Expérimenter l'immeuble en bois

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CONCLUSION - 1



«La plupart des formes architecturales découlent de la facilité technique de l’utilisation du bois.» Alvar Aalto, architecte in Le bois dans la construction, La table blanche et autres textes, Parenthèses, Marseille, 2012 (1956), p.99



REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement les acteurs mobilisés pour les besoins de ma recherche, Messieurs Mathias Romvos, Jean-Louis Gauthier, Antoine Pagnoux et Jean-Luc Charrier. Merci beaucoup d’avoir pris du temps pour répondre à mes questions et de m’avoir accueilli sur vos lieux de travail. Je remercie aussi les habitants des opérations étudiées pour m’avoir accueilli chez eux et pris du temps pour moi. Ils ne liront certainement pas ce mémoire mais leurs paroles ont été fort enrichissantes. Je remercie toutes les personnes qui m’ont à un moment donné fait part de leurs découvertes sur des articles, lectures ou anecdotes en lien avec les immeubles de logements collectifs en bois. Je remercie mes parents et Céline pour leurs relectures, ainsi que mon « parrain » et ami Jean-Pierre Vaysse pour son suivi constant, son soutien sans faille et pour avoir gentiment imprimé les trois exemplaires de la soutenance. Je remercie Madame Amélie Flamand pour avoir pris le temps d’ajuster quelques points de grammaire et d’orthographe, ainsi que m’avoir suivi tout au long de ces mois de travail. Enfin je tiens particulièrement à remercier Monsieur Rémi Laporte pour ses nombreux conseils et sans qui ce mémoire n’aurait pas été aussi complet. J’ai beaucoup appris, tant sur l’architecture en bois et ses enjeux que sur moi-même.

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4 - SOMMAIRE


SOMMAIRE

Remerciements Avant propos

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Introduction Présentation des terrains et des acteurs

8 19

Chapitre 1 Exigences environnementales des immeubles : entre ambition et réalité

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1.1 Impact environnemental lié au processus de construction de l’immeuble 1.2 Impact environnemental lié à l’usage de l’immeuble sur le long terme

30 35

Chapitre 2 Impact sur l’architecture : quelles conséquences sur la spatialité des logements ?

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2.1 Registre du squelette 2.2 Registre de plaques

54 66

Chapitre 3 Impact sur l’écriture architecturale : langage préexistant, ou autonome ?

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3.1 Image ancestrale des immeubles en bois : primauté de l’aspect constructif

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3.2 Image contemporaine des immeubles en bois : primauté de l’enveloppe

93

Conclusion Bibliographie Table des matières

104 109 111

Annexe du mémoire

115

Complément mention recherche Exprimer l’enveloppe fine : interroger le rapport entre le faire et le concevoir

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SOMMAIRE - 5


AVANT PROPOS

C’était en 2010. Premier cours de structure à l’école d’architecture : évocation des différents matériaux et techniques primaires de construction. Choc.

En tant que jeune bachelier, ignorant tout des problématiques inhérentes à l’architecture, à la conception, à la construction, à la culture architecturale, n’ayant que très peu exercé mon regard, je fus décontenancé lorsque j’appris qu’il était possible de construire avec un matériau cent pour cent naturel, produit par le soleil, qui différait tant de ce que j’avais pu connaître jusqu’alors, le bois. Auparavant je ne m’étais jamais intéressé aux différents matériaux ou techniques de construction, seulement à la forme de l’espace. Je savais qu’il existait des bâtiments construits en bois, mais n’ayant pas de liens avec la conception à ce moment-là je n’avais pas mesuré toute l’importance de cet aspect pour l’architecture. Je souris maintenant lorsque je me remémore cette révélation, et je mesure le chemin parcouru depuis la première année. Oui, il est possible de construire des bâtiments intégralement en bois, les murs mais aussi les planchers et la toiture. Des bâtiments qui peuvent avoir la même physionomie que s’ils étaient construits en « dur ». Avec le recul, je sais maintenant que la plupart des questions d’architecture soulevées dans le mémoire ont sans m’en rendre compte investi mon esprit de concepteur dès la première année. En quoi ce matériau est-il différent des autres ? Quel intérêt présente-t-il dans la logique du projet par rapport à mes convictions naissantes ? Pourquoi m’attire-t-il tant ? Autant de questions qui ont façonné ma personnalité d’architecte bien avant d’obtenir le diplôme d’études en architecture. Sans pour autant me focaliser uniquement sur le matériau bois, le travail de projet en licence a été l’occasion d’en apprendre plus sur les différentes techniques de construction, les problématiques de mise en oeuvre, la confrontation avec la réalité économique et constructive du site. A mon grand étonnement, la question du choix constructif et de la construction en général n’était pas centrale dans le processus de conception. La composition

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de la paroi n’intervenait que très tard au cours du semestre, et elle se résumait souvent à un détail extrapolé issu d’internet. En outre, poser la question du matériau bois dès le début de mon cursus fut l’occasion pour moi de dépasser le simple trait grossier accompagné de son isolant, symbolisant le mur en béton isolé « par l’extérieur » parce que c’est « plus écologique ». Aussi, le développement de mes convictions d’architecte s’est effectué en partant non pas de questions d’architecture au sens de ma future orientation personnelle, mais plutôt de questionnements qui me paraissaient plus abordables, liés à la responsabilité de cet acteur dans l’acte de bâtir. J’ai assez vite pris conscience que faire de l’architecture, édifier un bâtiment sur un site c’était faire un acte d’une certaine gravité, tant sur le plan humain qu’environnemental, puisque cela allait fixer un fragment de la forme du monde pendant au moins une cinquantaine d’années. Je trouvais que faire le choix de concevoir avec un matériau plutôt qu’un autre était une façon potentiellement plus responsable d’envisager la construction de bâtiments. Il est clair que mon intérêt pour le matériau bois est d’abord issu de ses prédispositions environnementales par rapport aux matériaux plus couramment utilisés, sans bien me rendre compte de la complexité de cette question. Ce n’est qu’assez tard, au cours de la première année de master, lorsque j’ai compris que ce matériau proposait également toute une panoplie de possibilités et d’expressions architectoniques, que j’ai pris un réel plaisir à l’expérimenter au cours de mon cursus. L’objet du mémoire est en outre de donner une vision sur la conception et la réalisation des immeubles de logements collectifs en bois contemporains. En ce sens il s’adresse aussi à l’étudiant-architecte en quête d’éclairages sur ce domaine, j’espère qu’il pourra y trouver des réponses à ses questions. Enfin, dédier mon mémoire à ce matériau ne constitue pas un aboutissement mais bien un commencement, une première pierre à une réflexion qui, je l’espère, va continuer de s’étoffer et de s’affirmer au fil des années de pratique.

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INTRODUCTION

UNE RÉFLEXION AU CROISEMENT DE DEUX ENJEUX CONTEMPORAINS MAJEURS

Juin 2007 : d’après le bulletin mensuel d’information de l’institut national d’études démographiques (INED), la barre symbolique des 50% de citadins est atteinte dans le monde. Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans les villes et il est prévu que d’ici 2050 ce chiffre atteigne les 75%1.

Notes 1. Source : bulletin mensuel d’information de l’institut national d’études démographiques, Populations et sociétés n°435, Juin 2007 2. Source : synthèse du rapport de la fondation Abbé Pierre 2014, Les chiffres du mal logement, p.2 3. Source : synthèse du rapport de la fondation Abbé Pierre 2014, Le tableau de bord 2014 de suivi des politiques du logement, p.2

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Le grand défi pour les bâtisseurs du monde de demain est clair : loger, à terme, plus de trois milliards de personnes. Dès aujourd’hui la tâche n’est pas simple puisqu’en réalité une personne sur trois qui vit en ville en 2014 habite en fait dans un bidonville, et il existe plus de cent millions de personnes sans-abris. En France, la situation du mal logement, très ancienne, tend à s’aggraver depuis le premier choc pétrolier de 1973 et l’abandon des aides à la pierre par l’Etat, le nombre de constructions nouvelles n’ayant pas cessé de diminuer depuis. Aujourd’hui dans notre pays, ce sont trois millions cinq cent mille personnes qui ne sont pas ou très mal logées, et plus de cinq millions en situation de fragilité à court ou moyen terme dans leur logement2. Le nombre de logements mis en chantier chaque année tend même à diminuer, on peine en effet à atteindre l’objectif de cinq cent mille par an3.

Octobre 2013 : le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) rend public son cinquième rapport dans lequel il est clairement spécifié que le changement climatique est une réalité sans équivoque et que les activités humaines ont très probablement accéléré le processus.

Difficile aujourd’hui de passer à côté des problématiques liées à la crise environnementale globale, surtout pour les acteurs de la construction. En effet, le secteur du bâtiment est reconnu comme étant l’un des plus polluants et énergivores. Les chiffres à l’échelle mondiale le placent au sixième rang des catégories les plus polluantes. En France, selon l’Ademe, le secteur du bâtiment est responsable de 25% des émissions de CO2, et consomme


42% de l’énergie finale4. Les architectes, acteurs dont l’une ces missions est de donner un sens à l’acte de bâtir, ont un rôle crucial à jouer en tant que valeur d’exemple dans le domaine de l’environnement. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il a fallu reconstruire, la situation économique et culturelle était incomparable avec la nôtre. La prospérité économique et un effort intense ont donné naissance à un urbanisme de chemin de grue qui a massivement fait usage du béton, matériau fort pratique de par sa facilité d’utilisation, sa souplesse dans une logique d’industrialisation à grande échelle et son impression de solidité. Mais très vite, lors du premier choc pétrolier de 1973, s’annoncent de sérieuses difficultés d’approvisionnement énergétique. Le monde prend alors conscience que son mode de développement n’est pas infini, et la nécessité d’innover pour réduire l’impact énergétique des actions humaines se confirme. Dans le secteur du logement des politiques ambitieuses sont nées lors de cette période, comme en attestent les archives du ministère de la Reconstruction qui mentionnent des obligations de performance thermique pour les parois des bâtiments5. C’est ainsi que le renforcement croissant des exigences environnementales a pu s’effectuer par la mise en place de règlementations de plus en plus exigeantes, dont la plus connue aujourd’hui est la règlementation thermique. Tous ces efforts bienvenus ont activement participé à l’innovation dans l’habitat, dans une optique de réduction des émissions. Mais la plupart d’entre elles se sont concentrées sur des aspects purement techniques et ont engendré un manque de considération de l’architecture, qui se retrouvait ainsi au second plan et dont le rôle se limitait bien souvent à « faire beau »6. Aujourd’hui, dans une optique ou l’on vise le bâtiment zéro énergie, voire à énergie positive7, le risque est que la qualité architecturale d’un édifice ne soit jugée qu’en fonction de sa performance énergétique. Or l’une des composantes de cette qualité est liée à l’expression de son enveloppe, elle-même dépendante de celle de sa structure. Les exigences environnementales constituent donc un nouvel enjeu pour les architectes en les poussant à reconsidérer une partie de l’héritage culturel accumulé depuis le mouvement moderne, notamment celui lié à l’expression de la structure. Pour le logement collectif par exemple, en France, le béton est clairement le matériau le plus représenté dans les choix constructifs. Or il apparaît avec une certaine évidence que l’utilisation systématique de ce matériau ne coule pas de source au vu des formidables avancées de ses concurrents sur les plans de la compétitivité technique, des possibilités architecturales, et des coûts. Dans notre pays, le béton a su s’imposer au fil du temps, et fait

Notes 4. Source : GAUZINMULLER (Dominique), Habiter écologique, quelles architectures pour une ville durable ?, Actes Sud, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009, p.17 5. D’où l’emploi fréquent, dans les années 1960 à 1970, du béton de pouzzolane dans les panneaux de façade préfabriquées. 6. Propos de Frédéric Lenne dans Habiter. Imaginons l’évidence, LENNE (Frédéric), Dominique Carré éditeur, Frédéric Lenne (dir.), Caen, 2013, p.18 7. Un bâtiment « zéro énergie », ou passif (label Passivhaus) est un bâtiment dont le bilan énergétique (rapport entre énergie consommée et énergie produite) est proche de zéro. Un bâtiment à énergie positive est un bâtiment qui produit plus d’énergie (électricité, chaleur) qu’il n’en consomme pour son fonctionnement.

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l’objet d’un lobbying très important. Pourtant, son utilisation massive actuelle mériterait d’être sérieusement remise en question. En effet, si l’on s’intéresse à la prise en compte des données environnementales dans le bilan énergétique des projets, l’utilisation systématique du béton dans la construction est incompatible avec les exigences qu’il conviendrait que nous ayons aujourd’hui. Le matériau du XXème siècle, très énergivore, est en effet responsable à lui seul de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre8. Du point de vue énergétique, l’utilisation massive et non raisonnée du béton est risquée. Il est nécessaire de reconsidérer sa fonction au sein du bâtiment, en exploitant au maximum ses capacités « naturelles » comme l’apport d’inertie thermique, ses bonnes capacités de contreventement structurel, de barrière acoustique aux bruits aériens et de coupe-feu performant. Profondément ancrée dans les consciences collectives, l’image négative du béton comme étant un matériau « froid » et « gris » a participé à l’essor d’habitats standardisés construits sur de grandes hauteurs, qui ont donné naissance à des architectures génériques ayant participées à la standardisation des modes de vie. Le matériau béton a ainsi été le moyen privilégié pour concrétiser des décisions politiques et une certaine vision de l’urbanisme, dont il constitue aujourd’hui le symbole. PROBLEMATIQUE Ce mémoire questionne l’intérêt du choix du matériau bois plutôt que d’autres tout aussi aptes à l’édification de logements collectifs. La problématique est la suivante : dans le contexte français actuel, dans quelle mesure le développement de l’immeuble de logements en structure bois constitue-t-il une réponse aux enjeux environnementaux et architecturaux liés à ce type de programme ?

Notes 8. Source : www.lebeton.free.fr/ environnement.html

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Partant du postulat que la France doit répondre à la crise du logement et qu’il est nécessaire de porter des politiques ambitieuses quant à la qualité environnementale des projets sans oublier l’enjeu architectural, le mémoire émet l’hypothèse que la conception et la construction d’immeubles en bois peut être une piste intéressante dans l’optique de construire rapidement et intelligemment les immeubles dont nous avons besoin. Au centre de cette réflexion se situe l’architecte, seul acteur à réellement disposer de la vision globale du processus de conception et des savoir-faire conceptuels indispensables au projet. Ainsi, à travers l’étude concrète de différents cas d’immeubles contemporains en bois ainsi qu’un intérêt pour les acteurs de


leur genèse et leurs habitants, le mémoire tente d’éclaircir la réalité de ce qui fait l’intérêt de ce type de construction dans le contexte d’aujourd’hui, tout en comparant ces données aux positionnements théoriques d’architectes reconnus ayant utilisé le matériau bois. Mon objectif est, dans un premier temps, de chercher à savoir si les immeubles étudiés constituent une réponse satisfaisante aux enjeux environnementaux auxquels le secteur de la construction est confronté. Aussi, je questionne leur architecture en recherchant si l’utilisation du matériau bois pour la structure d’un immeuble de logements apporte des qualités spatiales particulières ou/et fait évoluer le langage architectural de ce type de programme. L’intérêt est aussi de m’appuyer sur ces observations pour porter un regard critique sur le discours des architectes et des maitres d’ouvrage, avec une attention particulière portée sur le ressenti des habitants. Cette « matière brute » a été reccueillie auprès d’un échantillon d’acteurs par le biais d’entretiens, intégralement retranscrits dans l’annexe du mémoire. ELEMENTS DE CONTEXTE HISTORIQUE ET THEORIQUE DE LA CONSTRUCTION BOIS L’architecture à pans de bois est l’un des modes constructifs les plus anciens. Des vestiges ont été retrouvés en Grèce deux mille ans avant notre ère. A l’époque romaine, elle était déjà très évoluée comme en témoignent des traces retrouvées à Pompéi. Présente dans la quasi-totalité des régions françaises, la technique du pan de bois a surtout été utilisée au Moyen-Age avant de s’effacer presque définitivement au profit de la pierre à partir du XVIIème siècle, cette dernière étant un gage de richesse et de pérennité. Au Moyen Âge, la construction de l’habitat est avant tout l’affaire du maître charpentier. La plupart des habitations sont en effet réalisées à partir de bois, matière qu’il était aisé de trouver à proximité immédiate des sites de construction. Ainsi, les vestiges d’ouvrages en bois qui sont parvenus à résister à l’épreuve du temps et qui sont toujours debout aujourd’hui datent au maximum du XIVème siècle, bien que d’autres vestiges attestent l’emploi de ce matériau au XIIème siècle. L’intérêt d’un tel type de construction au Moyen-Age, et ce pourquoi il s’est vite répandu durant cette période, réside dans l’adaptabilité aisée de la structure bois, par ses fines sections notamment, à s’adapter à un parcellaire parfois très contraignant. En effet, à la fin du XVème siècle, la plupart des

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FIGURE 1 Croquis et photos d’immeubles anciens de Strasbourg Source : photos personnelles (Septembre 2014)

Notes 9. CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p. 52 : « La première interdiction officielle remonte à l’édit de 1607 ». Les causes résident principalement dans le risque élevé de propagation des incendies entre les immeubles. 10. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.51 à 64. Nous y reviendrons dans la troisième partie du mémoire.

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villes sont ceinturées de murailles et la généralisation d’un mode constructif plus souple et plus rapide à mettre en oeuvre que les éléments maçonnés de plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur se développe. L’un des points forts de ce type de construction, c’est qu’il a permis, très tôt dans l’histoire, de construire aisément et à faible coût sur plusieurs étages, du fait de sa légèreté, et donc de bénéficier d’un gain de place fort appréciable en ville. Le principe de l’encorbellement illustre bien cette volonté d’optimisation de l’espace construit au détriment de l’espace urbain, et la faible épaisseur des parois permettait d’optimiser le ratio surface utile / surface hors-oeuvre. Un autre point fort de ce type de structure et qui a grandement participé à sa diffusion, réside dans son caractère économique, par rapport à une construction maçonnée (exception faite des moulures, souvent onéreuses). En effet, la quantité de matériaux nécessaire est plus faible, il est aisé de trouver la matière première à proximité des lieux de construction, la mise en œuvre est rapide et le démontage complet est plus aisé. Autant de problématiques qui auraient toute leur place dans le milieu de la construction aujourd’hui... L’aboutissement en tant qu’objets architecturaux de la construction à ossature bois en France sont les immeubles de cinq à six étages construits au XVème siècle à Strasbourg et encore visibles de nos jours. Suite à de nombreux incendies, des écrits royaux au XVIème siècle ont constitué les premières formes de règlementation pour les bâtiments, imposant de protéger les structures en bois et interdisant le principe de l’encorbellement9. Ces premiers écrits ont freiné l’utilisation du bois au profit de la pierre, qui était gage de richesse, ne craignait pas le feu et limitait la déforestation, qui à cette époque était dramatique. Il s’en est suivi une perte de savoir-faire pour la construction bois et le début d’une transition vers de nouveaux matériaux, moins vulnérables au risque alors élevé d’incendie. C’est ainsi qu’il est aisé de retrouver des traces de la tradition constructive en bois dans l’expression de l’architecture parisienne du XVIIème siècle lors du passage à la pierre sous Henry IV10. De même, certains bâtiments construits avec des matériaux modernes présentent des similitudes dans leurs assemblages, comme ceux du Crystal Palace par exemple, ou encore l’expression de l’ossature des premières maisons en béton armé comme la villa Hennebique dont l’expression rappelle certains motifs de la construction bois traditionnelle. Cette transition est clairement issue, comme en témoigne Alvar Aalto dans son propos sur le bois


dans la construction11, « de la facilité technique de l’utilisation du bois ». Dans le discours des architectes du Mouvement Moderne de la première moitié du XXème siècle, la perception du bois comme un matériau ancien (et donc a priori dépassé techniquement par comparaison avec le béton ou l’acier) a en partie été responsable de son effacement dans la construction. Le positionnement théorique des architectes reconnus ayant utilisé le bois peut en outre s’aborder d’un point de vue généalogique. En effet, la pensée architecturale sur les possibilités d’utilisation du bois en structure des édifices évolue clairement en fonction du temps, car suivant les périodes de l’histoire les propos diffèrent quant à l’utilisation du matériau bois en tant qu’élément de structure des ouvrages. Sont en cause notamment les possibilités offertes par les techniques constructives en place et leur caractère plus ou moins artisanal. Alvar Aalto par exemple, dont l’exercice de l’architecture a marqué le XXème siècle et dans un pays où la construction en bois était répandue (Finlande), ne considère pas le bois comme un matériau apte à être utilisé pour la structure des ouvrages qui dépassent l’échelle de la maison. Il lui reconnaît une « affinité » incomparable avec l’homme, mais le relègue à l’intérieur des bâtiments et préfère utiliser le béton pour la structure des édifices d’envergure qu’il conçoit.

FIGURE 2 Croquis de certains assemblages du Crystal Palace, Joseph Paxton et Owen Jones architectes, 1851 Les pièces de bois sont encore nécessaires aux assemblages de la structure métallique du bâtiment. Source : FRAMPTON (Kenneth), Studies in Tectonic Culture. The Poetics of Construction in Nineteenth and Twentieth Century Architecture, John Cava éd., 2001

Notes 11. AALTO (Alvar), Le bois dans la construction, La table blanche et autres textes, Parenthèses, Marseille, 2012 (1956), p.99 et 100

FIGURE 3 Photos de la villa Mairea, Alvar Aalto architecte, 1939 Alvar Aalto réserve au matériau bois une place de choix dans l’intérieur de ses maisons, mais ne l’utilise que rarement en structure primaire. Source des images : www.pinterest.com

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FIGURE 4 Photos de l’extérieur et de l’intérieur du Cabanon Source des images : www.fondation lecorbusier.fr Notes 12. LE CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, Paris, 1923, p.239 à 240 13. BERTHIER (Stéphane), Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : Le cas de l’architecture résidentielle en France, 2013, p.1 14. Charles Moore (1925 - 1993) est un architecte américain dont l’originalité de la démarche est issue de recherches sur l‘interférence de l’élément constructif avec les exigences traditionnelles de sa fonction. Il a en outre utilisé le matériau bois pour en exploiter toute la richesse architectonique, en particulier sur l’opération du Sea Ranch près de San Francisco (1964), opération qui le rendra célèbre. 15. Moore, Lyndon, Turnbull, Whitaker architectes (collaboration de 1962 à 1970) 16. MANIAQUE (Caroline), Go West, des architectes au pays de la contre-culture, Marseille, éditions Parenthèses, Septembre 2014

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De même, le Corbusier préfère utiliser l’acier par rapport au bois, ce dernier ne l’intéressant que sous la forme du contre-plaqué, matériau issu de l’industrialisation de la filière bois et réputé plus stable que le panneautage traditionnel en massif12. On le retrouve ainsi dans le cabanon de RoquebruneCap-Martin réalisé en 1949, avec comme seul intérêt son caractère économique, l’architecte considérant que la structure extérieure en rondins ne fait pas partie du projet. Le bois est ainsi purement utilitaire et s’efface au profit de l’intérieur où réside le véritable propos architectural. Selon Stéphane Berthier, l’avènement de l’acier et du béton, les matériaux phares de la modernité, a occulté l’architecture de bois13 qui ne correspondait plus alors aux possibilités structurelles inédites offertes par les nouvelles techniques. C’est à partir des années 1960 que l’architecture en bois renaît en France, et avec elle l’industrialisation de la filière qui abandonne peu à peu l’artisanat et les traditions constructives pour faire place à une plus grande performance sur le plan technique. C’est alors que des architectes alternatifs des Etats-Unis, comme Charles Moore14, se sont intéressés aux possibilités du bois dans la réinterprétation des constructions vernaculaires en s’inspirant de l’archétype de la grange américaine caractéristique de Californie. Faisant partie de l’équipe d’architectes MLTW15, Charles Moore a une démarche plus savante et théorique qu’expérimentale et constructive. L’opération du Sea Ranch, en 1964 est la plus emblématique à ce propos et elle est aussi l’occasion de rattacher ces problématiques architecturales à d’autres, plus environnementales, avec une attention très forte aux caractéristiques propres au lieu de construction des ouvrages, tant sur le plan paysager que climatique. L’architecture en bois de cette époque est ainsi fortement liée à la nature. Par la suite, des architectes français comme Jacques Labro, en réaction à l’enseignement des Beaux-Arts, vont aller aux Etats-Unis voir des opérations comme le Sea Ranch16 et les réinterpréter dans leurs architectures en utilisant le langage du bois sous forme de contextualisme littéral, comme dans la station de sports d’hiver d’Avoriaz avec le réemploi de l’archétype vernaculaire des constructions de montagne. La ressemblance de ce projet avec le langage organique s’explique par le fait que Jacques Labro soit également connaisseur des architectes nordiques, en particulier Alvar Aalto. Cette opération développe là encore de réels dispositifs environnementaux en lien direct avec les spécificités du site d’intervention.


En France, l’instauration de la loi Guichard en 1973 a signé l’arrêt de la planification des « grands ensembles » et le lancement d’une politique d’expérimentations via le Plan Construction. Cette loi a ainsi provoqué l’essor des différentes filières de construction dont celle du bois. Ainsi, c’est à travers la préfabrication que la filière bois va justement tirer son épingle du jeu en affirmant sa compétitivité face à celles du béton et de l’acier. Le développement du bois lamellé-collé va marquer une étape primordiale en permettant aux éléments de construction de ne plus se limiter à la taille des arbres, mais à celle du camion de transport. En France, son utilisation se fera d’abord fréquemment depuis les années 1960 pour des programmes d’équipements sportifs, mais très peu dans le logement. Jusque dans les années 2000, la situation française témoigne d’utilisations variées du bois dans l’habitat. Celles-ci sont liées à des préoccupations diverses (économiques, expressives, environnementales...) mais qui restent marginales dans la production d’ensemble. Les opérations de logements de l’architecte-urbaniste Iwona Buczkowska à Saint-Dizier (52) et au Blanc-Mesnil (93) sont des exemples intéressants d’une démarche qui a permis, dès les années 1970, de dégager des volumes habitables plus importants grâce à l’utilisation de bois lamellé collé. La démarche de l’architecte, basée sur les principes compositionnels de Jean Renaudie, s’inscrit dans la recherche d’une certaine complexité volumétrique, à contrario des formes habituellement données aux grands ensembles. Ces opérations sont autant de sources plus ou moins directes qui permettent d’identifier les lignes de force de la situation actuelle.

FIGURE 5 Photo et plan de l’hôtel des Dromonts, Avoriaz, 1966 Les plans en éventail et l’affirmation des toitures ne sont pas sans rappeler les projets d’architectes nordiques comme Alvar Aalto. A noter que seule l’enveloppe de ces bâtiments est en bois, la structure primaire étant principalement en béton. Source des images : Architecture d’Aujourd’hui n°126 juin/juill 1966, Constructions en montagne, André Bloc dir.

FIGURE 6 Photos de l’opération de la Pièce Pointue et de l’intérieur de deux logements, ville du Blanc Mesnil, Iwona Buczkowska architecte, 1986 - 1996 L’utilisation de bois lamellé-collé en charpente est une opportunité pour dégager des volumes habitables importants et d’une grande qualité architecturale, tout en conférant à l’opération toute entière une image inédite et facilement identifiable.

Source des images : www.atelieriwonabuczkowska.fr

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Notes 17. KAUFMANN (Hermann), Conférence intitulée Wood works, recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011, p.274. Hermann Kaufmann (1955 - ... ) est un architecte autrichien qui revendique l’utilisation du matériau bois dans le secteur de la construction, en mettant en avant ses qualités environnementales et architecturales. Sa pratique est ainsi dictée par son affection pour ce matériau, ainsi qu’une conscience accrue des problématiques environnementales. 18. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p.80 19. Ibid, p.13 Les deux concepts (la construction massive et la construction filigrane) y sont développés plus précisément par Andrea Deplazes, architecte contemporain qui s’inscrit dans un courant de pensée liant fortement conception architecturale et construction architectonique. La forme finale de l’édifice devient la résultante d’un processus itératif entre typologie, topologie et tectonique. 20. Comité National pour le Développement du Bois, association loi 1901. 21. Source : www. franceboisforet.fr/doc/ documents/enquetenationale-constructionbois-2012

16 - INTRODUCTION

En outre l’industrialisation et la préfabrication de la filière bois va, dans les années 1990, aller jusqu’à la création d’une « construction massive en bois » selon les mots de l’architecte Hermann Kaufmann17. Ce sera l’invention du mur en contre-collé et l’exploitation d’un registre particulier dans l’histoire de l’architecture en bois, celui des plaques. Par comparaison avec celui du squelette, qui est plutôt relatif à l’ossature et l’expression ancestrale du domaine filigrane prennant son expression avec le mythe de la hutte primitive, le registre de plaques est à rapprocher d’une architecture de plans, mettant en oeuvre des panneaux capables de travailler uniformément dans deux directions de l’espace « sans hiérarchie interne reconnaissable »18. L’architecte et professeur à l’école polytechnique fédérale de Zurich Andrea Deplazes, donne des éclairages sur les caractéristiques propres aux deux types de construction dans son ouvrage intitulé Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, où il revient sur les fondements de ces concepts architectoniques primaires19. Hermann Kaufmann est l’un des premiers à utiliser les panneaux de bois massifs dans ses projets d’immeubles d’habitation, mais cette évolution ne se répercute en France que très récemment. En effet, le progrès technologique accompli dans le Vorarlberg dans les années 1990 est le résultat d’une situation très spécifique de collaboration entre ingénieurs, architectes et industriels du bois, dotés d’une très haute expertise. Cette collaboration a duré sur une quinzaine d’années et a progressé par paliers, de façon à permettre aux différents acteurs d’évoluer ensemble et au même rythme. En 2003, Hermann Kaufmann remporte un concours pour un ensemble de 250 appartements dans un quartier de Vienne où il fait largement appel à la technique de plaques préfabriquées. Le montage des trois immeubles en R+3 se fera ainsi en un temps record : deux mois. La démarche de Hermann Kaufmann reflète aussi ses convictions en matière de sauvegarde de l’environnement. Ses projets expriment sa philosophie en tant qu’architecte, avec une attention particulière aux caractéristiques du matériau bois et l’exploitation de ses nombreux atouts en faveur d’une construction plus responsable à court et long terme. Il a d’ailleurs à ce titre reçu le premier prix pour l’architecture durable en 2007. En outre, les nombreuses avancées techniques vont inciter les architectes à considérer le bois comme un matériau parfaitement apte à constituer l’ossature des édifices, avancées qui n’étaient pas effectives au XXème siècle et qui, pour la situation française, seront promues par le CNDB20 dès les années 2000 (publications, valorisation, formation, conseil...). Aujourd’hui en France le bois dans le secteur de la construction représente une part largement minoritaire par rapport aux autres matériaux puisqu’il peine à dépasser les 10% du marché21. Ce chiffre s’explique en


partie à cause de la réglementation française qui a toujours contraint le bois, depuis la rédaction de la réglementation incendie en 1986 en le considérant comme un matériau à part. A l’époque les caractéristiques de résistance au feu étaient mal connues et les textes interdisaient l’usage du bois en façade pour les bâtiments les plus importants (3ème famille B et 4ème famille22), ce qui n’était pas le cas pour les autres matériaux. Surtout destiné à la maison individuelle, l’offre pour le collectif est là aussi très minoritaire23. Cependant le secteur de la construction bois est celui qui a le mieux résisté à la crise économique de 2008 et, à l’horizon 2020, il devrait concerner un cinquième à un quart de la construction de logements neufs. L’essor du bois dans la construction de logements collectifs semble donc amorcé, les très récentes volontés de simplification de la règlementation incendie allant en ce sens, même si l’échec des immeubles en métal en France incite à un peu de prudence dans les pronostics. L’avenir du bois dans le logement collectif, afin qu’il soit à même de concurrencer le béton, passe inéluctablement par la construction multi-étagée. Ce pas, encore freiné par quantité de facteurs, a été franchi en 2009 quand l’agence Waugh Thistleton construit à Londres la tour Stadthaus, qui pendant (à peine) deux ans est resté le bâtiment le plus haut construit en bois avec ses 8 étages et ses 34 mètres de hauteur.

Notes 22. Suivant l’arrêté relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation du 31 Janvier 1986, les bâtiments d’habitation sont classés en familles (au nombre de quatre) du point de vue de la sécurité incendie. 23. Source : www.polebois.ffbatiment. fr (enquête auprès des entreprises - Février 2012) La part de logements collectifs dans le nombre de mises en chantier en 2011 en France est de 4,1%, contre 10,2% pour la maison individuelle.

FIGURE 7 Photo de la tour Stadt Haus (Londres) Source de l’image : www.techniker.oi-dev.org

Désormais le matériau bois a franchi une autre dimension qui lui confère l’accès à des opérations elles aussi d’une autre nature, directement sur les terres des autres géants de la construction. N’est-il pas alors question pour les acteurs de la construction de lui conférer une nouvelle attention ?

INTRODUCTION - 17


ETAPES DE LA RECHERCHE

La première partie du mémoire est consacrée aux questions en lien avec l’aspect environnemental des opérations de logements collectifs étudiées. Elle s’intéresse donc à des problématiques issues de considérations éco-responsables des différents acteurs, ainsi qu’à leur mise en application dans la réalité. Elle pose les bases d’une architecture respectueuse de son environnement, dont les différentes solutions observées seront discutées. La deuxième partie s’intéresse plus à des questions de spatialité. Elle met en parallèle les deux registres d’action de la construction bois contemporaine, le registre du squelette et le registre de plaques, dans le but de rechercher les effets sur l’espace du logement. Elle s’appuie sur la notion de tectonique, vue ici au sens des conséquences de la structure sur l’espace, tant au niveau visuel qu’au niveau du ressenti corporel. Enfin, la dernière partie évoque des questions d’écriture architecturale en cherchant à savoir si le langage des immeubles est ou non issu de leur principe constructif, et donc si leur image diffère par rapport à ce qui existait jusque-là. L’objectif est aussi de mettre en évidence les éventuels risques que peut encourir cette image.

18 -


PRESENTATION DES TERRAINS ET DES ACTEURS

Les questions soulevées par la problématique seront examinées au travers de l’analyse de trois immeubles contemporains de logements collectifs en bois. La réflexion s’appuie aussi sur le recueil des propos des acteurs de leur conception, les architectes et les maitres d’ouvrages d’une part, et celui des habitants d’autre part. Ces trois immeubles ont été choisis pour plusieurs raisons. D’abord ils utilisent chacun une technologie de construction bois bien spécifique, qui permet d’obtenir une palette relativement complète des différentes possibilités offertes par les techniques constructives en place pour ce type de programme. De plus, ces trois projets n’atteignent pas les mêmes performances énergétiques alors qu’ils sont constitués de la même matière et ils s’inscrivent tous dans des contextes différents, tant au niveau du milieu urbain d’implantation qu’au niveau de leur échelle ou du type de maitrise d’ouvrage. Le choix de ces immeubles est donc issu de leur capacité à alimenter le propos du mémoire en particulier sur des questions environnementales, spatiales, constructives et liées à l’écriture architecturale. Sur ces trois réalisations, deux ont fait l’objet d’une visite personnelle avec un regard particulier et le recueil de la matière issue du trio maitre d’ouvrage / architecte / habitants. Le troisième, bien que non visité, apporte un complément non négligeable sur certaines questions développées dans le cadre du mémoire. Ma démarche est avant tout basée sur la collecte du discours des personnes concernées par les opérations étudiées. C’est cette matière, très riche, qui à mon sens traduit le mieux la posture et les intérêts des différents intervenants. Ces propos sont mis en parallèle avec des observations personnelles de terrain, et le croisement des discours revendiqués par les maitres d’ouvrages et les architectes avec celui des habitants permet de renforcer l’analyse. C’est comme cela que le mémoire va questionner, tester, témoigner, rendre compte de la réalité effective et vécue de ces immeubles, de leurs concepteurs et leurs habitants. C’est aussi en ce sens que ce travail de mémoire constitue une expérimentation.

TERRAINS - 19


L’IMMEUBLE DE MONTREUIL FICHE TECHNIQUE

Programme : six logements locatifs et en accession en R+5 Acteurs : Jean-Louis Gauthier (maitre d’ouvrage) ; Mathias Romvos (architecte) Technique de construction : murs à ossature bois en épicéa des Vosges et contreventement par une cage d’escalier en parpaings Composition des façades : murs à ossature bois, bardage en mélèze Date de livraison : 2012 Investissement initial : 1,7 millions d’euros Performance énergétique : le bâtiment respecte la RT 2012 (Bâtiment « Basse Consommation ») FIGURE 8 Photos de l’immeuble de Montreuil, façade sur rue, façade sur cour Source : photos personnelles (Mai 2014)

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L’intérêt de cette opération : son système constructif est en murs à ossature bois ce qui est assez inédit pour un immeuble s’élevant sur cinq niveaux. De plus sa situation géographique, la région parisienne, est intéressante car elle accueille peu d’édifices contemporains en structure bois.


FIGURE 9 Vue aérienne (1:2500) 54 Rue Marceau, Montreuil, Île-de-France, France

Jean-Louis Gauthier est un promoteur privé possédant plusieurs immeubles en région parisienne, dont celui-ci. Il est très soucieux du devenir de la forêt française et des problématiques inhérentes à la construction en bois. Aussi, il développe actuellement un autre projet d’immeuble (également en bois), plus élevé et plus performant énergétiquement que celui étudié dans le cadre du mémoire. Mathias Romvos, l’architecte principal de cet immeuble, est le gérant de l’agence d’architecture Graam. Il est issu de l’école nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville dont il a été diplômé en 2000. Mathias Romvos considère le matériau bois comme un vecteur permettant avant tout de requestionner la place de l’architecte dans l’acte de bâtir. Par un travail précis sur les assemblages, les joints, il repositionne le rôle de cet acteur au centre du processus de conception de l’ouvrage.

JEAN-LOUIS GAUTHIER

Les habitants de l’immeuble de Montreuil représentent une population très diversifiée, allant d’étudiants au jeune couple en passant par des familles monoparentales. La plupart d’entre eux ne sont pas spécialement motivés par le côté « écologique » de l’habitat en bois revendiqué par le maitre d’ouvrage et les architectes, mais m’ont confié avoir principalement choisi d’habiter ici parce qu’ils bénéficiaient d’un appartement très proche de Paris avec un loyer modéré.

MATHIAS ROMVOS

TERRAINS - 21


L’IMMEUBLE DE SAINT-DIÉ-DES-VOSGES FICHE TECHNIQUE

Programme : vingt-six logements en location répartis en deux bâtiments, l’un en R+2, l’autre en R+7 Acteurs : Jean-Luc Charrier (maitre d’ouvrage) ; Antoine Pagnoux (architecte) Technique de construction : système mixte panneaux massifs bois contre-collé en épicéa (technologie CLT, pour Cross Laminated Timber) et poteaux-poutres bois lamellé-collées en douglas Composition des façades : système de caissons remplis de paille greffés sur la structure primaire, bardage bois en mélèze, tuiles Date de livraison : janvier 2014 Investissement initial : 5,3 millions d’euros Performance énergétique : les deux bâtiments sont labellisés Passivhaus FIGURE 10 Photo de la résidence Jules Ferry Source : photo personnelle (Septembre 2014)

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L’intérêt de cette opération : son système constructif à base de panneaux de bois contre-collés soulève des questions environnementales et architecturales intéressantes. Sa structure est également composée de poteaux et de poutres, et la complémentarité des deux techniques est également intéressante. De plus, il s’agit à ce jour du plus haut immeuble en structure bois de France.


FIGURE 11 Vue aérienne (1:2500) Résidence Jules Ferry Rue du 10ème Bcp, Saint-Dié-des-Vosges, Lorraine, France24

Jean-Luc Charrier est le maitre d’ouvrage de la résidence Jules Ferry à Saint-Dié-des-Vosges. Il représente le Toit Vosgien, une société anonyme créée en 1955 dont la vocation principale est de loger un grand nombre de salariés des entreprises implantées sur son territoire d’intervention, le massif du département des Vosges. Depuis plus de trente ans cette société développe des projets d’habitat respectueux de l’environnement, avec une philosophie axée sur la performance énergétique des bâtiments. L’architecte principal de la résidence Jules Ferry est Antoine Pagnoux. Il est issu de l’école nationale supérieure d’architecture de Strasbourg et travaille pour l’agence ASP architecture, basée à Saint-Dié. Si Antoine Pagnoux n’est pas un fervent partisan du bois il reconnaît en ce matériau des qualités remarquables, notamment pour l’habitat dont il s’efforce de maximiser le potentiel sur les projets qui lui sont confiés. L’agence commence a acquérir une grande expérience dans la conception d’ouvrages en bois et peut désormais prétendre à des marchés plus importants, notamment à Strasbourg.

JEAN-LUC CHARRIER

Enfin, les habitants de l’immeuble de Saint-Dié sont issus de différents horizons socio-culturels, et sont fort heureux d’avoir été choisis pour habiter dans cette résidence (qui a fait l’objet de très nombreuses demandes). Tous ceux que j’ai interrogés m’ont en effet confié se sentir très bien dans leur logement, et j’ai presque pu percevoir un sentiment de fierté commun d’appartenir à la communauté habitant l’immeuble en bois le plus haut de France. Notes 24. L’immeuble étant très récent la vue aérienne n’a pas été mise à jour et l’opération n’y apparait pas.

ANTOINE PAGNOUX

TERRAINS - 23


L’IMMEUBLE DE TOURCOING FICHE TECHNIQUE

Programme : sept logements et deux niveaux de bureaux en R+4 Acteurs : Pierre Coppe (maitre d’ouvrage et architecte) Technique de construction : système poteaux-poutres avec contreventement par une cage d’ascenseur en béton Composition des façades : remplissage de la structure en murs à ossature bois et une isolation complémentaire extérieure Date de livraison : février 2012 Investissement initial : 1,6 millions d’euros Performance énergétique : le bâtiment est labellisé Passivhaus FIGURE 12 Photos de l’immeuble Source : google images

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L’intérêt de cette opération : son système constructif est exclusivement en poteaux-poutres, ce qui diffère des deux autres immeubles. Il pose de plus des questions d’écriture architecturale intéressantes à développer.


FIGURE 13 Vue aérienne (1:2500) Immeuble « Pégase » Rue du Haze, Tourcoing, Nord-Pas-de-Calais, France

Le statut de cet immeuble (surnommé « Pégase ») est assez particulier dans le sens où il a été conçu par et pour deux organismes ayant l’habitude de travailler ensemble : le cabinet d’architecture Pierre Coppe architectes et le bureau d’études Impact Qualité Environnementale. Les deux derniers étages de l’immeuble servent ainsi de bureaux aux deux structures. Pierre Coppe est le directeur de l’agence d’architecture qui porte son nom. L’agence est en outre le reflet de sa personnalité et de ses convictions architecturales, son objectif premier étant « d’inscrire la démarche environnementale et de développement durable au cœur du processus de réflexion »25. Manuel Falempin est quant à lui le gérant du bureau d’études Impact Qualité Environnementale, qui travaille en complicité avec l’agence de Pierre Coppe. Le bureau d’études accompagne les projets sur les compétences plutôt destinées à l’ingénierie pour compléter le travail des architectes, toujours dans le but de réduire au maximum l’impact environnemental des projets.

PIERRE COPPE

Notes 25. Propos recueillis sur la page de présentation du site de l’agence de Pierre Coppe. Source : www.impact-qe.com/ewb_pages/c/coppe-presentation.php

MANUEL FALEMPIN

TERRAINS - 25


QUALITE/QUANTITE PROXIMITE GEOGRAPHIQUE CIRCUITS COURTS EVOLUTIVITE BIOCLIMATISME

BOIS/PAILLE PONT THERMIQUE DECONSTRUCTION 7€ PAR MOIS COUT GLOBAL

« L’ossature bois ce qu’elle a d’intéressant c’est la légèreté, la rapidité, le bilan carbone... » JEAN-LOUIS GAUTHIER, promoteur de l’immeuble de Montreuil

« Ce que nous on place au-dessus, c’est : « Comment être passif ? », C’est ça qui guide. [...] C’est parce que nous on a souhaité avoir une construction passive que le bâtiment a cette forme-là. » JEAN-LUC CHARRIER, maitre d’ouvrage de l’immeuble de Saint-Dié

26 - INTRODUCTION


CHAPITRE 1 EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES DES IMMEUBLES ENTRE AMBITION ET REALITE

INTRODUCTION - 27

Forêt de Massoux (63) - Photographie personelle (Janvier 2015)


Proposer des performances environnementales élevées par rapport à l’utilisation d’autres matériaux est l’argument principal par lequel l’utilisation du bois dans la construction a été promue ces dernières années. En effet, l’apparition du label Haute Qualité Environnementale (HQE) dans les années 2000, puis le renforcement des règlementations thermiques 2005 et 2012 qui ont donné naissance au bâtiment à basse consommation (label BBC) ont été un formidable levier pour le développement de la filière bois et le renforcement de sa crédibilité. De plus, l’apparition des campagnes de promotion et les revues éditées par le CNDB a permis de diffuser l’information aux maitres d’oeuvre et maitres d’ouvrages pour vanter les mérites du matériau. En effet, qu’il s’agisse de la campagne « Le bois, c’est essentiel », lancée en 2004, ou « Je dis OUI au bois pour dire NON au CO2 ! » en 2010, les arguments principaux de l’association sont les vertus écologiques liées au bois comme la gestion durable des forêts, la captation naturelle du CO2 par les arbres et son stockage sous forme d’éléments de construction, l’abondance de la matière première et son caractère renouvelable ou encore ses intéressantes capacités de recyclage.

Notes 26. Le raccourci entre performances énergétiques et performances environnementales n’est pas si évident, en particulier pour les habitants des immeubles étudiés.

Si le titre de ce chapitre parle d’exigences, c’est parce que faire le choix d’utiliser le bois pour la structure primaire d’un immeuble de logement n’est pas anodin. C’est un choix qui découle bien souvent d’une volonté exigeante d’obtenir un bon niveau de satisfaction pour les performances environnementales de l’immeuble, les coûts de fabrication étant désormais au même niveau que ceux du béton d’après Jean-Louis Gauthier, promoteur de l’immeuble de Montreuil. Nous le verrons, dans chacun des trois immeubles mobilisés le choix initial d’utiliser le matériau bois s’est effectué parce que justement le niveau d’exigence des performances énergétiques était élevé26. C’est en grande partie grâce au bois et aux attentes particulières de conception architecturale qu’il convoque (vis-à-vis notamment des questions énergétiques et du confort climatique) que les habitants des immeubles paient si peu de charges. Pour la plupart, c’est cet argument qui les a encouragés à déménager et les maitres d’ouvrages voient en cette opportunité une occasion de fidéliser leurs habitants. En outre, parler d’exigences c’est mettre l’utilisation du matériau bois en face de ses aspirations environnementales, et utiliser l’actuelle règlementation thermique comme autant de paliers à atteindre voire à dépasser. La réflexion donne ainsi un éclairage sur des pratiques et des savoirfaire qui s’inscrivent directement dans une logique de transition énergétique, logique désormais d’actualité et engagée par le pouvoir exécutif du pays.

28 - IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIE AU PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L’IMMEUBLE


FIGURE 14 La résidence Jules Ferry à Saint-Dié des Vosges De l’extérieur, seuls les panneaux solaires renseignent sur l’ambition environnementaliste de l’immeuble. Difficile de deviner à première vue qu’il s’agit d’un bâtiment en structure bois... Source de l’image : google image

Un autre point important qu’il convient à mon sens de clarifier : parler de bâtiments en bois ne veut pas dire qu’ils sont mono-matière. Ce point a été discuté plus particulièrement avec l’architecte de l’opération de Montreuil, Mathias Romvos. Ainsi, quand on parle d’immeuble en structure bois il est important d’avoir à l’esprit que la plupart des liaisons entre les différents éléments ne sont bien souvent pas en bois mais en métal, matériau qui a de bonnes capacités à se marier avec le bois sur la question des assemblages et qui a largement participé à son acceptation dans le milieu de l’ingénierie en s’affranchissant du caractère artisanal des assemblages traditionnels bois/bois, considérés comme moins fiables. L’objectif de cette partie est d’apporter des éléments de réponse à la question : quelles sont les vertus écologiques, au sens des enjeux écologiques et des ambitions formulées par les architectes / maitres d’ouvrages des opérations étudiées, de la construction bois appliquées aux immeubles de logement collectifs ? Pour y répondre, j’ai choisi de la diviser en deux temps, qui représentent deux phases de la vie de l’ouvrage. La première s’intéresse à l’impact environnemental lié au processus constructif de l’immeuble, la seconde à la vie de ce dernier sur le long terme, jusqu’à sa déconstruction.

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 29


IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIÉ AU PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L’IMMEUBLE

Notes 27. L’empreinte écologique est définie ainsi par FrançoiseHélène Jourda (tiré du livre de JOURDA (Françoise-Hélène), Petit manuel de la conception durable, Archibooks, Paris, 2011, dans le glossaire) : « l’empreinte écologique est utilisée pour donner une mesure des impacts d’activités de production, de construction, d’élevage, d’extraction de matières premières ou d’utilisation d’objets. Elle mesure la profondeur de l’impact de ces activités sur la planète, l’écosystème et le biotope. » 28. Source : As. Architecture Studio, POY (Cyrille), La ville écologique, contributions pour une architecture durable, AAM éditions, 2009. 29. Produit « par l’énergie solaire » d’après les mots d’Hermann Kaufmann. 30. KAUFMANN (Hermann), Wood works, recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011, p.266

Il s’agit de s’intéresser, à partir de l’analyse des cas étudiés, à l’impact environnemental de l’immeuble lors de la phase de construction. Cette phase représente environ 20% du total de l’empreinte écologique27 du bâtiment au cours de sa vie.28 STRUCTURE ET ENVELOPPE DES IMMEUBLES : QUALITÉ ET QUANTITÉ DES MATÉRIAUX MIS EN OEUVRE Comme mentionné précédemment, construire en bois c’est construire avec un matériau produit par la nature29. De fait, toutes les réflexions inhérentes à la provenance et à la qualité de cette « matière » prennent une réelle importance dans le cadre d’une exploitation à des fins de projet de construction, cette dernière étant contrainte par le positionnement géographique de la forêt ainsi que par celui des activités industrielles de la filière. Hermann Kaufmann insiste particulièrement sur ce point lorsqu’il évoque les caractéristiques basiques d’une maison écologique30. En outre, concevoir durable en utilisant le bois c’est forcément porter une réflexion sur la provenance de cette matière. Qu’il s’agisse de l’opération de Montreuil ou celle de Saint-Dié, le discours des maitres d’ouvrages ainsi que des architectes comporte toujours une attention particulière à l’origine des bois mis en oeuvre pour la structure du bâtiment. Dans les deux cas, un propos est tenu par les maitres d’ouvrages sur la volonté de favoriser les circuits courts afin de limiter le transport des éléments structurels par camion. L’importance de la proximité géographique des éléments de structure est directement observable pour l’immeuble de Saint-Dié. En effet, il est bien connu que la région est particulièrement fournie en forêts dont la plupart sont exploitées pour la construction. Lors de mon voyage dans les Vosges je fus frappé par le nombre de scieries que j’ai pu rencontrer sur mon chemin, c’est à ce moment que j’ai réellement pris conscience de l’importance de la filière bois dans l’économie locale. C’est ainsi que l’ensemble des poteaux et des poutres constituant la structure de l’immeuble de la résidence Jules Ferry proviennent directement des scieries du département. Toutefois, si Jean-Luc Charrier revendique légitimement l’importance et la performance de l’industrie du bois en place dans la région, il est intéressant de constater que les murs et les planchers en contre-collé, qui représentent une quantité de bois supérieure à

30 - IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIE AU PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L’IMMEUBLE


celle des poteaux et des poutres de l’immeuble, proviennent d’Autriche. Cette observation est à relativiser dans les sens où, comme discuté avec Antoine Pagnoux, tout est question de marché pour les industriels. Il est clair que si le Toit Vosgien et l’équipe de maitrise d’oeuvre avaient pu se fournir directement dans la région ils l’auraient fait, car la base de leur motivation reste tout de même le développement économique local31. Concernant l’immeuble de Montreuil sur ce point, le discours des architectes suit la même logique, celle de valoriser les circuits courts. JeanLouis Gauthier est un acteur particulièrement sensible à l’état et au devenir de la forêt française en intégrant dans sa réflexion des questions relatives à sa protection et son devenir dans un contexte d’exploitation plus intensive. Néanmoins, je fus étonné de voir que les acteurs de ce projet n’ont pas la même notion de localité que ceux de Saint-Dié. En effet, l’échelle mentionnée par Jean-Louis Gauthier et Mathias Romvos sur l’origine des bois de leurs projets est l’échelle nationale, voire européenne32. Ceci est certainement dû au fait que la région parisienne n’ait pas la même culture de construction que la région alsacienne, l’ensemble des éléments de structure de l’immeuble provenant des Vosges, tout comme les entreprises qui ont fabriqué le bâtiment. Dans les deux cas les propos des maîtres d’ouvrages revendiquent l’utilisation de bois issus de forêts gérées durablement, en partie car ces bois font l’objet d’une labélisation qui permet un affichage médiatique. Cette vigilance sur l’origine du matériau montre que cet aspect, décisif dans le cadre d’un développement soutenable généralisé, est plutôt bien ancré dans les esprits de ces maitres d’ouvrages. L’utilisation de matériaux transformés comme le bois contre-collé et lamellé-collé fait de plus appel à des essences de bois auparavant peu valorisées dans la filière, tout en étant moins onéreuses. Cette prise de conscience sur la qualité de la matière est également valable pour la constitution de l’enveloppe des immeubles. En effet, Jean-Louis Gauthier pousse le raisonnement plus loin en s’intéressant aux matériaux synthétiques nécessaires au montage des murs à ossature bois, qu’il juge encore trop polluants comme le pare-pluie ou le pare-vapeur, les adhésifs à base de pétrole ou encore la mousse polyuréthane. Le projet de Saint-Dié va même plus loin, les concepteurs ont fait le choix d’utiliser un complexe d’enveloppes rarement utilisé aujourd’hui pour ce type de programme : l’isolation avec de la paille (cet immeuble est le plus haut du monde isolé avec de la paille). L’utilisation de ce matériau « bio-sourcé », fièrement revendiqué par le maître d’ouvrage et l’architecte,

Notes 31. Extrait de l’entretien avec Antoine Pagnoux : « Moi je préfèrerais utiliser une planche de bois qui est découpée dans la forêt là pour la mettre ici, c’est la logique, sauf que la filière elle existe pas, les filières ici en France elles existent pas, le matériau il existe pas, et il est toujours moins impactant de ramener du bois d’Autriche, ce qui est d’ailleurs dramatique, que de faire du béton ici en France. [...] Par contre, une chose est sûre c’est que s’il n’y a pas de projet qui se font, ces projets-là ne donneront pas naissance à d’autres projets, et donc jamais il y aura de filière, et donc jamais on utilisera du bois, qu’il vienne d’Autriche, ou d’ici ». 32. Dans l’entretien que j’ai effectué avec l’architecte, Mathias Romvos parle de « l’Europe proche ».

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 31


s’inscrit dans une logique de valorisation de constituants naturels et locaux dans l’optique de contourner l’utilisation de la traditionnelle laine de roche, non adaptée aux qualités de respiration naturelles des parois recherchées par l’équipe de maitrise d’oeuvre33. Selon Antoine Pagnoux, il s’agit « d’impacter le moins possible en construisant », c’est à dire d’équilibrer la balance entre l’énergie utilisée pour la construction et l’énergie consommée lors de la vie de l’ouvrage. Notes 33. Le choix de laine de bois aurait pu être pertinent (plus performante et moins encombrante que la paille), mais celle-ci ne constituait pas une matière adaptée aux échanges d’humidité dans les parois recherchés par les concepteurs. De plus, elle ne permettait pas de faire travailler une usine locale et aurait ainsi pu compromettre la labellisation Passivhaus. 34. Extrait d’entretien avec Jean-Louis Gauthier : « Première raison [...] matières premières, la quantité de matières premières en soi, dans l’ossature bois notamment, on utilise peu de bois, peu de matière première, et celle qu’on utilise et bien elle fait partie d’une filière bois donc participe au développement de la forêt française et européenne ». 35. Source : Science et Vie Junior n°303 (Décembre 2014), p.23 Selon les experts de Météo-France, le risque d’incendie augmentera de 30% à 60% d’ici 2050.

Comme évoqué avec Jean-Louis Gauthier, travailler avec le bois c’est aussi s’intéresser à la quantité de matière mobilisée pour construire l’ouvrage. Cet argument est le premier qu’il m’ait communiqué lorsque je l’ai interrogé sur son intérêt pour les immeubles en bois34, se référant au slogan bien connu désormais : « un mètre cube de bois utilisé c’est une tonne de CO2 stocké ». En effet, dans le cas de l’immeuble de Montreuil la technologie du mur à ossature bois, constituée d’éléments de petite dimension pour créer des murs « vides » remplis d’isolant, permet de créer la même quantité de parois verticales avec beaucoup moins de matière que si elles étaient construites en maçonnerie. Cet aspect, associé à celui de la légèreté du bois, est propre à la construction par éléments assemblés et est encore plus valable pour les constructions en poteaux-poutres. Cependant je n’ai pas réellement retrouvé cette préoccupation lors de mes entretiens avec Jean-Luc Charrier et Antoine Pagnoux. En effet, l’utilisation de panneaux pleins contre-collés va à l’encontre de cette idée d’assemblage de petits éléments et de légèreté, bien que ces « voiles » en bois soient tout de même plus légers que s’ils étaient construits en maçonnerie. En outre la légèreté du bois a permis de recourir à des fondations plus « légères » que s’il s’était agi d’un bâtiment ne maçonnerie et donc moins gourmandes en ressources tout en étant moins onéreuses. Dans les cas des immeubles de Montreuil et Tourcoing ces affirmations sont à relativiser du fait de l’utilisation d’un noyau en parpaings. D’une façon plus générale, la réflexion sur la quantité de bois mobilisé s’inscrit dans une vision plus large liée au risque que court le territoire français, du fait du changement climatique global et l’augmentation des températures, de constater une augmentation du nombre d’incendie majeurs de ses forêts d’ici à 205035. LA PHASE CHANTIER : DES ATOUTS CONTRE LES NUISANCES En plus de faire travailler des entreprises locales, le temps du chantier est l’occasion pour les différents acteurs de communiquer autour des opérations en cours ainsi que d’échanger sur le montage du projet (qui dépend des techniques constructives en bois mises en oeuvre). La question du dialogue entre les différents corps de métier devient ainsi décisive pour mener à bien la

32 - IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIE AU PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L’IMMEUBLE


mission, la précision demandée par le travail du bois nécessitant des échanges permanents entre les différents intervenants, ouvriers, artisans ou architectes. C’est en outre l’occasion de mettre sur un pied d’égalité les acteurs de la construction du projet et de renforcer les liens entre les équipes de conception et de construction, une dimension sociale au coeur d’un développement soutenable. C’est ainsi que concevoir et construire un immeuble en bois soulève des questions sur le temps de naissance de l’ouvrage, les modes opératoires qu’engendrent ce matériau provoquant des différences non négligeables par rapport à ceux d’une construction maçonnée plus traditionnelle. En effet, sur chacun des immeubles mobilisés le propos des différents acteurs a toujours mentionné cette phase du processus de construction de l’immeuble qui est, d’après Jean-Louis Gauthier, « beaucoup plus simple à gérer ». Le premier argument connu en faveur du bois est sa rapidité d’exécution par rapport à une construction maçonnée. A fortiori, plus le temps de construction sera court, moins les nuisances liées au chantier seront présentes longtemps. Cette rapidité de construction, véritable argument de la filière bois, est caractéristique du matériau qui s’affranchit notamment des temps de séchage inhérents au béton, la filière bois étant une filière dite « sèche ». Les immeubles étudiés ont ainsi tous été construits plus rapidement que s’ils avaient été faits avec une matière nécessitant un temps de séchage, et ce alors même que deux d’entre-eux font appel à une cage d’ascenseur ou d’escalier en parpaings pour les contreventer36. Ce gain de temps est en partie dû à la notion de « temps masqué », terme évoqué par Jean-Louis Gauthier, où il s’agit de l’intervalle de temps dans lequel il est possible de lancer la fabrication des éléments préfabriqués en bois alors même que l’infrastructure maçonnée censée la réceptionner n’est pas achevée.

Notes 36. Le montage de la structure brute des huit niveaux de l’immeuble de la résidence Jules Ferry a ainsi pu s’effectuer en moins d’un mois malgré des pluies diluviennes.

FIGURE 15 Différentes vues de l’érection de la cage d’escalier de l’immeuble de Montreuil C’est pendant ce laps de temps que les éléments constituant la structure bois sont fabriqués dans les ateliers. Source des images : compte Facebook de l’agence Graam

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 33


Notes 37. Extrait d’entretien avec Antoine Pagnoux : « je pense qu’on est allés beaucoup plus vite qu’un chantier classique, grâce à la préfabrication du bois notamment, et le fait de faire des prototypes c’était même avant de consulter les entreprises. C’est à dire que comme ça n’a jamais été réalisé il était pas question qu’on improvise et qu’on se dise : « Tiens ça tient comme ça, ah non ça tient pas... » nous la maitrise d’oeuvre on a pris la responsabilité de faire un prototype de caisson paille, le présenter devant un panneau, de voir comment ça se fixait, de définir les modes de fixation,. Avant même la réalisation du chantier je savais exactement, au centimètre près où étaient les prises de courant, où étaient les interrupteurs, les différents diamètres des gaines techniques [...] je savais [...] combien il y avait de caisson paille, combien il y avait de bottes de paille, combien il y avait de vis par caisson de paille, donc il y avait pas de hasard, et pas de variante possible pour l’entreprise. On a mis du temps, on avait une année d’étude grosso modo pour une année de chantier, mais après derrière c’était clair quoi.»

