L'ŒIL COSMIQUE, OTTO FREUNDLICH

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L’œil cosmique Otto Freundlich APPLICAT–PRAZAN


À mon Père…


L’œil cosmique Otto Freundlich

APPLICAT–PRAZAN


“Car ne dure que ce qui surpasse l’individu et son époque” Otto Freundlich

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Riche de toutes ces amitiés, de tout cet amour partagé… Edda Maillet

Comment résumer en quelques lignes l’apport, quasi miraculeux, de ma rencontre avec un artiste que je n’ai hélas pas connu ? J’ai aimé ses œuvres imprégnées de spiritualité dès mes yeux posés sur leurs reproductions dans un livre. Plus tard, j’ai connu l’Homme grâce à ses écrits, ses lettres, ses pensées : des Archives que j’ai lues et relues. Leur grandeur égalait sa spiritualité et sa pureté. Je demeurais à Pontoise près d’un petit musée complètement endormi. Rempli de trésors anciens, il venait d’être restauré. Aucune œuvre moderne n’y avait encore pénétré. Jeanne Kosnick-Kloss, sa compagne, venait de mourir. Elle avait partagé

Edda Maillet Ancien conservateur des musées de Pontoise. Secrétaire générale de l’association « Les amis de Jeanne et Otto Freundlich ».

les dix dernières années de sa vie remplies de misère avec Otto Freundlich. Elle fut mise en terre à Auvers-sur-Oise, en 1966. Le problème concernant leurs œuvres qui étaient restées dans leur atelier devait être résolu. Les responsables de l’association

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« Les amis d’Otto Freundlich » qui me connaissaient m’apportèrent le livre de Günther Aust qui m’avait passionnée. Dès le lendemain, je pus rencontrer le maire de Pontoise pour lui faire part de leur proposition : faire un don au musée. Sa réponse fut immédiatement positive, et la « Donation Freundlich » fut inaugurée en mai 1969. La responsabilité du musée de Pontoise me fut confiée peu après. J’ai organisé 120 expositions durant vingt ans dans cet édifice du XVe siècle. Elles permirent à un large public de retrouver cet artiste que la guerre avait un peu oublié. J’ai pu rencontrer plusieurs personnes qui avaient connu et aidé Otto Freundlich au courant de sa vie, en particulier : 1. Hedwig Muschg, qui l’avait secondé financièrement depuis leur rencontre en 1926 jusqu’à son assassinat en camp d’extermination en 1943. 2. Charlotte Gutmann, qui le soutint durant les années de guerre. 3. Jeanne Kosnick-Kloss, qui a su sauver leurs œuvres (elle-même était peintre et sculpteur). J’ai lu beaucoup de contes de fées dans mon enfance. Serait-ce par la baguette magique de l’une d’elles que j’ai vécu ma vie comme un conte miraculeux ? Je suis riche de toutes ces amitiés, de tout cet amour partagé, de toute cette confiance qui m’a toujours été accordée, et de cette admiration commune pour l’œuvre d’Otto Freundlich. Son nom, en allemand, signifie « aimable » et le début, « Freund », veut dire « ami ». Que dire de plus, que dire de mieux ? Merci à la Vie, merci à l’Art, merci à l’Amitié, merci surtout à Otto Freundlich et à ceux qui, en confiant ses œuvres au musée de Pontoise, l’ont fait vivre et rayonner. Edda Maillet, 30 novembre 2011

Pour mieux connaître Otto Freundlich : 1. Voir le catalogue de l’exposition Otto Freundlich publié par le musée de Pontoise en 2009 2. Otto Freundlich et la France, un amour trahi, livre à deux voix par Joël Mettay et Edda Maillet, Éd. Mare Nostrum, Perpignan, 2004 3. Le pas perdu à la recherche d’Otto Freundlich, par Joël Mettay Éd. l’Aphélie essais, 1993, épuisé


