ASI Magazine #16 La Chimie du Gout

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AOÛT 2024

NUMÉRO #16

LES MÉDECINS DU GOÛT

Benoît Marsan, Nic Spencer, Don Livermore

MAESTRO DE LA MOLÉCULE

François Chartier

LA CHIMIE DU GOÛT

L’examen de Certification ASI 2

SEPTEMBRE-NOVEMBRE

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Publication par : Association de la Sommellerie Internationale

Rédacteur, gestionnaire de contenu : Mark DeWolf

Gestion des Partenariats : Ana Sofia Oliveira

Marketing et Communication : Xeniya Volosnikova

Assistante administrative : Claire Monnier

Rédaction : Nina Basset

Traduction : Michèle Aström Chantôme, Manuel Negrete

Conception / Mise en page : Carissa Botha

Photographie : 123RF, Jean Bernard, Hugo Pinheiro, Adrijan Pregelj, Perry Jackson, Stölze Lausitz, iStock, Unsplash

Photo de couverture : Les composés chimiques qui entrent dans la composition d’un verre de vin sont nombreux

(Photo : Stölze Lausitz)

Collaborateurs :

Francois Chartier, Mark DeWolf, Irem Eren, Don Livermore, Benoit Marsan, Joseph Mounayer, Nic Spencer, Natalia Torres, Myles Trapp, William Wouters

Bureau exécutif de l’ASI

Président : William Wouters

Secrétaire général : Beáta Vlnková

Secrétaire général adjoint : Ivo Dvorak

Trésorier : Philippe Faure-Brac

Trésorier adjoint : Samuil Angelov

Vice-présidente pour l’Asie et l’Océanie : Saiko Tamura-Soga

Vice-présidente pour l’Afrique et le Moyen-Orient : Michèle Aström Chantôme

Vice-président pour l’Europe : Piotr Kamecki

Vice-président pour les Amériques :  Matias Prezioso

Renseignements sur le magazine :

Mark DeWolf, directeur du contenu de l’ASI

markdewolf@asi.info

Renseignements généraux : www.asi.info | info@asi.info

La science de la sommellerie

L’époque où les sommeliers se contentaient de mémoriser les caractéristiques des principaux styles de vin ou de disposer d’une antisèche sur les accords mets et vins est révolue. Je suis constamment étonné par la masse et la profondeur des connaissances requises pour être un grand sommelier à l’ère moderne. Non seulement les sommeliers doivent comprendre l’art de la sommellerie, faire preuve d’empathie et comprendre les besoins de leurs clients, mais ils doivent également comprendre la science qui sous-tend le processus de fabrication du vin, de la bière, du saké et des spiritueux. Même l’art d’accorder les mets et les boissons n’est plus aussi simple que de marier le bœuf et le cabernet sauvignon ou les huîtres avec le champagne. Le sommelier québécois François Chartier a été l’un des premiers à révolutionner ce domaine. L’auteur de Tastebuds and Molecules (papilles et molécules), un livre qui cherche à trouver des passerelles gustatives entre les mets et les vins, afin de créer des synergies gastronomiques, a initié une nouvelle

façon pour les sommeliers d’envisager l’art et la science de l’association des mets et des boissons.

Alors que le monde du vin évolue vers des méthodes plus naturelles, la compréhension scientifique dunmonde du vin n’a jamais été aussi élevée. Cela peut sembler contraire à l’intuition, mais ce n’est qu’en comprenant mieux la science que l’on peut faire du meilleur vin avec moins d’intervention. Je suis bien placée pour le savoir, puisque je suis mariée à une viticultrice diplômée en chimie qui produit des vins non interventionnistes. Les viticulteurs et les scientifiques contribuent à notre compréhension de la science du vin. L’étude du vin est une passion pour Nic Spencer, ingénieur chimiste d’origine britannique, qui a passé les trente dernières années en tant que professeur de science et de technologie des surfaces à l’ETH Zürich, où il était un leader mondial dans le domaine de la tribologie, la science des surfaces en interaction et en mouvement relatif. Bien qu’il ait toujours été intéressé par le vin, M. Spencer s’est vraiment lancé ces dernières années dans une étude sérieuse du vin, en obtenant le diplôme WSET et en concentrant une grande partie de ses recherches sur l’interaction entre la salive et le vin. Ce faisant, il aide les sommeliers et le monde du vin en général à comprendre comment les palais individuels peuvent donner une impression différente des tannins et de l’acidité, entre

“Alors que le monde du vin évolue vers des méthodes plus naturelles, la compréhension scientifique dunmonde du vin n’a jamais été aussi élevée.”

autres choses. Il cherche également à améliorer la texture des vins sans alcool grâce à ses recherches, un secteur qui prend de plus en plus d’importance. Pour poursuivre notre enquête sur le vin sans alcool, nous interviewons dans ce numéro Irem Eren, un Master of Wine qui travaille dans le domaine des boissons sans alcool. Benoît Marsan, professeur de sciences et de vin à l’Université du Québec, est à la fois un grand amateur de vin et un expert renommé en chimie du vin. Ses cours sur le vin, dispensés à l’ITHQ de Montréal, ont été applaudis par les étudiants en sommellerie et ses recherches ont permis de comprendre pourquoi les vins issus de raisins cultivés sur des sols volcaniques présentent généralement un caractère minéral. Découvrez notre plongée en profondeur avec le Dr Marsan sur la chimie des arômes et de la saveur du vin.

