R É GION
NAZAIRIENNE
PRESQU’ÎLE
GU É RANDAISE &
R É GION
NAZAIRIENNE
PRESQU’ÎLE
GU É RANDAISE &
Patrimoine - Histoire - Culture, en Pays Noir / Pays Blanc
Saint-Nazaire - 28 mars 1942
Talismans
Saint-Gohard, à Saint-Nazaire Une nouvelle église/paroisse
Enquête patrimoine autour du 19 avenue de La Havane
Henri Fohanno Photographe amateur de talent, de Mesquer et de la presqu’île
L’entreprise Hailhaust à Saint-Nazaire
Le cépage nommé « Aunis » de Guérande à Sarzeau
“ The Greatest Raid of All ”Façade d’entrée de la Villa Victor, à Saint-Nazaire, orientée à l’ouest. (Photo Loup Odoevsky Maslov)
Tous ces numéros de notre revue, que nous conservons, et classons, représentent, à eux seuls, une somme de documents impressionnante. Les articles, aussi nombreux que variés, selon les thèmes, les auteurs, et leurs recherches, forment un ensemble cohérent. Ils ont en commun le même objectif : nous faire connaître, et aimer, l’histoire locale. On pourrait penser qu’il ne reste plus rien à découvrir après tant d’années d’exploration. Il n’en est rien. Le passé serait-il sans fin ? Il se prolonge au présent et continue, dans les années à venir. Ainsi nait la passion de l’Histoire.
Véritable rapport de guerre, l’Opération Chariot nous est relatée, avec les précisions techniques et chiffrées qui s’imposent. On voit, nota mment, comment on modifie l’apparence d’un navire et on oriente l’ennemi vers une fausse piste, pour mieux le surprendre. Texte détaillé, vivant, passionnant. On peut suivre la navigation et tenter d’imaginer l’enfer qu’ont vécu, au combat, les hommes de cet audacieux commando. La réalité n’est connue que d’eux seuls. Le récit est accompagné du précieux témoignage du dernier survivant de ce raid héroïque. Heureusement, la vie n’est pas faite uniquement d’épisodes guerriers. Les périodes de paix sont propices à la construction, à la création. Alors nait, au centre de Saint-Nazaire, l’église Saint-Gohard. La participation de la population est remarquable. Le rôle fédérateur et social du prêtre aussi. Époque décrite avec ses difficultés, ses réussites.
Une étude architecturale, en partenariat avec la Région des Pays de la Loire, est menée, par la ville de Saint-Nazaire, depuis 2014.Travail minutieux avec plans, photos et historique. Avenue de la Havane, la maison du n° 19 nous est parfaitement présentée, son histoire découverte. Lorsqu’une descendante directe d’un fondateur d’entreprise se réfère à ses documents familiaux, on a une relation détaillée, précise, authentique. L’entreprise Hailaust, installée sur le port de Saint Nazaire, de 1891 à 1983, nous est tracée. C’est l’occasion de découvrir une classe sociale, l’importance économique d’une entreprise dans la vie locale, son rôle dans le développement de la ville.
Nous suivons, ensuite, la construction d’une maison, à Porcé : la villa Victor. Nous découvrons sa remarquable décoration intérieure et la personnalité de son propriétaire de l’époque, avec une évocation des troubles sociaux et de la vie ouvrière du début du XX e siècle, à Saint-Nazaire.
Les lettres échangées, au sein d’un couple, laissent, aussi, entrevoir la vie des ouvriers briérons des Chantiers, au début des années 1930. Correspondance modeste et sans fard, reflet d’une vie difficile, à l’avenir incertain. Les congés payés n’existaient pas encore, la protection sociale non plus.
Un autre regard sur notre passé est celui jeté sur les habitudes alimentaires. Il s’agit de la boisson, fort répandue en Bretagne : le vin. Ses nuances, selon le climat, le terroir, tout est relaté, étudié. Le soleil joue un grand rôle dans la maturation du raisin, sa teneur en sucre. La production et le commerce en dépendent. Un connaisseur nous en parle, de manière approfondie.
La photographie est une écriture. Les différents clichés, pris, dans la première moitié du XXe siècle, par Henri Fohanno (1889-1973), polytechnicien et ingénieur chimiste, numérisés par son petit-fils, décrivent le paysage, les activités, et même les costumes, selon les périodes de guerre et de paix, de Mesquer et de la presqu’île. Nous feuilletons un bel album, doté de commentaires, qui font, de ces vues, un document exceptionnel sur notre région.
