarcations à la nage, d’autres, conduits par Waren, débarquèrent à Houat. Joseph de Puisaye gagne le vaisseau amiral. Le 21 juillet, Cadoudal ramène ses hommes. À Port- Haliguen, près de la plage de Prorigo un monument commémore la reddition des émigrés. 222 prisonniers seront fusillés à Auray, 259 à Vannes, 167 à Quiberon. Le 28, Mgr de Hercé aumônier général de l’armée catholique et royale, et le marquis de Sambreuil furent eux aussi passés par les armes. Nous sommes devant le fort de Penthièvre et nous écoutons les différents épisodes qui s’y déroulèrent. Il ne nous faut pas beaucoup d’imagination pour revoir en esprit cette déroute. Aux combattants chouans s’étaient
joints leurs familles, femmes, enfants, vieillards. On avait prévu des vivres pour 6 000 hommes pour une durée de 3 mois, 18 000 à 20 000 personnes étaient présentes. Les siècles suivants, les guerres se succédèrent. En 1917, des prisonniers allemands y sont détenus. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’ouvrage fait partie du « mur de l’Atlantique ». En 1944, cinquante-neuf résistants y sont incarcérés, puis fusillés. Un monument nous le rappelle. Actuellement, le fort sert de base d’entraînement militaire. Locmaria : par chance on nous permet de pénétrer dans cette chapelle du XVe siècle, alors plus grande, les vestiges du chœur sont encore visibles. Habituellement, elle est fermée aux visiteurs. Nous avons le privilège d’approcher du tombeau du chevalier de Broërec, 1350. C’est ici que Cadoudal retrouvait les siens. Ils y complotaient leurs coups de main, détaillaient leurs plans en secret. Et nous, nous nous dirigeons vers un excellent restaurant, où nos commentaires iront bon train La chartreuse d’Auray sur la commune de Brech, nous reçoit. Dès que nous franchissons le portail, de style Renaissance, donnant sur une cour, sobre et belle, nous sommes accueillis avec la plus grande courtoisie. Nous sommes chez les sœurs de la Sagesse de l’ordre de Saint-Bruno. Ces lieux sont empreints d’une grande sérénité, bien éloignée de notre siècle. Attenant à la chapelle, un mausolée magnifique, en marbre de Carrare, blanc et noir, sculpté par David d’Angers, conserve les ossements de 748 chouans et émigrés, fusillés le 3 août 1795, sous la Convention, au lieu-dit « Champ des Martyrs » à quelques centaines de mètres de là. « In deo speravi non timebo », « J’ai espéré en Dieu je ne le craindrai pas », peut-on lire, entre autres phrases gravées dans le marbre. Ce monument
n’est pas, d’ordinaire, accessible au public. Notre guide nous précise que bien des descendants y viennent en Ci-dessus : Le groupe pèlerinage. Notre traque se poursuit. Nous cherchons la cache de Cadoudal. Nous suivons un sentier forestier, nous la découvrons : on dirait l’entrée d’un puits. Des arbres remarquables par leur grand âge indiquent les temps révolus. La marche propice à la réflexion, fait naître des pensées, des images. Georges Cadoudal, héros breton qui avait dit « non » à Bonaparte, « non » au recours en grâce possible lors de sa condamnation, demande à être exécuté le premier, avant ses compagnons d’armes. Il sera promu Maréchal de France à titre posthume par Louis XVIII. Hoche, général français, grande figure de la république, à la tête des armées de la Moselle et du Rhin, puis de Sambre et Meuse, vainqueur contre les Prussiens et les Autrichiens, était connu pour sa bravoure, lui aussi. Ces hommes exceptionnels se sont combattus à outrance. Abomination des guerres, passions politiques, soif du pouvoir, désir d’imprimer son nom, idéal… Des rires accompagnent le cri d’une chouette, imité, fort opportunément, pour l’ambiance. Nous découvrons la ria d’Étel, sorte de mer intérieure, qui nous fait penser à l’océan, peu éloigné. Nous sommes au bout de nos pérégrinations et nous pouvons laisser libre cours à notre imagination et à notre mémoire.
