Le Grand Oeil de Michel Tapié

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FIAC 2018 | 18–21 octobre 2018 Applicat-Prazan | Rive gauche 27 octobre – 22 décembre 2018

Le grand œil de Michel Tapié


Michel Tapié de Céleyran Paul Facchetti, Paris, 1952

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e mon point de vue, le marché contemporain de l’art aura été inventé par deux protagonistes principaux dont le galeriste d’exception René Drouin aura été le trait d’union subliminal. De fait, les relations directes entre Leo Castelli et Michel Tapié – puisque c’est d’eux dont il s’agit – n’auront été que parcimonieuses !

avant-propos Quant à la capacité de Tapié à avoir su identifier, et parfois fait émerger, quelques-uns parmi les plasticiens les plus significatifs du xxe siècle, il me semble fondamentalement qu’il n’aura eu que très peu d’alter ego.

franck prazan

Brièvement associé à Drouin, Castelli aura de son côté très largement contribué à l’expansion hégémonique des États-Unis qu’il aura gagnés pour s’y réfugier au début de la seconde guerre mondiale. Un temps conseiller artistique de Drouin, Tapié aura, lui, jeté les bases d’un système marchand qui aura prévalu tant qu’il sera demeuré au service des artistes, autant dire jusqu’à une date récente à partir de laquelle, par une sorte d’inversion des normes avant l’heure, certains artistes auront décidé de se mettre au service du système… De ce système, Un art autre – l’ouvrage que Tapié élabore en amont de l’exposition éponyme de 1952 au Studio Facchetti – sera pour toujours le manifeste. Au-delà de la notion d’informel qu’il théorise et qu’il conviendrait sans doute de préciser (voire de questionner, si nous étions historiens de l’art – ce qu’à la galerie nous ne sommes pas !), Tapié dispose progressivement – d’abord chez Drouin, puis chez Facchetti (Studio Facchetti), Larcade (galerie Rive Droite) et Stadler (galerie Stadler) – un ensemble de règles que l’on qualifierait aujourd’hui de marketing où l’art aurait vocation à l’international, où le curator serait censé orienter les goûts et tisser le lien entre les artistes, les marchands, les collectionneurs et les institutions, et où la publicité et les relations publiques, étayées par la publication de catalogues-livres d’art, la scénographie et la propagation d’articles dans la presse, seraient aussi les outils de l’essentialisation du critique en tant que pierre angulaire de l’objectivation d’une création révélée et nécessairement vouée à la postérité… Objectivation ? Autant l’avouer ici, ce ne sont ni l’appareil critique de Tapié ni son style littéraire qui m’auront conduit à envisager la tenue de cette exposition… Postérité ? Sur les plus de cent quatre-vingts artistes qui auront peuplé « l’écurie Tapié » et que Juliette Evezard aura recensés pour sa thèse 1, beaucoup sont aujourd’hui sortis des mémoires. Plus, moins que d’usage ? Je ne saurais dire…

1 Juliette Evezard, « Un art autre : le rêve de Michel Tapié de Céleyran, il profeta de l’art informel (1937-1987) : une nouvelle forme du système marchand – critique », thèse soutenue le 16 janv. 2015 sous la dir. de Th. Dufrêne, Université ParisOuest-Nanterre-La Défense.

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Quant à la capacité de Tapié à avoir su identifier, et parfois fait émerger, quelquesuns parmi les plasticiens les plus significatifs du xxe siècle, il me semble fondamentalement qu’il n’aura eu que très peu d’alter ego. C’est à ce Tapié-là, à ce « Grand Œil » s’il en est, qu’à travers une sélection que nous avons ambitionnée exigeante d’œuvres d’artistes qui nous sont chers – une peinture un peintre ! –, nous avons souhaité rendre hommage.


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n my view, the contemporary art market was invented by two principal protagonists, between whom the exceptional gallery owner René Drouin was the subliminal link. In reality, the direct relations between Leo Castelli and Michel Tapié – the two people in question – were but few and far between. Castelli, who was briefly an associate of Drouin’s, contributed considerably to the hegemonic expansion of the United States, where he arrived as a refugee at the beginning of the Second World War.

foreword

Having been for a time Drouin’s artistic adviser, Tapié, for his part, laid the groundwork for a commercial system which prevailed as long as it remained at the service of the artists – that is to say, up until a recent date at which, by a sort of premature inversion of the norms, certain artists decided to put themselves at the service of the system.

As for Tapié’s capacity for having identified and sometimes made famous a few of the most important visual artists of the twentieth century, it seems to me that he had very few alter egos.

Tapié’s publication Un art autre, written in advance of the 1952 exhibition of the same name at the Studio Facchetti, will for all time be the manifesto of this system. Over and above the notion of ‘informel’ that he theorises, and which should no doubt be defined (even questioned, if we were art historians – which at the gallery we are not!), Tapié has at his disposal – first with Drouin, then Facchetti (Studio Facchetti), Larcade (Rive Droite Gallery), and Stadler (Stadler Gallery) – a set of rules that we would today call ‘marketing’. By these rules, art was destined for the international stage, where the curator was supposed to guide tastes and forge links between artists, dealers, collectors, and institutions, and where publicity and public relations (underpinned by the publication of catalogues-cum-art books) and exhibition design, as well as the propagation of press articles, would also be the tools used for the essentialisation of criticism as the cornerstone of the objectification of a creativity revealed and of necessity destined for posterity.

franck prazan

Objectification? I might as well confess that it was neither Tapié’s critical apparatus nor his literary style that led me to foresee the tenor of this exhibition. Posterity? Of the more than 180 artists said to populate ‘Tapié’s stable’, and whom Juliette Evezard identified for her thesis,1 many have been lost to memory. More or less than usual? I can’t tell. As for Tapié’s capacity for having identified and sometimes made famous a few of the most important visual artists of the twentieth century, it seems to me that he had very few alter egos. It is to this Tapié, to this ‘Great Eye’ if ever there was one, that through this (hopefully rigorous) selection of works by artists dear to us – a painter per painting – we desired to pay homage.

Juliette Evezard, ‘Un art autre: Le rêve de Michel Tapié de Céleyran, il profeta de l’art informel (1937–1987): Une nouvelle forme du système marchand – critique’, thesis defended 16 January 2015, supervised by Th. Dufrêne, Université Paris-Ouest-NanterreLa Défense, forthcoming.

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L’œil de Michel Tapié « amateur d’art » THE EYE OF MICHEL TAPIÉ, ‘ART LOVER’

juliette Evezard

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ichel Tapié ne fut pas tout à fait de ces critiques qui, apposant leur signature sur des manifestes aujourd’hui historiques, prenaient place irrévocablement au panthéon de la critique d’art. Comment définir l’activité si multiple de Michel Tapié qui semblait préférer l’événement sensationnel au monument ?

ichel Tapié was not entirely one of those critics who, by putting their signature to manifestos nowadays historic, irrevocably took their place in the pantheon of art criticism. How are we to define the multifaceted activity of Michel Tapié, who seemed to prefer the sensational event to the monument?

De tous ces aventuriers, découvreurs d’artistes et écrivains d’art de la seconde moitié du xxe siècle, français et internationaux, Michel Tapié est non seulement celui qui a transformé cette profession en ajoutant aux activités traditionnelles de cette fonction d’autres activités (conseiller artistique, éditeur, courtier, collectionneur), mais c’est aussi le seul à pouvoir se targuer d’avoir eu, dans son écurie, plus de cent quatre-vingts artistes. Bien sûr, l’on pourrait objecter que peu, en proportion, sont passés à la postérité. Mais parmi le nombre impressionnant des artistes qui composèrent « son écurie », quelques-uns connurent un succès sans précédent ; leurs œuvres se trouvent aujourd’hui dans les collections les plus illustres et sur les murs des musées d’art moderne du monde entier et les noms d’Appel, De Kooning, Dubuffet, Fautrier, Fontana, Francis, Hartung, Mathieu, Michaux, Pollock, Riopelle, Shiraga, Wols et d’autres furent, au moins pour un moment, estampillés « Michel Tapié ». Qui pourrait, à l’exception de Michel Tapié, déclarer « l’art informel, c’est moi ! » ? Charles Estienne, Jean Paulhan et d’autres s’y sont essayés, en vain…

Of all the adventurers, discoverers of artists, and writers on art of the second half of the twentieth century, both French and international, Michel Tapié is not only the one who transformed the profession by adding to the traditional activities of this role other activities (artistic adviser, publisher, broker, collector), but he is also the only one who could boast over 180 artists in his ‘stable’. Of course, it might be objected that of these, proportionally few have passed into posterity.

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Ces lignes rédigées en 1938, à l’adresse de son épouse Simone, autant empreintes d’enthousiasme que d’incertitudes, sont celles d’un jeune provincial, ayant quitté le Tarn, sa terre natale, pour devenir musicien de jazz à Paris, convaincu de sa future célébrité : Je suis tellement compétent en technique que j’ai grande confiance, mais je me sens tellement incompétent dès que la question commerciale intervient que je n’ai pas la force d’agir seul 1. Elles ne sont pas sans faire écho à celles, nom-

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But among the impressive number of artists who made up his stable, a few knew unprecedented success; today their works are to be found in the most illustrious collections and on the walls of modern art museums the world over, and the names of Appel, De Kooning, Dubuffet, Fautrier, Fontana, Francis, Hartung, Mathieu, Michaux, Pollock, Riopelle, Shiraga, Wols, and others, bore (at least for a moment) the stamp of Michel Tapié.

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Le Mic Hot Band, l’orchestre des Réverbères, lors du vernissage de la première exposition de peintures et « dessins loufoques » organisée par Pierre Dac à la galerie d’art Quartier Saint-Georges, 31 rue de Navarin dans le 9e arrondissement de Paris, du 19 au 31 mai 1939. D.R. (archives Tapié, Paris). The Mic Hot Band, the orchestra of Les Réverbères, at the opening of the first exhibition of paintings and ‘quirky drawings’ organised by Pierre Dac at the Quartier SaintGeorges Gallery, 31 Rue de Navarin, in the 9th arrondissement of Paris, from 19 to 31 May 1939.


breuses, qu’il adressera à ses partenaires galeristes sur lesquels il comptera pour concrétiser et gérer financièrement son rêve : le système théorique et marchand de « l’art autre » dont il est l’inventeur.

Jean Fautrier (1898-1964) Tête d’otage no 4, 1944

Au commencement, Michel Tapié de Céleyran n’a rien d’un homme d’affaires. Né d’une des plus anciennes familles languedociennes, la maison Toulouse-Lautrec 2, il est le seul à devoir travailler pour subvenir à ses besoins. Fort de l’espérance de ses parents – aristocrates ignorant tout de la vie parisienne et eux-mêmes mauvais gestionnaires de leur illustre héritage familial, Michel Tapié, musicien autodidacte3 est déjà conscient de ses limites dans les questions

d’argent qui le dépassent… Mais s’il ne réunit certes pas les qualités d’un gestionnaire financier, toutefois la désinhibition relative à la nécessité de se faire une situation, son entregent hérité de son lignage aristocratique, sa soif d’aventures et son œil enfin, ont fait de ce rêveur, le critique d’art, conseiller artistique et collectionneur connu et

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Who else but Michel Tapié could declare ‘I am art informel’? Charles Estienne and Jean Paulhan tried, but in vain. The following lines, written in 1938 to his wife Simone, marked as much by enthusiasm as by uncertainties, are those of a young provincial who left the Tarn, the land of his birth, to become a jazz musician in Paris, convinced of his fame to come: I am so technically competent that I have great confidence, but I feel so incompetent the moment the question of business arises, I don’t have the strength to act alone.1 They are not without an echo of the numerous remarks that he will address to the gallery-owning partners he would count on to realise and finan­cially manage his dream: the theoretical and commercial system of ‘art autre’, of which he is the inventor. To start with, there is nothing of the businessman about Michel Tapié de Céleyran. Born into one of the most ancient families of the ­Langued­­oc, the house of Toulouse-Lautrec,2 he is the only member of the family who has to work for a living. Bolstered by the hopes of his parents (aristocrats who knew nothing of Parisian life and were themselves poor managers of their illustrious family heritage), Michel Tapié, selftaught musician,3 is already aware of his limits when it comes to questions of money that are beyond him. But if he certainly does not possess the qualities of financial manager, nonetheless his disinhibition in relation to the necessity to make a career, his outgoing personality inherited from his aristocratic lineage, his thirst for adventure, and finally his eye, made of this dreamer the known and recognised art critic, artistic adviser, and collector whose stratagems are on many occasions well served by his candour. On 14 August 1948 Jean Dubuffet is not mistaken when he describes the charisma of his neighbour


reconnu, dont la candeur servit de nombreuses fois ses stratagèmes. Le 14 août 1948, Jean Dubuffet ne s’y trompe pas lorsqu’il dépeint le charisme de son voisin, Michel Tapié, qu’il a rencontré au cours de l’hiver 1945 alors que celui-ci est installé dans son atelier situé au 114 bis de la rue Vaugirard à Montparnasse. Partageant une passion commune pour l’art et la littérature, les deux hommes se lient d’amitié et Jean Dubuffet de goûter à l’enthousiasme communicatif de son nouvel ami dont il témoigne dans une lettre adressée à Gaston Chaissac : Il sait bien parler des choses, avec un enthousiasme communicatif, et il voit beaucoup de gens, et il a le don d’inspirer de l’intérêt et de la sympathie à tout le monde. C’est cette sociabilité, une déconcertante facilité à se faire des relations dans le milieu artistique et mondain parisien qui séduisent Jean Dubuffet. Il écrira : Comme patronymes singuliers, à ceux d’Agamemnon et d’Anacréon, il faut ajouter M. Magnificat, grand financier parisien, et de M. Carissimo, riche lainier de Roubaix. C’est bien entendu, Michel Tapié qui connaît des gens aux noms si singuliers 4. Ces qualités certaines que Dubuffet perçoit déjà comme un atout majeur poussent ce dernier à lui conseiller d’abandonner la musique en faveur de l’écriture d’art. Tapié l’entend et s’exécute de bon gré, après tout, la musique ne l’aidait, jusque-là, guère à subvenir à ses besoins. Il l’accompagne lors de ses visites d’expositions, l’une d’elles sera déterminante pour lui : sa visite, en octobre 1945, de l’exposition intitulée « Les Otages » présentant les œuvres de Jean Fautrier – le catalogue est préfacé par André Malraux. Michel Tapié est alors « passionné 5 ». Cette exposition marque un point de rupture dans l’histoire de l’abstraction qui n’est plus seulement géométrique. Elle constitue aussi un événement fondateur pour Michel Tapié qui est désormais persuadé qu’il lui revient de défendre cette nouvelle peinture.

Michel Tapié – whom he met during the winter of 1945 when the latter moved into his studio at 114bis Rue Vaugirard in Montparnasse. Sharing as they did a common passion for art and literature, the two strike up a friendship and Jean Dubuffet is able to savour the infectious enthusiasm of his new friend, as he expresses in a letter to Gaston Chaissac: He knows how to talk about things, with an infectious enthusiasm, and he sees a lot of people, and he has the gift of inspiring interest and sympathy in everybody. It is this sociability, a disconcerting facility in forming relationships in the Parisian world of art and society, that seduces Jean Dubuffet. He will write: As singular patronymics, to those such as Agamemnon and Anacreon must be added M. Magnificat, Parisian grand financier, and M. Carissimo, rich Roubaix wool merchant. It is of course Michel Tapié who knows people with such singular names.4 These unquestionable qualities that Dubuffet sees as being a major asset lead him to advise Tapié to give up music in favour of writing about art. Tapié is willing to listen and is happy to follow his advice – after all, up to then music has scarcely enabled him to make a living. So he accompanies Dubuffet on visits to exhibitions, one of which will play a determining role: his visit in October 1945

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Photographie de Michel Tapié et ses enfants : Jean-Marc, Michel, Martiane et Frédérique Tapié de Céleyran, dans leur appartement, au 4, rue des Morillons, Paris 15e, vers 1947 (archives Tapié, Paris). Michel Tapié pose à côté de Tapié grand duc, son portrait réalisé par Jean Dubuffet en août 1946. Photo of Michel Tapié and his children: Jean-Marc, Michel, Martiane, and Frédérique Tapié de Céleyran, in their apartment at 4 Rue des Morillons, in the 15th arrondissement of Paris, circa 1947. Michel Tapié poses next to Tapié grand duc, his portrait by Jean Dubuffet, August 1946.


Michel Tapié au Foyer de l’Art brut, dans les sous-sols de la galerie René Drouin, 1948. D.R. (archives Tapié, Paris). Michel Tapié at the Foyer de l’Art Brut, in the basement of the René Drouin Gallery, 1948.

Désormais, Jean Dubuffet n’hésite pas à lui ouvrir son cénacle intellectuel prestigieux constitué autour de la figure emblématique de Gaston ­Gallimard : Georges Limbour, son ami d’enfance et d’autres connaissances rencontrées alors pendant la guerre ; Jean Paulhan, l’ancien directeur de La Nouvelle Revue française ; Joë Bousquet, collectionneur ; Jean Cassou, ancien conservateur adjoint du musée national d’Art moderne ; André Malraux ; Pierre Seghers, l’éditeur ; Marcel Arland, auteur d’articles critiques à la NRF ; Louis Parrot, collaborateur des Éditions de Minuit ; Francis Ponge, le poète ; Raymond Queneau, l’écrivain lecteur aux éditions Gallimard ; Charles Ratton, directeur de sa galerie spécialisée dans les arts primitifs, rue ­Marignan. Aussi, Jean Dubuffet le présente à son galeriste d’alors, René Drouin, directeur de la galerie éponyme située place Vendôme de laquelle Tapié deviendra conseiller artistique en 1947. Avant cela, Jean Dubuffet lui confie la rédaction du catalogue de son exposition « Mirobolus Macadam et Cie » présentée au mois de juin 1946 dans cette même galerie. Cette première publication vaut à Michel Tapié d’écrire une série d’articles dans Juin, un hebdomadaire politique, économique et littéraire6. Sa carrière d’écrivain d’art est enfin amorcée. Et, le 15 novembre 1947, lorsqu’il ouvre Le Foyer de l’Art brut au sous-sol de la galerie René Drouin, Jean Dubuffet peut partir le lendemain, en toute

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to the exhibition entitled ‘Otages’ of the works of Jean Fautrier, with André Malraux writing the preface. Michel Tapié is ‘impassioned’.5 This exhibition marks a cut-off point in the history of abstraction, which is no longer only geometric. It also constitutes a fundamental event for Michel Tapié, who is from then on convinced that it is he who must defend this new form of painting. From this time on, Jean Dubuffet has no hesitation in welcoming him into his prestigious intellectual circle revolving around the emblematic figure of Gaston Gallimard: Georges Limbour, his childhood friend and other acquaintances met during the war; Jean Paulhan, former director of La Nouvelle Revue française; Joë Bousquet, collector; Jean Cassou, former assistant curator at the Musée National d’Art Moderne; the novelist André Malraux; the editor Pierre Seghers; Marcel Arland, writer of critical articles at the NRF; Louis Parrot, contributor to the publishing house Les Éditions de Minuit; the poet Francis Ponge; Raymond Queneau, the writer and reader at the publishing house Gallimard; and Charles Ratton, director of a gallery specialising in primitive art, Rue Marignan. Moreover, Jean Dubuffet introduces him to René Drouin, owner and director of the gallery of the same name in the Place Vendôme, for which Tapié will become artistic adviser in 1947. Before this, Jean Dubuffet entrusts him with editing the catalogue for his exhibition ‘Mirobolus Macadam et Cie’, which opens in June 1946 in this same gallery. This first publication leads him to write a series of articles in Juin, a political, economic, and literary weekly.6 His career as a writer on art has taken off at last. And, on 15 November 1947, when he opens Le Foyer d’Art Brut in the basement of the René Drouin Gallery, Jean Dubuffet can leave the next day in all tranquillity for Algiers, El-Goléa, and Tamanrasset, where he spends Christmas. He hands over the keys and the reins of the Foyer de l’Art Brut to Michel Tapié, who has proved his efficiency. In fact, he has just introduced him to the medallions of Henri Salingardes. This


quiétude, pour Alger, El-Golea et Tamanrasset où il passe Noël. Il confie clefs et rênes du Foyer de l’Art brut à Michel Tapié qui lui a prouvé son efficacité. Il vient, en effet, de lui faire découvrir les médaillons d’Henri Salingardes. Cette découverte incite le jeune directeur « provisoire » du Foyer de l’Art brut à en faire d’autres, il devient alors prospecteur de talents et ne tarde pas à démontrer toute l’acuité de son œil expert. Lorsqu’il découvre les œuvres de Xavier Parguey, le Tchécoslovaque Jan Krizek et l’Espagnol Miguel Hernández, Jean Dubuffet l’en félicite : Les nouvelles de l’Institut de l’Art brut m’ont enchanté. Bravo ! Il me tarde de rentrer à Paris pour voir tout cela. Vous paraissez avoir fait de très intéressantes découvertes. Je viens de recevoir aujourd’hui vos deux catalogues. Hernández est extrêmement intéressant. […].

discovery leads the young ‘temporary’ director of the Foyer de l’Art Brut to further things, so he becomes a talent hunter and in no time has demonstrated the full acuteness of his expert eye. When he discovers the work of the Frenchman Xavier Parguey, the Czechoslovakian Jan Krizek, and the Spaniard Miguel Hernández, Jean Dubuffet congratulates him: I’m enchanted by the news from l’Institut de l’Art Brut. Congratulations! I can’t wait to get back to Paris to see it all. You seem to have made some very interesting discoveries. I have just today received your two catalogues. Hernández is extremely interesting. Overawed by his protégé’s discoveries, though not without his jealousy having been aroused,

Subjugué par les découvertes de son protégé, qui ne sont toutefois pas sans exciter sa jalousie, Jean Dubuffet le complimente dans une lettre dissimulant toute son acrimonie qui le poussera finalement à l’éloigner des affaires de l’Art brut moins d’un an plus tard, lorsque le Foyer de l’Art brut se transformera en une association à but non commercial (le 11 octobre 1948) : Je suis émerveillé de votre entrain et de vos découvertes et je vous en félicite chaudement 7. C’est aussi son œil et son entregent qui poussent Michel Tapié à se lier d’amitié avec Georges ­Mathieu qu’il rencontre à la galerie René Drouin à l’occasion de l’exposition des œuvres de Wols qui s’ouvre à la galerie le 23 mai 1947. C’est alors un jeune homme de vingt-six ans, directeur des Relations publiques et de la Publicité de la compagnie maritime américaine United States Lines à Paris et peintre à ses heures. Ce dernier est très vite séduit par son illustre lignage « des plus vieilles familles du Languedoc » écrira-t-il plus tard 8. Bientôt, les deux hommes se liguent pour défendre l’abstraction lyrique et contrecarrer l’abstraction géométrique, le néo-constructivisme, l’abstractioncréation que Mathieu ne peut souffrir. Le peintre

Michel Tapié, Mirobolus Macadam & Cie Hautes pates de Jean Dubuffet, René Drouin, Paris, 1946.