Malgré les différentes difficultés - liées, notamment, à l’époque que nous vivons - l’APHRN, association culturelle, toujours fidèle à ellemême, poursuit, inlassablement, sa route pour vous faire découvrir, à travers sa revue, la richesse de notre patrimoine
Christiane MarchockiA.P.H.R.N
Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne
Agora (case n° 4)
2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire
aphrn.asso@gmail.com - https://aphrn-asso.fr - Tél. 06 07 11 21 88
HISTOIRE & PATRIMOINE
n° 103 - juillet 2022
É diteur : A.P.H.R.N
Direction de la publication : collégiale (voir dernière page)
Maquette/Mise en page/Coordination : Tanguy Sénéchal
Impression : HelloPrint
Dépôt légal : 3ème trimestre 2022
N° ISSN : 2116-8415
Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145
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& PATRIMOINE
n° 103 — juillet 2022
01 Éditorial
Christiane Marchocki
04 Opération Chariot - “ The Greatest Raid of All ”
Saint-Nazaire - 28 mars 1942
Michel Mahé, de l’AREMORS
32 Saint-Gohard - Une nouvelle église/paroisse - Saint-Nazaire - 1873
Patrick Pauvert
46 Enquête patrimoine autour du 19 avenue de La Havane
Stéphanie Le Lu
56 L’entreprise Hailaust à Saint-Nazaire
Catherine Dutilleul
71 La Villa Victor, à Porcé - Patrimoine nazairien exceptionnel
Loup Odoevsky Maslov
84 Marcel et Marie Un jeune couple briéron en déplacement au Havre, années 1930
Daniel Sauvaget
94 Le cépage nommé “ Aunis “ de Guérande à Sarzeau
III.2 - Sur l’autre synonyme local de l’Aunis
Christophe Josso
108 Henri Fohanno (1889-1973)
Photographe amateur de talent de Mesquer et de la presqu’île
Jocelyne Le Borgne
132 SORTIES CULTURELLES
132 - Clisson, ville à l’italienne et place forte des Marches de Bretagne
- Bernard Tabary
138 À LIVRE OUVERT
138 - Extorsion de lignes (Anne Chaté) - Christiane Marchocki
139 - Dernières nouvelles avant l’hiver - (René Raimbau) - Christiane Marchocki
140 L’ASSOCIATION
Au début de 1942, le moral britannique est au plus bas après les victoires de Rommel dans le désert, le désastre de Singapour, ainsi que les nombreux navires coulés par les 250 sous-marins de l’amiral
Dönitz. Il est temps de renverser la vapeur !
L’opération Chariot reste comme un des faits d’armes les plus importants de la Seconde Guerre mondiale : le raid des commandos britanniques sur le port de Saint-Nazaire, en mars 1942, permettra de paralyser pour longtemps la forme-écluse Joubert, et d’empêcher le cuirassé Tirpitz d’y accéder.
Le Campbeltown, encastré dans la porte sud de la forme Joubert.“ The Greatest Raid of All ”
Saint-Nazaire - 28 mars 1942
Michel Mahé, Aremors
Les mémoires de Bill « Tiger » Watson nous permettent de suivre « en direct » son combat durant le raid, mais également la vie de cet homme, faite tout entière d’engagement humanitaire.
Enfin, nous voyons comment la ville de Saint-Nazaire a tenu très tôt à honorer ces héros, et continue encore aujourd’hui à commémorer chaque année ce glorieux épisode.
En juin 1940, la France est en plein désastre. Durant le reflux des Forces expéditionnaires britanniques et d’une partie de la première armée française, des officiers britanniques, dans une salle de conférences du War Office de Londres, discutent déjà des moyens de passer à la contre-attaque.
Les Britanniques créent dès le 12 juin, soit huit jours avant l’évacuation de Dunkerque, une « section de raids opérationnels », ayant pour but d’effectuer des incursions sur le littoral français afin de recueillir des informations, de faire des prisonniers, de détruire des installations côtières.
Le 22 juin, des commandos britanniques débarquent à la faveur de la nuit sur une plage française, au sud de Boulogne. Une centaine d’hommes résolus, qui rentrent les mains
vides, mais qu’importe ! Des soldats anglais sont revenus au contact de l’ennemi. Une autre opération, sans grand succès, a lieu le 13 juillet contre Guernesey.
Mais Winston Churchill est satisfait malgré tout, et met en place la Direction des opérations combinées (Combined Operations Headquarters) que dirigera l’Amiral Roger Keys. Les premiers coups de main sont audacieux et payants, comme la destruction d’une installation radar par une troupe de choc à Bruneval, dans le Pays de Caux, dans la nuit du 27 au 28 février 1942. Hitler est furieux et ordonne un renforcement des points sensibles situés sur la côte ouest. Le capitaine de vaisseau Lord Louis Mountbatten, cousin du roi et futur amiral de la flotte, remplace l’amiral Keyes à la direction des opérations. Il soumet alors au Premier ministre un plan fort séduisant, celui d’une attaque sur Saint-Nazaire.
En effet, une autre menace se fait jour, c’est la possibilité d’utiliser des navires corsaires de surface, comme le cuirassé Tirpitz1. Qu’il descende dans l’Atlantique et ce sera l’hécatombe dans les convois. Saint-Nazaire est le seul port de la côte occidentale d’Europe où il peut entrer en cale sèche pour réparations dans la formeécluse Joubert, de 350 de long sur 50 m de large, construite avant la guerre pour les besoins de la Normandie. Qu’on la mette hors d’usage et il deviendra plus dangereux pour le Tirpitz et les cuirassés allemands d’opérer dans l’océan. Churchill ajoute une autre raison, notée dans ses mémoires, c’est son goût pour le panache. « Les commandos rêvent d’en découdre et il y a là l’occasion d’un fait d’armes intimement lié aux considérations de haute stratégie », écrit-il.
Mountbatten reçoit carte blanche pour mener ce raid dont le nom de code est « Chariot ». Le 26 février, soit seulement un mois avant l’expédition, il est décidé de confier le commandement naval de l’opération au capitaine Ryder, ancien explorateur dans l’Antarctique, et le commandement terrestre au lieutenant-colonel Newman. Le but du raid est double : faire sauter le caisson de la forme-écluse, en amenant un navire bourré d’explosifs sur la porte sud, et d’assurer accessoirement des destructions dans le port, à l’aide des commandos débarqués.
1 - C’est le plus grand cuirassé à flot d’Europe et le plus grand navire de guerre de la Kriegsmarine. Il sera finalement coulé en Norvège, le 12 novembre 1944.Du côté allemand, on se croit invulnérable, et puissamment protégé par le mur de l’Atlantique. On compte, autour de Saint-Nazaire, une garnison de 25 000 hommes, de toutes armes, mais avec une grande densité de pièces d’artillerie. La protection du port est renforcée par des ballons de barrage, des filets anti-sous-marins installés dans le chenal, ainsi que par deux radars, au Croisic et à Saint-Marc.
