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À LA UNE
La kinésithérapie orthopédique, rhumatologique et traumatologique
AXXON EN ACTION
04 Où en sont les dossiers discutés avec le cabinet Vandenbroucke ?
EXXPERT
06 Traitement de la scoliose en Rééducation Posturale Globale
12 Les Mobilisations Articulaires Tangentielles Spécifiques
18 Comment améliorer la prise en charge de l’arthrose du genou dans notre pays ?
EXXTRA
02 Littérature spécialisée
20 Reprobel
Orthopaedics, Trauma and Rheumatology Churchill’s Pocketbook
Cette publication de la série classique
Churchill Livingstone Pocketbook a reçu une mention « Très bien » lors des British Medical Association Medical Book Awards 2009. Ce livre de poche couvre l’essentiel de l’orthopédie, de la traumatologie et de la rhumatologie et constitue un guide pratique de ces trois disciplines combinées dans un format pratique, idéal pour les étudiants, les jeunes médecins et les stagiaires.
AXXON EXCLUSIF PUBLICATION DE L’ASBL AXXON MARS 2024
TRIMESTRIEL ANNÉE 15 NR. 61 IMPERIASTRAAT 16 - 1930 ZAVENTEM
BUREAU DE DÉPÔT : ANVERS X NUMÉRO D’AGRÉMENT : P910669
EDITEUR RESPONSABLE : PETER BRUYNOOGHE IMPERIASTRAAT
16 -1930 ZAVENTEM
RÉDACTION & COPYWRITING: SÉBASTIEN KOSZULAP & HELENA
D.MILONAS REDACTION@AXXON.BE
CONCEPT ET RÉALISATION : ANTILOPE DE BIE printing
IMPRESSION : ANTILOPE DE BIE printing
ADRESSE DE CORRESPONDANCE : AXXON IMPERIASTRAAT 16 - 1930
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Auteurs : Daniel Porter, Stuart H. Ralston, Andrew D. Duckworth
Editeur : Elsevier Health Sciences
Date de publication : 1 Mai 2016
Nombre de pages : 272
ISBN : 9780702063183
Format : broché
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Convention M24 :
pouvons-nous être satisfaits ?
Comme lors de chaque fin d’année, vos représentants en Commission de convention ont âprement défendu vos intérêts entre octobre et décembre 2023.
Pour cette année 2024, en plus du montant de l’indexation, notre secteur a bénéficié d’une enveloppe supplémentaire de 40 millions d’euros. Pour rappel, ce montant supplémentaire s’élevait à quelque 25 millions d’euros l’année passée.
Notre travail a donc consisté à « distribuer » le plus efficacement possible le montant supplémentaire global (indexation + supplément) entre les différents postes de notre profession tout en négociant avec les organismes assureurs. Vous avez pu retrouver cette distribution sur le site web de l’INAMI.
La particularité de cette convention M24 réside aussi dans les engagements qui y sont notés (et que je vous invite à lire attentivement) et qui obligeront les membres de la Commission de convention à être productifs et à trouver ensemble les solutions pour y répondre. Des échéances sont définies pour avancer sur ces points. Fin juin 2024, des propositions concrètes
doivent être proposées au sein de la Commission. Malgré cela, pouvonsnous être satisfaits de ces avancées ? Certainement pas.
Nous sommes encore loin des montants que devraient percevoir les kinésithérapeutes en vertu de leurs responsabilités et de leurs compétences.
La simplification administrative que nous attendons tous ne se concrétise pas.
L’informatisation du secteur avance, mais pas assez vite.
La règle des 25% pour le remboursement des patients soignés par des prestataires non conventionnés reste d’application malgré la position claire des parlementaires fédéraux, qui sont favorables à cette suppression. Etc.
Durant les mois de janvier et de février, au travers de nos « Rencontres provinciales », l’association professionnelle est venue écouter les kinésithérapeutes sur le terrain. Au moment d’écrire cet éditorial, je ne peux pas encore en tirer de conclusions définitives – toutes les rencontres n’ayant pas
˝AXXON relaiera vos remarques, griefs et doléances au plus haut niveau.˝
encore eu lieu – mais il est certain que l’objectif sera de faire remonter vos remarques, griefs et doléances au plus haut niveau. Cette année 2024 est une année électorale et nous profiterons de l’écoute attentive des acteurs du monde politique que nous rencontrerons.
La volonté d’AXXON reste très claire : la kinésithérapie doit être reconnue à sa juste valeur et nous utiliserons tous les canaux possibles pour y arriver.
Votre association de défense professionnelle veut rester à votre écoute, en toute transparence et nous avons besoin de vous pour étayer et documenter au mieux les démarches que nous entreprenons au seul profit du kinésithérapeute.
Où en sont les dossiers discutés avec le cabinet Vandenbroucke ?
Suite aux entretiens qui ont eu lieu au cabinet du ministre Vandenbroucke (voir AXXON Exclusif de septembre 2023), faisons le point sur l’état d’avancement d’un certain nombre de dossiers.
Coûts des avantages sociaux
INAMI
Le ministre ne dispose toujours pas de l’estimation financière de l’INAMI du coût de l’octroi des avantages sociaux INAMI aux kinésithérapeutes salariés travaillant dans les institutions fédérales de soins de santé. Le ministre ne veut donc accorder ces avantages qu’aux kinésithérapeutes exerçant en milieu hospitalier et en centres de rééducation, étant donné que les centres de soins résidentiels relèvent de la compétence des Régions. Le gouvernement (lire « l’INAMI ») ne dispose toujours pas du cadastre dynamique tant attendu pour vérifier le nombre de kinésithérapeutes concernés, ce qui rend difficile une évaluation financière correcte. AXXON continue de suivre le dossier avec la plus grande attention.