Jean Dubuffet compliments him in a letter that conceals all the acrimony which will ultimately push him to distance himself from the world of Art Brut less than a year later, when the Foyer de l’Art becomes a not-for-profit association (11 October 1948): I am bowled over by your drive and by your discoveries and I warmly congratulate you.

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Georges Mathieu (1921 -2012) Composition (Limbe), 1948

gestuel mettra sur pied trois « expositions de combats » – où l’on retrouve des artistes pour lesquels Tapié œuvrera très vite9 : « L’imaginaire » organisée avec Camille Bryen (à la Galerie du Luxembourg dirigée par Eva Philippe10) qui regroupe quatorze artistes abstraits non géométriques11 ; « H.W.P.S.M.T.B » (à la galerie Colette Allendy12) dont le titre est formé des initiales des noms des participants13 ; « White And Black », la troisième exposition de combat (à la galerie des Deux-Îles14 dirigée par Florence Bank). Après ces trois expositions où Mathieu apparaît comme le chef de file de la nouvelle abstraction, le peintre décide de mettre un terme à l’organisation d’expositions de combat. Il laisse ainsi la place libre à Michel Tapié qui poursuit la promotion de l’abstraction que les critiques ont qualifiée de « lyrique », et, dans le même temps, celle des œuvres de Mathieu. Celui-ci devient alors son fer de lance. Et c’est en défendant Mathieu qu’il décide de se faire connaître à l’étranger en tant que conseiller artistique et organisateur d’expositions. Il ne tarde pas à proposer ses services à Alexandre Iolas, directeur de la Hugo Gallery de New York qui lui avoue, dans l’une de ses lettres, s’en remettre à son jugement : Je suis tellement emballé par une possible collaboration avec vous et présenter Mathieu que

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It is also his eye and his outgoing personality that lead Michel Tapié to become friends with Georges Mathieu, whom he meets at the Wols exhibition opening at the René Drouin Gallery on 23 May 1947. At the time he is a young man of twenty-six, director of public relations and publicity for the shipping company United States Lines in Paris and painter in his spare time. He is rapidly seduced by Tapié’s illustrious lineage – ‘one of the oldest families of the Languedoc’, he will later write.8 Soon the two join forces in order to defend lyrical abstraction and counteract the geometric abstraction, neo-constructivism, and abstraction-création that Mathieu cannot bear. The gestural painter will set in place three ‘combat exhibitions’ – showing artists with whom Tapié will soon start working:9 ‘L’Imaginaire’, organised with Camille Bryen (at the Galerie du Luxembourg, directed by Eva Philippe),10 which brings together fourteen non-geometric abstract artists;11 ‘H.W.P.S.M.T.B’ (at the Colette Allendy Gallery),12 whose title is made up of the initials of the surnames of the artists;13 and ‘White and Black’, the third combat exhibition (at the Galerie des Deux-Îles, directed by Florence Bank). After these three exhibitions, where Mathieu emerges as the leader of the new abstraction, the painter decides to stop organising combat exhibitions, thus leaving the space free for M ­ ichel Tapié, who continues to promote the form of abstraction that the critics have baptised ‘lyrical’ and, at the same time, the paintings of Mathieu, who becomes his trailblazer. And it is through his activities in defence of Mathieu that he decides to make himself known abroad as an artistic adviser and exhibition orga­ niser. He loses no time in contacting ­Alexandre Iolas, the director of the Hugo Gallery in New York, who confesses in one of his letters that he will trust Tapié’s judgement: I’m so excited by the possibility of collaborating with you and exhibiting Mathieu, whom I like very much, and I hope everything comes off […] as I have complete confidence in your taste. Here Tapié is using what will become his method:


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Michel Tapié, Un art autre. Où il s’agit de nouveaux dévidages du réel, Éditions Gabriel-Giraud et fils, Paris, 1952 (archives Tapié, Paris). Catalogue d’exposition Jackson Pollock, Studio Paul Facchetti, Paris (archives Tapié, Paris). Jackson Pollock, exhibition catalogue, Studio Paul Facchetti, Paris, 1952.

Emmanuel Looten, Marc du Plantier et Michel Tapié (assis au bureau de Jean Larcade). D.R. (archives Looten, France). Emmanuel Looten, Marc du Plantier and Michel Tapié (sitting at Jean Larcade’s desk).

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j’aime profondément, et je souhaite que tout soit réalisé […] comme j’ai confiance absolue en votre goût 15. Ainsi, Tapié use de ce qui deviendra sa méthode : chaque fois qu’il rencontrera un artiste, un collectionneur ou un marchand, il entreprendra une relation épistolaire. Ces correspondances ont deux objectifs : constituer son réseau de relations et communiquer sur les expositions qu’il orchestrera. Cette méthode n’est pas sans porter ses fruits

Carton d’invitation au vernissage de l’exposition « Véhémences Confrontées ». (Document : J.-M.C.) Invitation for the opening of the exhibition ‘Véhémences Confrontées’.

puisque son nom circule à New York avant même qu’il s’y soit rendu. Iolas mord d’ailleurs à l’hameçon en lui témoignant toute la confiance qu’il porte en son goût. Michel Tapié se crée donc une aura à distance tout autant qu’un carnet d’adresses pour lequel des galeristes internationaux l’engageront. Son œil est désormais reconnu par ses pairs et son nom devient peu à peu un label pour les artistes désormais estampillés « Tapié ». Mais là n’est pas son seul atout, Michel Tapié s’appuie également sur ses artistes engagés pour la cause de l’abstraction lyrique pour faire de nouvelles découvertes. De cette façon, lorsque Georges Mathieu est invité à rejoindre, en janvier 1951, le collectionneur milanais Frua de Angeli dans sa villa à Positano, il devient un œil précieux pour Tapié qui n’a, pour sa part, pas encore la pos-

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every time he meets an artist, collector, or dealer, he strikes up an epistolary relationship. These letters have two objectives: to constitute a network of relations, and to provide information on the exhibitions he will orchestrate. The method is not without bearing fruit, because his name is already doing the rounds of New York before he even gets there. Iolas moreover rises to the bait in conveying to him the degree of confidence that he has in his taste. Michel Tapié thus creates for himself an aura at a distance as well as an address book for which international gallerists will employ him. From this point on, his eye is recognised by his contemporaries and little by little his name becomes a label for those painters bearing the stamp ‘Tapié’. But this is not his only asset. Michel Tapié also looks to his artists committed to the cause of lyrical abstraction in order to make new discoveries. So it is that when, in January 1951, Georges Mathieu is invited to visit the Milanese collector Frua de Angeli at his villa in Positano, he becomes a precious eye for Tapié, who is not free to go along. In fact, Mathieu takes advantage of this visit to go on a tour of Italy, and thus meets the painter Giuseppe Capogrossi, by whose works he is seduced – and he communicates his enthusiasm to Tapié. Two months later, Capogrossi’s works are included in a manifesto exhibition, ‘Véhémences confrontées,’16 organised by Tapié and shown at the Nina Dausset Gallery, 19 Rue du Dragon. The catalogue will give rise to the term ‘art informel’, coined by Michel Tapié. Subsequently, in the summer of 1951, he is taken on with a salary by the photographer Paul ­Facchetti at his studio of the same name, 17 Rue de Lille, Paris, initially in order to look after his art publications. On Mathieu’s advice, the director of the premises puts at Tapié’s disposal a space for his activities as an art dealer. To begin with, he is self-employed in this, but the gallery is rapidly looked after by the Facchetti couple, who turn the studio into a veritable art laboratory. And so, Tapié becomes an employee of the gallery in the role of artistic adviser.


sibilité de se déplacer. En effet, Mathieu en profite pour faire un tour de l’Italie et rencontre, à cette occasion, le peintre Capogrossi dont les œuvres le séduisent : il fait part de son enthousiasme à Tapié. Deux mois plus tard, les œuvres de Capogrossi seront intégrées à l’exposition manifeste « Véhémences confrontées16», organisée par Tapié et présentée à la galerie Nina Dausset, 19 rue du Dragon, et dont le catalogue donnera naissance au terme « art informel » sous la plume de Michel Tapié. Par la suite, à l’été 1951, il est engagé par Paul Facchetti, photographe, dans son studio éponyme, au 17 rue de Lille à Paris, d’abord pour s’occuper de ses éditions d’art avec un salaire à l’appui. Sur les conseils de Mathieu, le directeur des lieux met à la disposition de Tapié un espace pour ses activités de commerce d’art. Pour commencer, il sera à son compte, mais très vite la galerie devient l’affaire du couple Facchetti qui fait du Studio une véritable galerie d’art laboratoire. Tapié sera alors employé de la galerie en tant que conseiller artistique. Tapié a toutes les raisons de développer ses stratagèmes pour faire connaître et garder Mathieu ainsi que de poursuivre ses prospections comme il en témoigne dans ces mots adressés à son amie sculptrice Maria Martins, premiers constats du premier accrochage au studio du 9 juillet 1951 où l’on pouvait admirer sur les cimaises les œuvres de Picabia, Dubuffet, Fautrier, Mathieu, Michaux, Riopelle, Serpan, Ubac, Ossorio et Maria Martins : Mathieu marche bien et je dois faire l’acrobatie pour le garder ici avant de pouvoir lui donner un petit contrat. Je pense pour lui le plus grand avenir ; Malraux le tient en haute estime et unanimement on l’aime ; Serpan est ma dernière découverte et il a plu immédiatement à des personnes difficiles comme M. Frua de Angeli ou M. Catton Rich 17. Ainsi, œuvrer au Studio Facchetti lui permet non seulement de développer sa constellation d’artistes en trouvant toujours de nouveaux talents qu’il fédère autour du noyau constitué par les artistes présentés lors des premières expositions de

Henri Michaux (1899 -1984) Adulte fœtal et sa suite, 1945

Tapié has every reason to develop stratagems to make Mathieu known and to keep him in tow, as he did to continue his prospections, as he confirms in the following words addressed to his sculptor friend Maria Martins in his comments at the first hanging at the studio on 9 July 1951, where, displayed on the walls, were works by Picabia, D ­ ubuffet, Fautrier, Mathieu, Michaux, Riopelle, Serpan, Ubac, Ossorio, and Maria Martins: Mathieu is doing well and I must do everything possible to hang on to him and then give him a little contract. I foresee a very great future for him; Malraux holds him in high regard and he is loved by one and all; Serpan is my latest discovery and he has immediately found favour with difficult people like M. Frua de Angeli and M. Catton Rich.17 Thus, working at the Studio Facchetti not only enables him to develop his constellation of artists by constantly finding new talents whom he brings together around the core group comprising the artists present for the first combat exhibitions, but also to consolidate his innovative vision in

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the role of artistic adviser to a Parisian gallery. In fact, he very quickly turns towards American artists, to whom he writes numerous letters aimed at making himself known and dazzling them by emphasising the modernity of his approach, the better to attract them. He even goes so far as to write to Jackson Pollock:

Michel Tapié devant son portrait réalisé par Karel Appel, 1956. D.R. Michel Tapié in front of his portrait by Karel Appel, 1956.

I will keep you informed of developments in this activity, which I aim to make very different from the norm of art galleries but based on my experience, which has proved to me that it is necessary to change certain aspects of practices that may have been effective twenty or thirty years ago but which seem completely out of date today.18

combat, mais aussi de concrétiser sa vision, novatrice, du rôle de conseiller artistique d’une galerie parisienne. En effet, très vite, il se tourne vers les artistes américains à qui il adresse de nombreuses lettres destinées à se faire connaître et à les éblouir en leur soulignant la modernité de sa démarche pour mieux les attirer à lui. Il va même jusqu’à écrire à Jackson Pollock : Je vous tiendrai au courant de cette activité que je veux très différente de celle habituelle des galeries d’art mais basée sur mon expérience qui m’a prouvé qu’il fallait changer quelques éléments dans les habitudes qui pouvaient être efficaces il y a vingt ou trente ans, mais qui semblent complètement périmées maintenant 18. Pour tenter de s’attacher les artistes américains, il s’appuie sur une rencontre qu’il avait faite six mois auparavant, alors qu’il était encore à la galerie René Drouin. En effet, Michel Tapié avait reçu la visite d’Alfonso Ossorio, artiste américain d’origine philippine et collectionneur, entre autres, des œuvres

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In order to try to forge links with American artists, he takes advantage of an encounter six months earlier, when he was still at the René Drouin Gallery. Michel Tapié had received a visit from Alfonso Ossorio, an American artist of Philippine origin and a collector of works by Jackson Pollock, among others. At that moment he wanted to acquire a Dubuffet painting. Tapié was attracted both by his opinion of the works of Dubuffet and by his talent as an artist. He writes to Dubuffet: I am also very interested in Ossorio’s work, and I asked him to leave me a few of the works that he showed me for a few days so that I can ponder over them.19 Six months later, the first Parisian exhibition of the works of Alfonso Ossorio opens at the Studio Facchetti: it is a success and influential reviewers write about it. Thomas Hess, the manager of the American monthly Art News, visits the exhibition, as does Betty Parsons. This is the opportunity for Tapié to establish a business relationship with the New York gallery owner considered to be the symbol of the new art. And indeed, she has attracted Clyfford Still, Jackson Pollock, Mark Rothko, and Barnett Newman, showing them in a large modern architectural space designed to showcase large-scale works.


de Jackson Pollock. Il souhaitait alors acquérir une œuvre de Dubuffet. Tapié fut aussi séduit par le regard qu’il porte aux œuvres de Dubuffet que par ses talents d’artiste. Il écrit à Dubuffet : Je suis aussi très intéressé par ce que fait Ossorio, et je lui ai demandé de me laisser quelquesunes de ses œuvres qu’il me montrait pendant quelques jours que je puisse les ruminer 19. Six mois plus tard, a lieu, au Studio Facchetti, la première exposition parisienne des œuvres d’Alfonso Ossorio : c’est un succès, les plumes influentes relaient l’événement. Thomas Hess, le manager du mensuel américain Art News visite l’exposition tout comme Betty Parsons. C’est l’occasion pour Tapié de nouer des relations commerciales avec la galeriste new-yorkaise considérée comme le symbole du nouvel art. En effet, elle s’est attaché Clifford Still, Jackson Pollock, Mark Rothko et Barnett Newman et les présente dans un grand espace architectural moderne conçu pour mettre en valeur les grands formats.

At the Studio Facchetti, Tapié’s idea is to adopt the American method without yet having been to the United States. He shows exclusively living artists and mixes young American painters so far little known in France with his European artists. He promotes his exhibitions very widely and conceives them as veritable ‘happenings’. Tapié sees America as a promised land. He quivers in anticipation: If only I could develop contacts both here and in New York, where so many things are happening! However, although he waits for more than five years – until December 1956 – before finally going there, this doesn’t prevent him from making contacts, at a distance, via the expert and complicit eye of Jean Dubuffet, starting in October 1951. Accompanied by his wife Lili and Alfonso Ossorio,

Au Studio Facchetti, l’idée de Tapié est d’adopter la méthode américaine sans avoir encore été aux États-Unis. Il expose uniquement des artistes vivants et mêle à ses artistes européens de jeunes peintres américains encore peu connus en France. Il communique très largement sur ses expositions qu’il conçoit comme de véritables évènements. L’Amérique apparaît aux yeux de Tapié comme une terre pleine de promesses. Ainsi, trépigne-t-il : Si je pouvais prospecter ici et à New York où se passent aussi tant de choses !  Mais s’il attendra plus de cinq ans – décembre 1956 – avant de s’y rendre, il n’y prospectera pas moins, à distance, à travers l’œil, expert et complice, de Jean Dubuffet à partir du mois d’octobre 1951. Accompagné de Lili (son épouse) et d’Alfonso Ossorio, Dubuffet est véritablement subjugué par New York et Chicago, et, plein d’espérances pour les activités du critique d’art et conseiller artistique, envoie à celui-ci galeristes, artistes et collectionneurs. Glasco, Pollock et De Kooning sont ses révélations dont

Dubuffet is totally overwhelmed by New York and Chicago and, filled with optimism for the roles of art critic and artistic adviser, sends Tapié gallery owners, artists, and collectors. Glasco, Pollock, and De Kooning are revelations, whose work he sends photos of to Michel Tapié, who in turn wastes no time in including them in his constellation by showing them in his exhibitions.

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Photographies de la galerie Stadler. Reproduites in Jean-Pierre Moulin, «Galerie Stadler», Cimaise, no 77, août-octobre 1966. Photos of the Stadler Gallery, reproduced in Jean-Pierre Moulin, ‘Galerie Stadler’, Cimaise no. 77, AugustOctober 1966.


It is in the Studio Facchetti that Michel Tapié, with the help of Ossorio, organises Jackson ­Pollock’s20 first Paris exhibition, which will have considerable impact and which Michel Tapié will constantly talk about.

Première page du livre d’or de l’exposition « Jackson Pollock 1948-1952 », vendredi 7 mars 1952, Studio Paul Facchetti, Paris (archives particulières, France). First page of the ‘Jackson Pollock 1948-1952’ exhibition guest book, Friday 7 March 1952, Studio Paul Facchetti, Paris.

il adresse des clichés des œuvres à Michel Tapié qui ne tardera pas à les inclure dans sa constellation en les présentant dans ses expositions. Ce sera au Studio Facchetti que Michel Tapié, avec l’aide de Ossorio, organisera la première exposition parisienne de Jackson Pollock 20 qui aura un retentissement important et sur laquelle Michel Tapié n’aura de cesse de communiquer. C’est au Studio Facchetti que sera présenté son ouvrage-manifeste : Un art autre. Où il s’agit de nouveaux dévidages du réel  dont le but est de « théoriser » l’esthétique commune aux œuvres qu’il rassemble sous la bannière de « l’art informel ». Un art autre (le livre) propose une réponse nouvelle aux débats entre les partisans de l’abstraction et ceux de la figuration et permet de dépasser les frontières nationales puisqu’il défend quarante-deux artistes internationaux. L’idéologie développée sera le socle du système marchand que Michel Tapié commence à mettre en place. Elle est intuitive et personnelle et n’établit aucun véritable critère qui permettrait de définir clairement l’art informel. Faisant d’une pierre deux coups, cet ouvrage établit tout autant le mythe de son invention de « l’art autre » que celui de sa personne. En effet, faisant de son intuition un indicateur selon lequel il peut – ou non – attribuer cette appellation à une œuvre qu’il « reçoit », l’art informel est intrinsèquement lié

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It is at the Studio Facchetti that his manifesto-work, Un art autre. Où il s’agit de nouveaux dévidages du réel, will be unveiled. Its aim is to ‘theorise’ the aesthetic that is common to the works that he brings together under the banner of ‘art informel’. The book Un art autre proposes a new response to the debates between the partisans of abstraction and those of figuration, and offers a means of going beyond national frontiers because it defends forty-two international artists. The ideology it develops will form the basis of the commercial system that Michel Tapié is beginning to put in place. It is intuitive and personal and does not establish any real criterion that might lead to a clear definition of ‘art informel’. Killing two birds with one stone, this publication establishes both the myth of his invention of ‘art informel’ and that of his persona. In fact, by making of his intuition an indicator according to which he can – or not – attribute this label to a work that he ‘receives’, ‘art informel’ becomes intrinsically linked to the personality of Michel Tapié. This leads to a shutting-off of the label ‘art informel’ which, implicitly, can only be delivered by Michel Tapié. Having completed the manuscript in August 1952, on his second visit to the twenty-sixth Venice Biennale, Michel Tapié publishes his book at the beginning of December 1952. It is presented at an exhibition of the same name organised at the Studio Facchetti,21 which the cream of Parisian society and personalities of the international art world such as Sidney Janis and Darthea Speyer rush to see. The ‘art autre’ system is on the move… Following upon his activities at the Studio Facchetti, Michel Tapié works as artistic adviser to several galleries, in France and abroad. Two galleries open successively in Paris: the Rive Droite Gallery and the Stadler Gallery.


Yoshihara Jiro et Michel Tapié, 11 octobre 1957 au musée Bridgestone à Tokyo. D.R. (archives particulières, France). Yoshihara Jiro and Michel Tapié, 11 October 1957 at the Bridgestone Museum in Tokyo.

Yoshihara Jiro et Michel Tapié, le 20 mars 1958, à l’aéroport de Tokyo. D.R. (archives Tapié, Paris). Yoshihara Jiro and Michel Tapié, 20 March 1958, at Tokyo Airport.