C’est ce décalage, offert par la possibilité de travailler en atelier qui permet, une fois l’assise et/ou le noyau central terminés, d’assembler les composants bois préfabriqués sur le chantier. Ce décalage a également pour effet de reléguer les nuisances sonores de la fabrication des panneaux dans les ateliers, qui sont des espaces clos et souvent loin des espaces urbanisés. Ainsi, les trois immeubles étudiés ont fait appel à la préfabrication en atelier pour leur construction, c’est dire l’importance de celle-ci dans une logique écoresponsable de l’édification de ce type d’immeubles. En plus du temps masqué, la rapidité de construction est induite par la vitesse dans l’assemblage des différentes pièces du « puzzle ». En effet, tous les éléments étant dessinés dans leur intégralité par avance, comme me l’a communiqué Antoine Pagnoux, leur mise en place sur le chantier est très efficace puisque chaque pièce a sa propre place. C’est ainsi que la structure des immeubles de Montreuil et de Saint-Dié a pu être intégralement montée en moins de deux mois et que la phase chantier n’a pas engendré de difficultés particulières en dépit du fait que l’utilisation de panneaux de bois contre-collés en R+7 était une première pour l’agence37. La « poussée » des huit niveaux de l’immeuble de Saint-Dié a même été plus rapide que celui de la simple cage d’escalier et d’ascenseur de l’immeuble, en béton banché. Le fait que le chantier mobilise moins d’ouvriers participe également à la rapidité d’exécution de l’ouvrage en optimisant les tâches de chacun, tout en participant à faire baisser les coûts liés à la main d’oeuvre. Néanmoins le fait que les immeubles de Montreuil et de Tourcoing mobilisent une large part de construction traditionnelle en maçonnerie tend à relativiser le propos sur le chantier qui, du fait du choix de réaliser une structure mixte béton et bois, ne parvient pas tout à fait encore à s’affranchir de la construction maçonnée. Les photos du chantier de l’immeuble de Montreuil montrent bien que la portion de parpaings dans l’ouvrage est assez importante et que les premières phases de montage ne diffèrent pas vraiment d’une construction plus classique. Le projet de Saint-Dié fait également intervenir le béton pour les fondations, le rez-de-chaussée et la cage d’ascenseur, mais cette dernière ne participe pas au contreventement de l’immeuble.

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IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIÉ A L’USAGE DE L’IMMEUBLE SUR LE LONG TERME Il s’agit de se préoccuper, à partir de l’analyse des cas étudiés, de l’impact environnemental de l’immeuble lors de sa période d’usage. Cette phase représente environ 80% du total de l’empreinte écologique du bâtiment au cours de sa vie. BOIS ET BIOCLIMATISME : UN MARIAGE HEUREUX ? Si l’utilisation du bois dans les immeubles de logement, voire dans des opérations de réhabilitation, n’est pas nouvelle pour le Toit Vosgien, c’est réellement à partir de 2009 avec la résidence les Héliades que la société commencé à faire parler d’elle au niveau national. Cette résidence avait déjà fait grand bruit dans la région avec ses cinq niveaux en structure bois et l’intégration des technologies contemporaines pour favoriser les économies d’énergie, dont une grande surface de panneaux solaires. Il existe je pense un lien entre concevoir en bois et associer à cette conception des dispositifs architecturaux responsables, qui tendent vers les principes bioclimatiques. Cette question se situe dans la réflexion générale sur la maitrise des climats et des territoires urbains (formation des ilots de chaleur, gestion des microclimats...). A l’échelle de l’édifice, il s’agit d’explorer la notion de confort climatique et du renforcement des exigences d’un point de vue règlementaire avec la règlementation thermique, mais aussi culturel avec l’habitude prise de maitriser la température des espaces intérieurs.

FIGURE 16 Photos de la résidence les Héliades à Saint-Dié Il n’est pas difficile d’entrevoir des similitudes franches avec la résidence Jules Ferry, et ce en dépit du fait qu’il ne s’agisse pas du même architecte (François Lausecker). Photos personnelles (Septembre 2014)

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 35


FIGURE 17 Principes bioclimatiques revendiqués par le Toit Vosgien L’accent est mis sur les dispositions solaires engendrées par la volumétrie et le traitement de façade des immeubles. Plaquette issue du fascicule de promotion de la résidence Jules Ferry

Notes 38. DUTREIX (Armand), Bioclimatisme et performances énergétiques des bâtiments, Eyrolles, 2010, p.18. Selon lui, « construire de façon bioclimatique » pourrait se traduire par « construire en mettant en harmonie le climat avec la biologie humaine ». 39. ibid, p.90

Il convient je pense de clarifier le terme bioclimatique, qui fait référence au rapport qu’entretiennent l’homme (bio) et le climat (climatisme)38. Il s’agit de porter une attention à l’impact de la confrontation entre le climat et l’ouvrage à travers l’état physique de l’espace. On s’intéresse alors avant tout à l’état thermique (au sens du rayonnement thermique ambiant) mais pas seulement puisque, d’après Armand Dutreix, spécialiste des questions bioclimatiques, il s’agit aussi de prendre en compte tout ce qui peut influer sur la perception de l’environnement par le corps de l’homme comme la température, le degré d’hygrométrie ou encore la vitesse du vent39. Sur les trois immeubles étudiés, deux affichent clairement des arguments en faveur d’une conception dite « bioclimatique ». Même en 2014 où la pression des enjeux environnementaux est forte, affirmer clairement des arguments en faveur d’une pratique de conception basée sur des principes bioclimatiques pour des immeubles de logements est assez surprenant. Le fait que ces propos concernent deux immeubles en bois sur les trois que j’ai étudiés est interpellant, comme si concevoir de façon un peu plus responsable était lié à l’utilisation du matériau bois. Dans ce qu’il m’a été donné de voir, le terme bioclimatique est en effet perçu par les promoteurs et les architectes comme valorisant pour l’ouvrage généré, et ils n’hésitent pas à en faire la promotion auprès du public. C’est ainsi que le document de présentation de la résidence Jules Ferry consacre une page à la conception intelligente du bâtiment, en particulier à travers son lien avec le soleil. De même Pierre Coppe, l’architecte

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FIGURE 18 Réflexions de Jacques Labro sur des principes bioclimatiques pour la station de sports d’hiver d’Avoriaz

du bâtiment de Tourcoing, dans une vidéo de présentation de l’immeuble Pégase fait l’éloge de la partie végétalisée de la façade Nord en insistant sur son rôle dans « l’évapotranspiration et le confort thermique du bâtiment »40. La prise en compte des principes bioclimatiques n’est pas nouvelle dans l’élaboration des projets d’habitat collectif comportant une part dominante de bois. En effet, parmi les architectes dont nous avons évoqué plus haut les apports dans la réflexion sur la construction bois appliquée à ce type d’habitat, l’opération du Sea Ranch de Charles Moore explore, dès 1964 des formes bâties induites par le caractère spécifique du climat local, très venteux. Quelques années plus tard, Jacques Labro s’en inspirera pour la station d’Avoriaz, en mettant là encore en oeuvre des principes formels dictés par la course du soleil et les vents dominants, comme le montrent les croquis ci-dessus. Ces réflexions sur l’enveloppe du bâtiment, qui datent des années 1960, devraient être au coeur de l’actualité aujourd’hui car conférer une forme raisonnée à la volumétrie et à l’enveloppe c’est éviter de compenser les contreperformances par l’utilisation de dispositifs techniques, censés « rattraper » les faiblesses de conception. En quoi le bois est-il un facteur favorisant le choix d’une démarche raisonnée vis-à-vis de l’environnement naturel ? Le fait que les architectes et les maitres d’ouvrages portent une réflexion sur le bioclimatisme s’effectue, je pense, parce que le bois est reconnu comme étant un matériau avec un réel

Concevoir en bois et se préoccuper du rapport au climat local et aux conséquences sur le bienêtre des personnes à qui est destiné le projet n’est pas nouveau... Source des documents : Architecture d’Aujourd’hui n°126 juin/juill 1966, Constructions en montagne, André Bloc dir.

Notes 40. Source : www.youtube. com/watch?v=_ UxLAXldOAA ; interview de Pierre Coppe à propos de l’immeuble

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 37


Notes 41. Il est de plus important d’avoir à l’esprit que l’inertie n’améliore pas l’isolation, mais diffère le transfert de chaleur entre l’extérieur et l’intérieur. Il y a aussi des moyens de compenser une faible inertie en feuilletant et surventilant l’enveloppe en bois (diminution de l’exposition au soleil et pas de stagnation d’air chaud). FIGURE 19 Photo de la façade Sud de la résidence Jules Ferry accompagnée d’une coupe illustrant le rapport que le bâtiment entretient avec l’espace public (éch. 1:100) Le strict respect des principes bioclimatiques engendre un rapport très direct avec la rue Pierre Bérégovoy, au détriment de l’intimité des balcons des logements. Le rôle des claustras est en outre très relatif quant à la préservation de l’intimité.

L’application des principes bioclimatiques sur les immeubles étudiés a en partie dicté leur volumétrie. En effet, comme le mentionne sa plaquette de promotion, le gabarit et l’orientation des volumes de la résidence Jules Ferry sont étudiés par rapport au Soleil. C’est ainsi que l’attention portée à la gestion des apports lumineux en fonction de la saison par l’orientation Sud et la prise en compte des angles d’incidence solaires, est caractéristique d’une utilisation adaptée à la faiblesse inertique du bois42 et la volonté de contrôler l’état thermique de l’espace intérieur. En outre, le ressenti des habitants à propos de leur confort est assez élogieux. En effet, la plupart m’ont relaté

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Source : photo personnelle (Septembre 2014)

manque d’inertie thermique (bien qu’il y ait des différences entre l’ossature bois et le CLT, qui possède une meilleure inertie du fait de sa masse supérieure). Les structures en bois n’ont en effet pas la capacité de réguler la température des espaces par le cycle jour/nuit en saison estivale. Cette aptitude, appelée déphasage, est propre aux matériaux à forte inertie thermique comme le pisé, le béton ou la brique, et est réellement dommageable pour le bois qui est très performant en hiver mais potentiellement nuisible en été avec l’apparition de surchauffes difficilement supportables sans appareil de climatisation41. En outre, les concepteurs sont bien obligés d’imaginer des dispositifs et des configurations visant à protéger les espaces intérieurs du soleil d’été pour le bien-être des occupants. Cette composante relève presque de l’obligation si l’on veut être à la hauteur du confort thermique revendiqué et recherché lors de la conception. A l’inverse, l’un des points positifs de l’absence de déphasage réside dans la limitation du phénomène de non diminution des températures la nuit lors des chauds mois d’été. En effet, comme le bois n’a pas cette capacité de restitution de la chaleur par déphasage on peut penser que sa généralisation à l’échelle d’une ville aura des conséquences bénéfiques dans la lutte contre le changement climatique, au moins sur les phénomènes d’ilots de chaleur urbains.

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s’y sentir très bien, avec souvent des termes récurrents comme « chaleureux » ou « chalet ». Il convient de préciser que la plupart d’entre eux proviennent d’habitations bien moins qualitatives d’un point de vue thermique, la plupart m’ayant confié avoir choisi de déménager pour profiter, entre autres, d’une meilleure isolation. La réflexion portée par l’équipe de maitrise d’oeuvre sur la volumétrie des bâtiments ainsi que sur leur orientation participe donc pleinement au très bon niveau de confort intérieur. Néanmoins, le strict respect des principes bioclimatiques n’est pas sans poser de questions quant au rapport à la rue de la façade Sud du petit bâtiment, qui est en contact direct avec l’espace public (figure 19). Le contre-exemple à apporter sur la question de la prise en compte ou non de la conception bioclimatique est certainement l’immeuble de Montreuil, dont l’orientation Est/Ouest a été principalement dictée par les mitoyennetés. Ce qui va suivre illustre bien l’importance d’une réflexion spécifique sur les questions de régulation thermique dès lors que l’on choisit de concevoir en bois. En effet, les habitants de l’immeuble m’ont confié mal supporter la chaleur lors de la saison estivale, l’un d’eux qualifiant même cette dernière « d’enfer ». La conception suivant des principes bioclimatiques n’étant pas revendiquée par les acteurs du projet, il apparaît clairement que c’est au détriment du confort thermique des logements en été. En effet, la façade Ouest du bâtiment, exclusivement en murs ossature bois, ne fait pas l’objet d’une réflexion spécifique visant à la protéger du soleil. Le manque

Notes 42. Les essences de bois traditionnellement utilisées dans la construction ont généralement une masse volumique très inférieure par comparaison avec des matériaux issus de la construction massive comme la pierre, le pisé ou le béton. Ces derniers sont en effet très compacts, et capables d’emmagasiner des calories transmises par la chaleur.

FIGURE 20 Photo et coupe de la façade Ouest de l’immeuble de Montreuil. Son traitement ne diffère pas de celui des autres faces, d’où l’apparition de phénomènes de surchauffe les mois d’été. Source : photo personnelle (Mai 2014)

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CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 39


d’inertie et la très bonne isolation aidant, la chaleur s’accumule à l’intérieur des appartements et la sensation de surchauffe apparait. Le dispositif utilisé pour protéger les baies ne permet pas vraiment lui non plus de protéger l’intérieur des appartements contre l’excès de chaleur, ce dernier n’étant constitué que d’une fine épaisseur de textile. Mathias Romvos explique le phénomène par rapport au manque d’inertie du bois, mais aussi par l’usage des habitants qui ne respectent pas les « consignes » nécessaires au bon fonctionnement de la ventilation double flux. Il évoque ainsi le problème : « on est censés avoir du rafraichissement par l’extérieur, et donc le problème c’est qu’ils [les habitants] doivent gérer la fermeture de l’accès de température à l’intérieur [...] on fait des bâtiments qui sont des pataquès technologiques, et les gens ne savent pas vivre dans ce genre d’usages [...] si on ouvre, et que ça chauffe à l’intérieur ce que je trouve extrêmement agréable, il n’empêche que ça s’accumule et donc ça n’a pas de rafraichissement possible.» Se pose alors d’après lui un problème « double », basé d’une part sur une faiblesse matérielle, la faible inertie du bois, et d’autre part sur les usages faits par les résidents de l’immeuble, la ventilation naturelle ne parvenant plus en été à palier à l’excès de chaleur. En outre, l’un des points forts du bois pour contourner ce problème est sans doute sa bonne capacité à se coupler à d’autres matériaux de construction. En effet, si l’on prend le cas de l’immeuble de Tourcoing, la technologie de planchers mise en oeuvre est une technique mixte associant bois et béton. De même pour l’immeuble de Saint-Dié où l’utilisation d’une chappe de 7 cm d’épaisseur, en plus de renforcer l’isolation acoustique, confère de l’inertie. Cet apport grâce au matériau béton peut potentiellement bien servir le projet en participant à l’accumulation de calories dans les planchers, provoquant de fait le déphasage recherché. Cette capacité d’adaptation participe à l’innovation en matière de progrès technique dans le but d’augmenter les performances environnementales des ouvrages en bois.

FIGURE 21 Coupe du bâtiment illustrant la composition de l’enveloppe de l’immeuble de Saint-Dié (1:50) On distingue clairement les caissons remplis de paille et fixés directement sur les murs en bois contre-collés. La vêture en tuiles est quant à elle solidaire des caissons. Source : document de l’agence ASP architecture

L’ENVELOPPE DE L’IMMEUBLE EN BOIS COMME PRÉTEXTE À L’EXPÉRIMENTATION Cette souplesse se retrouve aussi et surtout au niveau de l’enveloppe des ouvrages. En effet, l’immeuble en bois se prête bien à l’expérimentation de dispositifs d’isolation thermique de toutes sortes et de revêtements de toute nature, dans l’optique de minimiser l’impact énergétique des immeubles sur le long terme. Cet élan est qualifié d’« expérimental » dans le sens où la pluralité des solutions possibles est considérable et qu’il n’existe pas de recette toute faite pour trouver le bon dispositif. Place est alors donnée à l’expérimentation

40 - IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIE A L’USAGE DE L’IMMEUBLE SUR LE LONG TERME


Pour illustrer le propos sur la capacité d’expérimentation de l’immeuble en bois, le cas de la résidence Jules Ferry est très parlant. En effet, le dispositif choisi pour isoler le bâtiment est un procédé constitué de caissons de bois remplis avec de la paille, de dimensions 2,50m par 1,20m par 50cm. Outre le caractère éco-responsable de la démarche d’effectuer un remplissage paille originaire de quelques kilomètres et qui fait fonctionner une usine locale, c’est véritablement la souplesse de la structure de l’immeuble ayant permis la fixation de ces caissons qui est intéressante à observer. Ces derniers sont empilés le long de la façade et constituent une véritable deuxième structure accolée à la première44. L’éloignement de la vêture, fixée aux caissons de bois, a tendance à provoquer des efforts de cisaillement avec les murs en contre-collé. En outre, les caissons ont véritablement un rôle structurel à part entière puisqu’ils se portent euxmêmes et participent au contreventement. Leur fixation s’effectue par vissage oblique directement dans le mur en contre-collé. Si la façade avait été en béton, il n’aurait sans doute pas été aussi simple de fixer ces éléments d’isolation. La nature du lien entre structure de l’immeuble et fixation des caissons isolants a ainsi été décisive quant à l’utilisation de ce dispositif simple et innovant.

Notes 43. Un pont thermique correspond à la conduction de température (chaude ou froide) d’un matériau ou de l’assemblage de plusieurs matériaux depuis l’extérieur jusqu’à l’intérieur d’un bâtiment. Il constitue donc une faiblesse thermique. 44. Ce dispositif d’isolation est utilisé quel que soit l’orientation de la façade, et donc avec des conditions thermiques différentes (ensoleillement, vents dominants...).

PANNEAU DE CLT

stimulant également l’innovation afin de rendre les systèmes d’isolation encore plus performants. La question de la façade et de sa composition est importante dans une logique de performance environnementale, et depuis longtemps déjà on lui demande, en plus de porter le bâtiment, d’être un rempart thermique et acoustique performant (tout en étant esthétique). Les logements en bois n’échappent pas à cette logique, la technologie bois étant, d’après Manuel Falempin « une bonne réponse » au traitement des ponts thermiques43 du fait notamment de l’intégration de l’isolation directement dans le système structurel des murs à ossature bois.

FIGURE 22 Schéma d’assemblage d’un caisson rempli de paille sur le mur en bois contre-collé. Document issu de la plaquette de promotion de la résidence Jules Ferry

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 41


Notes 45. Source : www. youtube.com/watch?v=_ UxLAXldOAA ; interview de Pierre Koppe à propos de l’immeuble

Le discours revendiqué par Pierre Coppe à propos de l’immeuble de Tourcoing est lui aussi très parlant. En effet, dans une vidéo où il explique les atouts énergétiques de l’immeuble il évoque que l’objectif était de « garantir une isolation thermique maximale »45. Comme vu précédemment, il est propre aux systèmes constructifs en bois de ne pas proposer de recettes toutes faites dès lors que l’on recherche les meilleures performances énergétiques (ou architecturales...). En effet, les techniques de construction bois en place se marient très bien avec d’autres, celles-ci pouvant même mettre en scène des matériaux d’une autre nature. Ici, l’ossature poteaux-poutres de l’immeuble est comblée en façade par des éléments de murs à ossature bois, chargés de l’isolation. Une « ceinture » isolante a été ajoutée à l’extérieur par fixation sur ces mêmes murs. La façade n’ayant pas de fonction porteuse ni même de contreventement, c’est pourquoi Pierre Coppe parle d’un « bâtiment qui n’est qu’une isolation ». La façade de l’immeuble en bois est ainsi exploitée pleinement pour y insérer le maximum d’isolant.

FIGURE 23 Détail d’enveloppe au niveau d’un plancher de l’immeuble de Tourcoing (coupe 1:10) Source : agence Pierre Coppe architectes, carnet de détails LEGENDE 1 Contre-isolation thermique en fibre de bois 2 Mousse Icynene (entre les montants du mur à ossature bois) 3 Complément d’isolation pour limiter le pont thermique 4 Poutre lamellé-collé section 20x28 cm 5 Poteau lamellé-collé section 24x24 cm

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42 - IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIE A L’USAGE DE L’IMMEUBLE SUR LE LONG TERME


Cet aspect est encore plus visible lorsqu’il s’agit d’y implanter les vingt centimètres de façade végétalisée du dernier étage, preuve que le mur à ossature bois est capable de recevoir une multitude de revêtements différents46, dont un certain nombre figure sur cet immeuble. Ces observations sur la nature de l’enveloppe montrent que, d’une certaine façon, l’importance de la structure dans l’appréciation formelle de l’ouvrage tend à passer au second plan vis-à-vis de l’enveloppe, qui, nous le verrons, devient un paramètre prépondérant pour déterminer l’image de l’ouvrage. La structure de la toiture quant à elle, composée de bois, se plie en sheds pour orienter des panneaux photovoltaïques de façon optimale par rapport à l’angle moyen des rayons du soleil. L’utilisation du registre des bâtiments industriels permet d’optimiser l’orientation des panneaux afin d’augmenter leur rendement. Ceci témoigne de la souplesse des structures en bois contemporaines en parvenant à reprendre les formes des charpentes métalliques qui sont à l’origine de ce langage particulier. MUTABILITÉ / ÉVOLUTIVITÉ / DÉCONSTRUCTION : ÉLÉMENTS DE DURABILITÉ DIFFICILEMENT APPLICABLES La question de la durabilité des ouvrages en bois est particulièrement importante pour Hermann Kaufmann : « Son [la maison écologique] fonctionnement devrait être le plus économique possible en énergie et sa démolition s’effectuer en laissant le moins d’empreinte dans la nature. Les différents composants de la maison devraient avoir des cycles de rénovation différents afin qu’une réhabilitation soit facile à réaliser »47. Concrètement, cette question a surtout pu être abordée avec les acteurs de l’immeuble de Saint-Dié. En effet, la démarche du Toit Vosgien à propos du caractère durable de ses projets s’inscrit depuis leurs origines sur des logiques de développement à long terme, dans le sens où depuis trente-cinq ans cette réflexion est nourrie et développée dans leurs opérations de logements. La réflexion sur les questions de mutabilité et d’évolutivité des immeubles s’inscrit pleinement dans des logiques de développement sur le long terme. Il peut s’agir d’évolutions portant sur l’agrandissement des appartements, ou sur un changement d’affectation par la transformation d’un ou plusieurs logements en bureaux. La « souplesse » structurelle de l’immeuble, sa capacité à s’accommoder et faciliter ce changement de destination devient

Notes 46. Il peut s’agir de plaques de métal, de panneaux de verre, de panneaux supports d’enduits, de panneaux de fibrociment, de plaques de tôle ondulée, de films plastiques, de bardages bois... Nous y reviendrons en troisième partie de ce mémoire. 47. KAUFMANN (Hermann), Wood works, recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011, p.266

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 43


alors un critère important. Elle est fonction de l’organisation même de la structure, par façades porteuses, en périphérie ou à noyau central par exemple. Dans les cas des immeubles de Montreuil et de Saint-Dié, il apparaît que les problématiques d’évolution ne sont pas revendiquées par les maitres d’ouvrages et les architectes. De fait, lorsqu’on lit les plans et les coupes des immeubles il n’est pas difficile de s’apercevoir qu’il ne sera pas simple de modifier la structure pour un changement d’affectation. Les priorités étaient donc ailleurs.

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Pour la résidence Jules Ferry, Antoine Pagnoux rappelle « qu’il ne faut pas oublier l’objet », l’immeuble est destiné à accueillir une population pour majorité à faibles revenus, et l’essentiel des efforts a été consacré au combat pour la sobriété énergétique. Il convient aussi d’être conscient que cet immeuble est le premier aussi élevé pour l’agence et qu’il fait office de précurseur pour alimenter des projets plus importants à venir. La volonté de faire simple, pour être certains d’arriver au but a sans doute relégué les questions de mutabilité sur un second plan. C’est ainsi que l’utilisation des panneaux de bois contre-collés, qui constituait pour les maitres d’oeuvre une première fois pour un bâtiment en R+7, a limité la capacité à modifier un jour

FIGURE 24 Plan de l’étage courant de l’immeuble de SaintDié (1:200)

FT +SG

RESILLE METAL

17.0/28.0 17 Mar

1.70

EDF

8

4.48

128

RESILLE METAL

Logt 1 (R+1) Logt 4 (R+2) Logt 7 (R+3) T3 / 76.03m²

Logt 2 (R+1) Logt 5 (R+2) Logt 8 (R+3) T3 / 76.03m²

9

Logt 3 (R+1) Logt 6 (R+2) Logt 9 (R+3) T4 / 90.04m²

EP

GTL

GTL

4

EP

7

7

Source : document personnel réalisé à partir d’un document de l’agence ASP Architecture

GTL

En tiretés rouge figurent l’emplacement des murs en bois contrecollés qui délimitent les appartements et contreventent l’édifice.

EP

EP

BALCON 11.63 m²

BALCON 9.86 m²

BALCON 9.93 m²

BATIMENT A PLAN R+1, R+2, R+3 1/50

44 - IMPACT ENVIRONNEMENTAL LIE A L’USAGE DE L’IMMEUBLE SUR LE LONG TERME


la disposition des appartements. En effet, faire évoluer la partition des étages serait possible du fait de points porteurs ponctuels, mais très compliqué à cause du risque élevé de les percer, même ponctuellement. De plus, la présence bienvenue en termes d’économies d’une seule gaine technique, qui rassemble l’arrivée et l’évacuation des eaux ainsi que la ventilation des logements, contraint d’autant plus les capacités de mutation dans l’avenir. Pour Montreuil, même si Jean-Louis Gauthier a une certaine expérience dans les immeubles en bois et est tout à fait conscient des problématiques de mutabilité, il est apparu que la question de l’évolutivité des logements n’était pas centrale dans la logique du projet. Je pense que ceci est en partie dû aux contraintes que représentait l’implantation d’une construction sur cette parcelle, très étriquée, coincée entre deux maisons de faubourg. La surface dédiée à la cage d’escalier étant relativement grande compte tenu de la taille de la parcelle, et le choix d’une structure en murs à ossature bois montre clairement que la question de l’évolutivité de l’immeuble a été occultée. Le rôle porteur des murs à ossature bois délimitant les logements rend en effet impossible tout percement. De plus, cette technique constructive n’est pas aussi « souple » que les panneaux de bois contre-collés dès lors qu’il faut les découper. L’ensemble des éléments constituant le mur forment ainsi une micro-structure à ossature, bien plus fragile qu’un panneau de CLT qui, lui, peut facilement résister aux efforts de traction. FIGURE 25 Plan du troisième étage de l’immeuble de Montreuil (1:200) La surface allouée à la cage d’escalier en parpaings (zone en rouge) et les délimitations des appartements en murs ossature bois structurels (tiretés) condament les possibilités de mutualisation des logements. Source : document personnel réalisé à partir d’un original de l’agence Graam architectes

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 45


L’immeuble de Tourcoing quant à lui est un exemple intéressant pour ce qui est des questions relatives aux différences d’affectation des locaux. En effet, le plan de structure poteaux-poutres de cet immeuble est le même, qu’il s’agisse de la partie logements ou de la partie bureaux. Ceci est dû au fait que dès le départ le programme prévoyait qu’il y ait deux affectations possibles. Le choix d’une structure poteaux-poutres a ainsi permis de cloisonner plus librement l’espace que si ce dernier était délimité par des murs pleins. Cependant, dans l’optique d’une évolution future du partitionnement intérieur de l’immeuble, les retombées de poutres, les entre-axes et le positionnement des poteaux seront des éléments non négligeables du fait de leur capacité naturelle à créer des espaces. Leur incidence sera en outre déterminante pour définir les nouvelles partitions des locaux.

FIGURE 26 Photo des bureaux et plan de structure de l’immeuble au 3ème étage (1:200) Les retombées de poutres ainsi que la forte présence spatiale des poteaux seront des facteurs qui ne faciliteront pas la mutation des locaux le jour où le besoin s’en fera ressentir. Les points en rouge figurent les poteaux. Source des documents : image issue de la vidéo (www.youtube.com/ watch?v=_UxLAXldOAA) Plan issu de l’agence Pierre Coppe architectes

La question de la fin de vie des ouvrages est également une interrogation portée aux immeubles en bois. La problématique de la déconstruction se pose pour ces édifices qui sont pour une large part composés d’éléments assemblés, donc potentiellement démontables et réutilisables, à l’inverse des constructions maçonnées. Il est en effet reconnu que les déchets dus au bois de construction

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en fin de vie sont non polluants et recyclables, voire ré-employables. Il apparaît ainsi que dans la construction en bois traditionnelle il était fréquent de réutiliser d’anciennes pièces de charpente ou de poutraisons dans de nouvelles constructions, souvent en les réparant ou les recoupant48. Déconstruire diffère donc de détruire dans le sens où il est potentiellement possible de réutiliser les matériaux mis en oeuvre à base de bois, soit directement en élément de construction, soit d’isolation, soit de combustion. Cependant la nature de la structure constructive utilisée peut plus ou moins faciliter le recyclage des matériaux mis en oeuvre. Pour le Toit Vosgien la réflexion sur la fin de vie des ouvrages en bois est depuis les origines pleinement intégrée dans leur logique de construction. Sur la résidence Jules Ferry l’interrogation a été d’intégrer la logique de démontage dès le début de la conception. L’équipe d’architectes s’est ainsi concentrée sur le traitement des déchets liés à une déconstruction. S’ils reconnaissent qu’il sera difficile d’imaginer quand serait fait le démontage des bâtiments, ils s’appuient sur l’utilisation de matériaux bio-sourcés pour répondre au problème, en invoquant un traitement des déchets facilité du fait de l’utilisation de matières peu nocives. Sur la question du comment l’opération de démontage va se produire, ils ont reconnu ne pas avoir de réponse. Je pense néanmoins que la relative facilité de montage, notamment des caissons de paille, pourra s’appliquer en sens inverse, avec un simple dévissage pour les démonter de la structure principale. J’ai des doutes cependant quant à la facilité de démontage des panneaux de bois massifs.

Notes 48. Ces pratiques n’étaient pas propres à la construction en bois mais était également fréquentes pour la construction en pierre de taille.

FIGURE 27 Photos du montage des premiers murs de CLT de la résidence Jules Ferry et de la structure de l’immeuble Si le montage des panneaux est relativement aisé par un gros travail de dessin en amont, la question du démontage est plus difficile à envisager. Source des images : www.sortirdunucleaire. org/Le-logement-socialen-mode-sobriete et http://www. construction21.org/ belgique/case-studies/ fr/timberstraw-passiveresidence-jules-ferry.

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 47


Pour Jean-Louis Gauthier, l’idée de la déconstruction représente un argument à part entière quant à l’utilisation du matériau bois, et celle-ci est revendiquée par lui-même en présentant le bois comme un possible matériau de reconstruction. Il admet cependant que cette bonne volonté n’a pas fait l’objet d’une « réflexion spécifique sur un éventuel usage des matériaux dans le cadre d’une démolition », cette dernière étant d’après lui « trop virtuelle », dans le sens où son échéance est tellement éloignée qu’il a été difficile pour lui et l’équipe de maitrise d’oeuvre de se projeter si loin. L’utilisation du mur à ossature bois ne fait cependant pas obstacle à une logique de recyclage. INTRODUCTION DE LA NOTION DE COÛT GLOBAL : REFLET D’UNE DEMARCHE SOUTENABLE

Notes 49. Si Jean-Louis Gauthier a une préférence pour le bois pour des raisons idéologiques et environnementales, il ne cache pas que c’est aussi un choix pour se différencier de la concurrence.

La maitrise des coûts par les maitres d’ouvrages des opérations de Montreuil et Saint-Dié est intéressante puisque les deux promoteurs m’ont exposé une vision sur le long terme en évoquant la notion de coût global. Cette remarque s’inscrit dans la logique de gestion de l’immeuble dans le temps et révèle qu’il existe un lien entre construire des logements en bois et globaliser la question des dépenses49. Globaliser, c’est être conscient des économies que vont apporter les prédispositions énergétiques mises en place dans le projet ainsi que les questions d’entretien et de maintenance. Il s’agit donc de prendre le « risque » de payer l’ouvrage plus cher immédiatement après la fin de la construction et d’avoir confiance en la capacité des dispositifs censés diminuer les pertes énergétiques. En ce sens, penser au coût global c’est vraiment exprimer le reflet d’une philosophie construite et assumée par les maitres d’ouvrages. L’architecte Hermann Kaufmann est particulièrement attaché à cette notion qu’il développe systématiquement dans ses projets. Selon ses mots il s’agit d’une véritable « culture de construction », particulièrement présente au Voralberg où il mène la plupart de ses projets, mais qui a encore du mal à se généraliser. Le cas du Toit Vosgien est très parlant à ce propos. En effet, comme dit précédemment, la société a beaucoup de considération pour les dispositifs en faveur des économies d’énergie. Ces dispositifs peuvent être de différents ordres, aussi bien au niveau de l’architecture avec une orientation des volumes bâtis basée sur la course du soleil que des technologies embarquées. Mais là où la démarche soutenable s’exprime c’est dans la gestion raisonnée de la pérennité des différents matériaux mis en oeuvre. En effet, si le bâtiment est

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majoritairement revêtu d’un bardage en tuiles, c’est parce que cette dernière, à l’inverse d’un enduit, est capable de durer cinquante ou soixante ans. Si l’une d’elle venait à se casser, il n’y aurait qu’à la remplacer. Si le bois n’est exprimé que sur les coursives protégées de la pluie et du soleil, c’est parce que c’est le seul endroit où il est certain qu’il va tenir en place très longtemps. De même, si la cage d’ascenseur est en béton, c’est parce qu’elle est à l’extérieur. En somme, c’est parce que la structure de l’immeuble est en bois qu’elle est protégée par tous ces matériaux mis en oeuvre de façon pérenne. Si Jean-Luc Charrier estime le « surcoût » par rapport à une construction plus traditionnelle (qu’ils ne s’embêtent plus à comparer), entre 8 et 10 % supérieur, il est parfaitement conscient qu’à terme sa société réalisera des économies, et ce au bénéfice des habitants. Dans tous les cas l’intérêt pour les habitants est une réduction drastique de leurs factures de chauffage par rapport à leur ancienne habitation. Cette information est d’importance quand on sait qu’en Europe le chauffage des bâtiments est responsable de près de 40% des émissions de CO250. C’est ainsi que tous les habitants de la résidence Jules Ferry que j’ai interrogés m’ont confié avoir choisi de déménager à cause de leur factures exorbitantes de chauffage. Le passage à sept euros par mois est clairement un marqueur de fidélisation et la demande très forte pour habiter dans cet immeuble illustre bien l’attente auprès de la population. La logique de Jean-Louis Gauthier pour l’immeuble de Montreuil suit la même direction. En effet, sa vision du bâtiment en bois est avant tout destinée à des populations à faibles revenus51, en bénéficiant des « prix de construction industrialisés » qu’offre l’immeuble de par l’utilisation des murs ossature bois, la moins chère des techniques de construction en bois actuellement. Elle s’appuie aussi sur le gain de surface dont bénéficient les logements par rapport à une construction maçonnée, Jean-Louis Gauthier évoquant l’intérêt des murs par leur faible épaisseur par rapport au béton. De plus, les faibles charges de chauffage induites grâce aux « isolations performantes » de ces mêmes murs participe à l’idée que ces techniques sont particulièrement adaptées pour l’habitat social. Si auprès des habitants de cet immeuble la question des faibles charges de chauffage est moins présente que pour la résidence Jules Ferry, cette dernière suit néanmoins les mêmes valeurs, Mathias Romvos m’affirmant qu’elles s’élevaient également à sept euros par mois52.

Notes 50. Source : KAUFMANN (Hermann), Wood works, Springer, 2008 51. Il est important aussi de souligner qu’à la différence de Saint-Dié il s’agit d’accession à la propriété et non de location par le promoteur. L’engagement financier des habitants n’est donc pas le même. 52. Ces données sont à relativiser dans le sens où le climat de Montreuil n’est pas le même que celui des Vosges.

CHAPITRE 1 / EXIGENCES ENVIRONNEMENTALES : ENTRE AMBITION ET REALITE - 49


ELEMENTS CONSTRUCTIFS MAQUETTE ECHELLE 1 FORME SQUELETTE PLAQUES

POTEAU/POUTRE PANNEAU FERRURE TACTILE/OLFACTIF PERSPIRATION

« Nous on voulait que le bâtiment soit vraiment lisible de l’intérieur, enfin la structure, [...] sans qu’elle soit non plus oppressante. » ANTOINE PAGNOUX, architecte de la résidence Jules Ferry

« Il n’y a pas de liberté dans la construction bois, il n’y a que des contraintes dans lesquelles la compétence et la richesse d’un architecte c’est justement de savoir s’affranchir de ces contraintes-là et d’en faire quelque chose dans lequel justement il y a une certaine... une certaine magie. » MATHIAS ROMVOS, architecte de l’immeuble de Montreuil

50 - INTRODUCTION


CHAPITRE 2 IMPACT SUR L’ARCHITECTURE QUELLES CONSEQUENCES SUR LA SPATIALITÉ DES LOGEMENTS ?

INTRODUCTION - 51 Photo d’un appartement de l’immeuble de Saint-Dié, janvier 2014 - Document issu de l’agence ASP architecture


S’intéresser aux immeubles d’habitation en structure bois contemporains c’est également s’interroger sur ce qu’ils apportent aux potentialités formelles offertes par les différents choix constructifs. La question de la forme sera en outre abordée sous l’angle des différents types de spatialité qu’ils proposent, davantage que leur volumétrie. Compte tenu de la problématique développée dans ce mémoire, s’interroger sur la forme nécessite de s’intéresser plus particulièrement aux différentes techniques de construction employées pour réaliser cette forme. Comme nous l’avons suggéré plus tôt, la filière de la construction en bois que nous connaissons aujourd’hui est le résultat d’un processus d’industrialisation nécessaire et très puissant qui a commencé durant la seconde moitié du XXème siècle. Dans son ouvrage intitulé Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, paru en 2008, Andrea Deplazes évoque deux systèmes de construction archétypaux : la construction filigrane et la construction massive53. La filière bois exploite donc aujourd’hui deux registres de construction, qui sont euxmêmes issus de ces archétypes : le registre du squelette, basé sur une ossature porteuse, et le registre de plaques, basé sur une architecture de plans. La filière de la construction en bois emprunte ainsi à chacun des registres, explorant même plus ou moins récemment les possibilités nouvelles de la construction massive, attitude qui tend, nous le verrons, à trancher avec ses origines.

Notes 53. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p.13

L’objectif de cette partie est donc d’interroger l’espace. Quelles qualités architecturales l’un ou l’autre des registres mobilisés par les architectes et les maîtres d’ouvrages des opérations étudiées apportent-ils aux logements ? La question des origines formelles d’un projet semble généralement relever du tabou de la part des concepteurs, le recours à la référence semblant souvent perçu par eux comme limitatif de leur création architecturale. De ceux que j’ai pu interroger au cours des entretiens, aucun ne m’a formulé des architectes ou des architectures les influençant lors de l’élaboration de leurs projets. Ainsi, l’un des objectifs des deux parties suivantes est de rattacher certaines questions traitées par les architectes ayant conçu les opérations étudiées à des postures ou des pratiques d’architectes reconnus ayant eux aussi utilisé le bois pour construire.

52 - REGISTRE DU SQUELETTE


CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 53


REGISTRE DU SQUELETTE

L’OSSATURE COMME EXPRESSION DU FILIGRANE : TECTONIQUE DE L’ASSEMBLAGE

Notes 54. Expression de Andrea Deplazes dans Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p.13. Selon Deplazes : « Le mot vient de l’italien filigrana (« fils à grains »), en référence à la rugosité de la surface du métal. Quant aux structures, il évoque un « treillis spatial » (plan ou tridimensionnel) dans lequel « les fonctions porteuses et séparatives sont assurées par des éléments différents ». 55. Op. cit. DEPLAZES (Andrea), p. 13 ; selon lui : « Le terme grec arkhitektôn vient de tektôn, qui signifie « charpentier », à savoir celui qui « incarne » la construction filigrane ». 56. KAUFMANN (Hermann), Wood works, recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011, p.270 57. C’est dans sa capacité à contreventer la structure que réside l’intérêt de ce procédé, comparativement au colombage dont il descend.

Comme dit précédemment, le registre du squelette appartient à l’archétype de la construction filigrane, dont le concept est à l’origine issu de l’image de « fils de métal précieux entrelacés »54. Cet archétype englobe tous les modes constructifs constitués d’éléments longilignes assemblés, et est indépendant de la nature des matériaux. Il concerne donc tout autant le bois que le métal. En outre, il est je pense intéressant d’avoir quelques notions sur l’histoire des techniques de la construction en bois pour mieux cerner les problématiques mises en jeu, notamment au niveau architectonique. Les premières architectures à ossature proviennent de la construction de huttes ou de cabanes réalisées en branches ou en perches, voire en os. La construction bois depuis ses origines exploite donc le registre de l’ossature par le biais du travail artisanal du maitre charpentier, dont le nom de métier a donné naissance au mot architecture55. C’est ainsi que la construction bois est traditionnellement caractérisée par des problématiques d’assemblages56 qui diffèrent suivant les régions du globe mais qui font toujours appel à des éléments légers et indépendants les uns des autres pour la mise en oeuvre. L’utilisation de ces éléments unidimensionnels se retrouve dans la construction traditionnelle européenne à travers la technique des bois empilés et la construction à colombages. Cette dernière constitue la base de la technique du mur à ossature bois d’aujourd’hui dans le sens où sa structure interne, au lieu d’emprisonner de l’hourdis, de l’adobe ou de la maçonnerie enduite, accueille de l’isolant thermique. Si le principe est le même, l’élément primaire de composition de la structure pour les parois verticales diffère. En effet, dans les édifices traditionnels construits suivant la technique à colombages ce sont les éléments unidimensionnels, comme des pans de bois, qui fonctionnent ensemble à l’échelle de l’ouvrage tout entier. Aujourd’hui, du fait notamment de l’essor de la préfabrication, les éléments structurels des ouvrages se sont regroupés sous forme de panneaux indépendants aptes à former une structure contreventée57. Il est assez surprenant de voir comment sont apparus les panneaux, qui par définition constituent une logique de plaques mais qui sont en fait constitués d’une véritable ossature (d’où le nom de mur - relatif à la massivité - à ossature relatif au filigrane - bois). Ces éléments structurels composites jouent sur une

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logique de superposition, aussi bien dans la dimension verticale qu’horizontale, qui rassemblent tout autant des modules de structure que des parois souples garantissant la durée dans le temps du panneau (pare-pluie, pare-vapeur...). Il est nécessaire d’évoquer la tectonique des éléments constitutifs de la structure avant de s’intéresser à la caractérisation de l’espace par cette dernière, qui constitue une autre définition du mot tectonique. LEGENDE 1 Carrelet de Mélèze, section 40x40 mm, pose ajourée 2 Lattage horizontal 30x40 mm 3 Pare-pluie 4 Panneau de particules en voile travaillant, ép. 15 mm 5 Isolant laine de roche, ép. 160 mm 6 Montant en bois massif, section 48x150 mm, entraxe 60 cm 7 Pare-vapeur 8 Doublage intérieur, plaque de plâtre et isolant, ép. 6 cm 9 Mur de la cage d’escaliers en maçonnerie, ép. 20 cm

0m

0,25 m

0,5 m

FIGURE 28 Plan et coupe sur une structure en murs à ossature bois contemporaine (projet de Montreuil) - 1:20 La logique de superposition des couches, dans les deux directions verticales et horizontales, forme une structure très composite. Source du document initial : Séquences Bois n°88, Habitat collectif, p.13, 2012

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 55


Notes 58. op. cit. KAUFMANN, 2011, p.271 59. BERTHIER (Stéphane), Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : Le cas de l’architecture résidentielle en France, 2013, p.1 60. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p.99

FIGURE 29 Différentes techniques de construction en bois Les différents types d’ossature en bois représentent le concept de squelette avec bon nombre d’éléments longilignes qui se déclinent au fil des techniques (éléments en rouge). La technique du mur ossature bois également, même si elle joue en définitive sur une logique de plaque dans son principe d’assemblage (zone rouge).

Construction à colombages

C’est ainsi que, par ossature, il convient d’associer l’idée de hiérarchie. En effet, selon Hermann Kaufmann, la disposition des éléments structurels des constructions traditionnelles (comme contemporaines) est très « hiérarchique »58. Dans la dimension horizontale, afin de couvrir l’ensemble de la surface désirée, la logique veut que les plus gros éléments supportent les plus petits. Dans la dimension verticale, la hiérarchie ne sera plus induite par la gravité mais par l’influence de l’environnement extérieur sur les montants. Mais c’est véritablement la construction poteaux-poutres qui incarne le mieux l’idée du filigrane. En effet, ce choix constructif est, parmi ceux proposés par la filière bois aujourd’hui, celui qui met véritablement en oeuvre le concept d’ossature, dans la droite lignée des maisons à pans de bois. L’essor de la construction poteaux-poutres s’accélère avec le développement des matériaux bois transformés. D’après Stéphane Berthier, l’apparition des techniques de bois lamellé-collé ou contre-collés permet de ne plus être limité « par la nature de l’arbre mais par le banc de fabrication de l’usine, ou plutôt par les capacités du transport de l’usine vers le chantier ».59 L’expression tectonique d’une structure en poteaux-poutres, si tant est qu’elle soit montrée, est conditionnée par la nature du matériau utilisé pour les éléments de structure, ainsi que par la forme de leur assemblage. En effet, le raccord des éléments mis en oeuvre, des « noeuds d’assemblage »60, est décisif dès lors qu’il s’agit de construction à ossature. Ces noeuds peuvent eux aussi être de différente nature, par assemblage traditionnel bois-bois avec ténon et mortaise, par appui simple avec un organe mécanique en acier, ou encore par moisage d’éléments porteurs doublés, poteaux ou poutres. Les techniques d’assemblage de deux « bouts de bois » contemporaines, font largement appel au métal qui est bien plus aisé à mettre en oeuvre que les traditionnels assemblages bois-bois, quasiment plus utilisés. Selon Stéphane Berthier, cette « banalisation des pièces métalliques de liaison [...] a véritablement révolutionné

Balloon frame, construction à ossature continue

56 - REGISTRE DU SQUELETTE

Construction à ossature bois

Construction en poteaux-poutres

Source de l’image de base : DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p.97 à 99


la construction en bois, en simplifiant les savoir-faire », l’objectif structurel étant de faire « supporter les moments d’encastrements à un matériau plus adapté, laissant au bois le soin d’assurer seulement des efforts adaptés à sa nature fibreuse ».61 La richesse et la diversité des techniques de liaison en place permettent en effet aux architectes contemporains de ne plus être limités par toutes sortes de paramètres et, partant, de proposer des constructions en bois à haut degré de technicité. Renzo Piano est l’un d’eux avec notamment le projet du centre culturel Jean-Marie Tjibaou à Nouméa (1998) dans lequel les différentes « maisons » jouent pleinement sur le registre du squelette contemporain en exploitant presque littéralement le registre de la cabane62. Ce projet constitue une bonne illustration de l’importance de ces pièces de liaison pour la construction en bois, et renforce l’idée qu’un bâtiment est rarement construit avec un seul matériau. Dans tous les cas, c’est le travail de l’architecte que de composer avec les éléments et privilégier tel ou tel choix d’assemblage par le dessin, car tous auront un impact différent dans l’espace comme dans l’appréciation du public concerné par l’ouvrage. Renzo Piano est ainsi un architecte qui incarne véritablement le bois « technologique », mais si cette direction existe, elle reste réservée à de grands programmes pour lesquels le paramètre économique n’est pas aussi prégnant dans la définition du type de structure que celui des immeubles de logement collectif. On le voit, d’aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps, la construction d’édifices en bois (traditionnelle comme contemporaine) fait toujours appel à un principe d’ossature, comme l’illustrent les schémas de la page précédente. S’il y a eu à un moment perte de savoir-faire suite aux écrits royaux du XVIème siècle, qui visaient à dissimuler le bois sous une épaisse couche de plâtre à cause notamment des risques d’incendies, l’impact de l’industrialisation de la filière bois au milieu du XXème a permis l’essor de nouvelles façons de construire, diversifiant encore plus le vocabulaire des structures en bois, et dont les architectes jouissent encore davantage aujourd’hui.

Notes 61. BERTHIER (Stéphane), Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : Le cas de l’architecture résidentielle en France, 2013, p.2 62. La mise en oeuvre de bois lamellé-collé courbes, ceinturés par des lisses périphériques entre lesquels figurent des éléments de bardage en bois de différentes largeur le tout étant relié au sol par des assemblages métalliques uniques et contreventé par des tiges de métal englobant parfaitement la forme des coques montre bien toute la complexité de l’utilisation contemporaine du bois et des possibilités offertes par le riche vocabulaire à la disposition du concepteur.

FIGURE 30 Différentes vues des « maisons » du projet de Nouméa La diversité des pièces de bois (de structure et de bardage), ainsi que la complexité des assemblages rendent compte du haut degré de technicité qu’il est possible d’appliquer à la construction en bois contemporaine. Source : www.rpbw.com

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 57


CONSEQUENCES SUR LA SPATIALITE DU LOGEMENT : TECTONIQUE DE L’OSSATURE

FIGURE 31 Plan masse du Sea Ranch condominium 1 (1:500), Californie, 1963/1967 Moore, Lyndon, Turnbull, Whitaker architectes Le travail de ces architectes, fascinés par l’american way of life, pose en quelque sorte les bases d’une architecture dont l’usage des matériaux est dicté par le site et les conditions climatiques : implantation suivant les mouvements du terrain, toits à une seule pente permettant de dévier les vents dominants, disposition volumétrique autour d’une cour protégée. La composition du Sea Ranch en plan rappelle celle de l’hôtel de ville de Säynatsälo d’Alvar Aalto. Source du document : GA Detail n°7, MLTW The sea ranch condominium,1976, ADA edita, Tokyo

Comme évoqué précédemment, l’architecture en bois est depuis les origines, et de par sa nature, associée à l’idée d’ossature et donc d’expression filigrane. La partie qui suit s’intéresse aux conséquences de l’utilisation du matériau bois (sous forme de poteaux et de poutres) sur la spatialité des appartements des immeubles étudiés. Pour cela, j’ai choisi d’analyser une cellule de l’immeuble de Saint-Dié qui, à l’inverse du cas de Montreuil dont la structure est uniquement composée de murs porteurs, a également recours à une ossature en poteaux et poutres. En outre cette analyse sera abordée sous l’angle de l’incidence de la structure, qui n’est volontairement pas dissimulée, sur l’espace. Autrement dit, il convient de s’intéresser à la tectonique engendrée par les choix des architectes, et de comparer ces observations avec leurs discours. Le sens du terme « tectonique » est donc ici basé sur la caractérisation de l’espace par la structure. Aussi, j’ai choisi d’étudier ce bâtiment en dépit du fait qu’il ne soit pas composé uniquement d’une structure en poteaux-poutres. En effet, l’immeuble de Tourcoing est certainement plus représentatif de ce que peut représenter une telle construction mais ce bâtiment n’a pas fait l’objet d’une visite. De plus l’immeuble de Saint-Dié est d’autant plus intéressant qu’il parvient à marier les deux systèmes de construction archétypaux, et que j’ai pu également recueillir les avis des habitants sur leur espace domestique. Mais avant d’évoquer le cas de l’immeuble en bois contemporain, il est intéressant de se pencher sur les opérations faisant office de référence sur ce thème. Des architectes reconnus ayant utilisé le matériau bois, l’équipe MLTW (pour Moore, Lyndon, Turnbull, Whitaker architectes) est sans doute l’une des plus intéressantes lorsqu’il s’agit d’évoquer la construction filigrane. En effet, l’opération du Sea Ranch est un projet qui fait largement appel au bois et qui mobilise un mode constructif à base d’un squelette porteur.

58 - REGISTRE DU SQUELETTE


L’équipe d’architectes s’est efforcée de jouer avec l’idée d’ossature pour créer, à l’intérieur même de la maison, des micro-structures elles-mêmes en poteauxpoutres, caractérisant ainsi différents types d’espaces. Le volume principal est délimité et caractérisé par les différentes pièces de charpente laissées apparentes, qui traversent le volume et sont explicitement dessinées de façon simple et utilitaire, suivant le principe des granges de la région. FIGURE 32 Axonométrie de la structure primaire d’un des volumes du Condominium 1 Le système constructif est constitué de poteaux et de poutres en bois massif, laissés apparents à l’intérieur et revêtus de pans de bois. Source du document : www.studyblue.com/ notes/note/n/quiz2-multiple-photos/ deck/10394966

Dans l’opération du condominium 1, la pièce de la chambre à coucher est ainsi mise à contribution pour définir l’espace du repas situé juste en dessous. Celui-ci est seulement dicté par l’implantation des éléments de structure, les quatre poteaux et la sous-face qui composent la partie chambre, qui forment un ensemble complètement autonome de la structure principale.

FIGURE 33 Intérieur des maisons du Sea Ranch La structure de la chambre à coucher est utilisée pour délimiter l’espace de la salle à manger. Son aspect massif provient d’un surdimensionnement excédant les besoins statiques. Il s’agit davantage d’une logique de design afin de la doter de sa propre autonomie, comme si cette mezzanine était conçue comme un gros meuble. Source des documents : www.content.cdlib. org/ark:/28722/ bk0003d9c0q/?order=5 et www.michaelfreeman photo.com

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 59


Notes 63. AALTO (Alvar), Le bois dans la construction, La table blanche et autres textes, Parenthèses, Marseille, 2012 (1956), p.99 64. Le renforcement sans doute nécessaire des armatures de la cloison pour pouvoir compenser l’absence de fixation en plafond montre bien qu’il s’agit d’un choix de conception.

On le voit, la tectonique des éléments constructifs joue un grand rôle dans la caractérisation de l’espace, et fournit un formidable terrain de jeu aux architectes. La mise en oeuvre d’éléments filigranes en béton existe également. Il est donc possible de réaliser les mêmes formes, voire même plus fines, avec des poutres ou des poteaux en béton. Cependant l’intérêt du bois réside, comme nous l’avons vu précédemment, dans la préfabrication des éléments constructifs mais aussi dans sa formidable affinité avec l’homme, le bois étant reconnu comme un matériau « chaud » et « au contact agréable ».63 C’est ainsi que l’incidence des poteaux et des poutres mis en oeuvre pour les logements de l’immeuble de Saint-Dié est réellement non négligeable sur la forme et l’aspect de l’espace intérieur. En effet, bien que cette disposition soit plutôt subie, Antoine Pagnoux la qualifiant de « à la fois une conséquence du programme et une conséquence structurelle », il s’avère néanmoins qu’elle permet de délimiter clairement la partie « jour » de la partie « nuit » de l’appartement, tout en n’excluant pas les choix de conception. Cette disposition apporte aussi plusieurs autres effets induits par la tectonique, aussi bien au niveau des sensations spatiales que des usages des habitants. Par exemple, le « portique » en bois, en plus de séparer l’espace, permet aussi de l’amplifier en limitant la hauteur de la cloison de la cuisine, qui laisse ainsi apparaitre une partie du plafond qu’elle aurait normalement caché64.

FIGURE 34 Photo de la pièce principale d’une cellule de l’immeuble de Saint-Dié L’implantation du « portique » en poteauxpoutres, même si elle a été la conséquence de choix indépendants de problématiques liées à la spatialité, permet néanmoins de subdiviser l’espace de l’appartement. Le portique permet aussi d’intégrer des éléments de mobilier dont la cuisine, qui perd ainsi son statut de pièce à part entière pour s’apparenter à un élément de mobilier, comme la cheminée de la maison Korman de Louis Kahn (1971). Source de l’image de base : ASP architecture

60 - REGISTRE DU SQUELETTE


225

95

36

36

2.20

2.27

2.56

RDC

20 25 20 14

TRANSVERSALE

+9.452

pente 3%

11

14

3

14

1.532

20

14

36 14

2 27 14 17

547

40

1.20

2.40

2.75

2.13

2.10

2.16

RESILLE METAL

RESILLE METAL

2.10

2.40

2.39

3

POTEAU BA 30x30

2.29

2.22

2.35

59

14

20

18 14 17

9 36 128

3

3

40

18

36 14 128 20

23

20

12 3.16

4.41

6.016

128 2.56 20

2.73

CHAMBRE 2 11.05 m²

2.40

3.09

2.75

8

CELLIER 5.87 m²

3.09

POTEAU BA 30x30

3.06 2.40

2.6720

2.35

CHAMBRE 3 10.87 m²

2.10

4.42

1.518

1.23

1.23

7.60

1.26

1.40

99

DEGt 8.76 m²

2.67 30

SEJOUR 25.42 m²

23

95

4.42

CHAMBRE 3 10.87 m²

50

7 18 3.06

302.56

7 2.73 60

PLAC. 0.96 m²

24

50 2.10

7

24

8

1.518

729

ENTREE 2.88 m²EP

1.23

7.60

6 1.661.23

1.25

30

99

288 12

26

8

18 14 17

18

2.04

95

HS Fx Pla f

5

2.3

30 7

1.25

1.70 85

1.25

7841.08 1.26

2

5

2.3

2

30 7

EMPLACEMENT LV

CUISINE 4.54 m²

6 2.84 274 2.78 20 20

GT 3

2.35

HS Fx Pla f

902.04

274

BAINS 5.28 m²

2.10

2 4 2.4027

13

7 20 20 7 2.44

1.25

85 18 2.00

CELLIER 7.53 m²

2 274

13

2

90

784

RESILLE METAL

1.65

8 30

ASCENSEUR

RESILLE METAL

POTEAU BA 30x30

30

1.26

1.08 2.16 7.084

2.10

2.0024 60 2.40

30 2.34

1.02

7

1.40

SEJOUR 23.52 m²

30

2.35

7 2.60

2.21 95

1.26

7

7 1860

30

8

24

41

FT +SG 7

30

30

all -0.03

PF 1/2h

1.26

2.82 m²

95

7

2 1. 1.

all

PF

2.20

7

7 2.40 2.10

1.40

HS Fx Pla f

2.3

EMPL F

CUISINE 4.54 m²

8 2.84 30 2.78

2.355

3

CHAMBRE 10.69 m² ENTREE 5.14 m²

2.40

2.68

1.08 2.16 7.084 2.75

1.26 2.04

WC

DA

88 10 10 8 2.025 1.

1.701.02

1.25

10 1.25

BAINS 5.28 m² DEGt 4.29 m²

EMPLACEMENT FRIGO

7

SEJOUR 23.52 m²

3.96

23

7

3030

18 14 17

14

1.25

7

7

1.65 1.31

20 6

DEGt 4.29 m² PLAC. CELLIER PLAC. 0.96 m² 0.96 7.53 m² m²

7

72.84

all -0.03

76

EDF

POTEAU BA 30x30

2.29

2.15

Logt 2 (R+1) Logt 5 (R+2) Logt 8 (R+3) T3 / 76.03m² DALLE BETON 10 1.25

CHAMBRE 1 11.47 m²ENTREE 5.14 m²

2.40

1.08 1.26

all 0.87

PF 1/2h

88 10 10 88 1.09 2.025 PF 1/2h

2.75

1.25

10 1.25

20

30

ASCENSEUR

Logt 2 (R+1) Logt 5 (R+2) COURSIVE Logt 8 (R+3) T3 / 76.03m²

6 274 3.96 20 20 2.21

GT 3

23

4 2.6027

2

7 7 20 202.34

CHAMBRE 1 11.47 m²

18 14 17

8 30

10 1.25

2 274 2.84

336 13 1.08 1.26 13 14

all 0.87

PF 1/2h

EMPLACEMENT LV

all 0.87

PF 1/2h

88 10 10 88 1.09 1.09

CHAMBRE 1 11.80 m²

2.40

22.92 274

2.7513

336 13

EP

10 729

WC 2.82 m²

EMPLACEMENT FRIGO

CUISINE 4.54 m²

8 2.84 30 2.78

23

7

7

2.44 30

0.87

6 1.081.66 1.26

8all

PF 1/2h

88 1.09

Logt 3 (R+1) Logt 6 (R+2) Logt COURSIVE 9 (R+3) T4 / 90.04m² 10 1.25

POTEAU BA 30x30

Logt 3 (R+1) Logt 6 (R+2) Logt 9 (R+3) T4 / 90.04m²

10

7 2.92

14

BAINS 5.28 m²

1.26 1.70

1.40

WC 2.82 m²

EMPLACEMENT FRIGO

SEJOUR 25.42 m²

8

2.35

30

60 3030

7 7 2.40

7

7

23.139

CHAMBRE 1 11.80 m² PLAC. 0.96 m² DEGt 8.76 m²

2.40

7

2.75

288 12

26

8

7

RESILLE METAL

ENTREE 4.41 2.88 m²

CHAMBRE 2 11.05 m²

18 14 17

7 3.09

14

3.16

CELLIER 5.87 m²

7 3.09

6.016

RESILLE METAL

POTEAU BA 30x30

0

24

FIGURE 35 Plans et coupe illustrant (en rouge) l’espace induit par le portique, puis photos de l’intérieur des appartements de la résidence Jules Ferry

2.22

532

36

20

2.00

2.00

POTEAU BA 30x30

CAVES / LOCAUX TECH.

2.795

2.40

2.89

5

40

14

2

2.29

74

128

2.15

128

74

4.397 10 88 1.04

5

719

2.15

2.48 all 0.87

10 2.48 10 88 1.04 10

1.67

1.08 1.21 7 7

532

1.00

3.42

.4 laf 2

5.34

WC

6.051

158

2.48

10

all 0.87

1.90

10

1.90 158 3.84

4.397 3.77

10

88 1.04 1.04

1.08 1.21 3.59 88 11.65

10

24 3.42 24

2.48 all 0.87

R+2

6.051

1.67

all 0.87

1.08 1.21

WC

4.13

xP

3.91

WC

5.34

HSF

7

GTL

BAINS

4.13

1.90 158

5 1.08 2.16 77

719

10

88

249

1.90

158 3.77

7 1.08 1.21 3.59 11.65

2.10 7 1.60

2.10

3.84 24 3.42

HSFxPlaf

24

6

60

PF 1/2h

6

0

3.91

1.83 7 1.38

GTL

2.16

1.085 2.02

10

77

2.025

10

10

88

249

all -0.03

2.10 7

1.60 2.10 HSFxPlaf

all -0.03

FxPlaf

2.10

1.83 HS

7

1.38

88

95

1.52

60

.4

0

H cloison = 2.10

R+1

f 2.4

1.61

xPla

HSF

1.61

F

H cloison = 2.10

4.08

7

0

WC

4.13

4.08

7

Plaf 2.

