49 <- Conception
et travail collectif en groupe complet. Négociation de la répartition des logements dans le gabarit de l’édifice (2015) © Rémi Laporte
—> L’ENSA de ClermontFerrand. © ENSACF
VIE DES ÉCOLES
L’ENSA de Clermont-Ferrand Texte : Juliette Pommier Alors que l’école d’architecture de Clermont-Ferrand emménage dans ses nouveaux locaux et se confronte à la réalité d’un projet ouvert trop tardivement à la concertation (en 2014, un an avant la livraison), la question de la transmission des outils de conception concertée se repose avec acuité. L’un des ateliers de Master 1 du domaine « Éco-conception des territoires et des espaces habités » explore depuis trois ans cette approche du projet : enquête auprès de Rémi Laporte, responsable de l’atelier.
La fiction au service du réel Comment initier les étudiants à la conception concertée ? Comment leur transmettre les compétences spécifiques que requiert ce type de démarche, qui se développe notamment dans l’habitat coopératif, mais peut aussi s’appliquer à des équipements, voire à des espaces publics ? Intégrer les futurs utilisateurs au processus de conception exige non seulement des compétences de projet, mais également des capacités de communication, d’écoute, d’argumentation et de négociation, ainsi qu’une compréhension des mécanismes décisionnaires propres au fonctionnement d’une maîtrise d’ouvrage plurielle, en particulier dans le cas de l’habitat coopératif. Au-delà des outils et des méthodes, ce processus exigeant correspond avant tout à une vision de l’architecte engagé et de son rôle économique et social à l’ère du développement durable. S’inscrire dans cette démarche relève ainsi d’une prise de position, dont les étudiants doivent mesurer les enjeux, les intérêts et les risques, en dépassant l’idéalisa-
Créée en 1970 Directrice : Agnès Barbier 550 étudiants 33 enseignants titulaires et associés 10 000 m² de locaux Formations : Licence, Master, HMONP, Master professionnel avec l’Université BlaisePascal (département de géographie) intitulé « Stratégie d’aménagement des villes petites et moyennes et de leurs territoires » 85, rue du Docteur-Bousquet 63100 Clermont-Ferrand Tél. 04 73 34 71 50 www.clermont-fd.archi.fr/
tion de l’habitat coopératif associée à l’émergence actuelle des démarches collaboratives. Pour répondre à ces objectifs, Rémi Laporte et son équipe (la sociologue Amélie Flamand, les architectes Jean-Louis Coutarel et William Sanchez) ont choisi de mettre en scène une fiction participative en s’appuyant sur un jeu de rôles alternés, autour d’un programme d’habitat coopératif d’environ une dizaine de logements. Au fil du semestre, les étudiants assument successivement les rôles de concepteurs et d’habitants, tandis que les enseignants endossent en fonction de leurs compétences les rôles d’AMO (assistance à la maîtrise d’ouvrage), d’économiste, ou d’architecte spécialiste de l’écoconception. Ainsi, le jeu de rôles permet non seulement de simuler l’expérience du dialogue entre concepteurs et habitants, mais aussi d’expérimenter les outils de conception intégrant la négociation, tels que l’organigramme situé, la maquette manipulable ou l’affichage interactif.
51
VIE DES ÉCOLES
<- Première rencontre concepteurs – « habitants » : approfondir les demandes, cerner les enjeux, négocier les répartitions, à l’aide de maquettes schématiques (concepteurs : J. Colas et J. Phung, 2015) © Rémi Laporte
^— Deuxième rencontre concepteurs – « habitants » : préciser la
distribution, définir la spatialité autour de perspectives intérieures (concepteurs : G. Védrine et A. Sonnery-Cottet, 2014) © Rémi Laporte
—> Conception en équipes et concours Séance de préparation du concours de définition de l’enveloppe du projet : chaque binôme de concepteurs indique sur des élévations schématiques les principes de percement correspondant au logement qu’il développe. Charge aux différentes équipes concurrentes d’intégrer ces demandes (et leurs évolutions potentielles) dans leurs propositions (2014) © Rémi Laporte
« C’EST LE DÉBAT COLLECTIF QUI ORIENTE LES DÉCISIONS, CELLES-CI AYANT DES CONSÉQUENCES DIRECTES SUR LES PROJETS DE LOGEMENTS : DE LA SORTE, LES ÉTUDIANTS EXPÉRIMENTENT LA COMPLEXITÉ DU PROCESSUS DÉCISIONNEL, ET L’IMBRICATION ENTRE INDIVIDUEL ET COLLECTIF AU SEIN DE LA MAÎTRISE D’OUVRAGE COMME DE LA MAÎTRISE D’ŒUVRE. »