Qualifications professionnelles particulières
L’arrêté ministériel (AM) relatif à la reconnaissance de la qualification professionnelle particulière en kinésithérapie du sport est retardé. Lors d’un groupe de travail intercabinets (entre les Régions et
le Fédéral), la Région de BruxellesCapitale a émis des objections sur cet AM. Un organisme de formation francophone organise actuellement une formation en kinésithérapie du sport, ouverte à d’autres professions de santé, dont le nombre d’unités de formation est nettement inférieur à ce qui est proposé dans l’AM. Il demande donc une période de transition de 3 ans pour s’aligner sur les conditions de l’AM. Après retour du cabinet Vandenbroucke, une lettre du Conseil Fédéral de la Kinésithérapie a présenté des arguments supplémentaires en faveur du maintien de l’AM dans sa forme originale. Cette lettre a été soutenue par tous les doyens des facultés de kinésithérapie. Il est à espérer que ce dossier va maintenant pouvoir rapidement avancer et être publié. Dans le contexte belge, la tenue d’un groupe de travail intercabinets est parfois l’occasion d’utiliser certains dossiers comme monnaie d’échange pour faire passer son propre dossier. On est en droit de s’interroger sur la valeur démocratique de telles pratiques. AXXON a également rappelé au cabinet sa promesse de travailler, avant la dissolution
du Parlement suite aux élections, à la publication des AM relatifs aux qualifications professionnelles particulières en kinésithérapie chez les personnes âgées et en soins de santé mentale.
Accès direct
Le 19 décembre 2023, sous l’œil attentif du vice-chef de cabinet Bernard Lange, le projet pilote « Examen kinésithérapique en accès direct » (EKAD) a été discuté avec les représentants de plusieurs syndicats de médecins. Les médecins ont déjà formulé une série de remarques sur ce projet pilote. Les certificats d’incapacité de travail constituent l’une des principales pierres d’achoppement. En effet, les médecins ne veulent pas être réduits à des machines à délivrer des certificats alors que le travail de diagnostic et de traitement est effectué par d’autres disciplines. Et quid si des médicaments doivent être prescrits ?
Procédure à suivre lorsqu’un patient se présente Lorsqu’un patient se présente, la première étape du screening kinésithérapique sert à déterminer si le kinésithérapeute est la personne appropriée pour répondre à la demande d’aide ou à la plainte et
si la situation est « sûre ». L’examen kinésithérapique ne peut avoir lieu que si ce screening indique une « situation sûre » (pas de « drapeaux rouges/red flags ») et qu’un éventuel traitement kinésithérapique ne s’accompagne pas d’une incapacité de travail. Lors de l’EKAD, le kinésithérapeute pose un diagnostic kinésithérapique, établit le bilan et le plan de traitement avec le patient. Dans la proposition, le patient ne peut recourir à l’EKAD que maximum trois fois par année civile. Ce n’est que si les résultats de l’examen indiquent également une « situation sûre » sans incapacité de travail que le traitement kinésithérapique peut commencer. La proposition prévoit un maximum de neuf séances en accès direct. L’accès direct au traitement kinésithérapique n’est autorisé que si la situation ne présente aucun risque pendant les étapes précitées, c’est-à-dire si des enfants, adolescents ou adultes se présentent avec un schéma connu du kinésithérapeute qui évolue normalement ou qui évolue de manière anormale mais explicable. Dans le cadre de l’accès direct à la kinésithérapie, seuls les troubles, déficiences et problèmes légers et modérés sont traités de manière autonome, sans intervention médicale ni prescription, de manière
sûre et efficace, conformément aux connaissances scientifiques et aux directives pratiques actuelles. Bien entendu, comme par le passé, tout médecin peut continuer à prescrire un traitement ou une prestation de kinésithérapie à tout moment.
Le médecin conserve le contrôle des soins
Une communication efficace et directe entre le kinésithérapeute et le médecin généraliste ou le médecin spécialiste est indispensable tout au long de cette procédure. Par ailleurs, l’intention n’est pas que le patient interrompe ses activités de la vie quotidienne ni son activité professionnelle, de sorte qu’il n’est en principe pas nécessaire d’établir un certificat d’incapacité de travail. Si ce devait être le cas, le patient doit d’abord consulter son médecin généraliste ou son médecin spécialiste.
Réduction des coûts des soins de santé, meilleure observance de la thérapie Les recherches et expériences menées en Australie, en NouvelleZélande, aux États-Unis et dans plus de la moitié des pays européens montrent que l’accès direct à la kinésithérapie réduit les coûts des soins de santé et accélère le retour
au travail. L’observance de la thérapie est en outre meilleure et les séances nécessaires sont moins nombreuses qu’après une prescription médicale, tout comme les examens techniques et les interventions chirurgicales.
La présente proposition de projet pilote sur l’accès direct à la kinésithérapie répond à la demande, dans les circonstances de soins définies, d’utiliser de manière positive les compétences que possèdent aujourd’hui les kinésithérapeutes. Dans la phase finale de ce projet pilote, une analyse et une comparaison peuvent être effectuées entre les données de l’EKAD avec traitement versus le traitement sur prescription. Un suivi du rapport coût-bénéfice devrait être effectué afin de déterminer si l’EKAD avec traitements ultérieurs peut conduire à une surconsommation ou non. La réduction des coûts secondaires tels que l’imagerie, la chirurgie et les médicaments peut également être inventoriée.