Du côté des Britanniques, le problème est plus complexe. Attaquer Saint-Nazaire nécessite de la ruse pour provoquer un effet de surprise, mais également des moyens en hommes et en matériel.
L’effectif de l’expédition sera de 611 hommes, répartis ainsi :
• 345 marins, dont 3 Français.
• 166 combattants, issus pour la plupart du 2e commando du Special Service Brigade, dont un Français, Raymond Couraud2
• 91 saboteurs des équipes de démolition.
• 4 médecins et infirmiers,
• 3 officiers de liaison dont deux parlant français,
2 - Sous le pseudonyme de Jack Lee, il se trouvait à bord de la vedette de Thomas Platt, qui, touchée, ne put jamais débarquer ses commandos au vieux môle. Blessé aux jambes, il parvint à regagner Falmouth à bord de la vedette. Voir l’article de Charles Nicol, dans Place Publique n° 53, pour découvrir l’incroyable histoire de cet homme.
• 2 correspondants de presse accrédités par le War Office… et un chien à bord d’une des vedettes, qui échappa à la mort, et regagna l’Angleterre sur une des vedettes épargnées.
La flottille, constituée pour attaquer SaintNazaire, comprend quatorze vedettes rapides Fairmile du type B., dont quatre armées avec des torpilles de 457 mm. Elles sont longues de 35 m et larges de 6, pouvant atteindre une vitesse de 18 nœuds. Elles sont dotées de nouveaux canons Oerlikon ainsi que de réservoirs supplémentaires.
Une vedette porte-torpilles, la MTB 74, commandée par l’enseigne de vaisseau Micky Wynn est adjointe à la flottille, afin de se rendre utile dans diverses besognes de destruction. Malgré des problèmes récurrents de moteurs, ne permettant pas à la vedette de naviguer à une allure stable, elle fait partie de l’opération, mais sera remorquée pendant une grande partie du parcours.
Un autre bâtiment, adjoint au groupe, la MGB 314, une vedette-canonnière de type Fairmile C, pouvant atteindre une vitesse maximale de 36 nœuds, servira de navire de commandement. Elle sera également remorquée durant le trajet.
Le 12 juin 1873, monsieur l’abbé Boisrobert, curé de la paroisse Saint-Nazaire, rend l’âme.
principale (hormis l’Immaculée-Conception, Saint-Sébastien et Saint-Joseph de Méan), il n’y a qu’une église, la vieille église Saint-Nazaire, au bout de la jetée du vieux môle.
Le diocèse profite de la vacance pour procéder au dédoublement de la paroisse et charge le chanoine Allard, théologal du Chapître de la Cathédrale, de réaliser le projet de la création d’une seconde paroisse. Le 3 août, le conseil municipal émet un avis favorable sous condition que cette création n’occasionne aucune charge à la commune. Le 16 novembre, Monseigneur Fournier, évêque de Nantes, nomme l’abbé Hamel, vicaire à Saint-Clément (originaire de Guémené-Penfao), curé de la nouvelle paroisse à fonder, sous le vocable et le patronage de « Sai nt-Gohard ».
Gohard est né à Angers. Dans la Cathédrale de cette ville, il sera enfant de chœur, prêtre et chanoine. Il est sacré évêque de Nantes en l’an 835.
C’est sous son épiscopat qu’ont lieu les guerres entre Francs et Bretons. Ceux-ci voulant à tout prix s’emparer du pays nantais. En 843, Renaud, Comte de Nantes, livre un combat aux Bretons près du fleuve de la Vilaine à Muzillac. Il y fut battu ; un traitre nommé Lambert qui ambitionnait le comté de Nantes étant venu au secours des Bretons. Trente-trois jours après, le peuple barbare
À cette époque, la ville s’est considérablement développée, et pour l’agglomérationVieille église Saint-Nazaire, située près du vieux môle.
des normands pénètre par la Loire avec une flotte nombreuse, guidé par le traitre Lambert. Bientôt, ils entourent la ville de Nantes qui n’était pas défendue, s’en emparent et commencent le pillage.
L’évêque Gohard, le clergé, les moines courent se réfugier dans la Cathédrale. Les Normands brisent les portes, entrent dans le temple comme des bêtes féroces, frappent les fidèles, n’épargnant ni le sexe, ni l’âge, massacrant tous sans pitié et portent une main sacrilège sur le pontife lui-même qui célébrait à ce moment les saints mystères et chantait ces paroles : « Sursum corda » (élevons les cœurs). Ils immolent comme des victimes plusieurs moines, les uns au dehors
de l’église, les autres dans l’intérieur et la plupart sur la pierre de l’autel. Ils saisissent les fidèles qui restent et les emmènent avec eux prisonniers sur leurs vaisseaux après avoir ravagé la ville, enlevé les richesses des habitants et mis le feu à la Cathédrale.
La légende raconte que décapité, l’évêque reprit sa tête et marcha jusqu’à la Loire où un bateau l’emmena à Angers. Sa dépouille est effectivement inhumée à la Cathédrale Saint-Pierre d’Angers.
Gohard est canonisé en 1096. Ses reliques ont été ramenées à Nantes. La Cathédrale Saint-Pierre possède une chapelle Saint-Gohard avec un grand tableau peignant le massacre de Gohard.