Dans cette édition, nous explorons également la science derrière le saké et le whisky. Avec l’aide de nos partenaires, l’Association japonaise des fabricants de saké et de shochu (JSS), nous nous plongeons dans la chimie du goût du saké, en étudiant l’impact de la sélection du riz, du polissage, du koji, des températures de fermentation et d’autres facteurs sur les arômes et les saveurs. Il s’agit d’une étude approfondie d’un sujet de plus en plus important pour les sommeliers, car le saké de qualité supérieure fait de plus en plus partie de nos choix de boissons à l’échelle mondiale. Don Livermore, maîtremélangeur chez J.P. Wiser’s et expert en fabrication et vieillissement du whisky, titulaire d’une licence en microbiologie ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en brassage et distillation de l’université Heriot Watt d’Édimbourg, est également présent dans cette édition. Dans cette édition, vous découvrirez ce qui se cache derrière les arômes de vos styles de whisky préférés.

Dans le cadre de nos efforts pour continuer à apporter de nouvelles connaissances à nos meilleurs sommeliers, nous organiserons en septembre un nouveau Bootcamp de l’ASI. Cette fois-ci, il aura lieu à Séville, en Espagne, et sera organisé par l’Union des Associations de Sommeliers d’Espagne (UAES), sous la direction de son président, Rafael Bellido. Rafael, ou Rafa comme beaucoup le connaissent, est luimême un éducateur en vin de classe mondiale. Nous sommes très fiers d’accueillir ce prochain bootcamp en Espagne en partenariat avec Rafa et son équipe. Il s’agira sans aucun doute d’un événement riche en enseignement et d’une occasion pour nos sommeliers d’obtenir des informations de première main sur l’évolution moderne des maisons espagnoles du vin et de la gastronomie. Je vous encourage à lire notre article sur l’UAES pour découvrir comment elle forme les sommeliers espagnols pour l’avenir.

“Même l’art d’accorder les mets et les boissons n’est plus aussi simple que de marier le bœuf et le cabernet sauvignon ou les huîtres avec le champagne. Le sommelier québécois
François Chartier a été l’un des premiers à révolutionner ce domaine. ”

Dans mon verre

Mark DeWolf

Gestionnaire de Contenu, Association de la Sommellerie Internationale

Rédacteur ASI Magazine

markdewolf@asi.info

Équilibrer le romantisme et la science du vin

Je me considère comme quelqu’un qui fait le lien entre le romantisme du monde du vin et la curiosité pour la science qui se cache derrière le liquide que nous aimons tous. Cet équilibre est peut-être inscrit dans mon ADN. Ma sœur est ingénieur biochimiste, professeur titulaire et doyen des sciences à l’université Concordia de Montréal, tandis que mon frère est designer. Il a passé une grande partie de sa vie professionnelle à New York et Washington DC en tant que graphiste et conservateur de musée, travaillant notamment avec Annie Leibovitz sur des expositions. J’ai choisi l’économie et les mathématiques pour mes études universitaires, mais l’attrait de la cuisine, de la bière, du vin et de l’hospitalité m’a poussé vers une vie à la fois créative et calculée. Je considère le monde du vin et de la sommellerie comme l’équilibre ultime entre la science et l’art. En effet, les liquides les plus fins sont des chefs-d’œuvre dont les couches et les profondeurs de saveurs ont été élaborées par des artistes vignerons. Pourtant, ces mêmes vignerons qui créent ces versions liquides de la Nuit étoilée et de Mona Lisa ne sont rien sans une connaissance approfondie de leur peinture (les raisins et les grains utilisés pour les vins fins, les spiritueux et la bière), l’expertise et la compréhension des coups de pinceau (la fermentation) et la manière de superposer et d’enrichir leurs œuvres avec les détails fins qui font passer une œuvre d’art du stade de peinture à celui de chef-d’œuvre. Pour ce qui est de ces derniers, je les compare aux décisions prises par le viticulteur après la fermentation, comme le fait de savoir s’il convient de laisser vieillir le vin sur lies ou en barrique, ou les deux, et de quelle manière.

“En effet, les liquides les plus fins sont des chefsd’œuvre dont les couches et les profondeurs de saveurs ont été élaborées par des artistes vignerons.”

Pour moi, l’accord mets et boissons est un autre domaine où l’art et la science se rejoignent. Je pense que le cerveau de la plupart des sommeliers est imprégné de listes d’accords classiques et d’une compréhension de la façon dont la structure des aliments (gras, acide, sucré) influe sur la structure du vin et d’autres boissons, et vice-versa. François Chartier, par son travail avec Ferran Adrià et la publication de son premier livre, Tastebuds and Molecules, s’est efforcé d’approfondir la science des accords mets et vins grâce à ses principes de création de ponts gustatifs basés sur la composition moléculaire du

Vieilles vignes à Casajus

vin et de l’aliment. François Chartier, qui est présent dans cette édition d’ASI Magazine, a sans aucun doute ajouté une couche de profondeur, enracinée dans la science, à la dynamique de la nourriture et de la boisson. Cependant, je reste persuadé qu’il existe également un mariage émotionnel entre la nourriture et la boisson. Si les grandes boissons sont comme les grandes œuvres d’art, elles suscitent des émotions et des sentiments. Il en va de même pour les grands plats et les grands accords mets et boissons. L’artiste en moi dit aussi qu’il doit y avoir un lien entre l’âme de la boisson et l’âme de la nourriture. En fin de compte, ce n’est pas l’artiste qui crée l’accord mets et boissons, mais l’utilisateur final, le convive, qui est à l’origine de la réussite de l’accord. L’accord a-t-il touché une corde intellectuelle et émotionnelle ? En fin de compte, personne ne devrait se soucier de savoir si la décision d’associer un plat et une boisson était fondée sur la science ou sur l’émotion, ou sur les deux. Ce fut un exercice amusant de voir comment François Chartier associe un plat, par rapport à un sommelier traditionnel. Pour en savoir plus sur François Chartier, lisez l’article de Myles Trapp intitulé Maestro de la molécule et décidez des accords qui vous plaisent le plus dans notre rubrique Faites-moi un accord.