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Kosmisches Auge (Œil cosmique) 1921-22 Pastel sur carton Signé des initiales en bas à droite 81 x 65,3 cm Provenance Collection Regina Lindelaub, Berlin Collection Uwe et Ulrike Wissinger, Berlin Collection particulière, Londres Expositions Cologne, Musée Wallraf-Richartz, Otto Freundlich (1878-1943), 1960, n° 8 Recklinghausen, Vienne, Berlin, organisé par la Galerie nationale des anciens musées de l’État et l’école des Arts plastiques, Lieu de liberté pour l’Art, 1960, cat. n° 107 Berlin, Kunstamt wedding, 15e Exposition européenne d’art : Le groupe Novembre, partie I, les Peintres, 1977, cat. n° 18, rep. p. 52 Recklinghausen, Kunsthalle, Festival de la Ruhr, Rêve de paix, Espoirs enterrés, 1982 Regensburg, Museum Ostdeutsche Galerie, 4 sept. - 30 oct. 1994 ; Osnabrück, Kulturgeschichtliches Museum, Kunsthalle Dominikanerkirche, 13 nov. 1994 - 15 janv. 1995, Otto Freundlich, Précurseur de l’Abstraction, cat. n° 35, rep. en pp. coul. p. 17 Bibliographie Joachim Heusinger von Waldegg, Catalogue raisonné des travaux de l’Artiste, Éd. Rheinisches Landesmuseum Bonn, Rheinland-Verlag, Cologne 1978, n° 229 Joël Mettay, Edda Maillet, Otto Freundlich et la France, un amour trahi, Éd. Mare Nostrum, 2004, rep. pp. coul. p.172

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“L’artiste est un récepteur des transformations du monde, il les pressent dans ses actes et dans ses pensées, comme des forces dirigeantes, longtemps avant qu’elles ne se réalisent dans le monde extérieur. Il a ainsi la faculté de se détacher peu à peu, mais définitivement, des formes et des vérités généralement admises. Il exécute le vouloir d’une réalité nouvelle.” Otto Freundlich

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Otto Freundlich 1878 - 1943

Otto Freundlich est considéré comme l’un des précurseurs de l’abstraction. « Il a été le tout premier peintre et sculpteur abstrait allemand qui réalisait, déjà avant 1912, année où je l’ai rencontré, ce qui n’était pas figuratif avec des proportions démesurées ou au contraire en feuillets minutieusement calligraphiés… » (Hans Richter). Artiste engagé, politiquement et artistiquement, il n’aura de cesse d’exprimer une certaine « conscience du monde » à travers sa vie et ses œuvres, qui auront vocation à « devenir le lieu où s’énonce toute chose qui participe de l’essence du monde… » (Guy Tosatto). Il étudie l’histoire de l’art, la philosophie et la littérature à Berlin, puis à Florence en Italie et exécute en 1907 ses premières


œuvres, dans le style du Jugendstil. En 1908, il séjourne une première fois à Paris, et loue un atelier au Bateau-Lavoir. Il se lie alors avec la bohème de Montmartre : Apollinaire, Picasso, Braque, Juan Gris, Max Jacob et André Salmon. Pendant dix ans il vit entre Paris, Munich et Berlin. C’est en 1911 qu’Otto Freundlich réalise ses premières œuvres abstraites, à partir desquelles il va peu à peu élaborer un langage pictural très singulier, constitué d’éléments plans colorés, délimités par des droites et des courbes et couvrant l’intégralité de la surface du tableau. Passionné par différentes techniques, mosaïque, tapisserie, vitrail, il y puise son inspiration et y expérimente ses recherches. Ainsi, de mars à juillet 1914, il séjourne dans l’atelier de restauration de vitraux de la cathédrale de Chartres et écrit à son ami Karl Schmidt-Rottluff : « J’ai été pendant cinq mois prisonnier du monde à Chartres et j’en suis ressorti marqué à toujours… » La dimension architecturale de l’œuvre de Cézanne et la puissance chromatique de Van Gogh l’impressionnent également fortement. Il étudie tensions et rapports de force générés par les éléments géométriques et les variations chromatiques et parvient peu à peu à composer, au fil de son œuvre, une syntaxe puissante qui lie et dynamise les regroupements d’unités colorées. Très actif sur la scène artistique, il participe à de nombreuses expositions : Die neues Secession in Berlin  en 1910 et 1911,  Erster Deutscher Herbstsalon  (premier Salon d’Automne allemand) à la galerie Der Sturm à Berlin. Il collabore à différentes