Chercheuse Inventaire du patrimoine culturel pour la Ville de Saint-Nazaire
Soucieuse de connaître son patrimoine pour mieux le protéger et le transmettre, la Ville de Saint-Nazaire s’est engagée depuis 2014 dans l’inventaire du patrimoine architectural de l’ensemble du territoire communal. Réalisé en partenariat avec la Région des Pays de la Loire, garante de la méthodologie et des normes scientifiques, cette opération tente une mise à plat des connaissances de l’histoire et du patrimoine bâti de la cité, en croisant les sources depuis leur origine.
Mais comment retracer l’histoire d’un édifice quand une partie du territoire et des archives a été détruite ? Quand les acteurs d’autrefois ne peuvent plus témoigner ? Comment combler ces lacunes ? La recherche prend alors tout son sens et s’apparente à un véritable travail de détective, entre hypothèses, déconvenues et découvertes. Épisode 3, des « enquêtes patrimoines » 1, consacré au n° 19 de l’avenue de La Havane.
Difficile d’imaginer à l’emplacement de ce quartier des pins et des dunes glissant vers la Loire. Pourtant, c’est de ce paysage qu’est né le lotissement du Sable suite à la mise en vente de terrains par les sociétés Duquaire et de Béarn, au tournant du XXe siècle. Peu de temps après sa création, les allées qui le quadrillent portent les noms des escales des paquebots de la Compagnie
Générale Transatlantique.
Bien qu’il s’étende au-delà de l’avenue de La Havane, on retient depuis quelques années le nom de la capitale cubaine pour désigner ce quartier, par chance peu touché par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale.
Arpenter ces rues, c’est s’évader vers l’Amérique Centrale, mais aussi vers l’Angleterre, au travers de ces maisons mitoyennes, construites en retrait de la rue, sur d’étroites parcelles, références
aux lotissements urbains anglais de la fin du XIXe siècle. La diversité des styles des demeures oscillant entre le chalet, le pittoresque, le néobasque, le néo-normand, etc., sont autant d’invitations au voyage. Avenue de La Havane, le n° 19 paraît plus classique. Cependant, un détail retient l’attention : la surélévation presqu’entièrement vitrée. Elle semble postérieure à la création de la maison, mais que renferme-t-elle ? Existait-elle à l’origine ?
La maison est construite dans le 1er quart du XXe siècle, comme la majorité des habitations de ce quartier. Elle est mitoyenne des deux côtés. Elle possède un petit espace végétalisé et clôturé en front de rue, ainsi qu’un jardinet à l’arrière. Elle présente un plan en L et s’organise sur quatre niveaux : un sous-sol semi-enterré, un rez-de-chaussée et un étage de comble en partie vitré. La façade d’entrée compte trois travées. L’ensemble est construit en moellon disposé en opus incertum2 pour le soubassement et couvert d’un enduit tyrolien sur le reste de l’élévation principale. Mais, difficile d’affiner la datation au regard de ces quelques caractéristiques architecturales.
L’entreprise Hailaust, fondée en 1857, à Nantes, fut l’une des plus importantes situées sur le port de Saint-Nazaire, de 1891 à 1983, et marque encore le paysage de l’estuaire par la présence de l’une de ses anciennes halles, la Halle Sud, aujourd’hui lieu d’exposition et de convivialité, à côté du Vieux-Môle. Son histoire nous est contée par l’une des descendantes de Louis Hailaust (petite-fille de Georges Hailaust).
Louis Hailaust naît le 6 avril 1822 au moulin de Chauffour, à Huilé, près de Durtal. De père en fils, du plus loin que l’on remonte, les Hailaust sont meuniers, ouvriers, ou maîtres-meuniers, dans les moulins du Loir. Peu après la naissance de Louis, ses parents, Louis Hailaust et Jeanne Chauveau, vont s’installer au moulin d’Ignerelle, dont Jeanne vient d’hériter de son père.
Déchargement de pièces de pitchpin, des vapeurs Louise et Rose Léo, sur les chantiers Hailaust, à Saint-Nazaire, vers 1903. (Carte postale Delaveau)
Loup Odoevsky Maslov
Demeure
Odoevsky Maslov1Texte et photographies par Loup
C orrigeons d’abord un élément qui fausse toute approche patrimoniale : contrairement à ce qui fut écrit par la personne chargée par la Région du relevé patrimonial, en 2010, cette demeure n’est pas une « villa balnéaire ».
La villa Victor fut construite pour servir de résidence principale et a été équipée pour être habité à l’année. Les villas balnéaires ont été construites, durant ce que l’on nomme la Belle époque, à l’économie, avec des matériaux légers, sans le confort pouvant y permettre une vie hivernale. On se dispensait ainsi de les doter d’éléments de chauffage efficace et de les isoler, si bien que, quand le vent s’abat sur l’estuaire, on voit, dans ces villas balnéaires, les tapis s’envoler, poussés par le souffle qui passe par les sous-sols et remonte dans les salons à travers le plancher. C’est pour cela que, jusqu’à la Libération, 90 % des villas de la corniche nazairienne n’avaient pas de résident en dehors de la belle saison, tout comme à La Baule et Pornichet. C’est aussi pour cela que c’est un patrimoine particulièrement fragile, car victime de l’air marin, de l’humidité hivernale, et de tentatives d’amélioration approximatives. La Villa Victor a la chance d’échapper à tous ces problèmes.
La villa Victor a été édifiée pour Victor Dupin, né le 4 octobre 1854 à Seiches-sur-le-Loir, en Anjou. Il était le second fils d’Auguste Dupin, pontonnier, et de Marie Hailaust qui fut cabaretière à Lézigné. En 1872, il rejoignit, avec son frère ainé, Auguste, leur oncle, Louis Hailaust, qui avait fondé, à Nantes, Hailaust et Cie, une société d’importation de bois, dans laquelle leur père avait une participation financière. Il y fut alors commis-négociant. Officiellement, son adresse nantaise était au siège de l’entreprise Hailaust. Les recensements sont silencieux à son sujet, et plusieurs éléments laissent penser qu’il passait une part de l’année aux Royaumes unis de Suède et de Norvège, état qui exista du 4 novembre 1814 au 26 octobre 1905.
