HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Page 1

Sculpture de Jean Fréour, dans l’église Saint-Gohard, de Saint-Nazaire. (Photo Jean-Charles Pauvert)

Éditorial

Ceux qui ont connu la Deuxième Guerre mondiale ne peuvent pas l’oublier. Ils sont de moins en moins nombreux. Lorsqu’on n’a rien vécu de semblable, on ne peut imaginer l’enfer, ni la terreur. Le premier article de ce numéro, particulièrelment bien documenté, impitoyable, ne masque ni l’aspect économique, ni l’impéritie. Il concrétise ce qu’est réellement la guerre et ce que ce mot signifie. Rien ne dure. Les guerres, aussi, ont une fin. Une nouvelle époque commence, celle de la reconstruction. À Saint Nazaire, on édifie de nouveaux logements et une église : Saint-Gohard. Son style moderne nous est fort bien décrit et l’article fait naître l’envie de s’y rendre. Les femmes, au XIXe siècle, et encore au XXe , ne passaient pas en première page, elles avaient rarement « la vedette ». En bien des domaines, elles devaient faire preuve d’une grande supériorité pour être connues. Alice Carissan, artiste peintre, née en 1869, à Saint-Nazaire, et décédée en 1964, acquiert la notoriété à la fin de sa vie. La délicatesse de son pinceau, alliée aux nuances des fleurs, la font remarquer. Il est un moyen de parcourir le monde et l’histoire : la philatélie. Le destin des timbres est de voyager. Leur rôle est d’accompagner le courrier, où qu’il aille. Chaque timbre est un petit tableau en lui-même. Ils représentent, et diffusent, les évènements notoires, certains personnages célèbres. Le CPN, association culturelle nazairienne, presque centenaire, raconte, via les timbres, l’histoire de la ville et de la région.

Nous revenons à la peinture, avec Paul Gauguin, de passage à Saint Nazaire. C’est l’occasion de revoir la ville, et son port, à la fin du XIXe siècle, au moment de la construction du canal de Panama.

Mauricette, qui est-elle ? D’abord l’héroïne d’un roman, puis d’une pièce, un « son et lumière », joué en plein air, à la limite des communes de Fay-de-Bretagne et de Bouvron.

Le temps passe, tout passe… Restent, par-ci par-là, quelques vestiges de la guerre, plus ou moins faciles à identifier. Le petit canon de Pornichet en est un, ignoré de la plupart.

De Pornichet, nous arrivons en Grande Bretagne, et pas n’importe où : à Buckingham Palace. Nous allons d’une résidence royale à une autre, avec une Pornichétine, au service de la reine d’Angleterre Élisabeth II, disparue en septembre dernier.

Les habitants du littoral sont, aussi, concernés par les conflits guerriers, sur le plan maritime. Ce peuple vit de la mer. Il en meurt aussi. Voici un aspect de l’histoire locale, un sujet d’étude, un texte, construit, documenté, vivant, qui nous entraîne au XIX e siècle et nous retrace la vie des marins de Mesquer.

Le présent, lentement, se métamorphose en passé. Les sillages des anciens navires s’effacent, absorbés par la mer… Il en serait de même pour les humains, si certains passionnés d’histoire ne les découvraient pas.

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 1

A.P.H.R.N

Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4)

2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

aphrn.asso@gmail.com - https://aphrn-asso.fr - Tél. 06 07 11 21 88

HISTOIRE & PATRIMOINE

n° 104 - décembre 2022

É diteur : A.P.H.R.N

Direction de la publication : collégiale (voir dernière page)

Maquette/Mise en page/Coordination : Tanguy Sénéchal

Impression : HelloPrint

Dépôt légal : 1er trimestre 2023

N° ISSN : 2116-8415

Revue consultable aux Archives de Loire-Atlantique sous la cote Per 145

Contribuez à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE

Vous vous intéressez à l’histoire, et, en particulier, à l’histoire de notre région ?

Vous souhaitez apporter votre témoignage sur une époque, aujourd’hui révolue ?

Vous possédez des documents, ou objets, anciens (écrits, photos, dessins, peintures, tableaux, sculptures, objets divers), qui pourraient faire l’objet d’une publication ?

Vous aimez écrire, raconter, transmettre, ce qui vous intéresse, ou vous tient à coeur, et qui a trait à l’histoire locale ?

L’APHRN vous propose de publier vos écrits, ou documents, ou de transcrire vos témoignages, dans la revue HISTOIRE & PATRIMOINE

Téléphonez-nous, au 06 07 11 21 88, ou écrivez-nous, à l’adresse ci-dessous, ou, tout simplement, adressez-nous, directement, votre texte, sous forme numérique.

Vos propositions seront examinées avec la plus grande attention et soumises au conseil de direction de l’APHRN, qui vous répondra dans un délai d’un mois, maximum.

Adresse électronique : aphrn.asso@gmail.com - Adresse postale : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

Abonnez-vous à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE

Un abonnement à la revue HISTOIRE & PATRIMOINE, c’est l’histoire de la région nazairienne/guérandaise, tous les quatre mois, dans votre boîte aux lettres, en mars, juillet et novembre (votre abonnement vous permet, de plus, de bénéficier d’un tarif préférentiel sur les numéros hors-série, qui paraissent à différentes périodes de l’année).

C’est l’histoire locale, dans toute sa diversité, écrite, à la fois, par des historiens professionnels, connus et reconnus, et par des amateurs éclairés, dans la tradition des publications de notre association, depuis sa création, par Fernand Guériff, il y a 51 ans.

C’est, aussi, un support en constante évolution, d’un graphisme soigné, richement illustré, composé de près de cent pages à chaque livraison.

Nous vous proposons cet abonnement avec une réduction de 10 % par rapport au prix public, frais de port compris (trois numéros par an, parution en mars, juillet et novembre).

f abonnement ..... 27 €/an (tarif 2022)

Pour vous abonner, vous pouvez, au choix :

˜ vous inscrire, en ligne, sur notre site internet, à l’adresse https://aphrn-asso.fr

rubrique « Abonnement »

˜ nous adresser un courriel à l’adresse : aphrn.asso@gmail.com

˜ nous écrire, à : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

˜ téléphoner au 06 07 11 21 88

Vous pourrez, ensuite, régler votre abonnement par carte bancaire, virement ou chèque.

Il est possible de s’abonner à tout moment de l’année.

L’abonnement vaut pour l’année civile en cours (les numéros parus, antérieurement, dans l’année, vous seront adressés)

Le renouvellement de l’abonnement s’effectue au cours du mois de janvier de chaque année.

2 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

HISTOIRE & PATRIMOINE

n° 104 — décembre 2022

01 Éditorial

Christiane Marchocki

04 9 novembre 1942 - Il y a 80 ans

Le bombardement des chantiers nazairiens et le massacre des apprentis

Michel Mahé - AREMORS

28 Une nouvelle église Saint-Gohard dans le Saint-Nazaire d’après-guerre

Patrick Pauvert

34 Alice Carissan peintre des reflets et des fleurs

Brigitte Derbord et Loup Odoevsky Maslov

52 Club Philatélique Nazairien - 96 ans de passion d’histoire et d’amitié Collectif CPN

62 Paul Gauguin à Saint-Nazaire

Christian Morinière

76 Mauricette, l’Insoumise de la Poche de Saint-Nazaire

Bernard Tabary

82 L’énigme du “ Petit Canon “ de Pornichet Grégory Aupiais

87 Une Pornichétine à Buckingham Palace au service de la reine Élisabeth II

92 Destins de marins mesquérais et de leurs descendants

114 - Le musée de l’imprimerie, à Nantes

117 - 100 parcours guérandais - Rencontres singulières (Josick lancien et Gérard Mallet) Christiane Marchocki

118 - Meurtres à marée basse - (René Raimbau) - Christiane Marchocki 119 - Les brigades du sel (Jacques Péneau) 120

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 3
SOMMAIRE
Sonia Michel
au XIXe siècle Jocelyne leborgne
Bernard
108 ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI Le Monde du silence Christiane Marchocki 110 SORTIES CULTURELLES 110 - L’Anjou, un Pays où le passé est très présent
Tabary
Bernard
Tabary
117 À LIVRE OUVERT
L’ASSOCIATION
62
76
82
87
92
P.
P.
P.
P.
P.
4 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
Apprentis dans l’atelier d’apprentissage tôlerie, au chantier de Penhoët, en 1930. ( Photographe inconnu. Collection Saint-Nazaire agglomération Tourisme- É comusée. Fonds Chantiers de l’Atlantique)

9 novembre 1942

Il y a 80 ans

Première partie Le bombardement des chantiers nazairiens et le massacre des apprentis

En ce lundi 9 novembre 1942, le soleil brille à Saint-Nazaire. À l’école d’apprentissage du chantier de Penhoët, les apprentis viennent de reprendre le travail au début de l’aprèsmidi. Ils sont loin de se douter que cette belle journée d’automne va se transformer, dans quelques minutes, en cauchemar.