HSFx

3.28

30 8 1.70 30

30 8 1.70 30 1.15

4 30 158 3.84

158

3.84

24

10

3.42

24

4.08

PF 1/2h

.4

7

0

0

4.13

R+3

WC 3.91

4.08

7 88 95

24

f 2.4

1.52

2.532

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 61

R+2 BAINS

0

f 2.4

4.13

81/78

7

COURSIVE

24

10

BAINS

7

+9.092

1.60

3.84

f2

3.42 7

PALIER ESCALIER 158

3.28

+6.562 ENTREE

Pla

.10

20 25 20 14

ENTREE

HS

laf 2 1.61

POUTRE BA 30x60

la FxP

2.4

FxP

PLAQUE FIBRO-CIMENT POWERPANEL SUR 3 PORTES RDC f 2.40

R+5

HS

POUTRE BA 30x60

xPla

Fx

HS

BAINS

xPla

24

81/78

ENTREE

laf

HSF

0

4.13

30 HSF

BAINS

f 2.4

3.91

ESCALIER

1.15

COURSIVE 4 30

POUTRE BA 30x60

60

ESCALIER COURSIVE

6

81/78

2

1.60

COURSIVE laf

1.83

HS P Fx f 2.40

7

81/78

0 COURSIVE .4 xPla

FxP

7

ESCALIER f2

la xP

0

.10

+6.552

45

81/78

Fx

HSF

HS

HS

laf 2 1.61

COURSIVE 40

ENTREE

.4

FxP

81/78

2.

ENTREE

f2

1.38

HS

f Pla

f 2.40

Pla

HS

81/78

De même, j’ai été étonné de constater que la disposition du mobilier des habitants jouait bien souvent avec ces « cadres » en bois, comme l’illustrent les photos qui suivent. Le traitement blanc des cloisons permet de faireR+4 « ressortir » ces éléments, et leur implantation au nu extérieur des poteaux définit dans les 3 dimensions un sous-espace d’autant plus appropriable qu’il est lisible et que ses dimensions sont adéquates (24cm d’épaisseur par 2,22m de hauteur, et pour 2,21m à 2,67m de largeur). Là encore, même si ce n’est pas explicite dans le discours de l’architecte, il s’agit bien de choix de conception. COURSIVE

xPla

Fx

xPla

HSF

H cloison = 2.10

ESCALIER

GTL

+6.05 81/78

HSF

HS

R+6 1.61

81/78

60

POUTRE BA 30x60

COURSIVE

6

ESCALIER

f 2.40

HSFx

COURSIVE

xPla

1.83

COURSIVE 81/78

HSF

7

81/78

ESCALIER

COURSIVE

WC

1.38

POUTRE BA 30x60

81/78

BAINS H cloison = 2.10

POUTRE BA 30x60

5

COURSIVE

ENTREE

CUISINE / SEJOUR

CUISINE / SEJOUR

CUISINE / SEJOUR

3.642

3.922

CUISINE / SEJOUR

3.63

3.91

CUISINE / SEJOUR

30

CUISINE / SEJOUR

COURSIVE

3.91

+343.40

Le « portique » sert de cadre, d’une épaisseur suffisante pour permettre aux habitants d’y positionner leurs éléments de mobilier.

Source des documents : Plans et coupe issus d’un document de l’agence ASP architecture, et photos personnelles (Septembre 2014)

pent

81/78

ENTREE


Notes 65. Source : www. euroboisconstructions.emonsite.com/pages/ avantage-du-bois.html ; données à relativiser car la densité du bois dépend des essences utilisées.

L’expression du filigrane pour l’immeuble de Saint-Dié n’est pas vraiment à rapprocher d’une ossature légère, bien qu’elle en soit une. En effet, même si l’utilisation du bois fait que les éléments sont en moyenne cinq fois plus légers que s’ils étaient de même volume en béton armé65, l’expression des poteaux et des poutres dans les appartements est d’autant plus présente que ces derniers sont épais. Les poteaux en bois lamellé-collé ont ainsi une section de 24x30 cm, alors que les poutres ont une retombée visible de 36 cm pour une largeur de 24 cm. L’expression même des pièces d’assemblages, spécifiquement adaptées à la mise en oeuvre de ces éléments en bois, orne leur articulation de façon ostentatoire, presque brutale.

FIGURE 36 Photos des éléments métalliques assurant la transmission des efforts d’un poteau à une poutre dans un appartement de l’immeuble de Saint-Dié La visibilité des boulons participe à l’association de cet élément de métallerie comme étant apte à résister aux pires sollicitations mécaniques. Sa forme et ses proportions reprennent ceux des poteaux et des poutres ce qui ancre d’autant plus sa présence dans l’espace. Source des images : photos personnelles (Septembre 2014)

Notes 66. Une peinture laquée aurait produit une toute autre expression du métal, mais cette solution était probablement plus couteuse.

Cette expression découle d’une véritable « volonté » de la part de l’équipe de conception, Antoine Pagnoux qualifiant le résultat comme étant « une architecture en bois, mais contemporaine », assumant ainsi l’influence de l’industrialisation de la filière jusque dans l’expression interne du logement. Si ces choix découlent d’une envie d’éviter l’image du chalet suisse, celle-ci est tout de même ressortie dans les paroles des habitants. Cependant l’accueil de l’expression de la structure sous cette forme très « industrielle », qui découle aussi de la finition galvanisée66, est globalement plutôt positif, le côté « contemporain » passant plutôt bien auprès des habitants (même si j’ai appris que certains d’entre eux s’en étaient plaints auprès du Toit Vosgien).

62 - REGISTRE DU SQUELETTE


RESILLE METAL

4.48

EDF

FT +SG

RESILLE METAL

17.0/28.0 17 Mar

GTL

Logt 2 (R+1) Logt 5 (R+2) Logt 8 (R+3) T3 / 76.03m²

Le positionnement des poutres et leur retombée fait que leur expression se ressent transversalement au couloir, graduant ce dernier tout au long du parcours. Elles permettent notamment de délimiter l’espace de l’entrée pour les appartements en T4, en ajoutant une épaisseur supplémentaire au mur de CLT. Le retour en bois au sol permet également de renforcer l’idée du cadre pour cerner encore mieux l’espace de l’entrée et définir un seuil précédent l’accès aux pièces principales du logement. 1.70

30 8

EP

Logt 3 (R+1) Logt 6 (R+2) Logt 9 (R+3) T4 / 90.04m²

8

4

9

Entrée

7

GTL

128

Entrée

FIGURE 37 Photo de l’entrée puis plan et coupe (1:100) et d’un appartement T4 de la résidence Jules Ferry L’épaisseur totale de la poutre et de l’élément en CLT avoisine les 40 cm. Source de l’image : photo personnelle (Septembre 2014)

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 63


DC 350

FR 40-15

FIGURE 38 Photo et coupe (1:50) illustrant l’incidence de la poutre au-dessus de la baie dans l’espace du séjour

Le positionnement de la poutre avant l’immense baie vitrée a également une incidence sur la perception que l’on a de cette ouverture. En effet, ses mensurations font que sa présence dans l’espace tend à augmenter la sensation de confinement due à l’épaisseur déjà importante de la façade (environ 65 cm). Cet effet est renforcé par le fait que la poutre soit en contact direct avec la plaque de CLT, induisant une sensation de continuité matérielle avec le plafond.

Source de l’image : photo personnelle (Septembre 2014)

0m

1m

64 - REGISTRE DU SQUELETTE

3

DC 350

FR 40-15

Cette continuité de matière est rendue possible grâce à l’assouplissement de la règlementation incendie, Antoine Pagnoux qualifiant même cet acte de « réussite ». En effet, jusqu’alors il était très difficile de laisser du bois structurel apparent, cet immeuble étant l’une des premières réalisations de l’agence à pouvoir en bénéficier. La complémentarité entre éléments filigranes et massifs -0.17 -0.23 a été particulièrement décisive pour cet immeuble, dans le sens où l’ensemble -0.45 de la structure est vue comme une alliance entre les deux registres, ces derniers se complétant mutuellement. Le choix d’un tel principe structurel, a priori pénalisant car engendrant beaucoup de poteaux donc14de 20 connections 25 20 14 20 77

La matérialité de la poutre et du plafond étant la même il s’en suit, en plus d’une impression d’épaisseur, une sensation d’abri. La plaque du plafond semble de plus se retourner verticalement pour enclore l’espace de la pièce et augmenter d’autant cette sensation.


et de fondations, s’est effectué à cause de la volonté de ne pas faire porter les planchers d’un appartement vers l’autre, tout en leur conférant « quatre points d’appui ce qui permet de diminuer les épaisseurs de plancher »67. A l’inverse, le cas de l’immeuble de Montreuil est à l’opposé en minimisant les appuis intermédiaires, quitte à augmenter la portée et utiliser un solivage assez complexe.

24 cm

Sur le plan de la tectonique, la structure poteaux-poutres de l’immeuble Pégase à Tourcoing exprime une forte présence dans l’espace, en particulier à cause des dimensions du plancher à solives apparentes (dont la retombée avoisine les 24 cm) et des poteaux en lamellé-collé (section de 24x24 cm). Cette présence a tendance à augmenter son effet de pesanteur, et ainsi comprimer l’espace.

Notes 67. Selon les mots d’Antoine Pagnoux : « C’est poteau-poutre parce que quand on a fait l’hypothèse des panneaux bois massifs à la place de poteaupoutre, on s’est rendu compte que comme il fallait doubler le bois massif pour des questions de tenue au feu, ça revenait plus cher. »

L’une des forces de la conception et de la construction en bois réside donc dans sa capacité à se coupler à d’autres techniques constructives. Ces techniques peuvent être issues de la filière bois par mélange des registres, ou bien interférer avec d’autres filières comme celles à dominante béton ou à dominante métal, mais attention dans ces cas aux difficultés de liaison qui peuvent apparaître entre les différents matériaux (qui ne nécessitent souvent pas la même précision). En outre les questions relatives à la spatialité semblent relever d’une infinité de possibilités à explorer pour les concepteurs, et la finalité réside dans la qualité apportée aux logements. La juxtaposition des plaques aux traditionnelles structures à ossature constitue en outre une bonne solution pour renforcer les qualités spatiales des appartements.

FIGURE 39 Photo et coupe (1:50) illustrant l’incidence du plancher pour les bureaux de l’immeuble de Tourcoing Source des documents : Photo issue de la vidéo (www.youtube.com/ watch?v=_UxLAXldOAA), coupe issu de l’agence Pierre Coppe architectes

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 65


REGISTRE DE PLAQUES

LA PLAQUE COMME EXPRESSION DE LA MASSIVITÉ : TECTONIQUE DU PANNEAU Comme évoqué précédemment, le registre de plaques peut tout à fait s’envisager avec le mur à ossature bois, ce dernier constituant au final une « plaque », pleine et manipulable comme tel. En outre, la plaque incarne véritablement le registre de la construction bois d’aujourd’hui, dans le sens où, d’après Deplazes, « l’élément de base de la construction en bois contemporaine n’est plus le poteau, mais le panneau »68. La tectonique du mur ossature bois (MOB) comme du panneau de bois plein contre-collé croisé (CLT) s’apparente ainsi in fine à un « sandwich » rigide. Leurs différences résident d’une part dans leur résistance inégale aux différents types de sollicitations mécaniques69, et d’autre part dans leur mode d’assemblage par superposition : le panneau de CLT est constitué d’éléments identiques et collés (ou cloués, auquel cas ils ne résistent qu’à une compression verticale) entre-eux, alors que le MOB est constitué d’éléments distincts et assemblés. Dans les deux cas il est possible de parler de « murs » en bois, tant le rapprochement des éléments formant les panneaux et donc les techniques d’assemblage s’y apparentent.

Notes 68. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p. 95 69. Notamment, comme évoqué précédemment, les efforts de traction, qui sont quasiment impossibles à gérer en mur à ossature bois. 70. Expressions de DEPLAZES (Andrea) in Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p. 79 et 80

Ce qui distingue principalement le registre de plaques de celui du squelette, outre la maniabilité des éléments de base, réside dans la capacité de ces derniers à être sollicités dans au moins deux directions coplanaires. En effet, l’utilisation de modules rigides sous forme de plaques permet d’assurer le contreventement de l’élément structurel. Deplazes parle de « passage » d’un état anisotrope, c’est à dire dépendant de l’orientation des fibres naturelles du bois, à un état isotrope, c’est à dire capable de travailler dans toutes les directions. Dans le mur à ossature bois cette capacité est conférée grâce à la plaque d’OSB (pour Oriented Strand Board, appellation anglophone), qui est un élément de bois reconstitué par collage faisant office de voile travaillant. Dans le mur dit massif, cette capacité est « naturelle » dans le sens où le mur même est un voile rigide spécialement conçu pour travailler dans toutes les directions. Parler de « voile » est là encore un rapprochement avec la construction massive. La constitution d’un mur de CLT est intéressante à observer. En effet, il s’agit d’un collage de modules de bois scié sous forme de planches et disposées « à fil croisé », c’est à dire dans deux directions de l’espace afin de conférer le caractère isotrope au panneau. L’utilisation du terme « fil », voire de l’expression « fils du tissage »70 par Deplazes tend à rapprocher le procédé aux fondements de la construction filigrane, car la technique d’assemblage des

66 - REGISTRE DE PLAQUES


panneaux suit le même procédé que celle qui a donné naissance à ce registre, soit un entrelacement de « fils » représentés ici par des modules (lamelles de bois). De plus, il est intéressant de constater que l’élément final (la plaque de CLT) est lui-même composé de plaques superposées, comme si le procédé jouait sur un jeu de fractales (figure 40).

FIGURE 40 Croquis axonométrique illustrant le « tissage » des modules composant un panneau de bois massif (CLT), et photo d’un panneau réel à 5 plis

La logique d’assemblage engendre un produit fini pouvant quasiment être percé à l’envie, tant il est robuste. En effet, les éléments de composition du futur ouvrage sont souvent pré-percés par des ouvertures (portes ou baies, mais aussi évidements techniques) qui peuvent s’apparenter à des trous et qui témoignent de la formidable résistance des panneaux. Deplazes compare cette architecture de plans à « du cartonnage à l’échelle 1:1, comme si une maquette en carton avait été agrandie aux dimensions d’un bâtiment », et parle des ouvertures dans les panneaux « comme si on avait taillé du carton au cutter ». Cette capacité témoigne du rapport presque intime qu’entretiennent la filière bois et l’industrialisation71, avec un penchant tout tracé pour la préfabrication, comme nous allons le voir pour l’immeuble de Saint-Dié.

La tectonique interne des panneaux est basée sur une superposition entrecroisée et assemblée par collage ou clouage. L’absence de hiérarchie entre les modules est une autre forme de différentiation avec le registre du filigrane.

L’assemblage de bâtiments réquisitionnant des panneaux de bois massifs est ainsi caractéristique de la production d’éléments préfabriqués. En effet, la longueur de ces derniers n’étant limitée que par les contraintes liées à leur transport, ils arrivent directement terminés sur le chantier, prêts à servir pour toute la vie de l’ouvrage. Le montage par hélicoptère des pièces du refuge Olperer, conçu par Hermann Kaufmann en 2007 témoigne bien de cette logique, qui illustre à merveille le passage du poteau au panneau en tant qu’élément de construction de base. Cet évènement est tout à fait nouveau Notes 71. C’est surtout vrai pour les pays nordiques et germaniques jusqu’à présent.

Source de la photo : http://www.hybridbuild.co/solutions/clt

FIGURE 41 Photos du montage par hélicoptère des éléments constitutifs de la structure du refuge Olperer, à Zillertal (Autriche), 2007 Source des photos : www.hermannkaufmann.at

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 67


Notes 72. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p. 82 73. Propos de Hermann KAUFMANN issu de Wood works, recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011, p.272 74. Encore un terme relevant du champ lexical du tissu pour qualifier la construction massive en bois, montrant ses origines filigranes... 75. Ceci est principalement dû à l’assouplissement général des règlementations dans la construction, visant à favoriser l’essor du bois. Ces améliorations sont effectives en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe et notamment en France, où la construction en bois jusqu’à 28 m de hauteur n’impose rien d’insurmontable pour les promoteurs et les architectes. La récente modération relative à l’interdiction de faire usage du bois en façade pour les bâtiments à étages (circulaire du 25 Juin 2014) est un premier pas vers un assouplissement généralisé en faveur de la construction en bois. 76. « Grande hauteur » ne renvoie pas ici aux « IGH », terme qualifiant dans la règlementation française les immeubles d’habitation dont le niveau du plancher le plus bas est à 50m audessus du niveau du sol.

pour la construction en bois et il constitue un pas de plus vers la massivité du registre de plaques. En effet, toujours selon Deplazes la dissimulation de ces panneaux de bois dans l’ouvrage fini fera qu’ils « prendront une place analogue à celle qu’occupe le béton homogène dans la construction massive, où il peut servir pour tous les éléments tectoniques sans jamais être matériellement perceptible »72. Si l’empilement d’éléments et l’assemblage des ouvrages par superposition d’étages est courant dans la construction maçonnée, le scindement du projet architectural en éléments manipulables préfabriqués en bois tend à rapprocher davantage le registre de plaques de la construction massive, d’autant plus donc lorsqu’il s’agit de panneaux massifs en bois. Au final, ces panneaux parviennent à incarner la multifonctionnalité : ils « portent, contreventent, forment espace et servent de revêtement fini »73. D’un point de vue perceptif, la question de la massivité est relative à celle de l’épaisseur. Or celle-ci est théoriquement infinie pour les panneaux en bois massifs contre-collés. Il est en effet possible d’ajouter théoriquement autant de « plis »74 que l’on souhaite, si tant est que l’on dispose d’un pressoir adapté. La question de l’épaisseur est en outre importante dès lors que l’on s’intéresse aux conséquences spatiales inhérentes à l’expression du bois dans l’espace. Sur le plan constructif, cette épaisseur variable des panneaux permet même d’envisager des façons différentes d’aborder le champ de l’expérimentation dans la construction. En effet le registre de plaques au sens du panneau rigide et massif en bois, fiable pour la construction contemporaine, est apparu relativement récemment puisque sa réelle émergence remonte aux années 1990, soit il y a environ vingt-cinq ans. Son existence par rapport à toute l’histoire de la construction en bois, qui comme nous l’avons vu est très ancienne, est donc plutôt courte, et les premiers projets faisant majoritairement appel au CLT parviennent tout juste aujourd’hui à quitter l’échelle du R+3 75. Pourtant, si les architectes contemporains commencent à peine à exploiter toutes les possibilités de cette technique, certains l’envisagent déjà comme la plus prometteuse dans l’exercice de la construction multi-étagée de « grande hauteur »76, qui place la construction bois à un autre rang, tout à fait approprié pour la construction d’édifices d’envergure, contrairement à l’époque des architectes du mouvement moderne qui ne disposaient pas des techniques du XXIème siècle. Ainsi, rares sont les réalisations architecturales ayant fait appel aux plaques de bois pour leur construction, et bien souvent elles forment des ouvrages de faibles dimensions. La Jacobs House de Franck Lloyd Wright constitue l’une des premières applications de l’architecture de plaques, avec la

68 - REGISTRE DE PLAQUES


Planches disposées horizontalement

Planche disposée verticalement (de moindre qualité car non visible)

Joint creux (latte de Redwood)

mise en oeuvre de panneaux à trois plis extrêmement fins pour les murs mais aussi pour les planchers. Ils étaient en effet constitués d’un assemblage de deux couches de planches horizontales ainsi que d’une couche intérieure de planches verticales. On peut donc déjà associer la technique à un « sandwich », comme aujourd’hui. L’intérêt de ces murs résidait dans leur finesse, mais ils étaient aussi moins résistants que les murs conventionnels en ossature bois de l’époque, et Franck Lloyd Wright limitait leur utilisation à un seul niveau. De plus, leur longueur limitée nécessitait de les entrecouper de murs perpendiculaires, souvent en briques, qui participaient ainsi au contreventement. Des architectes contemporains pensent à utiliser les panneaux de bois massif contre-collés pour réaliser des projets de tours de logement ou de bureaux exclusivement en structure bois. Comme évoqué en introduction, l’agence Waugh Thistleton a livré en 2008 l’immeuble Stadthaus et ses huit étages en panneaux massifs bois, mais d’autres architectes comme par exemple le canadien Michael Green ont l’intention d’aller plus loin avec l’exécution de véritables tours comportant pas moins de trente étages ! Hermann Kaufmann, un architecte familiarisé très tôt dans sa pratique avec les panneaux massifs de grand format voit en leur usage « de nouvelles perspectives », et rappelle la nécessité de considérer le bois comme « un matériau du quotidien ».77 Notes 77. KAUFMANN (Hermann), Wood works, recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011, p.262 à 272

FIGURE 42 Jacobs House de Franck Lloyd Wright, Madison Wisconsin, 1936. Axonométrie illustrant la composition d’une paroi verticale et photos de la maison Le motif des bandes engendré par la technique utilisée par l’architecte se retrouve aussi bien dehors que dedans, sur les murs que sur les plafonds. Sources des images (de haut en bas et de gauche à droite) : www.portalwisconsin. wordpress.com www.prairiemod.com www.gopixpic. com/640 www.greatbuildings.com Source de l’axonométrie : The details of modern architecture, Edward R. Ford, editions MIT Press, Cambridge Massasuchetts, 2003, première edition 1989, p 330 à 339

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 69


FIGURE 43 Images illustrant la tour Stadthaus de Londres, puis le projet de tours en bois de trente étages imaginées par Michael Green pour Vancouver Source des images : Tour Stadthaus www.waughthistleton. com/project. php?name=murray Tours de trente étages www.theguardian.com/ cities/2014/oct/03/sp-wooden-skyscrapersfuture-world-plyscrapers

Notes 78. BERTHIER (Stéphane), Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : Le cas de l’architecture résidentielle en France, 2013, p.4

En outre, si les avancées technologiques de l’industrie constituent un formidable levier pour l’essor de la filière bois construction, il existe potentiellement un danger pour l’architecture et, par extension, l’un des rôles de l’architecte. En effet, pour Deplazes, confier un projet à une entreprise spécialisée de construction bois sur base de plans et coupes échelle 1:200 constitue un risque de perte de la maitrise totale du projet dans le détail, et ce en dépit du fait qu’elle soit tout à fait qualifiée pour déterminer le dimensionnement de la structure et définir les détails constructifs qui lui incombent. Très concrètement, l’attitude d’Antoine Pagnoux à l’égard de la maitrise du projet est très parlante, ce dernier évoquant son rôle comme celui d’un « chef d’orchestre », c’est à dire quelqu’un capable de se confronter à l’expert tout en maitrisant le dessin du projet, intégrant l’ingénierie « très en amont ». D’un point de vue environnemental, selon Stéphane Berthier la fabrication des panneaux massifs en bois ainsi que d’éléments lamellé-collés est intéressante car elle permet de valoriser des bois de moindre qualité, auparavant peu utilisés par la filière78. Cette valorisation remonte aux années 1990 et prend naissance en Europe centrale et en Scandinavie où, suite à de violents ouragans, s’est accumulé en peu de temps une grande quantité de bois de tempête qu’il a fallu recycler. L’utilisation de bois auparavant d’assez mauvaise qualité pour les exigences de la construction est une bonne chose dans le sens où ces procédés permettent de diversifier l’apport des bois et, ainsi, de ne pas toujours prélever les mêmes essences. A l’inverse, à surface égale, ces voiles en bois nécessitent une quantité de matière bien supérieure à celle d’un mur en ossature bois classique, et n’intègrent pas l’isolant. Enfin, Stéphane Berthier évoque l’interrogation portée sur « ces bois transformés consommateurs de colles et les bois traités chimiquement pour améliorer leur résistance contre les insectes xylophages et les champignons lignivores », tout autant valable pour le bois lamellé-collé.

70 - REGISTRE DE PLAQUES


CONSEQUENCES SUR LA SPATIALITE DU LOGEMENT : TECTONIQUE DE L’ARCHITECTURE DE PLANS La partie qui suit interroge les conséquences de l’utilisation des plaques dans la spatialité des logements. Le regard se portera en premier lieu sur l’immeuble de Montreuil, qui mobilise des murs à ossature bois pour sa structure mais n’exprime pas le matériau à l’intérieur. A titre de comparaison, l’immeuble de Saint-Dié apportera un regard complémentaire du fait qu’il mobilise et exprime consciemment le bois structurel issu des panneaux massifs contre-collés. L’immeuble de Montreuil constitue également un bon exemple pour enrichir le questionnement sur le rapport à la « souplesse » de la structure, revendiquée par Jean-Louis Gauthier et Mathias Romvos. Des architectes contemporains exploitant le registre de plaques, Hermann Kaufmann est sans doute un des plus reconnus. En effet, étant l’un des premiers à s’être intéressé aux panneaux de bois massif contre-collés pour ses projets de maisons au Vorarlberg, il évoque dans une conférence les principaux avantages de leur utilisation79, comme « la simplification de la constitution d’une paroi à la possibilité de descendre des charges sur deux axes, en passant par une bien meilleure stabilité dimensionnelle ». On le voit, Hermann Kaufmann privilégie l’utilisation de ces panneaux avant tout pour leurs qualités structurelles. Dans un projet de 250 logements livré en 2006 pour la ville de Vienne, où il était question d’utiliser le bois comme principal matériau de structure pour les immeubles, l’architecte autrichien a fait largement appel aux panneaux massifs contre-collés. Le montage de l’opération s’est ainsi déroulé suivant un principe d’assemblage de différents éléments, comme s’il s’agissait d’un immense puzzle en trois dimensions.

79. Conférence intitulée Wood works, dans le recueil de l’ENSA Malaquais « Climats n°2 », Infolio, 2011

FIGURE 44 Perspective de la structure en plaques de bois massifs contre-collés d’un immeuble de l’opération de Vienne On distingue nettement les différents panneaux, constituant autant de surfaces planes qu’il faut assembler comme un puzzle géant en trois dimensions. Ces plaques constituent aussi bien des murs que des planchers. Source de l’axonométrie : KAUFMANN (Hermann), Wood works, Otto Kapfinger dir., Springer, 2008, p.88

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 71


A l’intérieur, l’architecte a choisi de laisser le bois des planchers s’exprimer en sous-face, constituant donc une paroi en bois en guise de plafond. Cette paroi répond au sol, lui-même en bois et participe à cerner l’espace en donnant plus de pesanteur et ainsi à augmenter la sensation d’abri. FIGURE 45 Intérieur d’un logement de l’opération de Vienne Le contraste entre les parois verticales et horizontales participe à accentuer l’effet de pesanteur, ce qui aurait été différent si le plafond avait été blanc. Source de l’image : www.mkp-ing.com

Notes 80. Cette contre isolation, de 6 ou 9cm d’épaisseur permet en effet de supprimer les micro-ponts thermiques des montants en bois considérés comme tels par la RT 2012. 81. Il est en effet difficile d’obtenir une finition intérieure en bois avec un mur à ossature bois. L’isolant complémentaire peut être positionné à l’extérieur (sous le bardage), mais l’OSB n’a pas une qualité de finition suffisante pour être laissé apparent. Il faudrait prévoir un habillage par panneau 3 plis (ou contre-plaqué comme dans le cabanon de Le Corbusier), mais c’est actuellement une solution beaucoup plus chère que du placo-plâtre peint.

Si la plaque sous forme de panneaux massifs permet d’exprimer directement le bois pour les différentes parois des logements, ce n’est pas toujours le cas pour le mur à ossature, dont le revêtement intérieur n’est pas forcément exprimé sous forme de bois. Souvent en effet une contre-isolation est nécessaire pour garantir une isolation thermique de qualité80, et elle se traduit généralement par une finition en plaque de plâtre peinte81. C’est ce traitement qui est appliqué à l’intérieur de l’immeuble de Montreuil, même s’il n’a pas de contre isolation. Cet effet découle d’une volonté et d’une posture défendue par l’architecte, Mathias Romvos qui m’a dressé un tableau très clair de sa vision de l’architecture de l’habitat en m’affirmant que selon lui « on ne révolutionne pas le monde avec les matériaux », l’utilisation du bois en structure des immeubles d’habitation n’engendre ainsi « pas de bouleversement » et il soutient l’idée que « le bois ne révolutionnera rien » car « on fait un bâtiment en bois aujourd’hui qui a exactement la même physionomie qu’un bâtiment en béton, intérieur et extérieur ». Cela ne rejoint pas vraiment la recherche d’une forme de neutralité ou de convention spatiale afin de laisser les habitants plus libres d’appropriation, mais vise avant tout à « reconsidérer la place

72 - REGISTRE DE PLAQUES


de l’architecte » dans l’acte de bâtir. Les conséquences de cette vision sont directement observables à l’intérieur des logements de l’immeuble. A première vue en effet, aucun indice ne nous renseigne sur la nature de la structure de l’ouvrage, les appartements n’expriment pas visuellement leur appartenance à un édifice en bois, et il est nécessaire de s’affranchir des sollicitations visuelles pour s’en rendre compte. FIGURE 46 Photo de l’intérieur d’un appartement de l’immeuble de Montreuil La non-expression du bois fait que visuellement on a pas l’impression d’habiter un immeuble en bois. Photo personnelle (Mai 2014)

En effet, les perceptions relatives au ressenti du corps dans l’espace renseignent bien plus quant à l’objet perçu. La « souplesse » de l’immeuble, revendiquée par Jean-Louis Gauthier, se ressent avec la marche car la sensation du poids du corps sur le plancher est réellement différente par rapport à un plancher en « dur », mais cet effet n’est pas directement lié à l’utilisation de plaques. Pour témoigner de cette souplesse, une différence de niveau non désirée et non négligeable de l’ordre du centimètre était perceptible entre le séjour et la cuisine, constituant une légère pente. Cette différence s’explique par les difficultés de mise en oeuvre du bois par rapport à la cage en parpaings, et témoigne de la souplesse du plancher. De façon analogue, la perception physique des parois verticales diffère par rapport à une structure en béton. Sans constituer un réel écart pour les bruits aériens, j’ai tout de même constaté une réaction différente à l’impact avec le ressenti que là encore une pression exercée sur le mur est diffusée dans l’ossature interne du panneau.

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 73


Notes 82. AALTO (Alvar), Le bois dans la construction, La table blanche et autres textes, Parenthèses, Marseille, 2012 (1956), p.99 et 100 83. Deux maisons dites « savantes » conçues et réalisées par l’architecte finlandais, respectivement en 1938 (en Finlande) et 1957 (en France).

Ces observations prennent une véritable valeur quand on les confronte à l’utilisation de l’autre type de plaques, celle des panneaux de bois massifs. Les immeubles de la résidence Jules Ferry exploitent en effet les possibilités offertes par le revêtement bois fini de ces panneaux, qui engendrent des effets différents dès lors qu’ils sont employés tantôt pour les murs que pour les plafonds. En effet, l’expression directe du bois entraine plusieurs conséquences quant au ressenti des habitants sur les différents espaces de leur cellule d’habitation. Comme évoqué en introduction, si Alvar Aalto n’envisageait pas le matériau bois comme pertinent pour la réalisation d’ouvrages majeurs, il soulignait par contre son grand intérêt pour l’architecture intérieure, évoquant « son affinité avec l’homme et avec la nature vivante, son contact agréable et ses multiples possibilités de traitement de surface », le qualifiant même de « matériau enrichissant et profondément humain », tout en étant « doté de ressources qui sont loin d’avoir été toutes épuisées »82. Les plafonds non structurels en bois de la maison Mairea, et surtout de la maison Carré83, sont des exemples d’utilisation qualitative du bois par l’architecte finlandais, et dont la logique spatiale est assez proche de celle des plaques.

FIGURE 47 Photo du hall d’entrée de la maison Carré La célèbre courbure en bois est comme « plaquée » au plafond. Ici, elle agit plutôt sur un registre de « surface », ce qui diffère des plaques parce qu’elle n’est pas plane et qu’elle peut théoriquement être d’une épaisseur nulle. Source de l’image : Photo : www.maison. com/architecture/ realisations/maison-carrealvar-aalto-edifice-uniquefrance-6511

En effet, premièrement, si l’aspect visuel n’est pas le seul composant intervenant dans le ressenti de l’espace il est clair qu’il reste décisif dans la perception spatiale. C’est ainsi que l’utilisation et l’expression directe des panneaux, désirée par l’équipe de maitrise d’oeuvre, engendre une perception spéciale des parois qui diffuse une lumière d’une autre nature que s’il s’agissait de placo-plâtre blanc. Celle-ci tend plus vers le jaune, et donc renforce l’aspect « chaleureux » qui ressort naturellement de l’avis des habitants. On pourrait

74 - REGISTRE DE PLAQUES


FIGURE 48 Photo du séjour d’un des appartements de la résidence Jules Ferry Le reflet du soleil provenant du sol sur le plafond transmet une lumière jaune, qui se répand dans tout le séjour suite à son contact avec la plaque de CLT. Photo personnelle (Septembre 2014)

en outre se demander si l’architecture bois traditionnelle n’est pas assez présente dans les Vosges et dans l’imaginaire de ses habitants pour expliquer une partie de leur ressenti positif sur leur espace de vie quotidienne. En effet, il n’est pas certain que s’ils habitaient dans des pièces aussi « chaleureuses » sous des latitudes au climat plus doux, ils aient le même avis sur la qualité de leur logement dont le critère du confort thermique est sans doute plus déterminant qu’ailleurs. Ce ressenti est d’autant plus visible dans l’espace des chambres, où la présence du bois est plus forte que dans les autres pièces de l’appartement. Visuellement la différence est notable avec une qualité de lumière qui, là encore, diffère par rapport à une même chambre de l’immeuble de Montreuil, et ce en dépit d’une baie plus petite et d’une orientation Nord pour la comparaison des photos ci-dessous.

FIGURE 49 Photos de deux chambres issues de l’immeuble de Montreuil et de l’immeuble de Saint-Dié La comparaison révèle une ambiance différente entre les deux chambres. Celle-ci s’explique par la différence de qualité de lumière, mais également de sensation de chaleur induite par la matérialité même du bois. Photos personnelles (Mai et Septembre 2014)

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 75


pente 3%

CUISINE / SEJOUR 2.35

2.40

R+7

2.10

1.53

532

275

225

WC

BAINS

2.445

2.795

ENTREE

3.698

532

18

95

43

46

40

pente 3%

BALCON

COURSIVE

23

18

2.35

FR 40-15 FR 40-15

BALCON

23

28

CUISINE / SEJOUR

158

3.922

2.35

2.40

2.10

2.40

2.75

WC

BAINS

BALCON

FIGURE 50 Coupe sur un appartement de l’immeuble de Saint-Dié (1:100) COURSIVE

3.63

WC

28

CUISINE / SEJOUR

17

3.91

2.35

2.40

2.40

BAINS

2.10

ENTREE

RESILLE METAL

DC 350

23

18

18 14 17

14

Ces effets sont accentués par le fait que l’utilisation des panneaux de bois en plafond agit en contraste avec la finition en placo-plâtre peinte en blanc. Les différences de couleur, de texture et d’odeur sont ainsi mises en valeur grâce à une compression spatiale au niveau de certaines zones comme le R+3 couloir central et les pièces humides, plus basses sous plafond.

FR 40-15

12 158

RESILLE METAL

DC 350

2.10

2.35

2.40

18

2.10

2.40

CUISINE / SEJOUR

3.642

ENTREE

COURSIVE

BALCON

23

WC

BAINS

18 14 17

2.75

14

R+6

18

18 14 17

14

ENTREE

RESILLE METAL

RESILLE METAL

CUISINE / SEJOUR

Mais ce qui constitue une réelle différence c’est la proximité du corps avec les parois de la pièce. En effet, comme l’explique Antoine Pagnoux, l’un des intérêts du bois réside dans ses qualités hygrodynamiques, c’est à dire que son utilisation entraine « une migration de l’humidité de l’intérieur vers l’extérieur, les parois sont complètement perspirantes84, il y a pas de passage d’air mais il y a le passage de l’humidité ce qui fait qu’il y a une régulation R+5les logements ». Une habitante m’a ainsi naturelle du taux d’hygrométrie dans confié trouver l’air plus « sec » que dans son ancienne habitation, une autre l’air « moins humide ». De plus, un autre aspect décisif pour le ressenti corporel est la sensation de « paroi chaude », aussi appelée effusivité. Selon l’architecte elle est induite par une impression tactile de différence de température entre deux types de parois. Le bois donne ainsi un ressenti moins « froid » que d’autres surfaces comme le verre où le bétonR+4par exemple, et cet effet peut se ressentir même à quelques centimètres.

ESCALIER

ESCALIER

2.40

Notes 84. La perspiration COURSIVE est un phénomène physiologique qui concerne l’ensemble des échanges respiratoires s’effectuant à travers la peau. Pour que cette caractéristique fonctionne pleinement, COURSIVE il faut que l’ensemble ESCALIER des composants de la paroi (finition intérieure, isolant, pare-pluie) ait des perméabilités hygrométriques compatibles (ce qui est loin d’être simple).

WC

BAINS

2.40

2.75

ENTREE

DC 350

18 14 17

532

14

DC 350

FR 40-15

ESCALIER

BALCON

23

18

DC 350

FR 40-15

ESCALIER

CUISINE / SEJOUR 2.75

R+2

2.10

2.40

WC 2.35

BAINS

2.40

ENTREE

BALCON

COURSIVE

ESCALIER

74 2

30

On comprend alors son intérêt à être exprimé à l’intérieur du R+1couplé à des matériaux d’isolation biologement, d’autant plus lorsqu’il est sourcés qui participent pleinement à ces actions. La texture du panneau de bois fini est de plus assez douce, ce qui invite vraiment à la toucher. Enfin, j’ajouterai un détail qui a son rôle à jouer dans les sensations induites par le bois : la dimension olfactive. En effet, les parois étant laissées à nu il n’est pas difficile d’être en contact avec l’odeur bien reconnaissable du bois, et ce en dépit du fait qu’il s’agisse d’un panneau reconstitué et la présence de RDC colle. Cet aspect me semble important à titre de comparaison avec une paroi plus conventionnelle car il influence grandement la sensation que l’on peut

76 - REGISTRE DE PLAQUES

2.16 FR 40-15

24

3.42

24

17

3.91

CAVES / LOCAUX TECH.

20

+343.40

14 20 25 20

14

DC 350

3

2.16

2.10

BALCON

36 14

36 14

14

2.39

2.35

2.40

CUISINE / SEJOUR

2.20

2.27

2.10

2.39

2.40

2 27 14 17

2.75 2.56

20 25 20 14

WC

14

Source du document : ASP architecture

3.84

2.00

2.00

8

BAINS

2.20

11

547

14

3

2.13

2.10

ENTREE

2.16

14

RESILLE METAL

RESILLE METAL

30

La zone en rouge illustre le vide spatial constituant celui dans lequel vivent COURSIVE les habitants. Il est ESCALIER plus volumineux là où le plafond en bois est apparent (hauteur sous plafond de 2,75 m). Cet effet de dilatation 15 PLAQUE FIBRO-CIMENT POWERPANEL spatial SUR engendre un réel 3 PORTES RDC contraste avec les parois en placo-plâtre peintes.

59

53

2

59

36

23

18

36

3

3

9 36

59

DC 350

FR 40-15

1.40


ressentir à l’intérieur du logement. Il peut cependant être nuancé dans le sens où cette odeur peut potentiellement disparaître avec le temps, ma visite de l’opération s’étant effectuée à peine huit mois après la livraison des bâtiments. Ces différences sont donc de l’ordre de la sensation et transcendent celles habituellement transférées par la vue seule. Elles sont basées sur la capacité du corps à ressentir physiquement son environnement comme nous l’avons vu au chapitre précédent avec les questionnements liés au bioclimatisme. En outre, Antoine Pagnoux ne se prive pas d’exploiter les possibilités des parois en bois comme il a déjà eu l’occasion de le faire dans un autre projet comme celui des Toits de la Corvée, une opération de maisons groupées faisant office d’expérimentation pour la résidence Jules Ferry. Il n’est en outre pas difficile de trouver des similitudes dans l’image renvoyée par cette opération d’habitat. Ces observations nous amènent à interroger le langage architectural de l’immeuble en bois contemporain. D’une certaine façon, on pourrait penser que les panneaux de bois massifs pourraient être à même de déconcerter les architectes, un peu comme ce fut le cas lors de l’apparition du béton. FIGURE 51 Photo de l’opération d’habitat groupé de la Corvée (2009) et photo de la résidence Jules Ferry (2014). Le langage développé pour ces deux opérations est sensiblement issu des mêmes matériaux, des mêmes couleurs, des mêmes composants. Cette ressemblance des enveloppes est issue de la volonté des architectes de faire de l’opération de la Corvée un véritable prototype pour la résidence Jules Ferry. Photos personnelles (Septembre 2014)

CHAPITRE 2 / IMPACT SUR L’ARCHITECTURE : SPATIALITE - 77


IMAGE LANGAGE SUPERPOSITION EXPRESSION ARCHITECTURALE THERMOS

TUILES EPAISSEUR BARDAGE BOIS SOUBASSEMENT GRISAILLEMENT

« Il y a un bon ami à moi qui dit : « Pour qu’un ouvrage bois soit durable il faut qu’il ait des bonnes bottes et un bon chapeau » [...] Ça veut dire que voilà, on utilise le bois comme un matériau de construction, on fait la structure avec, c’est ça le principal. JEAN-LUC CHARRIER, maitre d’ouvrage de l’immeuble de Saint-Dié

« On a réfléchi sur un fait de dire qu’on a deux volumes, dont un coulissait sur l’autre, un rouge, horizontal, [...] très présent qui l’ancrait particulièrement au sol, donc jouer aussi sur le contraste, [...] et puis l’autre, beaucoup plus fin, des lignes verticales élancées, ajourées, avec une matière noire derrière et des transparences. » MATHIAS ROMVOS, architecte de l’immeuble de Montreuil

78 - INTRODUCTION


CHAPITRE 3 IMPACT SUR L’ECRITURE ARCHITECTURALE : LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ?

INTRODUCTION - 79 Elévation sur rue de l’immeuble de Montreuil - Document issu de l’agence Graam


L’objectif de cette partie est d’apporter des éléments de réponse à la question : à quoi ressemble un immeuble d’habitation en bois contemporain ? Pour y répondre, il convient de chercher à savoir si des éléments d’un langage architectural identitaire sont repérables. Nous tenterons en outre de déterminer en quoi l’image de ces bâtiments diffère des autres archétypes de l’immeuble d’habitation, en la comparant au discours revendiqué à ce propos par leurs maitres d’ouvrages et architectes. La question de leur apparence m’apparait comme importante au vu du fait qu’elle ne soit pas véritablement inscrite dans la culture française, avec comme principal référent pour les habitants des opérations étudiées que j’ai pu interroger l’image du « chalet », mot un peu flou et qui a tendance à ressortir très vite dès lors qu’il s’agit de qualifier l’espace, ou l’objet.

Notes 85. La préfabrication peut également être à l’origine de désagréments pour l’architecture. Ce sujet est discuté par Emile Aillaud dans l’article « les dangers de la préfabrication » (T&A n°5, 1968, p.74), à propos des panneaux béton développés à partir des années 1950. Il évoque notamment : « sa modulation très apparente, la répétition de ses agencements », mais aussi : « des similitudes répétées, qui figurent jusqu’au cauchemar, sur les façades mêmes ».

En outre, comme nous l’avons vu les architectes exploitant le matériau bois dans la conception d’immeubles de logements contemporains font largement appel aux ressources de l’industrialisation qu’a connu la filière depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Cette dernière est si incontournable dans une logique de rentabilité qu’il est désormais difficile pour les concepteurs de s’en affranchir. La structure des immeubles de logements contemporains en bois est ainsi largement dépendante de cette industrie, notamment avec les bons côtés apportés par la préfabrication (meilleure compétitivité, baisse des coûts, travail en atelier, rapidité de montage sur le chantier)85. Cette dépendance entraine potentiellement des effets directement observables dans l’écriture même des immeubles, et donc sur l’image qu’ils renvoient. Elle recoupe aussi d’autres problématiques liées à leur enveloppe, comme celle de l’isolation thermique, qui peut désormais être au centre d’une considération innovante, au service du dessin de l’élévation. L’objet de cette partie est en outre de tenter d’observer quels sont ces effets, c’est à dire si l’image renvoyée par ces immeubles est plutôt révélatrice d’un principe constructif affirmé, ou plutôt d’une logique d’enveloppe isolante particulière. Il sera alors temps de connecter ces observations avec les enjeux inhérents aux habitations traditionnelles en bois, en particulier sur des questions d’écriture architecturale. Enfin, s’interroger sur l’image des immeubles en bois c’est aussi révéler des potentiels dangers qui pourraient leur être préjudiciable. Il ne s’agit pas de dangers physiques, mais plutôt liés à l’interprétation de leur image. Cette notion de « danger » est assez nouvelle dans la réflexion sur l’image de ces immeubles et découle, nous le verrons, de facteurs en partie liés aux exigences environnementales auxquelles leur mission est aussi de répondre.

80 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


IMAGE ANCESTRALE DES IMMEUBLES EN BOIS : PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF

L’EXPRESSION DE LA STRUCTURE COMME ARCHETYPE DES HABITATIONS URBAINES EN BOIS TRADITIONNELLES Les habitations urbaines de l’Ile-de-France, comme dans la plupart des régions françaises du Moyen-Age, sont essentiellement construites en bois, matériau alors abondant et facilement transportable par bateau86. Dans son livre La conquête du plain-pied 87, Jean-François Cabestan relate à propos des ces constructions que « l’aspect extérieur des bâtiments résulte très largement de la logique de la construction, de la mise en oeuvre et des assemblages ». Si les traces de cet héritage sont aujourd’hui largement disparues, la subsistance de certains immeubles de la même époque, notamment à Strasbourg, constitue une illustration fidèle et exploitable pour communiquer sur l’image que renvoient ces constructions. En effet, celle-ci est en grande partie dictée par l’expression directe de leur structure, appartenant au registre du filigrane et donc basée sur une ossature porteuse. Les éléments longilignes qui composent cette ossature, dite à colombages, sont les pans de bois, qui sont exprimés directement en façade par un jeu de contraste induit avec les matériaux de remplissage dans les interstices non structurels. L’image renvoyée est également dictée sur certaines maisons par la présence d’encorbellements, sous forme de porte-à-faux, qui offrent une possibilité d’optimiser la portée des solives par contreflêche ainsi que de gagner de la surface habitable en exploitant un vide réglementaire. Ces artifices tendent en outre à affirmer les lignes horizontales des différents niveaux par un jeu d’ombres sur la façade et entrainent, pour Jean-François Cabestan, une logique de superposition des étages qui constitue véritablement une « expression caractéristique » de l’élévation en pans de bois. L’image renvoyée par ces immeubles constitue donc une expression architecturale immédiatement reconnaissable et qui fait leur identité. Elle résulte d’un rapport direct entre leur structure constructive et leur écriture, qui n’est rendu possible qu’à travers le fait que l’ossature ne soit pas dissimulée. Ce patrimoine disparaitra au XVIIème siècle avec la naissance des premières règlementations urbaines, jusqu’à aujourd’hui où l’expression de la structure en façade demeure tout aussi difficile avec la réglementation incendie et la nécessité de limiter les ponts thermiques.

Notes 86. DUBY (Georges), (sous la direction de), Histoire de la France Urbaine, tome 2, Ed. Seuil, Paris, 1981 87. CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p. 51 à 64

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 81


L’image de ces immeubles est également dictée par l’expression de leur soubassement, l’un des trois éléments constitutifs de l’architecture traditionnelle (la base) et absolument indispensable à la bonne tenue dans le temps de ces ouvrages. En effet, la structure en bois de ces immeubles, particulièrement vulnérable aux agressions et en particulier à l’humidité, nécessite une mise à distance par rapport au sol. Cette dernière ne pouvant s’effectuer en bois elle est souvent réalisée en pierre par le maître maçon avant l’apparition du béton. En outre le soubassement des constructions traditionnelles en bois fait intégralement partie de leur structure et donc de leur image. FIGURE 52 Photo d’un immeuble de Strasbourg, 14 Rue Mercière La blancheur de l’hourdis fait « ressortir » les pans de bois, et le jeu d’ombres induit par les porte-à-faux participe au marquage horizontal des niveaux. Le soubassement en pierre participe pleinement à l’expression caractéristique de ces immeubles, avec un traitement différent de sa matérialité et de son aspect. Photo personnelle (Septembre 2014)

Si les immeubles contemporains ont désormais la possibilité de s’affranchir de la contrainte que pourrait représenter un soubassement, il est assez rare qu’ils mobilisent le bois directement au rez-de-chaussée. Cependant l’utilisation du bois pour le premier niveau est désormais un fait indépendant de l’affirmation d’un quelconque soubassement dans l’expression des immeubles. Par exemple, une étrange contradiction est perceptible sur les trois ouvrages étudiés dans ce mémoire. En effet, si les immeubles de Montreuil et de Tourcoing n’expriment pas le soubassement avec l’expression d’un bardage bois descendant presque jusqu’au ras du sol, ils sont pourtant intégralement constitués de béton au rez-de-chaussée. A l’inverse, si l’expression de l’immeuble de Saint-Dié exprime un soubassement en béton, la constitution de son premier niveau est en grande partie constituée des murs massifs de CLT.

82 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


Le marquage très fort de la base dans la lecture que l’on peut faire sur les bâtiments de la résidence Jules Ferry renvoie ainsi à une réinterprétation du soubassement des maisons traditionnelles à pans de bois. Cette réinterprétation contemporaine est d’autant plus justifiée qu’il ne s’agit pas d’un simple artifice, cette dernière ayant une réelle utilité pour la protection du bâtiment. Le rôle de ce soubassement est en effet de protéger les panneaux de bois massifs contre les agressions extérieures liées au climat et notamment l’humidité et la pluie, mais également des chocs comme d’éventuelles collisions avec des véhicules. Le choix de ne pas avoir continué le traitement en tuiles jusqu’en bas est double, d’une part pour les protéger de ces chocs possibles et d’autre part pour des questions de coût. A l’inverse, le choix de ne pas exprimer le soubassement pour les immeubles de Montreuil et de Tourcoing, est intéressant car cela montre que cette question n’est plus seulement liée à des problématiques inhérentes à la survie de l’ouvrage dans le temps, mais que la conception contemporaine permet un basculement entre vérité constructive et image renvoyée. Ainsi, si le premier niveau de ces immeubles n’est pas dépendant des contraintes du bois du fait de sa matérialité en béton, le choix est donné aux concepteurs d’exprimer ou non un revêtement visant à dissimuler le soubassement, au risque pour eux de « sacrifier » ce revêtement s’il est en bois, comme c’est le cas pour les immeubles étudiés. Le manque de recul ne permet pas de répondre à la question aujourd’hui, mais mes observations de l’immeuble de Montreuil montrent déjà des signes qui laissent à penser que le traitement bois du rezde-chaussée va potentiellement mal vieillir. Nous reviendrons ultérieurement sur ce que sont susceptibles d’engendrer ces questions quant à leur impact sur l’image des immeubles.

FIGURE 53 Photos de chacun des immeubles étudiés (de gauche à droite Saint-Dié, Montreuil et Tourcoing) Le marquage du soubassement pour l’immeuble de SaintDié s’effectue avec l’expression d’un mur de béton sur environ 1,5 m de haut. Les immeubles de Montreuil et Tourcoing n’expriment pas de soubassement. Photos personnelles (Mai et Septembre 2014), sauf pour Tourcoing (source : google images)

FIGURE 54 Photo du portail d’entrée de l’immeuble de Montreuil Après à peine deux ans d’utilisation le portail en bois intégré à la façade de l’immeuble commence à montrer des signes de fatigue, avec un début de grisaillement dû aux agressions extérieures (pluie et pollutions). Une garde au sol de 20cm aurait sans doute atténué le phénomène. Photo personnelle (Mai 2014)

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 83


MUTATION PROGRESSIVE DU BOIS À LA PIERRE : ÉLABORATION LABORIEUSE D’UN LANGAGE CONSTRUCTIF AUTONOME Si les habitations urbaines du Moyen-Age étaient, comme évoqué précédemment, principalement en bois, le passage progressif à la pierre n’a pas permis tout de suite de conférer à ce nouveau matériau son « langage constructif autonome »88. En effet, les considérations liées à l’isolation thermique n’existaient pas au XVIème siècle, et les relations qu’entretenaient le principe constructif et l’image renvoyée par les ouvrages étaient principalement dues à l’expression de leur structure, souvent non dissimulée. L’enjeu d’image résidait donc dans la correspondance entre la technique constructive employée et, à défaut de parler d’écriture, leur expression architecturale résultante.

FIGURE 55 Photo de deux immeubles de Strasbourg, 4 Rue du Vieil Hôpital Ces deux immeubles illustrent bien le caractère aléatoire que peuvent avoir les élévations en pans de bois. Photo personnelle (Septembre 2014)

Notes 88. CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p.58 89. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.51 90. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.52

En outre la logique du pan de bois autorisait une relative liberté dans la gestion des formes des édifices, et cette liberté était accordée, selon JeanFrançois Cabestan, par « la résistance du bois à la compression, à la flexion et à la traction », dotant ces ouvrages « d’une souplesse et d’une flexibilité remarquables »89. Le résultat faisait état d’édifices marqués par le « caractère aléatoire » de leurs percements et la « fantaisie » de leurs encorbellements, sans réels éléments purement décoratifs si ce n’est la mouluration des ouvrages de charpente. La transition avec la pierre a pris naissance dès le XIIIème siècle avec l’apparition des premières maisons de certaines familles de la bourgeoisie marchande. Mais la généralisation de ce matériau a réellement commencé suite aux ordonnances du XVIIème siècle visant à prohiber le pan de bois apparent. La mission du maître maçon deviendra ainsi plus importante dans l’élaboration des ouvrages et son rôle peut se comparer à celui de l’architecte d’aujourd’hui dans le sens où il était principalement chargé de coordonner les différents corps d’état. La présence du charpentier était en effet toujours indispensable à l’édification de l’habitat du plus grand nombre, la mutation des édifices ne pouvant se passer de bois pour certains éléments structurels et la présence de pierre se limitant bien souvent « qu’aux murs mitoyens et à la façade sur rue »90. Cependant, cette transition a engendré des modifications importantes de l’aspect des maisons urbaines de la ville du Moyen-Age, modifications en partie liées aux caractéristiques mécaniques de la pierre qui a dicté le dessin des élévations. En effet, le module constructif de base est passé d’un élément

84 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


longiligne capable de travailler en traction, à un module plus compact ne supportant que la compression. Ceci a engendré, outre une perte de liberté dans la composition des façades et une diminution de la richesse architecturale liée aux « évènements » qu’apportaient le bois91, un basculement entre l’écriture précédemment horizontale, affirmée par le marquage des niveaux induits par les porte-à-faux, et une nouvelle écriture verticale, basée sur « une rigoureuse superposition des pleins et des vides »92. Cette naissance a participé à l’instauration de règles visant à diffuser la « rigueur géométrique » que prédisposait le passage à la pierre, et ainsi à promouvoir la diffusion du caractère colossal. La superposition des pleins et vides résulte, selon Jean-François Cabestan d’une « dichotomie » entre le plan et l’élévation, c’est à dire d’une opposition franche entre la structure des planchers et son impact sur les possibilités offertes au niveau des façades et de leurs percements. C’est ainsi que l’adoption du plancher à solives d’enchevêtrure, permettant d’optimiser la capacité portante des façades du fait de sa capacité à franchir les espaces sans appuis latéraux, a permis, par rapport au plancher alors traditionnel dit à la française, de retrouver une plus grande liberté dans la composition des façades, et par là même promouvoir l’émergence d’un langage constructif autonome. Cependant la lente mutation des maisons urbaines du bois à la pierre s’accompagne d’effets de persistances sur les façades minérales, qui reprennent certains traits caractéristiques des élévations en pans de bois. C’est ainsi que les « relations de parenté », tissées entre les deux registres, tiennent pour une part dans le maintien de l’expression horizontale des niveaux pour les édifices en pierre. Jean-François Cabestan l’explique ainsi : « La répétition des sablières qui, d’étages en étages, impriment aux façades un caractère familier empreint d’intimité domestique, trouve un prolongement remarquable dans la superposition des entablements de pierre ». Il en est de même pour les percements, avec une corrélation entre « les menaux monolithiques des grandes baies de la renaissance [qui] résultent d’une pétrification des élévations en pans de bois du Moyen-Age »93. La tendance à mouler dans la pierre elle-même des éléments de charpente rend compte de la difficulté qu’ont eu les hommes à s’affranchir de l’image renvoyée par les architectures en pans de bois, allant même jusqu’à créer de véritables « pans de pierre »94, à l’écart de toute réalité constructive.

FIGURE 56 Elévation de la maison Martin, 2ème arr. de Paris (1643) Si la superposition des pleins et des vides est un fait nouveau, le marquage horizontal des niveaux résulte lui de la persistance du langage du bois. Source de l’image : CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p.56 Notes 91. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.53 où il évoque les « baies, saillies, porteà-faux, retraits » comme autant d’évènements apportant une richesse architecturale aux élévations en pans de bois. 92. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.54 93. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.62 94. Expression de Jean-François Cabestan dans La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p.63

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 85


FIGURE 57 Projet de transformation d’une maison parisienne, 10ème arr. de Paris, 1735 Les bandes verticales rappelant des colonnes sont appelées lésènes. Source de l’image : CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p.56

Notes 95. op. cit. CABESTAN (Jean-François), p.60 96. Il s’agit de la maison Coignet et de l’immeuble de la rue Miromesnil à Paris (Coignet frères constructeurs). Eric Lapierre parle même à propos de ce dernier d’une « expression d’immeuble en pierre de taille ». 97. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p.78 98. CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p.63

Le langage inhérent aux constructions en pierres finira par aboutir, et cet essor n’aura lieu qu’après l’abandon des références aux constructions vernaculaires en bois favorisant les « ordres superposés », qui ne reflétaient pas « la réalité de la structure minérale »95. Jean-François Cabestan considère en outre que l’apparition des lésènes, ces bandes verticales de faible relief pratiquées dans l’épaisseur des murs extérieurs et accentuant la verticalité des façades en pierre, est l’un des premiers témoignages d’une certaine indépendance par rapport aux ordres du bois. Il lui apparaît toutefois que « le langage de la construction en pans de bois constitue un répertoire formel à la disposition des corps d’état », ce qui rejoint en quelque sorte les dires d’Alvar Aalto à propos de la facilité technique de l’utilisation du matériau et les formes architecturales générées par lui. Cette remarque se vérifie également lorsque l’on s’intéresse à la naissance du béton armé. En effet, la déconcertation des architectes lors de la naissance de ce nouveau matériau et son application dans la mise en oeuvre d’édifices fut comme un bref retour en arrière, comme s’il avait été nécessaire à ces concepteurs de se « raccrocher » à une façon traditionnelle voire ancestrale de construire, en réinterprétant la construction en pierre voire en remontant à celle du bois. Dans son article « Le béton armé ou l’amnésie constructive et architectonique des architectes », Eric Lapierre évoque ainsi l’exemple des premiers bâtiments en béton reprenant trait pour trait le langage de leurs semblables en pierre96. L’exemple le plus parlant à ce propos réside sans doute dans les premières structures en béton armé de l’ingénieur François Hennebique, qui d’après Deplazes « avec leurs poteaux rangés hiérarchiquement, leurs sommiers et leurs solives doivent encore beaucoup aux assemblages tectoniques des édifices en bois ». La maison Hennebique, construite en France entre 1901 et 1903 à Bourg-la-Reine dans les Hauts-deSeine, constitue un répertoire censé démontrer les possibilités du béton armé et à partir duquel il est aisé de trouver des correspondances avec le bois. Comme nous l’avons vu, il fut long et difficile pour les hommes de conférer aux habitations en pierre un langage en cohérence avec leur système constructif. Deplazes parle de « période d’accoutumance »97, Jean-François Cabestan de « temps de maturation » durant lequel il est nécessaire de trouver « une nouvelle logique des formes » issue « des propriétés des matériaux de substitution »98. En somme il s’agit bien de dépasser des questions d’ordre culturel99 et de s’affranchir des stéréotypes pour définir de nouveaux critères de mise en forme propres aux nouvelles technologies.

99. La dimension culturelle inclut aussi d’autres aspects, comme par exemple les paradigmes esthétiques (régularité, hiérarchie, pittoresque, combinatoire, iconique, aléatoire, etc.) qui se renouvellent d’une époque à l’autre de façon plus ou moins indépendante des techniques de construction.

86 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


INDUSTRIALISATION DE LA FILIERE BOIS A GRANDE ECHELLE : NOUVEAUX ENJEUX POUR LES ARCHITECTES La renaissance de la filière bois en France remonte aux années 1960, en partie suite à la prise de conscience des effets négatifs sur l’environnement des matériaux caractéristiques de la modernité tels l’acier et le béton. La prédominance de ces derniers a en effet poussé à la recherche d’un matériau permettant de renouveler le langage architectural des décennies précédentes. Cette renaissance passe par une industrialisation de la filière bois, qui va occulter pour une grande part les savoir-faire de l’artisanat qui dominaient jusqu’alors. En France, l’architecture en bois renait autour des programmes de tourisme et de loisirs avec notamment, en 1967, le projet de la marina de Talaris près de Lacanau. L’image que renvoie cette opération est en partie issue d’inspirations nord-américaines avec une revendication affirmée pour les liens qu’ils nouent avec la nature, un peu comme l’esprit de l’opération du Sea Ranch. L’enjeu pour la filière bois réside dans la nécessité de développer une économie forte, basée sur les capacités de l’industrie et la préfabrication, dans l’optique d’être suffisamment concurrentielle par rapport aux autres filières. Le développement de ce que Stéphane Berthier appelle « l’industrialisation ouverte », en réaction au traumatisme laissé par la « préfabrication lourde »100, abondamment exploitée par la filière béton pour la construction des grands ensembles, est ainsi l’occasion de mettre la préfabrication au service des concepteurs, en proposant un « grand catalogue » de composants industriels « dont les règles de compatibilité offrent une souplesse de composition pour des réponses architecturales diversifiées et contextuelles »101. L’enjeu pour les architectes est alors de parvenir à trouver un équilibre entre capacités constructives normalisées par l’industrie, et liberté d’écriture dans l’ordonnancement des façades, ces dernières devenant fortement dépendantes des « modules » utilisés pour construire. En effet, la dimension constructive structurelle devient prépondérante lorsqu’il s’agit de concevoir et construire en bois, et cette dernière tient une place de premier choix quant à l’image renvoyée par ces constructions d’un nouveau genre.