L’entreprise Hailaust, spécialisée dans l’importation et le traitement du bois, avait pour principal produit commercial le « pitchpin », appellation générique désignant des essences de pin fortement résineux, très employées pour la construction, l’ameublement et la décoration, entre 1890 et 1914. Le pitchpin des Chantiers Hailaust venait des forêts boréales de Norvège, qui forme une pince, au nord d’Oslo, du centre de la côte ouest.
1 - Loup Odoevsky Maslov est l’auteur du blog Chroniques de Saint-Nazaire.emblématique du quartier de Porcé, la Villa Victor se devine, depuis la rue, dans son écrin de verdure. À la fois connue et inconnue, poussons les grilles de son parc et allons la visiter pour en connaitre l’histoire.La façade sud.
Il est fréquent de publier la correspondance, même intime, des gens célèbres, artistes, écrivains, politiques... Du point de vue de l’histoire (ou de la psychologie !), rendre publiques ces archives privées qui n’avaient pas vocation à le devenir est souvent précieux. Toutefois, la connaissance historique ne peut se nourrir que de la vie des Grands de ce monde.
Les documents, mémoires, lettres de gens modestes peuvent être aujourd’hui pris en compte pour leur valeur de témoignage ou leur représentativité. Histoire et Patrimoine a habitué ses lecteurs à prendre en compte l’expérience de toutes les catégories sociales, bien que l’archive écrite des couches les plus modestes soit plutôt rare en dehors des papiers officiels. C’est ce qui fait le prix, selon nous, des lettres échangées par un jeune couple ouvrier des années 1930, retrouvées récemment par leurs enfants et commentées dans le présent article. Marcel Belliot, menuisier aux Chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire, est parti au Havre fin décembre 1935 pour un déplacement de plusieurs mois.
Les chantiers navals envoyaient en effet des « missions ouvrières », comme on disait, qui assuraient des travaux de finition sur les paquebots, cargos ou navires de guerre construits à Saint-Nazaire. À l’époque, ces déplacements avaient lieu au Havre, à La Ciotat, à Brest, parfois à Bordeaux ou Marseille - selon la nature du bâtiment et l’identité de l’armateur. Les ouvriers concernés, des ouvriers qualifiés, tiraient de ces missions un certain avantage financier en échange d’un éloignement temporaire : indemnités de déplacement à la journée, rémunération d’heures supplémentaires notamment le dimanche1
Ces déplacements ont été fréquents à certaines périodes. Les familles avaient à gérer la séparation temporaire comme on va le voir, chacun avait à s’adapter à de nouvelles contraintes. Ainsi, fin décembre 1935, le jour de Noël, Marcel Belliot quitte Mayun, sa jeune épouse et leur premier enfant Marie-Christiane pour un déplacement de plusieurs mois sur un chantier du Havre. Voici sa première lettre, rédigée au terme d’un long périple :
Le Havre, 25 décembre 1935
Chère petite Marie
Je suis arrivé au Havre à 11 h 35 et j’ai trouvé une pension et une chambre. Je paie13 F par jour pour la nourriture et 27 par semaine pour la chambre. Voici comment j’ai trouvé. Bossis est venu nous attendre à la gare et c’est lui qui m’a emmené dans le restaurant où lui et sa femme mangent. Ce n’est pas très luxueux, mais je ne suis pas habitué aux palaces. Je suis seul dans ma chambre. C’est pourquoi je paie un peu cher. Il y a Jeanna [Jeannin ?] et Dubot qui couchent dans la même maison, eux ils payent 160 F par mois. J’aime autant être tout seul. Je crois qu’il y a moins de frais.
Pour le voyage, j’ai payé de Mayun à Saint-Nazaire
8 F 75 pour moi et 1 F 40 pour mon vélo. J’ai payé
2 F pour mon vélo de Saint-Nazaire au Havre.
(...) Je te donnerai des renseignements plus précis demain parce que je suis fatigué et je vais aller dormir
(...) Embrasse Marie-Christiane pour moi.
Ton Marcel qui t’embrasse bien fort et qui t’aime de tout son cœur.
Tu diras bonjour à ma mère et à toute la famille. Demain, je t’écrirai plus longuement.
1 - Cf. Marthe Barbance : Saint-Nazaire - le port, la ville, le travail. Crepin-Leblond éditeur, 1948 ; pp.598-600. Il existait aussi des indemnités pour essais en mer.Suite du chapitre III.1 ‘Sur l’autre synonyme de l’Aunis’1, on se souvient que l’Aunis a aussi été dénommé « Breton » à Sarzeau et probablement dans le Pays de Guérande, et que le vin produit dans de ces terroirs s’appelait dès le Moyen Âge le « vin breton ». 1 -
1 - De LaborDe Léon, Les comptes des batiments du roi (15281571), éd. J. Baur, 1880 ; Tome II, page 247.
2 - Repris du titre de aLLe Gérard et PouLiquen Gilles : Le vin des Bretons (éd. Le Télégramme / Pêcheur d’images, 2004). On ne comprend pas bien la première phrase de ce livre : « L’évocation d’une possible relation entre les Bretons et le vin prête à sourire. », c’est une évidence pour le Finistère mais la Bretagne ne se réduit pas à ce seul département, en Bretagne nantaise c’est cette phrase qui prête à sourire. Le livre contient bien quelques pages sur le vignoble nantais qui n’effacent pas complètement une certaine ambiguïté ; le « vin des Bretons » c’est d’abord le vin produit en Loire-Atlantique et non le ‘gros rouge’ issu du négoce. Même titre pour un article de aLLe G. dans la revue ArMen (ibid).