<- Troisième rencontre concepteurs – « habitants » : argumenter les choix architecturaux, exprimer les ambiances avec la maquette démontable à l’échelle 1/20 (concepteurs : D. Andanson et J. Billaud, 2015) © Rémi Laporte
La rencontre au cœur du dispositif pédagogique Le semestre est rythmé autour d’une séquence de trois rencontres entre habitants et concepteurs, qui concluent chacune des phases de travail. Adaptable en fonction du nombre d’étudiants, le programme d’habitat coopératif est développé collectivement par tout l’atelier : l’immeuble est conçu par tout le groupe, et chacun des logements est élaboré par un binôme de concepteurs, en dialogue avec un binôme d’habitants (qui est donc aussi concepteur pour un autre logement). La première rencontre vise à comprendre la demande habitante, et donc à la faire exprimer au travers d’outils comme l’organigramme ou la maquette schématique. Il s’agit de comprendre d’une part les désirs de chaque binôme d’habitants pour son logement, et d’autre part les aspirations globales qui se dessinent pour l’ensemble de l’immeuble. La deuxième rencontre permet de préciser la distribution des logements et de l’immeuble : elle s’effectue à l’échelle du binôme, pour discuter les logements, et à celle du groupe, pour développer une réflexion collective sur les parties communes et négocier la répartition des appartements au sein de l’édifice. La troisième rencontre consiste en une présentation
du logement développé à l’échelle du 1/20 au binôme d’habitants, qui est une dernière fois consulté sur l’organisation, les aménagements, les qualités spatiales et le confort d’usage, mais aussi sur le budget et l’économie du projet. Certaines pièces telles que la cuisine et la salle de bains sont ensuite développées à l’échelle du 1/10, afin d’interroger la question de la mesure sous l’angle de l’usage, de la matérialité, de la composition et de la technicité des flux. En parallèle à la préparation des rencontres et à la conception itérative des logements et de l’immeuble à différentes échelles, deux exercices intensifs en équipes de quatre ou cinq étudiants permettent de décider collectivement de l’organisation et de la matérialité de l’immeuble : un miniconcours d’une semaine sur la structure et les fluides, et un autre sur le thème de l’enveloppe. À nouveau, c’est le débat collectif qui oriente les décisions, celles-ci ayant des conséquences directes sur les projets de logements : de la sorte, les étudiants expérimentent la complexité du processus décisionnel, et l’imbrication entre individuel et collectif au sein de la maîtrise d’ouvrage comme de la maîtrise d’œuvre.
<- Conception et travail collectif en
groupe complet (15 à 25 étudiants selon les années) - Négociation de la répartition des logements dans le gabarit de l’édifice (2014) - Présentation de la distribution et du traitement des parties collectives aux représentants des habitants par les représentants du groupe de concepteurs (2014) - Réunion hebdomadaire du groupe de concepteurs sous la responsabilité d’un binôme tournant : gestion du groupe et du travail collectif à réaliser, prise de décisions communes, suivi des tâches entamées, rédaction du relevé de décisions, etc. (2014) © Rémi Laporte
VIE DES ÉCOLES
Construire une posture Quel concepteur êtes-vous ? En quoi croyez-vous ? Ces questions inaugurent et concluent le semestre ; elles constituent l’objectif pédagogique principal de l’atelier, et visent à mesurer (et à stimuler) le développement des positions théoriques des étudiants. Pour apprendre à se positionner en termes de convictions architecturales, mais aussi sociales et politiques, il s’agit tout d’abord d’avoir conscience que tout processus de conception implique un positionnement, même s’il est encore peu conscient, et que ce positionnement évoluera d’autant mieux qu’il deviendra lucide, réfléchi et engagé.
<- Concours structure et fluides, projet lauréat 2013 (concepteurs : D. Astier, L. Cueto, E. Dury, N. Gravelle, H. Kusniereck) © D. Astier, L. Cueto, E. Dury, N. Gravelle, H. Kusniereck
Projet pour 13 logements à St-Pourçain-sur-Sioule, 1 bâtiment neuf et 1 bâtiment réhabilité, projet collectif, 2014
<- Maquette d'ensemble du projet collectif © Rémi Laporte
� Coupe sur un logement pour un couple et enfant et cabinet
d’ostéopathie dans une ancienne grange (concepteurs : A. Sonnery Cottet et G. Védrine, 2014) © A. Sonnery Cottet et G. Védrine
^— Étude de l’aménagement d’une salle de bains (concepteur : A. Sonnery-Cottet, 2014) ©
pub