Carissa Botha, la conceptrice de notre magazine, est une autre artiste,

une technicienne à laquelle on ne rend pas assez hommage. Depuis près de deux ans, cette résidente d’Afrique du Sud s’inspire des mots des sommeliers du monde entier et crée des œuvres d’art visuelles par le biais de ses mises en page. En effet, comme pour le vin, le résultat n’est bon qu’en fonction de l’apport, mais comme pour le vin, sans un grand artisan, le produit fini peut facilement être gâché. Carissa a contribué à faire d’ASI Magazine la publication de classe mondiale qu’elle est devenue.

Dans ce numéro, je vous encourage à embrasser à la fois l’art et la science de la sommellerie. En lisant les pages de ce numéro, réfléchissez à la manière dont vous pouvez fusionner votre compréhension théorique et scientifique de la nourriture et des boissons avec une compréhension émotionnelle et empathique plus profonde de vos clients. En fin de compte, ce sont vos clients, les convives de nos restaurants et les visiteurs de nos salles de dégustation, qui recherchent un lien émotionnel, le souvenir d’un moment précieux passé avec un verre de vin, un cocktail, un saké, une bière ou un spiritueux. La plupart de mes expériences les plus mémorables en matière de nourriture et de boisson ont été à la fois ancrées dans la logique et renforcées par des émotions, qu’il s’agisse du lieu ou simplement d’un accord qui transcendait la somme de ses parties. Je pense à ces expériences telles que manger

de l’agneau d’Aranda del Duero grillé sur des vignes de Tempranillo centenaires en compagnie d’un riche Ribera del Duero (Bodegas Casajus) dans un ancien village isolé. Est-ce la science qui a permis à la nourriture et au vin de se marier si parfaitement ou simplement un moment privilégié dans le temps et dans l’espace ? Les joues de bœuf braisées au Brunello sont-elles un lien de saveur tel que décrit par François Chartier, ou le romantisme d’être assis dans un restaurant à Montalcino, la vallée et ses vignobles en contrebas ? Ces deux exemples illustrent parfaitement l’interaction entre la logique et le contexte. Pour ce qui est de la somme plus grande que les parties, je pense au goût d’un Château Tahbilk Marsanne mûr et vieilli en bouteille - un vin bon marché d’Australie - dont les notes de fruits à noyaux, de chèvrefeuille et de citron vert se mariaient parfaitement avec la simplicité d’un curry de crevettes à base de noix de coco.

Santé !

Côtelettes d’agneau de Ribera

Redacteurs Invité

Dr Benoît

La chimie du goût : la science du vin

Avec le Dr Benoît Marsan

Benoît Marsan, professeur honoraire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), est titulaire d’un doctorat en chimie. Il a été formé à la dégustation professionnelle des vins par Bertrand Eichel, Meilleur Sommelier du Québec 2009 ACSP (CAPS). Benoît Marsan a fondé en 2015. Il a enseigné la chimie du vin aux professionnels et au public, contribuant de manière significative

aux cours de l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec (ITHQ) de 2013 à 2016. Sa passion pour le sujet l’a amené à créer un cours de chimie du vin très populaire à l’UQAM, qui lui a valu un prix d’excellence en enseignement. En 2017, il a développé un cours de chimie innovant pour les sommeliers à l’ITHQ et a contribué à un atelier sur la minéralité pour les grands sommeliers. Le Dr Marsan

donne des séminaires dans le monde entier, notamment son séminaire Wine Chemistry for Professionals. Ses travaux récents portent sur l’impact des sols volcaniques sur le vin, en collaboration avec John Szabo MS et le Dr Christian Coelho. Nous ne pouvions imaginer personne de mieux que le Dr Marsan pour explorer la chimie du vin.

Marsan

ASI : Nous avons intitulé cette édition d’ASI Magazine “ La chimie du goût “. Dans quelle mesure nos autres sens jouent-ils un rôle dans la perception globale et la compréhension d’un vin ?

Dr Benoît Marsan (BM) : Il est vrai que l’odorat est fortement sollicité dans l’exercice de la dégustation d’une boisson telle que le vin ou même d’un mets. En effet, environ 70 % du goût du vin passe par l’olfaction, incluant les voies de détection orthonasale (par le nez) et rétronasale (par le fond de la cavité buccale). Dans ce dernier cas, la perception des molécules odorantes est modifiée par la température buccale, les réactions avec la salive et l’interaction avec les différentes saveurs et textures du vin. Selon la composition chimique du vin qui est très complexe, notre génétique qui influe grandement sur les seuils de perception olfactives individuelles et notre condition médicale, cela peut masquer, atténuer, amplifier ou modifier chimiquement certains arômes, en plus d’en faire apparaître parfois de nouveaux. Les perceptions olfactives sont aussi génératrices d’émotions. Cela étant dit, la perception globale d’un vin dégusté est le résultat de la stimulation de tous nos sens qui envoient une quantité impressionnante d’informations au cerveau qui les traite, en vérifie la concordance suivant notre expérience, et lorsque cela s’avère nécessaire, reconstruit le goût du vin. Le récent livre de Pascaline Lepeltier (Mille Vignes, Penser le vin de demain) donne plus d’informations sur ce sujet passionnant.