Tous les vins du « creu de Bretaigne » sont des vins bretons, y compris évidemment le vin de Nantes, ville choisie par les ducs de Bretagne pour y construire leur château, le château de Nantes a été en effet la résidence de prédilection des derniers ducs de Bretagne3, ce qui a fait de la plus grande ville bretonne la capitale du duché à l’époque de François II et de sa fille Anne de Bretagne.
3 - LeLièvre Pierre, Nantes au XVIIIe siècle : urbanisme et architecture, éd. Picard, 1988 ; page 33. + Casset Marie, « Manoirs de plaisances des ducs de Bretagne XIIIe-XVe siècle », in Châteaux & modes de vie au temps des ducs de Bretagne XIIIe-XVIe siècle, publié sous la direction de Gérard Danet, Jean Kerhervé et Alain Salamagne, éd. Presses Universitaires François-Rabelais, 2012 ; page 165. Les ducs appréciaient aussi leur résidence de Vannes : le château de l’Hermine (petit château fort intégré aux remparts) qui sera finalement délaissé pour celui de Nantes, et bien sûr le château de Suscinio à Sarzeau.
Depuis l’exposition Henri Fohanno, en 2018, dans la Chapelle de Merquel et, surtout, grâce au précieux concours de Jacques Page-Fohanno, l’un de ses petits-fils, qui a numérisé de nombreux négatifs en sa possession et autorisé leur publication dans les articles de notre revue, on découvre l’œuvre photographique de ce talentueux amateur.
Il a photographié lors de ses séjours à Kervarin, pendant plus de soixante ans, petits et grands évènements familiaux, des scènes de la vie quotidienne mesquéraise, et, dépassant les limites de la commune, à bicyclette, puis en solex, il s’est aventuré en pays guérandais. Parallèlement à son activité professionnelle, sa passion pour les progrès techniques l’a conduit à faire des clichés de centaines de locomotives.
Né à Rennes, en 1889, il est le dernier enfant du couple Léon Émile Fohanno (1843-1910) et Marie Éliante Mahé (1847-1911). Après des études au lycée de Rennes, il intègre la promotion 1908, à Polytechnique, trois ans plus tard, son diplôme en poche, il épouse Jeanne Marguerite Marie Noëla Camaret, en novembre 1911, la sœur de son ami et condisciple de Polytechnique, Joseph Camaret (1889-1944).
Le village de Kervarin, à Mesquer, est le berceau des Camaret-Lequimener, depuis 1771. Descendant de maitres au cabotage puis de capitaines au long cours, le père de Jeanne et de Joseph fut pharmacien à Vanves après avoir tenu pendant près de vingt ans, une pharmacie à Nantes, 4 rue du Port Communeau.
Les Camaret sont venus en vacances, chaque été, à Kervarin jusqu’à leur installation en région parisienne, vers 1907. Ces séjours sont confirmés par de nombreux clichés provenant des archives de la famille Camaret.
En août 1905, les marins mesquérais organisèrent des régates à la pointe de Merquel, grâce une subvention de 150 francs votée par le Conseil municipal « au comité de régates pour rendre la fête plus attrayante1… »
1 -ADLA Mesquer 1898-1910 – 1 D 6 : séance du 6 août 1905. Entrée du village de Kervarin, depuis Kercabellec, vers 1905. (© Joseph Camaret) Régates à Merquel !Sortie, à la journée, du dimanche 3 avril 2022
Dimanche 3 avril 2022. C’est le printemps déjà bien engagé ! – mais un printemps glacial, piquant, agressif. Il va falloir se protéger du vent – épaisseur sur épaisseur. Heureusement, pas de nuages. Monte dans le ciel un énorme soleil rouge carmin, que la photo rend en blanc – par quel mystère ? Nous voilà partis, une trentaine, à la découverte de Clisson.
Il était une fois dans l’Est (Lyon, Besançon), vers la fin du règne de Louis XVI, un jeune garçon appelé François-Frédéric Lemot qui était manifestement doué pour le dessin et la sculpture.
Tellement qu’il gagne le prix l’Académie royale en 1790 et est envoyé à l’académie de France de la Ville Éternelle, en vue d’y concourir au prestigieux Prix de Rome – qu’il remporte haut la main ! Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître ! Le visa pour la gloire artistique. Un avenir assuré. Voire ???
Mais... Clisson ? Il n’en est pas encore question. Le jeune artiste comblé n’a jamais entendu parler de cette bourgade du bocage, très loin à l’ouest, sur les bords de la Sèvre nantaise. Il y faudra un événement exceptionnel, de l’ordre du coup de foudre. Pas moinsse, comme ils disent dans le Sud !
Son séjour de trois ans à Rome (et en Italie) lui permet de rester à l’écart des événements gravissimes de la Révolution française – le massacre des Tuileries, le jugement et l’exécution du Roi, la Terreur, la guerre civile : la France est devenue folle et s’entre-tue.
Ce séjour lui permet aussi de découvrir la riche culture italienne, l’art de vivre italien – la dolce vita ! – et, plus encore…, les merveilleux paysages italiens, ceux de la Toscane particulièrement. Il profite d’un initiateur
idéal : François Cacault. Celui-ci a été envoyé auprès du pape pour vendre les biens français de Rome, pour fermer (oui : fermer ! )
l’Académie de France à Rome et pour rapatrier, à terme, les jeunes artistes français.