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à la personnalité de Michel Tapié. Par conséquent, cela conduit à un verrouillage de l’attribution de ce label « art informel » qui, implicitement, ne peut être délivré que par Michel Tapié. Ayant achevé son manuscrit au mois d’août 1952, lors de sa deuxième visite de la XXVIe Biennale de Venise, Michel Tapié fait paraître son ouvrage au tout début du mois de décembre 1952. Il sera présenté à l’occasion d’une exposition éponyme organisée au Studio Facchetti21 où se presseront

Vernissage de l’exposition « Fontana -Coetzee », à partir du 17 mars 1959, galerie Stadler. De gauche à droite : Emmanuel Looten, Jean Larcade, Michel Tapié et Frédérique Fourcaud (photo : Augustin Dumage, archives de la galerie Stadler, conservées aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse). Opening of the exhibition ‘Fontana-Coetzee’ on 17 March 1959, Stadler Gallery. From left to right: Emmanuel Looten, Jean Larcade, Michel Tapié, and Frédérique Fourcaud.

le Tout-Paris et les personnalités du monde de l’art international telles que Sidney Janis et Darthea Speyer… Le système de « l’art autre » est en marche. À la suite de son activité au Studio Facchetti, ­Michel Tapié œuvre en tant que conseiller artistique au sein de plusieurs galeries françaises et étrangères. Deux galeries s’ouvrent successivement à Paris : la galerie Rive Droite, la galerie Stadler. Tout comme Paul Facchetti, les deux directeurs de ces galeries, Jean Larcade et Rodolphe Stadler, débutent comme marchands d’art. Ils demandent à Tapié d’orienter les choix esthétiques de leur galerie et de faire le lien entre l’artiste, le marchand et les collectionneurs. Si Michel Tapié fut toujours dé-

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Like Paul Facchetti, the directors of these galleries, Jean Larcade and Rodolphe Stadler, start off as art dealers. They ask Tapié to guide the artistic choices of their galleries and to create communication links between the artist, the dealer, and the collectors. Given that Michel Tapié was always short of money and an amateur as a manager, it is understandable that he sought the support of dealers who financed the career he had always dreamt of. In 1954, shortly after he was taken on for fifteen years by Rodolphe Stadler, and while still working for the Rive Droite Gallery, Michel Tapié, now aged forty-five, has already approached the Zoe ­Dusanne Gallery (Seattle), with whom he sketches out a few plans; shares a project with the Evrard Gallery (Lille); allies himself with the Spazio Gallery (Milan) directed by Luigi Moretti (architect); and, for a short time advices the Martha Jackson Gallery (New York). With the latter, he embarks on a ‘grand-style secret manoeuver whereby by paying more money she would get more contracts for her gallery’.22 His aim being to build a stock of the best works by the best artists, Michel Tapié orchestrates a real dealer system. He takes the lead of a veritable coalition of galleries who join for­ces (their finances) to multiply his chances of offering the biggest contracts to those artists of primary importance, whom he can convince thanks to the international dimension of this coalition. By advising these different galleries simultaneously, Michel Tapié creates a synergy that enables him to put on travelling exhibitions. An artist of the ‘art autre’ constellation can now be sure of being exhibited in France, the United States, and Italy. Aware of having at last found his invention, he writes in a letter to Luigi Moretti: My plan is more certain than ever. I have all the right cards in my hand […] and I can bring to fruition in the coming years a ‘business’ to rival that conducted in the twenties and thirties by the great dealers like the Rosenbergs and Paul Guillaume.23


sargenté et gestionnaire amateur, l’on comprend qu’il ait recherché le soutien de marchands qui financèrent la carrière dont il a toujours rêvé. En 1954, peu de temps avant qu’il soit engagé pour une quinzaine d’années par Rodolphe Stadler, tout en œuvrant pour la galerie Rive Droite, Michel Tapié, âgé de quarante-cinq ans, a déjà approché la Zoë Dusanne Gallery (Seattle) avec laquelle il esquisse des plans, partage un projet avec la galerie Evrard (Lille), est allié de la galerie Spazio (Milan) dirigée par Luigi Moretti (architecte), conseille depuis peu la Martha Jackson Gallery (New York). Avec cette dernière, ils entreprennent une « manœuvre secrète de grand style pour qu’en surenchérissant les contrats elle les ait dans sa galerie 23 ». Son but étant de stocker les meilleures œuvres des meilleurs artistes, Michel Tapié orchestre un véritable système marchand. Il prend la tête d’une véritable coalition de galeries qui unissent leurs forces (les finances) pour multiplier ses chances de proposer des plus gros contrats aux artistes de première importance qu’il peut convaincre grâce à la dimension internationale de cette coalition. En conseillant simultanément ces différentes galeries, Michel Tapié crée une synergie permettant de concevoir des expositions itinérantes. Un artiste de la constellation de « l’art autre » est assuré d’être exposé en France, aux États-Unis et en Italie. Conscient d’avoir enfin trouvé son invention, il écrit alors dans une lettre adressée à Luigi Moretti : Mon plan est plus que jamais fixé. J’ai tous les atouts possibles en main […] et je puis mener à bien dans les années à suivre, « une affaire » de l’envergure de celle qu’entre les années vingt et trente ont menée de grands marchands comme les Rosenberg et les Paul Guillaume 23. Alors, Sam Francis a tout compris lorsqu’il dit à Yves Michaux, au sujet de Michel Tapié, « lui, c’était un type très actif, genre entrepreneur 24 ». Il est aussi entrepreneur qu’aventurier lorsqu’il parcourt le monde en quête de nouveaux artistes à intégrer à sa constellation. En Italie, il part à la rencontre des artistes Burri, Capogrossi, Dova, ­Fontana, Moreni et fait la connaissance des ga-

So Sam Francis got it right when he said to Yves Michaud on the subject of Michel Tapié, ‘He’s a very active guy, the entrepreneur type.’24 He is as much an entrepreneur as an adventurer when he roams the world in search of new artists to add to his constellation. In Italy, he sets out to meet the artists Burri, Capogrossi, Dova, F ­ ontana, and Moreni, and gets to know the gallery owners Enzo Cortina (Cortina Gallery), Carlo C ­ ardazzo (Galleria Del Naviglio), Beatrice Monti (Galleria dell’Ariete), and Luciano Pistoi (Notizie Gallery), with whom he will work closely. In March 1960 he will make Turin the capital of ‘art autre’ by creating – with the support of the artists Franco Assetto; Franco Garelli; Ada Minola, jewellery designer; and Ezio Gribaudo, artist and art publisher (Éditions Pozzo) – the International Centre of Aesthetic Research. He will put in place a programme of exhibitions for his constellation of international artists. The exhibition catalogues, published by Pozzo, will spread the thinking of ‘art autre’ in Italy. Thus it is that Michel Tapié knows how to mobilise and create all the resources he has at his disposal (art dealers, channels of communication, art publishers, artists, collectors, and galleries) in order to realise his personal vision of art and

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Vernissage de l’exposition Tapiès, galerie Stadler, vendredi 20 janvier 1956. De gauche à droite : Martha Jackson, Michel Tapié, Antoni Tàpies (photo : Augustin Dumage, archives de la galerie Stadler, conservées aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse). Opening of the exhibition ‘Tapiès’, Friday 20 January 1956, Stadler Gallery. From left to right: Martha Jackson, Michel Tapié, Antoni Tapiès.


the structures he is creating out of it throughout the Western world. Michel Tapié makes innumerable trips to these countries which, at that very moment, are in the process of opening up to the outside world. He explains his taste for travel thus:

Photographie de la galerie Stadler. Reproduite in Jean-Pierre Moulin, « Galerie Stadler », Cimaise, no 77, août-octobre 1966. Photos of the Stadler Gallery, reproduced in Jean-Pierre Moulin, ‘Galerie Stadler’, Cimaise no. 77, August-October 1966.

leristes Enzo Cortina (Galleria Cortina), Carlo Cardazzo (Galleria Del Naviglio), Beatrice Monti (Galleria del Ariete), Luciano Pistoi (Galleria Notizie) avec qui il travaillera en étroite collaboration. En mars 1960, il fera de Turin la capitale de « l’art autre » en créant, avec le soutien des artistes Franco Assetto, Franco Garelli, Ada Minola, créatrice de bijoux et Ezio Gribaudo, artiste et éditeur d’art (éditions Pozzo), The International Center of Aesthetic Researches (ICAR). Il y établira un programme d’expositions pour sa constellation d’artistes internationaux. Les catalogues de ces expositions édités aux éditions Pozzo diffuseront, sur le territoire italien, la pensée de « l’art autre ». Ainsi, Michel Tapié sait donc mobiliser et fabriquer toutes les ressources dont il peut disposer (marchands d’art, moyens de communication, éditions d’art, artistes, collectionneurs, galeries) pour concrétiser sa vision personnelle de l’art et son système s’échafaudant à partir de celle-ci par-delà le monde occidental… Michel Tapié entreprend d’innombrables voyages dans les pays qui, au même moment, s’ouvrent au monde. Il expliquera son goût des voyages ainsi : La facilité d’information résultant des modernes solutions au problème de communication m’avait amené à prendre l’art à son échelle, qui est devenue celle de notre planète,

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The facility of access to information thanks to modern solutions to problems of communication led me to take art on its own scale, which has become that of our planet, and, as an art lover, I moved into travel, first in Europe starting in 1947, and then all over the world starting at the end of 1956, visiting artists and organising exhibitions (in particular between Europe, the US, and Japan), which has enabled me to take stock of art as adventure.25 In 1957, at the invitation of Antoni Tàpies and Antonio Saura, Tapié goes to Spain, to Madrid and Barcelona, where he exhibits his artists alongside Spanish artists, who from now on bear the stamp ‘art informel’. A year earlier, when the Japanese artist Hisao Domoto mentions Gutai to Michel Tapié, the latter is interested and quickly starts up a written correspondence with Yoshihara Jiro, the leader of the Gutai group. So they organise an exhibition entitled ‘Contemporary World Art Exhibition’, which opens in November 1956 in the Takashimaya department store in Tokyo. From a distance, Michel Tapié lends a few works from his personal collection to the exhibition, which displays original artists from the ‘art autre’ constellation. This exhibition marks the arrival of ‘art informel’ in Japan and is the beginning of Michel Tapié’s fame in the country. In the exhibition catalogue, he is described as being the ‘pioneer of the movement’, and the press talks about the ‘informel cyclone’. A month later, in December 1956, the Gutai manifesto is published in the art magazine Gueijutsu Shincho, and Michel Tapié takes a number of artists from the group into


et je me suis installé, en tant qu’amateur d’art, dans les voyages, en Europe d’abord depuis 1947, et autour du monde à partir de la fin de 1956, visitant les artistes et organisant des expositions (plus spécialement entre l’Europe, les USA et le Japon) permettant le constat de l’aventure artistique 25. En 1957, sur l’invitation de Antoni Tapiès et de ­Antonio Saura, Tapié se rend en Espagne, à Madrid et Barcelone, où il expose ses artistes au côté de nouveaux, espagnols, désormais estampillés « art informel ». Un an auparavant, lorsque Hisao Domoto, artiste japonais évoque Gutaï à Michel Tapié, ce dernier, intéressé, établit très vite des liens épistolaires avec Yoshihara Jiro, le leader du groupe Gutaï. Ils organisent, par correspondance, une exposition intitulée « Art d’aujourd’hui dans le monde », présentée au mois de novembre 1956, dans les grands magasins Takashimaya de Tokyo. Michel Tapié prête, à distance, quelques œuvres de sa collection personnelle pour la manifestation qui présente alors les artistes originels de la constellation de « l’art autre ». Cette exposition marque l’arrivée de l’art informel au Japon et anticipe la renommée de Michel Tapié dans le pays. Dans le catalogue de cette exposition, il est considéré comme le « pionnier du mouvement » ; la presse parle de « cyclone informel ». Un mois plus tard, en décembre 1956, le manifeste de Gutaï est publié dans le Gueijutsu-Shincho et Michel Tapié intègre, dans sa constellation, nombre des artistes du groupe. Par la suite, Michel Tapié se rendra d’innombrables fois au Japon et y rencontrera Atsuko Tanaka et Kazuo Shiraga et les autres. Il y organisera de nombreux et retentissants festivals mêlant artistes internationaux informels et Gutaï.

his constellation. Subsequently, he goes back to Japan innumerable times and meets Atsuko Tanaka, Kazuo Shiraga, and the other members of the group. He organises numerous momentous festivals mixing international ‘informel’ artists and Gutai. In 1970, known as he was as a promoter of ‘art autre’, he goes to Iran guided by the young artist Hossein Zenderoudi and is received by Farah Diba. For a while he is artistic adviser to the empress, while at the same time he becomes artistic adviser to the Cyrus Gallery, situated in the Maison de l’Iran (65 Champs-Élysées, Paris). The gallery shows Iranian artists that Michel Tapié associates with ‘art autre’. As of now, the ‘art autre’ system is international. It extends across the world, and these artists whom Tapié takes into his constellation as he discovers them nurture it. Adventurer-traveller, man of wit and invention, he knows very well how to play a double game with the artists or the art dealers with whom he works. Inclined as he is to dream up unrealistic projects – is he feigning or is he sincere? – he does not hesitate to share his dreams with artists, dealers, and collectors, sometimes sceptical, often won over. Sometimes he boldly promises international gallery owners to organise exhibitions

C’est aussi connu en tant que promoteur de « l’art autre » qu’en 1970, il voyage en Iran, guidé par le jeune artiste Hossein Zenderoudi et est accueilli par Farah Diba. Il est, un temps, conseiller artistique de l’impératrice en même temps qu’il devient

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Kazuo Shiraga (1924 -2008) Sans titre, vers 1961


conseiller artistique de la galerie Cyrus, située dans la Maison de l’Iran (65, Champs-Élysées, Paris). La galerie présente des artistes iraniens que Michel Tapié associe à « l’art autre ». Le système de « l’art autre » est désormais international. Il s’étend dans le monde et se nourrit des artistes que Tapié intègre à sa constellation au fur et à mesure de ses découvertes.

Conférence de Michel Tapié, mars 1958 à Osaka. De gauche à droite : Toru Haga, Michel Tapié, Yoshihara Jiro (archives Tapié, Paris). Conference by Michel Tapié, March 1958 in Osaka. From left to right: Toru Haga, Michel Tapié, Yoshihara Jiro.

Aventurier voyageur, homme d’esprit et inventif, il ne sait pas moins jouer double jeu avec ses artistes ou les marchands d’art avec qui il traite. Prédisposé à s’imaginer des projets illusoires – feint-il ou est-il sincère ? –, il n’hésite pas à partager ses rêves avec les artistes, marchands et collectionneurs, parfois dubitatifs, souvent conquis. Tantôt il promet, avec hardiesse, à des galeristes internationaux, la réalisation d’expositions d’œuvres d’artistes convoités et obtient souvent l’accord des marchands plutôt séduits par l’importance des projets improvisés. Cet accord, par effet de ricochet, permet aussi d’obtenir celui des artistes en question qui n’ont, pour certains, même pas encore entendu parler de Tapié. C’est grâce à cette esbroufe que d’importants artistes internationaux séduits par le prestige des relations parfois chimériques de Tapié, se rallient alors à la constellation de « l’art autre » permettant alors au rêve de se concrétiser. Tantôt Tapié propose de réaliser et de financer les catalogues des expositions qu’il imagine, et, finit, en dépit de sa promesse alléchante, par envoyer

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of coveted artists and often gets the agreement of dealers seduced by the importance of improvised projects. This form of agreement, by a ricochet effect, also enables him to obtain the consent of artists who, in some cases, have never even heard of Tapié. It is thanks to this swashbuckling that important international artists, seduced by Tapié’s sometimes chimeric relations, rally round the constellation of ‘art autre’, enabling the dream to become reality. Sometimes Tapié suggests creating and financing the catalogues for exhibitions that he has proposed and then ends up sending the bill to the gallery owner who, despite having been duped, is nonetheless delighted to have been given, keys in hand, an exhibition bearing the ‘Tapié’ stamp. Sometimes he even goes as far as manoeuvring to take over the work of an artist to the detriment of even influential gallery owners. At one point Tapié made an agreement with Dubuffet to thwart the activity of his New York dealer, Pierre Matisse; he also got together with Frua de Angeli and gave him to understand that if he broke with Matisse, he would undertake to take all his work, thus squeezing out the dealer with whom Tapié nonetheless tried, but in vain, to maintain good business relations. Tapié the strategist even envisaged dealing in parallel with other galleries in order to ensure, in the event of war with Pierre Matisse, the successful distribution of Dubuffet’s work. So, to attract the sympathy of coveted artists, he went as far as to accept the plan – inventive to say the least – proposed by the New York gallery owner Martha Jackson. ‘Birds of a feather flock together’ … she proposes getting Jackson Pollock to sign a contract with Tapié. In order to do this, she suggests that the latter write to Pollock (who is on the point of leaving his dealer Sidney Janis) to invite him to the opening of the Rive Droite Gallery. Pollock is dreaming of a trip to Europe without his wife and he likes beautiful cars, so it’s the perfect opportunity to lure the artist into their net! In order to persuade him to travel to Paris, Mathieu has to offer to drive the artist to Venice and Rome in his Rolls-Royce. The plan falls through.


la note au galeriste dupé, mais satisfait d’avoir, clefs en main, exposition et catalogue estampillés « Tapié ». Parfois, il va même jusqu’à manœuvrer pour reprendre la main sur l’œuvre d’un artiste au détriment de galeristes pourtant très influents. Tapié s’accorda un moment avec Dubuffet pour contrarier l’action de Pierre Matisse, son marchand new-yorkais ; il s’associa avec Frua de Angeli et fit savoir à l’artiste que s’il rompait avec Matisse, il s’engageait à prendre la totalité de ses œuvres, évinçant le marchand avec qui néanmoins Tapié a tenté, en vain, de conserver de bonnes relations d’affaires. Stratège, Tapié envisagea même de traiter, en parallèle, avec d’autres galeries américaines, pour assurer, en cas de guerre avec Pierre Matisse, la bonne distribution des œuvres de Dubuffet. Aussi, pour s’attirer la sympathie des artistes convoités, il va jusqu’à accepter le plan pour le moins inventif que lui propose la galeriste new-yorkaise ­Martha Jackson. « Qui se ressemble s’assemble »… Elle imagine faire accepter à Jackson Pollock de signer un contrat avec Tapié. Pour ce faire, elle suggère à ce dernier d’écrire à Pollock (qui est sur le point de quitter son marchand Sidney Janis) de l’inviter à l’ouverture de la galerie Rive Droite. Pollock rêve d’un voyage en Europe sans sa femme et aime les belles voitures, c’est l’occasion rêvée d’attirer l’artiste dans leurs filets ! Pour le convaincre de voyager jusqu’à Paris, Mathieu devra se proposer de mener l’artiste à Venise et Rome dans sa RollsRoyce. Le plan tournera court. En conclusion, Michel Tapié est passé, en très peu de temps, du jeune homme provincial, musicien bohème et artiste par dépit, au redoutable et obstiné tacticien, conseiller artistique opportuniste des plus grands collectionneurs et de dizaines de galeries internationales. Arborant, en société, son cigare ou sa pipe ainsi que son monocle lui conférant des airs de grand seigneur, narrant ses innombrables voyages dans le monde entier à qui veut l’entendre, Michel ­Tapié force les artistes au début de leur parcours, les collectionneurs et les marchands d’art qui commencent dans le métier, à une certaine admiration.

To conclude, Michel Tapié has moved, in a very short time, from being a young provincial, a bohemian musician, and an artist out of pique, to being a redoubtable and obstinate tactician, opportunistic artistic adviser to the biggest collectors and to dozens of international galleries. Sporting in society his cigar or his pipe as well as his monocle, giving him the air of a grand seigneur, and narrating his innumerable travels all over world to anyone willing to listen, Michel Tapié forces artists starting out in their careers and collectors and art dealers starting in the trade to concede a certain admiration. It is this aura that leads them to grant to his ‘eye’ a determining power in their career. Claude Bellegarde declared: ‘You know Tapié was a bit of a dandy, but a dandy from another century!’26 It was no doubt this same admiration that led Paul Jenkins one day in Saint-Germain-desPrés to come out with these inspired words to the sculptress Claire Falkenstein: Michel Tapié is very busy in Paris and seems more active than ever. What a beautiful presence this man possesses. I was in Saint-Germain drinking a beer at the Flore; I look across the street and see Tapié at a bus 27

Michel Tapié, dédicaçant le catalogue de l’exposition « Groupe Gutai », le soir du vernissage, le 30 novembre 1965, galerie Stadler (photo : Augustin Dumage, archives de la galerie Stadler, conservées aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse). Michel Tapié, signing the ‘Groupe Gutai’ exhibition catalogue on the evening of its opening, 30 November 1965, Stadler Gallery.


C’est cette aura qui les pousse à attribuer à son œil un pouvoir déterminant leur carrière. Claude Bellegarde de déclarer : « Vous savez Tapié avait un côté très dandy, mais d’un autre siècle 26 ! » C’est sans doute cette même admiration qui fit dire à Paul Jenkins, un jour de promenade à SaintGermain-des-Prés, ces quelques mots inspirés, adressés à la sculptrice Claire Falkenstein : Michel Tapié est très occupé à Paris et semble plus actif que jamais. Quelle belle présence cet homme possède, j’étais à Saint-Germain, buvant une bière au Flore. Je regarde de l’autre côté de la rue et je vois Tapié à l’arrêt de bus. C’était la première fois que je le voyais de loin. Tout ce que je puis dire est quelle présence que sa présence. L’autobus aurait très bien pu être un char de gladiateurs avec six chevaux blancs sur le point de décoller pour le soleil 27. Paul Jenkins ira jusqu’à écrire un livre intitulé Observations of Michel Tapié 28 témoignant de son admiration pour le critique d’art et conseiller artistique. Il sollicitera la participation de ses amis artistes de la constellation de « l’art autre » : John Hultberg, Henri Michaux, Claire Falkenstein, Georges Mathieu, César, Mark Tobey, qui feront le portrait de Michel Tapié. Enfin, au-delà de cet ouvrage, nombre d’artistes peindront ou photographieront les traits de leur mentor : Appel, Battaglia, Dubuffet, Facchetti, Falkenstein, Calder, Brown, Garelli, Gribaudo, Tapiès, Minola, Motonaga, Newman, Lemaître. Un des nombreux portraits de Tapié que réalisa Dubuffet conservé au Centre Georges-Pompidou, Michel Tapié soleil, rappelle combien le critique d’art, conseiller artistique et collectionneur a su faire de son « coup de maître » un système durable qui a rayonné un long moment sur un monde transformé alors en une scène artistique internationale ouvrant la voie à d’autres animateurs de l’art que l’on connaît aujourd’hui. Juliette Evezard Docteur en histoire de l’art

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stop. It was the first time I’d seen him from a distance. All I can say is what a presence his presence is. The bus could easily have been a chariot of gladiators with six white horses on the point of taking off for the sun.27 Paul Jenkins will go so far as to write a book entitled Observations of Michel Tapié,28 bearing witness to his admiration for the art critic and artistic adviser. He will solicit the participation of his artist friends in the ‘art autre’ constellation: John Hultberg, Henri Michaux, Claire F ­ alkenstein, Georges Mathieu, César, and Mark Tobey, who will paint Tapié’s portrait. Finally, over and above this work, a number of artists will paint or photograph the features of their mentor: ­Appel, Battaglia, Dubuffet, Facchetti, Falkenstein, Calder, Brown, Garelli, Gribaudo, Tàpies, Minola, Motonaga, Newman, and Lemaître. One of the many portraits that Dubuffet painted of Tapié, Michel Tapié soleil, which is now in the Centre Pompidou, is a reminder of the extent to which this art critic, artistic adviser, and collector managed to turn his ‘master stroke’ into a durable system that spread its influence for a long moment on a world transformed by it into an international artistic scene, opening the way for other promoters of the art we know today. Juliette Evezard PhD in the History of Art


notes

notes 1. Lettre de Michel Tapié à Simone Tapié, Paris, 1938 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris).