Après de nouvelles discussions avec les syndicats de médecins, il faudra attendre de voir si le cabinet mettra effectivement en œuvre ce projet pilote.
Traitement de la scoliose en Rééducation Posturale
Globale
Apport de la Rééducation Posturale Globale dans la compréhension de la scoliose et proposition de traitement.
AVEC LA COLLABORATION DE MYRIAM ONGENAED - KINÉSITHÉRAPEUTE RPG
La scoliose est une déformation multidirectionnelle de la colonne vertébrale, avec rotation des vertèbres vers la concavité, quels que soient le nombre, la localisation et le degré des courbures. La scoliose idiopathique de l’adolescent touche entre 2 et 3 % de la population mondiale. On détecte un début de scoliose chez plus de 10 % des adolescents. Cependant, seul 1 % développent une scoliose qui nécessitera une prise en charge.
Classification
Selon la littérature scientifique, les scolioses sont classifiées en congénitales, neuromusculaires, idiopathiques ou autres.
La scoliose idiopathique peut être divisée en scoliose infantile, juvénile, de l’adolescent, de l’adulte et scoliose de novo (dégénérative). Si environ 80 % des scolioses sont d’origine idiopathique, c’est-à-dire d’étiologie inconnue, les études les plus récentes
semblent confirmer que les causes génétiques et environnementales sont prédominantes. En effet, environ 40 % des patients scoliotiques ont un parent atteint de scoliose, la prédominance mère-fille étant proche de 30 %.
Enfin, la prévalence de la scoliose chez la femme varie de 1,5 jusqu’à 3 pour 1. C’est dans la scoliose féminine que l’on retrouvera la prévalence des courbes avec des angles de Cobb plus élevés.
Moins de 3 % des courbes ont un angle de Cobb supérieur à 10° et seulement 0,3 % des courbes ont un angle de Cobb supérieur à 50°. Il est intéressant d’observer que 90 % des scolioses thoraciques ont une convexité droite tandis que 70 % des scolioses lombaires ont une convexité gauche.
La scoliose : déformation morphologique
La scoliose est liée à la croissance et a évidemment tendance à s’aggraver pendant la puberté, c’est-à-dire le moment où la colonne vertébrale se développe davantage que les membres inférieurs. C’est une pathologie qui présente les composantes de latéro et postéroflexion du tronc (avec le plus souvent une rectification des
courbures dorsales), rotation des épineuses dans le sens de la concavité et compression ou tassement. Elle peut donc être définie comme quadridimensionnelle.
Il est indéniable que la scoliose est une pathologie musculosquelettique pour laquelle la tâche du kinésithérapeute, qu’il soit formé à la Rééducation Posturale Globale (RPG) ou non, sera d’identifier les responsabilités mécaniques qui sont à la base de la torsion vertébrale.
Parmi les principaux muscles de la colonne vertébrale responsables de la torsion scoliotique, citons :
les muscles spinaux pluri-articulaires: A l’épi-épineux (spinalis/postéro-fléchisseur), le transversaire épineux (semi-spinalis/postéro et latérofléchisseur, rotateur avec son relais occipital par le grand complexus, le long dorsal (longissimus dorsi/ latérofléchisseur) avec le petit complexus comme relais jusqu’à l’apophyse mastoïde et le sacro-lombaire (iliocostal/ postéro et latérofléchisseurs).
les muscles monoarticulaires : interépineux (postéro-fléchisseur), intertransversaires (latérofléchisseurs). L’action combinée de ces muscles produit un effet de torsion sur la colonne vertébrale.
D’autres muscles participent à la torsion, tels que le carré des lombes, le psoas, les obliques internes et externes de l’abdomen.
Le muscle transversaire épineux B sera le plus grand responsable de la torsion vertébrale, au travers de l’action de ses 4 faisceaux : les semispinalis, le multifidus et les muscles longs et courts rotateurs. Il convient de rappeler que les muscles « long rotateur » et « court rotateur » sont des muscles courts avec un moment de force de rotation le plus élevé dans toute la colonne vertébrale.
Les effets de la charge asymétrique, qui débutent sans doute comme un phénomène musculaire, vont évoluer dans le temps en se transmettant au disque intervertébral et ensuite aux vertèbres elles-mêmes, qui finissent par prendre une forme de coin (cunéiformisation). On assistera donc à la structuration de la courbe au cours du temps et de manière parfois irréversible.
Principes de la Rééducation Posturale Globale
La Rééducation Posturale Globale est une méthode de kinésithérapie créée au début des années 1980 par le kinésithérapeute français Philippe Emmanuel Souchard.
La première identité de la RPG est la revalorisation de la fonction statique. Celle-ci se subdivise en un système d’érection du rachis, un système de suspension thorax – membres
supérieurs – viscères – périnée – rotule - voûte plantaire – etc. et un système d’équilibre des tensions réciproques.
La fonction statique est donc loin de l’immobilité, mais doit être comprise en orthostatisme comme une fonction de contrôle d’équilibre ou, autrement dit, de contrôle des oscillations et des déséquilibres.
Les muscles à fonction statique se caractérisent par un pourcentage élevé de fibres lentes (Ia),
des motoneurones de petit diamètre, une richesse en tissus conjonctifs et une proportion plus importante de collagène par rapport à l’élastine (importance des renforts fasciaux). Ces muscles ont une forme et une longueur particulière, une brièveté des tendons et se distinguent par un type de levier et des angles de traction spécifiques.