de l’APHRN, devant la baie de Quiberon, près du Fort de Penthièvre et du monument à la mémoire des résistants fusillés en 1944. Page de gauche, en haut : Mausolée de la chartreuse d’Auray, contenant les ossements des royalistes fusillés le 3 août 1795. Page de gauche, en bas : Chapelle NotreDame-de-Pitié, à Locmaria, sur la commune de Ploemel. (Photos Dominique Sénéchal)
Laissons le dernier mot à Paul Valéry : La mer, la mer toujours recommencée ! O récompense après une pensée Qu’un long regard sur le calme des dieux… Le cimetière marin
Christiane Marchocki Histoire & Patrimoine n° 87 — juillet 2016
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SORTIES CULTURELLES
À la découverte de Merquel en Mesquer
Sortie, à la demi-journée, du vendredi 27 mai 2016
Christiane Marchocki
Qui peut soupçonner tant d’évènements liés à un si petit territoire ? Une pointe de terre longeant un « traict » d’un côté et faisant face au large de l’autre. C’est ici le bout du monde.
N
ous sommes une trentaine d’adhérents de l’APHRN, qui envahissons une surface d’à peine plus d’un hectare, selon le plan cadastral. Une chapelle en marque l’accès. Elle a été érigée en 1949. L’ancien édifice, d’origine lointaine, situé malencontreusement dans la ligne de mire d’un canon, a été détruit par l’occupant en 1944. « C’était la guerre ». Nous nous regroupons devant l’entrée, écoutant Jocelyne Le Borgne, intarissable, elle nous guidera dans les temps révolus durant toute notre visite. Jocelyne nous fait remarquer l’absence de cloche qui devrait rythmer la vie religieuse. Elle nous en donne l’historique. La première cloche identifiée se nommait « Saint François » elle fut baptisée en 1728 par François Kerguistel. La seconde avait pour prénom « Alice » comme sa marraine, Alice Gréaume. Ce prochain 15 août 2016, à 14 h 30, une nouvelle cloche rejoindra la chapelle, elle sera baptisée « Aimable Prudence », du nom d’une goélette, qui appartenait autrefois à la famille Le Quimener.
Nous avançons vers l’extrémité de cette petite presqu’île. Un bâtiment à notre droite abritait une colonie de vacances pour jeunes filles. Elle fut fondée par le chanoine Pierret, de l’église Saint François Xavier de Paris, Madame Menier en fut le sponsor. À gauche, reste une pierre dressée, c’est le socle d’un contrefort de l’église prieurale datant de 1278. Lors de la construction de la route, et plus tard, lorsqu’on a posé des câbles électriques, on a découvert des ossements. Ceux des moines vraisemblablement ? Était-ce une église templière, l’époque incite à le penser. Longtemps, cette pierre servit d’amer pour la navigation. En janvier 1920, on a élevé un pylône surmonté d’une lampe qu’il fallait allumer et éteindre chaque jour. Monsiur Évain en avait le soin. Ce « feu » fut électrifié en 1936. Jocelyne nous rappelle la construction de la jetée de 107 mètres, l’édification d’un petit phare, les obstacles administratifs franchis1. Après un regard au blockhaus, vestige du mur de l’Atlantique, datant de la Seconde Guerre mondiale, chaque époque a son empreinte, 1 - Histoire et Patrimoine n° 80, janvier 2014, pages 64 à 73.