15. Lettre inédite de Alexandre Iolas à Michel Tapié, 5 octobre 1950 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris).

1. Letter from Michel Tapié to Simone Tapié, Paris, 1938 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris).

15. Unpublished letter from Alexandre Iolas to Michel Tapié, 5 October 1950 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris).

2. Les Toulouse-Lautrec ; vicomtes de Lautrec et de Montfa, le nom ; c’est-à-dire l’association des deux maisons, les Toulouse et les Lautrec, existe depuis 1196.

16. Elle sera présentée du 8 mars 1951 au 31 mars 1951.

2. The Toulouse-Lautrecs; Vicomtes de Lautrec et de Montfa, his surname; that is to say, the association of two noble houses, Toulouse and Lautrec, which has existed since 1196.

16. It will be on show from 8 March 1951 until 31 March 1951.

3. He plays five instruments: piano, vibraphone, clarinet, saxophone, and double bass.

18. Unpublished letter from Michel Tapié to Jackson Pollock, 17 July 1951 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris).

3. Il joue de cinq instruments : piano, vibraphone, clarinette, saxophone et contrebasse. 4. Lettre de Jean Dubuffet à Jean Paulhan, dimanche 9 juin 1946, reproduite dans Dubuffet-Paulhan, correspondance 1944-1968, Les Cahiers de la NRF, Gallimard, édition établie et annotée par Julien Dieudonné et Marianne Jakobi, Paris, 2003, p. 302-303. 5. Lettre de Jean Dubuffet à Jean Paulhan, samedi soir 27 octobre 1945, reproduite dans Dubuffet-Paulhan, correspondance 1944-1968, op. cit. p. 244. 6. Cet hebdomadaire, l’organe de l’Union nationale des combattants des maquis de France, dura du 19 février 1946 (date du premier numéro) au 7 janvier 1947 (date du 47e numéro). 7. Lettre de Jean Dubuffet à Michel Tapié, 15 mars 1948 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris). 8. Georges Mathieu, Au delà du Tachisme, Paris, Julliard, 1963, p. 56-57. 9. Brauner, Ubac, Atlan et Wols, Hartung, Stahly, Picabia, Fautrier, Bryen que Michel Tapié inclura en 1952 dans Un art autre (Paris, Gabriel-Giraud et fils, 1952). 10. Du 16 décembre au 5 janvier 1947, 15 rue Gay-Lussac, Paris, 5e. 11. Arp, Atlan, Brauner, Hartung, Leduc, Mathieu, Picasso, Riopelle, Solier, Ubac, Verroust, Vulliamy et Wols. 12. Galerie Colette Allendy, 67 rue de l’Assomption, Paris, 16e. 13. Hartung, Wols, Picabia, Stahly, Mathieu, Tapié, Bryen. 14. La galerie des Deux-Îles est située au 1 quai aux Fleurs, dans le 4e arrondissement de Paris. Cette exposition s’ouvre le lundi 19 juillet 1948. Michel Tapié y expose au côté des dessins, gravures et lithographies de Arp, Bryen, Fautrier, Germain, Hartung, Mathieu, Picabia, Ubac et Wols.

17. Lettre inédite de Michel Tapié à Maria Martins, 26 juillet 1951 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris). 18. Lettre inédite de Michel Tapié à Jackson Pollock, 17 juillet 1951 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris). 19. Lettre inédite de Michel Tapié à Jean Dubuffet, 11 janvier 1951 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris). 20. Cette exposition s’ouvre au Studio Facchetti le 7 mars 1952. 21. Elle s’ouvre le 17 décembre 1952. Elle est la quatrième exposition de groupe de la galerie après « Signifiants de l’informel I », « Signifiants de l’informel II » et « Peintures non abstraites ». Michel Tapié présente les œuvres de Appel, Arnal, Bryen, Dubuffet, Étienne-Martin, Falkenstein, Francis, Francken, Gillet, Galsco, Guiette, Kopac, Mathieu, Ossorio, Pollock, Riopelle, Ronnet, Serpan et Wols. 22. Lettre inédite de Michel Tapié à Jean Larcade, 13 août 1954 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris). 23. Lettre inédite de Michel Tapié à Luigi Moretti, 8 juin 1954 (archives Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris). 24. Yves Michaux « Sam Francis, Paris, années cinquante », Art Press no 137, juillet-août 1988, p. 21. 25. Michel Tapié, Esthétique, International Center of Aesthetic Research, Turin, 1969. 26. Entretien de l’auteure avec Claude Bellegarde, Neuilly, 13 octobre 2010. 27. Lettre inédite de Paul Jenkins à Claire Falkenstein, s. d, (Box 7, file 61, Falkenstein Papers, 1914-1997, Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington). 28. Paul Jenkins, Observations of Michel Tapié, Wittenborn, New York, 1956.

4. Letter from Jean Dubuffet to Jean Paulhan, 9 June 1946, reproduced in Julien Dieudonné and Marianne Jakobi (Eds), Dubuffet–Paulhan, correspondance 1944–1968, Les Cahiers de la NRF, Paris, Gallimard, 2003, pp. 302–303. 5. Letter from Jean Dubuffet to Jean Paulhan, 27 October 1945, reproduced in Dieudonné and Jakobi, Dubuffet–Paulhan, correspondance 1944–1968, p. 244. 6. This weekly, the organ of the Union Nationale des Combattants des Maquis de France, was published between 19 February 1946 (date of the first issue) and 7 January 1947 (date of the forty-seventh issue). 7. Letter from Jean Dubuffet to Michel Tapié, 15 March 1948 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris). 8. Georges Mathieu, Au delà du Tachisme, Paris, Julliard, 1963, pp. 56–57. 9. Respectively for each exhibition: Brauner, Ubac, and Atlan; Wols, Hartung, Stahly, Picabia, and Fautrier; and Bryen, whom Michel Tapié will include in Un art autre (1952). 10. From 16 December to 5 January 1947, 15 Rue Gay-Lussac, Paris, 5th. 11. Arp, Atlan, Brauner, Hartung, Leduc, Mathieu, Picasso, Riopelle, Solier, Ubac, Verroust, Vulliamy, and Wols. 12. Colette Allendy Gallery, 67 Rue de l’Assomption, Paris, 16th. 13. Hartung, Wols, Picabia, Stahly, Mathieu, Tapié, and Bryen. 14. The Galerie des Deux-Îles is situated at 1 Quai aux Fleurs, in the 4th arrondissement of Paris. The exhibition opens on Monday 19 July 1948. Michel Tapié exhibits alongside the drawings, prints, and lithographs of Arp, Bryen, Fautrier, Germain, Hartung, Mathieu, Picabia, Ubac, and Wols.

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17. Unpublished letter from Michel Tapié to Maria Martins, 26 July 1951 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris).

19. Unpublished letter from Michel Tapié to Jean Dubuffet, 11 January 1951 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris). 20. This exhibition opens at the Studio Facchetti on 7 March 1952. 21. It opens on 17 December 1952. It is the gallery’s fourth group exhibition after ‘Signifiants de l’informel I’, ‘Signifiants de l’informel II’, and ‘Peintures non abstraites’. Michel Tapié shows the works of Appel, Arnal, Bryen, Dubuffet, Étienne-Martin, Falkenstein, Francis, Francken, Gillet, Galsco, Guiette, Kopac, Mathieu, Ossorio, Pollock, Riopelle, Ronnet, Serpan, and Wols. 22. Unpublished letter from Michel Tapié to Jean Larcade, 13 August 1954 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris). 23. Unpublished letter from Michel Tapié to Luigi Moretti, 8 June 1954 (Tapié archives, Kandinsky Library, Paris). 24. Yves Michaux, ‘Sam Francis, Paris, années cinquante’, Art Press no. 137, July–August 1988, p. 21. 25. Michel Tapié, Esthétique, Turin, International Center of Aesthetic Research, 1969. 26. Author interview with Claude Bellegarde, Neuilly, 13 October 2010. 27. Unpublished letter from Paul Jenkins to Claire Falkenstein, n.d. (Box 7, File 61, Falkenstein Papers, 1914–1997, Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington). 28. Paul Jenkins, Observations of Michel Tapié, Wittenborn, New York, 1956.


L’œil de Tapié de Céleyran, ou l’invitation au voyage The Eye of Tapié de Céleyran: L’invitation au voyage

Baptiste Brun

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« Depuis Nietzsche et Dada l’art se présente comme la plus inhumaine des aventures, de bout en bout : seule l’œuvre digne de ce nom justifie les actuels pionniers, et ce qu’elle apporte n’a pas grand-chose à voir avec le plaisir, mais bien plutôt avec la plus vertigineuse épreuve qu’il soit donnée à l’homme d’affronter, qui est de se pencher sur soi-même sans le moindre garde-fou. À ce prix-là, pas mal de notions apparemment immuables sont remises en question, quand elles ne sont pas balayées une fois pour toutes. »

‘Ever since Nietzsche and Dada, art has been seen as being absolutely the most inhuman of adventures: only a work worthy of this name gives justification to the present-day pioneers, and what it offers has little to do with pleasure but much rather with the most vertiginous challenge man has had to face, which is to look deep into himself without the slightest safeguard. At that price, a good many apparently unshakeable notions are called into question, if not swept away once and for all.’

Michel Tapié, Un art autre. Où il s’agit de nouveaux dévidages du réel, Gabriel-Giraud et fils, Paris, 1952

ertes, le nom Céleyran renvoie à un domaine du sud de la France, près de Narbonne, situé au bord de l’Aude et à quelques kilomètres de la mer. C’est là que l’artiste, musicien, critique d’art et courtier Michel Tapié de Céleyran passa son enfance. Si l’on fait abstraction de cette origine toponymique et des ramifications familiales qu’à l’évidence elle convoque – le château éponyme était, l’été, le lieu de séjour du jeune Henri de Toulouse-Lautrec, futur peintre à la réputation sulfureuse et arrière-grand cousin de Tapié –, Céleyran sonne indubitablement comme une invitation au voyage. La magie de l’assonance transporte l’auditeur ou le lecteur des rives de la Méditerranée au rivage de l’île de Ceylan. D’ailleurs, magie et voyage sont deux maîtres mots que Michel Tapié n’a eu de cesse de convoquer et de répéter, à la manière d’une invocation, au fil des textes consacrés aux artistes qu’il aimait. S’amuser à lister les noms de ceux-ci – Jean Fautrier, Jean Dubuffet, Wols, Henri Michaux, Georges Mathieu, Karel Appel, Camille Bryen, Giuseppe

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he name Céleyran refers to a property in the South of France, not far from Narbonne, on the banks of the river Aude and just a few kilometres from the sea. It was here that the artist, musician, art critic, and broker Michel Tapié de ­Céleyran spent his childhood. If we leave aside its toponymic origin and the family ramifications it obviously evokes – the château of the same name was the summer residence of the young Henri de Toulouse-Lautrec, painter-to-be of sulphurous reputation and Tapié’s great-grand cousin – Céleyran undoubtedly sounds like an ‘invitation au voyage’. The magical effect of assonance transports the listener or the reader from the shores of the Mediterranean to the coast of Ceylon. Moreover, magic and voyage are two keywords that Tapié constantly conjured up and repeated like an incantation in texts devoted to the artists he loved. To amuse oneself by listing these – Jean Fautrier, Jean Dubuffet, Wols, Henri Michaux, Georges Mathieu, Karel A ­ ppel, Camille Bryen, Giuseppe Capogrossi, Sam

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Capogrossi, Sam Francis, Hans Hartung, JeanPaul Riopelle, Pierre Soulages, mais aussi Victor Brauner, Jackson Pollock ou encore Francis Picabia – c’est aussitôt dresser un état de la peinture dans l’immédiat après-guerre, scander un panthéon qui, s’il n’est exhaustif, donne à voir ceux des artistes qui, à l’heure de la reconstruction, ont donné ce qu’il existait de plus saisissant en matière d’art. Tapié ne s’y est pas trompé, inlassable promoteur de l’informel puis de Gutaï, d’un art qu’il désirait ardemment autre.

En parfait imprésario ou réalisateur, il montait les œuvres ensemble, confiant dans l’exercice de son œil et de quelque chose qu’on nomme l’instinct, en se méfiant du trop de contrôle.

Francis, Hans Hartung, Jean-Paul Riopelle, and Pierre Soulages, but also Victor Brauner, Jackson Pollock, and Francis Picabia – is immediately to draw up the inventory of painting in the years immediately after the war, to chant an entire pantheon which, although not comprehensive, nevertheless brings into view those artists who, in the era of reconstruction, gave us what was most striking in the realm of art. Tapié was not mistaken – tireless promoter of the ‘informel’ as he was, and later of Gutai, an art he ardently desired to be ‘autre’.

Son écriture dense, empreinte de rudesse et, parfois, d’une certaine afféterie, a souvent joué contre lui, dans l’appréhension que l’on pouvait avoir de son travail. Le flottement conceptuel du lexique dont il usait, ses références quasi maniaques à saint Jean de la Croix, Nietzsche ou Raymond Roussel énervèrent ainsi Dubuffet ou Michaux qui aimaient la précision et défendaient farouchement leur singularité. Mais la relecture récente de sa trajectoire, méconnue il y a encore peu, sinon de quelques aficionados, ne trompe pas. Tapié avait l’œil, l’un des meilleurs dans le monde de l’art transatlantique des années cinquante 1. Formé dans l’orbe du surréalisme, à la croisée du jazz, qu’il pratiquait avec passion, et d’un amour pour la poésie et la peinture, cultivé à la veille de la guerre au sein du groupe Les Réverbères, Tapié fut d’ailleurs l’un des plus zélés promoteurs des œuvres de Dubuffet et Michaux alors que leurs travaux de peinture étaient connus d’un cénacle encore restreint. En mai 1946, il œuvra à la deuxième exposition personnelle du premier chez René Drouin, en contribuant au catalogue de « Mirobolus, Macadam et Cie ». Deux ans plus tard, dans la même galerie, Tapié mit littéralement en œuvre trois poèmes d’exorcisme du second, réunis sous le titre évocateur et incantatoire Poésie pour pouvoir, en les gravant dans du linoléum en forme d’enluminures. En parallèle, Drouin présentait la première importante exposition des dessins et peintures du poète.

His dense writing, shot through with harshness and sometimes a degree of affectation, was often held against him in terms of the impression people had of his work. The conceptual vagueness of his lexicon and his near-manic references to St John of the Cross, Nietzsche, and Raymond Roussel annoyed Dubuffet and Michaux, who liked precision and fiercely defended their singularity. But a re-reading of his career, which was until recently little known except by a few aficionados, leaves no room for doubt. Tapié had an eye, one of the best in the world of transatlantic art in the fifties.1 Trained in the sphere of surrealism, at the crossroads of jazz (which he played with passion) and poetry and painting (which he cultivated on the eve of war at the heart of the group Les Réverbères), Tapié was moreover one of the most zealous promoters of Dubuffet and Michaux at a time when their work was known only to a select circle. In May 1946 he was involved in the second solo exhibition of the former at the René Drouin Gallery, contributing to the catalogue of ‘Mirobolus, Macadam et Cie’. Two years later, in the same gallery, he literally materialised three of the latter’s exorcism poems collected under the evocative and incantatory title Poésie pour pouvoir, by engraving them in linoleum in the form of illuminations. In parallel to this, Drouin put on the first important exhibition of the poet’s drawings and paintings.

Ce fut auprès de ce galeriste que Tapié allait faire ses armes. Organisée par Drouin et Malraux,

It was with this gallery owner that Tapié was to start out on his career. He was stunned by Jean

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l’exposition des « Otages » de Jean Fautrier l’avait sidéré à l’automne 1945. C’est Dubuffet, rencontré quelques mois plus tôt, qui l’y avait emmené. Le peintre de Mirobolus blanc faisait alors figure de mentor pour le jeune contrebassiste. Il lui permit d’écrire, mais surtout de se faire connaître comme critique d’art, puis lui remit les clés du Foyer de l’Art brut à l’hiver 1947-48, dans les sous-sols de la galerie de la place Vendôme. Dès lors, Tapié put développer son talent de regardeur à profit, acquérant la confiance de René Drouin, le conseillant et le confirmant dans ses choix. Le rôle lui siéra à merveille ensuite auprès de Paul Facchetti, à partir de 1951, puis auprès de Rodolphe Stadler, au milieu des années cinquante. Ce travail de conseiller artistique se doubla d’une pratique de mise en exposition originale. Préfigurant la figure du curateur, Michel Tapié organisa des expositions qui firent date. On pense bien sûr à « Véhémences confrontées » présentée chez Nina Dausset en mars 1952 pour laquelle Tapié préfigura, in fine, la figure plus contemporaine du commissaire d’exposition 2. Comme l’indique le carton d’invitation et le livret qui accompagnait l’événement, « la confrontation des tendances extrêmes de la peinture non figurative des États-Unis, d’Italie et de Paris [est] présentée par Michel Tapié ». En par-

Fautrier’s exhibition ‘Otages’, organised by Drouin and Malraux in the autumn of 1945. It was Dubuffet, whom he had met a few months earlier, who took him to it. The painter of Mirobolus blanc became a sort of mentor to the young bassist. He helped him to write, but especially to become known as an art critic, then gave him the keys to the Foyer de l’Art Brut in the winter of 1947–48, in the basement of the gallery on the Place Vendôme. From then on, Tapié was able to put his talent to good use, earning the confidence of René Drouin, advising him and confirming his choices. The role suited him down to the ground – later with Paul Facchetti from 1951 on and then with Rodolphe Stadler in the mid-fifties. His position as artistic adviser went hand in hand with an original way of mounting exhibitions. Pre­figuring the persona of the curator, Michel Tapié organised outstanding exhibitions. One thinks in particular of ‘Véhémences confrontées’ shown at the Nina Dausset Gallery in March 1952, for which Tapié represented the ultimate and most contemporary exhibition curator.2 The invitation card and booklet accompanying the event described it as ‘the confrontation of the extreme tendencies of the non-figurative painting of the United States, Italy, and Paris, presented by ­Michel Tapié’. As a perfect impresario or director, he exhibited the paintings all together, confident in the exercise of his eye and of that ‘something’ that we call instinct, shying away from imposing too much control. In this respect, the Francis Picabia retrospective that he put on with René Drouin in 1949 reminds us just how fine-tuned Tapié’s knowledge of Dadaism was, and reminds us too of his contribution towards a better knowledge of the movement at the moment of its historicisation. In his writing, the innumerable references made to the work of Tristan Tzara or Marcel Duchamp bear witness to this openly declared lineage. For him, ‘Dada was the big break’.3 The movement confirmed the demise of the old order of art and set out into what was to go beyond it. Such reiterated acts of homage on Tapié’s part sought to reflect a desire

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Jean Dubuffet (1901 -1985) Mirobolus blanc, 1945-1946

As a perfect impresario or director, he exhibited the paintings all together, confident in the exercise of his eye and of that ‘something’ that we call instinct, shying away from imposing too much control.