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revues, notamment Die Aktion  qui lui consacrera un cahier spécial en 1918. Après la révolution de 1918 en Allemagne, il s’engage politiquement comme membre du Novembergruppe et organise en 1919, avec Max Ernst et J.T. Baargeld, la première exposition Dada à Cologne. Il est membre en 1930 du groupe Cercle et Carré puis du groupe Abstraction – Création  en 1931. En théoricien de l’art, Otto Freundlich rédige en 1934 Die Wege der Abstrakten (Les Chemins de l’art abstrait). Il fonde à Paris, en 1936, une académie privée baptisée « Le Mur » et y enseigne peinture, dessin et gravure. En 1937, sa sculpture L’Homme nouveau de 1912 figure en couverture du catalogue de l’exposition itinérante organisée par les nazis Entartete Kunst (Art dégénéré), dénonçant l’art moderne. De nombreux artistes juifs font partie de l’exposition. Quatorze de ses œuvres, conservées dans différents musées allemands, sont alors confisquées et détruites. Lorsqu’éclate la guerre, Otto Freundlich, de nationalité allemande, est interné par les autorités françaises. Libéré en mai 1940, grâce notamment à l’intervention de Pablo Picasso, il se réfugie à Saint-Paul-de-Fenouillet, dans les Pyrénées-Orientales. Dénoncé et arrêté le 23 février 1943, il est déporté vers Lublin, en Pologne, où il est exterminé dans un camp de concentration, le jour même de son arrivée, à l’âge de 65 ans.

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Camille Francart, décembre 2011



Convoi n° 50 en date du 4 mars 1943

Le télex, qui porte la cote XXVc-211, émane de l’Obersturmführer Heintz Röthke, chef du Service juif de la Gestapo en France. Il est notamment destiné à Eichmann et annonce que, le jour même, 1 000 juifs ont quitté la gare du Bourget/Drancy, à destination de Cholm, sous la responsabilité du lieutenant Ott. Le mot « Auschwitz » est rayé. Le convoi est composé en fait de 937 hommes, 66 femmes et 5 enfants. Parmi eux, 377 Polonais et 268 Allemands dont : Freundlich Otto 10.07.78 Sto(l)p A(llemagne) Contrairement aux usages qui ont conduit la plupart des 76 000 juifs déportés de France à Auschwitz-Birkenau, 4 convois, en mars 1943, ont pris la direction du district de Lublin. Les raisons en demeurent obscures. La gare de Cholm, localité expressément indiquée comme destination du convoi n° 50 dans le télex de Röthke, se trouve dans le district de Lublin, tout comme les camps de Maidanek et de Sobibor. Serge Klarsfeld a établi que, selon une liste émanant de la SNCF, la destination du convoi n° 50 était Sobibor. Cependant, il démontre également, à l’étude du parcours des 4 survivants de ce convoi, que sa destination effective fut le camp de Maidanek dont il ne reste presque rien des archives. Franck Prazan

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Remerciements

Mille mercis à Madame Edda Maillet Création, édition : COMMUNIC’ART 216 bd Raspail 75014 Paris – Tél. 33 (0)1 43 20 10 49 contact@communicart.fr Directeur de la création : François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre Photos : Art Digital Studio, DR - © Adagp, Paris 2012 Imprimé en Italie © Applicat-Prazan Dépot légal février 2012 isbn 978-2-916277-32-5 – 20 €


APPLICAT–PRAZAN Rive gauche 16 rue de Seine – 75006 Paris

C5 | C6

Rive droite 14 avenue Matignon – 75008 Paris

Tél. +33 (0)1 43 25 39 24 – info@applicat-prazan.com – www.applicat-prazan.com –

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