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nous longeons la plage, côté « traict » c’est-à-dire la baie sablonneuse. C’est le port. Les barges remontaient jusqu’aux étiers pour embarquer leur chargement de sel après avoir jeté leur lest constitué de pierres crayeuses. L’étude du lest indique la provenance des bateaux : l’activité maritime de Mesquer est liée au commerce du sel. François Le Masson du Parc est nommé commissaire de la marine et inspecteur des pêches de Dunkerque à Bayonne 1723-1732. Il décrit Piriac et Mesquer. Il voyageait escorté d’un garde armé, les routes étaient peu sûres, et d’un interprète, les langues étaient différentes. Son successeur, Duhamel du Monceau exécute des dessins repris par Diderot et Dalembert. Actuellement, la plaisance donne vie à cet abri. Nous retrouvons la chapelle. En entrant, les fresques du chœur frappent le regard. Elles sont l’œuvre du chanoine Boucheau. De près, on voit des visages différents les uns des autres présentant certains caractères, l’artiste s’est inspiré de ses élèves. Nous avons là des portraits. Au plafond est suspendue une maquette de goélette réalisée en 1949, par Joseph Judic, elle remplace un chasse-marée, ex-voto qui était autrefois suspendu dans la coeur de l’antique chapelle comme en témoigne une carte postale réalisée au début du XXe siècle. S’agissait-il d’une offrande faite par le capitaine Tattevin qui avait échappé à une tempête en Manche et avait fait le voeu
de venir pieds nus, en chemise avec ses hommes remercier Notre Dame de Merquel. Nul ne peut le dire aujourd’hui… Trois statues ont, elles aussi, leur histoire. Celle de la Vierge est jugée par les uns comme figure de proue, ce que nient les autres. Elle ne ressemble pas à ces sortes de sculptures. On rappelle aussi qu’après la bataille des Cardinaux, les navires désireux de remonter la Vilaine, se seraient allégés en jetant par-dessus bord les objets précieux ou lourds, les canons… cette rivière n’est pas profonde, le chenal étroit. En 1944, elle fut sauvée de la destruction par J. Judic et rapportée, dans la charrette du meunier B. Kermasson, dans l’église de Mesquer. En un mot, c’est Notre Dame de Merquel. La statue de Saint-Médard est l’œuvre du grand sculpteur Jean Fréour. Une statue en plâtre, de provenance inconnue, est celle de Saint Gobrien, évêque de Vannes, né en 660. On lui attribue des miracles : la guérison de la peste bubonique, qui, dit-on, devait être l’ergotisme dû à une farine de seigle avariée. Le niveau de vie était misérable.
Ci-dessus : Le groupe de l’APHRN, à la pointe de Merquel, écoute, attentivement, les explications de Jocelyne Le Borgne. Ci-dessous : Dans la chapelle, statue de SaintMédard. (Jean Fréour) Page de gauche : Vue de la baie de Mesquer avec ses bouchots. (Photos Geneviève Terrien)
Une chose est sûre : Rendez-vous ce prochain 15 août à 14 h 30 pour accueillir la nouvelle cloche offerte à Notre Dame de Merquel. Elle abordera la chapelle à bord de la yole « Le Traict » escortée de vieux gréements. Ce sera la fête selon la tradition.
Christiane Marchocki
Les sorties culturelles APHRN d’automne 2016 »» Dimanche 2 octobre 2016
Sortie à la journée, en autocar - Sur les Marches de Bretagne : Fougères
»» Vendredi 4 novembre 2016 (après-midi)
Sortie à la demi-journée - La destination et le thème vous seront communiqués ultérieurement. Retenez bien ces deux dates sur vos agendas.
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A . P. H . R . N
Association Préhistorique et Historique de la Région Nazairienne
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Illustration : Une partie du groupe de l’APHRN, à l’entrée de la cache de Cadoudal, à Locoal-Mendon, lors de la sortie culturelle du dimanche 17 avril 2016. .
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Une vue de la ria d’Étel, à Locoal-Mendon Photo Dominique Sénéchal
Impression Pixartprinting - Réalisation Tanguy Sénéchal
HISTOIRE & PATRIMOINE n° 87 - juillet 2016 - 10 €
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L’école de voile, toile de Pierre Josse, peintre de l’estran