Les circonstances politiques sont difficiles ; les armées françaises, envahisseuses et spoliatrices, ne sont certes pas en odeur de sainteté dans la botte italienne ; mais François Cacault réussit sa mission et ramène tout son petit monde d’artistes à la maison. Mais il n’est plus le même, François Lemot non plus. Cacault et Lemot, c’est comme Montaigne et La Boétie : une amitié, une complicité inexplicable(s) : vingt-huit ans de différence d’âge (plus d’une génération) ; un politique (diplomate, retors nécessairement) et un artiste (facilement narcissique et égoïste). Pourquoi ? – parce que c’était lui, parce que c’était moi…, la réponse de Montaigne est parfaitement péremptoire Il y a des choses qui ne s’expliquent pas.
Amitié courte, parce que la mort n’attend pas. Cacault s’éteint en 1805 (son alter ego artiste n’a que 34 ans – et toute une carrière devant lui).
Il peut partir : Lemot vient de prendre la grande décision qui s’imposait à eux : il a acheté, sur la commune de Clisson une vaste garenne (un territoire de chasse) qui portera définitivement le nom de la Garenne-Lemot.
Le reste de sa vie (22 ans) se partagera entre deux activités : évidemment la sculpture, les sculptures commanditée(s) par les plus hautes autorités de l’état – convention, directoire, premier consul, empereur, aux six coins de l’hexagone. Mais, bien sûr, toujours, il reviendra passionnément à Clisson peaufiner son grand œuvre, son Graal : transmuter cette garenne, ce morceau de bocage de la Vendée en un parfait lopin de Toscane.
Ici, à Clisson, chez lui, ce n’est plus un bloc de pierre qu’il sculpte – victoire de l’homme sur la matière inerte –, mais la nature elle-même, qui est vivante et constamment renouvelée.
Il dessine des zones boisées et des pelouses, il monte des bâtiments italianisants : la maison du Jardinier, la Villa ; il jette des chemins ponctués de ce qu’il appelle des
fabriques, de petits édicules de toutes sortes : le temple de Vesta, qui domine la Sèvre, le tombeau à l’antique, la colonne de Madrid, la grotte d’Héloïse, diverses statues…, qui sont autant de stations et de nourritures pour les rêveries du promeneur solitaire (ou même accompagné !)… C’est très sentimental – mais on est justement en pleine apparition du romantisme – influencé(e) par les Rêveries de J-J Rousseau (1782).
Lemot poussera son rêve jusqu’au bout – sans doute aussi le rêve de Cacault (comment les séparer ?) – en achetant l’énorme ruine du château, l’ultime fabrique, de l’autre côté de la Sèvre, avec la ferme intention de l’entretenir au mieux et d’en empêcher le démantèlement ou le pillage. Projet pharaonique, irréaliste, fou. Et pourtant, ce ne sera pas qu’un vœu pieux. Il fallait oser. Il avait raison. Le gigantesque squelette que nous visitons aujourd’hui en témoigne. Merci Lemot. Ce sculpteur sentimental était un visionnaire. Il y a du Hugo en lui. Le département de Loire-Inférieure/LoireAtlantique continuera et validera son œuvre en rachetant à ses héritiers le château, en 1962, et la Garenne, en 1968.
Le château – du XVe siècle – est évidemment bien antérieur à François-Frédéric Lemot. C’est l’une des plus titanesques forteresses établies entre le duché de Bretagne et le royaume de France, aux marches de la Bretagne. Il est évident que son rôle politique a bien décliné à partir de l’annexion du duché à la France en 1532. Cela ne l’a pas empêché d’avoir une histoire très mouvementée, surtout à la révolution, en 1793-4.
Il a été pour un temps le casernement de l’Armée de Mayence, sous les ordres du général Kléber. Il faut parler de la presque mythique bataille de Torfou et/ou de Tiffauges, les 17 et 18 septembre 1793. Commencée par quelques escarmouches, elle tourne d’abord à l’avantage des Bleus, au point que les Blancs de Charette se débandent et reculent.
Ils vont être débordés. Ce sont les invectives fleuries et très injurieuses des Vendéennes venues voir combattre leurs hommes qui relancent ceux-ci au combat. Suite à des renforts des deux côtés, les chances s’équilibrent et tournent même à l’avantage des Blancs. Kléber, le grand Kléber,
recule. Il est blessé à une épaule, mais ce n’est pas une égratignure qui va le mettre sur le flanc. Et ses Bleus ont absolument besoin de lui. Il recule, il recule. « En ortre ! Nom te Zeus ! » Il plie, mais ne rompt pas.
À cent mètres du château, les halles – du XIVe siècle – : remarquables ! Il eût été dommage de les manquer....
C’est le sacrifice d’un commandant Bleu (il l’appelle Chevardin, mais son nom réel est Schwardin, Allemand sans doute) qui lui sauve la mise : à Gétigné, il doit tenir un pont sur la Sèvre, avec cent Bleus et deux canons. Une heure ! Une heure ? C’est énorme, c’est impossible, mon Général ! Ce sera fait. Chevardin est finalement balayé par la vague Blanche. Mais les Bleus ont gagné une heure et ont déjà rejoint leur casernement dans le château de Clisson.
Et les Blancs vainqueurs sont sur les genoux, complètement cuits. Cuits de fatigue, certes, mais aussi, autant, d’alcool. Les femmes les abreuvaient largement sur la route de Torfou à Gétigné (quatre lieues !) La veille, c’était avec des invectives déshonorantes ; ce 18 septembre, c’était avec un bon petit vin de pays – et plus si affinité. Tout le monde a eu si chaud.