Ce sont donc des muscles antigravitaires, plus fibreux, avec grande présence de fuseaux neuromusculaires et de collagène, un tonus de base élevé et une grande activité mitochondriale. Ils sont peu fatigables et très vascularisés.
D’une part, en l’état actuel des connaissances, il est possible de comparer le fonctionnement musculaire à un système à ressorts, ayant la capacité à résister aux forces internes ou externes agissants sur les articulations. Il en résulte une tendance à retrouver la longueur d’origine après étirement mais également à avoir la capacité à restituer une force passive.
Par leur structure, les muscles de la fonction statique vont jouer un rôle de frein aux oscillations et aux déséquilibres. Leurs tendances pathologiques seront le raccourcissement, la raideur et l’hypertonie. Un muscle qui augmente sa rigidité aura tendance à dévier l’os dans le sens du raccourcissement. C’est la clé de l’analyse et de la compréhension de la déviation scoliotique en RPG.
D’autre part, la coordination motrice dynamique et le contrôle de l’équilibre statique nécessitent la présence de synergies de coordination neuromusculaire. Ces systèmes englobent l’ensemble du corps humain et nous obligent à le considérer comme un système global dans lequel les tensions et les déséquilibres doivent chercher de
manière indépendante à se rééquilibrer pour continuer à assurer correctement les fonctions musculosquelettiques, viscérales et organiques.
C’est pour cette raison que nous considérons qu’une approche globale est nécessaire dans tout type de rééducation musculosquelettique, a fortiori dans une pathologie comme la scoliose qui implique directement la colonne vertébrale, véritable centre de soutien du squelette humain.
Malgré quelques torsions dramatiques de la colonne vertébrale, le mécanisme musculaire de la scoliose continue de garantir la fonction antigravitaire, de sorte que la scoliose n’effondre pas la colonne vertébrale mais la visse dans le sens de l’extension.
La scoliose doit donc être comprise comme une torsion : en géométrie solide, on ne parle pas de rotation mais de torsion sur un axe et la scoliose présente très souvent une torsion et une contre-torsion.
En résumé
La Rééducation Posturale Globale est une méthode de thérapie manuelle basée sur le concept de bipolarité musculaire. Celui-ci prend en compte les différences anatomiques métaboliques et fonctionnelles entre les fibres musculaires statiques et dynamiques.
La RPG nécessite des postures actives permettant de travailler simultanément les muscles statiques (isotonique excentrique) et dynamiques (isotonique concentrique) dans le but de normaliser la morphologie, régler les lésions articulaires et retrouver une fonction optimale. Cela implique des exercices d’intégration sensorimotrice. Le but du traitement est de corriger les restrictions de mobilité, qui peuvent influencer négativement le bon fonctionnement de l’appareil musculosquelettique. Une bonne connaissance de la physiologie musculosquelettique
nous permettra d’en comprendre la physiopathologie et à travers les principes de traitement de causalité, d’individualité et de globalité, nous pourrons structurer un traitement personnalisé pour chaque patient. Le traitement de la scoliose est toujours multidisciplinaire, la collaboration entre les différents acteurs est fondamentale : le médecin orthopédique, le kinésithérapeute, le technicien orthopédique qui fera le corset si nécessaire et la famille du patient.
Le traitement de la scoliose en RPG
Les 6 piliers du traitement en RPG :
1 La globalité des allongements
2 La création de sarcomères en série
3 L’allongement du tissu conjonctif, grâce à la contraction isométrique de faible intensité
4 Le rôle du temps dans les allongements (“fluage”)
5 Le réflexe myotatique inverse
6 La participation active du patient
Principes de correction des scolioses
Le caractère pluridimensionnel des déformations de la scoliose requiert des principes de traitement minutieux et logiques.
Avant les séances, l’anamnèse doit être complète, les documents radiologiques examinés minutieusement ainsi que les déformations morphologiques du patient.
Les tests de correction des courbures (rééquilibrations) sont effectués manuellement en ouverture et en fermeture d’angle coxofémoral. Ces tests permettent d’identifier les postures de traitement.
Causalité oblige, ce sont celles dans lesquelles la scoliose se montre la plus irréductible, les muscles les plus raccourcis ou dont la correction entraîne les compensations les plus importantes qui doivent être choisies. Ces tests de rééquilibration offrent l’opportunité irremplaçable d’identifier les relations des courbures entre elles, le type et l’importance des compensations créées.
Ces tests ont été codifiés, tout comme les corrélations les plus habituelles, classées sous l’appellation « diagonales traditionnelles ». Ils garantissent les bases de la séance de traitement. Il reste alors au kinésithérapeute à se muer en artisan de précision, capable d’observer, de sentir manuellement et de raisonner biomécaniquement.
D’autres principes solidement établis et hiérarchisés viennent encore au secours du kinésithérapeute durant la séance de traitement.
1 La première correction manuelle doit porter sur la zone présentant la plus forte déformité et celle dont la correction est la plus lourde de conséquences. C’est l’intention thérapeutique.
2 La détorsion doit précéder la traction axiale, car celle-ci impose une telle tension aux muscles raccourcis qu’elle rend impossible ou très difficile cette détorsion indispensable.
On peut arracher un clou, on ne peut pas arracher une vis.
Dans les scolioses dorsales raides de l’adulte - que l’on retrouve parfois même chez l’adolescentla détorsion manuelle vertébrale en délordose ou recyphose dorsale, délatéroflexion et dérotation, ne peut être obtenue en corrigeant simultanément tous les paramètres. Un ordre doit être respecté, suivant les cas :
• Dans les scolioses tridimensionnelles caractérisées (avec rectification dorsale), pour pouvoir détordre en recyphosant, il faut faire précéder la délatéroflexion par la dérotation.