Notes 100. Terme employé, entre autres, par Emile Aillaud dans l’article « les dangers de la préfabrication » du T&A n°5, 1968, p.74 101. BERTHIER (Stéphane), Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : Le cas de l’architecture résidentielle en France, 2013, p.10. A noter que de tels dispositifs existent aussi pour les filières béton et acier (politique des « modèles innovation », à partir de 1973).

FIGURE 58 Photos de la marina de Talaris de Lacanau Un des premiers « village de vacances » qui marque la renaissance de l’architecture de bois en France. Source des images : www.lacdelacanau. com/archives/2007 www.bdv.fr/campingslacanau.php

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 87


Notes 102 op. cit. BERTHIER (Stéphane), p.10 103. Les autres membres de l’équipe sont JeanMarc Roque et JeanJacques Orzoni. 104. Propos provenant d’un reportage issu du DVD « Ballades culturelles entre vallée d’Aoste et HauteSavoie, architectures de stations, Avoriaz Morzine », par DUPUIS (Catherine), CAUE de Haute-Savoie, 2007. On peut parler d’architecture « organique » pour définir ce langage formel.

FIGURE 59 Photos de l’hôtel des Dromonts à Avoriaz (1968) Les formes développées et l’expression du bois engendrent une image organique qui ne cache pas son lien avec la nature. Source des images : mybestaddressbook. com/addresses/hotel-

L’une des premières missions des architectes fut donc de mener des réflexions sur le dimensionnement des différents éléments structurels. C’est ainsi que, d’après Stéphane Berthier, « l’industrialisation ouverte impose aux acteurs une réflexion sur la coordination dimensionnelle d’un tel système, sur la fabrication de règles, de modules standards assurant la cohérence des éléments entre eux dont découlerait des catalogues de composants normalisés »102. Mais contrairement à l’époque du Moyen-Age la capacité des acteurs de la construction à donner du sens à l’acte de bâtir a permis aux architectes de profiter de cette opportunité pour « réinvestir la recherche d’un système de proportions, [...] réinterrogeant l’ordonnancement constructif de l’industrialisation ouverte pour tenter de la relier à la quête d’un ordre architectural où les rapports de proportion entre chaque élément et le sens de la mesure rapporté au corps humain transcendent les questions de dimensionnement constructif ». Cela traduit en outre, comme à l’époque du passage à la pierre, une volonté affirmée de définir un langage identitaire aux constructions modernes en bois. Le récit de ce langage reste dans un premier temps lié à celui de la nature, avec des emprunts aux corps de fermes vernaculaires, mais aussi aux ranchs nord-américains. L’une des réalisations les plus emblématiques pour illustrer ce point est sans doute la station de sports d’hiver d’Avoriaz, réalisée à partir de 1964 par l’équipe de Jacques Labro103 et qui constitue une architecture résolument tournée vers la paysage, se voulant être une réinterprétation du langage vernaculaire des habitations de la vallée. C’est ainsi que les concepteurs vont sans cesse rechercher des effets de mimétisme avec l’environnement naturel pour la définition volumétrique des immeubles, en se basant sur la réinterprétation de typologies vernaculaires (toitures débordantes, bardages en tavaillon). Cette démarche s’inscrit dans la volonté de conférer un style d’habitat montagnard avangardiste dans un vocabulaire « beaucoup plus vivant », selon leurs mots104. Le développement d’un contextualisme littéral, dans une volonté d’échapper à l’angle droit et à la symétrie, a fait office de démonstration témoignant de la possibilité de conférer au bois l’expression de revendications architecturales en lien étroit avec les enjeux de l’industrialisation.

88 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


Par ailleurs, il est intéressant de constater que la logique de préfabrication n’est pas incompatible avec liberté d’expression architecturale. C’est ainsi que, toujours selon Stéphane Berthier, la « logique de préfabrication et de bâtiment-meccano n’a pas engendré d’architecture meccano dont l’écriture serait surdéterminée par le module et l’assemblage de composants à l’instar de la maison Moduli de 1969 ». En effet, cette maison conçue et construite en Finlande par les architectes finlandais Kristian Gullischen et Juhani Pallasmaa est basée sur un principe de construction en kit, suivant un mode de production industrialisé et dont le plan est basé sur une trame poteaux-poutres avec remplissage par panneaux de bois. FIGURE 60 Photo et principes de montage de la maison Moduli (1969)

L’image qu’elle véhicule exprime sans détours sa nature préfabriquée, sans doute inspirée de l’architecture de la maison traditionnelle japonaise. C’est ainsi que le module cubique de base est aisément perceptible, et la finesse de ses parois et ses assemblages expriment une construction légère. La lisibilité de ces derniers joue également un rôle dans la perception d’une architecture préfabriquée (montable / démontable).

Sa nature préfabriquée est immédiatement perceptible à l’oeil, et cette réalisation marque l’une des premières architectures de bois dont l’expression résulte directement d’un système de production industrialisé. A partir d’un module de base aux dimensions bien définies il est en effet possible d’imaginer tout un ensemble formant une maison habitable. Source des images : www.tectonicablog. com/?p=12342 www.proyectos4etsa. files.wordpress.com

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 89


Il est aisé de rattacher à cette référence des problématiques tout à fait d’actualité. En effet, la question de la préfabrication étant au centre de l’économie de la filière bois contemporaine il est intéressant de questionner son impact sur l’écriture des ouvrages étudiés. Les éléments concernés par la préfabrication sont ici ceux qui constituent la structure des immeubles. Par exemple, il est aisé de remarquer que l’écriture de l’immeuble de Montreuil est en partie liée à l’expression du marquage des niveaux d’étages, qui correspondent aux dimensions exactes des murs ossature bois utilisés pour sa construction. Les architectes ont profité de ces mesures pour ajuster la pose du bardage, affirmant ainsi les joints entre les panneaux de murs à ossature bois structurels.

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FIGURE 61 Coupe (1:50) et élévation sur rue (1:200) de l’immeuble de Montreuil C’est l’expression des jonctions entre les murs à ossature bois qui affirme les différents niveaux d’habitation. Le traitement de ces jonctions est souligné par une fine bavette métallique qui marque la limite entre deux panneaux. Source des documents : Graam architectes

90 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


L’expression du marquage des niveaux a amplement été mise au service de l’argumentaire architectural des concepteurs. Par exemple, l’effet de coulissement recherché par l’équipe de Graam architectes entre les deux parties du bâtiment a pu s’effectuer notamment grâce à un traitement différent dans le marquage des niveaux. Sur l’élévation qui se voulait être plus « élancée », ce marquage est légèrement en retrait du plan de la paroi ce qui provoque une ombre très fine et tend à atténuer les bandes horizontales au profit du bardage vertical. A l’inverse, sur la partie plus « ancrée au sol » ce même marquage est au nu de la façade et contraste avec elle, d’autant que cette dernière est dans une teinte rouge et plus foncée. Ce traitement participe pleinement à conférer « l’aspect de compression et de lourdeur » recherché, et d’autant plus lorsqu’il est mis en contact direct avec l’autre « volume »105 très élancé. FIGURE 62 Photo de la façade sur rue de l’immeuble de Montreuil La préfabrication des panneaux structurels en bois et le traitement de leurs jointures a été pleinement mis au service des intentions des concepteurs. La structure de l’ouvrage a donc ici une répercussion directe sur son expression architectonique. Source de l’image : photo personnelle (Mai 2014)

La superposition des niveaux est également une approche contextualiste, le marquage des bandeaux d’étage étant très fréquent dans l’architecture faubourienne, survivance pétrifiée des poutres de rive de l’architecture à pans de bois comme nous l’avons vu précédemment. Aussi, le marquage des niveaux d’habitation est également une façon de montrer le caractère domestique de l’immeuble. Cette notion de domesticité est décisive dès lors que l’on parle d’ouvrages à vocation d’habitation. Ici, la hauteur des

Notes 105. L’utilisation du terme « volume » tend à montrer que l’effet de contraste recherché par les architectes a fonctionné car en réalité il s’agit bien d’un seul et même bâtiment.

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 91


Notes 106. CABESTAN (JeanFrançois), La conquête du plain-pied, Picard, Paris, 2004, p.52

panneaux de murs ossature bois confère d’elle-même ce caractère car elle se rapproche de celle des façades mitoyennes qui affirment elles aussi leurs niveaux de planchers (cf. élévation de la figure 61). Cette structuration par niveaux est en outre à rapprocher de l’expression des « ordres superposés » évoquée par Jean-François Cabestan auparavant, et propre aux constructions traditionnelles en bois. Elles distinguent ce bâtiment d’un ouvrage à caractère public, en lui donnant une « échelle caractéristique » basée sur une dimension « tributaire de la hauteur sous plafond nécessaire à l’habitation des hommes »106. Si les acteurs de l’immeuble de Montreuil ont pu exprimer la dimension constructive de l’ouvrage, c’est en partie dû au choix constructif effectué. En effet, l’utilisation de murs à ossature bois et l’expression horizontale de leurs joints est finalement l’une des finitions les plus simples et efficaces. L’isolation interne des panneaux et le choix de ne pas mettre de contre-isolation extérieure permet de renvoyer une image de structure préfabriquée et assumée comme tel. Or aujourd’hui, les exigences énergétiques augmentant, les concepteurs sont invités à pousser encore plus loin leur réflexion sur la nature de l’enveloppe des édifices qu’ils conçoivent, nature qui tend à se retrouver profondément modifiée, au point même d’effacer l’expression de la structure de l’ouvrage.

92 - PRIMAUTE DE L’ASPECT CONSTRUCTIF


IMAGE CONTEMPORAINE DES IMMEUBLES EN BOIS : PRIMAUTÉ DE L’ENVELOPPE LE REVETEMENT ET L’ISOLATION THERMIQUE COMME NOUVEAUX VECTEURS D’ECRITURE

EXTERIEUR

INTERIEUR

EXTERIEUR

INTERIEUR

Bien que la nature des différentes techniques de construction en bois diffère, toutes sont capables d’accueillir n’importe quel type de revêtement et suivant un dessin qui peut s’affranchir des jointures entre les différents éléments formant la structure de l’ouvrage. Cette observation constitue une dichotomie contemporaine entre la nature de la structure et l’image de l’enveloppe renvoyée. En effet, si l’expression particulière des maisons à colombages résulte d’un lien fort entre structure et remplissage, celle des murs à ossature bois (comme des panneaux de CLT) contemporains peut tout à fait devenir indépendante des éléments structuraux et leurs assemblages. L’isolation thermique et le revêtement de ces murs jouent donc un rôle prépondérant dans l’expression et l’image renvoyée par la façade. Le doublement voire le triplement des épaisseurs isolantes, conséquences des règlementations thermiques en cours et à venir (notamment la RT 2020), ne feront que renforcer l’importance du rôle de ces éléments dans l’image que renverront les immeubles en bois. C’est ainsi que selon Stéphane Berthier, « la généralisation de l’isolation par

FIGURE 63 Comparaison schématique entre un mur ossature bois et un mur de CLT, deux éléments faisant office de « panneaux » structurels en bois. Le revêtement (en gris foncé) est l’élément qui finit le mur à l’extérieur. Il est indépendant de la structure en termes de nature, d’aspect et de dessin. En effet dans les deux types de murs le revêtement peut toujours être fixé sans réellement tenir compte de la matérialité de la paroi sur laquelle il s’accroche. Celle-ci peut être en bois ou en béton, le résultat visuel final est le même. A noter que le revêtement n’est jamais fixé dirctement sur l’isolation pour assurer une ventilation (hormis enduit sur polystyrène).

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 93


Notes 107. BERTHIER (Stéphane), Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : Le cas de l’architecture résidentielle en France, 2013, p.10 108. DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice, Birkhauser, 2012 (2008) p. 82

l’extérieur afin de supprimer les ponts thermiques engendre des bâtiments habillés de « murs manteaux », qui inversent l’ordre hiérarchique habituel de la matière en faisant passer la structure au second plan »107. En outre, les possibilités de revêtement sur ces éléments révèlent un caractère infini. En effet, plaques de métal, panneaux de verre, panneaux supports d’enduits, panneaux de fibrociment, plaques de tôle ondulée, films plastiques et, bien sûr, bardages bois peuvent y prendre place. Ces observations sont également valables pour les structures en poteaux-poutres si elles accueillent entre leurs jours des éléments structurels en panneaux de bois. Une autre observation qui participe à l’effacement de la structure au profit de l’isolation et du revêtement réside dans la lecture que l’on peut avoir des panneaux structurels contemporains. En effet, selon Deplazes, « la tectonique du panneau de la construction bois actuelle est lue d’un point de vue structurel et non plus matériel, comme c’est le cas pour la construction bois traditionnelle ». En outre, ces derniers ont tendance à s’exprimer architecturalement « dans l’abstraction », et ce d’autant plus lorsqu’ils sont dissimulés par les différents revêtements intérieurs et extérieurs. Ils deviennent alors totalement invisibles, et prennent « une place analogue à celle qu’occupe le béton homogène dans la construction massive, où il peut servir pour tous les éléments tectoniques d’un édifice sans jamais être matériellement perceptible »108. Des trois immeubles étudiés, ceux de Saint-Dié et Tourcoing illustrent bien le propos. En effet, impossible depuis l’extérieur d’affirmer avec certitude qu’ils sont construits en bois, car seul l’immeuble de Montreuil nous laisse percevoir sa logique d’assemblage. Si à l’intérieur de la résidence Jules Ferry les poteaux, les poutres et les panneaux de CLT n’étaient pas laissés apparents, il ne serait pas possible de déterminer le principe constructif sans étudier les plans et les coupes. Ces différences s’expliquent par le fait que les opérations mobilisées ne raisonnent pas toutes sur la même logique de conception. En effet, le développement de l’immeuble de Montreuil a été dicté par une réflexion que l’on pourrait qualifier de « classique », dans le sens où sa forme et sa volumétrie sont le résultat d’une recherche basée sur des problématiques d’écriture architecturales (insertion dans un tissu urbain dense et constitué, hétérogénéité du gabarit des immeubles mitoyens, volonté d’avoir deux volumes qui s’expriment dans un effet de coulissement, recherche d’une expression de compression puis d’élancement...). A l’inverse, l’allure des immeubles de Saint-Dié et de Tourcoing a en grande partie été commandée

94 - PRIMAUTE DE L’ENVELOPPE


par des problématiques liées au climat, dans une recherche d’efficacité énergétique. En outre, pour ces deux opérations la question de l’enveloppe isolante et de la vêture a fait l’objet d’un travail spécifique et approfondi, dont les conséquences les plus visibles s’expriment dans l’épaisseur des parois et l’effacement des traces (et des assemblages) de la structure primaire. C’est ainsi que l’aspect de la résidence Jules Ferry, comme l’immeuble de Tourcoing, est intégralement induit par l’isolation thermique et son revêtement. La structure interne du bâtiment est totalement invisible, dissimulée sous l’enveloppe. En somme, les techniques de construction bois et la préfabrication de la filière ont participé à conférer à la structure de ces ouvrages une équivalence avec le béton au niveau de l’expression architecturale de leurs parois. En effet, les deux matériaux accueillent désormais l’isolation thermique, et surtout le revêtement, comme un habillage qui a pour premier effet de cacher la structure et ainsi conforter l’opposition entre la nature structurelle du bâtiment et son aspect final. FIGURE 64 Photos de la façade Nord de la résidence Jules Ferry Le « manteau » de tuiles qui recouvre l’ouvrage supprime toute lecture de sa structure depuis l’extérieur. On ne peut ainsi différencier la nature structurelle de la cage d’ascenseur, en parpaings, et le reste du bâtiment, en bois. Cette vêture uniforme supprime également la lecture des niveaux, ce qui évoque une certaine abstraction de la paroi. Source des images : Photos personnelles (Septembre 2014)

Manteau en tuiles

Cage d’ascenseur en béton

Bâtiment en bois

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 95


FIGURE 65 Photos de la façade Nord/Ouest de l’immeuble de Tourcoing De façon analogue à la résidence Jules Ferry, l’épaisseur importante de l’isolation thermique et les différents revêtements nécessaires au confort climatique intérieur du bâtiment engendrent des effets de masques de la structure. Source des images : www.prixnationalboisconstruction.org

L’immeuble de Tourcoing joue sur la même logique, la couche d’isolation supplémentaire par l’extérieur dissimulant intégralement sa structure et ses assemblages, pourtant en poteaux-poutres avec remplissages en murs à ossature bois. La même attitude de déguisement de la structure de l’immeuble, en dépit du fait qu’il ne s’agisse pas des mêmes techniques de construction par rapport à la résidence Jules Ferry, est intéressante car cela illustre bien le caractère indépendant de la primauté de l’isolation thermique et du revêtement sur l’expression de la structure.

96 - PRIMAUTE DE L’ENVELOPPE


0m

L’écriture des élévations pour ces deux immeubles est ainsi principalement dictée par les conditions climatiques de leur site d’implantation. Leur nature diffère donc suivant leur orientation géographique. En outre, l’influence de l’isolation et du revêtement est, pour la résidence Jules Ferry, encore plus décisive en façade Sud avec une expression architecturale directement liée au calepinage des caissons de paille. En effet, les dimensions des modules isolants ont dicté celles des ouvertures ainsi que des claustras et même des garde-corps. L’ensemble de la façade est donc rythmé par une mesure unique (1,20 m) et qui découle de celle d’un élément d’isolation préfabriqué. LES RISQUES LIÉS À L’IMAGE DE L’IMMEUBLE EN BOIS CONTEMPORAIN Comme nous l’avons vu, édifier un immeuble en bois c’est développer une réflexion sur son enveloppe qui va influer sur, entre autres, l’expression architecturale du bâtiment ainsi que l’image qu’il renverra, tout en conférant une grande liberté d’aspect et de composition. Les problématiques auxquelles sont confrontés les concepteurs sur le choix constructif de l’ouvrage préfigureront la nature de cette membrane, et donc celle de son image. En outre, il apparaît que la conception de l’enveloppe et du revêtement d’un immeuble en bois soulève des enjeux liés aux stéréotypes que peuvent avoir les individus. Ces aprioris peuvent potentiellement nuire à l’image et à l’appréciation de ces bâtiments, et donc freiner leur acceptation et leur développement dans la ville de demain.

5m

FIGURE 66 Elévation Sud de l’immeuble de Saint-Dié et comparaison avec le calepinage des caissons de paille Il apparaît clairement que la largeur du calepinage des caissons et celle des ouvertures suivent les mêmes proportions. Ce module, de 120 centimètres, sert ainsi de référence à toutes les mesures horizontales de l’élévation. Source des documents : ASP architecture

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 97


Le premier risque est issu du résultat volumétrique d’une réflexion sur une enveloppe performante sur le plan énergétique. En effet, la nécessité de multiplier les couches d’isolation thermique pour pallier aux déperditions de chaleur engendre parfois des enveloppes très épaisses. Si elles ne sont pas assumées par les concepteurs des ouvrages, ces derniers encourent le risque d’être qualifiés péjorativement de « thermos », terme qui est apparu suite à l’apparition de projets très performants énergétiquement, mais qui développent une forte épaisseur de façade faisant penser à l’image de ce récipient très épais (tout en limitant l’usgae des baies pour la ventilation). Il sous-entend que l’expression du bâtiment est principalement issue de la largeur de cette couche isolante, au point de nuire à son esthétique finale. Je n’ai cependant jamais eu ce ressenti lors des entretiens avec les habitants, qui n’ont pas exprimé ce terme et qui, dans l’ensemble, appréciaient leur immeuble. C’est ainsi que sur les trois ouvrages étudiés ceux de Tourcoing et de Saint-Dié pourraient être considérés comme des thermos, du fait de l’épaisseur de leur enveloppe (42 cm pour la façade Nord/Ouest de l’immeuble de Tourcoing et 65 cm pour toutes celles de la résidence Jules-Ferry). En effet, depuis l’extérieur, la sensation de paroi épaisse est clairement perceptible. La façade sur rue de l’immeuble de Tourcoing exprime bien cela avec des ouvertures qui semblent « noyées » dans le revêtement, avec des dimensions de baies assez petites par rapport à la surface totale de la façade, mais aussi un certain retrait de ces dernières par rapport à son plan principal. L’utilisation des 20 cm de paroi végétale au dernier niveau ne fait que renforcer cet effet, en augmentant d’autant l’épaisseur de la façade et le ressenti de paroi dense et fournie. FIGURE 67 Photo de la paroi végétalisée de l’immeuble de Tourcoing Des quatre types de revêtements dont dispose l’immeuble cette paroi végétalisée est celle qui lui confère le plus d’épaisseur, avec des plants touffus et abondants. Source de l’image : www.nordeclair.fr/ info-locale/tourcoingl-immeuble-du-futurouvre-ses-portes-pour-lesia51b0n272391

98 - PRIMAUTE DE L’ENVELOPPE


365

2.89

36

R+5

365

36

36

81/78

81/78

2.89

Les bâtiments de la résidence Jules-Ferry expriment eux aussi l’idée d’épaisseur. En effet, depuis le sol il apparaît que le traitement des baies sur les façades Ouest renseigne bien sur la largeur de la paroi. Leur R+4 dimensionnement suivant une petite proportion carrée (1m par 1m environ), et leur positionnement au milieu du complexe mur-enveloppe (les baies sont en retrait de 35 cm par rapport au plan de la façade), font que l’on a tendance 12 à considérer la paroi enveloppante comme épaisse. 81/78

81/78

A

CC

CC

CC

C

C

A

C

A

A A

AA

CC

A

C

A

A A

AA

AA

A A

C

A

C

A

CC

AA

CC

CC

C

C C

A

A

CC

C

A

CC

CC

A

A

AA

A

C

CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE

CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE

CC

14 36

365

3

36 36

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

F

1.21

1.15

36 365

+350.962

R+1

2.89

3 bottes de 1.04

1.532

C

A

A

A

A

+350.962

+343.95

+343.95

+343.95

Sources : élévation ASP architecture et photo personnelle (Septembre 2014)

FACADE FACADE SUD SUD

87

3

153

+343.95

+353.852

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 99

365

1.532

2.89

36

+2.89

BB

CAISSON CAISSON DE RATTRAPAGEDE RATTRAPAGE

Le traitement en marron foncé du bardage bois sur les balcons tend à effacer ce pan de façade au profit de celui matérialisé par la largeur de l’armature métallique blanche (153 cm), des gardes corps et des claustras.

F

81/78

36 36

+2.89

B

C

FIGURE 69 Coupe, élévation (1:200) et photo de la façade Sud de la résidence Jules Ferry

81/78

+353.852

365

+5.78

3 bottes de 1.04

AA

81/78

+5.78

CAISSON ET CAISSON ET CALFEUTREMENT CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGEDE RATTRAPAGE

Source des documents : ASP architecture, photo personnelle (Septembre 2014)

A

CAISSON DE RATTRAPAGE

C

CAISSON DE RATTRAPAGE

C

CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE

CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE

CC

CAISSON DE RATTRAPAGE

C C

CAISSON DE RATTRAPAGE

C

C

E

1.08

C

A

A

C

CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE

C

81/78

C

A

C

A

CC

En façade Sud également puisque la disposition de l’armature métallique des balcons et son caractère unitaire (le traitement blanc de son pourtour et l’uniformité horizontale des garde-corps) tend à éloigner la façade réelle, et la lecture de cet élément rapporté est vu comme une couche supplémentaire ajoutée sur le bâtiment. R+2

CALEPINAGE DES TUILES SUR 1 HAUTEUR D'ETAGE SOIT :

T

C

E

1.08

D

CAISSON DE RATTRAPAGE

A

CC

1.08

D

2.89

AA

CAISSON DE RATTRAPAGE

AA

CAISSON DE RATTRAPAGE

AA

A A

CC

1.08

2.89

C

1 botte de 1.20 C

1.532

4 bottes de 1.20

1 botte de 1.20

5 bottes de 1.20

4 bottes de 1.20 2.032

1.232

C

CAISSON ET CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE PAR LOT BARDAGE

A

1.232

CAISSON DE RATTRAPAGE

A

B

1.232

365

R+3

B

1.232

36

A

A

1.232

36

AA

C

36

A A

CC

365

A

CC

36

A

CC

36

A A

CC

CAISSON ET CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE PAR LOT BARDAGE

A

CC

36

A

C C

1 botte de 1.04

AA

CC

1 botte de 1.04

AA

CC

532

AA

C

CC

532

C

CC

La position de la baie au milieu de la façade exprime l’épaisseur, mais pas autant que si les concepteurs avaient choisi de la positionner plus à l’intérieur de la façade. Ceci témoigne d’un certain contrôle de la part de l’équipe de conception sur l’épaisseur exprimée de l’enveloppe.

CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGE

CC

C C

FIGURE 68 Coupe (1:50) et photo sur une baie de la façade Ouest d’un des immeubles de la résidence Jules-Ferry

532

CC

A 1.232

CAISSON ET CAISSON ET CALFEUTREMENT CALFEUTREMENT DE RATTRAPAGEDE RATTRAPAGE

128

532

CC

30

2.532

35

2.532

81/78

2.032

5 bottes de 1.20

8

F

F

F

F

F

F

F

F

+350.962

+350.962

SAINT-DIE-D SAINT-D


Notes 109. Extrait d’entretien avec Mathias Romvos à propos de la différence entre les enduits et les revêtements en bois : « avec un enduit, qui noirci, qui devient dégueulasse, tous les dix ans, personne ne bronche, tout le monde trouve ça normal. Si jamais vous dites : « Ah mais le bois ça grise », ben comme un enduit, ça va griser, ça va se salir etc., [...] ça fait sale quand c’est en bois mais pas quand c’est en enduit. »

Un autre point qui pourrait constituer un risque de mauvaise appréciation de immeubles en bois réside dans le choix d’exprimer ou non ce matériau en façade. En effet, comme discuté avec Mathias Romvos et JeanLouis Gauthier pour l’immeuble de Montreuil, exprimer le bois c’est prendre le risque qu’à terme il prenne une couleur grise (voire qu’il se détériore fortement au point de pourrir). Il obtient naturellement cette couleur afin de se protéger des agressions de la pluie et du soleil. Ceci explique pourquoi les concepteurs de la résidence Jules Ferry n’ont réservé l’expression du matériau bois en façade que pour les balcons, où ils sont protégés par l’armature métallique et ne risquent pas de griser ou se détériorer. Mathias Romvos considère en outre que cet effet de grisaillement « ne fait pour l’instant que du tort au projet » puisque quand le bois grise « ça fait sale »109. Il est vrai que ce passage entraine une accentuation des effets de coulures que l’on peut observer sous les baies, et il peut renvoyer à une image de bâtiment sale et mal entretenu.

FIGURE 70 Photo de l’immeuble de Montreuil aujourd’hui, puis photomontage de l’image qu’il pourrait avoir dans quelques années Le grisaillement de la façade de l’immeuble (déjà observable par endroits) lui confère une nouvelle image, avec le risque de passer pour un immeuble « sale » du fait de l’accentuation des phénomènes de coulures dus à l’écoulement des eaux de pluie. Mais ce n’est qu’une question de goût, certains trouveront cette expression plus agréable, qualifiant alors la couleur grise du bois comme argentée... Source de l’image : Photo personnelle (Septembre 2014)

100 - PRIMAUTE DE L’ENVELOPPE


C’est ainsi que la question de l’entretien des immeubles en bois où le matériau est exprimé en façade devient décisive. En France, contrairement aux pays nordiques comme la Finlande ou la Norvège, il n’est pas réellement ancré dans les habitudes d’entretenir les façades des immeubles où l’on préfère, tous les dix ans au mieux, les ravaler complètement. Il en est de même pour les façades en bois où la parade consiste à utiliser soit du bois tropical provenant de l’autre bout de la planète, soit du bois traité chimiquement pour résister aux agressions du climat.

Notes 110. KAUFMANN (Hermann), Wood works, Otto Kapfinger dir., Springer, 2008, p. 100

Il est également possible pour les concepteurs de « jouer » avec ces effets de grisaillement. C’est ainsi que pour le projet de 250 logements à Vienne, l’architecte Hermann Kaufmann a anticipé cet effet et l’a même désiré, en agrémentant les façades de ces bâtiments avec des éléments de couleurs vives qui seront, lorsque le bois aura vieilli et grisé, ravivées par contraste110.

FIGURE 71 Photos d’une façade d’un des immeubles de l’opération de Vienne aujourd’hui, et photomontage de ce qu’elle pourrait être dans quelques années. A droite, schémas de concept illustrant le fait que la couleur ressortira par contraste. Source des images : KAUFMANN (Hermann), Wood works, Otto Kapfinger dir., Springer, 2008, p. 98 à 100

CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 101


FIGURE 72 Photos des opérations de logements réalisées et exprimées en bois dans le quartier proche de celui d’implantation de l’immeuble étudié (ainsi qu’une photo de l’immeuble) L’expression du matériau bois en façade de ces petits bâtiments se fait sous forme d’un bardage, soit horizontal soit vertical. Son dessin est ainsi « international » dans le sens où on peut le retrouver partout dans le monde. Source des images : Photos personnelles (Septembre 2014)

Enfin, il est important de ne pas oublier la dimension liée à la culture constructive locale et traditionnelle. Que penser en effet d’un immeuble de logements en bois, qui ferait le choix d’exprimer ce matériau en façade dans une ville où il n’existe pas d’édifices ainsi exprimés ? Il est ici question pour l’architecte de développer une expression qui s’affranchit du « langage international » du bardage en bois, symbolisé par les traitements horizontaux ou verticaux des lamelles, et d’imaginer un autre dispositif, qui retranscrirait d’une certaine façon l’identité du territoire qu’il investit. Cet aspect a déjà été abordé avec les projets du Sea Ranch de l’agence MLTW et d’Avoriaz de Jacques Labro, où il était question de réinterroger un langage vernaculaire ou de conférer une expression organique, à l’image des montagnes. L’objectif est de réfléchir à quelle pourrait être l’image acceptable du bois, dans une région où ce matériau « nouveau » n’est pas exprimé de façon traditionnelle. L’intérêt de cette réflexion est d’autant plus grandissant dans les petites villes, qui ont encore parfois des traces d’un certain passé constructif constituant pleinement leur identité. Le cas du quartier de Montreuil est assez parlant avec la disposition parsemée d’édifices exprimés en bois, dont certains conçus par l’agence Graam. Pour ceux qui expriment le matériau en façade (majoritaires), tous utilisent l’expression d’un bardage soit horizontal, soit vertical, qui n’est pas spécifique au faubourg. Si cette image est acceptable dans cette ville qui jouxte Paris, il peut difficilement en être de même dans une agglomération de taille plus réduite.

102 - PRIMAUTE DE L’ENVELOPPE


CHAPITRE 3 / LANGAGE PREEXISTANT, OU AUTONOME ? - 103


CONCLUSION

Ce travail de mémoire a été l’occasion d’explorer de près la conception et la construction d’immeubles de logements en bois. Il constitue pour ma part un formidable complément aux stages que j’ai pu effectuer au cours de mon cursus, en m’ayant permis d’approfondir ma vision de la mise en oeuvre de ces bâtiments. L’angle de vue développé dans le mémoire, autour du choix de la structure en bois pour ces immeubles, fut en outre l’opportunité de diversifier mes connaissances et, par là même, questionner des méthodes de conception dont les motivations diffèrent suivant les concepteurs. C’était aussi l’occasion de mettre des références architecturales en parallèle des opérations mobilisées et des architectes rencontrés, ceci dans le but de constituer un corpus formant un cadre théorique à l’étude, en l’inscrivant dans le contexte plus large de l’architecture afin de rendre compte d’une partie de l’héritage dont nous bénéficions aujourd’hui. Au fur et à mesure de la réflexion, je me suis rendu compte que développer des immeubles en bois c’était plus que jamais associer les problématiques environnementales à la conception architecturale. J’ai découvert un réel lien entre les deux, une liaison plus présente que lorsqu’il s’agit de concevoir un immeuble avec le béton ou le métal, et ce même s’il y a des attentions portées à l’impact environnemental du projet. Ce lien se ressent aussi dans le corps du mémoire, où les parties qui traitent d’environnement évoquent des questions d’architecture, et vice versa. Les résultats obtenus montrent en outre que la conception et la construction d’immeubles en bois, si elles ne révolutionnent pas la manière de bâtir ou la forme des objets architecturaux au final, permettent néanmoins de confronter les acteurs à des problématiques différentes de celles auxquelles ils sont habituellement confrontés dans la construction plus traditionnelle. Ces problématiques ont pour effet de modifier leurs habitudes, et donc les requestionner. L’enjeu pour les architectes est donc bien de reconsidérer l’acte de bâtir et leur rôle même de concepteur, puisque la conception en bois diffère de celle des matériaux plus majoritairement utilisés, aussi bien dans la mise en oeuvre et sa gestion que dans le résultat formel. Mais alors la conception et la construction d’immeubles en bois peutelle réellement être une piste intéressante pour de construire « rapidement et intelligemment » les immeubles dont nous avons besoin ?

104 -


D’abord, il convient de dire que le travail de ce mémoire a en partie occulté certaines questions qui mériteraient d’être approfondies pour apporter un début de réponse convaincante. Il s’agit notamment du déroulement de la phase chantier, qui n’est pas sans poser de problèmes aux équipes de construction et de maitrise d’oeuvre, et dont les composantes n’ont pas été complètement évoquées111. En effet il s’avère que les relations entre les architectes et bureaux d’études ne semblent pas toujours au point, ces derniers n’étant pas toujours habitués à travailler avec le bois. De même, l’immeuble de Saint-Dié n’aurait peut-être pas vu le jour à cause d’un bureau de contrôle trop exigeant et si la confiance entre le Toit Vosgien et l’équipe d’Antoine Pagnoux n’avait pas été optimale112. De même, une certaine quantité de détails, relayés avant tout par les habitants mais aussi par les architectes et les maitres d’ouvrages n’ont pas été évoquées dans le corps du mémoire. Il s’agit par exemple de problèmes lié à l’isolation phonique rencontrés dans la résidence Jules Ferry. Ils sont néanmoins présents en tant que matière « brute » dans les entretiens retranscrits en annexe.

Notes 111. En réalité cet aspect devait être discuté plus abondamment (il est notamment présent dans les entretiens réalisés avec les architectes et les maitres d’ouvrages interrogés), mais les orientations conférées à la problématique ont eu pour effet de le passer au second plan. Le lecteur pourra retrouver la parole de ces acteurs dans l’annexe du mémoire, et découvrir les enjeux liés au chantier qu’un autre travail d’étudiant pourrait, à l’avenir, tenter d’éclaircir plus précisément.

Aussi, le mémoire ne s’intéresse qu’aux immeubles de logements neufs, mais l’enjeu de la transition énergétique à venir réside surtout dans la gestion environnementale du patrimoine bâti existant. Là encore le matériau bois peut être une bonne réponse face à cet enjeu, le Toit Vosgien en ayant même eu recours en 2010 sur un projet de restructuration passive d’un immeuble datant de 1950113. Cependant cet aspect n’a pas été évoqué en dépit de son intérêt car il ne figure pas dans la problématique du mémoire, mais il mériterait d’être exploré par un autre travail d’étudiant pour compléter la réflexion car il soulève d’autres questions environnementales et d’architecture. De plus, le sujet des attentes et des motivations des élus n’a également pas été évoqué car aux marges de la problématique, bien qu’il soit décisif dans le développement du matériau bois dans les villes114.

112. Le contrôleur technique a failli empêcher la construction de l’immeuble car ses exigences allaient plus loin que la règlementation actuelle (cf. entretien avec Antoine Pagnoux, en annexe).

Un autre aspect important n’a pas été abordé précisément, il s’agit des conséquences énergétiques liées aux transformations du matériau bois depuis l’arbre jusqu’à l’élément de construction. En effet, même si l’on sait que le passage en scierie est moins énergivore que la fabrication du béton ou de l’acier, un bonne connaissance de cet aspect est décisif dans l’appréciation et la crédibilité du propos sur l’impact environnemental de la fabrication des immeubles en structure bois.

www.construction21. org/france/casestudies/fr/restructurationpassive-dun-immeuble-araon-letape.html

113. L’immeuble, labellisé Passivhaus, est situé à Raon l’Etape, à 13 km de Saint-Dié (agence Architecture Création).

114. Ce point a été abordé avec Mathias Romvos et Jean-Louis Gauthier (cf. entretiens retranscrits en annexe du mémoire).

CONCLUSION - 105


Aussi, il aurait été bienvenu d’effectuer une visite de l’immeuble de Tourcoing afin d’enrichir encore plus le propos développé dans le mémoire. En somme, même si les documents recueillis étaient détaillés et qu’une vidéo expliquait les principaux arguments de Pierre Coppe et de Manuel Falempin, une visite et le ressenti sur place des espaces aurait permis d’apporter une dimension plus intéressante aux enjeux discutés. Les revendications des acteurs de cet immeuble auraient sans doute donné plus de profondeur à l’analyse, en particulier sur les questions d’écriture architecturale. Enfin, il apparaît assez nettement qu’une véritable enquête sociologique aurait été sans doute plus pertinente en ce qui concerne l’avis des habitants mobilisés. On arrive là aux limites de la méthode employée, qui consistait en un entretien en face à face, qui, bien que plus enrichissant qu’un questionnaire, n’a sans doute pas permis de dégager un échantillon d’individus assez grand (je me suis entretenu avec sept habitants au total) pour se forger une opinion suffisamment représentative de la population des immeubles. De plus, les opérations étant assez récentes il est possible que le recul des habitants ne soit pas assez grand pour fournir des conclusions pertinentes.

Notes 115. Comme discuté avec Mathias Romvos il n’existe pas de projet exclusivement « monomatière » (cf. entretien en annexe). Le béton est souvent nécessaire pour le contreventement des immeubles (dans le cas des structures filigranes de type poteaux-poutres en particulier) et pour l’apport d’inertie thermique. De même il est difficile de se passer de métal pour la structure des immeubles en bois contemporains.

106 -

Au final, le bilan que je pourrais dresser du travail effectué montre bien que la problématique développée est d’actualité, car elle s’inscrit dans une réflexion sur l’éco-conception, qui selon moi est importante à mener pour l’architecte. Concernant l’aspect environnemental de la fabrication et de la vie des immeubles en structure bois, les conclusions tendent à montrer qu’il est globalement plus responsable pour les acteurs de choisir ce mode constructif. La construction en bois fournit en effet une alternative moins impactante environnementalement que celle en métal ou en béton, tant sur le type de matière mis en oeuvre que sa transformation. L’impact du chantier semble moins important en terme de nuisances (même si cette affirmation nécessiterait d’avoir assisté aux chantiers des immeubles étudiés), et la prise de conscience sur les questions de coût global bien ancrées dans l’esprit averti des maitres d’ouvrages rencontrés, au même titre que celles portant sur la déconstruction et l’évolutivité souhaitable des immeubles (même si cette question échappe encore aux concepteurs en raison de sa distance dans le temps). Néanmoins le fait que la construction des immeubles en bois puisse difficilement s’affranchir du béton115 tend à relativiser le bilan sur les performances environnementales de ce type d’ouvrage.


Concernant la spatialité des logements il est apparu qu’une réelle différence était à l’oeuvre entre registre filigrane et construction massive, et que la réunion des deux, rendue possible par la construction bois comme nous l’avons vu dans le cas de la résidence Jules Ferry, pouvait conférer aux espaces des qualités intéressantes. Certes il n’est pas question de révolutionner le mode d’habiter, comme discuté avec Mathias Romvos, mais l’expression du bois à l’intérieur du logement confère tout de même une ambiance particulière et caractéristique. C’est ainsi que j’ai découvert un aspect inattendu, qui réside dans les apports du bois pour des effets autres que visuels, et tout autant présents dans le quotidien des habitants. Si les affirmations décrites sur les rôles olfactifs et tactiles de ce matériau auraient sans doute mérité d’être plus longuement étudiées116, il apparaît qu’elles relèvent d’une importance insoupçonnée dans le rapport qu’entretien l’habitant avec son logement et sans doute l’appréciation qu’il en a. Enfin, la réflexion sur le langage architectural développé par les opérations mobilisées semble montrer qu’il n’existe pas vraiment aujourd’hui d’expression propre à l’immeuble en structure bois. En effet, la possibilité pour les architectes de recourir à une infinité de types de revêtements extérieurs, et surtout la question de la dichotomie contemporaine entre structure et enveloppe, ne semble pas permettre de conférer aux immeubles en bois un langage autonome. Cependant cette infinité de solutions permet aux architectes d’adapter la conception de l’enveloppe, soit en maximisant ses performances énergétiques comme nous l’avons vu à Tourcoing et SaintDié (le climat rude de ces régions légitimant ce choix), soit en lui conférant une esthétique particulière basée sur les caractéristiques du site d’implantation (l’écriture de l’immeuble de Montreuil reprenant les superpositions des étages qu’expriment les façades mitoyennes au bâtiment). Aussi, la mise en valeur des risques d’atteinte à l’image des immeubles en bois a permis de poser des jalons dont les concepteurs doivent être conscients dès lors qu’ils conçoivent un immeuble avec l’expression du matériau bois en façade. Le bilan général permet donc de dire que le développement des immeubles en structure bois semble soutenable sur le plan environnemental, et qu’il apportent de par leur nature des qualités d’habitat qui diffèrent de celles des matériaux plus majoritairement employés pour ce type de programme. Le potentiel forestier français, loin d’être totalement exploité, est tout à fait capable de soutenir une production massive de bois de construction, et le

Notes 116. La durée des entretiens et les circonstances ne permettait pas d’apprécier réellement l’impact de ces effets dans le ressenti vis-à-vis des sens sur un temps relativement long.

CONCLUSION - 107


caractère local de la provenance de ces bois est tout à fait envisageable à l’échelle de la région117. En outre, les acteurs ont les clés en main pour conférer au matériau bois une réelle place au sein des matériaux de construction, la filière étant désormais capable de répondre aux commandes les plus ambitieuses et ce avec des atouts non négligeables face aux immeubles intégralement réalisés en béton ou en métal.

Notes 117. Le propos est, comme nous l’avons vu, à relativiser pour ce qui concerne les panneaux de bois massifs qui bien souvent sont importés d’Autriche ou d’Allemagne. Mais comme discuté avec Antoine Pagnoux et Jean-Luc Charrier l’implantation d’usines de production semble tout à fait envisageable, dans les Vosges ou ailleurs.

108 -

Le développement des immeubles en structure bois ne peut se faire sans une vision sur le long terme et la prise en compte des économies réalisées à partir des bonnes performances environnementales et énergétiques, c’est pourquoi la notion de coût global a tout intérêt à être mise en pratique par les maitres d’ouvrages. Concernant les architectes, il apparaît que les trois qui ont été mobilisés pour le travail de mémoire sont particulièrement sensibles aux questions environnementales, et ont développé une conception orientée sur le matériau bois parce que c’est ce matériau qui répondait le mieux à leurs attentes ou à celles des maitres d’ouvrages. En outre le véritable enjeu pour le développement des immeubles en structure bois réside je pense dans la formation des autres concepteurs, et surtout des nouvelles générations à venir. De plus, la question des entreprises capables de fabriquer les immeubles tout comme l’assouplissement des normes et des contraintes sont également de véritables enjeux, mais là encore le mémoire n’a pas eu l’occasion de les aborder concrètement. Enfin, plus encore qu’avant l’entreprise de ce travail de mémoire, mon envie de concrétiser ces recherches et de me confronter à la pratique réelle a augmenté. Je suis conscient de ne pas avoir réuni tous les éléments permettant de répondre à l’hypothèse de départ, mais je suis heureux d’être parvenu à concrétiser une première réflexion sur un sujet qui me semble d’importance pour notre société et notre planète, et dont l’une des liaisons est l’architecture.


BIBLIOGRAPHIE

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CONCLUSION - 109


PAUGET Jean-Marc (dir.), Logements collectifs en bois, Collection retour d’expériences, CNDB, 2013. SOULAS (Jacques), Dinan, guide de découverte des maisons en bois, Ed. Jaher, Paris, 1986 VON MEISS (Pierre), De la forme au lieu, une introduction à l’étude de l’architecture, presses polytechniques et universitaires romandes, deuxième édition, 1993

110 -


TABLE DES MATIERES

Remerciements Avant propos

3 6

Introduction Présentation des terrains et des acteurs

8 19

Chapitre 1 Exigences environnementales des immeubles : entre ambition et réalité

26

1.1 Impact environnemental lié au processus de construction de l’immeuble

30

1.1.1 Structure et enveloppe des immeubles : qualité et quantité des matériaux mis en oeuvre 1.1.2 La phase chantier : des atouts contre les nuisances

30

1.2 Impact environnemental lié à l’usage de l’immeuble sur le long terme

35

1.2.1 Bois et bioclimatisme : un mariage heureux ? 1.2.2 L’enveloppe de l’immeuble en bois comme prétexte à l’expérimentation 1.2.3 Mutabilité / Evolutivité / Déconstruction : des éléments de durabilité difficilement applicables 1.2.4 Introduction de la notion de coût global : reflet d’une démarche soutenable

35 40 43

32

48

Chapitre 2 Impact sur l’architecture : quelles conséquences sur la spatialité des logements ?

50

2.1 Registre du squelette

54

2.1.1 L’ossature comme expression du filigrane : tectonique de l’assemblage 2.1.2 Conséquences sur la spatialité du logement : tectonique de l’ossature

54 58

2.2 Registre de plaques

66

2.2.1 La plaque comme expression de la massivité : tectonique du panneau 2.2.2 Conséquences sur la spatialité du logement : tectonique de l’architecture de plans

66 71

CONCLUSION - 111


112 -

Chapitre 3 Impact sur l’écriture architecturale : langage préexistant, ou autonome ?

78

3.1 Image ancestrale des immeubles en bois : primauté de l’aspect constructif

81

3.1.1 L’expression de la structure comme archétype des constructions en bois traditionnelles 3.1.2 Mutation progressive du bois à la pierre : élaboration laborieuse d’un langage constructif autonome 3.1.3 Industrialisation de la filière bois à grande échelle : nouveaux enjeux pour les architectes

81

3.2 Image contemporaine des immeubles en bois : primauté de l’enveloppe

93

3.2.1 Le revêtement et l’isolation thermique comme nouveaux vecteurs d’écriture 3.2.2 Les risques liés à l’image de l’immeuble en bois contemporain

93

Conclusion Bibliographie Table des matières

104 109 111

Annexe du mémoire

115

84 87

97




ANNEXE DU MEMOIRE

SOMMAIRE

Immeuble de Montreuil : - Eléments graphiques ...........................

116

- Retranscription de l’entretien avec Mathias Romvos

...........................

120

- Retranscription de l’entretien avec Jean-Louis Gauthier ...........................

131

- Retranscription des entretiens avec les habitants

...........................

136

- Eléments graphiques ...........................

142

- Retranscription de l’entretien avec Antoine Pagnoux

...........................

147

- Retranscription de l’entretien avec Jean-Luc Charrier

...........................

156

- Retranscription des entretiens avec les habitants

...........................

163

- Eléments graphiques ...........................

180

Immeuble de Saint-Dié-des-Vosges :

Immeuble de Tourcoing :

ANNEXE DU MEMOIRE - 115


FIGURE 73 Plan masse du projet (1:400) Source : Graam architecture

116 - ELEMENTS GRAPHIQUES - OPERATION DE MONTREUIL


Plan R+2

Plan R+5

Plan R+1

Plan R+4

Plan R+3 Plan RDC

FIGURE 74 Plans des niveaux (1:200) Source des documents : Graam architecture

ANNEXE DU MEMOIRE - 117


FIGURE 75 Coupe du projet (1:100) Source : Graam architecture

118 - ELEMENTS GRAPHIQUES - OPERATION DE MONTREUIL


FIGURE 76 Elévation sur rue (Est) (1:100) Source : Graam architecture

ANNEXE DU MEMOIRE - 119


RETRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC MATHIAS ROMVOS Entretien effectué le 06 Mai 2014, à Montreuil.

_ Je voudrais que vous me parliez un peu de vous, de votre agence, quelle place tient l’utilisation du matériau bois, si vous avez déjà travaillé sur des projets d’immeubles construits avec ce matériau... Alors je suis donc Mathias Romvos, gérant de l’agence Graam. Nous avons deux structures une qui s’appelle Graam et une qui s’appelle Graam international, l’une qui est censée être plus axée sur le BBC, l’assistance à maitrise d’ouvrage, ce genre de choses, sur des marchés privés et puis l’autre sur des marchés un peu publics et ce genre de choses. On est une agence qui est née en 2001 officiellement, suite à un regroupement de personnes d’archi. Graam ça veut dire groupement d’architectes à Montreuil, c’est aussi un jeu de mot avec archigram, qui était un groupe d’architectes il fut un temps dans une belle période où on pouvait construire des sommes énormes de mètres carrés, et puis qui réfléchissait beaucoup aux matériaux. Donc nous on construit quasi essentiellement en bois, c’est notre spécificité. On est connus et reconnus pour ça. On fait des immeubles, pour l’instant exclusivement du multi-étage, jusqu’à R+6 voire R+9, qui sont pas sortis mais qui sont en train de sortir. _ En France ? En France. On a aussi des projets à l’étranger, en ce moment à Saint-Pétersbourg en Russie, qui est un pays qui se développe sur la construction bois. Ils ont perdu des compétences et des savoirfaire, en tant qu’entreprise de construction, en ingénierie et en méthodologie de chantier. Donc voilà on a été appelés pour ça. Donc l’agence euh... on est une petite agence, dans une petite structure. Notre structure elle est... elle consiste essentiellement au démarrage de la structure bois à deux personnes, dont Stéphane Cozier qui est mon cousin, qui est lui-même euh... on est tous les deux issus du bâtiment à l’origine avant de venir en archi. Moi plus construction et second oeuvre béton et lui plutôt charpente, toiture et couverture. Voilà, euh... Voilà, la construction bois elle est essentiellement un outil de réflexion d’architecture, de réflexion et de méthodologie qui réfléchit autant à l’espace qu’à sa qualité de construction, c’est à dire que ce qui est important pour nous c’est pas que la perspective ou la qualité spatiale d’un logement, qui est donc essentielle pour parler de la poésie de l’architecture et du vide, mais derrière tout ça se cache toute une... enfin quelque chose qui nous semble complètement se perdre et qui est essentielle pour réinventer l’architecture et que l’architecte reprenne position et être autre chose qu’un décorateur à grande échelle, qui est donc comment construire ? Comment assembler des matériaux. Donc si je rappelle à l’origine un architecte c’est quelqu’un qui assemble des matériaux les uns aux autres et qui réfléchit finalement au joint, comment s’assemblent les choses et non pas un prestataire de service qui prescrit tel type de sol, tel type de plafond, tel type de revêtement de façade etc... Mais qui a une réflexion plus large, autant urbaine que au niveau local d’un rapport de voisinage et le bouleversement que peut générer un bâtiment, au niveau écologique, économique, sociétaire... Donc voilà cette réflexion on la prend avec le bois, parce que le bois est un matériau qui n’a pas la capacité d’être monolithe, bien qu’on essaye aujourd’hui avec le CLT, qui est le Cross Laminated Timber, de faire des mono-dalles, des mono-murs et puis qu’ensuite on habille ça, un peu comme la même réflexion qu’on a quand on pense à la prédalle en béton, où un espèce d’élément finit comme ça puis on prend ça, comme un voile ou comme une prédalle. Nous notre différence là-dessus c’est de dire surtout qu’on perd complètement la

120 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


réflexion sur la partie quantité, elle échappe à l’architecte puisque c’est des industriels et des prescripteurs de matériaux qui produisent une réflexion dont les architectes vont dire : «Je prends dans ce catalogue tel type de produit, et telle chose...». Dans la construction bois qu’on fait nous, on a travaillé sur le poteaux-poutre, le mur ou le solivage, c’est la réflexion de l’assemblage des matériaux et comment faire pour que ce soit dans les normes, sur la qualité architecturale, la souplesse d’un sol, sa rigidité... Enfin voilà donc le matériau bois on le prend comme quand Le Corbisier dit : « Je fais une oeuvre, je prends le matériau béton pour faire mon oeuvre », nous on a dit : « Je fais une oeuvre, je choisis le matériau bois pour pouvoir redimensionner la place de l’architecte. » Dans une position... Un architecte pour moi ce n’est pas quelqu’un qui est... dans lequel il y a des entreprises générales, un architecte qui a une lobbie d’un dessin et qui fait ce qu’il veut avec un maitre d’ouvrage, c’est quelqu’un qui prescrit comment s’assemblent les choses, qu’est-ce qu’on met en dessous ou au-dessus, et qui vient négocier avec l’ensemble des paramètres et l’ensemble des coefficients humains qu’il y a dans une opération. _ Donc la place du dessin dans le projet est prédominante ? Ca veut dire que c’est lui qui prend la responsabilité de la conception, donc de la mise en oeuvre et de l’assemblage donc la superposition des matériaux et leurs joints, leur affectation dans la pérennité. Nous on essaye de faire du bâtiment qui soit pérenne non pas dans la pérennité d’un DTU, mais dans un temps qui est beaucoup plus large. C’est à dire qu’aujourd’hui on réfléchit... Si on regarde des bâtiments quelque soit... même celui-là qui est un bâtiment en pans de bois et plancher bois (un bâtiment ancien juste en face de l’agence), bon ben celui-là il en a encore pour, je sais pas, cent ans. Personne ne s’imagine que... ben bien sûr on va changer l’enduit, on va remettre une couche, on va reprendre les linteaux, les embrasures... voilà on va l’entretenir. Il a une couche et elle est faite pour être entretenue. Voilà, et ce bâtiment là il est là pour des siècles quoi enfin il a pas de raison de s’abimer. _ Il y a beaucoup d’immeubles comme ça dans le quartier, dans Paris ? Oui, oui, il y a beaucoup, il y a plein... Paris est quasiment fait de ça. Quand on réfléchit au béton ou à la pierre, ou à la brique, c’est des matériaux qui sont obsolètes à un temps précis. Le béton on sait que c’est une colle, par exemple le béton c’est une colle, si on regarde dans les DTU, la règlementation, le béton des origines ça tient à peu près une centaine d’années grand maximum, maintenant on est à peu près à cent quarante ans, hein, en améliorant les colles, voilà on sait qu’après il s’effrite. La colle ne fait plus effet. Donc c’est quand même hallucinant d’avoir construit avec l’industrie des bâtiments qui sont voués à s’effriter. Le bois, si jamais il est bien entretenu et protégé, il tient des siècles. _ Pourtant bien souvent le béton on l’utilise en soubassement... Oui. _ S’il tend à s’effriter au bout de cent ans au final la partie qu’il y a au-dessus... On peut penser qu’elle sera menacée, qu’elle va tomber en même temps que le béton... Enfin ça peut être un risque... L’intérêt c’est qu’on peut toujours refaire des saisies, remettre des bouts... Mais si on a un bâtiment qui est entièrement en béton, on... on change pas le bâtiment, si on a un socle en partie basse, on peut toujours réfléchir à enlever un bout, à remettre un socle, à ré-étayer un poteau, à le remettre, ce qu’on appelle le chemiser, on peut toujours maintenir le bâtiment. Le béton c’est un matériau qui est pérenne mais qui est voué à être abimé parce qu’il est au contact du sol, des pollutions, des éclaboussures, des chocs potentiels etc... Donc le socle c’est une partie un peu particulière. Enfin d’ailleurs le socle des bâtiments d’origine il est souvent en pierre jusqu’au premier étage parce que c’est plus dur alors qu’on sait très bien que la pierre ça s’abime, mais on change une pierre on rajoute un truc on remet un bout etc... Un bout de bois on fait pas ça, une fois qu’il est cassé il est cassé. On peut toujours le flasquer lui mettre deux éléments de part et d’autre etc mais ça reste un bout de bois, les fibres sont coupées ou cassées et ils sont plus maintenus s’il n’y a plus de

ANNEXE DU MEMOIRE - 121


liaison entre-elles elles sont obsolètes. _ Et est-ce que vous trouvez une liberté particulière à utiliser du bois notamment dans le logement, par rapport à d’autres matériaux comme le béton par exemple, quelle spatialité ça... Aucune. Aucune liberté. Il y a dix fois moins de libertés, c’est même dix fois plus contraignant, parce qu’on est phoniquement extrêmement plus contraint qu’en béton, que le matériau bois est un matériau qui brule, contrairement au béton, c’est... un arbre ça a une dimension, donc je reprends ce que je disais au début c’est que travailler avec du bois c’est travailler avec une certaine réflexion de construction. C’est à dire que c’est une réflexion sur le principe manuportable, sur le rapport à l’industrie, sur les rapports à la machine, qui est bien plus importante que la réflexion d’un petit architecte dans une agence. Donc le béton c’est quelquechose dont parle l’industrie internationale, la communication. Donc j’ai rien contre, mais qui est quelque chose qui est extrêmement plus important et sur lequel on peut faire des bénéfices parce qu’on dépense peu dans un pays et que le bateau coûte peu cher à importer du béton, du gravier ou du sable. Et puis ensuite il y a la structuration du béton. On fait des portées à 7,50 m en béton extrêmement facilement en logement, en bois non. Quand on arrive à 6 m en bois, on commence à tirer la gueule, hein. Les sections de bois en massif on arrive à une limite c’est à dire que plus on construit en bois, plus on construit en massif, moins on a de section importante parce que les arbres sont plus assez vieux, etc, etc... Donc euh, voilà, il n’y a pas de liberté dans la construction bois, il n’y a que des contraintes dans lesquelles la compétence et la richesse d’un architecte c’est justement de savoir s’affranchir de ces contraintes là et d’en faire quelque chose dans lequel justement il y a une certaine... une certaine magie qui fait que... On n’est pas dans le bavardage, c’est à dire qu’il y a plus de raisonnement, il y a plus de réflexion sur la construction. Mais il n’empêche que l’espace créé peut être très intéressant, un bâtiment extérieur en bois peut être d’une même qualité qu’un bâtiment qu’on peut avoir en face, voilà. Mais si jamais on veut imaginer une poutre en bois, si on veut faire un bandeau de fenêtres toute longueur sur x mètres et bien en bois c’est pas possible, parce que le phonique passera de l’autre côté, parce que il y a une complexité qui est différente, parce que, voilà. Le béton, c’est l’avantage du béton c’est que c’est une matière molle, qui durcit un jour. C’est le négatif d’un coffrage, c’est le négatif d’une réflexion, je fais un bâtiment en bois, ou en métal avec des banches, des choses comme ça, et quand je les retire ça fait du béton, donc voilà c’est ça la réflexion du béton. Le bois c’est l’assemblage sur le chantier de deux personnes qui prennent une solive d’un bout à l’autre. Alors évidemment c’est aussi industrialisé, c’est aussi une réflexion qui est un peu plus large que ce que je raconte là, mais dans le fond, une banche en métal personne ne peut la faire à deux, alors qu’une solive on peut toujours la faire, on peut l’assembler, mettre un plancher, porter avec une grue, donc s’il faut commencer à monter les coffrages, en bois il y a toute une réflexion qui est différente. Le bois, il y a pas toute la puissance de l’industrie, de la machine, de la machinerie, qui fait qu’on peut euh... faire du up and down par exemple. On peut pas pousser ce genre de choses, alors maintenant avec le bois on peut faire la même chose que le béton, avec le CLT par exemple, on peut faire des bâtiments qui ont trente étages, en rajoutant du métal. De toute façon il n’existe pas de monomatière, ça c’est hyper important, il n’existe pas de projet monomatière, ils sont toujours avec des éléments qui ont des ancrages métalliques, qui viennent reprendre des efforts d’un côté ou de l’autre etc... Il n’y a pas de projet béton sans métal, à la limite le seul matériau qui pourrait être structurellement mono, c’est le métal, et encore il faut le recouvrir parce que si jamais il est assujetti à la chaleur il se met à déconner. Donc il n’y a pas vraiment de matériau monomatière. Le bois n’est jamais monomatière il est toujours euh... on peut faire des vieilles charpentes mais aujourd’hui on peut considérer que si l’on fait un bâtiment urbain cinq étages, six étages, on est forcément dans une structure ou il y a du bois et du métal. Voilà. On peut faire une cage d’escalier ou d’ascenseur ici aujourd’hui totalement en bois, l’ascenseur est en métal bien sûr, les rails sont en métal, l’escalier lui est une cage en béton porté par un mur tout simplement, et strict, voilà il y a juste un palier qui est repris avec un poteau, ça on sait le faire il y a pas de souci là-dessus, mais le projet va être en bois plus métal. Il n’y a pas de projet monomatière. _ D’accord... Après c’est plutôt propre au logement, et à leur conception, par rapport à un projet qui serait fait en béton ou dans un autre matériau, ça a plus de contraintes mais peut-être que les contraintes