Tout ce travail d’arpenteur de la sensibilité nouvelle d’après-guerre, dont Michel Tapié fut l’un des artisans majeurs, se doublait d’une recherche de talents qui fussent à même d’ouvrir cet espace, ou plutôt ces espaces. Une fois reconnus, Tapié les confrontait.

fait imprésario ou réalisateur, il montait les œuvres ensemble, confiant dans l’exercice de son œil et de quelque chose qu’on nomme l’instinct, en se méfiant du trop de contrôle. À ce titre, la rétrospective de l’œuvre de Francis Picabia qu’il présenta avec René Drouin en 1949 rappelle la connaissance fine qu’avait du dadaïsme Tapié, en plus de sa contribution à une meilleure connaissance du mouvement à l’heure de son historicisation. Dans ses textes, les mentions innombrables faites à l’œuvre de Tristan Tzara ou Marcel Duchamp attestent cette filiation clairement revendiquée. Pour lui, « Dada a été la grande coupure 3. » Le mouvement entérinait la fin de l’ordre ancien de l’art, et engageait au dépassement. Ces hommages réitérés de Tapié se voulaient ainsi le reflet d’un désir, celui de l’avènement de quelque chose de nouveau, qui puisse rayonner au-delà de Dada, en suite des affres de la guerre. C’est d’ailleurs l’œuvre d’un autre héritier revendiqué du dadaïsme, Dubuffet le Terrible comme il se plaisait à le nommer, qui lui fera écrire qu’à travers elle, « il [lui] a été donné de voir cet autre chose 4 » qu’il chercha ensuite à définir. C’est en ce sens qu’il aborda les artistes et œuvres de ce que, le premier, il qualifia d’informel. Ce terme d’informel, trop ouvert de l’aveu même de son auteur, était motivé par l’éclosion de productions artistiques qui ne ressemblaient en rien à celles qui les avaient précédées. Qu’a donc vu là Michel Tapié ? Le matiérisme excessif, presque obséquieux, de Fautrier et Dubuffet mettait en péril la notion classique de forme, déjà malmenée par l’opération cubiste et l’action dadaïste. Partir de l’informe devenait un credo doublé d’une méthode redoutable où le corps se donnait indirectement à voir. Sous couvert de commémoration de l’indicible de la guerre (Fautrier) ou de provocation légitime face à un ordre culturel à récuser à tout prix (Dubuffet), ces peintres minaient les bases même de la peinture en refusant la grille et en affirmant la matière picturale et le geste qui l’agit. De nouveaux espaces s’ouvraient. Ceuxci convoquaient l’haptique, là où se conjuguent tactilité et mouvement. Et que partagent les ma-

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for the advent of something new that might shine forth beyond Dada, as a follow-up to the horrors of war. Moreover, the opus of another heir of Dadaism, ‘Dubuffet the Terrible’ as he liked to call him, caused him to write of Dubuffet’s work: ‘It was given to him to see that otherness’, something he would subsequently seek to define. It was with this in mind that he was led to approach the artists and the art that he was the first to call ‘informel’. The term ‘informel’, which is too broad a term, as Tapié admitted, was inspired by the emergence of artistic productions that bore no resemblance to anything that had come before. What did ­Michel Tapié see in this? The excessive, almost obsequious insistence on matter on the part of Fautrier and Dubuffet endangered the classical notion of form, which had already taken a knocking at the hands of the cubist movement as well as from the attack launched by the Dadaists. To start from the formless became a credo as well as a formidable method by which the body displayed itself to view indirectly. Under cover of the commemoration of what was unspeakable about the war (Fautrier), or of legitimate provocation in the face of a cultural order to be rejected at all costs (Dubuffet), these painters undermined the very foundations of painting by refusing the grid and by asserting the importance of pictorial matter and the gesture that moves it. New spaces opened up. These invoke haptics, where touch and movement come together. And what do the painting habits of Wols, Mathieu, Hartung, ­Soulages, and Riopelle share, if not the possibility for those seeing them, looking at them, scrutinising them, to feel within themselves the gestures and rhythms that these artists imprint on the surface of the canvas? Dubuffet wrote in 1945 that the condition for a work to be successful, inventive, and powerful lay in this: that the viewer, whom he called the user of the painting, should be in a position of re-acting.5 We do not doubt that Tapié very often re-acted the paintings of those whom he loved to defend and to exhibit. And if there is


nières de Wols, ­Mathieu, Hartung, Soulages ou Riopelle, sinon cette possibilité pour celui qui les voit, les regarde, les scrute, de ressentir en soi les gestes et rythmes qu’imprimèrent ces artistes sur la surface de la toile ? Dubuffet écrivait en 1945 que la condition de l’œuvre réussie, inventive et puissante résidait en ceci : que le spectateur, qu’il nommait l’usager du tableau, pût être en mesure de le re-agir 5. On ne doute pas que Tapié ait bien souvent re-agi les tableaux de ceux qu’il aimait défendre et montrer. Et s’il est quelque chose d’informel, tel qu’il l’écrit, ce n’est pas tant dans l’absence de forme (la toile est saturée d’une forme renouvelée en profondeur) qu’elle réside, mais dans l’impossibilité de bien dire ces œuvres, c’est-à-dire de les décrire avec les moyens habituels de la critique 6. L’étonnement que suscitaient et suscitent encore ces peintres tient à une forme de suspension du jugement que leurs œuvres provoquent. Le silence le dispute à la sidération face à cette superposition de gestes et de temporalités qui, chez Fautrier, Wols, Soulages ou Hartung, brouille ce qu’on considérait alors comme l’un des devoirs de l’artiste : privilégier la lisibilité via une facture lisse. Non pas que ces œuvres soient illisibles au sens de la confusion, bien au contraire, mais parce qu’en elles s’ouvrait violemment quelque chose, une déchirure donnant à voir cet espace autre que Tapié sut reconnaître. Tout ce travail d’arpenteur de la sensibilité nouvelle d’après-guerre, dont Michel Tapié fut l’un des artisans majeurs, se doublait d’une recherche de talents qui fussent à même d’ouvrir cet espace, ou plutôt ces espaces. Une fois reconnus, Tapié les confrontait. Là aussi, le lexique dont il usait est un indice de son goût, celui de la véhémence notamment. L’exposition « Véhémences confrontées » acte cette vivacité extrême, cette énergie passionnée que transmettaient les œuvres mises en regard. Elle témoigne aussi d’une volonté d’internationalisation méfiante des rivalités nationalistes, et paradoxalement fascinée par les États-Unis. Tapié connaissait la scène américaine par l’intermédiaire de Georges Mathieu et Alfonso Ossorio que Dubuffet lui avait

something ‘informel’ about it, as he writes, it is not so much in the absence of form (the canvas is saturated in a form deeply renewed) that it lies, but in the impossibility of ‘telling’ these paintings properly; that is to say, describing them according to the methods customarily used by the critics.6 The astonishment that these painters provoked and continue to provoke has its roots in a form of suspension of judgement that their works arouse. Faced with this superposition of gestures and temporalities, silence jostles with astonishment which, in Fautrier, Wols, Soulages, or Hartung, blurs what was considered to be one of the duties of an artist: to prioritise legibility by means of smooth craftsmanship. Not that these works are illegible in the sense of confusion, on the contrary, but because in them something opened violently, creating a gash that rendered visible that ‘espace autre’ that Tapié knew how to recognise. This task of surveyor of the new post-war sensibility, of which Tapié was one of the foremost practitioners, went with a search for talents that were capable of opening up this space, or rather these spaces. Once he had recognised them, Tapié confronted them. There too, the lexicon he employed is an indicator of his taste, particularly that of vehemence. The exhibition ‘Véhémen­ces confrontées’ records this extreme vitality, this passionate energy that the exhibited works transmitted. It is also the expression of a will towards internationalisation distrustful of nationalist rivalries, and paradoxically fascinated by the United States. Tapié knew the American scene through Georges Mathieu and Alfonso Ossorio, whom Dubuffet had introduced to him. Opened in quick succession in March 1952, ‘Véhémences confrontées’ and the Jackson Pollock exhibition which Tapié put on at the Facchetti Gallery evidenced an audacious spirit of openness towards the innovations of American abstract expressionism. Few Parisians and even fewer French people shared it at the time. In particular, these exhibitions sought

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This task of surveyor of the new post-war sensibility, of which Tapié was one of the foremost practitioners, went with a search for talents that were capable of opening up this space, or rather these spaces. Once he had recognised them, Tapié confronted them.


Confrontation rime avec goût du danger, aventure avec prise de risque. Tapié en était conscient, conscient aussi de l’exercice de son propre œil et de sa valeur esthétique et historique, indubitable plus de soixante ans après.

présenté. Montées coup sur coup en mars 1952, « Véhémences confrontées » et l’exposition des œuvres de Jackson Pollock que Tapié présenta chez Paul Facchetti actaient une audacieuse ouverture aux innovations de l’expressionnisme abstrait américain. Peu de Parisiens, encore moins de Français la partageaient alors. Surtout, ces expositions tentaient de circonscrire une communauté de l’informel qui couvrît les deux rives de l’Atlantique. Les articles rédigés plus tard pour Georges Mathieu à destination de la luxueuse revue transatlantique The United States Lines Paris Review, affirment sa connaissance de ce qui se déroulait à New York. Sans doute, se manifeste là son goût de l’aventure évoqué plus haut qui le conduira, à l’évidence, au Japon. C’est après avoir lu les bulletins de Gutaï, communiqués par les peintres japonais vivant à Paris, ­Domoto et Imaï qu’il s’y rend pour la première fois, en 1957, en compagnie de Georges Mathieu. L’aventure est ici découverte, mise en échos, confrontation, toujours, mais aussi confirmation. Car la rencontre avec les artistes de Gutaï, les liens se renforçant au fil des voyages qui suivront, semble valider une intuition profonde de Tapié : l’art est fruit de son époque et des affinités artistiques des plus étroites peuvent se tisser entre, par exemple, le travail de Pierre Soulages et celui de Kazuo Shiraga, d’un point à l’autre du monde humain. Bien que puisant à des sources culturelles différentes, cette proximité formelle des œuvres remplissait une exigence affirmée dans Un art autre : « J’ai recherché, plus proprement dans le domaine dit artistique, la compagnie d’œuvres uniquement choisies pour leur haut degré de magicité, tout autre qualité artistique ne s’excusant qu’en fonction de sa contribution à ce rendement magique optimum 7. » Obscure « magicité », difficile à appréhender, on en convient, mais expression qui affirme, à nouveau, l’effet étrange que produisaient ces œuvres sur ceux qui assistèrent à leur émergence. Opération magique en somme où ce qui est offert au regard ne représente pas, mais fait éprouver quelque chose au corps et à l’âme de manière concrète (Gutaï

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to define a community of the ‘informel’ covering both shores of the Atlantic. The articles written later for Georges Mathieu and destined for the transatlantic luxury review United States Lines: Paris Review confirm his knowledge of what was happening in New York. This is no doubt a manifestation of the taste for adventure mentioned above that would, it would seem, lead him to Japan. It was after reading the Gutai newsletters passed on to him by Japanese painters Domoto and Imai, who were living in Paris, that he went to Japan for the first time in 1957 accompanied by Georges Mathieu. The adventure here was about discovery, a play of echoes, and confrontation, certainly, but also confirmation. Because his contact with the Gutai artists, with whom the bonds strengthened with each trip that followed, seemed to ­endorse one of Tapié’s profound intuitions: art is the product of its era, and the closest of artistic affinities can be woven between, for example, the work of Pierre Soulages and that of Kazuo Shiraga, from one point to another of the human world. Despite the fact that they draw upon different cultural sources, this formal closeness between their works met a requirement stated in Un art autre: ‘More specifically in the so-called artistic domain, I sought out the company of works chosen only for their high degree of magicity; any other artistic quality can be excused only in terms of what it contributes to this optimum magical return.’7 The obscure term ‘magicity’ is admittedly difficult to grasp, but it is an expression that confirms, once again, the strange effect that these works had on those who witnessed their emergence. In short, it concerns a magic operation by which what is offered to the eye does not merely represent but rather causes the body and the soul to experience something in a concrete manner (is not Gutai translated, precisely, by the notion of ‘concrete’?) beyond the barrier of language – a magic that continues to operate today.


ne se traduit-il pas, justement, par la notion de « concret » ?), au-delà de la barrière de la langue et qui, aujourd’hui, continue d’opérer. Confrontation rime avec goût du danger, aventure avec prise de risque. Tapié en était conscient, conscient aussi de l’exercice de son propre œil et de sa valeur esthétique et historique, indubitable plus de soixante ans après. En 1961, de retour du pays du Soleil levant et en préface d’un ouvrage consacré à l’avant-garde japonaise, conçu avec son homologue nippon Tôre Haga, Tapié écrivait de manière assurée et, a posteriori, juste : « une certaine critique d’art japonaise, généralement rattachée d’ailleurs aux organisations internationales de critiques d’art (sic), se formalisera de voisinages de grands noms traditionnels qu’ils refusent de garder sous l’angle authentique de la qualité artistique avec ceux d’une avant-garde qui jusqu’à ces derniers mois n’était pas reconnue parce qu’elle ne jouait pas le jeu de leur avant-garde : à ceuxlà je donne rendez-vous dans quelques années, comme je l’avais fait avec leurs homologues occidentaux il y a quelque dix ans 8. » Baptiste Brun Docteur en histoire de l’art Enseignant-chercheur en histoire de l’art contemporain à l’Université Rennes 2

2. Astrid Handa-Gagnard, « Art autre, informel et internationalisation », in Un art autre ? Artistes autour de Michel Tapié, une exposition, Christie’s Paris, 31 janv.-29 fév. 2012, Paris, Christie’s, 2012, p. 34 sq. 3. Michel Tapié, Un art autre. Où il s'agit de nouveaux dévidages du réel, Paris, Gabriel-Giraud et fils, 1952, n.p.

Baptiste Brun PhD in the History of Art Lecturer and researcher in Contemporary Art History at Université Rennes 2

notes

notes 1. Voir en particulier Juliette Evezard, « “Un art autre” : le rêve de Michel Tapié de Céleyran, il profeta de l’art informel (1937-1987) : une nouvelle forme du système marchand – critique », thèse soutenue le 16 janv. 2015 sous la dir. de Th. Dufrêne, Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, à paraître.

Confrontation rhymes with the taste for danger, adventure with risk-taking. Tapié was aware of this, aware also of the exercise of his own eye and its aesthetic and historical value, indubitable as it is sixty years later. In 1961, returning from the Land of the Rising Sun and as a preface to a publication devoted to the Japanese avantgarde (a joint project with his Japanese counterpart Tôre Haga), Tapié wrote in an assured and, with hindsight, fair manner: ‘A certain type of Japanese art criticism, moreover generally connected to international organisations of art critics, will take exception to big traditional names that they refuse to consider from the authentic standpoint of artistic quality rubbing shoulders with those of an avant-garde which, up to the last few months, was not recognised because it refused to play the game of their avant-garde: to these critics, I issue an invitation to come back in a few years, as I did to their Western counterparts ten years ago.’8

4. Michel Tapié, Un art autre…, op. cit. Voir aussi ibid. « Dubuffet, the Terrible », New Post, nov. 1950 ; repris dans Paintings by Jean Dubuffet, Pierre Matisse Gallery, 9 janvier-3 février 1951, New York, Pierre Matisse, 1951. 5. Jean Dubuffet, « Notes pour les fins-lettrés », Prospectus aux amateurs de tout genre, Paris, Gallimard, 1946, p. 75.

1. See in particular Juliette Evezard, ‘Un art autre: Le rêve de Michel Tapié de Céleyran, il profeta de l’art informel (1937–1987): Une nouvelle forme du système marchand – critique’, thesis defended 16 January 2015, supervisor Th. Dufrêne, Université Paris-Ouest-NanterreLa Défense, forthcoming.

7. Michel Tapié, Un art autre…, op. cit.

2. Astrid Handa-Gagnard, ‘Art autre, informel et internationalisation’, in Un art autre? Artistes autour de Michel Tapié, une exposition, Christie’s Paris, 31 January – 29 February 2012, Paris, Christie’s, 2012, p. 34 et seq.

8. Michel Tapié, Tôre Haga, Continuité et avant-garde au Japon, Turin, Edizioni d’Arte Fratelli Pozzo, 1961.

3. Michel Tapié, Un art autre. Où il s’agit de nouveaux dévidages du réel, Paris, Gabriel-Giraud et fils, 1952.

6. Il est ici incontournable de renvoyer à Hubert Damisch, « L’informel » [1970], Fenêtre jaune cadmium, Paris, Seuil, 1984, p. 131.

4. Michel Tapié, Un art autre. See also ‘Dubuffet, the Terrible’, New Post, November 1950; republished in Paintings by Jean Dubuffet, Pierre Matisse Gallery, 9 January – 3 February 1951, New York, Pierre Matisse, 1951. 5. Jean Dubuffet, ‘Notes pour les fins-lettrés’, Prospectus aux amateurs de tout genre, Paris, Gallimard, 1946, p. 75. 6. Here it is essential to refer to Hubert Damisch, ‘L’informel’ [1970], Fenêtre jaune cadmium, Paris, Seuil, 1984, p. 131. 7. Michel Tapié, Un art autre. 8. Michel Tapié and Tôre Haga, Continuité et avant-garde au Japon, Turin, Edizioni d’Arte Fratelli Pozzo, 1961.

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Confrontation rhymes with the taste for danger, adventure with risk-taking. Tapié was aware of this, aware also of the exercise of his own eye and its aesthetic and historical value, indubitable as it is sixty years later.


Mathieu et Tapié, 1948-1958 : une décennie d’aventure Mathieu and Tapié, 1948–1958: A Decade of Adventure Édouard Lombard

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Tout est à refaire

C’est au sortir de la guerre, au temps d’une libération et d’une reconstruction qui s’étendra à l’expression picturale, que Georges Mathieu et Michel Tapié ont œuvré de concert à la reconnaissance d’un nouvel art. Celui-ci, bien que revêtant des terminologies variées selon leur promoteur – abstraction lyrique1, informel, art autre, tachisme – pouvait se définir par une même volonté de redéfinir les possibles au-delà des frontières déjà explorées par le cubisme, le surréalisme et l’abstractivisme géométrique, loin de tout déterminisme ou formalisme. Si la collaboration de Mathieu et Tapié n’a démarré qu’en 1948, c’est l’année précédente qui recèle les prémices de ce projet audacieux. Georges Mathieu sort foudroyé et bouleversé de l’exposition historique de quarante toiles de Wols2 qui s’ouvre le 23 mai 1947 à la galerie René Drouin : « Wols a tout pulvérisé. […] Après Wols, tout 3 est à refaire4. » Participant au deuxième Salon des réa­ lités nouvelles, où il présente trois toiles réalisées à même le sol 5, puis au XIVe Salon des surindépendants, où il envoie deux toiles6, Mathieu reçoit les encouragements du critique d’art Jean-José Marchand qui trouve ses toiles « très lyriques, extrêmement émouvantes7 ». « L’imaginaire », première exposition de combat pour l’abstraction lyrique

C’est dans ce contexte de choc artistique et de début de reconnaissance critique que Mathieu se lance avec ardeur dans l’exécution de son projet qui est de « réunir tout ce [qu’il] estime constituer ce qu’il y a de plus vivant, rassembler les œuvres dans une exposition […] en révélant comment et pourquoi cette peinture qui naît n’a rien à voir avec ce qui continue d’être montré comme contemporain8 ». Avec Camille Bryen, il soumet ce projet à Éva Philippe qui dirige la galerie du Luxembourg. Ils l’invitent à exposer en complément de leurs propres œuvres celles de Hans Hartung, JeanMi­chel Atlan, Wols, Jean Arp, Jean-Paul Riopelle et Fernand Leduc. L’exposition débute le 16 décembre 1947 sous le nom « L’imaginaire ». Dans

Everything has to be reconstructed

It was just after the war, the era of liberation and reconstruction that extended to pictorial representation, when Georges Mathieu and Michel Tapié worked in concert towards the recognition of a new art form. Although dressed up in a number of different terminologies according to the promoter – ‘lyrical abstraction’,1 ‘informel’, ‘art autre’, ‘tachism’ – it could be defined as a common will to redefine varieties of the possible beyond the frontiers already explored by cubism, surrealism, and geometric abstractivism, far from all determinism or formalism. Although the collaboration between Mathieu and Tapié did not start until 1948, it is in the previous year that the roots of this audacious project are to be found. Georges Mathieu came out thunderstruck and overwhelmed from the historic exhibition of forty paintings by Wols2 that opened on 23 May 1947 at the René Drouin Gallery: ‘Wols has pulverised everything. […] After Wols, everything3 has to be reconstructed.’4 When he takes part in the ­second Salon des Réalités Nouvelles, where he shows three canvases executed on the floor,5 and then at the fourteenth Salon des

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Georges Mathieu à côté de la Bataille de Bouvines, ARTnews, février 1955 (photo : Robert Descharnes). Georges Mathieu next to Bataille de Bouvines, ARTnews, February 1955. Page précédente : Georges Mathieu peignant Hommage au Maréchal de Turenne, 19 janvier 1952 (photo : Paul Facchetti). Previous page: Georges Mathieu painting Hommage au Maréchal de Turenne, 19 January 1952.


Georges Mathieu et Michel Tapié à la galerie Rive Droite, 1954, devant la toile intitulée Qui reges deponerem, regesque ordinarem (1953). Georges Mathieu and Michel Tapié at the Rive Droite Gallery, 1954, in front of the painting titled Qui reges deponerem, regesque ordinarem (1953).

son texte de présentation, Jean-José Marchand emploie l’expression d’« abstractivisme lyrique » et conclut ainsi : « Désormais la voie est libre. C’est aux peintres de nous montrer comment ils utilisent cette liberté. » Le coup de départ de l’abstraction lyrique est donné 9.

Surindépendants, to which he submits two canvases,6 Mathieu receives encouragement from the art critic Jean José Marchand, who finds the canvases ‘very lyrical, extremely moving’.7

« H.W.P.S.M.T.B. »

It is in this context of artistic shock and the beginning of critical recognition that Mathieu throws himself ardently into the execution of his project, which is to ‘bring together everything that [he] considers as constituting that which is the most alive and show the works together in an exhibition […] revealing how and why this form of painting which is emerging has nothing to do with what continues to be exhibited as contemporary’.8 With Camille Bryen, he presents this project to Éva Philippe, the director of the Galerie du Luxembourg. They invite her to exhibit, alongside their own works, those of Hans Hartung, Jean-­ Michel Atlan, Wols, Jean Arp, Jean-Paul Riopelle, and Fernand Leduc. The exhibition opens on 16 December 1947 with the title ‘L’Imaginaire’. In his introduction, Jean José Marchand uses the expression ‘lyrical abstractivism’ and concludes: ‘As of now, the way is open. It’s up to the painters to show us how they use this liberty.’ The starting signal for lyrical abstraction has been sounded.9

Nous sommes désormais en 1948 et, fort du rôle de chef de file nouvellement endossé, Georges Mathieu accepte la proposition qui lui est faite par Colette Allendy d’organiser une nouvelle exposition collective dans sa galerie. Il décide d’y ajouter les sculptures de François Stahly et de Michel Tapié, remarquant au sujet de ces dernières qu’elles ont le grand mérite de « déplaire furieusement à Charles Estienne10 » dont Tapié deviendra le rival dans le cercle très fermé des critiques d’art français. L’exposition « H.W.P.S.M.T.B. » réunit Hartung, Wols, Picabia, Stahly, Mathieu, Tapié et Bryen. Plusieurs d’entre eux écrivent des textes pour le catalogue qui devient dès lors un manifeste multiple. Celui de Mathieu s’intitule « La liberté c’est le vide » et conclut à une libération conjointe des différentes formes d’expression. Tapié plaide, lui, pour conjuguer la liberté de création au présent, « au jour le jour », loin de tout automatisme.

‘L’Imaginaire’, first combat exhibition for lyrical abstraction

‘H.W.P.S.M.T.B.’