• Dans les scolioses dorsales cyphotiques, pour détordre en décyphosant, il faut faire précéder la dérotation par la délatéroflexion.
3 Toutes les compensations déjà repérées durant l’examen et les tests de rééquilibration doivent être, à ce stade, acceptées. Elles peuvent offrir des pistes nouvelles menant à des points particulièrement impliqués dans la scoliose et qui n’étaient pas apparus auparavant.
4 Les compensations sont ensuite corrigées très progressivement, sans qu’elles ne remettent en cause le maintien de la correction de la scoliose, principalement au niveau des dysmorphismes jugés fondamentaux.
5 Cette mise en globalité se fait toujours en décoaptation lors de la tension, de façon à parvenir à la décompression des disques intervertébraux et en expiration profonde. Elle est accompagnée de la contraction isométrique des groupes musculaires les plus rétractés. Celleci est exigée chaque fois qu’il est nécessaire de faire lâcher un nœud musculaire spécifique.
6 La meilleure participation possible du patient à sa propre correction est fondamentale. Certains présentent des difficultés au niveau de leur sens corporel, qui vont en s’améliorant avec la progression du traitement. Dans ces cas, les intégrations se révèlent encore plus précieuses.
7 Comme dans le cas des déformations antéro-postérieures, d’autres systèmes de coordinations neuromusculaires peuvent être concernés par la pathologie scoliotique. Des postures de traitement spécifiques leur seront alors nécessaires.
Enfin, et cela ne peut que désespérer un peu plus tous les amateurs de recettes universelles, aucune scoliose n’est identique à une autre et le résultat dépend de l’importance de la pathologie et du risque scoliotique d’une part, du professionnalisme et du talent du kinésithérapeute d’autre part. Le traitement de la scoliose oblige ainsi ce dernier à constamment hausser son niveau de compétence.
Traitement de la scoliose en Rééducation Posturale Globale Apport de la Rééducation Posturale Globale dans la compréhension de la scoliose et proposition de traitement AVEC LA COLLABORATION DE MYRIAM ONGENAED KINÉSITHÉRAPEUTE RPG
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31. Active self-correction and task-oriented exercises reduce spinal deformity and improve quality of life in subjects with mild adolescent idiopathic scoliosis. Results of a randomised controlled trial. Monticone M, Ambrosini E, Cazzaniga D, Rocca B, Ferrante S. Eur Spine J. 2014;23:1204–1214. -
32. Adults with idiopathic scoliosis improve disability after motor and cognitive rehabilitation: results of a randomised controlled trial. Monticone M, Ambrosini E, Cazzaniga D, et al. Eur Spine J. 2016;25:3120–3129. -
33. The effectiveness of core stabilization exercise in adolescent idiopathic scoliosis: a randomized controlled trial. Gür G, Ayhan C,Yakut Y. Prosthet Orthot Int. 2017;41:303–310. -
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35. Bracing and exercise-based treatment for idiopathic scoliosis. Kalichman L, Kendelker L, Bezalel T. J Bodyw Mov Ther. 2016;20:56–64. - PubMed
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Les Mobilisations Articulaires Tangentielles Spécifiques
Quel impact ont-elles sur la normalisation des tensions musculaires ?
Depuis plus de 50 ans, la Kinésithérapie Analytique propose un ensemble de techniques diagnostiques et thérapeutiques utiles à la prise en charge des troubles musculo-squelettiques, des pathologies orthopédiques, rhumatologiques et traumatiques, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant.
Son approche se fonde notamment sur la relation étroite entre la qualité des stimuli mécaniques et les réponses engendrées au niveau tissulaire et cellulaire (Sohier, 2000).
Cette « physiologie microscopique », méconnue lors du développement de ces techniques, est de plus en plus analysée dans la mécanobiologie, science fondamentale émergente réunissant la biologie, la physique et, par exemple, leur implication dans la bio-ingénierie (Jansen et al., 2015).
Elle étudie comment les stimulations mécaniques déterminent le comportement cellulaire, depuis sa morphogénèse, jusqu’à la régulation du milieu extra-cellulaire ou encore dans les processus physiopathologiques liés à certaines
conditions mécaniques (Wang, 2006). Intégré aux principes de sémiologie clinique, l’examen kinésithérapique repose sur une analyse spécifique de la fonction articulaire et du comportement musculaire.
En physiologie, nous retenons trois temps successifs pour l’arrêt de fin de course articulaire : la mise en tension de la musculature antagoniste suivie de la tension capsulo-ligamentaire et finalement la rigidification articulaire terminale, ferme et élastique. Dans ces conditions, la palpation musculaire périarticulaire montre un état de tension normal, physiologique et indolore.
Mais la fonction articulaire peut aussi se trouver altérée, suite par exemple à une prédominance fonctionnelle professionnelle ou sportive, à un déficit de contrôle moteur transitoire ou récurrent, ou encore à l’altération structurelle congénitale ou acquise. L’un des postulats de la Kinésithérapie Analytique est qu’il se produit une translation excessive d’une surface articulaire, dans une ou plusieurs directions, en fonction de la configuration articulaire et de la sollicitation mécanique.
Ce trouble positionnel implique une modification de la cinématique articulaire, perturbant la mobilité et les arrêts de fin de course articulaires, notamment par la mise en tension anormale des éléments capsulo-ligamentaires et musculaires péri-articulaires. L’examen palpatoire révèle ainsi un état de contracture réactionnel pour un ou plusieurs muscles dits « témoins » de cette altération arthro-cinématique.