122 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


justement ça peut offrir des possibilités nouvelles en termes de spatialité, de rendu de matières par exemple, est-ce que vous le ressentez ça dans votre travail ou pas ? Non mais... Moi je pense qu’il faut pas confondre. Le bois ça ne révolutionnera rien d’autre, on a construit en bois pendant des années, des siècles, des millénaires, euh... le béton ça a cent ans, un peu plus, mais une centaine d’années. Le béton n’a pas révolutionné la matière. Le béton, depuis cent ans, ne fait pas de logement différent que celui d’en face qui est en bois et qui ressemble à un bâtiment en béton. Voilà, donc moi je pense que c’est pas la question. On ne construit pas des bâtiments en bois pour révolutionner ou pour modifier ou pour découvrir de nouvelles versions. On construit des bâtiments en bois parce qu’on veut réfléchir en terme de méthode, aux circuits courts du bois c’est à dire le circuit européen par exemple pour l’Europe, ou le circuit américain pour les Américains, ou pour l’Asie etc... C’est des circuits qui sont beaucoup plus courts, à plus petite échelle, qui ont donc des compétences et des méthodes de construction qui sont plus appropriées à la population qui est sur place. Voilà je pense que c’est ça qui est important plutôt dans le bois, en revanche, on fait un bâtiment en bois aujourd’hui, qui a exactement la même physionomie qu’un bâtiment en béton, intérieur et extérieur. Il n’y a pas, il n’y a plus de différence, parce que de toute manière même le béton c’est extrêmement difficile de le laisser à l’extérieur aujourd’hui et en l’occurrence c’était un revêtement extérieur, la structure était apparente. Donc ça c’était une vision qui modifie un peu les choses, c’est comme aujourd’hui on voit des appartements qui sont avec des poutres apparentes, qui est un espèce de logo, marque de vente, voilà c’est comme si on faisait ça. Ça modifie pas le logement, la poutre apparente bien sûr, mais ça modifie pas véritablement le logement, c’est un effet de style, il n’y a pas de bouleversement parce qu’on construit en bois. Il n’y a pas de bouleversement sur la qualité spatiale, on n’est pas dans des nouveautés particulières, voilà, un bout de bois ça fait pas vingt mètres de haut, un bout de bois ça fait six mètres, sept mètres, neuf pour les cas particuliers mais voilà c’est ça qu’il faut entendre, il n’y a pas de... On ne révolutionne pas le monde avec les matériaux. Je pense que l’habitat, ou l’habitation c’est ce qui fait qu’on est différent de n’importe qu’elle autre espèce et on dit même des humain qu’ils sont des habitants, un habitant qui n’a pas de logement on appelle ça un SDF, il n’est plus dans la société, il est sans domicile, il a un statut particulier, donc pour être humain, avoir un espace pour penser c’est l’habité, et l’habité il est partout pareil dans le sens où il nous faut une fenêtre pour pouvoir avoir de la lumière, faut une porte pour pouvoir accéder et savoir qu’il y a un intérieur et un extérieur, donc voilà ça c’est un élément anthropologique primaire qui est l’acte d’habiter, et il n’y a pas de révolution parce que la matière ou la structure change. En tout cas je pense que le métal et le béton ont beaucoup plus révolutionné la réflexion sur l’habité parce que tout d’un coup on pouvait faire des énormes éléments avec très très peu de choses, très peu d’éléments, alors que le bois, on sait qu’on est limité par sa matière. Alors même si maintenant on fait de l’abouté, et qu’on peut faire des bouts de bois qui sont extrêmement longs, bien évidemment, mais quand même, au fond, on est limités parce qu’un bout de bois c’est six, sept mètres, pas plus. _ Donc c’est plus dans les manières de construire et de... D’assembler, d’assembler les matériaux, de... d’avoir une réflexion de construction, c’est à dire qu’on est responsables d’une conception, donc on assiste une réalisation, on la suit et on a des apprentissages qu’on transmets ensuite aux gens qui viennent travailler ici par exemple. Parce que du coup notre position est une position d’architecte, de technicien de la construction, de l’arche, d’un élément difficile à faire, on a acquis un savoir-faire, donc ce n’est plus l’entreprise qui arrive en disant : «Je fais de la construction comme ça, je vais voir un promoteur», mais un architecte qui propose une méthode, «on va faire comme ceci comme cela pour telle et telle chose», donc c’est plus ça qui est aussi important parce que quelque part... j’aime pas trop dire ça mais on a tout inventé dans l’habitat, maintenant il faudrait qu’on modifie notre méthodologie d’habité, notre morphologie physique, si on était plus petits ou plus grands tout d’un coup on se mettrait à modifier certaines choses, mais, la fenêtre verticale, la fenêtre horizontale, la fenêtre carrée, le grand pan vitré, tout ça on sait faire, tout a été inventé à peu près enfin, il y a peut-être d’autres choses encore, le rond, le triangulaire... Enormément de choses ont été faites, on a habité dans des usines, on a habité dans des bureaux, dans des caravanes, enfin on habite à peu près tout espace qui peut se fermer avec un fenêtre et une porte. Donc je suis pas en train de dire qu’on a... Ce qui est intéressant, dans la construction bois surtout c’est de se dire qu’on

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est sur une autre réflexion. On est sur une place et sur une position d’architecte dans une société. On est responsables de quelque chose, de ce qu’on produit et non pas une entreprise, une industrie, une espèce de chose qui est totalement inaccessible et impalpable, et gérée par des assurances et des lobbying divers et variés, qui défendent leur position et leur point de vue suivant la situation, donc des choses qui sont complètement faussées et biaisées, quand on est architectes et qu’on fait de la construction bois, on est dans une situation ou on défend une méthode de construction, donc une qualité de construction, donc un savoir-faire, donc une transmission d’un savoir, donc une richesse d’un pays ou d’une population sur ce que ça produit, et non pas, euh... Je veux dire, nous on a fait des duplex, on a fait des triplex, on a fait des cent vingt mètres carrés, on a fait des quarante-cinq mètres carrés enfin, voilà, ça permet... Il faut faire hyper attention au fait que le matériau bois, en tout cas ce que je pense c’est que le matériau bois n’est pas plus qu’un autre, il donne plus de problèmes, à construire, il demande plus de savoir-faire, il demande une intelligence, qui nous semble être extrêmement importante c’est celle de l’architecte, celui qui a un certain pouvoir, celui de projeter, donc d’imposer aux autres ce qui va se passer dans cet endroit-là pour les cent prochaines années ou les cinquante prochaines années enfin peu importe, euh... Il impose un entretien, toute une artillerie technologique, de la VMC, des chauffages, ce genre de choses etc... Voilà tout ça c’est quelque chose qui est important, dans le béton ben... on a pas besoin de lui, l’architecte il signe un permis de construire, les choses qu’il ne sait pas faire, c’est pas son problème, il y a des bureaux d’études... Donc je pense que ce qui est important c’est de remettre la position de l’architecte c’est ça qui m’intéresse moi dans l’architecture et la construction bois, voilà. _ D’accord. J’aurai une dernière question un peu générale, hum... comment le bois est-il perçu, en fonction des types de clients, particuliers, grands groupes, élus, maitres d’ouvrages... Alors, aujourd’hui il faut dire que nous sommes dans la première étape. C’est à dire que, si on prends le cas des élus, ils sont intéressés, pour les grands groupes, en général les banquiers disent que c’est sexy : «Ah c’est sexy vous construisez en bois», donc y a un espèce de fantasme autour du bois, sur quelque chose de «mais comment c’est possible, est-ce que je vais pouvoir être valorisé si je construits en bois etc... Donc il y a tout un phénomène un peu de... pour la partie politique, de valorisation, «sommes-nous dans le bon créneau euh, allons-nous pas trop être verts, un peu trop je ne sais quoi» etc...Donc c’est très assujetti à un camp politique. Alors, moi j’ai absolument aucun souci de politique là dessus, je construit pour des humains, ces humains là c’est des gens qui ont des familles, qui vont vivre, travailler, et je pense avant tout au rapport social et à la façon dont je construis. Par exemple je dit souvent aux élus... Ils me disent : «Ah oui le bois c’est souple», je leur dit «Oui, l’intérêt du bois c’est que c’est souple c’est à dire que ça vous fait moins mal, quand vous marchez sur un bâtiment vous arrivez à comprendre sur quoi vous marchez. Quand vous êtes sur du béton je demande toujours aux élus : «Mais qu’est-ce que c’est le béton pour vous ? Vous arrivez à comprendre ?» Alors qu’un bout de bois vous comprenez, vous avez des arbres, des forêts, vous voyez bien qu’il y a une transformation qu’il y a une élaboration des matériaux qui sont transformés, vous savez, tout le monde a eu des tables ou des chaises en bois, donc on sait ce qu’est la matière, la dureté, la facilité, la manipulation du bois. Le béton personne ne sait. C’est une espèce de truc un peu maniable, on sait pas trop d’ou ça vient, c’est en sacs, il faut mettre des cailloux à côté etc... Donc voilà, très peu de gens à part les professionnels ne savent la composition alors qu’un bout de bois si on vous dit que c’est un pin vous savez à peu près ce que c’est. Donc voilà y a une certaine relation qui est assez importante avec les élus. Et les grands groupes par exemple sont tous venus visiter le bâtiment rue Marceau en nous disant : «Ah c’est génial c’est vachement bien», ils étaient tous émerveillés par ça, et puis quand je les rappelle deux-trois mois plus tard pour voir si on a pas un peu de travail pour prolonger cette expérience, avec d’autres, en général, ils nous répondent : «Oui non mais peut-être ça serait au pouvoir politique de voir ça, aux maitrises d’ouvrages publiques...» _ Il y a un peu de craintes, le sentiment de pas prendre de risques... C’est ça, ils considèrent que c’est un risque, d’abord ils n’ont pas de clientèle, c’est ce qu’ils disent, alors j’ai beau leur dire qu’il existe une clientèle importante puisque les maitres d’ouvrages le vendent

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quasiment à cent pourcent avant même d’avoir construit le bâtiment donc il y a une clientèle, ça c’est certain, et l’autre partie c’est que euh s’ils ne font pas d’expériences ils ne peuvent pas savoir. Donc voilà donc ils ont une crainte c’est l’aspect commercial, l’autre crainte c’est l’aspect constructif. Sinon pour résumer je pense qu’on est dans la première étape, les banquiers commencent à accepter, les assureurs de maitrise d’ouvrage commencent à dire : «Oui c’est vrai qu’on a du retour donc on peut y aller», les maitrises d’ouvrages publiques aussi commencent à voir que en fait les exigences termiques, et les exigences environnementales nous amènent à réfléchir à comment peut-on construire en bois, comment peut-on intégrer le bois, il y a aussi un nouveau décrêt dans lequel on doit rajouter du bois etc... Donc plein de choses vont dans ce sens là, les organismes de défense de la filière bois aussi bossent beaucoup là dessus, je pense que les architectes sont encore des gens qu’il faut former parce que c’est pas la même chose, dans le bois une place qui est énorme c’est à dire que nous sommes comme je le disais des concepteurs qui prescrivons des matériaux et je pense que dans l’architecture les architectes ont une place énorme pour re-révolutioner le mode d’habiter en France. _ D’accord, après ça serait plutôt sur l’immeuble juste en face là...

Le 54 rue Marceau, ouais.

_ C’est surtout parce qu’il a la possibilité de s’élever à R+5, donc ça c’est quelque chose qui m’intéressait moi dans la réflexion du mémoire. D’accord, alors ce bâtiment a cette difficulté d’être extrèmement étroit, pour une hauteur supérieure à sa... Donc un travail de contreventement qui assez complexe. _ Oui, j’ai remarqué la cage en béton... Alors il y a une cage centrale qui est une arête dorsale, un peu qui permet de rigidifier un peu les choses, au départ elle était censée se contreventer mais en fait mais il se trouve qu’elle contrevente pas tant que ça parce qu’on a pas réussi... enfin bref, non, structurellement ça a été une euh... foirade euh... enfin... bref les bureaux d’étude sont pas à la hauteur encore, en bois. _ Ah oui ? Ca marche quand c’est des gros machins, mais dès que c’est un truc un peu compliqué comme ça et qu’il faut justement faire de la couture ou des choses un peu plus compliquées ils sont beaucoup plus perdus qu’autre chose, faire du lamellé-collé ou des choses comme ça c’est facile, mais dès qu’il faut commencer à... comment dirais-je, à réfléchir à comment ça se... comment associer des choses des fois ça les... C’est celui-là (dit-il en me montrant une photo de la façade de l’immeuble accrochée au mur) ? _ Oui, je suis allé interroger les habitants hier et je vais y retourner tout à l’heure là, il y a la réunion annuelle des propriétaires et des locataires tout à l’heure

Elle est... c’est ce soir.

_ Oui, je vais y aller...

Vous êtes autorisé ?

_ J’ai demandé hier ils avaient pas l’air contre...

Il y a le promoteur qui sera là.

_ Voilà c’est pour ça j’aimerais bien le voir...

ANNEXE DU MEMOIRE - 125


Jean-Louis Gauthier, avec qui on fait un autre bâtiment en R+6 qui est un peu plus haut là ici.

_ Il est en chantier là ?

Ah non il est pas encore lancé, ce sera en septembre le chantier.

_ D’accord. Et du coup ce serait pour parler un peu plus de la genèse du projet rue Marceau, quels acteurs, pourquoi le faire ici, voilà, juste... Alors Jean-Louis Gauthier, qui est donc le promoteur de cette opération, avec qui on a déjà fait un projet qui s’appelle Diwan, qui est un projet qui est en R+3, qui est un peu plus haut à Montreuil, qui est ce projet là qu’on voit en maquette... Voilà, on s’est connus comme ça, lui c’est un... il a habité ici, c’est quelqu’un qui est plutôt ouvert d’esprit, qui a une certaine réflexion sur ce qui est aussi... alors lui c’est plus sur ce qui est écologique, plus une réflexion sur... la méthodologie de construction aussi un petit peu, comment construire avec une certaine qualité quoi en fait. Et il est convaincu que le bois c’est quelque chose d’important. C’est aussi un ami, quelqu’un qu’on aime beaucoup, avec qui on a des discussions des fois houleuses où... Donc au départ c’est un projet qui était en R+2 ici. _ D’accord. Et puis qui devait être à la même hauteur que cette maison là (maison mitoyenne au projet), et puis en fait on lui a dit que ce serait complètement con, qu’il fallait qu’il arrive à monter... Le projet lui permettait d’aller encore plus haut que ça, puisqu’il permettait d’aller jusqu’en R+7... donc on aurait pu aller jusqu’en R+7, mais Jean-Louis était un peu frileux, parce que il avait peur des contentieux, il avait peur des voisins enfin bon bref, ce que je peux comprendre puis en même temps je trouve que c’est bien dans la rue qu’il y ait une certaine homogénéité dans... Il y a du R+5, du R+6... donc c’était bien et puis en plus il fallait prévoir du coup un ascenseur, ce qui... la base est un peu petite donc du coup un ascenseur, des paliers enfin des choses, bon ca complexifiait un peu le projet donc du coup on a un peu abandonné cette idée-là. Voilà ça c’était la base, pourquoi en bois ben parce qu’il est venu nous voir, sinon il serait peut-être allé voir un autre. _ Donc c’est plutôt grâce ou à cause de lui si ce projet-là s’est fait en bois, si ça avait été une autre agence ça aurait très bien pu être autre chose, du béton par exemple... Euh je pense que ça aurait été du béton oui. Je pense qu’il n’y a aucune raison mais je pense que Jean-Louis, qui est donc le promoteur, qui est donc le client, il a cherché une agence qui était dans le bois... _ D’accord, parce que lui il a des affinités... Il a déjà une réflexion, il a vécu pas mal d’années au Canada, il a fait pas mal de trucs déjà en construction bois... Mais qui est plutôt de petite échelle, des petits machins etc mais qui aimait beaucoup, c’est quelqu’un, je pense, qui a une vraie réflexion sur le comment du pourquoi. _ Ok... et donc là le bois qui est utilisé il vient de quelle région ? Alors il vient essentiellement des Vosges, voilà, c’est fait avec une société qui habite dans les Vosges, le parement c’est du mélèze, le vertical et l’horizontal, le rouge c’est du Falun, c’est un oxyde de fer, huile de lin et farine de seigle, des mélanges un peu... je sais pas quoi, très bizarres... Nous en général on utilise des bouts de bois qui sont non traités et qui restent locaux, c’est à dire quand je dis local pour de la construction bois, c’est quelque chose qui est de l’ordre de l’Europe proche, c’est à dire que nos bouts

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de bois viennent en général du Jura, mais sûrement qu’ils sont aussi peut-être taillés ou séchés en Allemagne, dans des grands entrepôts. Donc voilà, le pin c’est le matériau qu’on utilise, qui est un bois qui pousse assez vite, qui est assez sain en terme de traitement. Voilà, euh les fenêtres c’est de chez MC France, donc tout d’un coup on commence à rentrer dans des prestations, on parle de marques, d’industrie, de lobbying, voilà donc on a des fenêtres un peu grandes et avec une dimension un peu particulière, sur certains points, qu’est-ce que je peux dire... il y a un toit terrasse dans lequel on a mis des dalles béton contrairement à d’habitude, où sur les bâtiments en béton on met des dalles bois, on a essayé d’inverser un peu l’idée, de dire que c’est des dalles béton et pas des dalles bois... _ D’accord... Donc les entreprises c’est des entreprises qui viennent aussi des Vosges pour l’instant ? Il y en a eu plusieurs, euh... là celle qui a répondu c’est une entreprise dont le siège est dans les Vosges oui. _ Et vous aviez déjà travaillé avec cette entreprise-là ?

Non c’était la première fois. Avec celle-là c’était la première.

_D’accord, après au niveau du chantier comment ça s’est déroulé, est-ce qu’il y a eu des difficultés particulières ? Ouais. Donc c’est un petit projet quand même de béton, donc il y a un petit sous-sol, et une arête dorsale, comme ça. Du coup c’était un peu euh... chiant pour un point en particulier, c’est que... la difficulté du bois c’est le béton. Faut essayer de trouver des entreprises qui ont des qualités et des méthodes de construction assez précises, parce que le bois c’est assez précis, quand on met une section de bois on parle en millimètres, en centimètres aussi mais on est quand-même assez précis, et tout d’un coup... voilà là on a été avec une entreprise qui a été... qui n’était pas excellente, et on a des décalages, la cage d’escalier est montée sur place, coulée sur place, donc les hauteurs d’altimétrie, et les calages de planchers ont été hyper difficiles, et comme le bâtiment est construit au préalable en usine et monté sur place on ne peut pas démonter l’escalier, puis le remonter. Donc ça ça a été un... un calvaire. Pour nous ça a été un calvaire, de gérer tout ça, ensuite l’aplomb d’une cage d’escalier, pour un bétonneux ben c’est toujours un peu... C’est beaucoup plus funky qu’un morceau de bois quoi... donc ça c’était un peu dur... _ Donc ça, ça a des conséquences après sur les niveaux de planchers... Et puis les retraits en été et en hiver, entre un bâtiment qui se décale et tout... Donc plus on monte plus il faut arriver à... on ne peut plus faire véritablement ce qu’on fait là, on est obligé de travailler avec une autre technique, là c’est du MOB, donc c’est du mur ossature bois, sur l’autre projet en R+6 on est passés en poteaux-poutres, donc en fait on a moins de bois, mais plus de bouts, donc le dilatage est limité ce qui permet de gérer plus facilement les retraits et les tassements, voilà donc les problèmes sont essentiellement ce genre de problèmes là, puis aussi le fait qu’on soit sur un bâtiment donc le projet dans son ensemble... enfin ça c’est plutôt notre problème à nous, c’est que on devrait intégrer dans les CCTP, dans les dossiers d’entreprises, un lot étanchéité à l’air, parce qu’on a toujours des interfaces où l’air s’arrête, donc c‘est jamais décrit vraiment qui s’arrête où... et donc du coup c’est toujours ses batailles à n’en plus finir : «Ah ne ferme pas ça parce que l’entreprise a pas fait ça, il faut des scotchs...» enfin bon, voilà. Donc ça c’est des petits problèmes mais qui sont plutôt de notre sort à nous, de savoir à qui on donne l’étanchéité complète, du projet. _ Ok. Et pourquoi le choix du mur ossature bois pour cet immeuble, plutôt que poteaux-poutres par exemple ? Hum... Ben parce qu’on arrivait en R+4 plus édicule donc ça restait encore... Des entreprises qui fabriquent du mur sont encore moins chères que les entreprises qui font du poteau-poutre, et... le poteau-

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poutre c’est quand même idéal si jamais on a des sections assez importantes à faire, hein c’est du bout de bois, une bonne section, sinon faut travailler sur du linéaire, sur diviser le poids sur une surface linéique c’est plus simple que travailler sur des points ponctuels, ça vaut le coup à partir du moment où on a des descentes de charges qui sont quand-même assez importantes, plus que sur un bâtiment qui n’a pas vraiment non plus... Faut savoir que la trame c’est, il y en a une ici, une là, chaque fois, donc c’est pas non plus des grosses grosses travées. _ Oui parce que c’est limité le mur à ossature bois en hauteur, on arrive vite à...

R+5 c’est... c’est vraiment le maximum. On arrive à des sections qui sont de type poteau-poutre.

_ Oui par exemple les sections du bas on imagine qu’elles sont très très grosses... Elles sont plus grosses oui, mais là ils ont assemblés à peu près tout à la même chose pour pas avoir trop de décalages. On est à 160 mm en bas... _ Ah oui... et du coup le choix du bois ça a eu un impact sur là... la conception parce qu’hier j’ai parlé avec des habitants, et ils m’ont dit qu’en façade Sud ça... l’été ça chauffait beaucoup... Alors est-ce que ça c’est un... c’est dans le dessin où vous avez... Est-ce que vous avez eu une réflexion là-dessus ou c’est quelque chose qui apparaît maintenant et...

La surchauffe ?

_ Oui, notamment en été en hiver ils m’ont dit que c’était super mais en été que ça posait des problèmes de surchauffe alors... Est-ce que c’est dû au fait que ce soit en bois et que ça... ? Ben c’est pas induit à la façade, mais, mais on peut aussi le considérer, c’est à dire que même si elle était pleine la façade le problème c’est que on a pas... le matériau bois a pas d’inertie. _ Voilà c’est ça... Ou extrêmement peu, et... dans ces projets là il y a assez peu d’inertie, mais c’est un double flux, donc on est censés avoir du rafraichissement par l’extérieur, et donc, le problème c’est qu’ils doivent gérer la fermeture de l’accès de température à l’intérieur. Donc c’est aussi un problème qui est double... _ C’est l’usage aussi... C’est que, de toute manière on fait des bâtiments qui sont des pataquès technologiques, et les gens ne savent pas vivre dans ce genre d’usages. Donc c’est... autant faire du double flux parce qu’on a des bureaux, et auquel cas on est dans des tours et il y a des effets de pression et de dépression qui sont tellement importants qu’on ne laisse pas les gens ouvrir la fenêtre, point ça y est c’est réglé, mais euh... c’est un vrai problème, donc si on ouvre, et que ça chauffe à l’intérieur ce que je trouve extrêmement agréable, il n’empêche que ça s’accumule à l’intérieur, et donc ça n’a pas de rafraichissement possible. Alors qu’en hiver évidemment tout le monde ferme les portes, on laisse le soleil rentrer, ça chauffe, et ça reste. Pour l’instant ils en sont... faudrait demander au maitre d’ouvrage, mais je crois qu’ils en sont à un euro quarante, de frais, par mètres carrés annuels, en chauffage. Un euro quarante... _ Oui... Donc celui qui a cent mètres carrés, il a cent quarante euros par an à payer, en frais d’électricité et de chauffage. Donc euh il a peut-être trop chaud, mais euh, il fait pas moins chaud que dans un bâtiment ou euh... il fait pas, enfin voilà c’est à dire que... S’il ferme tout, la journée, le soir il fait frais, s’ils mettent

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les volets, les protections. Donc ça c’est une vraie question, c’est très dur à dire aux gens, la machine elle se règle, donc si c’est toujours chaud elle va pousser, si c’est toujours froid elle va se mettre à réchauffer... _ Ou alors il faudrait fournir un mode d’emploi du bâtiment... Mais même, moi je suis architecte, le matin j’ai envie d’ouvrir ma fenêtre, et de savoir la température qu’il fait dehors, j’ai pas envie de regarder mon thermomètre pour me dire : « Ah, aujourd’hui il fait mauvais », on a envie de ressentir, on reste des humains, moi j’ai pas envie de faire confiance à la technologie donc... Là on a été imposés par un bureau d’études, qui nous a fait chier à mort, et d’ailleurs on travaillera plus jamais avec eux, mais euh... on a été obligés de mettre du double flux, alors que c’est complètement con quoi, vraiment c’est... _ Oui donc il y a un problème à ce niveau là... Ben il y a un problème de compétence, les bureaux d’étude savent pas quoi, de toute manière on vend, on vend du lobbying... Aldès euh.. je sais pas quoi a des parts, et bien voilà ils vendent du double flux maintenant, ils mettent ça dans des labels, dans des lois, dans des trucs, et puis ensuite il y a des bureaux d’étude qui prescrivent, qui prennent aucune responsabilité : «Ah ben en bois s’il n’a pas de double flux je ne prends aucune responsabilité là-dessus...», nous on veut pas la prendre parce qu’on a pas les compétences, même si on a un savoir-faire empirique, ça vaut pas s’il y a un juge, on nous demande des documents écrits etc... Donc euh, on est dans un problème aussi de dire qui décide quoi, il n’y a que celui qui écrit qui l’est, donc euh le gros ben il peut le faire, moi je suis archi je peux pas le faire, donc si on m’impose un double flux, je peux pas dire non. Voilà, ça c’est un vrai, vrai problème. Voilà, donc là on a changé de bureau d’étude, et on fait un bâtiment en RT2012, passif, sans double flux. _ D’accord ouais, et ça se ressent que les bureaux d’étude ils ont un peu de mal encore avec le bois ?

Ben ils savent pas faire.

_ Carrément ? Pff... ils savent pas faire ! C’est... il y a des bureaux d’étude à qui on leur explique comment on fait quoi... Après ils savent faire localement un point, et sur le reste euh... à part les stars, mais qui sont inaccessibles, où ils font que des objets d’art, où ils prennent toute la part de l’archi qui sait rien faire, l’archi fait un projet de dessin, de jolies pers, et puis il file ça à l’autre, mais si on veut travailler en collaboration avec un bureau d’études, c’est c’est c’est c’est... c’est assez difficile quoi. _ D’accord ouais... Sinon, concernant l’expression du bois en façade, est-ce qu’il y a une volonté d’affirmer que c’est un bâtiment en bois ? Alors, ça c’est une volonté du maitre d’ouvrage. Euh... je suis pas convaincu que ce soit une bonne idée, je dirais même que je pense que c’est une mauvaise idée, parce que ça ne fait pour l’instant que du tort au projet, la mentalité française, est sur euh... avec un enduit comme ça noirci qui devient dégueulasse, tous les dix ans, personne ne bronche, tout le monde trouve ça normal. Si jamais vous dites : «Ah mais le bois ça grise», ben comme un enduit, ça va griser, ça va se salir etc..., euh... ça fait sale quand c’est en bois mais pas quand c’est en enduit. Donc il y a une mentalité de, des trois petits cochons qui est encore assez forte, un, un bâtiment en bois, ça brule, deux, le bois en façade, ça grise, donc nous en général on fait toujours la blague, on dit : « Oui mais ça flotte, ça coule pas un projet en bois », donc du coup l’intérêt c’est que ça reste debout quoi, il peut il y avoir des tempêtes des machins ça... ça se plie mais ça casse pas. Donc euh voilà, donc maintenant il y a plein de systèmes pour remettre le bois jaune ou blanc, ce genre de choses, euh... on n’est pas dans des trucs euh, magasins de je sais pas quoi, réseau intermédiaire ou bio ou... Non non, on a des trucs qui sont complètement classiques qu’on peut acheter chez n’importe qui, qui ravive la couleur du bois,

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qui sont des acides de Cresson, des acides qui brûlent la partie noirceur, mais euh... il n’empêche que ça pose problème et que voilà ça reste toujours des trucs un peu compliqués à définir. Là pour le cas présent, euh... on a joué avec la rue Marceau, en fait la rue Marceau c’est des petits éléments, un peu hétérogènes en hauteur, et qui sont plus verticales que larges, et on a réfléchi sur un fait de dire qu’on a deux volumes, dont un coulissait sur l’autre, un rouge, horizontal, qui donc augmentait l’aspect de compression et de lourdeur, le rouge, très présent qui l’ancrait particulièrement au sol, donc jouer aussi sur le contraste d’un bois qui est léger avec l’effet visuel que ça peut avoir d’être lourd, et puis l’autre, beaucoup plus fin, des lignes verticales élancées, ajourées, avec une matière noire derrière et des transparences, qui permettaient de soulever le volume pour pouvoir faire la transparence du hall. Voilà c’était ça l’idée de base, c’était travailler sur deux matériaux, un qui s’envole, qui est léger etc, et l’autre qui s’ancre au sol. Bon, je sais pas si ça marche bien mais en tout cas c’était un peu cette idée-là. Il est assez apprécié donc on se dit que c’est pas ça qui marche, c’est autre chose, mais tant mieux, y a un truc... _ Apprécié par les locataires ou les gens...

Je sais pas en tout cas pour les gens en général, des gens qui sont venus nous voir...

_ D’accord.

Euh locataires je sais pas trop, ouais je pense qu’ils sont pas forcément...

_ Vous avez des retours aussi des gens qui habitent dedans ou pas ?

Euh... Moi le moins possible mais Stéphane de temps en temps...

_ Et ils sont plutôt satisfaits de leur logement ? Ils sont satisfaits non les gens ? (question à Stéphane Cozier, dans la pièce au moment de l’entretien) (Stéphane Cozier) : Je sais pas trop, je crois, ça fait longtemps qu’on ne les a pas vus... Mais ouais je pense, au début par contre un peu moins dans les dernières parties de l’achèvement mais... (Mathias Romvos) : Ouais il y a eu pas mal de galères mais après ? (Stéphane Cozier) : Non pas des galères mais il y a forcément plein de petits trucs qui ne vont pas donc... Mais après je sais pas, on les a pas trop vus. (Mathias Romvos) : Bon... vous leur demanderez, vous nous direz ? _ D’accord ça marche... Une dernière question, vous savez si les personnes qui sont venues habiter là elles avaient des envies d’écologie ou pas du tout ? Je crois qu’il y a un seul propriétaire qui voulait du BBC, le reste ils s’en foutaient un peu... Mais sinon je sais pas trop... Je crois pas, le couple du premier il cherchait juste un logement, au-dessus, pareil, les deux logement au premier c’est un investissement, des gens qui louent, qui ont acheté et qui louent, et après il y a les deux sœurs qui louent, au-dessus du porche, mais tout ce qu’elles voulaient c’était juste un logement aussi. Pas de volonté particulière sur les performances énergétiques. _ D’accord, très bien. Bon et bien je vous remercie. Super. _ Merci pour le temps que vous m’avez accordé.

130 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


RETRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC JEAN-LOUIS GAUTHIER Entretien effectué le 02 Juillet 2014, par téléphone.

_ Vous manifestez un intérêt certain pour les immeubles en bois d’après ce que j’ai pu comprendre, j’aurai voulu savoir, tout simplement, pourquoi ? Alors, première raison, je vais vous donner ça un peu dans le désordre mais bon, première raison : matières premières, la quantité de matières premières en soi, dans l’ossature bois notamment, on utilise peu de bois, peu de matière première, et celle qu’on utilise et bien elle fait partie d’une filière bois donc participe au développement de la forêt française et européenne aussi, parce que bon même si la forêt française a augmenté de 20 000 hectares, et qu’elle a retrouvé son niveau du moyen-âge, il n’empêche qu’il faut l’entretenir, savoir la cultiver et donc, en même temps la programmer dans le temps quoi, qu’elle puisse être exploitable pour la filière bois, donc voilà, l’ossature bois ce qu’elle a d’intéressant c’est la légèreté, la rapidité, le bilan carbone qui est intéressant aussi bien évidemment, puisque un mètre cube de bois c’est une tonne de CO2, donc voilà donc euh on participe aussi à... dit en vague comme ça, les chantiers sont beaucoup plus simples à gérer... _ D’accord, pourquoi ? Et bien pas de toupie béton, on n’est pas dans ces contraintes que le béton implique, moins de nuisances pour les gens, bon il y a quand même les nuisances du marteau, qui sont un peu inévitables mais... Voilà, la précision aussi parce qu’on travaille en millimètres dans le bois, au centimètre dans le béton. _ D’accord. Euh... la qualité aussi du matériau qui en soi amène une isolation intéressante et une dynamique du bâtiment intéressante parce que vivre dans un bâtiment en bois c’est pas la même chose que de vivre dans un bâtiment en béton, étonnament la vibration que l’on ressent dans un bâtiment en bois est beaucoup plus souple et molle que dans un bâtiment béton où tout est rigide et dense vous voyez... _D’accord. Voilà, bon ça ça serait les avantages, les inconvénients c’est peut être que pour l’ossature bois faut utiliser quand même pas mal de matériaux malheureusement un petit peu synthétiques comme le pare-pluie et le pare-vapeur, l’imperméabilité à l’air en soi elle se fait avec des matériaux aussi qui sont des adhésifs à base de pétrole, j’ai vu beaucoup d’aberrations mais bon on l’utilise aussi dans le béton, la mousse polyuréthane que je trouve quand même un produit abject mais bon qu’on utilise malheureusement aussi dans l’ossature bois. Voilà, les inconvénients que je vois dans l’ossature bois c’est ceux-là, euh... c’est aussi la nécessité, alors c’est un inconvénient et un avantage mais c’est aussi la nécessité d’y réfléchir c’est à dire de savoir que c’est un bâtiment qui est souple quelque part, qui est mou aussi et donc qui va travailler, qui va avoir une certaine dynamique de déplacement dans le temps, voilà... Ah oui pour les avantages, il y a aussi la notion du temps masqué. _ Ah, c’est quoi ? Le temps masqué c’est quand vous faites par exemple l’infrastructure de base, vous pouvez demander à l’usine d’entamer la fabrication de l’immeuble déjà. _ D’accord oui... ANNEXE DU MEMOIRE - 131


Donc quand vous avez fini cette infrastructure vous pouvez déjà avoir les premières livraisons de panneaux en ossature bois prémontés avec les huisseries à l’intérieur. _ Et après ça va très vite... Et ensuite après ça va très vite, en deux mois vous avez monté votre immeuble de sept étages. _ D’accord, et il ne faut pas beaucoup d’ouvriers pour monter ça ? Non euh... quatre à cinq maximum. _ D’accord ok... Vous voyez ? _ Ouais ouais c’est... c’est concurrentiel par rapport aux grands groupes tels que Vinci ou Bouygues ou... Ah oui... Et l’inconvénient que je connais aussi dans l’ossature bois c’est, au niveau de l’isolation thermique, on a deux contradictions, le bois est intéressant pour les murs, on peut descendre à 23 / 25 centimètres, euh... pour avoir l’équivalent isolation thermique avec le béton il faut 40 centimètres. _ Ah oui, donc il y a un gain de surface pour les appartements peut-être... Il y a un gain de surface très intéressant pour les appartements, en ossature bois par contre les planchers doivent faire dans les 40 centimètres et non pas 20 centimètres comme dans le béton. _ Et oui, du fait des solives et tout... Voilà, et puis surtout pour le principe d’isolation phonique, qui oblige à avoir un complexe isolant qui prend en compte la notion de bruit dans le bois, quand on tape dessus ou quand on le frotte surtout. Parce qu’en réalité le bruit le plus gênant c’est quand on le frotte le parquet de bois, plus que quand on le tape. _ D’accord ouais, et maintenant peut-être que l’on pourrait parler du projet rue Marceau, est-ce que vous pourriez me parler un petit peu de l’origine du projet, comment ça s’est passé, pourquoi le choix de cette agence là... Ben écoutez euh... concours de circonstances, moi je reviens du Canada, j’ai appris à travailler le bois sur des immeubles là-bas, et donc euh continuité en France. _ D’accord... là-bas ils sont vraiment en avance par rapport à nous ? Euh... non c’est pas plus... Ils sont pas en avance non, je connais pas tous les projets mais ils sont sur des logiques similaires. _ D’accord... Et est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières lors de la phase chantier par exemple où... ? Euh... phase chantier euh si, si, si, la problématique principale c’est le calage entre l’ossature bois et la structure béton... _ Oui voilà c’est ce que m’avaient dit les architectes...

132 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


Voilà, ça c’est un point très particulier sur lequel il faut être très très vigilant parce que le bois quand il arrive il est déjà taillé et monté en atelier donc il faut que le béton soit parfait dans sa livraison. _ D’accord, il faut qu’il soit aussi précis en fait... Oui très précis oui, là sur Marceau on avait une cage d’escalier en béton et la problématique a été de recaler les étages par rapport aux paliers béton. _ D’accord. Et sinon, au niveau de la clientèle, comment vous la ressentez ? Est-ce qu’il y a de la clientèle pour ce genre d’immeubles ? Euh... écoutez oui oui il y a de la clientèle, c’est un micromarché on dira... _ Ah ? Pourquoi ? Et bien parce que pour l’instant tout le monde n’a pas intégré cette logique là... _ Ils sont motivés par quoi les acheteurs ? Le côté écolo... _ Ah oui ? Voilà ils s’arrêtent là quoi... _ Parce que quand j’y suis allé, je leur ait posé la question et il y en a très peu qui m’ont dit que c’était ça qui les avaient motivés... D’accord, qu’est-ce qu’ils vous ont dit ? _ Ben ils m’ont dit que c’était vraiment pour trouver un appartement proche de Paris, sans être dans Paris donc moins cher, mais c’était pas la dimension écologique qui primait avant tout. D’accord, oui non mais voilà c’est ça, tout le monde non hein, tout le monde n’est pas dans cette logique là... _ Oui, après il y a peut-être d’autres opérations où c’est plus le cas, où c’est plus orienté écolo encore que... Ouais ouais... _ Et les logements, ils ont facilement trouvé preneur ? Euh les logements euh... oui, là c’était en 2010 donc c’est vrai que c’était plus facile, 2009 / 2010 c’était plus facile, aujourd’hui c’est plus dur, les gens ont moins de sous, les banques suivent moins... _ Ça se ressent ? Oui oui, ça se ressent. _ D’accord. Donc vous vous préférez investir dans le bois parce que ça a des vertus plutôt écologiques, c’est une sorte de philosophie finalement ? Oui voilà, écologique oui, alors après moi ce qui m’intéresse c’est surtout le principe du matériau noble,

ANNEXE DU MEMOIRE - 133


brut, sans trop de transformations, avec une certaine qualité... Je dirais même une certaine qualité de vie quoi... Vous voyez, je trouve que la dimension écologique elle est toute relative parce que... je sais pas si l’exploitation des forêts va rester écologique vous voyez ? _ Ah bon ? Pourquoi ? Ben peut-être qu’avec le temps on va aller vers des logiques peut-être de densification de la forêt je sais pas, si des fois la demande en bois devient énorme, est-ce qu’on va pas changer les méthodes de culture du bois... C’est une question... Est-ce qu’on va pas pousser la surproduction, et comment... Voilà, c’est toujours pareil, comment vous gérez l’augmentation de la demande dans un système capitaliste, c’est très compliqué, même l’ossature bois peut devenir un... _ Ouais un lobby quoi finalement... Voilà un lobby, puis peut devenir aussi un lobby aves ses erreurs et ses mauvaises stratégies aussi quoi... Par exemple, quand on voit que du parquet de chêne vient de Bretagne mais est transformé par la Chine euh... c’est aberrant quoi... C’est une aberration totale, donc après vous dites : «Mais attendez où est-ce qu’on va ? Si on commence comme ça, avec un pays qui transforme, qui est au bout du monde, qui nous renvoie le parquet de chêne...» Ça devient délirant quoi. Voilà, donc vigilance vigilance, la notion écologique elle est toute relative des fois quoi... _ Ouais c’est certain. Il faut être très lucide sur le fait qu’il faut rester vigilant. Parce que peut-être que ce serait justement des labels de fournitures de bois qui pourraient être protecteurs un peu d’une certaine éthique quoi. Malgré que le label soit des fois... la philosophie des labels moi me fatigue aussi quoi, parce qu’elle est des fois tenue par des lobbys, et elle est très dommageable des fois à une branche de métier... _ D’accord... Et en termes de coût, de coût global aussi, comment ça se passe, est-ce que vous ressentez que c’est plus intéressant en bois ou pas du tout ? Non ça y est là, on est sur... c’était plus cher avant, maintenant on retombe sur les chiffres du béton plus ou moins. _ Et dans la notion de coût global ? Parce qu’un bâtiment en bois ça n’a souvent pas la même consommation qu’un bâtiment en béton donc ça doit se ressentir aussi dans le temps, à travers des économies de chauffage par exemple où de choses comme ça... Voilà, c’est là où moi je, j’essaye de penser logement social justement pour l’ossature bois parce que je trouve que l’ossature bois c’est un très bon outil pour avoir des prix de construction industrialisés parce que c’est fait en atelier donc on industrialise le processus, et donc en même temps, on a des isolations performantes, qui permettent d’aller vers des moindres charges, et il est vrai que les charges des fois ne sont pas le paramètre primordial des bailleurs sociaux, le paramètre primordial serait plutôt le prix du mètre carré construit, or je trouve que c’est très dommage parce que la notion de charge est une notion aussi très importante pour fidéliser sa clientèle et ses locataires, donc aberration de ne pas la prendre en compte quoi... Voilà... Mais sinon c’est vrai qu’on est sur des logiques intéressantes de charges qui sont beaucoup plus stables, et sur le prochain bâtiment justement, on va à fond dans la filière bois car même la chaudière sera appelée, ce qui donc fera une filière bois totale sur le rapport énergétique du bâtiment à l’extérieur. _ D’accord ouais... Et sinon j’ai pu constater que sur l’immeuble de Marceau vous avez montré le bois en façade... Oui...

134 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


_ Est-ce que ça c’est une volonté forte ou pas ? Il y avait deux volontés, moi j’avais envie d’aller vers la logique norvégienne, et les architectes eux avaient envie d’aller sur cette notion de ligne de fuite, et il y a une composition des deux volontés pour arriver à un bâtiment qui a cette double texture, qui en même temps a le sentiment d’être une tour, et l’autre qui a le sentiment d’être un bâtiment du faubourg, ambiance brique, terre de ciel voilà... Oui... Bon et bien super, donc du coup, si c’était à refaire cette opération-là vous la referiez ? Ah oui oui oui je le referais, évidemment il y aurait des points sur lesquels il faudrait qu’on soit plus vigilants quoi mais oui oui ce serait sur la même base... _ Très bien, je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé. Mais je vous en prie Antoine, n’hésitez pas à me rappeler si besoin. _ Merci beaucoup, au revoir.

ANNEXE DU MEMOIRE - 135


ENTRETIENS AVEC LES HABITANTS DE L’IMMEUBLE DE MONTREUIL Entretiens effectués entre le 04 et le 06 Mai 2014, à Montreuil.

Entretien 01 : Isabelle, la quarantaine, femme divorcée, habite au rez-de-chaussée (en béton) et exerce une activité de traiteuse dans un local accolé à son domicile. Le logement est en souplex, elle a un locataire. Elle était un peu pressée. _ Est-ce que vous pourriez me parler un peu de votre logement ? Est-ce que le fait qu’il soit en bois a changé quelque chose dans votre décision d’habiter ici ou pas du tout ? Euh... Et bien je ne crois pas que ça change quelque chose... Après je l’aime bien, je m’y sens bien, il y fait bon, mais c’est vrai que j’ai pas choisi ça parce que c’était en bois ou HQE... Après tant mieux, c’est super, c’est un plus mais c’était pas ce que je cherchais absolument. _ Et vous êtres propriétaire de ce logement ? Oui. _ Et en gros vous en êtes satisfaite ? Oui j’en suis très contente (sourire). Le fait d’habiter au rez-de-chaussée ca permet d’avoir un petit bout de jardin, c’est précieux. _ Et est-ce qu’il y aurait un défaut que vous trouveriez à ce logement ?

Alors dans mon logement est-ce que j’ai des défauts... (Ne semble pas en trouver...)

_ Par exemple en termes d’acoustique avec le logement d’au dessus ou des craintes par rapport au risque d’incendie ? Non j’ai jamais pensé au risque d’incendie, je me suis jamais posé la question. Et par rapport au bruit moi j’entends vraiment pas grand chose, après j’ai mon fils qui a un appartement au dessus, et là c’est un peu plus bruyant, mais moi, je sais pas comment c’est fait, mais j’entends vraiment presque rien. J’entends les bruits de la rue bien sur quand je suis de ‘autre coté mais ici c’est très calme. Après niveau inconvénients... J’en ait un parce que j’ai les chambres en sous sol, c’est un souplex parce que mes fenêtres s’ouvrent pas bien donc ça c’est casse pieds. Voilà, sinon j’ai pas vraiment d’inconvénients. _ D’accord. Et par rapport à l’immeuble ou vous habitiez avant est-ce que c’était dans du logement là aussi collectif ou... ? En fait c’était un petit bâtiment avec juste deux étages, nous on habitait au premier étage, c’était un duplex là, avec les chambres au premier étage. _ Et vous préférez ce logement là où celui dans lequel vous habitiez avant ?

Non pas forcément j’aimais beaucoup là où j’habitais avant, j’aime beaucoup là où j’habite

136 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


maintenant en fait. C’est différent mais ils sont bien tous les deux. _ Et donc vous envisagez de rester dans votre logement actuel longtemps ou ce n’est qu’une étape ? Non, si je peux je vais rester là. Après on sait jamais ce que la vie nous réserve mais j’ai pas l’intention de partir tout de suite. Ca fait un an et demi que je suis installée, et en fait moi quand j’ai acheté c’était brut de béton, avec deux plateaux, un au rez-de-chaussée, et un plateau en sous sol. Et donc j’ai fait aménager des pièces à l’intérieur. Cet espace était pas aménagé du tout alors que les autres appartements étaient déjà séparés, tout était déjà fait. _ Et c’était prévu pour être un logement au départ ? Ben ils savaient pas non ça pouvait aussi être un local commercial. Après j’ai fait un logement et un local commercial puisque j’ai une activité de traiteur ici, je fais à manger là, j’ai aménagé une cuisine semiprofessionnelle. _ Et est-ce que vous êtes au courant si les autres propriétaires de l’immeuble ils sont venus là parce qu’il est construit en bois ou pas du tout ? J’en sais rien du tout... En fait au premier c’est des locations, l’appartement de mon fils à droite, à coté c’est un jeune couple avec un enfant. Au dessus c’est des propriétaires mais je sais pas comment c’est fait au dessus je suis jamais montée. _ Très bien, bon ça aura été rapide finalement (sourire), je vous remercie.

Oui je suis pas très bavarde (rires).

Entretien 02 : Joana, 23 ans, propriétaire du logement, étudiante pour devenir professeur des écoles. _ Est-ce que vous pourriez me parler un peu de votre logement ? Qu’est-que vous ressentez à habiter cet immeuble, est-ce que le fait qu’il soit construit en bois ça a eu un impact sur la décision d’habiter là ou pas ? Non pas vraiment, je suis pas une fille très branchée écolo, je fais pas trop attention à ce genre de choses, ça m’embêtait qu’il n’y ait pas de baignoire, ça m’embêtait qu’il n’y ait pas d’ascenseur... Mais après je le trouve... Bon au départ on a acheté sur plans donc on savait pas du tout à quoi ça allait ressembler... _D’accord, et le fait que sur le plan on voie que c’est du bois ça n’a pas...

Non pas forcément...

_ Par rapport à des craintes qu’on pourrait avoir sur le risque d’incendie ou... Non moi j’avais pas de préjugés sur un immeuble en bois, je trouvais ça plus joli, esthétiquement, après c’est vrai que j’avais pas pensé à ce truc que ca conserve la chaleur donc c’est vrai qu’en été ca a des inconvénients, quand on fait marcher la machine par exemple il fait chaud, c’est tout l’appart qui prends. Mais bon en même temps en hiver c’est plutôt un avantage donc bon. Ca va je le vis pas trop mal. Sinon euh... pour moi le bois c’était pas un élément essentiel dans l’achat. Mais j’aimais bien aussi que ca soit un petit immeuble, avec peu de gens. _ D’accord. Est-ce que vous savez si pour les autres propriétaires ou locataires ca a été une motivation le fait qu’il soit en bois ou pas du tout ?

ANNEXE DU MEMOIRE - 137


Alors ma sœur (qui habite l’appartement (identique) juste en dessous) je sais que on non, c’est la même chose que moi, après euh... j’en ait aucune idée. je les voit pas beaucoup les voisins... On n’est pas nombreux et pourtant on se voit pas beaucoup. _ Et du coup ce logement pour vous c’est qu’une étape ou c’est un logement dans lequel vous comptez vous installer longtemps ? J’espère y rester quand même mais non c’est trop petit pour m’y installer toute la vie. Mais bon oui au moins cinq ans... Après c’est vrai que moi j’ai des craintes un peu sur l’immeuble en lui-même, sur sa solidité, sur la manière dont il a été fait... _ Ah ? Pourquoi ? Ben, j’ai des craintes surtout parce que je connais l’équipe des ouvriers qui s’est occupée du truc, je sais qu’il y a des trucs qu’ils ont installés qui se sont un peu cassés la gueule... Donc j’ai peur qu’il y ait un élément de structure de base qui ait été mal fait ou... _ Ah ce serait grave là... (rires) Donc j’ai peur que d’ici dix ans on se rende compte qu’il a des trucs un peu... foireux ouais... Donc bon j’espère pas mais... Moi en tout cas j’envisage de rester cinq ou six ans après... _ D’accord, et du coup par rapport à votre ancienne habitation ?

J’étais avec mes parents, une grande maison dans la banlieue avec jardin ca n’avait rien à voir.

_ En béton ? Oui. _ Et du coup est-ce que vous ressentez quelque chose de différent ou...? Il fait plus chaud... Mais sinon, non il y a pas grand chose... Non j’avoue que le bois ça a pas été la révolution en mode «Ah c’est trop bien...» (rires) _ D’accord. Et niveau économies est-ce que ça change quelque chose ou pas du tout ? Notamment en hiver... Ah ben ça change oui, moi les radiateurs je les allume pas, donc ça fait des économies de chauffage. A part un hiver où il faisait vraiment très froid, mais là cet hiver je les ait pas allumés. Par contre en été c’est l’enfer, c’est en mode ventilateurs à fond... Ah ouais il fait super chaud... _ Oui ça semble être un défaut de conception...

Ah ils auraient pu faire quelque chose ?

_ Oui c’est certain...

Ah ben ils l’ont pas fait, ça c’est sur !

_ Rien que le fait de mettre des brise soleils sur la façade Sud déjà ça aurait changé la donne, mais bon...

138 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


Ah ouais... Voilà, vous auriez dû le faire à leur place ! (rires)

_ Et du coup à part ce défaut là, par exemple niveau acoustique même si là on est au dernier étage...

Oh non ça ça va. C’est normal.

_ Et la peur du risque d’incendie ? Parce que comme c’est en bois on pourrait penser que... Oui c’est vrai que je me suis déjà dit que si je laisse une poêle sur le feu ici euh c’est la merde quoi... J’ai déjà imaginé que ça devait prendre feu vite mais sinon j’ai pas particulièrement peur. Mais j’éviterais de le faire ici, peut être plus que dans un autre endroit mais... Je sais même pas si au final ça aurait plus de conséquences... _ Normalement non...

Ouais c’est ça, ils prennent justement les précautions pour que...

_ Oui c’est règlementé quand même et puis c’est une idée reçue le fait que l’incendie, par rapport au bois...

Ouais ç’est ça... Bon ça me rassure un peu alors (sourires).

_ Tant mieux, bon et bien je vous remercie pour votre attention.

Mais de rien, avec plaisir.

Entretien 03 : Stéphanie et Patrick, couple avec 1 enfant en bas âge. Elle coiffeuse, lui ouvrier dans le bâtiment, la trentaine tous les deux. Je me suis entretenu qu’avec la mère, son mari n’était pas encore rentré du travail. Je n’ai pas eu le droit de prendre des photos de leur appartement. _ Est-ce que vous pourriez me parler un peu de votre logement ? Ce que vous aimez, s’il a des qualités particulières... Alors euh... Oui ben nous on a emménagé ici dès le début, ça va faire maintenant... bientôt deux ans. On y est plutôt bien, on trouve le quartier plutôt tranquille. (silence un peu long) Sinon, qu’est-ce que je peux dire... _ Comment vous vous sentez ici ? Moi personnellement je me sens très bien ici, et... si on a choisi cet appartement c’est parce que c’est dans celui là que va grandir notre fils, et je pense qu’il va s’y plaire même si ce qui nous embête le plus c’est de pas avoir d’ascenseur, parce qu’on laisse pas la poussette en bas on la monte. Après c’est vrai qu’en été il fait très chaud parfois, ça c’est un problème mais on est pas les seuls à s’en plaindre... _ Ah oui ? Oui on a déjà eu l’occasion d’en parler avec le voisin. Il est locataire aussi. C’est infernal... Mais bon l’hiver il fait bon, et on allume rarement les radiateurs. L’hiver dernier on les a allumés qu’une fois ou deux. _ Vous faites des économies du fait que le bâtiment soit construit en bois ? Oui, de chauffage oui, c’est sur. Je sais plus combien mais oui ça c’est un avantage. Je sais pas si ça aurait changé beaucoup si l’immeuble était construit en béton mais c’est certain que ça se ressent.

ANNEXE DU MEMOIRE - 139


_ D’accord. Et est-ce que vous avez des craintes par rapport au risque d’incendie ? Parce que comme l’immeuble est en bois on pourrait penser que... Ben... oui c’est vrai mais je vous avouerait que pas vraiment non, enfin nous ça nous a jamais repoussé, et ça à pas influencé sur notre décision d’habiter ici. Ça nous a pas fait peur. _ D’accord. Et d’ailleurs le fait que l’immeuble soit en bois ça a compté pour vous dans la décision ou pas du tout ? Hum... bah pas vraiment non. En fait nous on recherchait surtout un appartement près de Paris parce qu’on y travaille, et pas dedans parce que les loyers sont trop chers. Et ici ça correspondait bien, on a saisi l’opportunité. Mais c’est sur que c’est toujours un plus mais ça à pas été mis au premier plan. Nous on n’est pas des ultra écolos, même si on est plutôt contents que le bâtiment soit en bois, ça change et moi je trouve ça bien. _ Ah oui ? Pourquoi ? Ben c’est une sorte de distinction qu’on a par rapport aux autres, on peut dire «Nous on habite dans l’immeuble en bois rue Marceau», c’est cool je trouve. C’est... Ouais c’est sympa, je sais pas quelle image ça nous donne mais moi j’aime bien. Et les autres propriétaires ou locataires, vous savez si ça a compté pour eux ? Euh... Alors là je peux pas vous dire... Je sais que le locataire en face c’était pas décisif, parce que je crois qu’il voulait un appartement proche de celui de sa mère qui est au rez-de-chaussée, mais sinon les autres non je sais pas, mais je crois pas, aux réunions communes on n’en parle pas trop donc j’imagine que non... _ Que ça a pas été le plus important ?

Oui que c’était pour ça qu’ils étaient là.

_ D’accord. Et sinon vous avant d’habiter ici vous habitiez...

Avant ici on était dans un appartement, pas très loin, mais plus petit.

_ Dans un immeuble collectif ?

Oui oui, on habitait un deux pièces.

_ Et vous ressentez des différences par rapport à votre ancien logement ? Parce que j’imagine qu’il était construit en béton, vous ressentez quelque chose de différent ? Hum oui c’était du béton je pense, mais enfin, dans le ressenti que j’en ait non moi j’éprouve pas grand chose de différent... Il fait plus chaud en été mais sinon c’est tout ! (sourires) _ Oui... Mais non sinon l’intérieur ça nous change pas trop, on se rend pas compte en fait que c’est du bois, on y pense jamais.

140 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE MONTREUIL


_Donc pas vraiment de plus value parce que c’est du bois d’après vous ? Non non, pour moi ça ne change pas vraiment. Si ce n’est les économies de chauffage qui sont bienvenues, sinon pas trop. _ D’accord... Et ce logement c’est seulement une étape ou vous envisagez de rester plus longtemps ? Non nous on aimerait avoir un deuxième enfant donc je pense qu’on sera amenés un jour à trouver plus grand, mais pour l’instant on est partis pour y rester encore quelques années si on peut. Au moins deux ou trois. _ Très bien, et bien je crois que c’est bon, je vous remercie.

De rien.

ANNEXE DU MEMOIRE - 141


R u e

344.68

3.70

3.70

Alt./muret=344.35 H grille=1.45

P i e r r e

Alt./muret=344.40 H grille=1.45

344.30 ARBRE A CONSERVER 344.00 BANC

LIMITE PARCELLAIRE

6.00

EP EP

EP EP

Alt./muret=344.45 H grille=1.45

B E R E G O V O Y

15m

142 - ELEMENTS GRAPHIQUES - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES

344.50

Alt./muret=344.65 H grille=1.45

346.45

EP

343.56

343.54

343.81

343.38

EP EP

343.95

343.87

343.79

5.21

BORDURE T2

343.38 BORDURE P1

343.95

EPEP

344.70

343.38 4.74

351.51

2.0 0

5.00

bordure surbaissée

343.25

343.89

343.88

2.15

2.71

2.76

bordure surbaissée

2.00

2.60 2.60

EPEP

22.98

344.85

BORDURE P1

344.40

344.30

EPEP

28

BATIMENT B

22.98

343.95

2.70

343.95

1.00 346.57

BORDURE T2

BATIMENT BATIMENT A A 12.88

343.73

343.62

343.59

2.00

5.50

2.50

MUR D'ENCEINTE EXISTANT

343.59

5.50

343.52

343.51

343.25

B:344.45

344.43

26

2.50

342.89

Bs:342.66

Ht:342.81

15

344.80

EP EP

16

344.75

343.74

5.00

1.45

343.29

342.95

342.91

343.69

1.00

342.98

343.31

344.11

343.40

343.40

17.53

6.00

342.92

342.86

342.87

343.00342.99

B:343.36

342.89

342.93

343.50

344.80

344.30

2.60

343.27

342.98

342.82

Cour

Jardin

3.70

343.25

342.94

Seuil:342.96

Bs:342.63

Ht:342.76

12

344.33

344.40 343.74

343.50

PARKING 34 PLACES

2.00

BORDURE P1

17

22.00

343.72

343.95

343.80

5.00

5.00

343.70

343.68

2.60

12.88

343.89

344.15 9.50

2.00

343.68

2.50

343.75

BANC

343.76

Alt./muret=344.40 H grille=0.95

343.73

bordure surbaissée

H grille=0.95

343.68

343.69

343.65

bordure surbaissée

10.00

2.06

343.85

343.03

343.05

Bs:342.80

Ht:342.97

3.40

18

11

1.62

9.88

bordure surbaissée

19 4.50

342.80 5.40

342.95

Bs:342.56

Ht:342.69

2.50

3.19

95 4.00

343.56

343.68

25

343.25 10

344.74

3.50

344.10 6.00

2.40 bordure surbaissée

343.55

343.98 343.57

2.00

20

9 2.50

344.84

344.75

H portes=1.50 bordure surbaissée

BORDURE P1 RESSAUT 2cm MAX

343.76

343.67

9.42

343.73

2.19

Sol:343.53

343.70

SAUTS DE LOUPS A REPRENDRE

H. DE JOUR

LIMITE PARCELLAIRE

29

21

344.51

2 E.P. A REPRENDRE BORDURE T2

343.59

2.00

343.69

343.25

P

3.40

2.50

32

22

343.73

343.69

5.00

5.00

BORDURE T2

343.70

31

343.64

6.00

343.46

343.79

343.24

SAUTS DE LOUPS A REPRENDRE

Repère:343.79 343.30

E.P. A REPRENDRE

344.20

343.61

2.00

344.11

343.46 343.47

SEUIL 344.13

343.39

SEUIL 343.47

30

5.50

5.00

343.73

343.34

C

bordure surbaissée

343.95

2.00 343.57

343.57

343.75

SAUTS DE LOUPS A REPRENDRE

343.49

B

BORDURE P1

344.30

76 3.50

344.29

34

2.00

5.50

343.75

343.57

Bs:343.14

2.00

BOITES AUX LETTRES

2.00

343.77

SAUTS DE LOUPS A REPRENDRE

C.I.O.

343.57

Bs:343.23

Ht:343.36

e

47

23 8

2.50

344.61

344.55

344.29

343.75

343.70

E.P. A REPRENDRE

30

344.24

343.87

Bs:343.33

Ht:343.47

m

2 E.P. A REPRENDRE

343.10

7 2.50

344.63

Sol:343.80

Ht:343.91

Bs:343.52

Ht:343.65

è

ra bo yon rd in ure te = rieu 4.5 r 0

6 2.50

91

+343.68

Sol:343.69

0

e

5 2.50

EP

+343.74

Sol:343.74

1

baissé

4 2.50

SEUIL 343.40 +343.40

PLAN TOITURES 1/100

e sur

3 2.50

91

+343.72

u

BORDURE P1

2 2.50

+343.38

d

bordur

2.50

BORDURE T2 +343.33

10m

BOITES AUX LETTRES

2.50

2.67

+343.17

e

surbaissée

u

Alt./muret=342.95 H grille=1.45

BORDURE T2

1 2.50

342.67

50

343.46

343.10

+343.50

3.00

bordure

5m

Alt./muret=342.95

e sé

Source : ASP architecture H grille=1.45

ais rb su

FIGURE 77 Plan de toitures H grille=1.45 Alt./muret=342.95

ure rd bo

R

4.35

LIMITE PARCELLAIRE

H portes=1.50

13

343.75

14

1.01

24

344.85 1.10

Alt./muret=344.15

15.00

Alt./muret=344.40

H grille=0.95

1.53

344.38 343.95

343.95

33 27 SEUIL 344.40

BORDURE P1

1.00

91

Alt./muret=344.85 H grille=1.45

342.20

342.62

354.87


30

30 8

R+6=EDF

8 30

7

76

30

45 5

RESILLE METAL

7

41

1.31

30

1.65

17.0/28.0 17 Mar

1.70

FT R+7=Photovolt +SG

ASCENSEUR

all 0.87

1.08 1.26

1.08 1.26

6 20

1.25

all 0.87

1.08 2.16 7.14

7

2.68

1.381

Plan niveaux 5 et 6

1.25

128

712

1.08 1.21

7

1.26

2.84

CHAMBRE 1 11.48 m²

ENTREE 5.14 m²

4.08

3.84

laf 2.4

CHAMBRE 2 10.71 m²

1.08 1.21

2.40

1.40

24

20 7

2.26

24

2

72 20

2.26

1.40

24

2012

2.40

24

7 7

60

2.00

Fx

Pla f2 .4 0

24

CELLIER 7.53 m²

PLAC. 0.96 m² 7

7

7

7

1.26

2.04

274

90

90

7

2.04

f 2.