It is now 1948 and, having newly taken on board the role of spearhead, Georges Mathieu accepts Colette Allendy’s proposal to organise a new collective exhibition in her gallery. He decides to add to this the sculptures of François Stahly and Michel Tapié, saying of the latter that they have the great merit of ‘furiously displeasing Charles Estienne’,10 whose rival Tapié will become within the extremely closed circle of French art critics. The exhibition ‘H.W.P.S.M.T.B.’ brings together Hartung, Wols, Picabia, Stahly, Mathieu, Tapié, and Bryen. Several of them write pieces for the catalogue, which thus becomes a multiple manifesto. Mathieu’s contribution bears the title ‘Freedom is the Void’ and concludes to

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À partir de cette exposition, leur amitié se nouant, Tapié fera cause commune avec Mathieu, dans une répartition des rôles qui verra Mathieu se concentrer sur celui d’artiste, et Tapié sur celui de critique d’art, s’appuyant sur les œuvres et la renommée de Mathieu pour concrétiser sa vision critique. « White and Black »

En juillet est présentée à la galerie des Deux-Îles, récemment créée par Florence Bank11 l’exposition « White and Black » où sont présentés dessins, gravures et lithographies monochromes de Arp, Bryen, Fautrier, Germain, Hartung, Mathieu, ­Picabia, Tapié, Ubac et Wols. Mathieu demande un texte au critique d’art Édouard Jaguer ainsi qu’à Michel Tapié dont ce sera la dernière participation en tant qu’artiste. Tapié y vante les mérites d’une liberté créatrice décorsetée des notions de style et de composition, et introduit le concept d’informe12 qu’il développera plus tard sous le nom d’informel13.

a concerted freedom of different forms of expression. Tapié for his part argues for combining creative freedom with the present, the ‘day-to-day’, staying away from any form of automatism. After this exhibition, and as their friendship grows, Tapié and Mathieu make common cause in a distribution of roles that will see Mathieu concentrating on being an artist and Tapié on being an art critic, relying on Mathieu’s works and renown in order to consolidate his critical vision. ‘White and Black’

In July, the exhibition ‘White and Black’ opens at the Galerie des Deux-Îles, recently set up by Florence Bank 11 and showing monochrome drawings, prints, and lithographs by Arp, Bryen, Fautrier, Germain, Hartung, Mathieu, Picabia, Tapié, Ubac, and Wols. Mathieu asks the art critic Édouard Jaguer for a text and also Tapié, whose last contribution as an artist this will be. In it, Tapié sings the praises of a creative freedom

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Michel Tapié et Georges Mathieu lors du vernissage de l’exposition Lucio Fontana - Christo Coetzee en mars - avril 1959 (archives de la galerie Stadler, conservées aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse). Michel Tapié and Georges Mathieu at the opening of the Lucio Fontana and Christo Coetzee exhibition, March– April 1959.


Mathieu est conscient que si, « en cette fin de 1948, les manifestations de pur combat ont eu lieu, la victoire n’en est pas décisive pour autant 14 ». Dès lors, il passe implicitement le témoin à Tapié, non sans craindre les équivoques qui pourraient s’ensuivre : « Conscient d’avoir accompli mon rôle, d’avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir de faire, je sais que le temps est de mon côté, que la vérité finira par éclater au grand jour, que cette Abstraction libre triomphera fatalement et je devine même qu’elle risquera de donner lieu aux plus grandes confusions, aux plus grandes facilités. » De gauche à droite, Emmanuel Looten, Michel Tapié (tenant un exemplaire de La Complainte sauvage), Georges Mathieu, en-dessous de Flamence rouge (1950, intitulée Flamence noire dans le catalogue de l’exposition). From left to right: Emmanuel Looten, Michel Tapié (holding a copy of La Complainte sauvage), and Georges Mathieu, below Flamence rouge (1950, entitled Flamence noire in the exhibition catalogue).

Galerie René Drouin, première exposition personnelle de Mathieu à Paris

C’est en mai 1950, à la galerie René Drouin où Michel Tapié est désormais conseiller artistique, que Mathieu obtient sa première exposition personnelle à Paris 15. À cette occasion est publié en édition très limitée un poème d’Emmanuel Looten, La Complainte sauvage, qui est « orné de signes de Georges Mathieu » juxtaposés sur le texte 16. Dans son texte intitulé « Dégagement », Tapié affirme

unbound from the straitjacket of notions of style and composition, and introduces the concept of ‘informe’,12  which he will later develop under the name ‘informel’.13 Mathieu is aware that while ‘at this point at the end of 1948, manifestations of pure combat have taken place, this does not mean decisive victory’.14 From this moment on, he implicitly passes the baton to Tapié, not without a little apprehension as to the misunderstandings that might ensue: ‘Aware of having accomplished my role, of having done everything that was within my power to do, I know that time is on my side, that the truth will explode one day, that this free Abstraction will inevitably triumph, and I can also foresee that it may well give rise to the greatest of confusions, the greatest of banalities.’ René Drouin Gallery, Mathieu’s first solo show in Paris

It is in May 1950, at the René Drouin Gallery, where Tapié is now artistic adviser, that Mathieu gets his first solo exhibition in Paris.15 This occasion sees the publication in a very limited edition of a poem by Emmanuel Looten, La Complainte sauvage, which is ‘embellished with signs by Georges Mathieu’ juxtaposed on the text.16 In his text entitled ‘Dégagement’, Tapié claims that ‘trusting Man is to present him with a risk to run’.17 Mathieu will also go on to develop the theme of the aesthetic of risk.18 ‘Véhémences confrontées’, the first bridge between Europe and the United States

Mathieu, who since 1947 has been public relations manager for the transatlantic shipping company United States Line,19 is aware of ‘concomitant research’ being carried out in the United States, notably by Pollock, De Kooning, and Tobey,20 at this point unknown in Europe, and seeks to defend them in Paris in November 1948 at the Galerie du Montparnasse.21 Because of difficulties in obtaining all the works wanted,22 this

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que c’est faire « confiance à l’Homme que de lui donner un risque à courir 17 ». Mathieu développera également la thématique de l’esthétique du risque 18. « Véhémences confrontées », première passerelle entre l’Europe et les États-Unis

Mathieu, responsable depuis 1947 des relations publiques de la compagnie maritime trans­ atlantique United States Lines19, est conscient des « recherches concomitantes » menées aux États-Unis notamment par Pollock, De Kooning, Tobey 20, alors ignorées en Europe, et souhaite les défendre à Paris en novembre 1948 à la galerie du Montparnasse 21. Toutes les œuvres souhaitées ne pouvant être obtenues22, ce projet trouvera son aboutissement 23 en mars 1951 à la galerie Nina Dausset, après que Tapié aura proposé à Mathieu d’organiser avec lui une nouvelle confrontation parisiano-américaine. Cette exposition historique est nommée « Véhémences confrontées », en référence aux termes « véhémentes » et « soufrées » employés par André Malraux lorsque Tapié lui présenta pour la première fois les œuvres de Mathieu à la galerie Drouin 24. Elle réunira les œuvres de Bryen, ­Capogrossi, De Kooning, Hartung, Mathieu, ­Pollock, Riopelle, Russell et Wols. Dans la grande « affiche-manifeste » qui tient lieu de catalogue, Tapié parle d’informel, ouvrant la porte à un schisme théorique avec Mathieu dont les signes sont incompatibles avec le concept d’informel. Le portrait de Tapié selon Mathieu

À l’occasion de l’exposition « Véhémences confrontées », Mathieu fait paraître dans le magazine anglophone Paris News Post 25 un portrait de Michel Tapié qu’il débute ainsi : « Il est extrêmement rare de rencontrer un esprit humain présentant les caractéristiques étrangement assorties de la logique, du mysticisme et du Dada 26. » Féru d’histoire, Mathieu27 décrit un Tapié « écrasé par un passé trop chargé de tradition, de religion,

project will in the end come to fruition23 at the Nina Dausset Gallery, after Tapié has suggested that Mathieu organise with him a new Parisian– American confrontation. This historic exhibition is entitled ‘Véhémences confrontées’ as a reference to the terms ‘véhémentes’ and ‘soufrées’ used by André Malraux when Tapié first introduced him to Mathieu’s work at the René Drouin Gallery.24 It brought together works by Bryen, Capogrossi, De Kooning, Hartung, Mathieu, Pollock, Riopelle, Russell, and Wols. In the large ‘poster-cum-manifesto’ that took the place of a catalogue, Tapié talks about ‘informel’, opening the door for a theoretical schism with Mathieu, whose signs are incompatible with the concept of ‘informel’.

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Portrait de Michel Tapié par Georges Mathieu, 11 juin 1955, dans Observations of Michel Tapié, 1956, édité par Paul et Esther Jenkins, publié par George Wittenborn. Portrait of Michel Tapié by Georges Mathieu, 11 June 1955, in Observations of Michel Tapié, edited by Paul and Esther Jenkins, published by George Wittenborn, 1956.


The portrait of Tapié according to Mathieu

For the exhibition ‘Véhémences confrontées’, Mathieu publishes in the English-language magazine Paris News Post 25 a portrait of Michel Tapié which begins: ‘It is extremely rare to come across a human being who possesses the curiously assorted characteristics of logic, mysticism, and Dadaism.’26

Georges Mathieu, Hommage au Maréchal de Turenne, 1952

de faits glorieux (ses ancêtres commandaient une des quatre armées féodales de la première croisade) [qui] ne pouvait qu’avoir une attitude prédominante de refus : refus de l’action par nature, refus du travail par habitude, refus de la preuve par éducation, refus de la cohérence, ou au moins de l’unité, par contagion. » Ce « cynique du dilettantisme » étonne et séduit Mathieu par « son extraordinaire capacité d’investigation et d’osmose dans les domaines du nombre, du monde sonore et du monde visuel ». Tapié tient réciproquement Mathieu en grande estime, lui écrivant la même année : « Les cris des silencieux de votre espèce présentent toujours pour moi le plus haut intérêt […] 28. » Hommage au maréchal de Turenne : l’action painting mis en scène pour la première fois, au Studio Facchetti

En 1951, à la fermeture de la galerie Drouin, place Vendôme, Mathieu présente Tapié au photographe Paul Facchetti qu’il connaît depuis 1948 29 et qu’il encourage « vivement à ouvrir une galerie d’art ». Facchetti engage alors Tapié comme conseiller artistique de sa galerie ouverte en octobre, le Studio Facchetti. En novembre débute l’exposition collective « Signifiants de l’informel », initiée par Tapié, où sont représentés Dubuffet, Fautrier, Mathieu, Michaux, Riopelle et Serpan. Tapié organise en janvier 1952, toujours au Studio

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Mathieu,27 a keen historian, describes a Tapié ‘crushed by a past over-burdened by tradition, religion, and glorious feats (his ancestors commanded one of the four feudal armies of the first crusade) [who] could only have a predominant attitude of refusal: refusal of action by nature, refusal of work by habit, refusal of proof by education, refusal of coherence, or at least of unity, by contagion.’ This ‘cynic of dilettantism’ astonishes and seduces Mathieu by ‘his extraordinary capacity for investigation and osmosis in the domains of the number, the world of sound and the world of the visual’. Reciprocally, Tapié holds Mathieu in high esteem, writing to him in the same year: ‘The cries of silent people of your kind are for me always of the greatest interest.’ 28 Hommage au maréchal de Turenne: action-painting on show for the first time

In 1951, on the closing down of the René Drouin Gallery, Place Vendôme, Mathieu introduces Tapié to the photographer Paul Facchetti, whom he has known since 1948 29 and whom he ‘strongly urges to open an art gallery’. So Facchetti employs Tapié as artistic adviser for his gallery, the Studio Facchetti, which opens in October. In November, the collective exhibition ‘Signifiants de l’informel’, initiated by Tapié, opens. Represented are Dubuffet, Fautrier, Mathieu, Michaux, Riopelle, and Serpan. In January 1952 Tapié organises, still at the Studio Facchetti, a new Mathieu solo exhibi-


Facchetti, une nouvelle exposition personnelle de Mathieu intitulée « Le message signifiant de Georges Mathieu ». Parmi les cinq œuvres exposées, deux se réfèrent directement à Tapié : Hommage hérétique (1951, dédicacé « Pour Michel Tapié »), en référence à ses origines cathares si ce n’est à ses positions sur l’informel, ainsi qu’Hommage à Machiavel (1952), Mathieu ayant employé les termes de « machiavélisme lucide » à son égard. Tapié débute le catalogue d’exposition par cette appréciation : « Arriver au “style” en évitant tous les pièges académiques n’est pas la moindre des stupéfactions que nous éprouvons devant les œuvres de Georges Mathieu » et conclut que Mathieu « se permet ce qui peut passer pour la plus périlleuse gageure de notre temps actuel : l’élégance ».

tion entitled ‘Le message signifiant de Georges Mathieu’. Of the five works exhibited, two make direct reference to Tapié: Hommage hérétique (1951, dedicated to Michel Tapié) in reference to his Cathar origins, and perhaps also to his opinions on the ‘informel’; and Hommage à Machiavel (1952), Mathieu having used the expression ‘lucid Machiavellianism’ to refer to him. Tapié begins the exhibition catalogue with this appreciation: ‘To arrive at “style” while avoiding all the academic traps is not the least of the stupefactions that we experience when confronted with the works of Georges Mathieu,’ and con-

En se faisant photographier le 19 janvier 1952, la veille du vernissage, alors qu’il réalisait son fameux Hommage au maréchal de Turenne30 sur le lieu de son exposition, Georges Mathieu devient « le premier à mettre en scène des peintures d’action en direct31 », permettant à Facchetti d’immortaliser « l’un des premiers happenings32 ». L’exposition est reprise la même année à la Stable Gallery à New York par Alexandre Iolas. Cette première exposition personnelle de Mathieu à New York, intitulée « The Significant Message of Georges Mathieu », permettra au New York Times33 de dire que « Mathieu est un virtuose du pinceau ». Un art autre

En décembre 1952, Michel Tapié publie un livrema­nifeste intitulé Un art autre34 qui sera accompagné d’une exposition au Studio Facchetti. Dans cet ouvrage jalon de l’histoire de l’art, Tapié offre une place de choix au « lucide Georges Mathieu35 » dont six toiles sont reproduites36 aux côtés de Pollock, Sam Francis, Dubuffet, Soulages, Hartung, Wols, Michaux, Riopelle, Fautrier, Appel. L’informel, que Tapié définit de façon souvent alambiquée dans la rhétorique lyrique et mystique qu’il affectionne,

cludes that Mathieu ‘allows himself what can be seen as the most perilous challenge of the present age: elegance’. By having himself photographed on 19 January 1952, on the evening before the private viewing, while he was executing the famous Hommage au maréchal de Turenne 30 at the gallery, Georges Mathieu becomes ‘the first to perform action-painting live’,31 enabling Facchetti to immortalise ‘one of the first ever happenings’.32

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Georges Mathieu peignant la Bataille de Bouvines, le 25 avril 1954 (photo : Robert Descharnes). Georges Mathieu painting the Bataille de Bouvines, 25 April 1954.


est augmenté par le concept plus souple, mais tout aussi sibyllin, d’un art autre, étendu selon Mathieu à un « mélange de surréalistes, d’expressionnistes, d’abstraits, de figuratifs 37 ». La Bataille de Bouvines

Le 25 avril 1954, Georges Mathieu peint son emblématique Bataille de Bouvines 38, toile monumentale mesurant 2,50 m x 6 m, en présence de Michel ­Tapié et d’Emmanuel Looten, sous l’œil de la caméra de Robert Descharnes. Mathieu passe ainsi de la photographie au film dans la documentation de son travail. Tapié décrit la naissance de cette « œuvreclé » dans un livret intitulé 1214 illustré d’images extraites du film de Descharnes, ainsi que dans une publication sur quatre pages en anglais, en février 1955, dans la revue américaine ARTnews sous le nom « Mathieu Paints a Picture39». Les Capétiens partout !

Georges Mathieu peignant Les Capétiens partout ! à Saint-Germain-en-Laye, le 10 octobre 1954. Georges Mathieu painting Les Capétiens partout ! in Saint-Germain-en-Laye, 10 October 1954.

En 1954, Michel Tapié quitte le Studio Facchetti pour s’occuper jusqu’en 1956 de la galerie Rive Droite de Jean Larcade, où il obtient le « rôle de conseiller, de débatteur, de découvreur et de défenseur de l’art vivant 40 ». Le 10 octobre 1954, Mathieu réalise en une heure vingt sa célèbre peinture Les Capétiens partout !41

The exhibition is reprised the same year at the Stable Gallery in New York by Alexandre Iolas. This first solo exhibition by Mathieu in New York, entitled ‘The Significant Message of G ­ eorges Mathieu’, will lead the New York Times33 to say that ‘Mathieu is a virtuoso of the paintbrush’. Un art autre

In December 1952, Michel Tapié publishes a book-cum-manifesto entitled Un art autre [Another Art],34 which will be accompanied by an exhibition at the Studio Facchetti. In this landmark of art history, Tapié gives pride of place to the ‘lucid Georges Mathieu’,35 six of whose canvases are reproduced36 alongside Pollock, Sam Francis, Dubuffet, Soulages, Hartung, Wols, Michaux, Riopelle, Fautrier, and Appel. The ‘informel’, which Tapié often defines in a convoluted fashion in the lyrical, mystical rhetoric for which he has an affinity, is supplemented by the less rigid but equally sibylline concept of an ‘art autre’, extended, according to Mathieu, to a ‘mix of surrealists, expressionists, abstracts, figuratives’.37 La Bataille de Bouvines

On 25 April 1954 Georges Mathieu paints his emblematic Bataille de Bouvines,38 a monumental canvas measuring 2.5 by 6 metres, in the presence of Michel Tapié and Emmanuel Looten and under the lens of Robert Descharnes’s camera. Thus does Mathieu move from photograph to film in the documentation of his work. Tapié describes the birth of this ‘key work’ in a brochure entitled 1214 illustrated with images taken from Descharnes’s film, and also in a four-page publication in English in February 1955 in the American review ARTnews under the title ‘Mathieu Paints a Picture’.39 Les Capétiens partout!

In 1954 Michel Tapié leaves the Studio Facchetti to look after, until 1956, Jean Larcade’s Rive Droite Gallery, where he obtains ‘the role of adviser, promoter, discoverer, and defender of living art’.40

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sur le terrain du château appartenant au père de Jean Larcade à Saint-Germain-en-Laye, en présence des reporters du magazine américain Life, Gabrielle Smith et Dmitri Kessel. Trois semaines plus tard, cette œuvre magistrale est transportée à la galerie Rive Droite qui proposera une exposition personnelle du même nom durant le mois de novembre. Le catalogue d’exposition offre des textes de Michel Tapié, du philosophe Stéphane Lupasco et du peintre américain Mark Tobey. Tapié voit en Mathieu l’un des « quelques Individus dignes de ce nom dans l’aventure de cet art autre ». Jean Larcade, impressionné par la bravoure et le sérieux de Mathieu 42, fera don des Capétiens partout ! au musée national d’Art moderne43 en 1956. Il s’agira de la première œuvre de Mathieu dans un musée français, plusieurs années après les acquisitions du musée d’Art moderne de Rio de Janeiro, de l’Art Institute de Chicago et de la Fondation Solomon Guggenheim de New York 44. Le Couronnement de Charlemagne

En mai 1956, la galerie Rive Droite présente une nouvelle exposition personnelle de Mathieu. En exposant ses toiles récentes « sous des baldaquins carolingiens 45 » tandis qu’il joue costumé le rôle de Charlemagne dans un court-métrage de Robert Descharnes intitulé Le Couronnement de Charlemagne auquel participe Michel Tapié, Mathieu veut « réintroduire la notion de jeu dans l’art et dans la culture 46 » et ce uniquement « dans la présentation et non dans l’exécution des œuvres ». La même année paraît en anglais le livre hommage Observations of Michel Tapié47 édité par Paul et Esther Jenkins 48. Mathieu le clôt par une note biographique sur Tapié : « son activité durant les dix dernières années se révèle d’une importance majeure. » Il « aura eu le grand mérite de s’aventurer dans [le domaine de la peinture et de la sculpture] avec des capacités extraordinaires d’investigation et une perspicacité foudroyante 49 ».

On 10 October 1954 Mathieu executes in the space of an hour and twenty minutes his celebrated painting Les Capétiens partout! 41 in the grounds of the château belonging to Jean Larcade’s father at Saint-Germain-en-Laye, in the presence of the reporters Gabrielle Smith and Dmitri Kessel from the American magazine Life. Three weeks later this magisterial work is transported to the Rive Droite Gallery, which proposes a solo exhibition of the same name during the month of November. The exhibition catalogue includes texts by Michel Tapié, the philosopher Stéphane Lupasco, and the American painter Mark Tobey. Tapié considers Mathieu to be one of ‘the few Individuals worthy of this name in the adventure of this art autre’. Jean Larcade, impressed by Mathieu’s courage and seriousness,42 will give Les Capétiens partout! to the Musée National d’Art Moderne43 in 1956. This will be Mathieu’s first work to be owned by a French museum, several years after the acquisitions of the Museum of Modern Art, Rio de Janeiro; the Art Institute of Chicago; and the Solomon Guggenheim Foundation in New York.44

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De gauche à droite, le prince Igor Troubetzkoy costumé en Haround el Rachid, Georges Mathieu costumé en Charlemagne, Michel Tapié costumé en comte de Rouergue, Alain Bosquet costumé en astrologue, devant la toile intitulée Couronnement de l’Empereur Charlemagne par le Pape Léon III, dans le film de Robert Descharnes, 1956. (Cf. Ring des arts, no 1, Cercle d’Art Contemporain, 1960.) From left to right: Prince Igor Troubetzkoy dressed up as Haroun al-Rachid, Georges Mathieu as Charlemagne, Michel Tapié as the Count of Rouergue, and Alain Bosquet as an astrologer, in front of the canvas entitled Couronnement de l’empereur Charlemagne par le pape Léon III, in the film by Robert Descharnes, 1956.


Le Couronnement de Charlemagne

In May 1956 the Rive Droite Gallery puts on a new Mathieu solo exhibition. In exhibiting his recent canvases ‘under Carolingian canopies’ 45 while playing in costume the role of Charlemagne in a short by Robert Descharnes entitled Le Couronnement de Charlemagne in which Michel Tapié takes part, Mathieu seeks to ‘reintroduce the notion of play into art and culture’,46 and this only ‘in the presentation and not in the execution of works’. In the same year appears in English the publication in homage to Michel Tapié entitled Observations of Michel Tapié 47 edited by Paul and Esther Jenkins.48 Mathieu closes it with a biographical note on Tapié: ‘His activity during the last ten years reveals itself as of major importance. […] Michel Tapié will have had the great merit of venturing into this domain with extraordinary capacities of investigation and lightning insight.’ 49

Georges Mathieu peignant La Rentrée triomphale de Go Daïgo à Kyoto (actuellement dans la collection de la Fondation Gandur pour l’Art), dans le jardin de Tarō Okamoto, Geijutsu Shinchō, vol. 8, 1957. Georges Mathieu painting La Rentrée triomphale de Go Daïgo à Kyoto (currently in the collection of the Fondation Gandur pour l’Art), in the garden of Tarō Okamoto, Geijutsu Shinchō, vol. 8, 1957.