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 5

La guerre dans le monde

◊ L’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie le 22 juin 1941, rompant ainsi le pacte germano-soviétique.

◊ À la suite du bombardement de Pearl Harbor par les Japonais le 7 décembre 1941, les États-Unis entrent à leur tour dans la guerre qui devient mondiale.

◊ Le conflit se poursuit sur différents fronts, et l’année 1942 marque un tournant décisif.

◊ En Europe, l’armée soviétique entame sa contre-offensive le 1er janvier 1942. La bataille de Stalingrad débute dès le 17 juillet. Les Allemands capituleront le 3 février 1943.

◊ En Afrique, les troupes anglaises et françaises libres affrontent les Allemands, commandés par Rommel, qui se trouvent bloqués à Bir-Hakeim alors qu’ils se dirigeaient vers Suez. Après la bataille de Tobrouk, l’avance allemande en Égypte est définitivement stoppée. Le 8 novembre, les troupes anglaises et américaines débarquent en Afrique du Nord, au Maroc et en Algérie. En France, le 11 novembre, Hitler déclenche l’opération « Attila », et la zone libre est envahie. La flotte française se saborde à Toulon le 27 novembre.

◊ Dans le Pacifique, la bataille des Philippines fait rage. Entre le 3 et le 7 juin, la flotte japonaise est défaite par les Américains au cours de la bataille de Midway. Début juillet, l’armée américaine débarque à Guadalcanal occupée par les Japonais, qui évacueront l’ile en février 1943. La reconquête du Pacifique est commencée.

Saint-Nazaire et la guerre

Saint-Nazaire vit l’été 1939 sans trop se préoccuper de la montée des risques de conflit. On profite de l’été, des joies de la plage et de la baignade. Mais la réalité va se faire jour rapidement, dès le début de la guerre. Ce sont tout d’abord les réfugiés venant du Nord et de la région parisienne qui arrivent en Bretagne.

Dans le même temps, les soldats britanniques débarquent par contingents entiers à Saint-Nazaire, avant de monter au front. On comptera une quarantaine de convois entre mi-septembre 1939 et mi-juin 1940.

Et puis c’est le coup de tonnerre du 10 mai 1940, l’armée allemande envahit la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Le concept du « Blitzkrieg » ignoré par les généraux français porte ses fruits.

L’exode jette des millions de gens sur les routes de France, et à Saint-Nazaire, on essaie d’accueillir et de gérer au mieux cette population.

Le 12 juin à 21 h 45, c’est le premier contact direct de Saint-Nazaire avec la guerre. Un avion allemand largue ses bombes sur Penhoët, sans faire de victime, mais causant de gros dégâts. Dès le 15 juin, les troupes anglaises, polonaises, tchécoslovaques refluent vers le port, afin de s’embarquer vers l’Angleterre. Plus de 40 000 soldats se pressent dans la ville et sur les quais, ainsi que de nombreux civils. Ne pouvant entrer dans le port, de nombreux navires les attendent sur rade.

Le lundi 17 juin, l’embarquement se poursuit. Au début de l’après-midi, le paquebot Lancastria, mouillé au large, est pris pour cible par les bombardiers allemands. Touché à mort, le navire s’incline sur le flanc et sombre en 24 minutes.

À bord se trouvent des milliers de passagers, civils et militaires, dont beaucoup périront noyés. On estime à 4 000 le nombre de victimes. L’évacuation des militaires et des civils se terminera le 20 juin.

Pendant ce temps, les Allemands se rapprochent de Saint-Nazaire. La décision est prise de faire sortir des chantiers navals le cuirassé Jean Bart, encore inachevé, afin qu’il ne tombe pas entre les mains ennemies. Cette opération extrêmement risquée aura lieu dans la nuit du 18 au 19 juin, et sera, malgré d’énormes difficultés, une réussite totale, le navire rejoignant Casablanca.

Ce même 19 juin, Saint-Nazaire connait ses premières victimes civiles. Au cours d’un bombardement allemand sur le centre-ville, on déplore 11 morts et 20 blessés.

Le 21 juin, l’avant-garde des troupes allemandes pénètre à Saint-Nazaire, le gros des troupes arrive le 22. Débutent alors pour la ville cinq longues années d’occupation.

Les bombardements sur la ville, le port et les industries

Saint-Nazaire ne subit pas d’autres bombardements en 1940. Ceux-ci reprennent en 1941, de petites formations d’avions britanniques effectuant des raids, la plupart de nuit, sur le port et les chantiers. La base des sous-marins, dont 3 alvéoles sont construites dès la fin juin 1941,

6 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

constituera également un objectif majeur, bien qu’elle offre, étant donné sa construction, une grande résistance aux bombes alliées. On dénombrera pour 1941 37 victimes civiles, 13 tués et 24 blessés, au cours de 20 bombardements.

En 1942, les bombardements de la R.A.F. se poursuivent et s’intensifient. Ils concernent les mêmes cibles, auxquelles s’ajoutent des opérations de mouillages de mines dans l’estuaire, ainsi que des repérages et photographies d’objectifs. Des bombes incendiaires sont utilisées à partir du 7 janvier.

Le commando britannique du 28 mars 1942 s’accompagne également d’un bombardement nocturne, mais les Allemands s’étonnent du fait que les bombardiers semblent tourner en rond sans lâcher leurs bombes, ou si peu…

Le manque de communication entre la R.A.F. et le commandement de l’opération « Chariot » rendra ce raid aérien plus nuisible qu’utile en ce qui concerne la réussite du raid.

Les pertes civiles malheureusement augmentent, on compte entre janvier et octobre 102 morts et 108 blessés, au cours de 14 bombardements.

Le bombardement du 9 novembre 1942

Nous reviendrons dans la deuxième partie sur l’intervention des forces aériennes américaines en France à la suite de l’entrée en guerre des États-Unis.

Les autorités américaines avaient prévenu, par tracts et par radio, de l’imminence d’attaques aériennes sur les sites stratégiques en France, comme les bases de sous-marins, les gares de triage, les usines, les ports, en demandant aux populations de se tenir à distance de ces objectifs.

Lorient a été bombardée le 21 octobre, Brest le 7 novembre. C’est au tour de Saint-Nazaire en ce funeste lundi 9 novembre 1942. La ville va connaitre son premier bombardement américain, et qui plus est, en plein jour.

Le port et les chantiers navals sont fortement protégés par une ceinture de DCA et de nombreux blockhaus. Les bâtiments sont camouflés, particulièrement sur leur partie tournée vers la Loire.

Vue aérienne du port de SaintNazaire, de la base sous-marine et des chantiers, en 1942. (Imperial War Museum, C 2351 D.R.)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 7

Une nouvelle église

Saint-Gohard dans le Saint-Nazaire d’après-guerre

Saint-Nazaire est en ruine. L’urgent est de construire des logements. Cependant, dès 1947, le dossier de Saint-Gohard est pris en charge. L’église appartient à la mairie, donc, la question de l’indemnisation est traitée par le conseil municipal.

28 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 -
2022
décembre
Patrick Pauvert

En raison de l’emplacement de la base sous-marine, le centre-ville se déplace vers l’est et il n’est pas question de rebâtir l’église place Marceau. De plus, l’église Saint-Nazaire est toute proche.

Un lieu de culte pour un nouveau quartier

Le curé Pointhière s’oriente très vite vers le nouveau quartier construit vers le cimetière de Toutes Aides et la petite chapelle Notre Dame de Toutes Aides. Ce quartier « populeux » a besoin d’un lieu de culte proche. Avec l’accord de la municipalité, le site est retenu entre le boulevard de la Renaissance et la rue de Cardurand.

Le 2 janvier 1953, Mgr Villepelet, évêque de Nantes, décide la résurrection de la paroisse Saint-Gohard.

En accord avec la coopérative pour les églises sinistrées présidée par M. Caux, l’architecte en chef de la reconstruction choisit le projet aéré de l’architecte André Guillou, directeur de l’École des Beaux-Arts de Nantes. Ce Nantais avait déjà été retenu en 1941 pour la construction de l’église Notre Dame d’Espérance au Pertuis-Chaud, mais la guerre en a voulu autrement.