La vue prime sur l’olfaction, elle est le sens qui oriente les autres étapes de la dégustation par anticipation. La preuve en est que si vous fermez les yeux, ou utilisez un verre noir, l’activité cérébrale est intensifiée pour pallier au manque d’anticipation apporté normalement par la couleur du vin. Déguster un vin rosé dans un verre noir peut être assez déroutant.

Selon son expérience passée, le dégustateur pourra avoir tendance à se diriger vers la description d’un certain type de vin blanc, d’un vin orange ou encore d’un vin rouge léger avant même de penser à un vin rosé. Une fois la couleur révélée, le dégustateur réoriente ses perceptions

pour mieux les accorder avec ce qu’il connaît des vins rosés. Par ailleurs, ajouter un colorant rouge sans odeur et sans goût à un vin blanc dirige faussement le dégustateur vers la recherche de notes organoleptiques liées à un vin rouge : je le répète, le cerveau anticipe. Il en est de même pour la vue de l’étiquette d’une bouteille qui pourra modifier la perception globale du vin qu’en aura le dégustateur.

La mise en bouche du vin stimule le sens du goût, du toucher et de l’odorat par rétro-olfaction, en plus de confirmer l’interprétation des perceptions visuelles comme la teneur en alcool et le niveau de sucre (déduits de l’observation des larmes qui coulent le long des parois du verre), l’âge du vin (déduit par la teinte et l’intensité de sa couleur, ainsi que par la nature des dépôts laissés dans le verre), et parfois même son mode d’élevage dans le cas d’un vin blanc (grâce à sa couleur plus intense pour un élevage en fût de chêne, qui pourrait toutefois être causée par un taux de sucre résiduel élevé ou par des raisins botrytisés). Le sens du goût, avec ses 5 saveurs principales (sucrosité, acidité, amertume, salinité

“Notre condition psychologique, notre humeur du moment notamment, qui est en réaction à notre environnement immédiat, affecte la qualité de notre jugement critique et donc de nos perceptions sensorielles.”

et umami) qui interagissent entre elles pour parfois en intensifier ou en diminuer l’intensité, joue un rôle de premier plan dans la perception d’un vin. Prenons par exemple l’acidité, colonne vertébrale du vin. Un vin plus acide, notamment plus riche en acide malique (qui persiste plus longtemps en bouche), portera plus longtemps la perception des arômes et celle des amers. Cela aura nécessairement un impact sur l’appréciation globale du vin. L’acidité intensifie également la perception des éléments tactiles tels que l’astringence des tannins et l’effervescence. La sensation d’astringence, pour sa part, si elle est forte, peut interférer négativement avec les perceptions olfactives rétronasales.

Même le sens de l’ouïe n’est pas à négliger puisque les informations divulguées oralement par autrui sur un vin à déguster influencent notre analyse sensorielle par la construction préliminaire d’une anticipation. Enfin, je ne pourrais terminer sans parler d’une nouvelle approche à la dégustation, qui met l’emphase non pas sur les perceptions visuelles (les yeux sont bandés) et olfactives comme à l’habitude, mais plutôt sur les sensations tactiles. Cette approche géosensorielle, développée par Jean-Michel Deiss (Alsace) et Jacky Rigaux (Bourgogne), et récemment approfondie par Julien Camus et son équipe, utilise une terminologie liée à la géométrie, la texture, l’énergie et la consistance ressenties au contact du vin en bouche, ainsi qu’à la qualité, l’intensité et la localisation de la salivation qui en résulte.

ASI : La psychologie a-t-elle un impact sur notre perception du “goût” ? BM : Oui, notre condition psychologique, notre humeur du moment notamment, qui est en réaction à notre environnement immédiat, affecte la qualité de notre jugement critique et donc de nos perceptions sensorielles. C’est bidirectionnel : autant le processus de dégustation génère des émotions, autant les émotions que nous

ressentons, qu’elles soient agréables (joie, euphorie) ou pas (tristesse, mélancolie), drainantes d’énergie (colère) et parfois souffrantes (dépression), affectent à divers degrés l’image mentale du vin construit par le cerveau en réaction à l’ensemble des informations sensorielles qu’il reçoit. Qui n’a pas apprécié à un plus haut niveau la qualité d’un vin bu en vacances (état décontracté) et en bonne compagnie? Le même vin bu au retour à la maison nous déçoit parfois. Déguster un vin dans un état de satiété ou lorsque nous sommes affamés ne mène pas au même résultat. Même la qualité de notre alimentation influe sur nos capacités cognitives et de concentration, fortement sollicitées lorsque nous dégustons un vin. Une dégustation réalisée dans un contexte professionnel exige donc de contrôler au mieux nos émotions.

ASI : Le rôle d’un sommelier est fondamentalement de servir un vin, un spiritueux ou une boisson qui corresponde aux préférences d’un individu. À ce titre, de nombreuses entreprises technologiques et de grands détaillants tentent de mettre au point des algorithmes et des plateformes basées sur l’intelligence artificielle afin de créer des plateformes de recommandation personnalisée de vins, de spiritueux

“La vue prime sur l’olfaction, elle est le sens qui oriente les autres étapes de la dégustation par anticipation. La preuve en est que si vous fermez les yeux, ou utilisez un verre noir, l’activité cérébrale est intensifiée pour pallier au manque d’anticipation apporté normalement par la couleur du vin.”

et de bières. Pensez-vous qu’il s’agit d’une aventure insensée ou le concept de recommandations personnalisées générées par des machines est-il possible ?