HS

2.82 m²

2.60

6 274 6 20

CUISINE 4.54 m²

1.018

10

1.603

45

5 1.60

17.0/28.0 17 Mar 56

13

4.142 2

10

88 1.04

1.381

1.08 2.16 7.14

7

1.25

Plan niveaux 1, 2, 3 et 4

7

1.26

128

712

1.08 1.21 2.84

laf 2.4

0

2.68

all 0.87

60

6 20

1.25

158

all -0.03

1.08 1.26

2 274 2

2.68

10

1.09

16

PF 1/2h

6

GTL

13

56

10

88 2.025

EP

CHAMBRE 2 10.69 m²

ENTREE 5.14 m²

CHAMBRE 2 10.69 m²

CHAMBRE 1 11.47 m²

ENTREE 5.14 m²

3.84

CHAMBRE 1 11.47 m²

10

1.25

all 0.87

1.25

1.08 1.26

7

1.26

10

88 1.09 PF 1/2h

4.08

3.84

4.08

4.08

1.25

10

1.25

HSFxP

7

6 60

GTL

7

1.08 1.21

all 0.87

3.84

3.77

10 88 1.04 10

20 6

1.08 2.16 7.084

2.84

10

all 0.87

60

13

1.25

DEGt 8.76 m² 99

60

30

1.40

30

PF 1/2h

0

2.56

0

128 20

PF 1/2h

laf 2.4

laf 2.4

PLAC. 0.96 m² 7

2.73

CHAMBRE 1 11.80 m²

88 1.09

all -0.03

1.08 1.26

2 274

10

1.25

6

784

COURSIVE

DALLE BETON

10

2.025

88

all 0.87

1.25 336 13

1.46

Logt 1 (R+1) Logt 4 (R+2) Logt 7 (R+3) T3 / 76.03m²

GTL

10

1.25

4.08

1.15

10

PF 1/2h

2.92

HSFxP

24

4.48

RESILLE METAL

4.08

2.10

88 1.09

158

158

10

1.25

1.08 1.26

7

1.23

COURSIVE

10

all 0.87

1.25 1.666

7.60 7

1.31

HSFxP

3.09

CHAMBRE 2 11.05 m²

RESILLE METAL

7

41

30

88 1.09

158

8

30

Logt 2 (R+1) Logt 5 (R+2) Logt 8 (R+3) T3 / 76.03m²

4 30

10

EP

PF 1/2h

1.23

1.67

3.16

158

30

30 8 1.70

1.65

719 88 249

10

1.08 2.16

PF 1/2h

all -0.03

729

268

Logt 3 (R+1) Logt 6 (R+2) Logt 9 (R+3) T4 / 90.04m²

77

4.397

1.90

0

2.4

1.90

laf

2.025

10

5

128

FxP

HS

ENTREE 2.88 m²

288 12 128

1.546

35

FT +SG 7

76

ASCENSEUR

8 30

1.518

4.41

175

90

Coupe figure 79

EDF

CELLIER 5.87 m²

10

3.55 2.03

12.258

6.016

7

2.08

BALCON 9.93 m²

35

BATIMENT A PLAN R+6, R+7 1/50

3.09

24

10

2.75

BALCON 9.91 m²

988

128

3.75 2.16 all -0.03

2

1.31

EP

10

3.55 2.03

20

2.27

6.88

13

1.31 all -0.03

2

2

158

3.75 2.16

24

SEJOUR 23.63 m²

6 274 6

1.952

EP

6.133

3.96 1.01

3.922

4.142

3.922

4.142

EMPLACEMENT LV

EMPLACEMENT LV

6.88

169

8 24

CUISINE 4.54 m²

SEJOUR 23.63 m²

128

EMPLACEMENT FRIGO

2.84 2.78

20

H cloison = 2.10

2.84 2.78

24

4.142

1.01

24

H cloison = 2.10

2.27

1.61

8.675

EMPLACEMENT FRIGO

8

3.96 20

1.61

24

7

GT 1

7

GT 2

Plaf

WC

35

f 2.

Pla

Fx

35

HSFx

Pla

1.38

Fx

1.52

1.52

2.40

1.38

Plaf

HS

WC 2.82 m²

0 f 2.1 FxPla HS

2.40

HSFx

HS FxPla f 2.1 1.61 0

7

1.26

1.61

7

2.60

13.06

DEGt 4.29 m²

3.42

HS

1.60

40

1.02

1.83

88

95

1.70

BAINS 5.28 m²

95

1.83

85

7

7

40

3.42

af 2. FxPl HS

3.28

0 .4 f2 Pla

1.60

Fx

PLAC. 0.96 m²

85

f 2.10 HSFxPla

HS

CELLIER 7.53 m²

BAINS 5.28 m²

7 30

HS FxPl af 2.

1.70

DEGt 4.29 m²

2 274 2

88

1.02

24

30 7 HSFxPla f 2.10

60

7

7

7

24

24 15 7

7

2.00

1.372

8

13

4

10

20

3.28

88 1.04

all 0.87

10

ENTREE 5.14 m²

4.08

CHAMBRE 2 10.71 m²

0

4.08

56

13 2 274 2

10

88 1.04

all -0.03

HSFxP

laf 2.4

CHAMBRE 1 11.48 m²

13

56

2.68

10

1.25

PF 1/2h

all 0.87

1.25

10

88 2.025

EP

PF 1/2h

GTL

6

1.25

7

1.26

HSFxP

2.606

3.305

20 6

1.08 2.16 7.012 7

2.84

10

1.25

158

all -0.03

10

88 1.09

60

PF 1/2h

10

1.25

GTL

PF 1/2h

60 3.042

128

10

88 1.09

Logt 16 (R+4) Logt 18 (R+5) T3 / 76.17m²

TRAPPE ACCES TOITURE AU R+7

COURSIVE 10

1.25

6

10

2.025

88

158 128

1.46

25 10

4.06

4.08

10

95

4 30

43

25

0

Logt 17 (R+4) Logt 19 (R+5) T3 / 76.17m² DALLE BETON

1.15

2.331 EP

4.48

RESILLE METAL

30

20 7

2.44

2

72 20

2.34

30

30

1.40

20 7

2.20

2

72 20

30

2.20

30

1.40

2012

2.34

8

13 24 7

7

0 .4 f2 Pla Fx

90

2.04

7

1.26 2.40

f 2.

HS

2.60 1.61

Plaf

2.82 m²

24 3.96 30

4.13

3.91

128

3.75 2.16 all -0.03

2

2.08 17

1.31 2

2

20

2.21

6.88

13

1.31 all -0.03

30

SEJOUR 23.52 m²

6 274 6 3.75 2.16

95

4.13

4.13

8

H cloison = 2.10

EMPLACEMENT LV

6.88 2.024 2

2

CUISINE 4.54 m² EMPLACEMENT LV

EMPLACEMENT FRIGO

2.84 2.78

20

1.61

H cloison = 2.10

4.13

4.13

4.13

3.91 2

6 274 6 20

2.84 2.78

CUISINE 4.54 m²

SEJOUR 23.52 m²

13

1.78 all -0.03

EMPLACEMENT FRIGO

30

451

17

3.75 2.16

95

6 274

7.34 2.07

30

2.21

EMPLACEMENT LV

SEJOUR 25.42 m²

128

8

3.96 20

3.91

1.61

20

CUISINE 4.54 m²

17

5.34

6 274

2.84 2.78

1.61

EMPLACEMENT FRIGO

30 H cloison = 2.10

95

24

7

24

30

7

GT 1

7

GT 2

WC

35

f 2.

Pla

Fx

35

HSFx

Pla

1.38

Fx

1.52

1.38

HS

1.52

0

1.61 f 2.1

FxPla

WC 2.82 m²

7

13.06

CELLIER 7.53 m²

3.42

PLAC. 0.96 m² 7

7

7

274

90

3.28

HS

95

1.60

40

1.83

88

88

af 2. FxPl

2.10

95

HS

1.83

1.60

DEGt 4.29 m²

0

HS

1.52

2.00

f 2.1

2.67

17

BAINS 5.28 m²

7

3.28 7

3.42

95

HSFxPla f

2.10 HSFxPla f

1.83 2.10 HSFxPlaf

3.42

all 0.87

1.08 1.21 3.59 11.65

10

1.054

10

3.55 2.03

10

EP

10

3.95 2.03

positionnement de cette colonne de caissons precise car colonne continue de R+1 à R+7 avec retour Ouest en R+6 et R+7. Idem pour facade Nord

17

35

BATIMENT A PLAN R+1, R+2, R+3 1/50

158

1.372

R+6 et R+7

BALCON 11.63 m²

19.548

3.55 2.03

EP

10

2.75

BALCON 9.86 m²

10

3.55 2.03

10

FIGURE 78 Plans des niveaux

1.721

90

BALCON 9.93 m²

35

CAISSONS STANDARDS 1.232

Source : ASP architecture

451

1.541

1.08

451

88 1.04

7

60

24

FxPla

35

2.04

GT 3 8

4.42 20

6.051

1.02

HS

1.38

7

1.26

2.40

f 2.

7

1.70

f 2.10

7

2.60

Plaf

Pla

7 30

HSFx

0

f 2.4

Fx

BAINS 5.28 m²

85

HSFxPla

DEGt 4.29 m²

40

PLAC. 0.96 m²

2 274 2

85

af 2.

CELLIER 7.53 m²

274

90

HS

30 7

1.70

FxPl HS

2.04

WC 2.82 m²

7

1.02

24

0

40

Pla HSFx

10

60

.4 f2 Pla

af 2.

FxPl HS

7

7

2.00

Fx

0

.4 f2 Pla

BAINS 5.28 m²

2 274

85

HS

Fx

HS

50

CHAMBRE 3 10.87 m²

7

24 30 7

1.70

88

7

1.26

7

7

24

2.48

2.48

7

13

7

3.06

3m

6m

9m

ANNEXE DU MEMOIRE - 143


12.989

pente 3%

1.53

532

275

225

CUISINE / SEJOUR 2.35

2.40

WC

R+7

2.10

2.795

BAINS

2.445

ENTREE

3.698

532

18

95

43

46

40

pente 3%

BALCON

COURSIVE

23

18 2.40

WC

R+6

2.10

2.75

BAINS

2.40

ENTREE

CUISINE / SEJOUR 2.35

14 532

18 14 17

DC 350

FR 40-15

ESCALIER

BALCON

COURSIVE

23

18

R+5

2.10

2.40

WC

CUISINE / SEJOUR 2.35

14 2.75

BAINS

2.40

ENTREE

RESILLE METAL

RESILLE METAL

18 14 17

DC 350

FR 40-15

ESCALIER

BALCON

COURSIVE

23

18

14

18 14 17

DC 350

FR 40-15

ESCALIER

3.642

28

CUISINE / SEJOUR 158

3.922

2.35

2.40

WC

R+4

2.10

2.75

BAINS

2.40

ENTREE

BALCON

COURSIVE

ESCALIER

3.63

WC

R+3

28

CUISINE / SEJOUR 17

3.91

2.35

2.40

2.40

BAINS

2.10

ENTREE

RESILLE METAL

RESILLE METAL

DC 350

23

18

14

18 14 17

158

FR 40-15

12

BALCON

COURSIVE

23

18

DC 350

FR 40-15

ESCALIER

CUISINE / SEJOUR 2.75

R+2

2.10

2.40

WC 2.35

BAINS

2.40

ENTREE

BALCON

COURSIVE

ESCALIER

74

59

2

532

59

36

23

2.16

2.39

2.10

CUISINE / SEJOUR

2.16

WC

R+1

2.35

2.40

2.10

2.39

2.75

2.40

2.13

2.10

BAINS

BALCON

14

3

14 36 14

36 14

14 11

547

2 27 14 17

14

3

DC 350

FR 40-15

COURSIVE

24 2.20

2.56

2.27

3.84

3.42

24

17

3.91

2.20

158

2.00

PLAQUE FIBRO-CIMENT POWERPANEL SUR 3 PORTES RDC 2.00

Source des documents : ASP architecture

18

36

3

3

ESCALIER

30

ENTREE

2.16

RESILLE METAL

30

RESILLE METAL

FIGURE 79 Coupes sur les bâtiments A (1:200) et B (1:100)

9 36

59

DC 350

FR 40-15

1.40

RDC

CAVES / LOCAUX TECH.

14

20

+343.40

20 25 20 14

144 - ELEMENTS GRAPHIQUES - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES

14 20 25 20


FIGURE 80 Elévations Sud et Nord (1:200) Source : ASP architecture

ANNEXE DU MEMOIRE - 145


FIGURE 81 Elévations Est et Ouest (1:200) Source : ASP architecture

146 - ELEMENTS GRAPHIQUES - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


RETRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC ANTOINE PAGNOUX Entretien effectué le 04 Septembre 2014, à Saint-Dié-des-Vosges.

_ Donc dans un premier temps est-ce que vous pourriez me parler un petit peu de l’agence, ASP architecture... Alors ASP architecture on est deux architectes associés, on est neuf en tout, dans l’agence il y a trois architectes, une secrétaire, un économiste de la construction, un dessinateur projeteur, et deux conducteurs de travaux. On fait tous types de projets nous, dans le sens qu’on fait des bureaux, des maisons individuelles, des logements, du logement social, du logement non social, des bâtiments à vocation sportive... enfin voilà, on n’est vraiment pas spécialisés dans un domaine particulier d’activité, on a fait beaucoup de logements sociaux ces dernières années, pas mal d’ailleurs avec le Toit Vosgien mais pas que, aussi beaucoup avec d’autres bailleurs sociaux locaux, on a une assez grosse expérience là-dedans. La construction bois c’est une part non négligeable de notre activité, mais c’est pas... on est pas des intégristes du bois, c’est à dire qu’on met le matériau qui doit aller bien là où il est le plus efficace. On construit pas en bois juste pour le plaisir de dire qu’on construit en bois. On a pas une obligation au départ de chaque projet de construire en bois. _ C’est pas une étiquette que vous avez... Non, c’est pas une étiquette, alors c’est vrai que du coup il y a assez peu de gens d’archi qui construisent avec le bois, qui sont familiarisés avec le bois, je parle pas de charpente traditionnelle, je parle de constructions un peu importantes, donc du coup c’est vrai qu’on se fait assez vite coopter par d’autres maitres d’ouvrages comme étant d’ailleurs spécialistes de la construction bois, c’est pas qu’on est spécialistes, c’est qu’on a l’expérience, c’est plutôt ça, et qu’on a les modes de travail et les modes de réflexion qui vont bien avec ce matériau-là. Les équipes en maitrise d’œuvre en général n’ont pas cette expertise-là, c’est à dire non pas de travailler entre archis, de faire un plan, un beau dessin, et puis de le mettre entre les main d’ingénieurs et de techniciens, puis d’attendre que ces ingénieurs et ces techniciens, nous le retournent avec les adaptations que eux ils ont voulu faire, mais plutôt l’inverse c’est à dire de vraiment intégrer l’ingénierie très très en amont, c’est à dire vraiment dès l’esquisse, discuter, même avant d’avoir produit une esquisse, déjà discuter avec le bureau d’étude structure, et le bureau d’étude fluide. _ Et ces personnes-là c’est des personnes avec qui vous êtes habituées à travailler... Oui, avec qui on a déjà travaillé, avec qui on a déjà pu se rôder un petit peu. Bon c’est sûr qu’un immeuble comme la résidence Jules Ferry, qui cumule un peu les défis, hein parce que de part ses caractéristiques techniques structurelles, c’est un R+7, le plus haut bâtiment en France, en bois, tout bois, c’est à dire qu’il n’y a pas un morceau de béton qui tient le bâtiment, contrairement à d’autres exemples plus récents... _ Même l’ascenseur ?

ANNEXE DU MEMOIRE - 147


L’ascenseur il est en béton mais il participe pas à contreventer, c’est même l’inverse, c’est plutôt le bâtiment qui participe à le tenir, et il est en béton uniquement parce que c’est le plus économique, comme il est extérieur, donc on a vraiment une structure bois intégrale. Ce qui est une vraie particularité technique, ce qui est le premier défi, deuxième défi c’est qu’on est entièrement isolé avec de la paille, donc avec des matériaux ou on est vraiment en matériau bio sourcés sur l’ensemble du projet, ce qui fait que c’est le plus haut bâtiment au monde isolé en paille, et puis le troisième c’est que les deux bâtiments sont passifs, labellisés Passivhaus. Il y a que trois bâtiments collectifs actuellement en France qui sont labellisés Passivhaus, donc on a à la fois un défi structurel et un défi en terme de matériaux, d’utilisation de matériaux, donc bio sourcés, et un défi sur la performance intrinsèque du bâtiment. Donc c’est là ou l’ensemble de ces éléments-là amène la nécessité d’avoir une équipe, de maitrise d’œuvre qui discute, qui échange, qui fait en sorte que c’est pas le bureau d’étude fluides qui l’emporte du le bureau d’étude structure, ou sur l’architecture, etc... C’est à dire que les uns les autres faut trouver les bons compromis, les bonnes solutions, et c’est là que nous on notre rôle à jouer en tant que chef d’orchestre. C’est vraiment le boulot de l’architecte de dire, de faire en sorte que les bureaux d’étude discutent entre-eux, et avec nous. _ C’est comme une équipe dans laquelle le capitaine c’est l’architecte... Voilà, c’est ça, c’est vraiment... et on doit jouer notre rôle de chef d’équipe, de chef d’orchestre, de capitaine quoi, ça c’est vraiment important, c’est une philosophie, il y a quand même beaucoup de cabinets encore qui travaillent en disant : « Je dessine, puis débrouillez-vous... », et puis : «Ça va pas, c’est pas beau ça me plait pas, vous redessinez, vous recommencez », et ça peut pas être ça. _ En bois c’est pas possible quoi finalement... C’est pas que c’est pas possible, c’est que... en bois si parce que, bon maintenant, on commence à avoir, notamment grâce au lamellé croisé, ce qu’on appelle le CLT, donc les panneaux de KLH en l’occurrence comme fournisseur, c’est quand même une révolution dans la construction bois, c’est une révolution dans le sens ou c’est quand même très malléable, il n’y a pas besoin d’avoir une grande technicité dans la maitrise du matériau, ça simplifie beaucoup de choses, encore faut-il être capable après de le mettre en œuvre correctement. _ Et ce bâtiment c’était là c’était la première expérience pour le KLH ? Ah non non, ça aurait été la première expérience ça aurait été une catastrophe... De la même manière, on peut pas arriver à faire deux bâtiments comme ceux-là, sans avoir de l’expérience, à la fois avec le matériau, à la fois avec les bureaux d’études avec lesquels on travaille, et à la fois avec le maitre d’ouvrage. C’est pas la première opération qu’on fait avec ce maître d’ouvrage-là, et c’est pas la première fois qu’on va chercher à la fois l’innovation, le bio sourcé et la performance énergétique. Donc ça c’est... cette opérationlà elle a un grand frère, qui est un petit frère c’est à dire qu’il y a eu une autre opération qui est un peu, il y en a eu d’autres entre temps, pas avec le même maître d’ouvrage mais qui est un peu référence, qui a rien à voir c’est des pavillons, c’est des maisons individuelles, qui sont vingt-deux pavillons qu’on a fait pour le Toit Vosgien, qui s’appellent les Toits de la Corvée, vingt-deux maisons qui sont, pas accolées mais accolées par le garage, donc ils voulaient vraiment des maisons individuelles, qu’on a fait en 2009, où on a déjà pas mal expérimenté de choses dessus, notamment le bois massif, notamment d’un point de vue énergétique, on a supprimé les... il y a pas de chauffage à l’intérieur des logements, y a uniquement un poêle bouilleur qui est posé au milieu du logement mais il n’y a plus d‘émetteur de chaleur nulle part, ce qui était déjà une vraie révolution par rapport... déjà règlementairement on n’avait pas le droit de le faire, donc il a fallu passer par ce qu’on appelle des titres cinq, qui sont des dérogations à la règlementation thermique, qui ont donné lieu, d’ailleurs ce qui est rigolo c’est que ce titre cinq là a donné lieu maintenant à une nouvelle règlementation qui maintenant autorise d’utiliser un poêle bois comme moyen de chauffage principal, ce qui n’existait pas avant, donc on a déjà eu ces expérience-là, c’était la première fois que le maître d’ouvrage utilisait du KLH, c’est ce qui a permis de préparer le terrain, de trouver de la confiance, ça c’est important parce que quand on s’attaque

148 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


à un morceau comme ça, faut vraiment qu’il y ait de la confiance. Quand on dit au maître d’ouvrage : « On va monter R+7 en bois, on va isoler tout ça avec de la paille, et à la fin on sera labellisés Passivhaus... ». _ Ouais, faut y croire quoi...

C’est pas gagné...

_ Et du coup, quel a été votre rôle dans toute l’opération ? C’est tout, conception architecturale, chef d’orchestre, que ce soit en conception comme en réalisation, sur le chantier. Sur un truc comme ça on peut pas juste dessiner, puis... Enfin pour moi dans la vraie vie ça existe pas. En tout cas on fait pas notre boulot, en faisant pas notre boulot y a personne qui nous remplace, et la coordination, dans des choses qui sont un peu expérimentales elle est fondamentale. _ Et quelle est votre formation ? Vous êtes issus de quelle école ? Strasbourg. _ Vous avez reçu un enseignement particulier qui vous a donné une affection pour le matériau ?

Non, je suis Vosgien, c’est tout (rires).

_ Et oui... Non mais rien de particulier, c’est plus l’expérience. C’est vrai qu’on est assez sensibilisés dans le coin au matériau, après c’est les opportunités par l’expérience, c’est à dire en bossant sur des opérations... _ Vous avez pas d’architectures de référence, ou d’architectes qui vous ont dirigés plus vers telle pratique...

Non... Enfin un peu tous quoi, mais comme tout le monde, enfin je veux dire sans...

_ Sans forcément que ces architectes-là soient spécialisés dans le matériau bois... Oui oui, d’autant qu’on savait qu’on faisait un truc que personne n’avait fait avant, je parle pas que de l’architecture, je parle globalement, de l’objet, tout le monde était dans le vide, dans l’équipe personne n’avait fait de R+7, personne n’avait jamais isolé un bâtiment de cette taille-là avec de la paille, on avait aucune référence. _ D’accord... Du coup les objectifs de départ du projet, c’était quoi ? Ben je pense que le maître d’ouvrage a dû vous les donner, c’est assez simple, c’est... il veut les charges locatives les moins élevées possibles, les charges énergétiques les moins élevées possibles. Ça c’est le leitmotiv du Toit Vosgien, donc il se dit : « Je pourrais louer plus facilement mes logements, surtout dans l’avenir », parce qu’ils investissent à quarante ans hein, contrairement à un privé ils ont des temps de rentabilité qui sont beaucoup plus longs, et ils recherchent pas forcément la rentabilité à court terme, donc ils veulent construire, a priori le prix de l’énergie va continuer à augmenter, ils veulent faire en sorte que les locataires puissent toujours continuer à payer les loyers. Qu’ils aient toujours, dans dix, vingt ou trente ans des bâtiments qui soient faciles à louer parce que peu énergivores. On est quand même dans une région où il y a des amplitudes thermiques très fortes, c’est à dire que quand il fait froid l’hiver il fait froid, il y a de la neige ici, enfin, des - 10°C, - 15°C on sait ce que c’est quoi, et comme ils font du social ils ont intérêt à ce que leurs locataires puissent utiliser ces bâtiments-là et qu’on ait pas besoin, dans dix ans de revenir mettre dix centimètres d’isolant. Donc c’est pour ça que c’est basé sur le Passivhaus, de leur question qui est de

ANNEXE DU MEMOIRE - 149


dire : « comment on fait pour avoir le moins de charges locatives possibles ? », la principale réponse, qui est énergétique puisque les principales charges sont énergétiques, c‘est de dire : « on va faire la philosophie Passivhaus qui est d’optimiser le bâti », faire en sorte que quel que soit le système énergétique derrière, on soit toujours dans des coûts très très faibles. La deuxième question aussi qui est posée, c’est comment je construis de manière un peu respectueuse, c’est à dire que le Toit Vosgien ils travaillent sur fonds publics, sur financement publics, c’est à dire que la Caisse des Dépôts et Consignations leur prête de l’argent pour qu’ils puissent construire, à des taux préférentiels, un des près requis c’est d’essayer de construire correctement, alors pourquoi, d’une part pour les générations futures mais aussi et surtout parce que à un moment donné c’est bien de construire un bâtiment qui consomme peu d’énergie, sauf que si pour le construire on en a consommé énormément, c’est à dire qu’on a un bilan carbone qui est positif, c’est complètement idiot puisque en fait toute l’énergie qu’on aura mise au départ pour faire des économies derrière, faut qu’à un moment donné on arrive à un bilan le plus équilibré possible, d’où la notion de bio sourcé, d’où le bois, et d’où la paille, essayer à un moment donné de se dire qu’on essaye d’impacter le moins possible en construisant, on avait fait un calcul théorique que si on construisait le même bâtiment, béton, polystyrène, menuiseries extérieures PVC, l’impact environnemental équivaut à cinquante ans de consommation en gaz du bâtiment, sachant qu’il y a des barres de logement sociaux, qui ont été démolies récemment dans des opérations de renouvellement et qui ont pas passé cinquante ans, donc il y a un rapport de dire : « On consomme bien, c’est bien, mais si dès le départ on se tire une balle dans le pied en ayant fait un trou dans le puits carbone, c’est pas bien », voilà, c’est ça la logique. _ D’accord, parce qu’on en a parlé un peu hier avec Jean-Luc Charrier, l’origine du bois pour le KLH c’est l’Autriche, du coup ça c’est peut-être un des points à améliorer... C’est un des points à améliorer, mais c’est un point microscopique parce qu’en fait il faut être sérieux quand on dit ça, moi je préfèrerais utiliser une planche de bois qui est découpée dans la forêt là pour la mettre ici, c’est la logique, sauf que la filière elle existe pas, les filières ici en France elles existent pas, le matériau il existe pas, et il est toujours moins impactant de ramener du bois d’Autriche, ce qui est d’ailleurs dramatique, que de faire du béton ici en France, ce qui complètement idiot, c’est sûr, mais c’est un fait. Donc, par contre, une chose est sûre c’est que s’il n’y a pas de projet qui se font, ces projets-là ne donneront pas naissance à d’autres projets, et donc jamais il y aura de filière, et donc jamais on utilisera du bois, qu’il vienne d’Autriche, ou d’ici, donc le seul moyen, c’est ma perception des choses, que un jour ou l’autre il y ait une filière qui se mette en place, qui se structure, et qui soit capable de produire, de la même façon qu’ils le font en Autriche, des panneaux ou des poutres ou tout ce qu’on veut, c’est qu’à un moment donné il y ait des projets qui se fassent, c’est le principe de l’amorce de toute filière économique, et aujourd’hui il n’y a pas de marché parce que, on a rencontré d’ailleurs des oppositions de principe qui étaient, je le dis aujourd’hui, ça me fait moyennement rire, au tout départ notre contrôleur technique nous a dit : « Non non, on a pas le droit en France de construire un R+7 en bois » moi je lui ait dit : « Ah bon ? Trouvez-moi un texte qui dit qu’on a pas le droit », il a pas trouvé donc je lui ait dit : « Ben s’il n’y a pas de texte c’est qu’on a le droit »... On a vraiment eu dès le départ des oppositions, on a beaucoup beaucoup sur ce projet là des oppositions de principe bâtes et méchantes de dire : « Ca s’est pas fait donc c’est pas possible de le faire ». _ Ouais c’est un peu un engagement aussi que vous avez... C’est surtout on se dit : « On a un projet, on a une philosophie, c’est cette façon-là de construire qui répond le mieux au programme et à notre philosophie, ben on le fait quoi même si ça a pas été fait avant... » _ On expérimente quoi... Ouais, enfin c’est même plus de l’expérimentation parce qu’on le met en place quoi, on le met en œuvre. _ Et ça ça vient du fait que vous êtes natif d’ici et que c’est quelque chose que vous véhiculez dans votre

150 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


pratique... Ouais puis de la confiance qu’on a acquise avec le maître d’ouvrage, c’est clair qu’aujourd’hui on a d’autres maitres d’ouvrages qui viennent en disant : « On a vu que vous saviez faire », mais on savait le faire avant quoi, jamais avant ils se seraient lancés, aujourd’hui ça a été fait donc du coup... _ Il y a plus de demandes... Ah ben c’est clair, on est en train de travailler là, avec un autre agence sur un R+10, en structure bois à Strasbourg, j’en revient là d’une réunion, quand ils montaient la programmation de ce concours-là, la communauté urbaine de Strasbourg est venue nous voir, donc ça fait des émules, ça met du temps mais... _ C’est pour ça que c’est peut-être amené à se développer de plus en plus dans le futur quoi... Ah oui oui, ben la preuve c’est que tous les majors s’y sont intéressés hein, Bouygues, Eiffage et compagnie ils ont tous une filiale bois... _ Est-ce que là ça se ressent que c’est concurrentiel par rapport aux grands groupes ? Je pense que pour les dix ans qui viennent ce sera toujours à la marge, ils ont pas peur, mais ils veulent pas être à la ramasse donc ils ont tous déjà des filiales, clairement identifiées hein, Bouygues c’est Ossabois, Eiffage c’est Concept Lignum... Je sais plus les autres mais ils en ont tous hein une filiale qui est clairement identifiée structure bois. _ D’accord... Ils commencent à s’y mettre un peu...

Ah ouais ouais...

_ D’accord... Du coup, en terme de chantier, est-ce qu’il y a eu des difficultés particulières ?

Honnêtement non...

_ Non ? Non, parce que quand on a fait ça en fait on a fait des prototypes avant d’aller sur le chantier, notre méthode de travail elle est que, il était hors de question... Le chantier il a duré douze mois, donc presque plus court qu’un chantier normal, en béton, surtout compte-tenu qu’on a commencé en plein hiver, qu’on a eu de la neige, des intempéries pas possibles, donc je pense qu’on est allés beaucoup plus vite qu’un chantier classique, grâce à la préfabrication du bois notamment, donc et le fait de faire des prototypes c’était même avant de consulter les entreprises. C’est à dire que comme ça n’a jamais été réalisé il était pas question qu’on improvise et qu’on se dise : « Tiens ça tient comme ça, ah non ça tient pas... » nous la maitrise d’œuvre on a pris la responsabilité de faire un prototype de caisson paille, le présenter devant un panneau, de voir comment ça se fixait, de définir les modes de fixation, avant même la réalisation du chantier je savais exactement, au centimètre près où étaient les prises de courant, où étaient les interrupteurs, les différents diamètres des gaines techniques, sachant que chaque gaine technique est différente et les passages étaient préperçés, mais uniquement à la taille nécessaire, c’est à dire ni plus gros, ni plus petit donc impossibilité de passer autre chose que ce qu’on avait prévu de passer comme fluides, toutes les fenêtres, le bardage en tuile était calepiné à la tuile près, je savais combien il y avait de tuiles, combien il y avait de caisson paille, combien il y avait de bottes de paille, combien il y avait de vis par caisson de paille, donc il y avait pas de hasard, et pas de variante possible pour l’entreprise. On a mis du temps, on avait une année d’étude grosso modo pour une année de chantier, mais après derrière c’était clair quoi.

ANNEXE DU MEMOIRE - 151


_ Il y a eu un gros gros travail de conception en fait... Voilà... _ Peut-être plus que si c’était un bâtiment en béton où là on savait faire en gros... C’est le problème, c’est que des fois on croit qu’on sait faire en gros, et puis... Alors que là on sait qu’on savait pas faire alors du coup il a bien fallu tout imaginer, tout dessiner... Ça c’est déjà des méthodes qu’on avait mises en application sur les précédents projets avec le Toit Vosgien, à échelle un peu plus petite, on avait déjà fait des prototypes, pour montrer à tout le monde, pour initier les entreprises, les rassurer... Il y a tout un travail de chef d’orchestre. _ D’accord... On m’a parlé hier aussi des bureaux de contrôle, qui sont habitués au béton, et qui voient la construction bois un peu comme le béton et du coup il y avait des soucis comme quoi ça passait pas vers la fin au niveau du contrôle... C’est un obstacle parce que les bureaux de contrôle c’est des gens qui sont souvent bêtes et méchants et, je dis souvent parce qu’au début on a eu un contrôleur qui était très bien avec qui on a, moi volontairement, ce qui est assez rare, j’avais demandé au maître d’ouvrage d’être présent pour auditionner le bureau de contrôle avant qu’il soit retenu, parce que le bureau de contrôle en gros c’est notre gendarme, il nous surveille, et le bureau de contrôle en gros on s’était bien mis d’accord sur les objectifs, sur le caractère innovant du projet, donc on l’avait intégré dès l’esquisse, pour qu’il soit pas largué, et entre temps il y a eu les référents nationaux du bureau de contrôle qui ont mis leur nez là-dedans, dont un abruti fini qui était le référent façades, qui comprenait rien du tout à ce qu’on était en train de faire et qui surtout s’est retrouvé... Ils sont venus à nous faire des remarques sur des choses qu’ils avaient déjà acceptées, sauf que quand ils ont commencé à nous faire des remarques on était déjà au niveau R+5, donc à un moment donné moi j’ai décroché mon téléphone, je leur ait dit : « Si vous comprenez pas la coupe qu’on est en train de vous envoyer, on va pas se casser la tête à vous la refaire, vous prenez un billet de train, vous vous déplacez vous venez parce que c’est déjà construit, parce que moi je vais arrêter de dessiner des coupes de ce qui est déjà fait, vous venez, vous constatez », voilà et donc ils sont venus, ça a chauffé un peu, on avait de la chance que le maître d’ouvrage, justement nous connaisse et nous fasse confiance, parce qu’en fait faut imaginer un maître d’ouvrage, qui mandate un gendarme pour nous surveiller nous, le gendarme dit au maître d’ouvrage : «Votre archi il est complètement fou, il fait n’importe quoi », nous on dit au maître d’ouvrage : « C’est un con il sait pas de quoi il parle », euh... le maitre d’ouvrage il doit choisir son camp. En général les maîtres d’ouvrage c’est : « Ah, le gendarme a dit donc... », là, on a réussi à le mettre dans notre camp, parce qu’on avait raison. _ De toute façon au bout de cinq étages, il se rend bien compte que ça tient... Voilà. _ Et au niveau des logements en eux-mêmes, est-ce vous voyez des avantages à utiliser du bois, ou des qualités particulières qui leur sont conférées ? Oui, alors d’une part les qualités hygrodynamiques, c’est à dire que comme on est qu’en matériaux bio sourcés bois paille, il y a une migration de l’humidité de l’intérieur vers l’extérieur, les parois sont complètement perspirantes, il y a pas de passage d’air mais il y a le passage de l’humidité ce qui fait qu’il y a une régulation naturelle du taux d’hydrométrie dans les logements, c’est des notions qui sont complètement abstraites pour le commun des mortels, sauf que c’est vraiment des choses qui se ressentent, qui font que les gens disent qu’ils se sentent bien ou pas, c’est aussi lié à des choses qu’on ne voit pas, ça peut être lié à l’acoustique, ça peut être olfactif, dans le ressenti en somme. Et dans ce cas le bois il a deux impacts sur le ressenti, d’une part la régulation hygrodynamique, et deuxièmement ce qu’on appelle la sensation de paroi chaude, et non pas de paroi froide, c’est à dire qu’à température égale dans une pièce, je mets la main là

152 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


(table en verre), c’est froid, je mets la main là, sur du papier, qui est une sorte de bois, ou qui était du bois, j’ai l’impression que c’est pas la même température. On a le même effet à quelques millimètres ou à quelques centimètres, ce qui fait que quand nos sens... on va dire que le béton c’est froid visuellement, c’est pas froid visuellement, c’est froid parce que notre cerveau a mémorisé que c’était froid, et quand on s’approche, d’une paroi froide, on le sent, c’est faible, mais on le sent, et plus la paroi est grosse, plus on le sent. Un grosse paroi en bois massif, ou une grosse paroi en béton massif pareil, à dix ou cinquante centimètres on va pas avoir la même sensation de chaleur, et ça ça fait partie des choses qui sont... d’une part par rapport à la mémoire, du fait d’avoir la présence du bois, et d’autre part aussi par rapport à réellement une sensation de confort. _ C’est pour ça que le bois est exprimé à l’intérieur du logement ? Oui, ça aussi c’était une volonté, c’est une des premières fois qu’on arrive à laisser du bois structurel apparent, jusque-là c’était très très compliqué notamment par rapport aux règlementations incendie, et là on a réussi à concilier les deux, c’est à dire à laisser vraiment le bois structurel, il y a une vraie volonté, en plus nous on voulait que le bâtiment il soit vraiment lisible de l’intérieur, enfin la structure, pour celui qui a envie de la lire évidemment, sans qu’elle soit non plus oppressante. - D’accord ouais, donc tout ce qu’on voit, par exemple dans les pièces à vivre c’est vraiment la structure du bâtiment, directement. Ah oui oui, cent pourcent. C’est pour ça qu’il y a les ferrures qui sont apparentes, qui était aussi une volonté ça de laisser les ferrures apparentes pour dire : « C’est de l’architecture en bois, mais contemporaine », c’est à dire qu’on a des ferrures qui sont très industrielles, avec des boulons qui dépassent... On l’assume. C’est pas un chalet suisse quoi. _ Oui, j’ai pu voir que ça plaisait en général ce genre de mise en œuvre... L’avantage c’est qu’il y a un vrai matériau qualitatif, non pas que le béton soit pas qualitatif mais en plus de ça, ce matériau qualitatif qui est le bois a vraiment des qualités de confort, donne un confort à l’intérieur du logement. Moi je suis pas du tout contre d’avoir du béton apparent, ou des matériaux bruts hein, ou de l’acier apparent... mais là en l’occurrence il y a vraiment un côté... et puis bon nous on a fait en sorte de gommer tout autre élément décoratif des logements, c’est à dire qu’on est restés dans des teintes ultra neutres, on a un sol qui est quasi invisible, qui est en lineau mais on pas de couleur, volontairement, on a des murs qui sont blancs, la seule couleur c’est le bois. _ Ok... et du coup bon il y a du CLT, ou du KLH, mais il y a aussi du poteau-poutres, est-ce que ça vous a servi à composer l’espace, en terme de tectonique ? Parce qu’il y a une grosse poutre qui sépare la partie chambre de la partie séjour/cuisine... Non, c’est à la fois une conséquence du programme et une conséquence structurelle, c’est à dire qu’on a des planchers, qui portent dans ce sens-là pour pas qu’ils portent d’un appartement vers l’autre, ils sont sur quatre points d’appui ce qui permet de diminuer les épaisseurs de plancher, et de toute façon on a des appartements traversants, donc assez logiquement avec une file centrale, et c’est facile de délimiter par ce système de poteaux-poutres. Maintenant c’est poteau-poutre parce que quand on a fait l’hypothèse des panneaux bois massifs à la place de poteau-poutre, on s’est rendu compte que comme il fallait doubler le bois massif pour des questions de tenue au feu, que ça revenait plus cher, mais bon la trame structurelle correspond quand même à une trame d’organisation de l’espace. Donc oui et non à la question (rires). _ D’accord. Après au niveau extérieur, pour la façade, on m’a expliqué hier que c’était vraiment le choix de faire avec des matériaux pérennes aussi, avec la tuile, et du coup c’est un choix de ne pas exprimer vraiment le bois à part dans les coursives même si finalement avec cette couleur un peu grise il se voit pas

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trop... C’est un choix de dire : « Il est fait en bois mais on va pas forcément le dire » ? C’est ça. C’est... on cherchait pas à faire un truc démonstratif pour dire qu’il est en bois puis surtout va falloir s’amuser à l’entretenir en R+7, donc du coup on est plutôt partis sur quelque chose d’assez simple, faut pas non plus oublier l’objet, c’est à dire que c’est du logement social, si l’entretien du bâtiment explose au bout d’un certain nombre d’années ben on aura fait l’inverse de ce qu’on voulait faire c’est à dire construire des logements pour des gens qui ont des faibles revenus, on risque de leur mettre sur le dos des charges qui ne sont pas très cohérentes avec l’objet, et après on est quand même dans une région qui est assez exposée... _ D’accord... Et l’origine du choix de distribution de l’immeuble, avec la coursive, pourquoi ne pas avoir utilisé un noyau central, un peu comme les autres immeubles qui peuvent se faire en bois ? D’une part pour que tous les logements bénéficient au maximum des apports solaires, donc ça veut dire qu’on s’aligne vers le Sud, d’autre part parce que du coup c’est autant d’espaces qui sont pas chauffés, qui ont peu d’entretien, il y a une vraie modularité de ce système-là, dans le sens où, la coursive c’est un principe tout simple qui permet de mettre autant de logements qu’on veut, d’avoir une distribution très simple et très économique, c’est à dire que finalement le coût des espaces communs est faible en construction, et faible en entretien. Et tous les problèmes, on est quand même dans du logement social, faut pas oublier l’objet, les problèmes de voisinage qui peuvent subvenir, dans les cas où les cages sont fermées, on ne les a plus quoi. _ Ouais il y a une dame qui me disait que c’était bien parce qu’elle voit pas trop les voisins, à part ceux du palier, le reste, comme ils prennent souvent l’ascenseur elle ne les voit pas... Du coup en concernant l’évolutivité à terme, est-ce que c’est prévu pour, je sais pas, un jour, on abat une cloison et ça fait un plus grand logement... Non. _ Non ? Du coup l’utilisation du CLT elle a un peu limité ça peut-être... Euh... Oui parce que... c’est le premier qu’on fait donc... On a pris des méthodes très très simples, quand on regarde le plan du bâtiment, il est d’une simplicité... C’est vraiment très bête quoi, il y a trois appartements par niveau, tous les niveaux sont les mêmes, deux appartements sont des symétriques, les deux T3, et il y a une gaine technique unique par logement, la simplicité ça veut pas dire que ça s’est dessiné en dix minutes hein, mais c’était aussi parce que justement on avait tous ces défis à relever, donc on s’est donné les moyens de les relever facilement, donc d’avoir des réseaux de fluides très courts, une gaine technique unique, tout superposé, d’avoir des descentes de charge très très simples, enfn, simples... C’est du bois donc c’est jamais ultra simple mais vu que c’est tout dans des descentes verticales, que tout est superposé qu’il n’y a pas des gros porte-à-faux, de grosses déformations dans les immeubles, c’est relativement simple. Et ça c’est des contraintes qu’on s’est mises, nous concepteurs dès le départ, pour être sûrs d’aller jusqu’à l’arrivée. _ D’accord... Et les entreprises qui ont réalisées le bâtiment c’est des entreprises de la région aussi ? Oui, toute la conception est basée sur le fait de se dire : « C’est reproductible ». C’est à dire, l’idée c’est que n’importe quoi, de qualifié évidemment, pas le boucher du coin associé avec le boulanger, que n’importe qui soit capable de le faire, n’importe quelle entreprise soit capable de réaliser la même chose, c’est pour ça que la conception a été faite avant de consulter les entreprises. Et les entreprises n’avaient plus qu’à répondre, à chiffrer. _ Et les entreprises elles s’y connaissent un petit peu à la base ou pas ? Ah oui, si, le charpentier il avait déjà fait un petit peu de paille, il avait déjà construit en CLT, bon la plupart des charpentiers maintenant dignes de ce nom, un petit peu structurés ils savent ce que c’est que le

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CLT et ils ont construit avec quoi, je veux pas dire que ça commence à devenir courant mais ça y est les gens commencent à se rendre compte de l’efficacité du matériau et ça commence à rentrer dans les mœurs. Nous la première opération ou on a commencé à l’étudier ça devait être en 2006, ou 2008, et le panneau bois massif on le connaît depuis 2005 à peu près, on a essayé de le mettre dans certaines opérations, ça collait pas et finalement on a fini par faire une opération au bout de deux ans en l’utilisant de façon efficace. _ Bon et bien je vous remercie. Mais je vous en prie, mais ça peut être intéressant que vous alliez voir l’opération des Toits de la Corvée qu’on a faite, à Saint-Dié centre, pour comprendre l’affiliation avec le projet de Jules Ferry. Ca ressemble vraiment, on a utilisé de la tuile, c’est pas la même tuile, de façade, ils sont en KLH les pavillons, ils sont isolés par l’extérieur avec de la cellulose, c’est marrant, dans le temps, il y a une vraie affiliation entre les deux projets même s’ils n’ont rien à voir en terme de dimension... _ Ouais je vais aller voir ça, merci.

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RETRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC JEAN-LUC CHARRIER Entretien effectué le 03 Septembre 2014, à Saint-Dié-des-Vosges.

_ Donc dans un premier temps j’aimerais que vous me parliez un petit peu de la philosophie du Toit Vosgien, en particulier en ce qui concerne le choix du matériau bois pour la construction de logements... Alors le Toit Vosgien a une « tradition » de construction en bois puisque on est dans les Vosges donc il y a toute une industrie du bois qui existe, qui est là, et on a construit nos premiers pavillons bois fin des années 1970, ainsi que différentes opérations, et puis on s’est mis à faire du collectif en 2000, c’est là ou a sorti le premier bâtiment collectif en bois, à structure bois véritablement, et depuis on a fait que améliorer, opération par opération, on est monté au niveau des performances, qu’il s’agisse des performances thermiques ou alors le recours aux énergies renouvelables. Donc voilà, c’est une progression, c’est à dire que on a commencé donc en 2000 à faire un immeuble bois qui était vraiment très performant d’un point de vue thermique, puisque à l’époque on était déjà au niveau du BBC en performances, ensuite, on a fait un autre immeuble bois ou là on y a ajouté les énergies renouvelables, donc qui est un bâtiment qui est positif, hein, trente logements positifs qui s’appelle la résidence les Hyliades. Donc là il y a 1000 m² de panneaux photovoltaïques dessus, plus du solaire thermique pour la production d’eau chaude. Donc là c’était une deuxième opération ou on avait bois plus énergies renouvelables, ensuite on a fait un petit collectif de quatre logements, dans une petite localité qui s’appelle Gerbépal, là on a intégré de a paille en isolant. Donc on a fait des panneaux bois, contre-collés, plus des matelas de bottes de paille, ce sont des matelas qui font deux mètres par un mètre, donc c’est pas de la simple boite c’est du matelas, ils étaient fixés mécaniquement sur le support bois, et avec un enduit à la chaux par-dessus, donc je dirais une méthode traditionnelle. Donc là c’était bois et paille. Et puis sur la résidence Jules Ferry on a fait un petit peu la synthèse de tout ça, donc bois, énergie renouvelable, et paille. _ D’accord, donc le fait d’utiliser de la paille ça remonte déjà à d’autres expériences... C’est la deuxième opération qu’on fait, et puis ensuite d’utiliser le matériau bois, le panneau plein contre-collé, au maximum de ses performances, donc l’idée était de faire un bâtiment le plus haut possible par rapport au terrain, par rapport à la configuration, et c’est pour ça qu’on est sortis sur un huit niveaux. _ D’accord, et vous votre rôle dans cette opération c’était quoi ? Donc on est les maitre d’ouvrage, donc on est le donneur d’ordres, mais on a aussi, disons que en fait sur des opérations de ce type là c’est pratiquement du travail d’équipe, qui se fait, tant au niveau de l’équipe de maitrise d’œuvre, qui comprend architecte, bureau d’étude thermique, structure, donc où ils sont vraiment très liés, mais aussi en tant que maitrise d’œuvre et maitrise d’ouvrage, où là au niveau du montage du dossier il y avait un lien très fort entre l’architecte et le maitre d’ouvrage. _ Comment s’est déroulé le choix de l’architecte ? Est-ce que c’est une habitude de travailler avec des personnes précises ou est-ce que ça s’est fait sur concours ?

Alors, euh non on travaille pas sur concours, nous on travaille par recensement sommaire d’une

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équipe d’ingénierie, mais qu’on connait. Localement on a vraiment des équipes qui sont très performantes, et finalement, je dirais c’est presque un choix de l’équipe de maitrise d’œuvre qu’on a effectué. _ D’accord. Donc du coup le choix du bois il découle de toutes ces années d’expérience... Oui, donc tradition du bois, les Vosges département forestier important, c’est un élément économique hein par rapport au département. _ Oui on voit beaucoup de scieries en arrivant... Voilà, puis le bois c’est un matériau comme un autre aussi, y a pas que le béton, ou que l’agglo, c’est aussi un matériau de construction, donc voilà, nous on a souhaité vraiment privilégier et développer ce matériau bois. _ Parce qu’il est disponible localement aussi... Il est disponible localement, et puis maintenant il y a la dimension environnementale développement durable qui est venue s’ajouter, mais nous on pratiquait déjà auparavant, on n’a pas attendu le Grenelle de l’environnement pour sortir des opérations comme ça, mais on s’aperçoit maintenant que finalement on a raison parce qu’on le voit on est rejoints par la politique de construction du logement social. _ Donc vos motivations c’est l’écologie avant tout ? Le rapport à l’environnement... Ben, je dirai, d’une manière plus basique déjà le développement économique, et ensuite bien sûr en corolaire on a le développement durable, et je dirais ce qui chapeaute le tout aussi c’est de sortir de opérations où les charges pour les locataires sont le plus faibles possible. C’est déjà ça au départ, donc s’il y a onze euros par mois pour se chauffer, l’entretien, la production d’eau chaude et la ventilation d’un logement, en provision pour charges, euh nous à côté de ça on a plus de chances d’avoir notre loyer qui soit payé, hein, moins il y a de charges et bien plus il y a du reste pour les locataires, et c’est aussi, et il y a une autre dimension qui apparait c’est celle de dire que finalement nous, par ce biais de construction on redonne aussi du pouvoir d’achat au locataire. _ Ce type d’opération c’est plutôt destiné au logement social en fait ? C’est essentiellement destiné au logement social, nous on est une société de logement social, mais 100% locatif, on ne fait pas d’accession à la propriété. _ D’accord... Est-ce que vous ressentez que la clientèle qui a investi l’immeuble elle est sensibilisée à ces questions d’environnement ? Est-ce qu’elle est là pour justement faire partie d’une démarche un peu écologique ? Alors, euh, certains oui. Certains locataires nous l’ont dit dès le départ : « Ce qui nous intéresse c’est la construction bois », c’est parce que maintenant ils commencent à nous connaître un petit peu, ils ont des amis qui vivent déjà dans des opérations en bois, et donc ils nous disent : « Ce qui nous a intéressé, c’est ça. » Bon c’est pas la majorité, les autres personnes elles sont avant tout à la recherche d’un logement, on leur propose ça et après bon ben c’est une surprise pour elles, hein c’est, faut dire que les constructions passives, c’est pas encore très répandu finalement au niveau de la construction traditionnelle. Ça se développe, on en parle de plus en plus mais disons que dans le vécu des gens, peu de personnes ont encore habité dans un logement passif. _ Et est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières lors des différentes phases ? La phase chantier par exemple...

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Euh, tout ce qui est phase conception, enfin là vous développerez ça avec Antoine Pagnoux sur la conception mais qui a mon sens n’a pas de difficulté particulière parce que les immeubles, on sait les monter, structurellement on sait les calculer, donc là-dessus y a pas de souci particulier. Point qui a été un petit peu difficile, c’est les bureaux de contrôle. Le bureau de contrôle, qui lui n’est pas encore au fait de tout ça, et c’est surtout au niveau de la réglementation, on a encore des textes qui ne sont pas clairs. Donc finalement la construction bois est un petit peu assimilée à la construction maçonnerie ou béton, et il n’y a pas une réglementation spécifique à la construction bois. C’est à dire que le système constructif en bois on va nous le valider mais en se rapprochant comme si c’était du béton, alors que c’est pas du tout la même chose. Et d’autre part, les textes, dont la règlementation incendie en particulier, qui date de 1986 est complètement à dépoussiérer, et il y l’application aussi de l’instruction technique, la IT 249, qi a fait une extension à la construction bois, mais en ciblant des exemples, et donc les bureaux de contrôle pour eux ben si on n’est pas dans l’exemple ils valident pas, ça c’est un premier point, et un deuxième point, ils vont au-delà de ce que demandent les textes, et sur l’exemple de Jules Ferry on a vécu le cas suivant, c’est que l’équipe d’ingénierie a monté le dossier en partenariat avec le contrôleur local, du département, qui suivait l’opération, et à un moment donné, pour faire valider les calculs de structure, donc les Eurocodes qu’ici ils connaissent pas à 100%, ils ont décidé de porter le dossier au niveau national, à Paris. Et donc là à Paris, ben bien sûr, une opération comme ça, huit niveaux bois isolés avec de la paille ça suscite la curiosité, et le dossier a circulé un petit peu dans tous les services, et au niveau structure aucun problème, mais on a vu le spécialiste façades regarder le truc un peu rapidement et commencer à faire des bonds comme ça, pour dire : « Oh ça va pas ? Incendie ça marche pas etc... », alors que, donc et tout ça par interprétation des textes, qu’ils ont pris, je dirais d’une manière... en allant au-delà de ce que disaient les textes, alors que le contrôleur local, lui lisait les textes mot à mot, donc voilà, interprété de cette manière, on le comprend comme ça, en accord avec l’architecte, on a monté le projet, donc normalement il ne devait y avoir aucun problème, et une fois que c’est passé à l’étage du dessus on a eu quelques soucis donc de la protection au feu des façades, alors qu’ils ont été réglés par rapport aux règles du C +D, donc là on nous a fait rajouter un matériau M zéro sur la façade, un pare-pluie, en renfort, donc à partir de là ça allait, mais ensuite on a mis en place du bardage bois sur les coursives, alors que la règlementation incendie, elle, si on considère qu’on est en coursive, ça ne pose aucun problème pour avoir du bois, par contre le contrôleur technique a considéré que c’était une cage d’escalier, donc avec une cage d’escalier ben il faut que les matériaux soient M zéro. Donc on est encore toujours en discussion avec lui sur ce point particulier, donc toute l’opération a été validée par le bureau de contrôle, sauf le bardage bois qu’on a sur les coursives. C’est le dernier point sur lequel on est en train de trouver des solutions, parce que ça put pas rester comme ça. Donc c’est beaucoup de discussion parce que les textes ne sont pas clairs, parce qu’il y a de l’interprétation des bureaux de contrôle, et parce qu’ils vont au-delà de la règlementation en disant « Oui aujourd’hui c’est comme ça mais demain ce sera à ce niveau-là donc nous... », voilà. _ D’accord, pour ma part j’ai visité un autre immeuble en bois à Paris, et il y avait eu cette fois des problèmes de coordination entre parties en bois et parties en béton, est-ce que vous avez-eu des problèmes de cet ordrelà ? Non, nous en béton, bon il y a quand même un lot béton qui est assez important, des fondations jusqu’au dallage du sous-sol, et puis on a toute la colonne d’ascenseur, qui est en maçonnerie. Donc non là-dessus on a les entreprises qui travaillent bien et on a pas eu de soucis particuliers avec le maçonneux, simplement ce qu’on a constaté c’est que l’immeuble bois, les huit niveaux bois sont montés plus rapidement que la simple cage d’escalier et d’ascenseur du maçon. Donc c’est là où on voit la performance avec le bois. _ Et est-ce que cette performance dans la mise en œuvre ça permet de concurrencer des grands groupes tels que Vinci ou Bouygues, qui eux construisent le plus souvent en béton, est-ce que ça se perçoit ? Nous on fait pas la comparaison avec les grands groupes, nous ce qu’on dit c’est que la construction bois permet un gain de temps sur le chantier.

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_ C’est une de vos motivations ça aussi ? Ne pas être prisonnier des techniques lourdes du béton...

Oui tout à fait, c’est aussi un des éléments en faveur du bois.

_ D’accord... Au niveau du coût d’opération, est-ce que c’est plus cher de construire en bois, par rapport au même immeuble s’il avait été fait en béton ? S’il était fait en béton ce ne serait pas le même, car on a des performances en bois qui ne sont pas celles du béton et inversement. Ce qu’on peut comparer c’est par rapport à la performance thermique, nous on a un bâtiment qui est passif, et labellisé Passivhaus, véritablement, donc ça veut dire qu’il a des besoins en chauffage qui sont inférieurs à 15kW/m²/an. Par rapport à la règlementation actuelle qui nous demanderait du BBC, on est sans doute un petit peu plus cher. Là pour le valoriser, on peut parler peut-être de 8 / 10 %, mais disons que nous maintenant, on ne fait plus de comparaison par rapport au système constructif. Nous on se définit en disant : « Le bâtiment sera en bois », on ne cherche pas à savoir ce qu’il couterait s’il était en béton. Il y a une quinzaine d’années on faisait ces comparaisons-là, on sortait une opération, les plans d’archi, on faisait chiffrer par des maçons, on faisait chiffrer pas des constructeurs bois, et puis finalement c’était que le meilleur gagne, alors une fois c’était le béton, enfin ou l’agglo, et puis d’autre fois c’était le bois, donc voilà, la concurrence était comme ça. Maintenant on se pose plus la question parce que le bois et le béton c’est pas le même matériau, et ils n’ont pas les mêmes performances, on l’utilise pas pour faire la même chose, donc maintenant on s’inscrit délibérément sur le matériau bois si on veut que ce soit du bois. _ C’est peut-être aussi dans le temps, avec la notion de coût global, au bout d’un certain temps on va finir par rentabiliser plus rapidement le bâtiment... Alors il y a cet élément là aussi, c’est pour ça qu’il y a le raisonnement au coût global, quand on fait un bardage extérieur comme vous avez vu, que ce soit du bardage bois, ou du bardage en tuiles, on peut dire que ça coûte un peu plus cher que si c’était simplement du polystyrène revêtu d’un enduit STO, hein parce que l’enduit STO on sait bien que dans cinq à dix ans il faudra mettre un peu de peinture dessus ou faire quelque chose, tandis que la tuile, en dehors du risque de dégradation que vous auriez aussi sur l’enduit STO, ça va pas bouger. Donc on a vraiment, si on parle de coût global, on s’aperçoit que sur la durée les écarts vont se gommer avec les matériaux et que globalement ça reviendra moins cher. _ D’accord... Finalement on n’exprime pas le bois en façade, à part sur les coursives, ça rentre maintenant dans la notion de coût global, mais est-ce que c’était une volonté de finalement cacher le bois ? Nous on utilise avant tout le bois comme un matériau de construction, on tient pas à faire un gros chalet, on utilise le bois pour ses performances, par contre il faut pas non plus que ce soit ostentatoire. On utilise le bois où il est utile de l’utiliser, on ne va pas mettre un bardage bois sur la façade Ouest d’un bâtiment, là il va prendre les intempéries et puis il va se dégrader. D’ailleurs il y a un bon ami à moi qui dit : « Pour qu’un ouvrage bois soit durable il faut qu’il ait des bonnes bottes et un bon chapeau », donc c’est déjà un premier élément. Ça veut dire que voilà, on utilise le bois comme un matériau de construction, on fait la structure avec, c’est ça le principal, après que ce soit du décor de mettre du bardage dans les loggias parce qu’on sait très bien que ce sera durable oui, mais on va pas faire un chalet. _ Oui, il y a pas cette volonté de dire : « On l’a fait en bois, regardez tous »... Non, parce que c’est là où on aura les contre-performances, parce que les premiers ouvrages qui vont s’abimer ce sera justement ce qu’on aura voulu montrer car c’est ça qui s’abimera. _ Donc c’est vraiment une logique durable...

Tout à fait, ben oui, si on fait des ouvrages en bois il faut qu’ils soient durable parce que sinon on fait

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des contre-performances. _ Est-ce que vous voyez des contraintes, dans les processus de construction à utiliser le bois aujourd’hui ? Des contraintes euh non, puisque au niveau des structures il n’y a pas de problèmes particuliers, au niveau des assurances non plus, donc j’ai pas de difficultés à ce niveau-là. Donc non ce que je disais c’est simplement le problème avec les bureaux de contrôle et l’interprétation des textes règlementaires. _ D’accord... Qu’en est-il des élus, face à ce type d’ouvrages ? Est-ce qu’ils sont plutôt favorables à accueillir ça sur leur ville ou... ? Oui. _ Oui ? Oui, et on a des... déjà à Saint-Dié bon c’est un élément aussi phare hein pour une commune, maintenant on a quand même régulièrement des collègues, des élus d’autres régions de la France, voire des pays limitrophes, on va recevoir des quinze jours une délégation de belges, des personnes avec des élus de Bruxelles, enfin etc... Des maitres d’ouvrages de logement social belges, car complet quarante personnes, donc ça intéresse du monde, mais localement, on intéresse aussi des maires des petites communes, qui viennent, qui ont vu les premières opérations bois qu’on a réalisé, et surtout avec la performance thermique qu’il y a, et qui disent : « C’est super ce que vous faites, est-ce que vous pourriez le faire aussi dans ma commune ? ». Et, donc on avait commencé à faire une petite opération de cinq logements dans une petite localité pas loin d’ici, ensuite un autre village, qui s’appelle Gerbépal, cinq cent habitants qui nous ont demandé de faire un immeuble de quatre logement, et après à Saint-Amé qui est aussi une petite commune, qui a peut-être mille deux cent habitants on a refait cinq logements, en ce moment on est en train de construire un petit ensemble de quatre logements dans une localité qui s’appelle Ramonchamp qui a aussi mille cinq cent habitants, et donc ça c’est vraiment une demande de maires de petites communes pour dire : « C’est super, moi je veux un petit peu de locatif sur ma commune, ne serait-ce que pour conserver une classe d’école, avoir du locatif, du logement social avec des familles, donc, ça crée plutôt une demande de la part des élus. _ Donc ils sont plutôt favorables...