Ce projet correspond à la ligne que le clergé d’après-guerre désire : concevoir des espaces liturgiques très ouverts, en évitant les divisions habituelles ternaires des nefs. Le but recherché étant de regrouper les fidèles autour de l’autel. On s’oriente vers l’épuration des églises. Les concepteurs se recentrent autour de la vocation primitive des églises, le baptistère est à l’entrée de l’église.

Le permis de construire est délivré le 31 juillet 1953.

Une forme de croix grecque

Le plan de l’église est une croix grecque. Il s’agit de trois nefs de même dimension ajourée de baies verticales à vitraux colorés se reliant à angles droits. La construction est en béton armé, ce qui permet la réduction des coûts. Elle est constituée de fermes sur lesquelles repose la toiture.

Quelques réserves architecturales sont émises comme le recours obligatoire à l’ardoise, tandis que Guillou avait prévu une toiture en tuile vernissée verte dont l’effet aurait tranché dans le tissu urbain.

Une vue de Saint-Nazaire en ruines.

(Collection Patrick Pauvert)

Ci-contre Plaquette comportant la liste des entreprises qui ont participé à la construction de l’église.

(Collection Patrick Pauvert)

Page de gauche Maquette de la nouvelle église SaintGohard.

(Collection Patrick Pauvert)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 29

Alice Carissan peintre des reflets et des fleurs

Brigitte Derbord1 et Loup Odoevsky Maslov 2

Alice Émilie Élisa Marie Carissan est née le 13 novembre 1869 à Saint-Nazaire. Sa famille est illustre en Loire-Atlantique et l’on peut affirmer que si tout le monde n’a pas la chance de naître Carissan, naître Carissan oblige à se surpasser..

Enfant d’une illustre famille bretonne

Son père , Ambroise Louis, capitaine au long court depuis le 22 mai 1865, est issu d’une famille originaire d’Iffendic établie en 1805 à Nantes. Il est le fils de Honoré Eugène (18061876), juge de paix, fondateur en 1837 du mensuel parisien Morale en action du Christianisme et en 1848 du quotidien L’Alliance, journal catholique et ami de la liberté C’est aussi un ami d’Émile Souvestre (1806-1854), écrivain qui participe à la redécouverte de l’identité bretonne.

Ambroise a six frères et sœurs. L’un d’eux, Eugène Pierre Vincent (Nantes, 6 juillet 183012 octobre 1883, Nantes), est professeur agrégé d’histoire et de géographie à l’École supérieure des Lettres, Sciences et des Arts et membre de la Société académique de Nantes. Comme Souvestre, il défend l’identité bretonne en publiant plusieurs essais sur le sujet. La fratrie compte une autre personnalité marquante : Célanie (Nantes, 13 février 1843 - 30 novembre 1927 à Neuilly-sur-Seine) romancière et compositrice renommée qui vit à Paris, uniquement entourée de femmes3

1 - Brigitte Derbord est documentaliste-archiviste au Musée des Cordeliers de Saint-Jean-d’Angély.

2 - Loup Odoevsky Maslov, auteur de

Bretonne, catholique et royaliste, la famille Carissan entretient cette tradition du temps du Duché qui fait que ses filles sont éduquées et incitées à l’autonomie. Cette particularité trouve son écho dans la famille maternelle d’Alice. Sa mère, Marie-Stéphanie Terrien, née au Havre le 19 février 1842, est la fille d’un négociant nantais. Malgré l’aisance matérielle de son milieu, elle a fait le choix de gagner sa vie en devenant institutrice. Elle renonce à son métier lorsqu’elle épouse Ambroise Carissan en 1866 pour se consacrer à sa famille. Un premier enfant, Edmond Eugène Ambroise, naît le 16 avril 1868 puis l’année suivante, Alice voit le jour. Ambroise, tant par ses origines que par ses fonctions, appartient à la bonne société et bénéficie de revenus confortables. Il décide de quitter son poste de capitaine à la Compagnie Générale Transatlantique pour devenir agent d’assurance, obligeant sa famille à déménager. Alice a sept ans quand elle quitte Saint-Nazaire pour Nantes, où naît le 11 mai 1877 un second frère, Marcel Stéphane. Les liens entre les trois enfants sont forts et se renforcent quand leur mère décède en 1882.

Durant un déplacement professionnel en Charente-Inférieure4, Ambroise fait la connaissance de Jeanne Marie Marguerite Mélitine Gout (La Rochelle, le 15 décembre 1853 – avril 1931, Saint-Jean-d’Angély), fille d’un rentier rochelais ayant fait fortune dans le négoce de cognac. Il l’épouse le 4 juillet 1883. Le couple et les enfants d’Ambroise s’installent à Saint-Jean-d’Angély, dans une petite maison dite de type « échoppe », 4 - Actuelle Charente-Maritime.

plusieurs biographies et analyses artistiques, est aussi celui du blog Chroniques de Saint-Nazaire, consacré à l’histoire des Nazairiens. 3 - Voir la notice Carissan dans le Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, volume 7, de René de Kerviler. Librairie Générale de J. Plihon et L. Hervé, Rennes, 1894.
34 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Mystère des Reflets, médaille d’argent au Salon de 1934.

(Collection Ville de Saint-Nazaire photographie Loup Odoevsky Maslov) Cette peinture est, actuellement, derrière un vitrage sale de l’intérieur et attend d’être envoyée chez un restaurateur.)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 35

Club Philatélique Nazairien

Par le Collectif CPN

L’émission du premier timbre au Monde eut lieu en 1840, en Angleterre, suivie par de nombreux pays, dont la France, en 1849. Ce qui a suscité rapidement l’engouement de collectionneurs. Ceux-ci

n’ont pas tardé à se rassembler en clubs, partout en France. À SaintNazaire, le Club Philatélique Nazairien (CPN) a vu le jour en 1926. Ses membres d’aujourd’hui vous racontent cette page d’histoire.

ÀSaint-Nazaire, le premier bureau de poste fut ouvert le 1er janvier 1822. Il dépendait de Paimbœuf (42 - Loire-Inférieure), alors Bureau de direction des Postes. Il a fallu attendre 1840 pour que Saint-Nazaire obtienne son autonomie postale. Pour mémoire, la Loire-Inférieure (42) deviendra LoireAtlantique en 1957 (44).

Au commencement...

« Le club a été créé le 29 mai 1926 (parution JO en octobre 1926 avec le n° 244) par une poignée d’amis qui partageaient tous la même passion pour ce petit morceau de papier, le timbre. Il a traversé l’histoire. Même pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque Saint-Nazaire était occupée, l’activité du club a perduré. Après la destruction de la ville, en février 1942, le club a établi son siège à La Baule, à l’Hôtel des Dunes.

De tout temps, le club a été présidé par des passionnés, qui ont travaillé sur la durée et ont pu mener ainsi des actions cohérentes. C’est une chance extraordinaire ! Le premier président, par exemple, est resté 42 ans. Je suis la sixième et première femme présidente », raconte Jacqueline Rica.

Cet engouement pour la petite vignette qui accompagne nos lettres s’est développé et, pour certains, la collection de timbres s’est transformée en philatélie : le goût pour tout ce qui est en rapport avec les documents, histoire et marques postales.

52 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
Cachets postaux successifs de Saint-Nazaire, de 1822 à 1830 de 1830 à 1840 de 1840 à 1849 (Collection CPN)

96 ans de passion d’histoire et d’amitié

Commémoration du centenaire de l’arrivée des troupes américaines à Saint-Nazaire, en 1917. (The Bridge, juin 2017, avec la Ville de Saint-NazaireCollection CPN)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 53

Paul Gauguin à Saint-Nazaire

Christian Morinière

Paul Gauguin et Charles Laval arrivent à Saint-Nazaire le 9 avril 1887, accompagnés de Ferdinand du Puigaudeau. Ces trois peintres, encore inconnus, se sont rencontrés à Pont-Aven.

62 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Comme Paul Gauguin l’écrit à sa femme, Mette : « Je pars le 10 avril de Saint-Nazaire. J’arriverai en Amérique sans argent. Je m’en vais à Panama pour vivre en sauvage ». Ce sera un tournant dans la vie du peintre. Ferdinand reste à quai : il doit effectuer son service militaire. Les deux autres montent à bord du Canada qui partira le lendemain pour Colón, le port atlantique du Panama.