BM : L’intelligence artificielle joue un rôle de plus en plus important dans le domaine du vin, notamment au service des viticulteurs pour prévoir très précisément les modèles climatiques, ou plus spécifiquement pour recueillir des données sur la santé des vignes. En ce qui concerne les algorithmes de recommandation, plusieurs plateformes existent et se perfectionnent rapidement au fil du temps, grâce aux retours d’expérience indispensables des consommateurs pour accroître les taux de succès liés à leurs préférences individuelles.

Une technologie peut par exemple faire l’analyse en laboratoire de plusieurs milliers de vins, de spiritueux et de bières pour d’abord générer une palette générique de couleurs, d’odeurs/arômes, de saveurs et de sensations tactiles qui sera par la suite comparée aux préférences sensorielles de chaque consommateur, révélées par le biais de réponses à un questionnaire (ce qui n’est évidemment pas optimal). Un second algorithme a la tâche d’établir des associations entre le palais décrypté du consommateur et la matrice sensorielle d’un ensemble de produits à recommander. L’évaluation par le consommateur des recommandations personnalisées permet d’augmenter les taux de succès. Une technologie alternative utilise l’expertise de Masters of Wine et de Master Sommeliers pour créer la matrice sensorielle de chacun des produits pouvant éventuellement être recommandés.

Je pense que même si les plateformes de recommandation utilisant l’intelligence artificielle ont fait de grand pas depuis leur tout premiers débuts, et qu’elles s’amélioreront encore dans l’avenir, elles auront de la difficulté à prévoir les perceptions individuelles résultant des multiples interactions entre les composés qu’un instrument de mesure ne peut apprécier. De plus, à ma connaissance, aucun algorithme

Image générée par 123RF

ne peut mesurer, et donc prévoir, les émotions ressenties par un dégustateur, qui en diraient long sur son niveau d’appréciation du produit recommandé.

ASI : Est-il compliqué de comprendre l’impact des arômes sur les préférences personnelles?

BM : Il serait en effet hasardeux de se fier uniquement aux informations purement analytiques des vins que nous buvons, telles que celles présentées dans les fiches techniques disponibles sur internet, pour prévoir avec justesse leur goût. Les résultats d’analyse tels que la teneur en alcool (éthanol), la teneur en sucres résiduels (généralement confondus avec les sucres réducteurs, principalement glucose et fructose), l’acidité titrable (confondue avec l’acidité totale), le pH et l’extrait sec, ne sont pas des indicateurs fiables de perception de goût. Il en est de même pour la concentration en tannins, qui est très rarement divulguée au dégustateur et dont la valeur ne saurait de toute manière le guider correctement sur leur impact en bouche. Nous pouvons étendre la réflexion aux paramètres d’élevage en fût de chêne, ainsi qu’aux composés odorants à impact élevé tels que ceux appartenant à la famille des méthoxypyrazines (notes végétales), des monoterpènes (caractères fruités

et floraux, parfois résineux) et des thiols variétaux (notes d’agrumes, de fruits exotiques, de cassis, de buis), ou encore au TDN (notes d’hydrocarbures, communément dites pétrolées), à la rotundone (notes poivrées) et au sotolon (caractère oxydatif).

Même en faisant abstraction des effets des multiples interactions qui existent entre les éléments du vin et des variabilités génétiques affectant les perceptions, dont il faut absolument tenir compte, les résultats d’analyse en laboratoire doivent être interprétés avec prudence. Par exemple, bien que l’intensité du goût acide soit mieux corrélée à la mesure de l’acidité titrable qu’au pH du vin, il faut porter attention à la façon dont cette mesure d’acidité est rapportée. Selon les régions du monde, elle peut être exprimée en équivalents d’acide tartrique ou en équivalents d’acide sulfurique, ce qui fait une différence notable.

Les interactions gustatives sont multiples et affectent les perceptions tactiles. À titre d’exemple, le niveau d’astringence perçu est notamment affecté par l’intensité du goût acide, qui dépend à son tour de la présence d’autres éléments du vin (sucres, glycérol, éthanol, composés amers, CO2), d’un vieillissement sur lies,

d’un élevage en fût de chêne et de la température de service. Quant au goût amer, son intensité est modulée par les interactions avec les autres saveurs (sucré, acide, salé, umami). Il faut savoir aussi que l’amertume et l’astringence liées aux tannins dépendent de leur nature chimique et de leur taille (qui varie avec l’âge du vin), et pas uniquement de leur concentration. Ainsi, les tannins de petite taille sont plus amers qu’astringents puisqu’ils sont suffisamment petits pour interagir avec les récepteurs associés à cette saveur, mais pas assez gros pour interagir de façon optimale avec les protéines salivaires responsables de l’astringence. À l’inverse, les tannins solubles de plus grande taille favorisent l’astringence. Les perceptions olfactives, pour leur part, sont le résultat d’interactions entre différentes molécules odorantes, les saveurs et les textures du vin.

En résumé, le goût du vin se construit dans notre cerveau suite à la stimulation de nos cinq sens et aux innombrables interactions se produisant entre les éléments du vin.

ASI : Le goût est-il si personnel?