Ils sont tout à fait favorables.

_ D’accord. J’ai entendu parler que le toit Vosgien voulait faire d’autres opérations, même plus grande que la résidence Jules Ferry, est-ce que vous pourriez m’en parler ? Ben, on a un terrain, de huit mille mètres carrés au centre-ville là, sur lequel on envisage de faire un autre projet. Donc là on va se caler aussi à la demande locale, parce qu’il ne s’agit pas de monter des bâtiments pour le plaisir de monter des bâtiments, mais on peut envisager de monter à dix / douze niveau maximum... _ En bois ? En bois, oui. Donc là-dessus, on va travailler sur le lancement de cette opération avec le recrutement de l’équipe d’ingénierie et puis, on commence un petit peu à bosser là-dessus. _ Le bois en contre-collé qui est utilisé dans la résidence Jules Ferry il vient d’ici ? Ou il vient d’un autre pays ? Le contre collé, donc c’est KLH, qui est le premier à avoir les avis techniques, pour la construction, et quand on a initié le projet, en panneaux contre-collés c’est Allemand, ou Autrichien. Donc KLH c’est Autrichien, donc les panneaux sont fabriqués en Autriche, et sont livrés sur les chantiers en semis, mais

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tout préparés, donc ça veut dire qu’auparavant, tous les plans de réservation, le dossier d’exécution doit être bouclé, pour que ensuite toutes les réservations, les entailles qu’il y a à faire dans les panneaux, soient faites directement en usine, et que sur le chantier on ait pas besoin de faire un seul percement. _ Donc ça c’est peut-être un petit point à améliorer c’est à dire... les panneaux qui viennent d’un autre pays assez loin c’est pas top... Donc euh voilà, ça par rapport au département des Vosges, voire à la région Est, c’est vraiment une région qui pourrait accueillir une unité de fabrication. Et ça les élus locaux en sont conscients, et il y a des contacts qui se font, bon il y a des études hein, qui se font actuellement pour voir les conditions d’implantation d’une unité de fabrication, sachant qu’après bon il faut avoir le marché, il faut avoir la régularité d’approvisionnement, enfin il y a toute une stratégie à mettre au point. Mais nous, par le fait d’utiliser le matériau, on montre aussi qu’il y a un développement qui est possible, et ça ne peut qu’inciter les industriels à dire : « Bon ben voilà, ça se développe, en France on peut faire quelque chose », donc c’est pour ça que finalement, actuellement oui, ça vient d’Autriche, mais demain ça pourrait très bien être fabriqué dans l’Est de la France. On a l’exemple des panneaux de fibre de bois, en particulier Pavatex, il y a quatre / cinq ans on a sorti des pavillons avec ASP architecture qui s’appellent les Toits de la Corvée, donc vingt-deux maisons à indépendance énergétiques, qui sont pas passives mais qui sont BBC finergie et plus, donc au-delà, où on a utilisé des panneaux pleins contre-collés, on a fait des caissons, donc pour insuffler de la ouate de cellulose et fermés avec des panneaux en fibre de bois, Pavatex. A l’époque Pavatex c’était fabrication Suisse, ça venait de Fribourg, donc on aurait pu se dire : « Ah oui mais utiliser du matériau qui vient de Suisse, c’est pas trop... Il y a peut-être sur place ce qu’il faut... », on l’a utilisé, et les Suisses ont vu qu’il y avait un développement à faire, et maintenant ils sont installés à Epinal, où ils ont une unité de fabrication. Donc, il faut pas se fermer à une solution ou à des produits, il faut les utiliser, et après si les produits sont bons ben de toute façon après voilà, il y aura de la demande et puis on aura des unités de fabrication locales. _ Parce que outre les panneaux en contre-collés qui sont utilisés, les poteaux et les poutres ils viennent des Vosges par contre. Oui, là c’est du lamellé-collé, on a des fabricants dans la région. Et puis ce qu’on peut dire c’est que le panneau plein contre-collé, avec ses performances, est vraiment le seul qui permette de faire de la grande hauteur en construction bois, on y arriverait pas en ossature, ça deviendrait vraiment très compliqué pour contreventer. Tout ça ça vient de la technique, mais c’est véritablement qu’avec du panneau plein contre-collé qu’on arrivera à faire des bâtiments de grande hauteur en bois, et qu’on arrive puisque on l’a déjà fait. _ Ok... Voilà, donc si vous voulez pour résumer le Toit Vosgien donc c’est une progression de construction, c’est une volonté économique, ensuite de développement. Il y a l’aspect environnemental qui est venu, mais ce qui chapeaute tout ça c’est la volonté d’avoir des charges les plus basses possibles. _ Oui c’est ce que j’ai ressenti en allant interroger les habitants, la première chose qu’ils m’ont dit c’est : « On paye pas beaucoup en chauffage »... Ben c’est vraiment... si eux doivent bénéficier de quelque chose, c’est vraiment ça en premier lieu, c’est la construction qui est au service des locataires, c’est pour eux. Finalement nous en tant que Toit Vosgien, le bénéfice de la performance thermique on l’a pas, donc c’est vraiment pour les locataires. _ Les charges c’est le moteur quoi, l’énergie...

Voilà, donc ça et puis faire en sorte qu’ils se sentent le mieux possible.

ANNEXE DU MEMOIRE - 161


_ Et puis dans la région vous êtes plutôt bien équipés pour produire des bâtiments en bois. Oui c’est vrai que dans les Vosges on a vraiment... tant au niveau entreprises qu’au niveau équipes d’ingénierie, on a quand même des personnes qui sont qualifiées et qui savent faire. _ Oui contrairement peut-être à l’immeuble de Paris que je suis allé voir où là c’était la catastrophe entre bureaux d’études et architectes... Ah oui alors là c’est déjà pas bon dès le départ... Donc non, comme je l’ai dit tout à l’heure il faut que les équipes soient extrêmement soudées, donc travaillent ensemble parce que sinon c’est pas possible. _ Faut se connaître depuis longue date... Ou avoir envie de travailler ensemble hein, vous savez les gens ne peuvent pas forcément se connaître depuis longtemps, mais avoir envie de travailler ensemble, la même volonté de sortir des opérations. Donc il faut des gens motivés, des gens qui soient un peu militants, malheureusement un peu militants actuellement, il faut être passionné. Donc si c’est pour du courant, de l’alimentaire ou des choses comme ça là c’est pas la peine d’y mettre les pieds hein, « faites de l’agglo, ça ira »... mais avec un peu de passion là il y a des choses à faire. _ Oui, est ce en dépit du fait que construire en bois ben c’est aussi accepter parfois d’être un peu limité, par les portées par exemple, mais ça pose des questions aussi d’architecture sur le rapport à l’espace... Ouais, bon c’est sûr que bois/béton, ok système constructif, mais ce que nous on place qu dessus, c’est : « Comment être passif ? ». C’est ça qui guide, « Comment je fais une construction passive ? », et à partir de là on regarde avec le système bois, le système béton, le système métal, pour tirer la meilleure solution possible, mais c’est parce que nous on a souhaité avoir une construction passive que le bâtiment a cette formelà. ‘est l’architecture, il est conçu de cette manière-là, donc des logements traversants, vraiment un noyau de gaines techniques positionnées central, avec les réseaux d’évacuation les plus courts possibles, verticalité... donc tout ça ce sont des éléments qui sont à prendre en compte parce qu’on a voulu que l’opération soit passive. Ça c’est le premier élément. Après la différence bois ou béton ça passe en deuxième. _ Oui donc si du jour au lendemain vous pourriez faire la même chose en métal vous passeriez en métal... Il faudrait regarder, hein, Antoine Pagnoux je pense vous dira qu’ils ont sans doute un peu essayé de voir, comment dire, c’était pas limité dès le départ sur le bois, mais ils pouvaient envisager s’il y avait moyen de faire autre chose mais il s’est avéré que le bois était le moyen le plus rapide, qui nous convenait le mieux quoi pour arriver au résultat. _ Ok. Bon et bien merci beaucoup de m’avoir accueilli et d’avoir répondu à mes questions.

Mais je vous en prie.

_ Au revoir.

162 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


EXTRAITS DES ENTRETIENS AVEC LES HABITANTS DE L’IMMEUBLE DE SAINT-DIE Entretiens effectués entre le 01 et le 03 Septembre 2014, à Saint-Dié-des-Vosges.

Entretien 01 : Chantal, 47 ans, mariée et intérimaire (mari absent), vit avec sa troisième fille dans l’appartement (T3). Une autre de leur fille, plus âgée était présent lors de l’entretien. _ Alors, juste pour vous situer un petit peu, donc vous habitez ici depuis Janvier et avant vous habitiez dans quel type d’immeuble ?

Dans du privé, dans un immeuble de logements avec trois étages.

_ D’accord, et comment vous êtes venus à habiter ici ? Parce qu’avant j’étais déjà au Toit Vosgien, j’ai habité pendant vingt-six ans au Toit Vosgien, et j’en avais marre du bruit d’au-dessus tout ça alors j’ai pris du privé, et puis ça me revenait trop cher en chauffage tout ça... Donc j’ai redemandé un Toit Vosgien comme j’ai su que celui-là s’était construit, qu’on payerait moins de chauffage tout ça... _ Auparavant vous habitiez dans un bâtiment en béton ?

Oui, ah oui oui, c’est tout près là c’était ceux devant chez Gantois.

_ D’accord, et est-ce que vous ressentez une différence du fait que le bâtiment soit en bois ? Ah oui, on a bien chaud, on est bien, même là hein, qu’il y a fait froid mais les filles elles sont dans du privé et be elles avaient froid chez eux, que nous ici on a jamais eu froid. Puis on a vingt-cinq hein, même sans chauffage hein, ah ouais franchement... _ Ça se ressent sur les factures ?

Ah oui oui.

_ Et le fait qu’il soit en bois ça a compté pour vous dans la décision d’habiter ici ? Ah ben on m’avait dit qu’on ferait des économies de chauffage tout ça... Puis que ça serait bien isolé tout ça mais c’est vrai hein, même question des carreaux, triple vitrage, on n’entend rien, pas de bruit... impeccable hein, franchement on est bien ouais. _ Et donc vous envisagez de rester longtemps ici ou ce n’est qu’une étape ?

Oh oui, oh oui oui oui, on se sent très très bien, mon logement me plait tout, impeccable.

_ Avez-vous le sentiment de faire partie d’une démarche commune, un peu écologique ?

Ah oui oui, ben oui, c’est sûr oui.

ANNEXE DU MEMOIRE - 163


_ Un sentiment de fierté un peu ?

Oui ah ben c’est sûr !

_ Parce qu’en fait c’est le premier immeuble de sept étages en France...

C’est le premier oui, mais y a eu beaucoup de gens qui sont venus, même en car pour voir.

_ Ah oui quand même... Oui... _ Est-ce que vous trouvez votre immeuble joli ?

Oui, très joli oui franchement euh, oui oui.

_ D’accord, la façade aussi ?

Ah oui franchement, les balcons, tout, on se sent bien.

_ D’accord. Est-ce que vous avez identifié des défauts dans votre logement ? Par exemple au niveau du bruit entre voisins ou... ?

On entend marcher, c’est normal hein mais... c’est pas gênant hein.

_ Est-ce que vous aviez ou avez des craintes par rapport au risque d’incendie ? Du fait que ce soit un immeuble en bois...

Oh non, non, question de ça non, rien du tout.

_ Ça vous a jamais fait peur ? Non. _ C’est bien il y a pas mal de bois qui est montré à l’intérieur...

Ah oui, oui, c’est agréable, oui, c’est ça qui nous a plu tout de suite quand on est venus.

_ D’accord.

Et mes filles elles aimeraient bien habiter dans un appartement comme le mien, hein Christine ?

(Christine) Ben ils ont en projet d’en faire des autres hein. _ Ah oui ?

Ben là ils vont en faire en face de chez moi, moi j’ai demandé hein.

_ Ah oui ? (Christine) Ah oui j’suis dans le privé moi j’ai demandé hein.

164 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


_ Demandé à ? (Christine) Au Toit Vosgien, j’ai rempli un dossier et tout, apparemment ils débutent les travaux début 2015, juste en face de chez moi près de la piscine. Et ben ils vont en construire apparemment quatre là. _ D’accord. (Christine) Moi j’ai demandé aussi parce que, franchement... _ Ouais il y a beaucoup de demandes pour ce genre de logements ? (Christine) Ah ouais ouais, et puis même, là je suis en privé, là il a fait froid j’ai mis le chauffage. (Chantal) Ah oui, elle avait froid alors que nous on a jamais eu froid, elle venait ici même, elle en revenait pas qu’il faisait bon hein. (Christine) Je donne deux cent euros de chauffage hein tous les mois donc... (Chantal) Que nous on donne sept euros hein. (Christine) Neuf ! (Chantal) Neuf ? (Christine) Oui, donc euh voilà hein... _ Ça a rien à voir... ouais puis c’est une qualité de vie aussi de se retrouver au sixième étage avec une vue comme ça... Ah c’est bien... C’est vrai qu’être en haut c’est privilégié aussi, j’ai habité vingt-six ans au deuxième moi, j’avais rien comme vue hein, que là, le sixième ah oui c’est... On est bien franchement on est bien. _ D’accord... Et le fait qu’il y ait du bois au plafond c’est pas commun ça... (Christine) Oh on se croirait dans un chalet... (Chantal) Ouais c’est vrai hein... _ D’accord, bon ben je vous remercie beaucoup. (Chantal) Mais de rien c’est normal. _ Au revoir. Entretien 02 : Pascale, 38 ans, femme au foyer qui vit avec son fils de douze ans dans l’appartement. Elle est comptable dans un cabinet d’experts comptables. _ Juste pour savoir, pour vous situer un petit peu, dans quel logement habitiez-vous avant d’arriver ici ?

Rue de la Bolle, dans une maison de maitre en fait.

ANNEXE DU MEMOIRE - 165


_ Une maison individuelle ? Oui. _ En béton, pas en bois ? Ah non, pas du tout et pourquoi j’ai déménagé ? A cause des factures de chauffage ! J’en avais pour cinq cent euros tous les mois de chauffage... _ Ah ouais... là retomber à sept euros c’est vrai que ça fait une sacrée différence... Y a pas photo hein, puis même quand il fait chaud je veux dire, si on ouvre pas il fait bon à l’intérieur hein, parce qu’on a pas de radiateurs ici, c’est tout des bouches d’aération qui redirigent la chaleur de la chaufferie. En bas on a des écrans pour tous les appartements et on voit toute la consommation qu’on a, qui a ouvert ses fenêtres, parce que l’hiver ils déconseillent d’ouvrir les fenêtres pour garder la chaleur et rediffuser les calories comme ils disent, et ils voient si on a ouvert les fenêtres ou pas, en fait on est surveillés quoi... (rires) _ D’accord ah oui c’est un peu flippant...

Bon après je respecte, bon il faut quand même aérer un peu mais...

_ C’est sûr que se priver d’ouvrir une fenêtre c’est dommage... Ben oui, mais c’est pour l’hiver, pour qu’on ait pas une grosse facture de chauffage. Et puis le bémol aussi, bon il y a la terrasse ou quand je fume par exemple il peut il y avoir de la cendre qui tombe chez le voisin d’en dessous, une histoire pour les incendies ils nous ont dit... _ Ah, d’accord... Il y a aussi la douche, c’est des douches de piscine, bouton poussoir, elles durent vingt-trois secondes, pour les économies d’eau... _ Ah oui... quoi...

Et ça c’est euh, horrible, et ça ils s’étaient bien gardés de nous le dire quand on a eu les apparts

_ D’accord. Bon j’aurai quand même pris parce que c’est quand même hyper intéressant, ici je paye cinq cent un euros vingt-trois, charges comprises hein, donc avec l’entretien de l’ascenseur, l’entretien des espaces verts, eau chaude eau froide... _ Et qu’est-ce qui vous a motivée à venir dans cet immeuble-là ? Outre le fait de payer... En fait non, j’avais fait une demande parce que... en fait je vous explique, je suis propriétaire d’une maison, dans un petit village là-haut dans la montagne et on s’est séparés avec mon concubin, donc lui est resté dans la maison, le temps qu’il aille dans le Sud en fait, et il a fallu que je trouve un appartement en ville comme je travaille en ville, voilà, donc j’étais rue de la Bolle, par le biais d’un client, qui a plein d’immeubles, et en fait la rue est trop bruyante et euh... l’immeuble pas isolé, et puis des grosses factures de chauffage... Donc je me suis inscrite au Toit Vosgien, et ils m’avaient proposés plusieurs appartements bon c’était moyen

166 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


quoi, et puis est arrivé celui-là, on me l’a proposé, on m’a dit vous avez cinq jours pour dire oui ou non, sur plans hein, et je sais pas lire un plan, j’dis tant pis je prends, donc j’ai pas tous mes meubles ici, il y a une partie qui est encore dans ma maison là-haut, voilà. Ce qui m’a motivée c’est les charges, la facture de chauffage. _ Oui c’est ce que j’ai cru comprendre aussi avec la dame au-dessus... J’ai pas hésité quoi hein, parce que avant j’en avais pour huit cent à mille euros par mois, pour l’appartement, bon il était beaucoup plus grand mais niveau chauffage... et j’avais un poêle à granulés hein. Et là quand j’ai vu le montant du chauffage j’ai dit aller, hop, je prends tout de suite j’hésite même pas, bon il me fallait quand même un parking parce que là-haut je louais un garage en plus... _ Donc c’est le fait qu’il soit en bois qui vous a motivée dans cette entreprise ? Oui hyper écologique... Bon après j’ai pas trop... j’ai supposé que c’était bien, et j’ai un copain qui est architecte en Allemagne qui m’a dit que c’était super, qu’il fallait pas hésiter quoi... _ D’accord, ben celui-là c’est le plus haut en France...

Le plus haut en France, oui.

_ Et j’ai entendu que d’autres opérations de ce type allaient sortir sur Saint-Dié... Oui, j’ai vu, rue des Lieuls. En 2016 ils vont faire une construction, elle est déjà dessinée on voit, il y a un projet, je crois qu’il y a quatre bâtiments, et il y a un panneau d’affichage c’est là que j’ai vu, au bout de la rue des Lieuls. _ Ah et bien j’irai faire un tour... Oui... Donc moi je me suis dit que si un jour ils le vendent, parce qu’ils les vendent à un moment leurs biens, je l’achète. _ Ah oui ?

Sans hésitation.

Vous vous sentez bien ici... Ah ouais ouais... Bon je dis pas que je partirais pas un jour hein, j’attends de vendre ma maison làhaut pour pouvoir en acheter une autre donc euh... Je resterai pas toute ma vie ici, mais j’aimerais bien l’avoir pour le louer quoi... _ D’accord. Donc par rapport à votre ancienne habitation c’est plus de confort, plus de...

Ouais, et puis c’est plus design, et puis même plein de choses, les murs sont droits enfin...

_ (rires) Ouais ! Première chose : facture de chauffage. Et puis on a une terrasse, alors que rue de la Bolle ou j’étais j’avais pas de terrasse, on était prisonniers à l’intérieur des murs quoi. _ D’accord.

ANNEXE DU MEMOIRE - 167


Alors quand vous sortez d’une maison, avec du terrain tout autour et que vous vous retrouvez en plein centre-ville c’est hyper pratique parce que vous faites tout à pied, mais là le fait d’avoir la terrasse... De toute façon ce qui m’a décidée c’était : la facture de chauffage, terrasse, place de parking. Et le prix ! Cumulé j’avais dit maxi cinq cent. Donc euh... _ Sans forcément avoir vu d’images, même en 3D de votre futur appartement ? Ah non non, rien du tout. J’ai dit : « Tant pis, on verra bien, ça peut pas être euh... moche. ». Les constructions neuves forcément... Par contre j’étais venue deux ou trois fois quand c’était en construction, j’étais étonnée je me disais : « Tiens il y a pas de porte d’entrée ? C’est où l’entrée principale ? », et en fait c’est bien parce qu’on ne voit pas les voisins, que sur le niveau quoi, ça c’est pas mal... _ D’accord... Et est-ce que vous avez conscience vous et l’ensemble des occupants de l’immeuble de faire partie d’une démarche peu commune, avec la volonté de s’inscrire dans une démarche écologique ou pas trop ? Non... _ Non ? D’accord, pas de sentiment de fierté ou... ? Si parce qu’il y en a plein m’en ont parlé alors moi je leur ait dit que j’habitais dans... Les gens ils disent toujours que les habitants du Toit Vosgien c’est pour les cas sociaux, c’est pas vrai, parce que quelqu’un qui est tout seul avec un enfant à charge, sans aucune prestation familiale, et ben faut sortir quand même cinq cent euros... _ Oui... Hein ? Alors ils me font rire... Moi j’ai deux mille huit cent euros de salaire, donc bon... Ils prennent quand même des gens qui puissent payer leur loyer, pas... _ Oui oui... Mais oui il y en a plein qui quand je leur dit que j’habite dans ce bâtiment-là qui me disent : « Oui euh, je peux venir le voir ? » _ Oui c’est...

Beaucoup de pub quand même hein ?

_ Oui, ça plait ce genre de logements j’ai l’impression... Ouais... _ Euh, est-ce que vous le trouvez joli votre immeuble ? Oui, c’est pas mal, ça sort de l’ordinaire, bon, il est pas hyper beau, mais ça change du classique quoi, c’est pas moche, c’est rigolo les tuiles autour, c’est pas... _ Oui, j’en ait pas vu dans le quartier des tuiles comme ça...

Ah non, non c’est le seul. C’est pas une spécialité vosgienne on va dire, c’est pas...

_ Le bois aussi il est pas trop exprimé à l’extérieur...

168 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


Moi j’adore, de toute façon j’adore le bois hein donc euh...

_ Oui à l’intérieur il est bien présent par contre... Oui, pareil, personne n’a vu les appartements donc il y en a qui se sont plaint au départ parce que ben parce que il y avait les poutres apparentes et la ferraille, mais moi je trouve que c’est vachement beau, c’est super beau quoi. _ Le fait d’avoir du bois aussi au plafond c’est pas commun, d’habitude c’est pas forcément montré... Oui non c’est bien hein, moi franchement... Sans regrets. Quand je suis venu le voir, on a tous eu les clés le 4 Janvier 2014 hein donc c’est très récent, quand je l’ai eu j’étais enchantée, sans regrets quoi. _ D’accord, et est-ce que vous avez le sentiment que c’est un peu plus saint de vivre dans un bâtiment en bois ? Je sais pas, des questions de toucher, des questions d’odeurs...

Je sais pas, ça je sais pas...

_ Non ? Pas forcément... Pas forcément, je sais par contre qu’au début il y a eu un voisin qui a eu des problèmes avec des petites bêtes qui sortaient de la paille... _ Ah ? Comment ça ? La voisine qui est au bout là, ben je sais pas il y a eu un problème, elles étaient pas assez traitées les bottes de paille, et plein de petites bêtes, des tous petits, tout petits moucherons. _ Dans l’appartement ?

Ouais, et ils ont fait venir une entreprise pour désinsectiser.

_ Ah oui d’accord... c’est la première fois que j’entends parler de ça. Et ce problème a concerné que cette dame-là dans tout l’immeuble ? Je pense, moi j’en ait eu deux ou trois au début, elle ça a commencé dans les lits en fait, elle avait un invasion dans les matelas et tout, alors on lui a dit que c’était soit disant qu’elle était pas propre alors que c’est des gens bien hein, puis en fait après ça s’est propagé partout quoi... Et en fait c’est un problème, parce que c’est elle qui me l’a dit, elle l’a pas inventé la dame, dans les bottes de paille, je sais pas ce qu’il y avait... _ D’accord, bon...

Donc ils ont retraité le bois.

_D’accord, et, est-ce que vous, bon a part la douche et la terrasse, vous trouveriez des défauts à ce logement ? En terme d’acoustique par exemple entre les logements...

Ah oui, alors là isolation phonique, double zéro.

_ Ah...

ANNEXE DU MEMOIRE - 169


Zéro. _ C’est vrai ? Ah oui. Une catastrophe, alors, ça je comprends pas, on entend tout, et, il y a quelques mois, on sent quand quelqu’un cuisine, avant hein, il y a trois ou quatre mois ils sont venus et ils nous ont mis des manchons à l’intérieur des bouches d’aération, donc de la cuisine, la salle de bain, parce qu’on entendait les voisins, on entendait tout... Tout ce qui se disait. _ Ah oui d’accord c’était pas...

Ah non, isolation phonique : zéro.

_ Et maintenant ? On n’entend plus les voisins, bon les odeurs de cuisine une fois de temps en temps, mais le bruit... Faudrait limite marcher sur la pointe des pieds pour pas faire de bruit, alors moi j’ai un fils qui a douze ans, je lui dit toujours ne cours pas, fais attention parce qu’on entend tout... Quelqu’un qui n’est pas souple quand il marche, c’est une catastrophe. _ D’accord... Ca il faudrait qu’il y fassent quelque chose. C’est dommage, et vous pouvez demander à tous les voisins, je l’ai vu tout à l’heure celui qui est au-dessus, il a une petite qui a dix ans, « Tu me dis si elle court ou...», vous entendez la chasse d’eau, enfin, on l’entend bien quoi... Ça va qu’ils ont mis les deux trois filtres ça y a calmé un peu, mais au niveau du bruit non, les bruits de pas ça on entend. Moi je mets pas de talons mais je peux vous dire que celui du dessus il râle après celle qui est encore au-dessus. Et eux ils sont partis en vacances quinze jours, j’entendais la voisine du dessus... _ Ah oui ? Oui. _ Quand elle marche ? Oui. _ Ça c’est... C’est grave hein je trouve. Moi je travaille à temps complet donc on n’est pas là la journée, il y a que le soir, puis on respecte les autres mais bon, on peut pas toujours être sur la pointe des pieds. Ça c’est dommage. Ils avaient dit qu’ils nous téléphoneraient pour une enquête, ils ont jamais appelé, j’avais préparé une liste de points un peu... _ Ah oui ? Vous l’avez toujours ?

Euh je vais voir attendez... (sort un classeur). Bon bien sûr j’ai eu des soucis de...

_ Oui de rodage. Voilà, la douche, l’eau arrivait à inonder la salle de bain, ils ont remis une bande... Le détecteur de fumée qui se mettait en route tout seul...

170 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


_ Oui, c’est un peu normal au début je pense.

Oui, bon je le retrouve pas ce papier...

_ C’est pas grave... Peut-être qu’un jour ils feront quelque chose pour l’isolation, l’ascenseur était beaucoup en panne au départ, il avait un problème de carte mémoire en fait, mais bon voilà, ils ont vite rectifié. (Elle me montre un plan) Voilà, ça c’est ce qu’on a eu, au départ, on nous a dit : « Ça vous intéresse ou pas ? » _ Ah oui... Sans même un dessin, même d’un intérieur ?

Non non, ça, que ça.

_ C’est bizarre...

Alors pour celui qui sait pas lire un plan...

_ Oui faut arriver à se représenter ce que ça va donner quand même... D’accord. Et est-ce que vous aviez des craintes, du fait que c’est un immeuble en bois, par apport au risque d’incendie ? Non pas du tout. Je me suis dit que s’ils le font c’est que c’est étudié hein, alors bon la paille et le bois c’est sur ça flambe bien, mais non je pense que c’est étudié... Non moi je trouve ça bien, c’est hyper écologique, c’est ça que j’ai regardé en fait. _ Oui, surtout que le bois vient des forets qu’il y a autour quoi finalement...

Ouais ouais...

_ Bon, et bien c’est super... Oui donc vous envisagez de rester longtemps ici ? Ah oui je déménage plus, j’ai déménagé deux fois en douze mois de temps, je bouge plus, je m’y sens bien donc... Même mon fils hein, ou on était rue de la Bolle il aimait pas trop, je m’étais acheté un bombe lacrymo hein, parce que la rue là-haut c’est une rue mal famée aussi... Mais sans regrets. Puis il est beau, c’est super beau... Alors par contre bon les murs, pas ceux en bois les autres, c’est des murs en cartons hein, vous frottez le sac dessus et il y a une trace... Ils ont mis une seule couche de peinture à l’eau, parce qu’ils ont plus le d0orit de mettre euh... enfin ils sont obligés de mettre de la peinture à l’eau, donc ben ça tient pas quoi. _ D’accord... Mais sinon c’est bien conçu hein, ils ont prévu des placards, très pratiques... C’est vachement bien, pour les chaussures, pour les manteaux... _ Oui, mis à part le manque de lumière dans l’entrée... Ah oui, mais ça c’est à cause de la porte d’entrée, mais en fait ils avaient mis une première porte et ils en ont mis une deuxième, pour isoler, sachant que c’est du triple vitrage qu’on a, sur la fenêtre du séjour, et quand c’est fermé on entend rien du tout. _ D’accord, même là quand c’est ouvert on n’entend pas trop je trouve...

ANNEXE DU MEMOIRE - 171


Oui oui, mais on est quand même en ville hein, ça circule, c’est une rue qui est très passante en fait.

_ D’accord, bon et bien je vous remercie, je pense que ça devrait aller.

Mais je vous en prie.

_ Au revoir. Entretien 03 : Sylvie, 36 ans, mère célibataire, serveuse dans un bar, habite dans la résidence avec sa fille de quinze ans. Habite dans le petit bâtiment au premier étage. _ Donc comment est-ce que vous êtes venue à habiter dans cet immeuble en fait ? Ou est-ce que vous habitiez avant... ? On était dans une maison mitoyenne, et puis ça me plaisait pas forcément et puis j’ai vu les logements là et voilà, j’ai fait une demande sans être sûre que ça allait fonctionner quoi, et puis finalement ça a marché. _ D’accord. Et qu’est-ce qui vous a motivée dans cet immeuble-là ? Est-ce que c’est le fait qu’il soit en bois ou pas du tout ?

Si, ah si si, c’est quand même agréable d’avoir du bois hein...

_ D’accord, ouais ça a compté dans la décision...

Puis c’est des beaux logements aussi, ils sont spacieux et tout.

_ Et au départ vous saviez à quoi ça allait ressembler ou ?

Ben il y avait des photos quand même hein.

_ D’accord, donc avant vous habitiez dans une maison plutôt en béton...

En béton ouais.

_ Et vous ressentez des différences avec le fait que maintenant c’est en bois ou... ? Ben c’est plus chaleureux et puis c’est moins humide j’ai l’impression, après j’en sais rien si c’est une idée que je me fais mais... C’est clair que c’est moins froid que là où j’habitais avant. Puis c’était terne et tout puis là c’est bien lumineux, c’est aussi ça que j’aime bien. _ D’accord. Et c’est avantageux en terme de facture de chauffage aussi ?

Aussi ouais, ça c’est sur...

_ Ça vous a motivée ça aussi ?

Oui ah oui, les charges c’est...

_ Et est-ce que vous envisagez de rester longtemps ici ou est-ce que c’est qu’une étape ce logement ?

Pour l’instant j’ai pas envie de changer, je m’y sens bien donc...

172 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


_ Et le fait que le bois soit présent dans les pièces ça vous plait ou... ?

Moi j’aime bien, si y pouvait y en avoir partout ça serait mieux (rires).

_ Ah oui ? D’accord.

Si c’est vrai...

_ Et est-ce que vous avez conscience de faire partie d’une démarche un peu commune, un peu écologique avec les autres habitants de l’immeuble, ou pas du tout ? mais...

Non, pourtant apparemment il y a quelque chose mais... Peut-être les panneaux là-haut qui font que

_ D’accord, c’est pas quelque chose que vous ressentez ?

Non, non.

_ D’accord. Est-ce que vous trouvez votre immeuble joli ? Ouais, ils sont plutôt beaux, mais l’autre moins, il est trop grand, j’aime moins. Et puis les grillages là, ça fait un peu Prison Break... Sinon le reste ça va. _ Ok, est-ce que vous voyez des défauts à votre logement ?

Oui, ben des défauts c’est le bois qui tombe...

_ Qui tombe ? Il y a des... enfin on sent que ça s’affaisse un peu à des endroits, ça travaille, et puis sinon il y a aussi, ouais de la colle, des traces de colle un peu partout... _ Et au niveau de l’acoustique avec les logements voisins ?

Ah par contre ça raisonne beaucoup...

_ Ouais ? Ah oui... on entend les voisins, ils marchent en dessous on a l’impression qu’il y a des éléphants... On croirait même qu’ils sont au-dessus et ils sont en dessous... _ Ah oui... D’accord. Et est-ce que vous aviez ou avez des craintes par rapport au risque d’incendie vu que c’est un immeuble en bois, est-ce que ça vous a fait peur à un moment donné ou ? Apparemment ils disaient que c’était bien compact et que ça brulait moins vite qu’un bâtiment en béton donc... _ On vous a informés là-dessus quand même...

Ouais ouais.

ANNEXE DU MEMOIRE - 173


_ Ok, bon et bien c’est super, merci d’avoir répond à mes questions.

De rien.

Entretien 04 : Martine, 45 ans, divorcée, travaille comme conseillère développement durable dans une agence, vit seule avec son fils de 18 ans dans l’appartement. _ Bien j’ai quelques questions…

Et bien allons-y, allons-y gaiement !

_ Vous pouvez m’expliquer un petit peu où est-ce que vous habitiez avant ? Est-ce que c’était dans un immeuble ou... Et ben mon propriétaire bailleur était une autre régie, ici c’est le toit vosgien et mon ancien propriétaire c’était le vosgélis. _ C’était dans le quartier ?

C’était a quelques rues d’ici.

_ Est-ce que le bois à compté pour vous dans la décision d’habiter ici ou pas du tout ? Heu oui, tout ce qui a compté c’est la nouvelle technologie oui. Tout... tout ce qui peut faire des économies sur les factures. _ Ouais c’est surtout ça … Oui voilà c’est surtout ça. Après la conception bois, bon, j’en avais entendu parler mais pour moi c’était pas une évidence . _ D’accord , Pourquoi ? Ben parce que… On avait du mal à se projeter … Du bois pour moi... Je le voyais pas comme ça en fait. Après, en sachant qu’on a quand même des panneaux où il y a du blanc et il y a du bois, donc ça atténue, c’est pas étouffant, parce que le « tout bois », c’est lourd... _ Oui c’est trop ?

Oui c’est lourd, faut aimer quoi... Que là c’est vraiment clair, et c’est bien !

_ Le logement vous plaît donc ? Oh oui ! Je changerais plus ! Mon ancien appartement faisait 79m², là j’ai 100m² avec des grands espaces. J’ai moins de portes, j’ai une grande baie vitrée qui fait 4 mètres, donc euh... voilà. On a une fenêtre dans chaque chambre, c’est très bien avec des volets électriques donc ça c’est le top du top. On a aussi l’ascenseur, quand il fonctionne pas, il produit de l’eau chaude. L’énergie qui n’est pas consommée pour l’ascenseur est retransformée en eau chaude. On a les panneaux solaires là-haut qui produisent de l’eau chaude sanitaire, on a la géothermie, et normalement au mois ça devrait nous coûter 7 euros de chauffage. _ Oui c’est ce qu’on m’a dit oui , c’est très avantageux...

174 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


Et là sans chauffage j’ai 25 (rires), j’en peux plus là c’est bon !

_ En été c’est peut-être un peu trop chaud même ?

Ben c’est 28 … 28 ici , bon voilà je veux dire après il y a toujours moyen de tempérer...

_ Donc vous vous sentez bien là ?

Franchement oui, vraiment.

_ C’est un logement où vous voulez rester vraiment longtemps ou c’est qu’une étape ?

Non, non normalement je reste, mourir je sais pas mais bon…

_ Et là où vous étiez avant c’était du béton, c’était pas en bois ? Oui c’était du béton, c’était très mal isolé, J’avais des fissures partout, les fenêtres qui étaient en PVC et qui ressortaient, qui faisaient passer l’air... L’hiver c’était très très froid. _ Donc vous sentez une différence suite au passage dans un cadre comme ça ? Oh oui, oui ! Même les fenêtres, apparemment on est pas beaucoup en France à avoir ce type de fenêtres. _ Ah ? C’est du triple vitrage ? Quadruple je crois. En fait, il suffit de mettre un briquet et on nombre de flammes on sait combien il y a de… de... de double vitrage, triple ou quadruple. _ Hum je connais pas du tout… Apparemment c’est du triple vitrage là-haut et demain je vois le maître d’ouvrage... En fait c’est le spécialiste des fenêtres qui me l’a dit, normalement on met son briquet là et vu la flamme on compte le nombre de flammes s’il y en a 4 c’est qu’il y a 4 vitres. Elles emmagasinent le chaud et l’hiver elles redistribuent le chaud . Enfin c’est un système comme ça. _ D’accord, et donc le fait qu’on voit le bois à l’intérieur de l’appartement ça vous gêne pas ?

Non non pas du tout

_ C’est plutôt bien ? Oui tout a fait et puis vous savez ça n’a rien a voir avec l’ancien appartement, on rentre dans du neuf aussi ! Ça c’est un avantage, c’est pas donné à tout le monde on est quand même privilégiés. _ Oui… C’est le premier bâtiment en France, ils sont trois au monde à être construits : il y en a un en Norvège, le 2eme est en Angleterre et le 3eme unique en France c’est celui-là. _ C’est le plus haut actuellement celui-ci...

ANNEXE DU MEMOIRE - 175


Oui c’est le plus haut.

_ Ils prévoient d’en construire d’autres … Sur une autre zone ouais... Ils seront axés à la copropriété.... Mais quand on voit le caisson là au niveau de l’isolation je peux vous dire hein c’est balèze. Je sais pas si vous avez vu la découpe ? _ Oui, oui oui je l’ai vue...

Vous êtes allé directement au toit vosgien ?

_ J’y vais demain justement.

D’accord, parce qu’ils ont le plan et tout, franchement vous verrez c’est intéressant et tout…

_ Oui, j’ai commencé à m’intéresser un peu à des vidéos qu’on peut voir sur internet tout ça.. Et sur le site du toit vosgien vous avez la construction, heu c’est pris de là-bas dans la rue et on voit quand ils posent l’espèce d’aluminium. Le bâtiment est pas fini et on voit quand ils commencent à procéder aux... c’est énorme hein. Et on voit les vidéos effectivement sur le journal de TF1 je crois. _ Oui voilà il y a un reportage... Du coup dans votre immeuble est-ce que vous avez conscience de faire partie d’une démarche écologique avec l’ensemble des locataires ? Ah oui... Enfin moi personnellement oui puisque dans mon job j’ai travaillé dans l’écologie donc je sais de quoi je parle donc quand vous me parlez de l’ECS je sais ce que c’est ça veut dire « eau chaude sanitaire », la géothermie je sais que c’est dans le sol où ça se creuse, la pompe à chaleur je sais comment elle fonctionne... Voilà donc moi issue des énergies renouvelables je suis vachement concernée effectivement. Après les autres personnes ben je peux pas parler pour elles. _ Vous avez peut-être un sentiment de fierté aussi ?

Ah oui !! Ah ouais ouais, surtout quand on est touché par l’écologie comme c’était dans mon job...

_ C’est pas le cas de tout le monde mais c’est vrai qu’en faisant le tour de tout le monde c’est quand même quelque chose qui ressort ce sentiment d’être fier d’habiter dans un immeuble comme ça... Oui et c’est une fierté parce qu’en fait, on est les premiers, c’est innovant on a jamais connu ça et en plus c’est du neuf... il y a eu personne qui … enfin je veux dire on a ce privilège, il y a personne qui a eu ce droit ! _ Oui et puis il y a eu beaucoup de demandes je crois… Oh oui , bon il y a eu beaucoup de demandes mais après il y a eu des personnes qui ont été obligées de refuser l’appartement parce qu’elles avaient un pacemaker à cause des plaques à induction... oui parce que voilà les plaques à induction sont fournies avec hein donc telle que la haute , la plaque et le four. Donc c’est tout l’équipement donc c’est bien ! Et tous les appartements sont conçus de la même façon, avec les même supports là-haut et le plan de travail avec les pieds, bref on a tous les même. _ Ok, et est-ce que vous trouvez votre immeuble joli ? Oui...

176 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


_ Pourquoi ? Pourquoi ? Ben parce qu’il y a de l’espace, pour moi il est bien, Il y a de la clarté, il y a de la lumière, il est lumineux... Il est bien exposé, attendez il est plein Sud ! Le seul truc qu’il fait c’est qu’il fait mourir mes plantes... _ Ah bon ?

Ah oui ! Ben plein Sud, c’est trop chaud... Mais non franchement il est bien.

_ Et est-ce que vous trouveriez des défauts à votre logement ? Oui, il est pas assez insonorisé. Je suis en bagarre avec mon voisin du dessus... Après c’est une question d’éducation, il y a des gens qui savent vivre en communauté et d’autres non. Donc moi mon soucis actuel ça fait quelques mois que ça dure, c’est que mes voisins ont deux enfants en bas âge et ils comprennent pas que à un moment il faut les coucher... des mômes de trois ans et demi à une heure du matin ils ont rien a faire en train de courir là-dedans quoi… Moi je vis ça toutes les nuits… donc c’est juste plus possible... _ C’est que le bois est pas... C’est surtout que ben moi j’entends mais la voisine m’entend pas hein… Alors moi ma voisine du bas ne m’entend pas puisque vous avez vu on marche normalement, enfin voilà il y a une certaine correction et même quand je suis sur mon balcon ma voisine m’entend pas alors que moi je vis chez mon voisin du dessus… _ Ah oui d’accord... Quand ils ont du monde et tout ça c’est infernal... Voilà moi j’ai juste ce soucis-là après je peux pas parler pour les autres mais bon il y a une certaine correction. Pour autant je ne déménagerais pas enfin je vous demanderais de la discrétion la dessus mais le nécessaire est fait enfin est en train de se faire. _ D’accord, et juste j’ai entendu aussi qu’ au niveau des plaques des balcons… Ah oui , ben ça c’est vrai les interstices… Quand on mange tout tombe dessous enfin moi pour l’instant j’ai mis une bâche mais l’année prochaine je pense acheter du faux gazon et je vais recouvrir tout le balcon comme ça… Mais bon moi je fais ce qu’il faut pour pas gêner ma voisine en dessous… Par contre moi on me fait rien … Regardez mon parasol j’ai reçu de l’huile chaude dessus, je reçois des crachats, des mégots de cigarette, des jouets... Qu’est-ce que j’ai reçu encore… ah oui, elle a explosé un verre et j’ai reçu des bouts dans la figure donc j’ai eu tout plein de micro-coupures… donc c’est pas top. _ De l’autre coté j’ai vu qu’il y avait des plaques en fait… Oui, ben apparemment c’est par rapport au feu pour que si jamais il y a le feu que ça ne se propage pas voilà c’est juste pour ça qu’il y a les interstices. Mais bon voilà après c’est à chacun de faire attention aussi je veux dire je sais que là où on mange ou alors où je bois mon café etc je… J’ai fait ce qu’il fallait... _ Oui d’ailleurs j’ai vu plusieurs dispositifs comme ça de faux gazon... De faux gazon oui, ben moi j’attendrais qu’ils refassent un peu de la promo mais ça c’est sûr que effectivement je ferais ce qu’il faut. Après c’est être en harmonie avec ses voisins… de se faire le plus discret possible parce que mes voisins ne vivent pas chez moi et moi j’ai pas à vivre avec eux non plus. _ Et par rapport au risque d’incendie, est-ce que ça vous a fait peur a un moment ?

Heu non franchement non c’est ce qui nous a… En plus on a l’alarme… Non mais vraiment il est

ANNEXE DU MEMOIRE - 177


vraiment au dernier cri… _ Oui il est très récent… Ah ben oui nous on l’a eu livré en main le 1er janvier enfin on a eu les clés le 2 on a habité le 3. Il n’y a pas de gaz, alors vraiment ce qui me ravie dans cet appartement c’est qu’il n’y a pas de radiateur, il n’y a pas de place perdue, il y a pas de tuyaux et je supporte plus les tuyaux, il n’y a pas énormément de portes… Il y a de la place, on peut bouger on est pas étouffés, on a une certaine liberté... Non mais voilà je veux dire il y a que des avantages ! Bon ce store là c’est moi qui l’ai mis mais chacun pouvait y mettre ce qu’il voulait. Non moi je suis vachement bien quoi ça c’est clair ! On a également des prises internet obligatoires à la cuisine... _ Ah oui ? C’est obligatoire donc voilà tout ce qui est obligatoire on les as. On a le double flux. Alors ça fonctionne comme ça : dès l’instant où on est beaucoup dans l’appartement, l’humain enfin la chaleur qu’on dégage est redistribuée dans les autres pièces, alors pas dans les appartements hein mais dans les autres pièces de cet appartement là ça ne sort pas d’ici quoi, si vous cuisinez et que vous utilisez la plaque ou le four c’est pareil, c’est retransformé en chaleur. Pour l’eau on a également le système de filtres aussi... ah non mais il est très bien ! _ Oui c’est bien... Et puis franchement on a quand même eu quelqu’un aussi qui maîtrisais le sujet pour le faire hein je veux dire l’architecte il a pas lésiné. _ Justement je vais le voir jeudi.

C’est monsieur Pagnoux que vous allez voir ?

_ Oui c’est lui.

Oui c’est bien hein, ça vaut vraiment le coup ! Et comment vous avez connu notre bâtiment alors ?

_ Ben je dois avouer qu’en regardant le sujet sur TF1 ça m’a… en fait on devait choisir un sujet pour le mémoire de fin d’étude et moi je m’intéressais aux logements en bois et quand j’ai vu ce reportage je me suis dit faut aller voir ce bâtiment... Alors je sais pas je suis peut être un des premiers étudiants à venir … Oui vous êtes le premier, mais on reçoit beaucoup de visites, là dernièrement le 6 juillet, on a eu Nadine Morano … Ah oui on a eu quand même pas mal de personnalités, on a eu des gens de ClermontFerrand qui sont venus aussi et d’habitude c’est l’appartement de ma voisine qui est l’appartement témoin et la semaine dernière on était absentes avec mes nièces mais on a eu donc le grand directeur monsieur Gremmel qui est venu et qui a fait visiter notre appartement à d’autres personnes. Après moi je veux dire j’ai rien à cacher mon appartement il est voilà… On a même eu un bus une fois ! Ce qui joue aussi c’est qu’on est pas fumeur donc il n’y a pas cette odeur de tabac a l’intérieur, c’est quand même désagréable... Ah et l’avantage aussi c’est le sol, alors là ils ont fait un truc au taquet ! Il se salit... enfin il se salit pas, il se raye pas , il sèche tout de suite au lavage il y a pas besoin de faire beaucoup d’entretien : un coup de serpillière avec n’importe quel produit de base et ça sèche instantanément ! Ça c’est un truc de malade ! Et ça ne tache pas et c’est bien quoi ! _ Bon et bien ce sera tout pour moi, merci beaucoup.

Mais je vous en prie.

178 - ENTRETIENS RETRANSCRITS - OPERATION DE SAINT-DIE-DES-VOSGES


ANNEXE DU MEMOIRE - 179


Plan étage courant

Coupe figure 83

Plan RDC

FIGURE 82 Plans des niveaux (1:200) Source des documents : Coppe architectes 2m

180 - ELEMENTS GRAPHIQUES - OPERATION DE TOURCOING

4m

6m


FIGURE 83 Coupe (1:100) Source : Coppe architectes

ANNEXE DU MEMOIRE - 181


182 - INTRODUCTION




EXPRIMER L’ENVELOPPE FINE INTERROGER LE RAPPORT ENTRE LE FAIRE ET LE CONCEVOIR

COMPLÉMENT MENTION RECHERCHE

ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE CLERMONT-FERRAND DOMAINE D’ÉTUDES ECO-CONCEPTION DES TERRITOIRES ET ESPACES HABITÉS - 2014-2015

INTRODUCTION - 185


186 - INTRODUCTION


SOMMAIRE

Introduction

186

Partie 1 L’enveloppe : entre structure et revêtement 1.1 Caractéristiques physiques de la paroi : constats 1.2 Enjeu n°1 : la disparition de la structure derrière l’enveloppe 1.3 Enjeu n°2 : la finesse des matériaux et l’expression de leur fixation mécanique

194 196 204

Partie 2 Associer le penser et le faire 2.1 L’entreprise Griffet : fonctionnement 2.2 Préparer la rencontre avec le charpentier : définir les intentions 2.3 Retour réflexif sur la rencontre avec l’artisan

212 214 222

Conclusion Bibliographie

230 234

INTRODUCTION - 187


INTRODUCTION

Le mémoire précédant ce travail complémentaire portait sur les immeubles de logements collectifs en structure bois. À partir de trois cas d’étude concrets et de l’analyse du discours des différents acteurs de ces opérations, cette recherche m’a permis de mieux cerner les enjeux de conception relatifs au choix de ce mode constructif. Le plan proposé alors pour répondre à la problématique s’intéressait à trois enjeux majeurs d’une conception raisonnée de tels immeubles : l’aspect environnemental, les questions structurelles, et les enjeux liés à l’image qu’ils renvoient. Dans la perspective d’un apport complémentaire à la recherche initiale poursuivie en mémoire, il m’a paru intéressant de questionner les possibilités d’expression de l’enveloppe « fine », ou « légère », d’un immeuble en structure bois. Par ces termes, il s’agit d’interroger l’aspect composite de ce type de paroi et la façon dont cette caractéristique permet au concepteur de maitriser le dessin du projet. L’enjeu dans ce chapitre complémentaire est de penser l’articulation entre recherche et processus de conception, en prenant comme sujet le cas de l’immeuble en structure bois. J’explore ainsi des problématiques liées au dessin précis des ouvrages projetés, qui intègrent les intentions architecturales, les enjeux techniques et l’aller-retour concevoir/ faire. Ce travail s’effectue par le biais d’échanges avec l’artisan qui réalisera l’ouvrage, et ce dès la phase de conception. La vision de la recherche en architecture du domaine d’étude ETEH met l’accent sur une certaine proximité avec le territoire d’étude choisi pour le travail de projet et de conception, avec une attention particulière aux problématiques de développement local portées par les acteurs que sont principalement les habitants, les élus ou les entreprises. Pour cette année de travail et la construction de notre projet dit « de fin d’études », le territoire exploré concerne la ville de Gannat, une petite agglomération de six mille habitants aux portes de l’Allier. L’élaboration du projet à l’échelle de la ville s’est d’abord effectuée par une phase d’analyse et de formalisation d’un propos urbain fédérateur. Pour ma part le projet a consisté en une requalification de deux cours d’eau qui serpentent dans Gannat, l’Andelot et le Sigillon. Il s’est agit de les considérer comme nouvel axe de développement, alternatif à l’axe routier historique Nord/Sud. L’objectif est de réinterroger leur pouvoir structurant au niveau de la charpente urbaine.

188 - INTRODUCTION


L’exploration à l’échelle architecturale constitue un fragment détaillé de l’intervention urbaine, en requalifiant l’espace public et en interrogeant la question de l’habitat collectif au cœur de la ville. L’ensemble de la réflexion envisage l’échéance 2035 voire au-delà, et la première phase qui suit celle de la requalification du cours d’eau consiste en un projet d’espace public à la dimension de Gannat. Corrélé à cette intervention, à l’échelle de la charpente urbaine, un projet d’habitat groupé est envisagé sous la forme d’un immeuble de logements collectif. Ce premier édifice est constitué de sept logements, et sa structure primaire est majoritairement à base de bois. Ce choix découle directement de mes convictions architecturales, et s’inscrit dans l’optique de réduire l’impact environnemental de l’opération en valorisant d’abord les ressources et les savoir-faire locaux. Mon objectif est également de poursuivre la recherche initiée en phase 1 du mémoire, qui vise à déterminer en quoi l’utilisation du bois pour la structure de l’immeuble peut être bénéfique pour les habitants et le projet. Cette démarche me permet donc également de mettre à profit mes connaissances, récemment acquises avec ce travail de recherche.

FIGURE 1 Carte illustrant l’emprise du projet urbain développé au semestre précédent sur la ville de Gannat (03) On distingue, en bleu, le tracé du Sigillon, cours d’eau passé dans l’oubli et support de l’intervention urbaine. Les tiretés rouges figurent le site de projet à l’échelle architecturale. Source : document de ma propre production, réalisé en Janvier 2015

Le principe de l’ancrage territorial porté au sein de notre domaine se traduit dans le processus de projet que l’on développe. Ainsi, le discours architectural élaboré dans la phase de conception du projet intègre cette attention au site retenu. Le projet n’est pas pensé « hors-sol », mais fondé sur le lien entre les formes projetées et le territoire, physique, matériel, environnemental et humain. Comme pour la phase 1 du mémoire, la méthode développée ici consiste en l’arpentage et l’analyse du territoire d’étude. Il s’agit de l’interroger par le biais de ses usagers, qu’ils soient habitants, artisans, commerçants, agriculteurs, élus... L’objectif est de révéler ce qui fait l’identité de ce fragment de territoire, afin de s’en saisir pour ancrer notre projet et développer une hypothèse de travail valide et pertinente.

INTRODUCTION - 189


FIGURE 2 Plan de situation du projet à la phase post intervention urbaine (le temps 2 du phasage), et en regard des infrastructures existantes ou projetées à proximité du site Un soin particulier a été donné à l’intégration du bâtiment et de ses futurs habitants dans le site, dans la continuité du projet urbain initié au semestre 9. Source : document de ma propre production, réalisé en Mars 2015

C’est ainsi que dans une même mesure une attention particulière est conférée à la dimension temporelle et au phasage des projets dans le temps. La tendance aux économies de moyens et le fait d’intervenir en milieu semirural invite en effet à proposer le déploiement d’une stratégie échelonnée dans la durée, pouvant ainsi d’adapter aux aléas et aux opportunités financières et urbaines. La finalité est d’apporter aux élus gannatois des pistes de stratégies abordables pour Gannat sur le moyen et le long terme. La stratégie spatiale développée pour le projet d’habitat collectif envisagé s’appuie sur le résultat du projet urbain, dont le point de départ est la requalification du parcours des berges du Sigillon. La mise en place d’un maillage de cheminements doux perpendiculairement au tracé du cours d’eau, et la valorisation des chemins existants (en jaune sur le plan ci-dessus), a permis d’intégrer le projet d’habitat groupé au sein d’un vaste domaine piéton. Celui-ci est directement connecté aux équipements et aux infrastructures préexistantes, comme le stade de Rugby Roger Muyard, les écoles primaires et maternelles, la maison de retraite, le jardin Delarue mais aussi le centre-ville de Gannat. La prise en compte du facteur temps dans le projet s’effectue par une logique d’opportunités, notamment en terme de possibilités foncières, que la ville pourra saisir à l’avenir. C’est ainsi que je me suis efforcé de développer une stratégie « additionnelle » : chaque fragment ajouté vise à mettre en valeur

190 - INTRODUCTION


les précédents ou à profiter de ce que ces derniers ont mis en place pour qu’il puisse exister. L’objectif est de rechercher une cohérence globale pour le terme du processus, qui questionne également l’après 2035. L’idée est de montrer en quoi une attention à un contexte donné peut faire surgir de l’architecture. Le projet est donc un mélange entre des convictions et références personnelles, et ce contexte précis, spécifique.

FIGURE 3 Photos de la maquette d’étude du projet sur Gannat, éch. 1:200 Source des images : photos personnelles (Mars 2015)

INTRODUCTION - 191


FIGURE 4 Plans successifs à différents stades d’intervention du projet dans le temps, éch. 1:2000 Tn : Après la requalification des berges du Sigillon et la mise en place des cheminements doux la promenade le long des berges est élargie.

Tn+1 : L’ancien abattoir aujourd’hui en ruine est déconstruit, et le projet d’habitat groupé est réalisé, il s’accompagne d’un nouvel élargissement de la promenade piétonne publique.

Tn + 2 : La présence des deux maisons pavillonnaires résultantes est questionnée, du fait qu’elles tournent le dos à la rivière et qu’il serait logique de lier les deux premières interventions. Un deuxième projet d’habitat groupé ? Source : documents de ma propre production réalisés en Avril 2015

192 - INTRODUCTION


Plus particulièrement, dans cette recherche complémentaire il s’agit de porter attention aux rapports que peuvent entretenir la personne chargée de concevoir l’enveloppe, par le dessin, et celle chargée de la fabriquer, par son savoir-faire. C’est ainsi que, afin de mobiliser les compétences du territoire pour le projet comme si j’étais en conditions réelles, j’ai pris l’initiative de contacter l’unique charpentier de Gannat, l’entreprise Griffet. C’est afin de comprendre son fonctionnement, et parce que c’est cette entreprise qui pourrait être en capacité de participer à la construction du projet s’il se réalisait, que je l’ai choisie. Dans ce travail, il s’agit donc pour moi de questionner les relations entre les acteurs du projet en faisant le choix d’impliquer celui-ci en amont de la conception, et non après coup comme c’est majoritairement le cas dans la réalité. Cette prise de position sur le déroulement du processus de conception doit me permettre de saisir et de mettre à jour les enjeux entre le concepteur et l’artisan, en sollicitant ses compétences dès les premières esquisses. En quoi le regard de l’entreprise sur le travail du concepteur peut-il être bénéfique pour le projet ? Etapes de la recherche La première partie de cet approfondissement s’intéressera à mettre en perspective certains enjeux de conception que j’ai rencontrés dans le travail de projet, en particulier sur la question de l’expression tectonique de la façade, à travers le type d’enveloppe « fine » ou « légère » qui se développe aujourd’hui. Pour ce faire, il s’agira de cadrer la réflexion en dressant un constat sur trois des caractéristiques physiques de la paroi contemporaine. La deuxième partie sera plutôt axée sur le terrain et le projet que je développe à Gannat, avec au centre de la réflexion le suivi de la conception plus ou moins détaillée de l’ouvrage. Après une présentation du fonctionnement de l’entreprise Griffet, nous nous intéresserons à l’influence de cette dernière sur le dessin de quelques détails particuliers du projet. Nous chercherons ainsi à expliciter les relations concepteur-fabriquant, ou architecte-artisan.

INTRODUCTION - 193


PARTIE 1 L’ENVELOPPE : ENTRE STRUCTURE ET REVÊTEMENT

Il me semble important dans un premier temps de poser la question de l’enveloppe de la structure dans un cadre plus théorique afin, comme je l’ai fait pour le travail de mémoire, de mieux définir ma position et de fixer certains repères.

Notes 1. Un mur à ossature bois, par exemple, est environ cinq fois moins lourd qu’un même mur en béton armé. Source : www.astrosurf. com/luxorion/Physique/ masse-volumique-densitemateriaux.pdf 2. Un pont thermique correspond à la conduction de température (chaude ou froide) d’un matériau ou de l’assemblage de plusieurs matériaux depuis l’extérieur jusqu’à l’intérieur d’un bâtiment. Il constitue donc une faiblesse d’isolation thermique.

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Il convient d’abord de clarifier ce que j’entends par « enveloppe fine », expression qui fait l’objet de la présente recherche. D’abord, pourquoi parler d’enveloppe fine, alors que celle-ci tend en réalité à être de plus en plus épaisse au fil de l’augmentation des exigences thermiques ? Comme évoqué dans le corps du mémoire, à l’heure actuelle l’épaisseur des façades tend à aller croissant. Les immeubles en bois suivent cette logique, comme nous avons pu le voir précédemment avec les opérations de Saint-Dié et de Tourcoing. La notion de finesse se mesure donc ici à travers la composition de la paroi, par son absence de massivité, voire sa relative légèreté1. Si l’on tisse des liens avec les structures en bois, il est également possible d’aborder la question de la finesse par deux facteurs. La légèreté, et la finesse réelle des éléments ou matériaux de construction qui constituent l’enveloppe, sont offertes grâce aux techniques de construction récentes. Caractéristiques physiques de la paroi : constats Afin de mieux cerner les enjeux de conception que l’on peut rencontrer en travaillant sur le type d’enveloppe du projet, il est possible de partir d’un constat porté sur ses caractéristiques physiques. En premier lieu, dans les projets contemporains ce que l’on voit de la paroi est de plus en plus rarement ce qui porte les charges de l’édifice. En effet, comme évoqué précédemment, les exigences thermiques augmentent ce qui tend à réduire les possibilités d’expression directe de la structure porteuse des bâtiments. Isoler intégralement par l’extérieur permet de supprimer les ponts thermiques2, principale cause de déperdition énergétique, mais supprime de fait la lecture directe de la structure en façade. Il est ensuite du ressort de l’architecte d’assumer ou de lutter contre la disparition de la structure derrière l’enveloppe, en fonction de ses convictions personnelles et en travaillant soit sur des problématiques de dissimulation, ou au contraire de simulation des lignes constructives.


Ensuite, il est intéressant de constater que la paroi contemporaine est composée d’une superposition de plusieurs matériaux, souvent légers et hétérogènes. Elle n’est donc jamais réellement monolithique. Cette évolution progressive vers la légèreté survient dans le courant du XXème siècle, suite à la nécessité de reconstruire le pays. En effet, dans une optique de recherche d’économies et de réduction des délais, les constructeurs, les architectes et les ingénieurs ont été incités à développer et employer de nouveaux matériaux. C’est par le biais de concours, organisés par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme à partir des années 1940, que va découler tout un ensemble de procédés industriels de construction innovants. La diminution des délais et des coûts s’obtient souvent par la préfabrication d’éléments de murs ou de parois, qui tendent à être constitués par addition de petits éléments volontairement allégés (briques creuses, parpaings alvéolés...). C’est ainsi que dans la deuxième moitié des années 1950 apparaissent des « panneaux légers » censés se loger dans le cadre d’une ossature en béton. Ils sont formés d’un cadre en métal ou en bois, à l’intérieur duquel sont assemblées les parties ouvrantes et fixes. FIGURE 5 A gauche, coupe sur les panneaux Dietrich en tôle d’aluminium et okoumé, utilisés par Marcel Lods à la cité des Grandes Terres à Marly (195558). A droite panneaux de bois « bakélisés » BSM mis en oeuvre à la cité des Buffets construite par Guy Lagneau (1958-1959). Source : LAMBERT (Guy.) et NÈGRE (Valérie), Ensembles urbains, 1940-1977. Les ressorts de l’innovation constructive, 2009, p.50

PARTIE 1 - L’ENVELOPPE : ENTRE STRUCTURE ET REVÊTEMENT - 195


Parallèlement, un même procédé se développe pour des éléments en béton et de plus grande dimension, à l’époque de la « préfabrication lourde » (procédés Mopin, Barets, ou Camus...). Les panneaux de façade intègrent souvent un parement extérieur, masquant le béton, et une isolation intérieure. C’est donc bien la volonté d’améliorer les performances thermiques de l’enveloppe qui développe cette logique de feuilletage de la paroi. Enfin, un dernier constat fondateur pourrait être que les matériaux apparents qui composent les façades contemporaines sont souvent d’une épaisseur minime. En effet, qu’il s’agisse de plaques de métal, de panneaux de verre, de panneaux supports d’enduits, de panneaux de fibrociment, de plaques de tôle ondulée, de films plastique ou de bardages bois, l’épaisseur de ces revêtements excède rarement trois centimètres. Leur nature est révélée par leur mise en oeuvre en tant que bardages, et ils sont souvent ventilés en face intérieure pour éviter les phénomènes de condensation et de surchauffe3. Ils font partie intégrante des projets à façades « feuilletées ».