De Pont-Aven à Saint-Nazaire

Paul Gauguin est alors à Paris dans la misère la plus absolue. Après avoir été un « trader » talentueux, le krach boursier de 1882 l’a ruiné. Il se raccroche à la peinture pour survivre. Mais la peinture impressionniste du salon des indépendants avec ses amis Pissarro et Degas ne se vend pas. Alors il « est dans la mélasse », comme il le dit lui-même. Il écrit à sa femme, Mette, en août 1886 : « Si je vends quelques tableaux j’irai l’été prochain me mettre à l’auberge dans un trou de Bretagne faire des tableaux et vivre économiquement. C’est encore en Bretagne qu’on vit le meilleur marché ».

Pont-Aven n’est cependant pas un trou. C’est le rendez-vous international des peintres étrangers venus étudier à Paris… et celui des fauchés.

« Il n’y a presque pas de Français », dira-t-il dans une lettre. Paul peint là des œuvres magistrales et comprend qu’il faut aller vers de nouveaux horizons pour renouveler sa peinture. Il rencontre à la pension Gloanec dans cet été de 1886 deux peintres avec lesquels se tisseront des liens d’amitié : Ferdinand du Puigaudeau et Charles Laval.

Page de gauche

La Pension Gloanec, à Pont-Aven, en 1886.

1 - à droite de la porte : Ferdinand du Puigaudeau

2 - au bord du trottoir : Paul Gauguin

3 - Charles Laval

(Collection Jocelyne Le Boeuf)

Ci-dessous Paul Gauguin à Pont-Aven, en 1888. (Photographe inconnu)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 63

Mauricette

l’Insoumise de la Poche de Saint-Nazaire

Je serais un peu gêné de te présenter mon roman Mauricette l’Insoumise de la Poche de Saint-Nazaire (Éditions du Petit Pavé 2012

– parution précédente sous le titre La Belle Insoumise, éditions L’Écir, « romans du terroir », 2008). Ce serait bien sûr très/trop subjectif.

Évidemment que je l’aime, ce roman ! J’aime tous mes livres, tous autant les uns que les autres, et je ne fais pas de classement qualitatif.

76 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Ici, il ne va pas être question de mon roman, mais d’une adaptation théâtrale qui en a été faite par des lecteurs apparemment (oh oui !) passionnés....

Un Son et Lumière

Il ne s’agit pas d’une classique pièce de théâtre en salle, mais d’un Son et Lumière , joué en pleine nature, à la limite entre les communes de Fay-de-Bretagne et de Bouvron – une limite qui correspond exactement à la ligne de démarcation, frontière très surveillée entre la Poche de Saint-Nazaire et la France libérée, d’août 1944 au 11 mai 1945 (trois jours après la fin officielle de la guerre, 8 mai).

Je ne suis pas théâtreux. Ce n’est pas moi qui ai monté ce spectacle. Ce sont des lecteurs théâtreux – particulièrement Michel Lefort, président du Théâtre Fayen (= de Fay-de-Bretagne) – qui ont décidé de se lancer dans cette aventure, tout à fait nouvelle pour eux, du théâtre de plein air

Ils ont largement quitté leur zone de confort. Ils ont pris de sacrés risques ; mais le résultat est exceptionnel.

L’Association Mauricette et son travail

L’aventure a commencé officiellement en 20152016. Michel Lefort démissionne de son mandat au Théâtre Fayen (cela s’appelle brûler ses vaisseaux, franchir le Rubicon, sauter dans le vide, s’enfoncer dans la purée de pois...) pour créer une Association Mauricette, avec statuts, bureau, etc...

Travail – long travail – de rédaction d’un scénario inspiré du roman. Recherche de personnes intéressées par les rôles (acteurs et figurants – bien au-delà de 100 personnes, de tous âges).

Création de décors très réalistes – même les remparts de Guérande et le clocher de la collégiale – conçus et réalisés par des membres de l’association.

Recherche active de costumes d’époque en bon état – ainsi que d’objets divers (vélos, motos, voitures, casques et fusils allemands ainsi que les tenues qui vont avec…).

Recherche et aménagement d’un lieu adapté et symbolique (quoi de plus approprié que la ligne de démarcation ? ; ici, un ruisseau qui

Page de gauche Du haut des gradins, vue plongeante sur l’espace scénique, avec la maison de Mauricette, la maison du potier (qui ne sert pas ; elle est là pour le fun…), les remparts de Guérande et le clocher de la collégiale…

Ci-dessous Et même les marais salants...

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 77
(Photo Bernard Tabary) (Photo Bernard Tabary)

L’énigme du " Petit Canon " de Pornichet

Dans l’imaginaire collectif, l’histoire du temps présent n’est que rarement associée à la fabrique des contes et légendes. Encore moins quand il s’agit de ce « très contemporain », d’une temporalité presque immédiate, pour reprendre l’expression inventée par Pierre Laborie1, qui présente la particularité de générer une proximité plus étroite encore, pour ne pas dire une certaine forme de familiarité avec le sujet.

Il est très rare que le « très contemporain » soit créateur de toponymie. Cette branche « géographique » de la linguistique s’intéressant à l’étude des noms de lieux, tant du point de vue de leur origine que de leur transformation et de leur signification, a en effet plutôt l’habitude de prendre ses racines dans une sécularité immémoriale dont l’interprétation même devient au fils des siècles totalement inaccessible aux habitants du cru comme d’ailleurs. Toutefois, elle peut cependant épisodiquement emprunter des raccourcis temporels dont le souvenir bien que chronologiquement plus proche devient rapidement de plus en plus évanescent, à mesure que s’efface l’ère de ses initiateurs voire de ses simples témoins.

l’avant-propos

recueil d’articles

1 - Voir notamment du de Pierre Laborie publié en 2001 aux éditions Desclée de Brouwer. Pierre Laborie, Les Français des années troubles, Paris, Desclée de Brouwer (coll. « Histoire »), 2001, p.7-17. Grégory Aupiais
82 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

De cela, les créateurs du Musée du folklore français inauguré en 1884, soit seulement six ans après le Musée d’ethnographie du Trocadéro, en avaient parfaitement conscience. Il ne s’agissait cependant à ce stade que d’une seule et modeste salle au cœur d’un foisonnement aussi exotique que dépaysant mais celle-ci préfigurait déjà le futur Musée national des Arts et Traditions populaires, lui-même intégré en 2003 dans le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. L’une des innovations majeures de cette création muséographique fut lui d’accoler structurellement des laboratoires sous la forme d’une unité mixte de recherche (UMR) rattachée au Centre National

de la Recherche Scientifique (CNRS), ce qui permit de faciliter et de coordonner le travail de collecte sur le terrain, tout en offrant l’opportunité d’une véritable visibilité et valorisation scientifique tant sur un plan national qu’international. Dans un premier temps, musiques, chants et danses des régions françaises furent les chantiers prioritaires, mais cela concerna aussi les contes et légendes. Ce dernier domaine devint dans la presqu’île guérandaise pour ainsi dire l’apanage de Fernand Guériff qui en fut un collecteur, un compilateur et un collationneur passionné. Il publia ainsi plusieurs recueils et intégra même cette dimension légendaire dans

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 83
Le « Petit Canon », en 2003. (Photo Grégory Aupiais

Une Pornichétine à Buckingham Palace au service de la reine Élisabeth II

Je souhaite témoigner de mon destin incroyable. Étant née en Inde, après avoir été abandonnée à l’âge de 2 ans, dans l’orphelinat d’Amravati, j’ai été adoptée par une famille Nantaise, et, après mon baccalauréat, j’ai suivi une formation BTS à l’école hôtelière SainteAnne à Saint-Nazaire, puis j’ai vécu une vie de château que je vais vous raconter.

Jeudi 8 septembre 2022, une bien triste nouvelle fait la une des médias : la reine Élisabeth II est décédée ! Mon mari m’annonce la nouvelle. Immédiatement j’allume la télévision et je fais un retour en arrière de 23 ans. Mes quatre années passées à Buckingham Palace refont surface dans ma tête, et me perturbent.

Ci-dessus Vue générale du Palais de Buckingham, résidence officielle des souverains britanniques.

(Collection Sonia Michel)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 87
Une bien triste nouvelle...

La reine Élisabeth II, avec son mari, Philip, duc d’Édimbourg, et ses chiens corgis, dans le jardin du château de Balmoral, en 1996.

Oui, bien sûr, à 96 ans, c’était prévisible, mais son décès reste un évènement mondial, qui me touche tout particulièrement, du fait que je l’ai rencontrée et que j’ai travaillé à son service.