Ces observations sont évidentes pour des évènements cliniques comme le torticolis facettaire, où les restrictions de mobilité et les contractures musculaires sont importantes. Mais il existe aussi des manifestations mineures, parfois asymptomatiques, présentant les mêmes perturbations articulaires et musculaires, pouvant évoluer à bas bruit vers différentes pathologies.
L’approche analytique permet de diagnostiquer ces situations et propose une prise en charge basée sur les principes de mobilisations articulaires tangentielles spécifiques (MATS), principal outil de la Kinésithérapie Analytique.
Dans le cadre d’un travail de fin d’études (Soumoy C. – HEPH Condorcet, 2023 – Academic Ethical Committee Brussels Alliance for research and Higher Education n°B200-2022-111 ), nous avons analysé l’impact des « MATS » sur une population de gymnastes (Gymnos – Charleroi).
Méthodologie
L’échantillon se compose de 30 gymnastes féminines, âgées de 12 à 18 ans, présentant une restriction de mobilité en flexion dorsale de cheville. Sont exclus les sujets masculins, les gymnastes présentant un antécédent traumatique de la cheville (moins de 6 semaines) ou du membre inférieur (moins de 6 mois) ainsi qu’une instabilité fonctionnelle de la cheville (test IdFAI) (Beaudart et al., 2022) .
Il s’agit d’une étude randomisée en simple aveugle.
Les participantes sont évaluées par :
Goniométrie : mesure de la flexion dorsale de la cheville.
Weight Bearing Lunge Test (Hall & Docherty, 2017). A
Balance Error Scoring System (Bell et al., 2011). B
Y-Balance test (Picot, 2018). C
Echographie : mesure de l’angle de pennation du triceps sural (Kawakami et al., 1998). D
L’échantillon est randomisé en trois sous-groupes de 10 participantes :
Groupe « Expérimental » : application « one-shot » des mobilisations articulaires tangentielles spécifiques au niveau des articulations talo-crurale, sub-talaire, calcanéo-cuboïdienne et talonaviculaire en fonction de l’évaluation articulaire.
Groupe « Placebo » : « shame » électrostimulation du triceps sural, appareil éteint (20 minutes).
Groupe « Témoin » : repos de 20 minutes entre les prises de mesures.
Le déroulement de l’expérimentation est donc le suivant :
Sélection de la population via, notamment, le test de flexion dorsale de la cheville
N = 30
1ère prise de mesure
Groupe expérimental
N = 10
Mobilisations Articulaires
Tangentielles Spécifiques
Randomisation
Groupe placebo
N = 10
Séance de 20 minutes
« d’électrostimulation »
2ème prise de mesure
Groupe témoin
N = 10
Repos pendant 20 minutes
Analyse statistique des données recueillies
Résultats
L’analyse statistique des données (test de normalité des échantillons puis test paramétrique ou test non-paramétrique indique ce qui figure dans le Tableau 1
Dans la comparaison intra-groupes, le groupe « Expérimental » montre des différences significatives dans les différentes évaluations, excepté pour le Y-Balance test. Les groupes « Placebo » et « Témoin » ne présentent pas de différence significative. Dans les comparaisons inter-groupes, les analyses « Expérimental vs Placebo » et « Expérimental vs Témoin » montrent des différences significatives dans les différentes évaluations, excepté pour leY-Balance test (résultats partiels). Il n’y a pas de différence significative entre les groupes « Placebo » et « Témoin » (voir Tableau 2).
Discussion
Ces résultats nous permettent de retenir les éléments suivants.
Les mobilisations articulaires tangentielles spécifiques permettent une augmentation de la mobilité en flexion dorsale de la cheville, objectivée par la goniométrie et le WBLT. Ces résultats sont cohérents en comparaison avec d’autres études (Gogate et al., 2021; HernándezGuillén & Blasco, 2020).
La variation des scores au BESS pour le groupe expérimental suppose l’amélioration des fonctions proprioceptives des articulations mobilisées et ainsi une plus grande efficacité dans le contrôle moteur de la région. Nous n’avons pas trouvé d’étude similaire et ne pouvons donc pas comparer nos résultats à d’autres références.
Les scores du Y-Balance test restent non significatifs pour le groupe « Expérimental » malgré l’augmentation des mesures dans les différentes directions. L’implication partielle de la cheville dans ce test peut être une éventuelle explication quant à ces résultats. Il ressort de la littérature que la répétition de plusieurs séances de mobilisations permette d’obtenir une différence significative des données du Y-Balance test. (Kamali et al., 2017).
Finalement, les mobilisations articulaires tangentielles spécifiques modifient l’angle de pennation des muscles gastrocnémiens et du soléaire, indiquant une diminution de l’état de tension de ces structures.