L’Alsacien Kléber, qui respectait ses adversaires, a laissé, sur cette bataille homérique, un commentaire célèbre : « Les repelles (Plancs) compattaient comme tes ticres et nos soldats (Pleus) comme tes lions. »
La suite est hélas un peu moins poétique. Les Bleus, ivres de fatigue et de vin (ou pire, eux aussi) mettent le feu partout à Clisson, dans le bourg comme dans château. Quelques mois plus tard, au printemps 1794, les Colonnes
Infernales de l’Ogre Turreau rajoutent une épaisse couche de sang et de feu.
L’homme furieux est un invraisemblable pyromane et un absolu démolisseur. C’est ce désert de feu et de cendre, cette abomination de la désolation (expression biblique du mal absolu), que Lemot va acheter en 1807.
Que serait devenu ce désert de feu et de cendre si Lemot n’avait pas eu le culot invraisemblable de l’acheter et de le protéger ? La ruine appelle la ruine. Et le temps, insidieusement ronge la ruine. Bientôt il n’en reste rien. Lemot est le sauveur de Clisson.
C’est très terre à terre, mais nous allons parler restaurant. L’élu se trouvait sur la commune de La Haye-Fouassière, à une demi-heure de route de Clisson ; mais le choix de Nicole s’imposait. Nous avons mangé Chez Pipette, la célébrissime Auberge Bistronomique, qui n’a rien perdu de sa popularité séculaire. Évidemment, quand il y a plus de deux cents clients à servir, on ne peut pas prétendre à un service raffiné. Il faut être efficace. Mais eh ! c’est de la cuisson au feu de sarment ! À trente mètres, Jean de la Queue, l’alter ego (le concurrent), l’aussi célèbre, semble se porter comme un charme et attirer les mêmes foules. Mais nous ne pouvions tout de même pas choisir les deux… Merci Nicole ! Bernard
Anne Chaté nous offre un roman où réalité et fiction se mêlent si bien, qu’au début, nous admettons la vraisemblance de ce récit. Mais, vraisemblance et vérité sont deux mots différents.
Anne Chaté enseigne l’expression et l’économie à l’IUT de Saint Nazaire. Elle est Normalienne, docteure en sociologie agrégée de sciences économiques et sociales, auteure d’ouvrages parus chez L’Harmattan. Ce livre est son second roman.
Comme un fait divers, ces lignes naissent au Croisic lors d’un salon du livre organisé dans l’ancienne criée. Les visiteurs ne sont pas seuls évoqués. Les exposants, les auteurs, les éditeurs se croisent, se rencontrent, tiennent des conversations animées. Cette ambiance agréable, conviviale, nous est familière et fort bien relatée. On s’y croirait. Or, une anomalie sourd, imperceptiblement. Un malaise gagne. Un danger guette. Une certaine actualité qui ne nous est pas inconnue se rappelle à notre souvenir et influence notre lecture. L’auteur nous pousse dans un piège d’où on ne s’échappe pas. On le pressent sans pouvoir toutefois l’identifier. Un soupçon de sadisme joue son rôle, progressivement, il domine l’action. Le lecteur, intrigué, prend fait et cause pour la victime désignée, personnage principal. Tous les deux sont entraînés. Enfermés, ils se débattent. Le lecteur, en toute conscience, cherche l’issue. L’espoir, dernier des maux, ne sombre pas tout à fait, il ne peut se soustraire au texte, autre piège, agréable, celui-là. Il n’en voit pas la fin. C’est alors qu’il s’immerge, à ses risques et périls.
À vous, futurs lecteurs, d’entrer dans l’action en ouvrant ce livre sans pouvoir le refermer avant la dernière page. Remarquez-vous un indice ? Reviendrez-vous à un salon du livre ?
Prendrez-vous votre stylo ? Rédigerez-vous quelques pages ? Hésitez-vous ?
Voilà ce à quoi peut mener l’écriture...
Christiane Marchocki
Anne Chaté
Éditions L’Harmattan
98 pages, 12,50 €
140 pages, 12 €
Les romans en tous genres ne sont pas les seuls livres susceptibles de capter l’intérêt du lecteur. Les recueils de nouvelles ont aussi ce pouvoir. René Raimbau, auteur de « Dernières nouvelles avant l’hiver » nous offre vingt textes, tous très différents les uns des autres, chacun se suffisant à lui-même et propre à charmer celui qui en prend connaissance.
Certains sont teintés d’une actualité familière, d’autres sont imprégnés du caractère des lieux, parfaitement ressenti par celui qui les connait. On est chez soi. Ainsi en est-il du port du Croisic. L’enfance de René Raimbau transparait. L’imagination n’est cependant pas absente.
Ce ne sont pas des historiettes banales, objet de conversations à bâtons rompus. Des constatations personnelles et pourtant générales au sujet du comportement humain, font naître des sujets de réflexions. Une philosophie émerge au gré des lignes. Ces nouvelles sont empreintes de sagesse, sans être des leçons de vie sous forme de recommandations.
D’une grande sensibilité, rien n’échappe à l’observation de l’auteur. Son style personnel nous entraîne d’une page à l’autre. Notre curiosité alliée à notre plaisir de la lecture nous fait désirer le récit suivant, qui, nous le savons, aura son originalité. Ainsi, progressivement, se dessine la personnalité de l’auteur.
Surprenantes, parfois, dans leur déroulement, ces vingt nouvelles attrayantes vous feront prisonniers. Prisonniers, et heureux de l’être.
Christiane MarchockiA.P.H.R.N
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ISSN : 2116-8415
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