La toute première fois…

Je me souviens de la toute première fois où j’ai vu Sa Majesté. C’était à Sandringham House, Noël 1994. J’étais servante, mon travail consistait à l’entretien d’un étage, à m’occuper des bagages des invités où d’un membre de la famille royale, les défaire et les faire, à préparer leur suite avant leur arrivée, à les accueillir, à être aux petits soins.

Ce jour-là, je me trouvais dans le salon où la Reine Élisabeth venait de prendre son thé, elle était partie dans une autre pièce, puis elle est revenue. Je me suis trouvée devant elle et j’étais totalement paralysée. C’était comme si j’avais devant moi un fantôme. Je ne réalisais pas ce qu’il m’arrivait et je n’arrivais plus à bouger, ni à parler. Un des « pages », un serveur privé de la Reine, m’a dit « bouge, bouge, ne reste pas immobile ». La Reine m’a vue, mais elle ne m’a rien dit. Elle parlait aux autres personnels. Je suppose que je ne devais pas être la première à être tétanisée en la voyant. Elle m’a totalement ignorée. Elle est repartie dans l’autre pièce et j’ai continué mon travail en tremblant. J’ai, par la suite, eu d’autres occasions de la côtoyer. J’avais pris l’habitude de la voir, sans avoir peur, et sans oublier, les fois suivantes, de lui faire la révérence.

Invitée au bal royal

Le 17 décembre 1996, j’étais invitée, pour la première fois, à assister au bal royal, et comme je pouvais être accompagnée d’une personne de mon choix, j’ai pensé à mon père. Et ce fut le plus beau jour de sa vie m’avait-il dit ! Il a, en effet, rencontré la Reine et ils ont échangé quelques mots. Mon père ne parlant pas anglais, la Reine était très heureuse de pouvoir s’exprimer en français, dans une langue qu’elle maitrisait plutôt très bien.

Je me rappelle une autre fois, lorsque je travaillais à Sandringham House. Juste avant Noël, j’avais alerté la gouvernante d’une fuite d’eau dans une des salles de bain des invités et la Reine avait demandé à ce que l’on me remercie de l’avoir signalée.

88 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
(Collection Sonia Michel) Véhicule qui transportait le cercueil de la reine Élisabeth II, lors de ses funérailles, le 19 septembre 2022. (Collection Sonia Michel)

Le Prosper cohue, en réparation, dans le port de Redon, vers 1898.

(© Collection particulière)

92 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Destins de marins mesquérais

et de leurs descendants au XIXe siècle

Jocelyne Leborgne

Un relevé non exhaustif1 permet d’affirmer que près de trois cents marins mesquérais ont péri en mer au XIXe siècle. Les causes de ces décès sont multiples : naufrages, noyades, accidents à bord « François Guiho est tombé en mer, frappé par l’écoute de misaine », « Alexandre Lequimener et Joseph Tattevin, de Kerdandais » marins sur le brick Eugène Raoul « sont tombés d’une vergue, l’un d’eux a été tué dans sa chute, l’autre s’est noyé ».

Les épidémies contractées au cours d’un voyage déciment les marins qui meurent à bord ou sont placés dans un hôpital maritime, loin de chez eux. Au début du XIXe siècle, la dernière grande bataille navale à Trafalgar, en 1805 et les « abordages de corsaires anglais » ont également fait de nombreux disparus et prisonniers.

Naufrages, noyades, accidents à bord…

En novembre 1871, un jeune Mesquérais âgé de dix ans, pensionnaire à Nantes, a reçu une lettre l’informant que le mariage de sa sœur aînée n’aurait probablement pas lieu « … Nous sommes très inquiets pour le cousin Auguste Bertho, nous n’avons pas encore reçu de ses nouvelles et même, nous désespérons d’en recevoir, ainsi ne te tourmentes pas pour les noces d’Amélie, seulement prie le bon Dieu pour ton cousin Bertho et si Dieu nous le ramène, ne crains rien nous irons te chercher, mais ne compte pas trop là-dessus, car peutêtre, malheureusement qu’il n’arrivera pas… ». Auguste Bertho capitaine du trois-mâts Marie Joséphine n’est jamais arrivé à Saint Nazaire, il rentrait d’un voyage à Trujillo sur la mer des Caraïbes (Honduras) où il venait de livrer des mules et des mulets.

1 - Cf.relevé des registres maritimes en fin d’article

Le navire en sombrant a emporté avec lui, les treize hommes d’équipage dont sept étaient originaires de Mesquer et un muletier de Guérande, nommé Jean-Marie Macé. La promise Amélie épousa huit ans plus tard, un autre capitaine également prénommé Auguste, qui disparut deux après leur union, dans le naufrage du brick Hortensia « à environ vingt miles au large de l’île de Cuba à la pointe de Maysi ». Le navire sombra, avec un chargement

Récit détaillé, fait par les témoins du naufrage, de La Victoire, en 1821. (© Mairie de Mesquer)

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 93

Le Monde du silence

Moniq, artiste peintre (voir Histoire et Patrimoine n° 102), revient dans nos pages. Cet été 2022, L’Hermitage, palace baulois, a invité Moniq, lors de son vernissage. C’est dans ce cadre prestigieux qu’ont été exposées ses toiles.

Chaque année, en pénétrant sous le hall, on peut découvrir les œuvres d’expressions variées, retenues. Le monde du vivant, dit-elle, est son domaine de prédilection, célébré sous différents aspects. Les fonds marins, aux multiples teintes et éclairages, offrent des possibilités infinies de formes de vies. Ils sont une source d’inspiration inépuisable.

L’élégance du site, son harmonie, se marient, heureusement, à la somptuosité des nuances. Celles qui naissent, se transforment, s’estompent et s’imposent, celles qu’on n’attend pas, celles qu’on guette, s’écoulent et chantent sous nos yeux. Le thème est baptisé officiellement : Le Monde du silence. On pourrait, tout aussi bien, le qualifier de Silence en eaux profondes.

ÇA SE PASSE AUJOURD’HUI
108 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Cependant, les couleurs ont leurs vibrations, celles des sons les rejoignent. Les Voyelles de Rimbaud en sont l’expression. On peut dire que le peintre nous offre un concert de teintes aux différentes tonalités. Nous la suivons, volontiers, dans son exploration sous-marine. Notre imaginaire flotte, et s’égare merveilleusement, dans la multitude et diversité des formes. Une toile évoque le mystère de l’inconnu, une menace imprécise plane. Une autre laisse entrevoir un univers de clarté. Notre curiosité en éveil ne se lasse pas. Notre regard se pose d’une toile à l’autre, attendant la suivante. Moniq, autodidacte passionnée, a suivi une année d’étude à l’Académie d’Art de Nantes. Elle expose, régulièrement, depuis 1990. La liste serait trop longue à donner ici, mais rappelons : 2022, à La Baule, au Palais des congrès, remarquée par le groupe Barrière, elle est sollicitée pour être présente, en juillet et août, à La Baule.

C’est à Paris que lui sera décerné le deuxième prix d’honneur, accompagné du certificat de cotation. Actuellement, on peut la voir dans la galerie Concept Store Gallery, au 140 avenue Général de Gaulle, à La Baule.

Nous espérons revoir Moniq à l’Hermitage, lieu de fête et de manifestations culturelles. Loin le temps des années sombres de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’armée allemande réquisitionna l’établissement pour y installer un hôpital. Formulons ce vœu que, désormais, pour longtemps, la paix demeure et que le plaisir de l’esprit, allié au bien-être, règne.

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 109
Christiane Marchocki

L’Anjou, un Pays

où le passé est très présent

Sortie, à la journée, du dimanche 2 octobre 2022

Bernard Tabary

Nous sommes quarante-cinq voyageurs impatients à prendre le bus à Guérande puis à Saint-Nazaire. Au périphérique nantais, la conductrice choisit l’option longue (l’autoroute et le contournement d’Angers) plutôt que l’option courte – ou qui paraît la plus courte –par Cholet. Le choix semble finalement judicieux : circulation fluide et premier arrêt, à Doué-la-Fontaine, exactement dans les temps prévus…

Doué-la-Fontaine

Ce n’est pas le célèbre Zoo que nous visitons (nous passons devant l’entrée : le parking est plein), mais, un peu en dehors de la ville, un certain musée Aux Anciens Commerces... Qu’est-ce que c’est que ça que c’est ? On voit tout juste une voiture sur le parking ! Évidemment, 45 visiteurs arrivant d’un coup, ça fait de l’animation. À quelle sauce allons-nous être mangés ? Nous voici à l’entrée des anciennes écuries d’un château disparu à la Révolution. Un directeur en costume largement suranné (du côté de l’entre-deux-guerres !) nous annonce une visite en deux temps : d’abord une partie libre, chacun à son rythme puis, à la cloche, une partie commune dont il ne dit pas grandchose, mais dont il parle avec un sourire en coin – déluré, malicieux, goguenard – qui laisse entendre qu’il ne va pas falloir rater ça.