Ces résultats sont en adéquation avec un travail de fin d’études portant sur l’analyse échographique du triceps sural,
Tableau 1: Récapitulatif comparaisons intra-groupes
Groupe « Expérimental » avant/après
Groupe « Placebo » avant/après
Groupe « Témoin » avant/après
Mesures goniométriques Très hautement significatif Non-significatif Non-significatif
Mesures du WBLT
Mesures BESS
Significatif Non-significatif Non-significatif
Hautement significatif Non-significatif Non-significatif
Mesures du Y-balance Test direction antérieure Non-significatif Non-significatif Non-significatif
Mesures du Y-balance Test direction postéro-latérale Non-significatif Non-significatif Non-significatif
Mesures du Y-balance Test direction postéro-interne
Mesures échographiques du gastrocnémien médial
Mesures échographiques du gastrocnémien latéral
Mesures échographiques du soléaire
Non-significatif Non-significatif Non-significatif
Hautement significatif Non-significatif Non-significatif
Significatif Non-significatif Non-significatif
Hautement significatif Non-significatif Non-significatif
Tableau 2: Récapitulatif comparaisons inter-groupes
Comparaison groupe
« Expérimental » vs groupe « Placebo »
Comparaison groupe « Expérimental » vs groupe « Témoin »
Comparaison groupe
« Placebo » vs groupe « Témoin »
Mesures goniométriques Très hautement significatif Très hautement significatif Non-significatif
Mesures du WBLT
Mesures BESS
Mesures du Y-balance Test direction antérieure
Hautement significatif Significatif Non-significatif
Hautement significatif Hautement significatif Non-significatif
Non-significatif Non-significatif Non-significatif
Mesures du Y-balance Test direction postéro-latérale Significatif Significatif Non-significatif
Mesures du Y-balance Test direction postéro-interne Non-significatif Non-significatif Non-significatif
Mesures échographiques du gastrocnémien médial Très hautement significatif Très hautement significatif Non-significatif
Mesures échographiques du gastrocnémien latéral
Hautement significatif Hautement significatif Non-significatif
Mesures échographiques du soléaire Hautement significatif Hautement significatif Non-significatif
avant et après mobilisations articulaires tangentielles spécifiques au sein d’une population asymptomatique avec restriction de mobilité en flexion dorsale de cheville (Koper M. – HEPH Condorcet, 2019 – Ethics Committee Erasme Hospital B406201838178).
Il nous paraît intéressant d’établir ici quelques liens entre notre pratique clinique et la mécanobiologie.
La qualité des stimulations mécaniques est indispensable au maintien des conditions physiologiques du tissu tendineux. Dès que les sollicitations deviennent « pathologiques », les mécanismes inflammatoires, la désorganisation de la matrice extracellulaire et la dégénérescence tendineuse s’enclenchent (Benage et al., 2022).
Selon Wang, les premières lésions tendineuses (« micro-ruptures ») se produisent à partir de 4 % de mise en tension de la structure tendineuse (J. H.-C. Wang, 2006). Or, dans le cas de contracture des muscles témoins, ce
seuil peut être atteint voire dépassé plus rapidement.
Les stimulations cycliques semblent être les plus pertinentes pour respecter la physiologie tendineuse (Benage et al., 2022). Restaurer la capacité de relâchement du muscle témoin est donc un objectif thérapeutique pertinent.
Il est aussi intéressant de rapporter que, pour le modèle animal, l’absence de stimulations mécaniques favorise la dégradation tendineuse (apoptose cellulaire, désorganisation de la matrice extra-cellulaire, etc.) mais que la reprise de contraintes cycliques permet la restauration des propriétés tendineuses (T. Wang et al., 2015). L’association de nos techniques avec les protocoles de renforcement excentrique pourrait également être pertinente.
Notons aussi que la mécanobiologie décrit des phénomènes similaires au niveau des chondrocytes et du tissu cartilagineux.
Conclusion
La normalisation de la tension musculaire par les mobilisations articulaires tangentielles spécifiques est intéressante.
Il est nécessaire de poursuivre nos recherches au travers de protocoles sur des sujets pathologiques et d’analyser leur impact thérapeutique.
Notre démarche est d’intégrer ces techniques dans une prise en charge EBP, basée sur les preuves en kinésithérapie et intégrée aux avancées de la mécanobiologie.
Les Mobilisations Articulaires Tangentielles Spécifiques
Quel impact ont-elles sur la normalisation des tensions musculaires ?
Bibliographie
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2. Bell, D. R., Guskiewicz, K. M., Clark, M. A., & Padua, D. A. (2011). Systematic Review of the Balance Error Scoring System. Sports Health: A Multidisciplinary Approach, 3(3), 287-295. https://doi.org/10.1177/1941738111403122
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7. Jansen, K. A., Donato, D. M., Balcioglu, H. E., Schmidt, T., Danen, E. H. J., & Koenderink, G. H. (2015). A guide to mechanobiology : Where biology and physics meet. Biochimica et Biophysica Acta (BBA) - Molecular Cell Research, 1853(11), 3043-3052. https://doi. org/10.1016/j.bbamcr.2015.05.007
8. Kamali, F., Sinaei, E., & Bahadorian, S. (2017). The immediate effect of talocrural joint manipulation on functional performance of 15–40 years old athletes with chronic ankle instability : A double-blind randomized clinical trial. Journal of Bodywork and Movement Therapies, 21(4), 830-834. https://doi. org/10.1016/j.jbmt.2017.01.010
9. Kawakami, Y., Ichinose, Y., & Fukunaga, T. (1998). Architectural and functional features of human triceps surae muscles during contraction. Journal of Applied Physiology, 85(2), 398-404. https://doi.org/10.1152/jappl.1998.85.2.398
10. Picot, B. (2018). Mains Libres : Le star excursion balance test : Mise à jour et recommandations sur son utilisation en pratique. Mains Libres, 7(4), 9-16. Mains Libres.
11. Sohier, R. (2000). Concept Sohier = Justification fondamentale de la réharmonisation biomécaniques des lésions dites « ostéopathiques » (Kiné-Sciences).