BM : Comme je l’ai mentionné précédemment, les variabilités génétiques affectent les perceptions individuelles, en particulier au niveau de l’olfaction avec ses 400 récepteurs chimiquement différents. Ce très grand nombre fait en sorte qu’entre deux personnes, plus de 30% des récepteurs présentent des variants, ce qui rend une proportion de la population plus sensible à certaines odeurs, alors que d’autres individus y sont moins sensibles et parfois même incapables de les percevoir. Ce phénomène d’anosmie sélective existe pour plusieurs composés dont

la rotundone (odeur de poivre), pour laquelle environ 20% de la population y sont insensibles, et la β-ionone (odeurs de violette et de framboise) qu’environ 25% des individus ne peuvent détecter aux concentrations retrouvées dans les vins. Concernant l’odeur de goût de bouchon (2,4,6-trichloroanisole ou TCA), le seuil de détection peut varier d’un facteur 10 000 entre les individus.

Les variabilités génétiques au niveau de la gustation sont beaucoup plus faibles, considérant qu’un seul type de récepteur existe pour chacune des saveurs, à l’exception de l’amertume qui en compte 25. Dans ce dernier cas, plus de 150 variants existent, ce qui explique que certaines personnes sont plus ou moins sensibles à l’amertume de certains composés. Le seuil de détection peut varier d’un facteur 1000 entre les individus. Il y a même des personnes (environ 20% de la population) qui sont insensibles ou presque à l’amertume. De l’autre côté du spectre, les enfants y sont plus sensibles en raison d’une composition différente de leur salive.

Un aspect de votre question concerne l’implication de la salive sur la perception du goût. Il faut savoir que la salive varie entre les individus, tant au niveau de son pH et de sa composition en protéines qu’à celui du débit salivaire (quantité) et de la rapidité avec laquelle elle se régénère une fois la bouche asséchée. Tout cela a bien entendu des impacts sur les perceptions individuelles. Par exemple, le pH buccal peut se situer entre 6 et 7 (et parfois même audelà de 7), soit un facteur d’au moins 10 au niveau de l’acidité. Cela peut expliquer les écarts de sensibilité à l’acidité du vin : une personne avec un pH buccal plus élevé devrait

percevoir plus intensément cette acidité par effet de contraste. Il en est de même pour le goût de souris, dont l’arôme (uniquement détecté par voie rétronasale) sera mieux perçu par les personnes au pH buccal plus élevé.

Le débit salivaire diffère beaucoup d’une personne à l’autre, ce qui affecte la perception d’astringence des tannins : les personnes avec un débit plus important trouveront les tannins moins asséchants. Toutefois, pour une même personne, le débit salivaire varie en fonction du niveau d’hydratation, de la médication, et même de son état émotionnel et du moment de la journée.

Enfin, la salive contient des enzymes capables de libérer un certain nombre de composés d’arômes de leur précurseur inodore demeuré intact suite à la fermentation et au

vieillissement du vin. Au contraire, une autre catégorie d’enzymes peut dégrader certains esters (arômes fruités) en leurs constituants de base (acide et alcool). Les personnes qui en sont moins pourvues pourraient donc être affectées au niveau de la perception de certains arômes.

ASI : Peut-on éliminer les préjugés personnels et l’histoire de l’équation ?

BM : Vous avez raison, la mémoire individuelle construite depuis la naissance, parfois même inconsciemment, joue un rôle clé dans la reconnaissance des odeurs. Toutefois, il ne suffit pas qu’un individu ait été mis en contact une fois avec une odeur pour qu’il soit capable de la reconnaître aisément — notamment dans un milieu très complexe comme le vin — à moins qu’une relation émotionnelle forte ait été établie. Dans la très grande

majorité des cas, l’individu doit au contraire être entré plusieurs fois en interaction avec l’odeur dans son passé. Bien entendu, une personne n’ayant jamais senti une odeur ne pourra jamais la reconnaître ; elle pourra toutefois, dans certains cas, l’associer à une odeur proche qu’elle connaît mieux.

À ce point de vue, les variations culturelles sont intéressantes à analyser. Par exemple, l’odeur de fraise bien mûre, facilement reconnue dans les pays occidentaux, sera interprétée par la population chinoise non voyageuse comme étant de l’ananas. De fait, plusieurs composés volatils identiques composent l’odeur de ces deux fruits.

“Il faut être capable de se concentrer sur l’instant présent en tentant de déconnecter notre pensée de nos références sensorielles et émotionnelles liées.”

ASI : Peut-on faire abstraction des préjugés personnels et de l’histoire ?

BM : Votre manière de penser est tout à fait normale. Comme je l’ai dit au début de cette entrevue, notre cerveau cherche des raccourcis, anticipe. Il se construit spontanément une image globale du vin à partir des informations visuelles ou auditives reçues (consciemment ou non) avant d’avoir débuté l’exercice de dégustation, et de nos apprentissages passés.

Notre expérience en dégustation joue donc contre nous dans la quête d’une objectivité sensorielle. Ainsi, une personne débutante n’ayant jamais appris les caractéristiques normalement attribuées à un vin de Chablis — il y aurait là aussi matière à discussion — n’aurait pas le même biais que vous avez. Il en serait de même pour un Chinon bien typé d’un millésime frais pour lequel le dégustateur averti anticipe des notes végétales de poivron vert.