Ces boutiques anciennes ont été reproduites de façon tellement précise, dans l’ensemble comme dans le détail, qu’on s’y croit vraiment, que chacun reconnaît des tas de denrées ou d’objets d’autrefois, de dans le temps ou d’antan . Tout y passe : épicerie, bistrot, pharmacie, chapellerie, modiste, librairie. Presque plus vrai que vrai ! On voudrait pousser la porte vitrée, toucher, observer de près – mais évidemment, il faut se contenter de regarder avidement par la fenêtre, de lécher les vitrines, au sens presque propre (mais il ne faut pas, c’est sale !). Ces magasins sont hallucinants de réalité.

La grosse cloche sonne… Et nous voilà tous assis (bancs, chaises) devant l’épicerie. Attendant ce qui sera certainement le clou du spectacle. Le directeur arrive avec le tablier blanc des commis d’autrefois. Et le show commence. Le commis présente tout un tas

SORTIES CULTURELLES
110 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
Vue générale du bâtiment du Musée Aux anciens commerces, à Doué-la-Fontaine.
(Photo Geneviève Terrien)

de denrées sous un aspect humoristique, carrément hilarant. C’est à se tordre de rire pendant une demi-heure ou trois quarts d’heure (les maillots de bain en laine ! ). Effectivement, c’est très déluré, malicieux, malin ; même, l’humoriste sait rebondir sur les réactions de son public. Un professionnel ne ferait pas mieux.

À voir, absolument !

Louresse-Rochemenier, un repas typique

Quelques minutes de route au nord de Doué et nous voilà dans un secteur troglodytique. Dans le nom du village, il y a roche (et cette roche est le calcaire). Pourtant, rien dans le paysage ne laisse supposer un habitat troglodyte. Ce paysage est plat, raplapla. Si on ne fait que passer, on aperçoit seulement une plaine à perte de vue. Mais dès qu’on emprunte les petites routes, on constate que cette plaine est parsemée de dépressions (naturelles ? artificielles ?) à partir desquelles se sont creusées des pièces, des maisons, des galeries à n’en plus finir, une quasi-toile d’araignée de galeries dans lesquelles on pourrait carrément se perdre.

Le restaurant Les Caves de la Genevraie s’y abrite en essayant de pas trop se cacher. Notre groupe occupe totalement l’une des caves, dans une semi-obscurité qui rappelle qu’il n’y a pas de fenêtre. On nous sert un menu totalement local (y compris les vins – du Coteau(x) du Layon en apéritif) : de la fouace – cuite sur place – avec tout : champignons,

rillettes d’Anjou, haricots blancs et rillauds (petits morceaux de viande de porc, version angevine des lardons). Une cuisine simple, mais absolument typique, servie généreusement ; un abrégé de douceur angevine , comme dit du Bellay, le natif de Liré (tout près d’Ancenis, mais sud-Loire).

Brissac Loire Aubance et son château

La commune, qui s’appelait Brissac-Quincé depuis 1964 s’est agrandie de cinq communes voisines, donnant naissance, en 2016, à la nouvelle commune de Brissac Loire Aubance. C’est désormais son nom officiel.

Une pharmacie d’autrefois, reconstituée au musée.

Ci-dessous, à gauche L’intérieur du restaurant troglodytique. Ci-dessous, à droite Une entrée du restaurant.

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 111
(Photo Bernard Tabary) (Photos Geneviève Terrien)

Une

À

À droite

Son patrimoine inclut l’un des plus grands et des plus impressionnants châteaux de France – le plus haut, 7 niveaux, c’est exceptionnel ; on l’appelle le géant du Val de Loire – : le château, privé, des ducs de Brissac, auxquels il appartient depuis cinq siècles (1502). Le propriétaire actuel est le quatorzième duc à y résider. Visite très intéressante, guidée. Nous n’avons bien sûr pas pu voir les 204 pièces (!), certaines constituant les appartements privés de la famille propriétaire, d’autres n’étant pas meublées.

Le château actuel est la fusion artificielle de deux grosses tours médiévales (XIe siècle) et d’un immense château renaissance (XVIe siècle). Étrange mélange des genres, qui devrait paraître désordonné, disparate – dépareillé. Mais non ! Les deux tours médiévales

112 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
Façade principale du château de Brissac. (Photo Bernard Tabary) gauche La salle de bal du château de Brissac. chambre du château. (Photos Geneviève Terrien)

mettent en valeur la façade renaissance, qui en devient majestueuse. Ce n’était peut-être pas le but recherché ; c’est le résultat atteint. L’intérieur abonde en plafonds très travaillés, en immenses tapisseries extravagantes, somptueuses et très anciennes, mais parfaitement conservées.

Une chambre, magnifiquement meublée et tapissée, rappelle – c’est le titre de gloire du château – un événement royal de l’Histoire de France : la réconciliation, en 1620, du jeune roi Louis XIII (19 ans) avec sa mère Marie de Médicis, suite à son accession musclée au pouvoir en 1617 (assassinat de Concini, exécution de la Caligaï, assignation à résidence de la reine à Blois)…

Un épisode moins glorieux est dû à la Révolution française qui réquisitionne le château pour en faire le casernement des armées républicaines, avec toutes les déprédations que cela suppose. Les ducs de Brissac le récupéreront seulement en 1844. Un tel château est évidemment un énorme gouffre financier. D’où des visites systématiques et bien sûr payantes. D’où encore

l’exploitation des vignes du domaine et la vente des vins dans les caves – par où se fait évidemment la sortie des visites et où une dégustation est organisée. Hélas ! Ils ne font pas Les Coteaux de l’Aubance, alors qu’ils sont en plein dans la zone... Un dernier détail, savoureux, montre le tact et l’inventivité des organisateurs locaux des visites guidées. Les uns et les autres, nous avons repéré dans certaines salles des nounours disposés un peu n’importe où. Anachronisme ! Une fois, c’est un hasard ou un oubli, deux fois c’est un drôle de hasard, trois fois, ça devient systématique. Pourquoi ? Le guide a fini par expliquer l’astuce – parce que c’en est une !

Pour les enfants, une visite comme celle-là, c’est fatigant, ils n’y comprennent rien, c’est évidemment fait pour les adultes ! On a donc cherché un moyen d’attirer leur attention : on a mis dans chaque salle visitable un nounours d’une vingtaine de centimètres. Ça fait pas mal de nounours… Sans les cacher vraiment, mais sans non plus trop les montrer. La visite pour les enfants devient une sorte de grand jeu de piste. C’est tout simple ; encore fallait-il y penser. On y a pensé ici, merci.

Et maintenant, buvons, car l’affaire était chaude !

Victor Hugo

La légende des siècles

Le mariage de Roland

Il est temps de rentrer, après cette très bonne sortie… Merci à l’organisation.

Bernard Tabary

Les caves, avec les vins du domaine. (Photo Bernard Tabary) Le groupe de l’APHRN, devant le château de Brissac. (Photo Geneviève Terrien)

Le musée de l’imprimerie, à Nantes SORTIES CULTURELLES

Ci-contre

La machine la plus sophistiquée du musée : l’Intertype/ linotype, créée en 1885 (!) aux USA, par Ottmar Mergenthaler. Elle fabriquait les caractères et les disposait en mots et en lignes complètes – avec la précision d’une montre suisse...

Sortie, à la demi-journée, du vendredi 21 octobre 2022

Aujourd’hui, pas le temps de déjeuner tranquille : il faut aller jusqu’à Nantes – Nantes centre, quai de la Fosse – et trouver un bon stationnement. Y aura-t-il des parkings libres ? En fait, inexplicablement, nous n’avons pas la moindre difficulté à trouver de la place – parking souterrain de la Médiathèque et/ou parking extérieur de la PetiteHollande. Ouf !