12. Wang, J. H.-C. (2006). Mechanobiology of tendon. Journal of Biomechanics, 39(9), 1563-1582. https://doi.org/10.1016/j.jbiomech.2005.05.011
13. Wang, T., Lin, Z., Ni, M., Thien, C., Day, R. E., Gardiner, B., Rubenson, J., Kirk, T. B., Smith, D. W., Wang, A., Lloyd, D. G., Wang,Y., Zheng, Q., & Zheng, M. H. (2015). Cyclic mechanical stimulation rescues achilles tendon from degeneration in a bioreactor system. Journal of Orthopaedic Research, 33(12), 1888-1896. https://doi.org/10.1002/jor.22960
Comment améliorer la prise en charge de l’arthrose du genou dans notre pays ?
Pour améliorer la qualité de la prise en charge de l’arthrose du genou dans notre pays, le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé (KCE) a développé une norme de qualité et une série d’indicateurs de qualité – une première dans le domaine de l’orthopédie. Ce projet du KCE n’est toutefois encore qu’un premier pas. En Belgique, la politique de soins et l’évaluation de la qualité relèvent en effet surtout des compétences des entités fédérées. Ce rapport s’adresse donc en première instance aux instituts belges de la qualité et aux prestataires de soins impliqués dans la prise en charge de l’arthrose du genou.
L’arthrose est la plus courante des maladies articulaires et le genou est l’articulation la plus fréquemment touchée. Il n’existe malheureusement pas encore de traitement curatif, mais une thérapie par l’exercice peut soulager les plaintes, améliorer la qualité de vie et freiner l’évolution de la maladie chez la majorité des patients. Néanmoins, certains
devront malgré tout être opérés et bénéficieront du placement d’une prothèse de genou (arthroplastie).
Quatrième du classement européen des prothèses du genou
La Belgique enregistre actuellement chaque année quelque 26.000 hospitalisations motivées par un problème d’arthrose du genou, dont à peine 2% à la clinique de jour. Les patients sont âgés de 68 ans en moyenne et 61% sont des femmes. Dans 94% des cas, ils reçoivent une prothèse du genou. D’après les chiffres de l’OCDE, la Belgique occupe la quatrième place du classement européen du plus grand nombre de prothèses du genou par
habitant. Un rapport de l’INAMI publié en 2023 révèle toutefois que le nombre d’interventions varie d’une région à l’autre, de 153 arthroplasties pour 100.000 habitants à Bruxelles à 260 en Flandre-Orientale.
La thérapie par l’exercice, fondement de la prise en charge classique et des soins postopératoires Pour mesurer et améliorer la qualité de la prise en charge de l’arthrose du genou dans notre pays, le KCE a été invité à développer des indicateurs de qualité evidence-based – une première dans le domaine de l’orthopédie. Sur la base de la littérature scientifique et en collaboration avec un panel de prestataires de soins et de représentants des patients, le KCE a compilé les recommandations les plus importantes dans le domaine de l’arthrose du genou.
Quelques exemples :
L’imagerie médicale n’est pas nécessaire pour poser un diagnostic en médecine générale : l’examen clinique suffit. Chez le médecin spécialiste, l’examen radiologique (radiographie, pas IRM) sera par contre requis pour la confirmation du diagnostic et la préparation à une opération.
L’activité physique est recommandée de façon générale pour prévenir et améliorer la
douleur en cas d’arthrose. Le kinésithérapeute est l’acteur le mieux placé pour proposer des exercices adaptés au patient, mais le recours à la kinésithérapie pour l’arthrose du genou (avancée) semble encore très variable. On observe aussi que les patients se voient encore et toujours proposer des traitements qui ne contribuent pas à une prise en charge de qualité, comme des massages, des traitements par la chaleur et le froid (thermothérapie) ou l’électrothérapie.
Si une arthroplastie du genou s’avère nécessaire, le kinésithérapeute devrait idéalement débuter la thérapie par l’exercice dès le jour de l’intervention. À l’heure actuelle, cette intervention ne commence souvent que le lendemain de l’opération.
La balle aux entités fédérées et aux instituts de la qualité Pour mesurer la qualité des soins à l’aide d’un ensemble d’indicateurs, il faut pouvoir disposer de données fiables en provenance de la pratique clinique. En Belgique, malheureusement, cette information fait encore souvent défaut dans le cadre de la prise en charge de l’arthrose du genou par le généraliste ou le kinésithérapeute. C’est pour cette raison que la majorité des
Retrouvez le rapport complet réalisé par le KCE en consultant le site web du Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé ou en surfant sur www.axxon.be.
indicateurs de qualité repris dans le rapport du KCE visent actuellement surtout les patients opérés.
Ce projet du KCE n’est toutefois encore qu’un premier pas. En Belgique, ce sont en effet surtout les entités fédérées qui sont responsables de la politique de soins et de l’évaluation de la qualité. Le rapport s’adresse donc en première instance aux instituts belges de la qualité : la Plateforme pour l’Amélioration continue de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients (PAQS) à Bruxelles et en Wallonie, et le Vlaams Instituut voor Kwaliteit van Zorg (VIKZ) en Flandre. À eux, à présent, de poursuivre l’opérationnalisation des résultats et d’assurer leur mise en application. Le rapport peut toutefois aussi être une source d’inspiration pour tous les prestataires impliqués dans la prise en charge de l’arthrose du genou, afin que toutes les personnes confrontées à ce problème reçoivent des soins de qualité.
Références
1 Jespers Vicky, Camberlin Cécile, Van Ginckel Ans, Cornelis Justien, Leroy Roos. Norme de qualité et indicateurs de qualité pour la prise en charge de l’arthrose du genou . Health Services Research (HSR). Bruxelles. Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). 2023. KCE Reports 375BS. DOI: 10.57598/R375BS.
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