L’informel au Japon, à la rencontre de Gutaï

À partir de 1955, Tapié travaille désormais pour la galerie de Rodolphe Stadler qui est impressionné par « sa culture extravagante […] autant que son enthousiasme 50 ». En novembre 1956 le journal japonais Asahi organise au grand magasin Takashimaya51 l’exposition d’art contemporain « Sekai Konnichi no Bijutsuten » (Exposition internationale de l’art actuel) qui sera la première à présenter de l’art informel au Japon à travers dix-sept œuvres provenant de la collection personnelle de Tapié 52. Les œuvres de Georges Mathieu, Jean Dubuffet, Jean Fautrier, Sam Francis, Willem De Kooning et Mark Tobey suscitent le plus d’intérêt 53. Tapié prévoit de rencontrer le mouvement d’avantgarde japonais Gutaï 54, d’inspiration Dada et qu’il souhaite voir rejoindre les rangs de l’art informel,

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The ‘informel’ in Japan, the encounter with Gutai

From 1955 Tapié is working for the gallery owned by Rodolphe Stadler, who is impressed ‘as much by his extravagant culture […] as by his enthusiasm’.50 In November 1956 the Japanese magazine Asahi ­organises in the department store Takashimaya51 the contemporary art exhibition ‘Sekai konnichi no bijutsuten’ (Contemporary world art exhibition), which will be the first to show ‘informel’ art in Japan via seventeen works from Tapié’s personal collection.52 The works of Georges Mathieu, Jean Dubuffet, Jean Fautrier, Sam Francis, Willem De Kooning, and Mark Tobey attract the most interest.53 Tapié plans to meet with the members of the Japanese avant-garde movement Gutai,54 inspired by Dada, which he wants to see join the ranks of ‘art informel’, as soon as he sets foot in Japan for


dès lors qu’il se rendra au Japon pour la première fois 55. Yoshihara, fondateur et théoricien du mouvement, avait écrit l’année précédente dans le manifeste de l’art Gutaï 56 que les membres de Gutaï avaient « le plus grand respect pour Pollock et Mathieu car leurs œuvres révèlent le hurlement poussé par la matière, les cris des pigments et des vernis ». Le projet d’exposition de Mathieu au Japon en 1957 donne l’occasion à Tapié de s’y rendre 57.

the first time.55 Yoshihara, the founder and theo­ retician of the movement, has written the previous year in the manifesto of Gutai art56 that the members of Gutai have ‘the greatest respect for Pollock and Mathieu because their works reveal the howl of matter, the screams of pigments and varnishes’. Mathieu’s exhibition project in Japan in 1957 gives Tapié the opportunity to go there.57

Mathieu arrive à Tokyo le 29 août et exécute « vingt et une toiles en trois jours 58 » devant de nombreux journalistes, dont la spectaculaire Bataille de Hakata 59 mesurant 2 m par 8 m et réalisée en 110 minutes. Le jour d’ouverture de l’exposition au grand magasin Shirokiya, qui recevra du 3 au 8 septembre « plus de 25 000 visiteurs60 », Mathieu réalise une imposante fresque de 15 m de long, la Bataille de Bun’ei 61, sous les yeux d’un public dense massé devant la vitrine.

Mathieu arrives in Tokyo on 29 August and executes ‘twenty-one canvases in three days’58 watched by a number of journalists, including the spectacular Bataille de Hakata, 59 which measures 2 by 8 metres and was completed in 110 minutes. On the day of the opening of the exhibition in the department store Shirokiya, which between 3 and 8 September will draw ‘more than 25,000 visitors’,60 Mathieu executes an imposing fresco 15 metres long, the Bataille de Bun’ei,61 watched by a dense audience gathered in front of the shop window.

Le 5 septembre, Mathieu accueille Tapié à l’aéroport de Tokyo, accompagné du peintre Toshimitsu Imaï, du peintre et sculpteur Sōfū Teshigahara62, du peintre surréaliste et critique d’art Shūzō Takiguchi, du critique d’art Sōichi Tominaga63, de Yoshihara qui représente Gutaï, et de Hideo Kaītō du quotidien Yomiuri Shimbun64. Avant leur départ pour Osaka, Mathieu et Tapié visitent l’atelier de Teshigahara.

On 5 September Mathieu goes to meet Tapié at Tokyo Airport, accompanied by the painter Toshimitsu Imai, the painter and sculptor Sōfū Teshigahara,62 the surrealist painter and art critic Shūzō Takiguchi, the art critic Sōichi Tominaga,63 Yoshihara representing Gutai, and

Le 10 septembre, Mathieu, Imaï et Tapié sont accueillis à la gare d’Osaka par les membres de Gutaï. Mathieu exécute en public le 12 septembre « six toiles dont une de 3 m sur 6 m, Hommage au général Hideyoshi65 » sur le toit du grand magasin Daïmaru pour une exposition s’y tenant du 12 au 15 septembre et qui montre également les œuvres peintes à Tokyo66. Puis Mathieu et Tapié rendent visite au domicile de Yoshihara pour admirer les œuvres d’artistes de Gutaï 67, avant de partir pour Kyoto. Mathieu quitte le Japon le 19 septembre, tandis que Tapié y reste pour son exposition d’art informel « Sekaï Gendaï Geijutsu Ten » (l’art contemporain dans le monde) au musée Bridgestone à Tokyo68.

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Georges Mathieu peignant une toile en public sur le toit du grand magasin Daïmaru à Osaka le 12 septembre 1957. Georges Mathieu working on a painting in public, on the rooftop of the department store Daïmaru in Osaka, 12 September 1957.


Hideo Kaītō from the daily newspaper Yomiuri Shimbun.64 Before they leave for Osaka, Mathieu and Tapié visit Teshigahara’s studio. On 10 September Mathieu, Imai, and Tapié are met at Osaka station by the members of Gutai. Mathieu paints in public on 12 September ‘six canvases, one of which, Hommage au général Hideyoshi, measures 3 by 6 metres’,65 on the roof of the department store Daimaru for an exhibition to take place there from 12 to 15 September, in which the canvases painted in Tokyo will also be shown.66 Then Mathieu and Tapié go to Yoshihara’s home to see the works of the Gutai artists,67 before leaving for Kyoto. Mathieu leaves Japan on 19 September, while Tapié stays on for his ‘art informel’ exhibition ‘Sekai gendai geijutsuten’ (Contemporary art in the world) at the Bridgestone Museum in Tokyo.68

Sōfū Teshigahara, Michel Tapié et Georges Mathieu lors du vernissage de l’exposition Teshigahara en octobre 1961 à la galerie Stadler. Sōfū Teshigahara, Michel Tapié and Georges Mathieu at the opening of the Teshigahara exhibition, October 1961 at the Stadler Gallery.

Ce voyage aura permis à Mathieu d’étendre sa notoriété au pays du Soleil levant, tandis qu’il fera de Tapié, « très impressionné par la qualité d’ensemble69 » du travail des artistes Gutaï, leur défenseur et critique d'art attitré. Compagnons de route du renouveau artistique

Les chemins de Mathieu et Tapié finiront par s’éloigner du fait de considérations commerciales et de désaccords théoriques, même s’il leur arrivera de se recroiser à la galerie Stadler. Georges Mathieu et Michel Tapié partagèrent une décennie durant à la fois une amitié et des intérêts communs, entre le brio intransigeant de l’un et les contradictions élégantes70 de l’autre. Le prosélytisme71 de Tapié dont Mathieu fut l’objet peut être comparé à celui du critique américain Clement Greenberg pour ­Pollock. Ce rare duumvirat peintre/critique, œuvrant dans une symbiose mutualiste, est à l’origine d’un défrichage pionnier du secteur artistique, chacun

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This trip will have enabled Mathieu to extend his reputation to the Land of the Rising Sun, and it will turn Tapié, ‘very impressed by the overall quality’69 of the work of the Gutai artists, into their defender and their official art critic. Fellow travellers of the artistic renewal

The paths of Mathieu and Tapié will end up separating for business reasons and on account of theoretical disagreements, even though their paths will cross again at the Stadler Gallery. For the duration of a decade, Georges Mathieu and Michel Tapié shared both a friendship and common interests, between the intransigent brio of the one and the elegant contradictions70 of the other. Tapié’s proselytism71 in relation to Mathieu can be compared to that of the American critic Clement Greenberg in support of Pollock. This rare painter/critic duo, operating together in a mutualist symbiosis, gave rise to a pioneering land clearing of the artistic sector, each calling upon his own methods: zealous activism in Mathieu’s case, and adventurous dilettantism in Tapié’s. They were the most effective protag-


faisant appel à ses propres méthodes : l’activisme zélé pour Mathieu et le dilettantisme aventurier pour Tapié. Ils furent les plus efficaces acteurs et théoriciens du développement de l’abstraction libre. Si celle-ci fut finalement supplantée dans l’imaginaire collectif par l’expressionnisme abstrait72 puis le pop art d’outre-Atlantique, elle doit être redécouverte aujourd’hui à la lumière de la variété esthétique et conceptuelle de sa production picturale, à l’aune de son avant-gardisme, de ses développements internationaux et de ses ambitions universalistes, à la mesure de son irréfutable envergure.

onists and theoreticians in the development of free abstraction. Although this was finally supplanted in the collective imagination by abstract expressionism,72 and then transatlantic pop art, it deserves to be rediscovered today in the light of the aesthetic and conceptual variety of its pictorial production, with regard to its avant-gardism, its international developments, and it universalist ambitions, by measure of its irrefutable magnitude. Édouard Lombard Director of the Georges Mathieu Committee

Édouard Lombard Directeur du Comité Georges Mathieu

Mathieu peignant La bataille de Bun’ei, derrière la vitrine du grand magasin Shirokiya à Tokyo en septembre 1957 (photo : François René Roland). Georges Mathieu painting La bataille de Bun’ei, behind the window of the department store Shirokiya in Tokyo, September 1957.

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notes 1. Aussi appelée abstraction chaude par opposition à l’abstraction froide de l’école géométrique. 2. Alfred Otto Wolfgang Schulze dit Wols (27 mai 1913 – 1er septembre 1951). 3. En italique dans le texte. 4. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, Paris, Julliard, 1963, p. 35. 5. Survivance, Conception et Désintégration. 6. Exorcisme et Incantation. 7. Combat, no 1018, 16 octobre 1947. 8. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 46. 9. Michel Tapié ne participe pas à l’organisation de l’exposition « L’imaginaire », pas plus qu’à celle de l’exposition « H.W.P.S.M.T.B. », comme l’indique abusivement l’addendum de la réédition par Artcurial en 1994 de l’ouvrage de 1952 de Michel Tapié Un art autre. Mathieu le note d’ailleurs en marge de l’exemplaire de cet ouvrage présent dans ses archives personnelles. 10. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 52. 11. Ultérieurement dénommée Florence Houston-Brown. 12. Déjà employé en 1945 dans La Voix de Paris par le critique conservateur Jerzy Waldemar Jarociński, dit Waldemar-George, à propos de Fautrier (Frédérique Villemur et Brigitte Pietrzak in Paul Facchetti, le Studio, art informel et abstraction lyrique, Arles, Actes Sud, 2004, p. 14 ; Serge Guilbaut, « Disdain for the Stain: Abstract Expressionism and Tachisme », p. 41, in Abstract Expressionism, The International Context, Rutgers University Press, 2007), puis par Jean Dubuffet en 1946 dans ses Notes pour les fins-lettrés, dont le premier texte est titré « Partant de l’informe » ; l’écrivain Georges Bataille y a recours dès 1929 dans son Dictionnaire critique. 13. Pour l’exposition « Véhémences confrontées ». 14. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 61. 15. La seule exposition personnelle de Mathieu qui précède celle à la galerie Drouin fut celle à la librairie Dutilleux à Douai en 1942. Le duo Mathieu et Looten sera présenté à nouveau par Tapié à Lille en avril 1953 à la galerie Marcel Evrard. 16. Dans une mise en page avantgardiste que Mathieu continuera d’utiliser durant la décennie, dans la revue United States Lines Paris Review qu’il créera en 1953. 17. Souligné dans le texte. 18. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 208. 19. Qui fait circuler le paquebot America sur la ligne Le Havre– New York.

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20. Mathieu affirme être « le premier à les mentionner à Estienne, à Jaguer, à Guilly, à Tapié » (Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 59). 21. Avec des œuvres de Bryen, De Kooning, Gorky, Hartung, Mathieu, Picabia, Pollock, Reinhardt, Rothko, Russell, Sauer, Tobey et Wols. 22. « Mathieu pressed them [Charles Egan, Julien Levy, and Betty Parsons] but obtained only a few, unimpressive works on paper » (Catherine Dossin, The Rise and Fall of American Art, 1940-1980, 2015, Ashgate, p. 61). 23. Notamment grâce au prêt par l’artiste américain Alfonso Ossorio d’œuvres sur toile de Pollock et De Kooning provenant de sa collection personnelle. 24. Cf. Michel Tapié, Un art autre, Paris, Gabriel-Giraud et fils, 1952. 25. L’ancêtre de The Paris Review. 26. Georges Mathieu, « Portrait of the Critic », Paris News Post, juin 1951. 27. Dont le nom intégral est Georges Victor Adolphe Mathieu d’Escaudœuvres. 28. Lettre du 10 janvier 1951, archives Michel Tapié, bibliothèque Kandinsky, Paris, citée par Juliette Evezard pour le catalogue d’exposition L’Aventure de Michel Tapié, un art autre, Luxembourg, 2016. 29. Cf. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 73. 30. 2 m x 4 m, actuellement dans les collections du Centre Pompidou/MNAM, Paris. 31. Kristine Stiles, « Peinture, photographie, performance : le cas de Georges Mathieu », catalogue d’exposition de la rétrospective Mathieu au Jeu de Paume, 2003, p. 77. 32. Frédérique Villemur et Brigitte Pietrzak, Paul Facchetti, le Studio, art informel et abstraction lyrique, op. cit., p. 27. 33. Par Stuart Preston le 9 novembre 1952, cf. Daniel Abadie, in Georges Mathieu, catalogue d’exposition de la rétrospective Mathieu au Jeu de Paume, 2003, p. 263. 34. Sous-titré « Où il s’agit de nouveaux dévidages du réel » et qu’une citation d’André Malraux utilisée en épigraphe semble placer sous son autorité intellectuelle. 35. Michel Tapié, Un art autre, op. cit. 36. Ce qui en fait l’artiste le plus représenté. 37. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 81. 38. Actuellement dans les collections du Centre Pompidou/ MNAM, Paris. 39. Dans la même rubrique qui avait fait paraître en mai 1951 « Pollock Paints a Painting ».

40. Xavier Girard, interview de Jean Larcade, « Jean Larcade, la galerie Rive Droite », Art Press, juillet 1988, p. 33.

59. Également intitulée Bataille de Kōan, sachant qu’il s’agit de la seconde bataille de la baie de Hakata, en 1281.

41. 2,95 m x 6 m, actuellement dans les collections du Centre Pompidou/MNAM, Paris.

60. Georges Mathieu, 50 ans de création, op. cit., p. 63.

42. Xavier Girard, interview de Jean Larcade, « Jean Larcade, la galerie Rive Droite », Art Press, juillet 1988, p. 34. 43. Hébergé désormais par le Centre Pompidou. 44. Cf. Daniel Abadie, Georges Mathieu, op. cit., p. 264. 45. Georges Mathieu, 50 ans de création, Paris, Hervas, 2003, p. 56. 46. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 97. 47. Publié par George Wittenborn à New York. 48. Le peintre américain Paul Jenkins ayant obtenu sa première exposition personnelle au Studio Facchetti en 1954. 49. Texte original publié en anglais : « His activity during the last ten years reveals itself as of major importance. […] Michel Tapié will have had the great merit of venturing into this domain with extraordinary capacities of investigation and lightning insight. » 50. Marcel Cohen et Rodolphe Stadler, Galerie Stadler, trente ans de rencontres, de recherches, de partis pris, 1955-1985, galerie Stadler, 1985, p. 6. 51. Cf. Thomas R. H. Havens, Radicals and Realists in the Japanese Nonverbal Arts: The Avant-garde Rejection of Modernism, University of Hawaii Press, 2006, p. 93. 52. Shoichi Hirai, « Paris et l’art japonais depuis la guerre – Réflexions autour des tendances des années cinquante » in Paris du monde entier. Artistes étrangers à Paris 1900-2005, cat. expo., Tokyo, Asahi Shimbun, Paris, Centre Georges Pompidou, 2007. 53. Cf. Thomas R. H. Havens, Radicals and Realists in the Japanese Nonverbal Arts, op. cit., p. 94. 54. 具体 qui, composé des idéogrammes signifiant « outil » et « corps », signifie « concret » en japonais. 55. Cf. Ming Tiampo, Gutai – Decentering Modernism, 2011, University of Chicago Press, p. 91. 56. Jirō Yoshihara, « Gutai bijutsu sengen », Geijutsu Shinchō, décembre 1956. 57. Cf. Éric Mézil, « ‘Nul n’est prophète en son pays’, le cas de Michel Tapié », in Gutai, catalogue d’exposition, Paris, Éditions du Jeu de Paume, 1999, p. 30-31. 58. Georges Mathieu, 50 ans de création, op. cit., p. 63.

61. Sachant qu’il s’agit de la première bataille de la baie de Hakata, en 1274. 62. Fondateur de l’école d’art floral Ikebana Sōgetsu. 63. Qui deviendra en 1959 le premier directeur du musée national d’Art occidental à Tokyo, cf. Réna Kano, sous la direction de Didier Schulmann, « Georges Mathieu, Voyage et peintures au Japon, août-septembre 1957 », mémoire d’étude, 2009 ; il affirmera que Mathieu est « le plus grand peintre français depuis Picasso » (Patrick Grainville et Gérard Xuriguera, Mathieu, 1993, Nouvelles Éditions Françaises). 64. Le quotidien japonais le plus lu. 65. Georges Mathieu, 50 ans de création, op. cit., p. 63 ; œuvre aussi appelée Hideyoshi Toyotomi. 66. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, op. cit., p. 129. 67. Cf. Réna Kano, sous la direction de Didier Schulmann, « Georges Mathieu, Voyage et peintures au Japon, août-septembre 1957 », mémoire d’étude, 2009. 68. Ainsi que pour accueillir Sam Francis qui arrive le 20 septembre pour son exposition. 69. Kōichi Kawasaki, « Le séjour de Georges Mathieu au Japon », catalogue d’exposition de la rétrospective Mathieu au Jeu de Paume, 2003, p. 95. 70. Pour reprendre les termes de Pierre Guéguen, Aujourd’hui, no 6, 1956. 71. Cf. Frederick Gross, Mathieu Paints a Painting, 2002, City University of New York. 72. Qui fut défendu par un efficace réseau d’influence et favorisé par une fragmentation et une absence de consensus en France et en Europe, cf. Serge Guilbaut, « Disdain for the Stain: Abstract Expressionism and Tachisme », in Abstract Expressionism, The International Context, Rutgers University Press, 2007, p. 39.


notes 1. Also known as ‘warm abstraction’, as opposed to the ‘cold abstraction’ of the geometric school. 2. Alfred Otto Wolfgang Schulze, known as Wols (27 May 1913 – 1 September 1951). 3. In italics in the original. 4. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, Julliard, 1963, p. 35. 5. Survivance, Conception and Désintégration. 6. Exorcisme and Incantation. 7. Combat, 16 October 1947. 8. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, Julliard, 1963, p. 46. 9. Michel Tapié does not take part in the organisation of the exhibition ‘L’Imaginaire’, nor in that of the exhibition ‘H.W.P.S.M.T.B.’, contrary to what is stated in the addendum to the reissue by Artcurial in 1994 of Michel Tapié’s 1952 book Un art autre. Moreover, Mathieu notes this in the margin of the copy of the book that is in his personal archives.

18. Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 208.

36. Which makes him the artist most represented in the book.

19. Who operated the liner America on the Le Havre– New York line.

37. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 81.

20. Mathieu confirms that he was ‘the first to mention them to Estienne, to Jaguer, to Guilly, to Tapié ’ (Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 59). 21. With works by Bryen, De Kooning, Gorky, Hartung, Mathieu, Picabia, Pollock, Reinhardt, Rothko, Russell, Sauer, Tobey, and Wols. 22. ‘Mathieu pressed them [Charles Egan, Julien Levy, and Betty Parsons] but obtained only a few, unimpressive works on paper’ (Catherine Dossin, The Rise and Fall of American Art, 1940–1980, Ashgate, 2015, p. 61). 23. In particular, thanks to the loan by the American artist Alfonso Ossorio of works on canvas by Pollock and De Kooning from his own collection. 24. Cf. Michel Tapié, Un art autre, Gabriel-Giraud et fils, 1952.

10. Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 52.

25. The ancestor of The Paris Review.

11. Subsequently called Florence Houston-Brown.

26. Georges Mathieu, ‘Portrait of the Critic’, Paris News Post, June 1951.

12. Already used in 1945 in La Voix de Paris by the conservative critic Jerzy Waldemar Jarociński, known as Waldemar-George, referring to Fautrier (Frédérique Villemur and Brigitte Pietrzak, in Paul Facchetti, le Studio, art informel et abstraction lyrique, Actes Sud, 2004, p. 14; by Serge Guilbaut in ‘Disdain for the Stain: Abstract Expressionism and Tachisme’ in Abstract Expressionism, The International Context, Rutgers University Press, 2007, p. 41; and then by Jean Dubuffet in 1946 in his Notes pour les fins-lettrés, the first text of which is ‘Partant de l’informe’; the writer Georges Bataille uses it as early as 1929 in his Dictionnaire critique. 13. For the exhibition ‘Véhémences confrontées’. 14. Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 61. 15. Mathieu’s only solo exhibition prior to that of the René Drouin Gallery was at the Dutilleux bookshop in Douai in 1942. The Mathieu–Looten duo will be shown again by Tapié in Lille in April 1953 at the Marcel Évrard Gallery. 16. In an avant-garde page makeup that Mathieu will continue to use for a decade in the review United States Lines Paris Review, which he will found in 1953. 17. Underlined in the text.