Un musée vivant

Ci-dessous

La casse est la boîte, le coffret, où on range et ou on trie très soigneusement les caractères (le haut de casse, ce sont les majuscules et les caractères spéciaux ; le bas-de-casse, ce sont essentiellement les minuscules ordinaires)

Le musée nantais de l’imprimerie n’est pas le plus grand du monde, ni même de France. Mais il a ceci de particulier : ce n’est pas du tout une banale accumulation de vieux outils inutiles, obsolètes, pièces de collection. Ici, toutes les machines exposées sont régulièrement entretenues, soignées, huilées… bichonnées, mises en valeur. Elles fonctionnent et on s’en sert : ce musée – créé en 1986 – est aussi un atelier, animé par quatre techniciens professionnels, qui proposent des stages, qui impriment des affiches ou des travaux d’artistes, qui accessoirement jouent le rôle de guides pour des groupes comme le nôtre (23 personnes)…

Révolution(s)

L’imprimerie n’a pas été inventée brusquement, au milieu du XVe siècle, par Johannes Gutenberg (qu’en France on a tendance à écrire Gutemberg – règle du m devant

le b et le p !). Elle est le fruit d’une longue évolution commencée par les Chinois plusieurs siècles auparavant. Mais c’est Gutenberg qui a créé le livre imprimé, reproductible à l’infini, facile à emporter, propagateur d’idées, instrument de culture. Non pas objet de curiosité, mais instrument indispensable, fondamental. Il y a un avant et un après Gutenberg et sa Bible de Mayence (1454) : bible, en grec, signifie livre. La Bible de Gutenberg est Le Livre. À la fin du même XVe siècle, Christophe Colomb a opéré une autre révolution, aussi énorme. Il n’a certainement pas été le premier à poser le pied sur la terre américaine, mais il se trouve que c’est son premier voyage (1492)

114 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
(Photo Bernard Tabary) (Photo Bernard Tabary)

qui a bouleversé définitivement notre vision du monde en montrant que la terre était ronde et non plate. Et qu’entre les océans Atlantique et Pacifique existait un nouveau continent –que plus tard on appellerait Amérique.

C’est pourquoi 1454 et 1492 sont des dates clés, des points de repère – des phares – dans l’histoire de l’humanité.

La révolution informatique

Il y a eu une nouvelle révolution de l’imprimerie dans la deuxième partie de XXe siècle, celle de l’ordinateur – de l’informatique –, à la fois en continuité avec l’imprimerie traditionnelle (diffusion de plus en plus accélérée des idées et de la culture) et en rupture brutale, absolue, au niveau de la technologie. Gutenberg n’y reconnaîtrait pas son bébé. Les imprimeurs d’aujourd’hui ne sauraient que faire des machines d’il y a cent ans. Ce n’est plus le même métier.

Des machines pourtant très perfectionnées

Ce musée nous montre, à travers quelques dizaines de machines, que l’industrie de l’imprimerie était arrivée, fin XIXe – début XXe, à un très haut degré de sophistication, capable de tirer des quotidiens (des quotidiens ! paraissant tous les jours, parfois plusieurs fois par jour) à des dizaines (centaines ?) de milliers d’exemplaires – même chose pour les livres… Capable de créer, pour un usage fréquent, très fréquent, des machines à la fois perfectionnées et increvables – elles peuvent fonctionner encore (bien sûr, il vaut mieux en prendre soin !).

La généralisation fulgurante de l’informatique les a rendues obsolètes. Le fait est indiscutable. C’est le progrès !

l’APHRN écoute, attentivement, les explications données par la guide du

Pour être opérationnels, les caractères doivent toujours être disposés à l’envers – pas faciles à lire ! C’est sur la feuille imprimée qu’ils se retrouveront à l’endroit. Ici, ligne 2, il est question de Jules Verne. Essaie de lire le reste…

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 115
Le groupe de musée. (Photo Geneviève Terrien) (Photo Bernard Tabary)

Ci-dessus La plus grande machine du musée. Capable d’imprimer sur des feuilles de format A0 (zéro) : 841 mm x 1189 mm.

(Photo Geneviève Terrien)

L’efficacité est la règle. Et pourtant, c’est dommage. Nos ancêtres – nos anciens – ont réalisé des merveilles qui méritent largement qu’on s’en souvienne.

Un musée comme celui-ci remplit un essentiel rôle patrimonial. Et c’est bien que des ouvriers d’aujourd’hui conservent, entretiennent, utilisent ces objets et ces savoir-faire pour les présenter à la curiosité – mieux : à l’intérêt – du public. Nous, par exemple.

Excellente sortie... Est-ce nécessaire d’entrer dans les détails ? Une visite comme celle-là est une expérience. Une expérience ne se décrit pas, ne se raconte même pas ; elle se fait, elle se vit.

Bernard Tabary

Ci-contre La plus belle machine du musée – du moins la plus décorée...

(Photo Bernard Tabary)

Ci-dessous La guide du musée aux commandes de l’Intertype/linotype.

(Photo Geneviève Terrien)

116 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

100 parcours guérandais Rencontres singulières

Chaque homme laisse après lui une empreinte, plus ou moins durable. Il s’agit de son reflet. Chaque cité a, aussi, le sien, composé de la vie, et des personnalités, de ses habitants. Ceux-ci l’ont bâtie, protégée, enrichie, et, de même, parfois, ceux qui l’ont attaquée et tenté de s’en emparer, au cours des guerres et invasions. Tous ont forgé son caractère. Il est un reflet de la ville de Guérande, on le trouve en ce livre : 100 parcours guérandais. Rencontres singulières rédigé par Josick Lancien et Gérard Mallet.

Depuis les générations les plus anciennes, jusqu’à celles qui nous sont contemporaines, on peut lire le parcours d’une centaine de personnalités, femmes et hommes, que l’on connait parfois de nom, succinctement, ou que l’on rencontre de nos jours, ou, mieux encore, auxquelles on a prêté une attention particulière, en étudiant des archives, en interrogeant des survivants. C’est ce qu’ont fait Josick Lancien et Gérard Mallet. Nous leur devons ce livre, auréolé de photos, composé de textes. Il y aurait encore beaucoup à dire, à raconter. Certains personnages sont restés discrets, on les a oubliés… L’Histoire n’a pas de fin. Qu’elle soit passée, ou future.

Ce livre laisse supposer d’autres évènements, d’autres silhouettes, celles qui ne parlent pas volontiers. Les récits historiques demandent la disparition, l’oubli des acteurs. La décou -

verte est l’apanage d’historiens passionnés, assez éloignés dans le temps pour se montrer impartiaux, sans autre motivation que la connaissance. Ne nous éloignons pas dans l’hypothétique incertain. Actuellement, au présent, cet ouvrage : « 100 parcours guérandais - Rencontres singulières » est d’un grand intérêt. Ceux qui sont attachés à Guérande, qu’ils y soient liés par leur généalogie, ou, s’y étant fixés récemment, et qu’ils aient appris à connaître « cette petite cité de caractère », et, par là même, à l’aimer, apprécieront cet ouvrage, qui leur fera revivre un peu de leur histoire, un souvenir en appelant un autre. À leur passage, les touristes en littérature ressentiront l’envie de recherches nouvelles, l’envie de visiter cette ville, au passé assez riche pour séduire, et inspirer, les esprits exigeants. C’est la gloire et la richesse culturelle de Guérande que ce livre reflète et loue.

100 parcours guérandais

Rencontres singulières

Josick Lancien et Gérard Mallet

Éditions du Traict

99 pages, 20 €

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 117 À LIVRE OUVERT

Meurtres à marée basse

Qui aurait osé imaginer un policier sentimental, un peu « fleur bleue », plongé dans une enquête pour meurtre. ? Trêve de préjugés. Un ancien policier, justement, auteur de « Meurtres à marée basse » s’y est risqué. René Raimbau que nous avons déjà cité dans notre revue (n° 103, juillet 2022) récidive. L’auteur connait fort bien (et pour cause) les tenants et aboutissants de la hiérarchie judiciaire. Certaines expressions peu familières aux profanes émaillent son texte. Nous pouvons lui faire confiance en suivant l’intrigue. Confiance totale aussi en ce qui concerne les lieux, les déplacements, les paysages, en un mot, l’environnement. Les faits se déroulent au Croisic, là où demeure l’auteur. Tout cet ensemble nimbe de vraisemblance ces évènements fictifs. Une réalité plane. Le style enlevé, aisé entraîne le lecteur à observer les traces et suivre la piste qui mène aux coupables. Les indices recherchés pour résoudre l’énigme policière apparaissent lentement, ils conduisent à la preuve irréfragable du crime. En parallèle, d’autres indices, ceux qui présagent une affaire sentimentale, affleurent. Comment tout cela peut-il se joindre et résoudre les problèmes posés insidieusement… exercice de virtuosité. L’odieux, le vulgaire, le sordide, l’abject se trouvent être le terreau de sentiments aussi purs que possible.