Demander à notre cerveau de faire abstraction des connaissances acquises et bien ancrées dans notre mémoire exige de constants efforts. Il faut être capable de se concentrer sur l’instant présent en tentant de déconnecter notre pensée de nos références sensorielles et émotionnelles liées au type de vin que nous sommes en train de déguster, comme le ferait un débutant. Cela demande de l’entraînement. Au final, je crois qu’il n’est pas possible de se soustraire complètement de nos biais personnels, mais que l’on peut en atténuer les effets.

ASI : En tant que sommeliers, pensezvous que nous sommes coupables d’accorder trop d’importance au « terroir », au cépage, au lieu ?

BM : Ce n’est pas une question simple à répondre, tant elle fait appel à plusieurs facteurs incluant son aspect émotionnel. Une réponse complète demanderait plus d’un chapitre de livre! Le vigneron, par sa pratique culturale, ses actions durant la saison de croissance de la vigne incluant les

vendanges et ses décisions au chai, mérite à mon avis une plus grande reconnaissance comme contributeur au goût du vin. D’ailleurs, l’élément humain ne fait-il pas partie du concept de terroir au même titre que le climat, le sol ou encore la topologie du vignoble?

Par exemple, nous savons que les dates de vendanges ont un impact majeur sur les niveaux de maturité technologique (sucres, acides), phénolique (principalement pigments et tanins) et aromatique (composés et précurseurs d’arômes) des raisins. Cela influence bien évidemment le goût des vins qui seront produits. Au chai, les décisions du vigneron ou de l’œnologue contribuent également à la perception sensorielle des vins.

Pour illustrer ce propos, prenons la situation de vins issus de vignes cultivées sur des sols d’origine volcanique. De par notre imaginaire, nous pourrions être tentés de lier directement les notes de fumée de ces vins (souvent perçues) au sol dérivé d’une lave refroidie rapidement. Il faut cependant chercher une explication moins directe, à travers les caractéristiques de ce type de sol, notamment sa relative pauvreté en matières organiques qui limite son contenu en azote assimilable (ions nitrates et ammonium). Sans l’intervention du vigneron, par l’ajout dans le moût d’azote assimilable, les levures modifient leur métabolisme pour produire davantage de sulfure d’hydrogène au cours de la fermentation, ce qui favorise la formation de composés soufrés aux odeurs de réduction majoritairement indésirables. Toutefois, certains de ces composés possèdent des odeurs s’apparentant à de la fumée (pierre à fusil, silex) ou à des coquilles de bord de mer comme l’huître, que nombre de personnes associent à des perceptions minérales. D’autres sols que ceux d’origine volcanique peuvent être déficients en azote assimilable suivant les pratiques culturales appliquées au vignoble. Le vigneron, de par son choix d’ajuster ou pas le niveau d’azote, peut donc contribuer au goût du vin. Un vin avec une perception de pierre à fusil est même parfois tant désiré que le vigneron

“D’ailleurs, l’élément humain ne faitil pas partie du concept de terroir au même titre que le climat, le sol ou encore la topologie du vignoble ?”

peut limiter délibérément le contenu en azote assimilable du sol. Ce n’est alors plus une question de terroir ou même de cépage!

La sélection de la souche de levure joue également un rôle important dans le goût du vin et le vigneron en a le contrôle sauf lorsqu’il emploie les levures naturelles du raisin (fermentation spontanée). En effet, jusqu’à plusieurs centaines de souches de levure existent sur la pellicule des baies, issues de plusieurs espèces différentes avec leurs particularités propres. Les levures diffèrent par leur résistance spécifique aux conditions du milieu (température, pH, teneur en sucre, en alcool, en azote assimilable et en dioxyde de soufre), mais aussi à leur habileté à produire du glycérol, une diversité de composés d’arômes, des alcools supérieurs aux notes végétales, de l’acide succinique au caractère umami, de l’acidité volatile et du dioxyde de soufre. Il ne faut donc pas sous-estimer l’apport du vigneron aux caractéristiques sensorielles du vin par son choix de levure qui peut affecter positivement le caractère variétal de certains cépages. Cela est toutefois beaucoup moins clair dans le cas de la production de vins biologiques, biodynamiques ou naturels. Bien que les levures les mieux adaptées à la production d’alcool (Saccaromyces cerevisiae) soient très peu présentes naturellement à la surface des baies, elles sont celles qui terminent généralement le processus de fermentation spontanée, les autres ne survivant que très rarement au-delà de 4 à 5% d’alcool en plus d’être moins tolérantes au dioxyde de soufre. J’aimerais amener ici un autre point dont on ne discute généralement pas assez : les fûts de chêne neufs contiennent plusieurs souches de levures Saccaromyces cerevisiae, parfois jusqu’à 40. Cela a

certainement une implication sur la qualité sensorielle du vin produit.

La température de fermentation a également une incidence sur la perception globale du vin. En tout premier lieu, elle influence l’implication réelle des différentes souches de levure au processus, une température plus élevée favorisant l’apport des levures Saccaromyces cerevisiae au détriment des levures indigènes. La température de fermentation a aussi un impact sur la concentration de certains composés d’arômes. Ainsi, une température trop élevée accroît les pertes d’arômes, alors qu’une température trop faible produit plus d’arômes de banane. La température de fermentation permet aussi de contrôler l’extraction des composés phénoliques qui aura une incidence sur la couleur du vin, et sur la nature et la concentration des tanins.

ASI : La grande question. La science peut-elle remplacer la sommellerie ?