27. Whose name in full is Georges Victor Adolphe Mathieu d’Escaudœuvres. 28. Letter of 10 January 1951, Michel Tapié archives, Kandinsky Library, Paris, quoted by Juliette Evezard for the exhibition catalogue L’Aventure de Michel Tapié, Un art autre, Luxembourg, 2016. 29. Cf. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 73. 30. 2 by 4 metres, currently in the collections of the Pompidou Centre/MNAM, Paris. 31. Kristine Stiles, ‘Peinture, photographie, performance: Le cas de Georges Mathieu’, catalogue of the Mathieu retrospective at the Jeu de Paume, 2003, p. 77. 32. Frédérique Villemur and Brigitte Pietrzak, Paul Facchetti, le Studio, art informel et abstraction lyrique, Actes Sud, 2004, p. 27. 33. By Stuart Preston 9 November 1952, cf. Daniel Abadie, in Georges Mathieu, exhibition catalogue for the Mathieu retrospective at the Jeu de Paume, 2003, p. 263. 34. Subtitled ‘Where it is a matter of new unwindings of the real’, and in which the epigraph by André Malraux seems to place it under his intellectual authority. 35. Tapié, Un art autre.

38. Currently in the collections of the Pompidou Centre/MNAM, Paris.

57. Cf. Éric Mézil, ‘ “Nul n’est prophète en son pays”, le cas de Michel Tapié’, in: Gutai, exhibition catalogue, Paris, Ed. du Jeu de Paume, 1999, pp. 30–31. 58. Georges Mathieu, 50 ans de création, Hervas, 2003, p. 63.

39. In the same section as the article ‘Pollock Paints a Painting’ appeared in May 1951.

59. Also entitled Bataille de Kōan, this being the second battle of Hakata Bay, in 1281.

40. Xavier Girard, interview with Jean Larcade, ‘Jean Larcade, la galerie Rive Droite’, Art Press, July 1988, p. 33.

60. Mathieu, 50 ans de création, p. 63. 61. This being the first battle of Hakata Bay, in 1274.

41. 2.95 metres by 6 metres, currently in the collections of the Pompidou Centre/MNAM, Paris.

62. Founder of the school of floral art Ikebana Sōgetsu.

42. Xavier Girard, ‘Jean Larcade, la galerie Rive Droite ’, Art Press, July 1988, p. 34. 43. Now housed in the Pompidou Centre. 44. Cf. Daniel Abadie, Georges Mathieu, p. 264. 45. Georges Mathieu, 50 ans de création, Hervas, 2003, p. 56. 46. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 97. 47. Published by George Wittenborn in New York. 48. The American painter Paul Jenkins had held his first solo exhibition at the Studio Facchetti in 1954. 49. Originally published in English. 50. Marcel Cohen and Rodolphe Stadler, Galerie Stadler, trente ans de rencontres, de recherches, de partis pris, 1955–1985, Galerie Stadler, 1985, p. 6. 51. Cf. Thomas R. H. Havens, Radicals and Realists in the Japanese Nonverbal Arts: The Avant-garde Rejection of Modernism, University of Hawaii Press, 2006, p. 93. 52. Cf. Shoichi Hirai, ‘Paris et l’art japonais depuis la guerre – Réflexions autour des tendances des années cinquante’ in Paris du monde entier. Artistes étrangers à Paris 1900-2005, exhibition catalogue, Tokyo: Asahi Shimbun, Paris: Centre Georges Pompidou, 2007. 53. Cf. Havens, Radicals and Realists in the Japanese Nonverbal Arts, p. 94. 54. 具体 which, made up of the ideograms signifying ‘tool’ and ‘body ’, means ‘concrete’ in Japanese. 55. Cf. Ming Tiampo, Gutai – Decentering Modernism, University of Chicago Press, 2011, p. 91. 56. Jirō Yoshihara, Gutai bijutsu sengen, Geijutsu Shinchō, December 1956.

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63. Who will become in 1959 the first director of the Tokyo National Museum of Western Art, cf. Réna Kano, edited by Didier Schulmann, ‘Georges Mathieu, Voyage et peintures au Japon, août-septembre 1957’, final dissertation, 2009; he will declare that Mathieu is ‘the greatest French painter since Picasso ’ (Patrick Grainville and Gérard Xuriguera, Mathieu, Nouvelles Éditions Françaises, 1993). 64. The most widely read Japanese daily. 65. Georges Mathieu, 50 ans de création, p. 63; a work also called Hideyoshi Toyotomi. 66. Georges Mathieu, Au-delà du tachisme, p. 129. 67. Cf. Réna Kano, ‘Georges Mathieu, Voyage et peintures au Japon’, 2009. 68. Also in order to welcome Sam Francis, who arrives on 20 September for his exhibition. 69. Kōichi Kawasaki, Le séjour de Georges Mathieu au Japon, catalogue for the Mathieu retrospective at the Jeu de Paume, 2003, p. 95. 70. To use the expression of Pierre Guéguen, Aujourd’hui, no. 6, 1956. 71. Cf. Frederick Gross, Mathieu Paints a Painting, City University of New York, 2002. 72. Which was defended by an efficient network of influence and assisted by fragmentation and a lack of consensus in France and in Europe, cf. Serge Guilbaut, ‘Disdain for the Stain: Abstract Expressionism andTachisme ’, in Abstract Expressionism, The International Context, Rutgers University Press, 2007, p. 39.



Å“uvres | Works

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wols (1913 - 1951) alfred otto wolfgang schulze

Sans titre, 1946-1947

(Connue sous le nom de Tête rouge et blanc ou encore Lazard) Huile sur toile Signée vers le bas vers la droite Oil on canvas Signed bottom to the right 41 x 33 cm

provenance Galerie édouard Loeb - Jacques Lazard, Paris Galerie Rudolf Zwirner, Cologne Collection particulière européenne (acquise de la précédente en 1982)

expositions Londres, Institute of contemporary arts, « Wols », 23 juin – 13 juil. 1957, cat. no 37 Frankfurt am Main, Frankfurter Kunstverein Steinernes Haus, « Wols, Gemälde, Aquarelle, Zeichnungen, Fotos », 20 nov. 1965 – 2 janv. 1966, cat. no 7, rep. Berlin, Nationalgalerie, Staatlich Museen Preussischer Kulturbesitz, « Wols, Gemälde, Aquarelle, Zeichnungen », 13 sep. –5 nov. 1973, cat. no 1, rep. p. 96, p. 45 Cologne, galerie Karsten Greve, « Wols », 24 avr. – 27 juin 1998, cat., rep. p. 36-37 Londres, Royal Academy of Arts, 26 janv. – 19 avr. 2002; Bilbao, Guggenheim Museum, 21 mai – 3 sept. 2002; « Paris: Capital of the Arts 1900 – 1968 », cat. n° 169, rep. pp. coul. p. 276

bibliographie Claire van Damme, Wols: biografische documenten, Vol. 1, Drukkerij Goff, 1985, n° 404 Hans-Joachim Petersen, Wols, das Werkverzeichnis der Gemälde, 2010, no 17 Wols, Das große Mysterium, Wiesbaden, Museum Wiesbaden, 17 oct. 2013 – 26 janv. 2014, rep. p. 77

Certificat du Dr Ewald Rathke en date du 23 mai 2017. Certificate of Dr Ewald Rathke, dated 23 May 2017.

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georges mathieu (1921 - 2012)

Composition (Limbe), 1948 Huile sur toile Signée en bas à droite Oil on canvas Signed lower right 96 x 96 cm

provenance Collection Beracasa, Caracas

Cette œuvre figurera au catalogue raisonné des travaux de l’artiste en préparation par le Comité Georges Mathieu sous la direction de M. Édouard Lombard. Certificat du Comité Georges Mathieu no GM40002 en date du 21 septembre 2015. This work will be included in the catalogue raisonné of the artist’s work being prepared by Mr Édouard Lombard. Certificate of the Georges Mathieu Committee, no. GM40002 dated 21 September 2015.

« Personne [...], à l’époque, à Paris n’a encore entendu les noms ni de Pollock, ni de De Kooning, ni de Tobey. Je suis le premier à les mentionner à Estienne, à Jaguer, à Guilly, à Tapié. La critique parisienne, qui était loin d’avoir conscience de l’existence de nouveaux courants de la peinture en France, n’avait bien entendu aucun soupçon de l’existence de leurs équivalents en Amérique où, pour la première fois en trois cents ans, l’on assistait à la naissance d’un véritable art américain autonome. J’écrivis donc au début du mois d’août [1948, NdR] à différentes galeries de New York pour leur demander d’envoyer par avion des dessins et des gouaches. L’exposition doit avoir lieu à la Galerie du Montparnasse, une librairie qui vient de se transformer en galerie et qui est dirigée, elle aussi, par une dame, Gilberte Sollacaro. La liste est établie, elle comprend : Bryen, De Kooning, Gorky, Hartung, Mathieu, Picabia, Pollock, Reinhardt, Rothko, Russell, Sauer, Tobey et Wols. » Georges Mathieu « Le monde ne voit en général que l’apparence des choses, ignore volontiers les critères d’authenticité, et se trouve bien incapable de faire la différence entre l’art et le non-art. » Georges Mathieu

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‘At the time, nobody in Paris had yet heard the name Pollock nor De Kooning nor Tobey. I was the first person to mention them to Estienne, Jaguar, Guilly, and Tapié. Parisian critical circles, which were a long way away from being aware of the existence of new trends in painting in France, did not of course suspect for a moment that their equivalents existed in America where, for the first time in 300 years, we were witnessing the birth of a truly autonomous American art. So at the beginning of August [1948], I wrote to various New York galleries asking them to send by air drawings and gouaches. The exhibition was to take place in the Galerie du Montparnasse, a bookshop which had just been transformed into a gallery and was run by a woman, Gilberte Sollacaro. When the list was drawn up, it consisted of Bryen, De Kooning, Gorky, Hartung, Mathieu, Picabia, Pollock, Reinhardt, Rothko, Russel, Sauer, Tobey, and Wols.’ Georges Mathieu ‘The world in general sees only the appearance of things, deliberately ignores criteria of authenticity, and finds itself entirely incapable of distinguishing between art and non-art.’ Georges Mathieu



camille bryen (1907 - 1977)

Psychotachique, 1954 Huile sur toile Signée en bas à droite Oil on canvas Signed lower right 92 x 65 cm

provenance Galerie Pierre, Paris Galerie Prazan-Fitoussi, Paris Collection particulière, Genève Applicat-Prazan, Paris Collection Lebrun, Bruxelles

expositions Paris, galerie Pierre, « Bryen », 14 – 30 mai 1954 Paris, galerie Prazan-Fitoussi, « 10 œuvres majeures de l’art abstrait des années 50, la Collection des 3B », 1990, cat., rep. pp. coul.

bibliographie Jacqueline Boutet-Loyer, Camille Bryen, l’œuvre peint, édité par l’auteur, Paris 1986, n° 51, rep. p.119

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henri michaux (1899 - 1984)

Adulte fœtal et sa suite, 1945 Aquarelle et encre de chine sur papier Monogrammée en bas à droite Watercolour and india ink on paper Monogrammed lower right 65 x 50 cm

provenance Collection Alain et Olga Rodel, Paris

expositions Paris, galerie René Drouin, « Parcours 1939 à 1956 », 25 mai - 16 juin 1956 Saint-Paul de Vence, Fondation Maeght, « Henri Michaux », 3 avr. - 10 juin 1976, cat n° 25, rep. p. 20 Paris, musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, 15 mars - 14 juin 1978 ; New York, Solomon R. Guggenheim Museum, 6 sept. - 15 oct. 1978 ; « Henri Michaux », cat. n° 32, rep. p. 53 Tokyo, The Seibu Museum of Art, « Henri Michaux », 2 janv. - 21 fév. 1983, cat n° 22, rep. p. 52

Cette œuvre figurera au catalogue raisonné des travaux de l’artiste en préparation par Mme Micheline Phankim, M. Rainer M. Mason et M. Franck Leibovici. This painting will be included in the catalogue raisonné of the artist’s work being prepared by Mrs Micheline Phankim, Mr Rainer M. Masonet, and Mr Frank Leibovici.

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jean dubuffet (1901 - 1985)

Mirobolus blanc, 1945-1946 Haute pâte sur toile Signée et datée au dos Haute pâte on canvas Signed and dated on the reverse 46 x 38 cm

provenance Galerie René Drouin, Paris Collection Alfonso Ossorio et Edward Dragon, East Hampton The Pace Gallery, New York Collection John N. et Dodie Rosekrans, San Francisco

expositions Paris, galerie René Drouin, « Mirobolus, Macadam & Cie, Hautes Pâtes de Jean Dubuffet », mai - juin 1946, cat. n° 29, rep. p. 2 Paris, musée des Arts décoratifs, « Jean Dubuffet 1942 - 1960 », déc. 1960 – fév. 1961, cat. n° 26 New York, The Pace Gallery, « Jean Dubuffet: A Retrospective », avr. - mai 1987 Washington, D.C., Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, « Jean Dubuffet 1943 - 1963: Paintings, Sculptures, Assemblages », juin – sept. 1993, cat. n° 14, rep. coul. p. 57

bibliographie Michel Tapié, Mirobolus, Macadam et Cie, Hautes Pâtes, Paris 1946, rep. p. 33 Max Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, fascicule II: Mirobolus, Macadam & Cie, Jean-Jacques Pauvert éditeur, 1966, n° 96, rep. p. 66 Mildred Glimcher, Jean Dubuffet: towards an alternative reality, New York 1987, rep. coul. p. 61 Munich, Villa Stuck, Am Anfang war das Bild, 1990, cat., rep. p. 166

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« Sa recherche de puissance violente, hors de tout effet coloré, l’amena vite à violenter la matière elle-même, les habitudes vis-à-vis de la matière ; l’emploi de matières inhabituelles, d’une apparence provocatrice qui sous un masque sordide livrait à ceux qui savent passer outre et voir le réel les secrets d’une savante élaboration où la puissance la plus ramassée n’excluait nullement un très profond raffinement, donna lieu à cette stupéfiante série des “Hautes Pâtes“. » Michel Tapié, Un art autre. n.p. ‘His quest for violent power, detached from any effect of colour, rapidly led him to do violence to the material itself, to the usual habits in relation to material; the use of unusual materials, whose provocative appearance which, beneath a sordid mask, yielded up to those who know how to go beyond and to see the reality the secrets of a skilful elaboration in which the most concentrated power in no way excludes an extremely profound refinement, resulted in this stupefying series of Hautes Pâtes.’ Michel Tapié, Un art autre. n.p.



jean fautrier (1898 - 1964)

Tête d’otage no 4, 1944 Huile sur papier marouflé sur toile Signée et datée en bas à droite Oil on paper mounted on canvas Signed and dated lower right 47,5 x 55,4 cm

provenance Galerie René Drouin, Paris Collection Eknayan, Paris

expositions Martigny, Fondation Pierre Gianadda, « Jean Fautrier », 17 déc. 2004 - 13 mars 2005, cat., rep. coul. p. 99, n° 43 Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, « Jean Fautrier, Matière et Lumière », 26 janv. – 20 mai 2018, cat n° 68, rep. pp. coul p. 128

bibliographie Palma Bucarelli, Jean Fautrier, Catalogo delle Opere, Milan 1960, n° 156, rep. p. 316 Yves Peyré, Fautrier ou les outrages de l’impossible, éditions du regard, Paris 1990, rep. pp. coul. p.177 Connaissance des arts, hors-série n° 793 consacré à l’exposition « Jean Fautrier, Matière et Lumière », au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 26 janv. – 20 mai 2018, janv. 2018, rep. en couverture Trois estampes ont été réalisées d’après cette œuvre, dont L’otage aux mains I, eau-forte, aquatinte et gaufrage en couleur sur japon ancien, 208 x 293 mm, Engelberts 1944/8, rep. n° 251 II p. 125, in Rainer Michael Mason, Jean Fautrier, Les estampes, Cabinet des Estampes, galerie Tendances, Genève/Paris 1986.

Cette œuvre figurera au catalogue raisonné des travaux de l’artiste en préparation par Mme Marie-José Lefort. L’épreuve numérotée XI/XXV dans la marge en bas à gauche, signée dans la marge en bas à droite, accompagne gracieusement cette peinture. This painting will be included in the catalogue raisonné of the artist’s work being prepared by Mrs Marie-José Lefort. The proof numbered XI/XXV in the bottom left margin, signed in the bottom right margin, provides a graceful accompaniment to this painting.

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« Impossible alors de rester indifférent devant ces peintures chargées du plus haut tragique incantatoire et de la moins chiffrable mais de la plus inépuisable expressivité. Et pourtant ici, plus de problème de dessin, de composition, d’accords de tons et toutes autres certitudes picturales acquises : les gens de métier faisaient de drôles de têtes…» Michel Tapié, Un art autre. n.p. ‘It is impossible to remain indifferent before these paintings charged with the highest incantatory tragedy and the least decipherable but the most endless expressivity. And yet here, there is no longer any problem with drawing, composition, agreements of tones, or any other of the accepted pictorial certainties: people in the trade were sceptical…’ Michel Tapié, Un art autre. n.p.



sam francis (1923 - 1994)

Turquoise and Pink, 1949-1950 Huile sur toile Signée sur le châssis au dos Oil on canvas Signed and dated on the stretcher on the reverse 134,6 x 99 cm

provenance Collection Jean-Paul Riopelle, France, Canada (acquise par l’artiste dans les années cinquante)

expositions Paris, galerie Nina Dausset, « Sam Francis : Peintures », 8 - 28 fev. 1952, cat., rep. Bern, Kunsthalle, « Sam Francis », 28 mai - 17 juil. 1960; cat. n° 1 Stockholm, Moderna Museet, « Sam Francis: Sweet Beat », 16 sept. – oct. 1960, cat. n° 1, rep.

bibliographie Galerie Kornfeld, Sam Francis: 40 Years of Friendship - Werke 1945-1990, Bern 1991 ; cat., rep. p.6 Galerie nationale du Jeu de Paume, Sam Francis : Les années parisiennes 1950-1961, Paris 1995 ; cat., rep. p. 172-173 Kunstmuseum Bern, Sam Francis und Bern, Bern 2006 ; cat., rep. p. 16 Peter Selz, Sam Francis, Harry N. Abrams, New York 1975, rep. p. 34 Peter Selz, Sam Francis, Harry N. Abrams, Rev. ed., New York 1982, rep. p. 34 Michel Waldberg, Sam Francis: Metaphysics of the Void. Philosophy of the Arts, Moos Book Publishing, Toronto 1987, rep. p. 181

Sam Francis a débuté l’exécution de cette œuvre à Berkeley juste avant son départ pour Paris où il l’a achevée à l’Hôtel de Seine en octobre 1950. Cette œuvre est répertoriée par les Archives Sam Francis sous les numéros SFP50-9/SFP50-15A. Sam Francis started this work at Berkeley just before he left for Paris, where he completed it in the Hôtel de Seine in October 1950. This work is listed in the Sam Francis Archives under the numbers SFP50-9/SFP50-15A.

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Sam Francis, galerie Nina Dausset, 1952



karel appel (1921 - 2006)

L'Enfant au cheval de bois, 1952 Huile sur toile Signée et datée en bas à droite Oil on canvas Signed and dated lower right 130 x 115 cm

provenance Collection privée, Suisse

bibliographie Peter Bellew, Karel Appel, Le Grandi Monografie, Pittori d’Oggi, Fratelli Fabbri Editori, Milan 1968, p. 69 (titrée La Cavalière) Michel Ragon, Karel Appel, Peinture 1937 – 1957, éditions Galilée, Paris 1988, n° 689, rep. pp. coul. p. 387

Certificat de la Fondation Karel Appel no 1701X52 en date du 6 février 2017. Certificate of the Karel Appel Foundation number 1701X52 dated 6 February 2017.

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pierre soulages (né en 1919)

Peinture 92 x 65 cm, 15 janvier 1956 Huile sur toile Signée en bas à droite Oil on canvas Signed lower right 92 x 65 cm

provenance Collection H. Gates Lloyd, Haverford (États-Unis)

exposition Philadelphia, Philadelphia Museum of Art, « Philadelphia collects 20th century », 3 oct. – 17 nov. 1963

bibliographie Pierre Encrevé, Soulages, l’Œuvre complet, Peintures, Vol. I. 1946 – 1959, Seuil, Paris novembre 1994, no 218, rep. coul. p. 210

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hans hartung (1904 - 1989)

Sans titre, 1947 Huile sur toile Signée et datée en bas à gauche Oil on canvas Signed and dated lower left 38 x 100 cm

provenance Galerie de France, Paris Collection Jean Pollak, Paris Collection particulière

expositions Cahors, musée Henri Martin ; St-Cirq-Lapopie, musée Rignault ; Les Arques, musée Zadkine, « 50 ans de peinture en France, une galerie, une collection », 18 juin - 30 oct. 2005, cat., rep. p. 12

bibliographie Patrick-Gilles Persin, Galerie Ariel 50 ans, Au Même Titre Éditions, Paris 2002, rep. pp. coul. p. 18

Cette œuvre figurera au catalogue raisonné des travaux de l’artiste en préparation par la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman. Archives n° HH5396. This work will be included in the catalogue raisonné of the artist’s work being prepared by the Hans Hartung & Anna-Eva Bergman Foundation. Archive number HH5396.

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jean-paul riopelle (1923 - 2002)

Sans titre, vers 1950 Huile sur toile Oil on canvas 50,7 x 62,6 cm

provenance Collection Patrick Waldberg, Paris Collection E.L.T. Mesens, Londres Collection privée, Suisse

Cette œuvre figurera sous le numéro 1950-046H au prochain addendum à paraître du catalogue raisonné des travaux de l’artiste en préparation par Mme Yseult Riopelle. Certificat de Mme Yseult Riopelle no 387-CA-CP en date du 18 mai 2014. This work will appear under the number 1950-046H in the addendum of the catalogue raisonné of the works of the artist being prepared by Mrs Yseult Riopelle. Certificate of Mrs Yseult Riopelle no. 387-CA-CP dated 18 May 2014.

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kazuo shiraga (1924 - 2008)

Sans titre, vers 1961 Huile sur toile Signée en bas à droite Oil on canvas Signed lower left 72,7 x 90,9 cm

provenance Tokyo Gallery, Tokyo Importante collection particulière, Japon (acquise en 1962 de la précédente) Whitestone Gallery, Taipei (acquise auprès des héritiers de la précédente en 2015)

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