Enjeu n°1 : la disparition de la structure derrière l’enveloppe Notes 3. Cela découle en partie des règles de construction et des typologies de paroi que ces façades définissent. 4.VON MEISS (Pierre), Corps et (re)vêtements, in EAV La revue de l’école d’architecture de Versailles, n°7, 2001 5. SEMPER (Gottfried), Der Stil, Friedrich Bruckmann’s Verlag, Munich, 1863 6. VIOLLET-LE-DUC (Eugène), Entretiens sur l’architecture, Q. Morel et cie, Paris, 1863

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Quelle expression tectonique donner à la façade à l’échelle de son ensemble, entre vérité constructive, dissimulation et simulation ? Evoquer des questions relatives à l’enveloppe, c’est forcément se poser la question du revêtement de la structure. Dans son article Corps et (re) vêtements4, Pierre von Meiss distingue deux façons d’envisager son expression et les conséquences sur l’image renvoyée : soit le matériau de construction est laissé apparent, soit au contraire il est recouvert d’une couche d’une autre nature, masquant la réalité constructive. Ces deux « stratégies de la nudité » sont principalement issues de deux courants de pensée sur la différentiation théorique et la hiérarchisation entre structure et revêtement. Ces courants prennent naissance vers le milieu du 19ème siècle, avec deux considérations différentes de ce rapport, d’un côté Gottfried Semper, initiant dans Der Stil5 (1860 et 1863) l’idée de transfiguration de la structure et des matériaux de construction par le revêtement, et de l’autre Viollet-le-Duc, qui dans Entretiens sur l’architecture (1863)6 évoque une ligne théorique axée sur l’idée d’une correspondance directe entre structure et forme architecturale.


Dans Der Stil, Gottfried Semper construit sa théorie sur l’idée que « tous les arts, y compris l’architecture, viennent de l’art textile ». Il distingue ainsi la structure de ce qui clos l’espace, en remplaçant le modèle théorique de la cabane primitive par un autre, reniant l’ordre, en évoquant l’origine textile de la paroi. Il base cette théorie sur le mythe de la cabane des Caraïbes, suite à l’exposition universelle de 1851 à Londres à laquelle il assiste. Par la suite, il s’intéresse à l’antagonisme du mur et de la colonne, en insistant sur son importance historique. Le mur peut en effet avoir deux rôles en même temps, l’un structurel et l’autre de clôture spatiale, tandis que la colonne n’exprime qu’un rôle porteur7. Sa dématérialisation engendre, par le revêtement, « une annulation de la réalité constructive du support », en dissimulant la structure, et permet par cette autonomie une grande liberté d’expression. Revêtir le support permet en outre de poser la question de l’ornementation, qui peut ainsi s’affranchir de la rigueur de la structure. Gottfried Semper est le premier à avoir séparé « l’enveloppe qui entoure de la structure qui porte ».

Notes 7. Il est intéressant de constater que les parois en murs à ossature bois reprennent cet antagonisme. Ce type de séparation peut, ou non, assumer un rôle de clôture spatiale tout en faisant office de structure porteuse sans réelle modification de sa forme. 8. GARGIANI (Roberto) et FANELLI (Giovanni), Histoire de l’architecture moderne, Structure et revêtement, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008, p.32

Un exemple d’application de cette théorie pourrait être certains gratte-ciels conçus par Louis Henri Sullivan à Chicago à la fin du XXème siècle. En effet, les revêtements et les ornements de façade sont exprimés en rapport plus ou moins direct avec la structure verticale et horizontale. Sullivan conçoit ainsi le revêtement à l’image des théories de Gottfried Semper, en tendant à « reconnaître une marge d’autonomie réciproque entre structure et ornement »8. FIGURE 6 Vues d’ensemble du Wainwright Building (1891) et du Guaranty Building (1894 - 1896) Ces deux bâtiments expriment le renoncement de Sullivan au principe de la vérité de la structure. Une valeur prioritaire est ainsi accordée à la définition du caractère de l’édifice. Source : GARGIANI (Roberto) et FANELLI (Giovanni), Histoire de l’architecture moderne, Structure et revêtement, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008 et www.commons. wikimedia.org

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Pour compléter l’exemple précédent, en voici un autre qui imite une expression structurelle qui n’existe pas réellement. Il s’agit du palais Rucellai, situé à Florence et conçu par Leon Battista Alberti entre 1446 et 1451. Sa structure est un mur de maçonnerie en pierres de taille, alors que l’expression structurelle recherchée par Alberti est celle de pilastres et d’entablement, la maçonnerie apparaissant comme un simple remplissage. Il s’agit ici d’un travestissement de la vérité structurelle de l’édifice, cette fable est assumée par l’architecte, qui laisse apparaitre les joints sur les pilastres (qui ne sont donc pas des éléments monolithes et autonomes structurellement). Néanmoins, cet exemple est un peu paradoxal dans le corpus exposé ici car il concerne une construction massive.

FIGURE 7 Elévation et coupe du palai Rucellai Les ordres superposés sont exprimés par le revêtement, et non directement par la structure. Source des images : google images

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Plus proche de nous, le recouvrement du support est interprété différemment par Henry Sauvage pour le projet d’immeuble d’habitation « Studio Building » (1925). Le revêtement est vu comme une peau, dont la conception est à l’image d’un vêtement avec une expression d’une nature presque textile.


FIGURE 8 Vue de la façade de l’immeuble d’habitation Studio Building en fin de chantier (cliché anonyme),1926-1927, et vue actuelle Le revêtement de façade joue avec le calepinage des carreaux à relief en grès émaillé tricolores pour évoquer un motif textile. Le motif reprend des proportions similaires à celles d’un appareillage de brique, mais à une échelle différente et avec une orientation ne laissant aucune ambiguïté sur la nature non portante de cet assemblage de matériaux. Source des images : www.archiwebture. citechaillot.fr et wikipédia

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Concernant l’interprétation de Viollet-le-Duc sur les questions de revêtement, elle s’avère être tout à fait inverse. En effet, le revêtement n’est plus « une expression autonome de l’enveloppe », mais il entre en confrontation avec la vérité de la structure. Selon Pierre von Meiss, il est « une peau qui adhère et interprète l’ossature ». Parfois appelés les « ossaturistes »9, les architectes adeptes de cette tendance ne sont autres qu’Auguste Perret, ou Anatole de Beaudot. L’apparition généralisée du béton armé au début du XXème siècle a engendré la naissance de bâtiments « décharnés », laissant apparaître directement leur ossature. Un exemple de l’application de cette théorie pourrait être l’immeuble d’habitation rue Franklin (Paris), réalisé en 1903 par les frères Perret. Le revêtement en faïence appliqué sur la façade suit l’ossature en béton armé, dont la disposition permet une lecture de la structure. FIGURE 9 Photos de la façade principale de l’immeuble d’habitation rue Franklin, et détail de la façade Auguste Perret ne respecte pas totalement le dessin de la structure, mais la suit tout de même de près. La structure est exprimée en léger relief par le revêtement de l’enveloppe. Source des images : www.studyblue.com et www.patryst.com

Notes 9. LAPIERRE (Eric) (dir.) « Le béton armé ou l’amnésie constructive et architectonique des architectes », in Identification d’une ville – architectures de Paris, Picard, Paris, 2002, p.260

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Dans un autre registre, l’expression de la tour Croulbarbe dans le 13ème arrondissement de Paris est le reflet direct de sa structure. L’expression conférée à ce bâtiment par les architectes Edouard Albert et Jacques HenriLabourdette est presque littérale de sa construction. En effet, par le passage


devant l’enveloppe, l’exosquelette en métal s’exprime avec un positionnement directement visible en façade. Cette structure porteuse, constituée de tubes d’acier creux remplis de béton, participe à l’expression de l’enveloppe en primant sur le revêtement. De même, l’expression tout aussi directe des dalles de béton armé posées sur les tubes participe pleinement au dessin de la façade. Les interstices, constitués de fenêtres avec allèges translucides, s’effacent également pour privilégier l’expression de la structure.

FIGURE 10 Fragment de la façade de la tour Croulebarbe, Paris,1958 - 1960, et vue rapprochée La structure de la tour, très particulière, a été conçue pour participer à l’image de l’édifice. Source des images : www.astudejaoublie. blogspot.fr

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FIGURE 11 Immeuble Molitor, 19311934, Paris, vue depuis la rue Nungesser et Coli, et vue rapprochée Le poteau central est plus ou moins dissimulé derrière la façade.

En outre, nous avons illustré différents types de positionnements entre structure et enveloppe : la structure devant pour la tour Croulebarbe, en relief pour l’immeuble d’habitation rue Franklin, au même nu que l’enveloppe pour le Palais Ruccelai.

Source des images : www.flickr.com, www. pleasurephoto.files. wordpress.com et www. klatmagazine.com

Le cas où l’enveloppe recouvre la structure réelle reste à analyser. En effet, il est intéressant de constater qu’à matériaux quasi équivalents, l’expression peut être différente entre la structure et l’enveloppe. L’immeuble Molitor rue Nungesser et Coli à Paris, de Le Corbusier, exprime quant à lui la structure poteaux-poutres à travers l’enveloppe, celle-ci étant derrière elle mais néanmoins perceptible à travers le vitrage (quand les rideaux ne sont pas tirés).

Notes 10. GUILLERM (Elise), Archiscopie n° 108, Jean Dubuisson ou l’age d’or du logement, Déc. 2011, p. 21

Enfin, les immeubles de l’ensemble de la Caravelle, à Villeneuve la Garenne, cachent quant à eux totalement la structure par leurs modénatures en façade. Comme on peut le voir sur les photos de chantier, la montée de l’enveloppe, dépourvue de fonction porteuse, vient perturber la stricte rigueur des éléments de structure en béton. La position des baies, au nu de la façade, et leur motif particulier, confère « une abstraction plastique »10 qui participe à la disparition presque totale de l’expression structurelle.

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FIGURE 12 Photos de chantier de l’ensemble de la Caravelle, à Villeneuve la Garenne (1959 - 1977) Progressivement, la montée de l’enveloppe vient dissimuler toute trace de structure en façade. Source des images : GUILLERM (Elise), Jean Dubuisson, Gollion : InfolioParis, Ed. du Patrimoine , 2011

FIGURE 13 Eugène Emmanuel Violletle-Duc (1814-1879), Maison à pans de fer et revêtement de faïence 1871, mine de plomb, plume et aquarelle Source de l’image : www.musee-orsay.fr

En somme, la conclusion que l’on pourrait tirer de cette mise en perspective historique est qu’à partir du moment où structure et enveloppe sont dissociées, c’est dans le positionnement relatif de ces éléments que se joue l’expression tectonique de la façade. La dissociation de l’enveloppe et de la structure est un phénomène qui commence avec les colombages en bois, et qui sont réinterprétés par Viollet-le-Duc dans Entretiens sur l’architecture en 1872 avec notamment la publication d’un dessin pour une maison « à pans de fer ». Cette structure porteuse métallique est exprimée directement en façade d’un immeuble d’habitation, ce qui est très audacieux pour l’époque.

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Enjeu n°2 : la finesse des matériaux et l’expression de leur tectonique

Le deuxième enjeu de conception en lien avec l’enveloppe de l’édifice s’établit avant tout à l’échelle du proche. L’expression tectonique de la paroi est en effet fonction de la finesse relative des matériaux employés, ainsi que de la façon dont est exprimé le mode de jointoiement (plein ou vide), et de fixation de ces derniers. L’enjeu pour déterminer le caractère de la façade est alors pour le concepteur de savoir s’il souhaite assumer ou bien lutter contre cette finesse et cette expression.

FIGURE 14 Vue de la façade sur rue de la maison Bethnal Green, Sergison & Bates architectes Source des images : 2G n°34, Sergison & Bates, p.56 à 59

Sergison et Bates, deux architectes britanniques basés à Londres, ont choisi de résister face à la généralisation de ce qu’ils appellent les murs « multi-couches », engendrés par la perte de savoir-faire et la volonté absolue de toujours réduire les coûts. Leur position vis-à-vis de l’enjeu expressif est claire : ils veulent perpétuer la permanence physique et la sensation d’un poids matériel. Ils déplorent le fait que la « dernière couche » de l’enveloppe soit devenue plus qu’une peau, souvent dominée par le processus de fixation et d’assemblage. De fait, le potentiel des matériaux pour exprimer le caractère extérieur d’un bâtiment est devenu « limité »11. Cependant, ils pensent qu’il est possible d’adapter cette construction multi-couches pour exprimer le caractère structurel, par l’ornementation d’un matériau conférant une unité singulière à une façade faite d’un conglomérat d’éléments. Un exemple d’application de leur positionnement vis-à-vis de cet enjeu pourrait être la maison Bethnal Green, conçue et construite de 2000 à 2004, à Londres. La finesse réelle des matériaux qui composent les façades sur rue et sur cour est exprimée par contraste avec un autre, d’aspect plus massif. Un revêtement de briques est en effet disposé de telle sorte qu’il semble porté par les fines menuiseries, et la sensation de légèreté à l’échelle du proche fait qu’il semble échapper à la gravité. Les menuiseries des baies sont en retrait par rapport à la façade, et les châssis vitrés qui composent l’élévation sont disposés de façon à être dans un seul plan. Ce sont donc leurs menuiseries qui sont exprimées en premier, et comme elles n’ont pas besoin d’être épaisses, c’est leur finesse qui est mise en avant.

Notes 11. 2G n°34, Sergison & Bates, Nexus, Resistance, p.133

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La sensation de légèreté est ainsi conférée par le dessin des éléments qui composent la façade, mais elle l’est aussi par leur nature. Les châssis vitrés (qui ne sont pas des baies) complètent cet effet en reflétant le ciel, et l’expression des niveaux d’étages est confondue dans une bande horizontale


matérialisée par des panneaux de contreplaqué posés en bardage sur l’ossature bois, panneaux dont l’épaisseur semble être la même que celle des menuiseries. Enfin, les seules traces d’éléments de fixation sont de toutes petites vis, très discrètes, qui disparaissent de la vue dès lors que l’on s’éloigne un peu de la façade. Enfin, tous les joints apparents sont pleins : les vides nécessaires à la ventilation du bardage, et qui exprimeraient trop littéralement la logique d’accrochage ou de suspension, sont cachés par des recouvrements (bavettes).

FIGURE 15 Détail et vue de la façade sur cour de la maison Bethnal Green, Sergison & Bates architectes Les menuiseries supportant les pans vitrés fixes sont matérialisées par de fines sections métalliques qui sont à la jonction avec les autres matériaux qui composent la façade. Cette limite, réduite à son minimum, et l’abstraction du mode de fixation des différents éléments sont le reflet des convictions des architectes en terme d’expression de leur architecture. Source des images : 2G n°34, Sergison & Bates, p.56 à 59, Lotus International n°147, 2011, p. 25

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Dans la même volonté de mettre en avant la légèreté des matériaux et l’abstraction de leur mode de fixation, le dojo d’Artenay, conçu en 2001 par Vincent Cornu, est aussi un exemple intéressant. Si la façade montre la structure porteuse du bâtiment, composée de poteaux et de poutres en bois, celle-ci semble s’affranchir de la gravité avec l’expression de sections identiques, aussi bien pour les porteurs horizontaux que verticaux (18x18 cm). FIGURE 16 Façade Ouest du dojo d’Artenay, Vincent Cornu architecte Source des images : Séquence bois n°30, Equipements sportifs, 2000, et photographie personnelle

Les remplissages des interstices de cette structure, des murs à ossature bois, sont revêtus de panneaux de bardage bois-ciment, eux-mêmes pourvus d’une peinture composée à base de chaux. Leur calepinage est effectué par des joints garnis de caoutchouc noir pour l’étanchéité, et dont le rôle architectural est de dissimuler leur épaisseur réelle. Afin que les panneaux apparaissent comme des plaques vissées sur un support, ils ont été fixés par vis à têtes fraisées, et les têtes de celles-ci recouvertes par un enduit affleurant aux plaques. L’effet de pesanteur conféré par la matérialité minérale des panneaux contraste avec les joints noirs et le calepinage abstrait des plaques, évoquant là encore une abstraction de la gravité.

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La volonté d’exprimer la finesse des matériaux de revêtement passe par une grande attention portée à leur assemblage et leur finition, à la façon dont leur légèreté réelle peut être exprimée. L’utilisation de plaques de métal soigneusement disposées, avec une grande attention aux joints, ou le traitement particulier d’un bardage en bois, sont des façons d’assumer cette légèreté. FIGURE 17 Vue de la façade Est du dojo, et détail du système de fixation des panneaux de VIROC (fabriquant) Les fixations des panneaux sont invisibles car elles sont dissimulées derrière eux. Ce système, pourtant validé par le fabriquant, a malheureusement mal supporté l’humidité et a fait éclater les angles de plusieurs plaques. Source des images : photographie personnelle et www.viroc.biz/fr

Ici, tout est exprimé sur le même nu extérieur, que ce soit la structure qui cadre les panneaux (et qui n’a pas disparu, contrairement aux autres exemples) que les jointures. Les joints horizontaux sont plus larges et donc plus présents visuellement, ils forment des assises visuelles sur lesquelles les panneaux semblent s’appuyer. Leur aspaect sombre, les font paraître creux au lointain, et manifestent ainsi le calepinage des panneaux. Au contraire, à l’échelle du proche ils sont visiblement pleins, et participent à définir le plan de la façade.

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Dans un projet de logements en auto-construction assistée à Tilbury, non loin de Londres, les architectes Sergisson et Bates ont là aussi cherché à exprimer le plus directement possible le caractère particulier du même type de panneaux de fibre-ciment. Ils ont ainsi muni les murs porteurs, des murs à ossature bois préfabriqués, d’un « écran pare-pluie » constitué de ces panneaux, laissés à l’état naturel et dont l’intention était de mettre en valeur leurs légères différences d’aspect. L’objectif était de faire en sorte que les panneaux semblent « flotter » en avant du volume principal. Cet effet est obtenu par un jeu de contrastes entre la forte matérialité et minéralité des panneaux, qui les font apparaître plus « pesants ». Afin de maximiser cet effet, ces plaques sont au même nu que les baies, et leur fixation est dissimulée à l’arrière par le biais de tasseaux non visibles. Ce dispositif permet de ne signifier en façade que de fins joints creux ouverts, et ainsi de maximiser le potentiel expressif de ces éléments. De plus, le calepinage des panneaux de fibre-ciment est fonction des dimensions des baies. Ainsi, les « lignes » verticales et horizontales résultantes à leurs jointement, parfaitement assumées, forment un ensemble qui intègre les ouvertures. Ces joints creux constituent la structure du dessin de la façade, au service de l’expression des panneaux. La faible épaisseur de ces derniers permet leur fixation sur la face intérieure du bardage, et peut donc être invisible.

FIGURE 18 Photo de l’opération des logements en auto-construction de Tilbury, et détail de la façade Est (éch. 1:20) Source des images : 2G n°34, Sergison & Bates, p.71 et www.bdonline.co.uk/rough-diamond

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FIGURE 20 Vues rapprochées de la façade Est Source des images : www.sergisonbates.co.uk

Mais il est possible, au contraire, de lutter contre cette finesse, en travaillant une expression plus libre des matériaux d’enveloppe ou de revêtement employés. De la même façon, il est également possible de mettre en avant leur mode d’assemblage et de fixation, afin de révéler clairement comment l’enveloppe du bâtiment a été fabriquée. C’est ainsi que Guillaume Ramilien, pour une maison individuelle à Yzeure, a choisi d’habiller des blocs de béton cellulaire, qui constituent la structure de la maison, d’un bardage horizontal en mélèze. Ce bardage, biosourcé donc obtenu à proximité du site, n’est pas commun puisqu’il vise, contrairement aux bardages bois plus traditionnels, à exprimer l’idée de la planche en façade. Il est donc constitué d’une succession de planches, formant comme des écailles, et qui, par leur effet d’addition, permet également de multiplier l’expression de l’accrochage de ces dernières. Le fait de laisser visible leur tranche, et le vide résiduel manifeste qui en résulte montre leur épaisseur réelle, ce qui accentue fortement cet effet d’accrochage. On peut alors parler de finesse dans l’expression, car si la tranche était habillée par une autre planche on aurait surtout un effet de recouvrement de l’une sur l’autre, ce qui nuirait à cette volonté spécifique d’expression. Néanmoins, bien que ces dernières soient clouées, leurs fixations restent discrètes.

FIGURE 19 Photo de la façade Sud de la « maison papillon », conçue par Guillaume Ramillien à Yzeure (03) de 2012 à 2014 Le mélèze « de pays » est exprimé sous forme d’une succession de planches, cloutées, donnant ainsi l’effet d’une construction reprenant l’archétype de la cabane. Source de l’image : www.guillaumeramillien. fr/architecture_ maisoncalissonpapillon

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FIGURE 20 Photo rapprochée montrant le bardage de la maison Source de l’image : www.guillaumeramillien. fr/architecture_ maisoncalissonpapillon

FIGURE 21 Bâtiment Nord du Campus des Comtes de Champagne A distance du bâtiment les plaques de polycarbonate s’effacent au profit de la structure en bois chargée de les supporter, ce qui a pour effet de créer des ombres marquées. Source des images : www.lipsky-rollet.com

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Enfin, un exemple intéressant d’architecture qui assume les fixations apparentes pourrait être l’opération de Lipsky et Rollet, à Troyes, avec le projet du campus des comptes de champagne (2009). Les façades du « quadrangle ouvert » le plus au Nord sont constituées d’une association entre structure en bois massif et matières composites, comme du polycarbonate. Les fixations de ces plaques ondulées et transparentes ont été exprimées en façade et participent pleinement à leur dessin. A l’échelle du lointain on ressent bien les « superpositions de textures », telles que décrites par les architectes, avec le polycarbonate qui agit comme un premier plan de matière et la vision dans la transparence de la structure en bois. A l’échelle du proche, la mise en évidence du système de fixation par boulonnage traduit la volonté d’exprimer le mode constructif des bâtiments. L’intérêt est que ces fixations mécaniques assumées forment un « motif » de petite échelle, qui vient donner une finesse de détail aux façades.


Cette succession de plans recrée un effet de profondeur de la paroi, tout en assumant la finesse du matériau principal. Il y a aussi une inversion de la hiérarchie tectonique conventionnelle : la paroi semble fine, légère et les fenêtres sont au contraire exprimées de façon massive et pesante, sur un support presque immatériel.

FIGURE 22 Détail sur les fixations des plaques de polycarbonate Dès que l’on se rapproche la perception est différente, le polycarbonate s’exprime comme une première peau et cet effet est renforcé par l’expression des fixations sur la structure en bois. Source de l’image : www.lignatec.fr/references/campus-des-comtes-de-champagne-10

PARTIE 1 - L’ENVELOPPE : ENTRE STRUCTURE ET REVÊTEMENT - 211


PARTIE 2 ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE

Comme évoqué en introduction, la démarche engagée dans le processus de projet vise à solliciter le regard de l’entreprise dans la conception même du bâtiment. Cette façon de procéder n’est pas des plus habituelles dans le cadre d’un projet de logements collectifs, mais elle est plus souvent envisagée dans des contextes différents. C’est notamment le cas lors de partenariats publics/ privés, de projets faisant appel à une part de matériaux réemployés, ou avec une dimension participative importante. Mon objectif n’est pas seulement de rendre plus réalistes les détails de construction du bâtiment, mais d’abord de m’approprier un savoir-faire, que j’estime précieux. Je souhaite voir en quoi la vision de l’artisan va influencer la conception, tout en restant le gardien de mes intentions architecturales, notamment pour ce qui concerne l’enveloppe du bâtiment projeté. Travailler en lien avec le territoire ne doit pas être un frein pour faire de l’architecture, au contraire. L’entreprise Griffet : fonctionnement

Notes 12. Monsieur Griffet a d’abord suivi une formation en BEP Menuiserie à l’Ecole des Métiers du Bâtiment de Felletin (Creuse), avant d’y poursuivre un BEP Charpenterie. Il s’est ensuite dirigé vers un bac technique orienté sur la construction bois. Après avoir travaillé pendant un an et demi dans un bureau d’études à Chatellerault il a été embauché par son père, dans l’entreprise qu’il dirige aujourd’hui.

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L’unique entreprise de charpenterie et de menuiserie de Gannat est l’entreprise Griffet, fondée en 1940 dans une ancienne malterie par le grandpère du gérant actuel12. Au départ concentrée sur de la menuiserie, son domaine s’est également orienté sur la structure des bâtiments en bois et notamment la charpente, qui constitue aujourd’hui son activité principale. L’entreprise est capable de travailler les techniques anciennes comme contemporaines, et fait aujourd’hui « de tout », aussi bien en structure qu’en revêtement. L’entreprise est actuellement composée de huit salariés, dont le gérant et sa secrétaire. Elle travaille souvent avec les collectivités, et les chantiers n’excèdent généralement pas 120 km à la ronde. Le fonctionnement général de l’entreprise est le suivant. Avant le chantier, monsieur Griffet « s’approprie » les plans de l’architecte, avec qui il est en relation plus ou moins directe, et les transforme en « plans techniques » (selon ses mots). Il s’attèle ainsi à la définition très précise de la structure, en fonction du bon sens et de son savoir-faire. Ce travail terminé, il soumet ses plans à l’architecte, avec lequel il aime généralement discuter pour régler divers détails. Le gérant commande ensuite aux scieries partenaires ou aux grossistes les bois qu’il désire, « aux bonnes côtes ».


En fonction des types de structures ou de revêtements envisagés, l’entreprise fait appel à des bois aux origines géographiques plus ou moins éloignées. Ainsi, pour la fabrication en atelier d’une paroi en murs à ossature13, le bois utilisé est un « bois du Nord » (de Sibérie), soit un matériau transporté à travers la moitié de l’Europe par camion... Ce choix s’est effectué en dépit d’un prix plus élevé parce que la qualité est meilleure, les sections étant normalisées à l’échelle européenne. Il en est de même pour le bardage en mélèze, dont l’origine est la même, mais qui peut être mis en oeuvre directement, sans ajout de produits synthétiques pour les protéger des intempéries.

Notes 13. Les murs à ossature bois sont, le plus souvent, assemblés directement dans l’atelier par les salariés. Leurs dimensions maximales sont les suivantes : 5m de longueur, 4m de hauteur.

A l’inverse, pour la confection d’une charpente traditionnelle dans le cadre d’une restauration pour les monuments historiques par exemple, l’entreprise puisera dans les chênes de la forêt de Tronçais, distante de quelques kilomètres. Lors de ces commandes, souvent uniques, le procédé consiste à dessiner l’épure au sol à l’échelle 1 et à monter la pièce. Cette technique permet de tester la mise en oeuvre avant la pose sur le chantier, la pièce étant ensuite démontée et réassemblée sur place.

FIGURE 23 Photo du bureau de dessin de l’artisan et de la zone où sont réalisées les épures taille réelle. Source : photo personnelle, Mars 2015

PARTIE 2 - ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE - 213


Préparer la rencontre avec le charpentier : définir les intentions La méthode employée pour la rencontre avec Mr Griffet consiste à lui soumettre quelques types de détails spécifiques du projet et liés entre eux, en particulier sur des questions d’articulation de la structure avec l’enveloppe et de liaison entre la couverture du toit et l’enveloppe des murs. Il convient, avant la rencontre, de mettre au clair mes intentions architecturales par rapport à l’expression en façade recherchée car ce sont ces intentions qui vont alimenter notre discussion. Dans cette perspective, il est important, me semble-t-il, de de présenter le fonctionnement du bâtiment de logements collectif car c’est de là que découle ces intentions. L’immeuble se présente sous une forme oblongue, dans la même orientation que les lanières identifiées à l’échelle du paysage et qui sont l’expression structurante des anciens jardins maraîchers. Le bâtiment propose deux façons d’habiter au sein du même volume, l’une orientée sur la rivière et la végétation, et l’autre traversante, entre la rue du Stade et le jardin commun. C’est par cette orientation qu’il parvient à conférer un certain calme à ce jardin partagé, situé au centre du projet. Par son implantation dans l’orientation Nord/Sud le bâtiment propose deux développés de façades principaux, à l’Est et à l’Ouest. Ces deux orientations principales sont en lien avec deux types d’espaces à statuts différents, l’un public, l’autre semi-privé, ce qui influence leur expression. Ainsi, la façade sur rue exprime un caractère collectif, voire communautaire avec la mise en scène d’une coursive avec terrasse commune, destinée à être appropriée par les habitants. L’autre, avec sa relation directe au jardin commun, sera plus axée sur l’expression d’un caractère domestique, à l’échelle de l’individu, mettant plutôt en scène les baies et les systèmes d’occultation qui viendront rythmer et animer la façade. Mes intentions architecturales par rapport à l’enveloppe font état d’une volonté d’exprimer la légèreté, aussi bien dans la nature des matériaux qui la constituent que des éléments qui la composent. Cette volonté agit en contraste avec celle conférée au rez-de chaussée, mettant plutôt en avant l’expression de la massivité, avec une réinterprétation par des murs maçonnés (ou des éléments en béton banché), des murs de pierre sèche structurant aujourd’hui le cours d’eau. Sur les façades porteuses en murs à ossature bois, donc composites et en elles-mêmes « légères », j’ai prévu d’utiliser des matériaux susceptibles de retranscrire au mieux cette légèreté et cette finesse.

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Façade donnant sur l’espace public

Façade donnant sur l’espace semi-privé

Expression du caractère collectif

Expression du caractère domestique

Edicule commun Dépôt jardinage, local bricolage Garages existants 8 box

St

ad

e

-

Jardin partagé Ouvert au Public

-R

ue

du

Immeuble de 7 logements Communauté d’habitants (R+3) Galerie Promenade publique sous pergola

FIGURE 24 Plan masse du projet au 22 Avril 2015, éch.1:500

Espace à caractère semi-privé

Source : document de ma propre production Espace public

PARTIE 2 - ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE - 215


C’est ainsi que je prévois d’utiliser des feuilles de zinc, qui agiront comme une fine pellicule enveloppant le bâtiment, de la toiture à la façade. Cette fine pellicule de zinc agira comme une enveloppe protectrice, qui se retournera sur « l’arrière » du bâtiment, en façade Nord, là où il y a le moins de percements. La partie protégée par cette enveloppe, qui est comme creusée à l’intérieur du volume, sera dans un autre matériau, lui aussi léger, comme un bardage bois. Ce bardage sera également présent dans les « creux » aménagés dans le volume, qui participeront ainsi à révéler la véritable nature structurelle du bâtiment. Enfin, les structures métalliques rapportées participeront à cette expression de légèreté, en adoptant un dessin adéquat et adapté à la finesse que peut conférer le métal.

FIGURE 25 et 26 Croquis d’intentions de façades Ouest (à gauche) et Est (à droite) pour le projet à Gannat (au 26 Avril 2015), éch. 1:200 L’enveloppe protectrice en métal recouvre le « corps » du bâtiment qui lui est en bois (en jaune). Source des images : documents de ma propre production

La façade Ouest met en avant le caractère collectif avec la structure métallique de la coursive commune qui décrit de larges ombres sur l’enveloppe. La position des baies, presque au nu de la façade, fait qu’elle est lue comme une surface plane, exaltant les différentes orientations des murs. La dissimulation des volets derrière la vêture participe à cet effacement volontaire au profit de la coursive. Le dessin de la façade Est exprime quant à lui un caractère plus domestique, avec la mise en valeur des occultations, qui ne sont plus dissimulées derrière la vêture mais bien mises en avant. Leur position relative au gré des heures participe à l’effet d’animation journalier. De plus, la position des baies, en retrait de la façade, permet de cerner des ombres plus marquées sur celles-ci. Les baies toute hauteur permettent de révéler partiellement la dimension habitée de l’immeuble.

DÉTAIL 01

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C’est également à l’échelle du détail que les aspects de revêtement désirés vont m’être précieux pour dialoguer avec le fabriquant et faire évoluer le projet avec lui. Comme évoqué précédemment, l’enveloppe du bâtiment sera composée de deux matériaux appliqués en bardage : du zinc et du bois. Dans les deux cas il s’agira d’accentuer l’expression du feuilletage plutôt que de suggérer celle de la structure primaire du bâtiment. Pour le zinc, j’envisage d’exprimer une teinte foncée afin de conférer de la présence visuelle à l’enveloppe protectrice. La toiture sera sur une mise en oeuvre à joints debouts, tandis qu’en façade un profil à emboitement lui répondra dans la continuité des joints. Ces profils sont assemblés entre eux dans une rive avec gorge, et offriront l’esthétique d’une jonction à joint creux et sans fixation apparente. Le joints creux participeront à entretenir l’abstraction de cette partie spécifique de l’enveloppe du bâtiment, et suggèreront l’idée d’une façade épaisse. Le calepinage des feuilles de zinc s’effectuera par recouvrement.

FIGURE 27 Façade en bois, caves à vins à Girlan (Italie), Gerd Bergmeister arch. C’est ce type de bardage que je souhaite mettre en oeuvre dans le projet. Source de l’image : Détail n°10, Façades, 2008, p. 1093

Concernant le bardage en bois, j’envisage de l’exprimer comme une succession de planches, de hauteur égale correspondant à une hauteur d’étage. Les sections utilisées par ces planches seront basées sur trois mesures différentes, qui par un aspect aléatoire de leur positionnement confèrera à chaque étage une certaine autonomie. La jonction entre chaque planche de bardage permettra de souligner une fine épaisseur en creux des horizontales, correspondant au marquage des niveaux. Leur fixation sur le support s’effectuera par clouage discrêt.

DÉTAIL 02

PARTIE 2 - ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE - 217


FIGURE 29 Détail 01 Coupe et plan éch. 1:20 des baies de la façade Ouest au 26 Avril 2015 Sur cette façade le volet coulissant est positionné sous la vêture, et la baie est proche du nu de la façade. Source des images : documents de ma propre production

Volet coulissant

Baie vitrée

Vêture en zinc

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Ext.

Ext.

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FIGURE 30 Détail 02 Plan et coupe éch. 1:20 des baies de la façade Est au 26 Avril 2015 Sur cette façade le volet coulissant est positionné à la place de la vêture, et la baie est éloignée du nu de la façade. Source des images : documents de ma propre production

Volet coulissant Enduit

Baie vitrée

Epaisseur de l’embrasure en zinc

Vêture en bois (bardage Douglas)

Int.

Ext.

Int.

Ext.

PARTIE 2 - ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE - 219


REALISE PAR UN PRODUIT AU

La relation de l’enveloppe avec la toiture : comment cette fine pellicule de zinc se retourne sur l’enveloppe ? Je suis conscient que Monsieur Griffet n’est pas zingueur de profession, mais il est certain que les éléments de structure et d’isolation joueront un rôle majeur dans la capacité d’expression de ce retournement. La structure du toit est composée d’une succession de pannes en bois massif, d’un entre-axe de 120 cm correspondant à la dimension des découpeuses bois standard. La volonté d’exprimer la structure à l’intérieur a guidé ce choix, puisque les caissons d’isolant pourront ainsi être préfabriqués et posés simplement lors de la phase chantier.

FIGURE 31 Coupe longitudinale du bâtiment projeté, et agrandissement du détail 03 (éch. 1:20), au 26 Avril 2015

Vêture en zinc

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

Le détail s’intéresse à comment peut s’effectuer le retournement du zinc sur la façade Nord, tout en résolvant la question de l’écoulement des eaux pluviales. Source des images : documents de ma propre production

DÉTAIL 03

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REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUC

Je m’intéresse également au retournement du zinc sur la rive de la toiture de l’immeuble, sur la façade Ouest. Il s’agit d’exprimer ce retournement en un seul plan, afin de détacher la couverture du reste du « corps » en bois. Le retournement du zinc est censé se poursuivre en sous face afin que d’en dessous on ressente véritablement la différence de matière (non dessiné sur le détail ci-dessous).

Epaisseur de la toiture

FIGURE 32 Coupe transversale du bâtiment projeté, et agrandissement du détail 04 (éch. 1:20), au 26 Avril 2015

Zinc qui se « retourne »

Il est ici question de l’expression du retournement en zinc sur la « tranche » que forme la toiture. Source des images : documents de ma propre production

DÉTAIL 04

Hall d'entrée

Salle commune

Prolongement extérieur à la salle commune

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Retour réflexif sur la rencontre avec l’artisan A l’inverse de la partie 1 où nous partions du détail pour identifier des effets architecturaux, il est désormais question de partir des effets recherchés pour définir le détail. La mobilisation des compétences de l’entreprise permet de voir comment le savoir-faire de l’artisan peut avoir une incidence sur la conception de certains points spécifiques du projet. En outre, il s’agit d’obtenir des éclairages sur la façon concrète de mettre en œuvre ces détails particuliers, mais aussi de questionner leur pérennité, par leur conformité aux règles de l’art constructif, et sous le conseil de l’entreprise. Si cette dernière apporte la connaissance des matériaux et des accessoires utilisables pour la mise en œuvre et la fixation des éléments, le véritable enjeu pour moi a été de parvenir à garder les intentions architecturales exposées plus haut, tout en étant attentif aux remarques. J’ai décidé de catégoriser mon analyse en deux champs structurants. L’un concerne le dialogue avec l’artisan, en lien avec les questions spécifiques de conception du détail de l’enveloppe (sur les points d’articulation, de jointure, de matérialité...). L’autre les moyens et outils du dialogue (supports visuels / vocabulaire), qui ont permis de faire avancer la réflexion sur les questions de conception. FIGURE 33 Maquette d’étude de la structure du bâtiment projeté, éch. 1:100 Source des images : documents de ma propre production

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La rencontre avec monsieur Griffet a eu lieu dans les bureaux de l’entreprise, le 28 Avril, à Gannat. Après un bref exposé des grandes lignes du projet j’ai progressivement dévoilé à l’artisan les intentions architecturales relatives à l’enveloppe, ce à quoi j’aimerais tendre en terme d’expression, et comment je comptais m’y prendre pour y parvenir. Nous avons d’abord discuté autour d’une maquette réelle de structure, au 1:100ème, qui a permis de bien clarifier les caractéristiques formelles de l’objet en question. L’appui d’une modélisation 3D, plus complète et apportant un peu plus de précision, a également aidé l’artisan à comprendre les grandes lignes structurelles du projet. La présentation des détails spécifiques s’est ensuite faite à l’aide de plans et de coupes, les mêmes que ceux exposés précédemment. Dans la suite de la recherche, je vais procéder à une présentation du déroulement des discussions autour des détails spécifiques évoqués. Dans le même temps j’effectuerais une analyse, qui aura pour but de rendre plus explicites l’incidence que cet acteur a eu sur la conception du projet.


Le premier détail dont nous avons parlé concerne l’expression du bardage bois que je souhaite obtenir sur les parties en bois de l’enveloppe du bâtiment, métaphoriquement protégées par la « couverture » en zinc. D’emblée, l’artisan a introduit un vocabulaire spécifique pour clarifier cette mise en oeuvre : un bardage « à claire-voie, sans couvre-joints ». Jusqu’alors je n’avais pas mis de mots précis sur ce que je désirais obtenir, et je me suis tout de suite rendu compte de l’importance du vocabulaire pour dialoguer avec le professionnel de la construction. Après m’avoir confirmé qu’il était parfaitement en mesure de réaliser ce type de bardage, en commandant aux scieries avec qui il travaille une découpe spécifique des planches de bois, nous avons évoqué la question de la nature de ces planches et de leur origine. Il m’a d’abord proposé du Mélèze, une essence de bois parfaitement adaptée à ce type d’usage, de grande qualité, qui fait l’objet pour lui d’un réseau commercial spécifique. Son seul incovénient serait, comme vu plus haut, son origine lointaine : la Sibérie. Dans ma volonté d’utiliser en priorité des matériaux locaux, au moins à l’échelle française, j’ai cherché à savoir s’il n’était pas possible d’utiliser une autre essence de bois, dont l’origine serait plus proche de Gannat. Il m’a alors proposé du Douglas, « purgé d’aubier », provenant de Noirétable (région Rhône-Alpes), et aux caractéristiques comparables.

FIGURE 34 Projet des caves à vins de Girlan (Italie), Gerd Bergmeister arch. La discussion autour de cette référence m’a paru fort utile pour définir la réponse formelle à mes intentions architecturales. Source des images : Détail n°10, Façades, 2008, p. 1093

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Nous nous sommes ensuite intéressés à l’expression du bardage. Le bardage vertical que je souhaite mettre en oeuvre nécessite un double littelage. Or pour obtenir l’effet recherché de vide vertical (de largeur aléatoire) entre les planches, il ne faut pas que les tasseaux servant de support se voient dans ces interstices. Dans un premier temps, monsieur Griffet me dit qu’on « ne pourra pas l’éviter », puis, après quelques secondes de réflexion, me propose de fixer une bande d’EPDM, du caoutchouc cellulaire, de couleur noire, posé comme du scotch sur les tasseaux afin de les rendre invisibles dans l’épaisseur. C’est une solution qui, dans l’idéal, mériterait d’être testée à l’échelle 1 pour se rendre compte de sa pertinence, mais c’est en tout cas un dispositif simple que je n’aurais pas imaginé. Je souligne l’importance de l’utilisation d’une référence réelle, illustrée par des photos et des détails, qui a été le support de notre discussion. Cet appui visuel a en effet permis de clarifier le résultat que j’aimerais atteindre, en dépit du fait qu’il ne s’agisse pas des mêmes projets ni des mêmes types de structures sur laquelle l’enveloppe vient prendre place.

FIGURE 35 Façade principale du projet des caves à vins à Girlan L’utilisation du bardage spécifique permet ici, en plus de masquer la structure, de brouiller la lecture des niveaux avec des percements qui s’affranchissent de la limite horizontale entre les planches de bois. Dans le projet de Gannat ces « lignes » structureraient la façade en affirmant les niveaux. Source de l’image : Détail n°10, Façades, 2008, p. 1090

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Il attire ensuite mon attention sur un point spécifique, la jonction entre deux panneaux de murs ossature bois, là où se trouvera la limite horizontale et volontairement peu épaisse entre deux parties de bardage, marquant les différents niveaux. Il me suggère dans un premier temps de positionner, à cet endroit particulièrement sensible en terme d’enjeux expressif, « un petit profilé métallique faisant goutte d’eau ». Si l’on venait à positionner un tel élément, cela perturberait sans doute la lecture que nous aurions de la façade, en supprimant l’effet de micro joint creux et en annulant de fait la relative abstraction de l’ensemble. Après réflexion, et en partie grâce à la référence du projet des caves à vin de Girlan où les architectes n’ont pas fait usage d’un tel élément, il a finalement admis la possibilité de s’en affranchir (d’autant plus qu’il n’est pas obligatoire d’un point de vue réglementaire, l’eau passant de toute façon derrière le bardage). Néanmoins, j’ai trouvé mon interlocuteur très à l’écoute de mes intentions, en étant conscient par exemple que l’ajout d’un tel profilé à cet endroit viendrait « alourdir », selon ses mots, la façade du bâtiment. S’est ensuite posée la question de la mise en oeuvre concrète du bardage, ainsi que des murs ossature bois qui le supporte. J’ai cherché à savoir comment les ouvriers s’y prendraient pour édifier ces murs, et si monsieur Griffet avait la possibilité de pousser la préfabrication jusqu’au bout avec la pose du bardage directement en atelier. En règle générale, ils font « sur le chantier parce c’est pas bien facile à faire en atelier ». Ici, « tout dépend de la trame, si le bardage correspond aux jonctions d’étages, on peut le faire en atelier ». Dans le cas du projet, le dessin de la façade faisant en sorte que les jonctions de bardage correspondent au marquage des niveaux, la possibilité de tout réaliser en atelier était envisageable. Mais ce qui a été le plus décisif dans cette question a été l’orientation du bardage, verticale, qui permettrait de gérer plus facilement la jonction entre deux panneaux de murs ossature bois, et en particulier celles des isolants thermiques par l’extérieur. En effet, à la jonction entre deux murs, cet isolant n’est en réalité « jamais arrêté pile-poil », et peut donc constituer une faiblesse thermique s’il ne fait pas l’objet d’une intervention spécifique. L’intérêt d’utiliser du bardage vertical, et a fortiori avec des planches de dimensions volontairement différentes, c’est que ça donne la possibilité de ne poser celle qui sera à la jonction de deux panneaux que

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RODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

FIGURE 36 Plan d’une baie de la façade Est (au 26 Avril 2015, éch. 1:20) Source de l’image : document de ma propre production

Int.

pendant la phase chantier. Entre temps, le raccord des deux isolants thermiques extérieurs pourra s’effectuer dans des conditions optimales. Si le bardage prescrit avait été horizontal, toutes les jonctions de panneaux auraient nécessité un couvre-joint, ce qui aurait nuit à l’abstraction recherchée. Pour finir avec ce détail en façade Est, j’ai souhaité savoir comment il serait possible d’exprimer du zinc dans l’épaisseur de l’embrasure, entre les baies et le nu de l’élévation. Ceci permettrait, lorsque l’on regarde le bâtiment de côté, de retrouver du zinc dans l’épaisseur du « corps » exprimé en bois. Toute la difficulté a été de parvenir à gérer la relation entre l’enduit, qui est présent derrière le volet, et le zinc, qui est présent dans l’épaisseur de l’embrasure (l’enduit ne pouvant mécaniquement pas tenir sur le zinc). Ce qui est intéressant c’est que monsieur Griffet n’a jamais rencontré cette configuration au cours de sa carrière, et, bien que cette tâche soit normalement attribuée au « façadeur », il a tout de même cherché, en dessinant pendant plus d’une minute trente, une piste de solution possible. Finalement nous avons convenu que le zinc devrait effectuer un léger retournement sur l’enduit, comme un « capotage » sur deux à trois centimètres. Cet effet ne m’a pas semblé gênant puisque, du fait qu’il soit dissimulé derrière le volet ou derrière le bardage, il ne perturberait pas la lecture de la façade.

Ext.

FIGURE 37 Croquis de monsieur Griffet (à gauche), et représentation de ce que serait la partie en zinc dans le cas où l’on souhaiterait qu’elle soit présente dans l’épaisseur de l’embrasure (à droite). Croquis réalisés sur place pour alimenter la discussion et fixer les idées. Source des images : documents de ma propre production

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REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUC REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK BUT EDUCATIF L’autre type de détail évoqué avec leAcharpentier concerne la toiture,

dans sa relation avec l’enveloppe par le matériau zinc venant comme se retourner sur l’élévation Nord et sur le débord Ouest. La structure de la toiture qui va supporter le zinc est composée de pannes volontairement exprimées à l’intérieur des logements et espacées tous les 120 cm afin de porter des caissons chevronnés isolants. Elle a fait l’objet d’un regard spécifique de l’artisan et, là encore, il a bien aidé à clarifier la situation en spécifiant bien que, dans ce type de mise en oeuvre, « c’est la charpente qui s’adapte au support isolant », et non l’inverse. Pour évoquer le retournement du zinc sur le débord de toiture en façade Ouest, nous avons d’abord discuté autour de dessins 2D, pas très aboutis et assez peu clairs, qui méritaient une troisième dimension pour bien distinguer tous les composants. C’est ainsi que, pour compléter, j’ai dessiné le même détail en rajoutant la profondeur, ce qui m’a permis de mieux le communiquer à l’artisan. Je l’ai ensuite trouvé plus à l’aise pour m’expliquer comment le retournement pouvait s’effectuer. Finalement, dans ma volonté de recouvrir cette fine épaisseur de toiture en façade Ouest il s’est avéré que mon dessin était juste dans le principe.

FIGURE 38 Coupe du projet sur le hall d’entrée (au 04 mai 2015, éch.1:200), et détail du « débord » de toiture (au 1:20) C’est d’abord avec ces éléments que j’ai discuté avec monsieur Griffet, avant de me rendre compte qu’ils n’étaient pas assez précis. Source des images : documents de ma propre production

PARTIE 2 - ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE - 227 Hall d'entrée

Salle commune

Prolongement extérieur à la salle commune


FIGURE 39 Croquis réalisé sur place, explicitant le détail du débord de toiture et du retournement du zinc en façade Ouest Finalement il a été décidé de ne pas utiliser de contre-isolation complémentaire, l’intérêt des caissons chevronnés isolants étant de ne pas créer de ponts thermiques. Ceci a pour effet de simplifier la conception de la toiture. Source de l’image : document de ma propre production

FIGURE 40 Croquis réalisé sur place par monsieur Griffet Cette façon de traiter le retournement de l’angle engendre comme un « bourlet » (ou un « boudin » pour reprendre un terme spécifique à la zinguerie), ce qui n’exprime pas la face retournée comme un plan unique. Source de l’image : dessin de Mr Griffet

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Cependant le dessin n’était toujours pas assez précis pour comprendre comment les feuilles de zinc pouvaient s’emboiter pour exprimer le retournement, tout en assurant une certaine pérennité de l’assemblage. monsieur Griffet a alors dessiné, à la main et en deux dimensions, le détail spécifique du recouvrement des feuilles de zinc comme s’il devait lui même le concevoir. Tout en dessinant il a pris le temps de bien expliquer chaque trait, comme s’il réfléchissait à voix haute, ce que j’ai trouvé fort intéressant car ça m’a permis de comprendre la logique de son raisonnement. Je ne suis pas sûr qu’il aurait procédé de la même manière s’il avait eu affaire à un architecte plus expérimenté, sans doute n’aurait-il pas pris la peine de commenter sa réflexion. Monsieur Griffet n’étant pas couvreur-zingueur, ce qu’il a dessiné est sans doute la façon de faire la plus pérenne et la plus standard de traiter ce type d’angle avec du zinc. Néanmoins je me suis dit que cette mise en oeuvre viendrait créer une surépaisseur, qui n’exprimerait pas cette « tranche » de toiture comme un réel plan et comme recherché. Je lui ait alors fait part de cette impression et lui ait proposé, par un rapide dessin, une autre façon de traiter le détail, qui « dissimulerait » le jointement de deux feuilles de zinc au-dessus de la toiture dans le souci de ne figurer sur la tranche qu’une seule épaisseur de métal. La conception du détail s’est arrétée là, monsieur Griffet ne pouvant m’assurer que cette mise en oeuvre soit réellement pérenne, bien qu’elle lui sembla envisageable.


Concernant le retournement du zinc en façade Nord, l’idée d’un chaineau encastré tel que dessiné préalablement a paru satisfaisante dans ma volonté de ne pas vouloir un grand débord de toiture. Ce que j’ai trouvé intéressant c’est qu’il convoque l’un de ses propres chantiers en référence afin d’illustrer son point de vue. Il s’agit de la maison du temps libre, à Tronget, où là aussi il y avait un détail de zinguerie sur un débord de toiture, mais sans chaineau. Cette illustration a, comme pour celle que j’ai utilisée précédemment avec le projet des caves à vins de Grilan, permis de bien discuter des enjeux constructifs et expressifs. Dans le cas de ce chantier le zinc ne se retourne pas sur la façade, bien que les joints debouts soient dans le même alignement. Le fait que cette expression soit l’exacte inverse de ce que je souhaite obtenir a permis de bien clarifier le propos.

FIGURE 41 Croquis rapide réalisé sur place pour communiquer comment les feuilles de zinc pourraient se mettre en oeuvre dans le cas où l’on ne voudrait pas de surépaisseur sur la tranche de toiture Source de l’image : document de ma propre production

FIGURE 42 Photos de la maison du temps libre à Tronget, Charles Coulanjon architecte Monsieur Griffet a mobilisé ce bâtiment à plusieurs reprises pour illustrer son propos lors de la discussion autour des différents détails abordés, car il est composé de revêtements en bois et en zinc. Source des images : photo de monsieur Griffet, en fin de chantier

PARTIE 2 - ASSOCIER LE PENSER ET LE FAIRE - 229


CONCLUSION

Cette phase de réflexion-expérimentation autour de l’enveloppe du projet est intervenue au moment du processus de conception où commençaient à se définir les enjeux relatifs au dessin des élévations. Elle est donc arrivée suffisamment en amont pour me permettre de prendre le temps d’expérimenter, de m’imprégner des échanges avec le charpentier, tout en bénéficiant par la suite du recul nécessaire pour adapter le dessin. J’ai pu ainsi aborder la question de l’enveloppe et de ses effets un peu plus sereinement qu’à l’accoutumée, tout en continuant malgré tout à faire évoluer ces détails au gré des modifications formelles ou intentionnelles, inévitables au fur et à mesure de l’avancement. La réflexion sur la façon de travailler, par le dessin, l’expression de l’enveloppe des bâtiments contemporains passe par deux échelles de composition. Il y a celle du « lointain », qui va raisonner sur comment le bâtiment sera perçu en rapport avec son contexte général, puis celle du « proche », qui va se focaliser sur les détails de sa mise en oeuvre et des effets expressifs qui en découlent. Pour le concepteur, l’un des enjeux est de choisir d’assumer, ou au contraire de lutter, contre la disparition de la structure réelle de l’édifice derrière l’enveloppe. Ce choix peut être fonction de ses convictions architecturales spécifiques, comme nous l’avons vu avec les architectes Sergison & Bates, ou bien être dicté par le contexte dans lequel vient s’implanter le projet. A l’échelle du lointain, il s’agit avant tout de choisir de travailler l’expression tectonique de la façade dans son ensemble, en définissant le degré de vérité constructive à exprimer. Pour les façades dites « légères » ayant le plus souvent une structuration composite, c’est en réalité à l’échelle du proche que la réponse au choix effectué va se trouver. En effet, en exaltant la finesse des matériaux contemporains, ou au contraire en mettant en avant l’expression de leur fixation mécanique, c’est l’expression tectonique de la paroi que l’on façonne, et l’image que renverra le bâtiment que l’on exprime. Le fait d’avoir impliqué le professionnel de la construction directement dans la conception du projet permet maintenant d’analyser ses réactions, tout comme son degré d’investissement face à son rôle dans ce travail de recherche. Au final, ce que j’ai réellement trouvé intéressant dépasse les seuls apports liés aux savoir-faire spécifiques de l’artisan. La capacité que l’on a eue de faire évoluer les détails du projet, ensemble, m’apparait comme une façon éclairée et prometteuse d’envisager l’avancement du projet à ce

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stade de la conception. C’est une méthode qui permet aussi de questionner les jeux d’acteurs du projet, en rapprochant l’entreprise chargée de la maitrise d’oeuvre de la conception architecturale. En somme, cette recherche interroge en fait et surtout ma démarche personnelle dans le processus de conception, et seulement ensuite le projet d’architecture. Mon ressenti par rapport à cette expérience est que l’avancement du projet, en conciliant intentions architecturales et faisabilité technique par l’intermédiaire du fabriquant, devient beaucoup plus motivant que d’ordinaire. En effet, j’ai réellement eu l’impression d’être architecte lors de cette rencontre (tout comme en la préparant et en retravaillant les détails ensuite), moi comme gardien des intentions architecturales, lui comme garant de la mise en oeuvre réelle, conscient des réalités constructives et économiques. De plus, il est très différent de bénéficier directement du regard du fabriquant par rapport à un travail effectué seul. On se sent poussé par une mise en situation réelle, avec un interlocuteur professionnel comme si le projet devait vraiment se construire, là où d’habitude les dessins produits ne restent que des images. Je retiens au final deux aspects principaux de cette rencontre. Le premier est l’importance du vocabulaire utilisé dans le dialogue avec l’artisan. C’est par l’utilisation d’un vocabulaire précis et adapté que les idées sont le mieux communiquées entre les deux acteurs, de façon claire mais aussi rapide, tout en limitant les risques d’incompréhension. Je m’en suis aperçu très vite lors de la rencontre, dès que monsieur Griffet mettait un mot précis sur un type d’élément particulier ou une mise en oeuvre spécifique, tout devenait plus facile dans le dialogue. Le deuxième aspect concerne les outils supports de la discussion. Je pense qu’au final l’important est de présenter des documents suffisamment précis pour initier une réflexion, c’est à dire montrant les principaux composants du détail et leur juxtaposition sommaire, mais tout en étant suffisamment approximatifs pour laisser une part de réflexion possible. Comme évoqué dans le corps du texte, l’utilisation de références réelles m’est également apparue importante pour clarifier une vision d’un problème formel ou technique, et ce constat est d’autant plus intéressant qu’il a émergé aussi bien de mon côté que du sien. Je suis conscient que les conclusions et mon ressenti sont forcément relatifs au degré d’implication de l’entreprise consultée, ainsi qu’à son propre savoir-faire, à ses équipements, à sa capacité de main d’oeuvre. Une autre

CONCLUSION - 231


Notes 14. Retranscription des motivations de monsieur Griffet : « Il me parait essentiel de communiquer, car de ce fait, discuter avec de futurs maîtres d’oeuvre est en quelque sorte une manière de préparer l’avenir. Si mes humbles conseils peuvent permettre au futur architecte de progresser dans l’évaluation technique du bâtiment ainsi que les rapports entre les différentes corporations, alors j’en suis heureux. Pour ma part, c’est également enrichissant car les questions que se pose un étudiant en architecture sont celles, avec une mesure différente, que nous posera cette même personne quelques années plus tard, de même que nos clients, car le bâtiment est un domaine tellement vaste que répondre à des questions, quelles que soient leur importance, permet de se remettre en question quelquefois sur le pourquoi du comment. »

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aurait sans doute répondu différemment à certaines questions. De plus, si ce chef d’entreprise participe souvent aux chantiers, son mode de fonctionnement consiste à déléguer la gestion de ces derniers à un ouvrier précis, qui est susceptible d’avoir une connaissance plus directe de la mise en oeuvre, des gestes plus aisés ou des outils plus adaptés. Par ailleurs, il est certain que tous les entrepreneurs ne sont pas forcément aussi ouverts au dialogue qu’à pu l’être monsieur Griffet. Sa principale motivation, qui l’a tout de même amené à prendre une heure et quinze minutes sur son temps de travail, réside dans l’importance de la communication avec « un futur maître d’oeuvre », une manière selon lui de « préparer l’avenir »14. Je sais aussi qu’il apprécie grandement quand il collabore avec des architectes consciencieux, sérieux dans leur façon d’aborder les projets, et ouverts au dialogue. Ce que j’ai trouvé intéressant c’est l’instauration d’un climat de recherche entre cet artisan et moi-même, dans le but de viser à l’instauration d’une culture commune entre deux acteurs majeurs du projet. On retrouve cette façon de procéder chez certains architectes soucieux d’optimiser les échanges entre les différents corps de métier ou les différents domaines d’intervention. C’est par exemple le cas d’Antoine Pagnoux, l’architecte de la résidence Jules Ferry que nous avons analysée dans le memoire phase 1, qui entretient un lien spécifique avec son équipe d’ingénierie. Ces questionnements sur les principes de conception de l’enveloppe et la conception détaillée d’un fragment de l’ouvrage projeté ont matérialisé des connexions qui étaient au départ assez floues pour moi. La distinction entre l’échelle du lointain et celle du proche, par exemple, engendre des enjeux d’expression différents mais néanmoins très liés dans la façon de mettre en oeuvre les éléments. Aussi, la constitution d’un corpus de références architecturales m’a permis de me rendre clairement compte des enjeux relatifs à la disparition de la structure derrière l’enveloppe, tout en me permettant de questionner des projets réels en exerçant mon regard d’architecte. Enfin, les apports concernant les principes de mise en oeuvre ont été particulièrement intéressants dans la mesure où c’est l’une des premières fois que je m’intéresse à cette question, qui d’ordinaire passe au second plan. Comment le charpentier s’y prendra-t-il concrètement pour monter la structure de la façade ? Comment la pose du bardage et les jonctions entre les panneaux pourront-elles s’effectuer ? Autant de questions que l’on n’aborde pas lorsque l’on travaille seul.


C’est ainsi que, sans cette expérimentation et cet apport spécifique du double regard concepteur/artisan, je pense que même si j’aurais pu aller aussi loin dans la précision du détail j’aurais sans doute manqué d’assurance quant à la faisabilité technique et la mise en oeuvre des différents éléments. Je n’aurais sans doute pas abordé ces questions de la même façon, en tout cas d’une manière beaucoup moins consciente des réalités constructives et des problématiques de mise en oeuvre. Je me rends compte maintenant que ce travail de recherche a grandement partcipé à la qualité de mon projet de fin d’études.

J’ai été très heureux de poursuivre ce travail de complément, qui vient compléter le mémoire en offrant des pistes de réflexion directement en lien avec des questions relatives au projet. Le fait d’avoir associé l’écriture du mémoire à l’avancement du dessin formel m’a permis de donner une dimension plus que jamais concrète à cet l’exercice du projet d’architecture, qui pour l’instant a toujours été « virtuel » au sein de l’école. Cette expérimentation constitue pour moi d’un premier pas vers la confrontation avec la réalité de la construction, et constitue une transition appréciable à ce moment de mon parcours. Mais, plus important encore, cette recherche traduit une façon nouvelle pour moi d’aborder l’architecture et ses enjeux, en mobilisant les savoirs spécifiques que détiennent les entreprises directement dans la conception du projet.

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BIBLIOGRAPHIE

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