La vie est complexe. Le mal et le bien coexistent. L’auteur s’est laissé prendre. Ce livre en est une illustration rassurante. L’amour éclot tandis que les faits se compliquent, un nouveau meurtre assombrit l’horizon. L’orage menace, éclate en coups de feu. La vie réelle, sans concessions, telle qu’elle s’impose à tous, prend le dessus. Il suffit d’avoir lu cet ouvrage pour le savoir. C’est à chacun de le découvrir.

Christiane Marchocki

René Raimbau

Éditions du Traict

104 pages, 12 €

Meurtres à marée basse
118 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022

Les brigades du sel

Nos populations salicoles, proches d’un littoral déjà très surveillé pour cause de blocus, se réveilleront le 27 mars 1806 en état de siège douanier, situation dont ils pensaient s’être débarrassés depuis 1791. Les brigades en place ajoutèrent à leurs compétences le contrôle des sels. Il s’agira bien, selon les propres termes des Douanes, d’une «occupation» du territoire des marais salants et de ses populations. Les «dragons verts» évoqués par Balzac, puis plus proches de nous les tenues bleues aux pantalons rayés de rouge, vont ponctuer de leurs couleurs notre paysage durant un siècle et demi.

mal assimilées d’une époque incomprise, d’un jeu dont ils n’avaient vraiment jamais accepté toutes les règles. » Immanquablement se réalisèrent des unions de préposés qui épousèrent des filles en leurs lieux d’affectation, mais il semble que, sur le long cours, deux populations aient vécu l’une proche de l’autre sans «vouloir/ pouvoir» se connaître, la discipline dans les brigades et les fréquents changements de personnels orchestrés par la douane allant dans ce sens, au-delà d’obligations contractuelles, nous rapportera l’auteur. Curieux de mieux appréhender la compréhension d’une géographie physique et humaine assez semblable à elle-même depuis le début du 20 e siècle, l’auteur puise parmi une somme importante d’archives personnelles.

De 1806 à 1945, minuit, à quelques années près, on peut évaluer cette enjambée historique à un siècle et demi. 150 ans à vivre sous le regard d’hommes en uniformes, jour et nuit, en tout lieu et à tout moment. Cela ne pouvait pas ne pas susciter, chez un observateur en immersion quotidienne parmi les derniers acteurs et témoins, une curiosité qui pût en rendre compte. Pendant de nombreuses années, Jacques Péneau a parcouru ce territoire salicole situé entre Loire et Vilaine, tapi au creux du flanc sud de la Bretagne. Il y réside.

À rencontrer ces gens du sel, nous livre l’auteur : « j’ai beaucoup appris et entendu des pages d’histoire de leurs vies, dans lesquelles, toujours évoluaient les gabelous … Ah ! Les douaniers ! On les trouvait au détour d’un chemin, près d’une cabane au creux d’un fossé de marais … derrière un buisson. Tout un pan d’un passé assez proche, m’était offert, comme si ces familles de «cueilleurs de sel», inconsciemment, tentaient de se débarrasser de scories

À cela vont s’ajouter traces et témoignages, relatifs aux activités de ces hommes en uniforme bleu, racontées souvent par leurs propres enfants, les ayant vécues au quotidien dans leurs familles et sur le terrain. Jacques Péneau nous fait appréhender le dernier siècle et demi d’un impôt sur le sel, devenu «taxe» après la révolution, mais qui ne réussira jamais à extirper les vieilles racines d’une Gabelle honnie tellement impopulaire. Un sel indispensable à la santé.

Le Journal Officiel de février 1946 va authentifier la disparition de cet impôt, notée par une petite phrase sibylline : « …suppression de la taxe sur le sel et la pêche … » Que reste-t-il de nos douaniers ?

Seuls vestiges, « Les Sentiers des Douaniers » ou, autrement dits, « Les Chemins des Gabelous » qui se signalent auprès des randonneurs sur notre littoral, inscrits désormais comme une sorte de patrimoine immatériel touristique de chaque commune concernée.

Les brigades du sel

Éditions Mémoria

Le Bas Village - Mesquery - 44410 Assérac

154 pages, 18 €

décembre 2022 - HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 119

A.P.H.R.N

Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne

Agora (case n° 4)

2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

aphrn.asso@gmail.com - https://aphrn-asso.fr - Tél. 06 07 11 21 88

Conseil de Direction de l’APHRN

(après Assemblée Générale Extraordinaire du 7 février 2020)

Présidence Association à présidence collégiale

Trésorière

Annick Montassier

Secrétaire général

(Responsable d’édition de la revue HISTOIRE & PATRIMOINE)

Tanguy Sénéchal

Conseillère (Responsable des sorties culturelles)

Nicole Bonnaud

Conseillère

Christiane Marchocki

Conseillère

Geneviève Terrien

(Responsable de diffusion de la revue HISTOIRE & PATRIMOINE)

Conseiller (Responsable des sorties culturelles)

Claude Lebreton

Conseiller

Patrick Pauvert

Rejoignez-nous Adhérez à l’APHRN

En adhérant à l’APHRN, vous pourrez participer à nos activités (sorties culturelles, et conférences), ainsi qu’à nos assemblées générales et aux réunions de présentation que nous organisons à l’occasion de la parution d’un nouveau numéro de notre revue.

De plus, la cotisation d’adhésion (individuelle, ou couple) comprend un abonnement à notre revue HISTOIRE & PATRIMOINE (trois numéros réguliers par an - parution en mars, juillet et novembre) et vous permet de bénéficier d’un tarif préférentiel sur ses numéros hors-série.

Il est possible d’adhérer à tout moment de l’année.

L’adhésion vaut pour l’année civile d’encaissement de la cotisation. Le renouvellement des cotisations s’effectue au cours du premier trimestre de chaque année.

Les tarifs des cotisations, pour l’année 2022, sont les suivants :

f adhésion individuelle ..... 26 €

f adhésion couple ............ 31 €

Pour adhérer à l’APHRN, vous pouvez, au choix :

˜ vous rendre sur notre site internet, à l’adresse https://aphrn-asso.fr, menu « adhésion »

˜ nous adresser un courriel à l’adresse : aphrn.asso@gmail.com

˜ nous écrire, à : APHRN – Agora (case n° 4) – 2 bis av. Albert de Mun 44600 Saint-Nazaire

˜ téléphoner au 06 07 11 21 88

Vous pourrez, ensuite, régler votre cotisation par carte bancaire, virement ou chèque.

Revue HISTOIRE & PATRIMOINE

Responsable de diffusion :

Geneviève Terrien

Tél. 06 78 91 77 18

Remerciements aux photographes et collectionneurs qui nous ont fourni des illustrations.

Merci, également, aux membres du Conseil de Direction de l’APHRN qui ont activement contribué à l’élaboration de ce numéro, réalisé de manière entièrement bénévole.

Les articles sont publiés sous l’entière responsabilité et propriété de leurs auteurs. La publication partielle, ou totale, des articles et illustrations parus dans HISTOIRE & PATRIMOINE est interdite.

120 — HISTOIRE & PATRIMOINE - n° 104 - décembre 2022
Illustration : Le groupe de l’APHRN, à l’entrée du restaurant troglodytique de Louresse-Rochemenier, le dimanche 2 octobre 2022 - (Photo Bernard Tabary) L’ancien Hôtel-Dieu de Guérande, dit Hôpital Saint-Jean. (Alice Carissan [1869-1964] © Musée des Cordeliers, Saint-Jean-d’Angély)

Le Belem

René Le Dantec, capitaine au long cours de Mesquer, a commandé le Belem, entre 1899 et 1900. (Huile sur toile, réalisée, à Nantes, par un peintre de la marine anonyme, 1901 - © Collection particulière)

HISTOIRE & PATRIMOINE n°104 - décembre 2022 - 12 €

A.P.H.R.N - Association Patrimoine et Histoire de la Région Nazairienne

Agora (boîte n° 4) - 2 bis avenue Albert de Mun - 44600 Saint-Nazaire

Courriel : aphrn.asso@gmail.com - Site internet : https://aphrn-asso.fr

ISSN : 2116-8415

:

Impression HelloPrintRéalisation Tanguy Sénéchal
ISSN
2116-8415

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.