BM : À travers les années, les multiples avancées scientifiques ont permis de mieux comprendre, entre autres, la physiologie de la vigne, le métabolisme des levures et des bactéries (incluant les défauts du vin), les paramètres affectant la synthèse et l’évolution de très nombreux composés du vin, l’effet d’un élevage en fût de chêne, les caractéristiques évolutives des variétés de bouchons (liège naturel, aggloméré, synthétique, capsule à vis, etc.), la physiologie de l’odorat et du goût, et plus encore. Les avancées techniques en chimie analytique (instruments plus sophistiqués et sensibles) ont par ailleurs permis d’identifier les molécules contribuant à un nombre impressionnant d’odeurs. En dépit de ces avancées remarquables, la science n’explique pas tout, mais les progrès se poursuivent.

Comme je l’ai mentionné plus tôt dans cette entrevue, si l’on revient aux plateformes de recommandation utilisant l’intelligence artificielle et souvent basés sur l’analyse en laboratoire de milliers de vins, je ne

crois pas qu’elles sauront satisfaire entièrement le consommateur en quête de vivre une expérience sensorielle globale complète. Les consommateurs de plus en plus avisés et curieux cherchent des vins produits de manière responsable et durable par des vignerons convaincus (et convaincants) avec une histoire familiale inspirante. La sommellerie aura toujours sa place pour instruire et conseiller le consommateur. L’expérience des sommeliers leur permet aussi de parler des millésimes passés d’un vin spécifique, de son évolution probable à travers les années en cave, et d’un changement éventuel de pratique culturale et de philosophie en vinification d’un producteur. Et bien sûr, la connaissance des préférences du consommateur lui donne les informations nécessaires pour le conseiller (avec explications) sur des accords judicieux. Ceci étant dit, le sommelier ne doit pas cesser de mettre à jour ses connaissances.

“Les avancées techniques en chimie analytique ont par ailleurs permis d’identifier les molécules contribuant à un nombre impressionnant d’odeurs.”

La science de la gorgée : comment la salive interagit avec nos perceptions gustatives

Nic Spencer, né au Royaume-Uni, est un ingénieur chimiste de renom, mais aussi un diplômé du Wine & Spirit Education Trust (WSET). Son parcours universitaire a commencé à la prestigieuse université de Cambridge, où il a fait ses études de premier et de deuxième cycle. À la recherche de nouveaux défis et de nouvelles opportunités, Nic Spencer s’est rendu aux États-Unis pour entreprendre des recherches postdoctorales à l’université de Californie, à Berkeley. C’est là qu’il s’est familiarisé avec le vin, en faisant des excursions d’une journée de Berkeley aux vignobles de Napa dans sa Coccinelle Volkswagen.

Après son stage postdoctoral, le Dr Spencer a passé un peu plus d’une décennie à contribuer à l’industrie chimique américaine, travaillant à partir de Washington D.C., où il a affiné son expertise et développé un vif intérêt pour la science et la technologie des surfaces. Sa trajectoire professionnelle a pris un tournant important lorsqu’il a rejoint l’ETH Zürich, l’une des plus grandes universités du monde, en tant que professeur de science et de technologie des surfaces. Au cours

des trente dernières années, il a fait partie intégrante de la faculté de l’ETH Zürich, apportant des contributions révolutionnaires à divers domaines, dont la tribologie, la science des surfaces en interaction et en mouvement relatif. Vous vous demandez peut-être quel est le lien entre la tribologie et le vin ? Toutes sortes de perceptions sensorielles reposent sur la relation entre la salive et divers éléments structurels d’un vin, tels que l’acidité et les tannins, entre autres.

Quant à l’intérêt du Dr Spencer pour le vin, il s’agit d’une occupation postérieure à la retraite. Il déclare : “Je n’ai jamais pensé à l’époque que ce que j’enseignais aurait un rapport avec le vin. Mais en fin de compte, c’est ainsi que je passe une partie de mon temps maintenant. Je peux remercier la Covid pour cela”. Lors d’un des voyages semi-fréquents de Nic Spencer en Argentine, lui qui est également un amateur de tango, a décidé qu’ils devraient visiter Mendoza, Salta et Calchaqui. Après une soirée au restaurant El Enigmo, ils sont retournés à leur hôtel au domaine viticole de Tapiz, où ils ont

Dr Nic Spencer
Avec le Dr Nic Spencer (Interview par Xeniya Volosnikova)

été informés qu’ils devaient être mis en quarantaine. Ils sont restés coincés dans la cave pendant deux mois, vivant sur la propriété pendant les vendanges. Non seulement ils ont pu assister aux vendanges, mais Spencer a même participé à l’élaboration du vin effervescent. À leur retour en Suisse, Spencer s’est inscrit au programme WSET. En seulement deux ans, il a obtenu son diplôme WSET.

Xeniya Volosnikova pour ASI (XV) : Votre formation scientifique vous a-t-elle donné un avantage en matière d’analyse sensorielle ?

Nicholas Spencer (NS) : Je pense que c’est utile parce que je ne suis pas effrayé par la technologie, la biochimie ou la chimie. Je comprends la nature chimique des composants du processus et la manière dont ils peuvent interagir. J’ai également trouvé ma formation utile pour rédiger des mémoires. Il est très utile d’être habitué à la structure d’un article scientifique, en particulier du point de vue de l’extraction d’informations utiles. Même dans des domaines qui ne relèvent pas spécifiquement de la chimie, comme la biochimie ou la microbiologie, j’en sais suffisamment pour pouvoir au moins en dégager les grandes lignes. Si je ne comprends pas quelque chose, je connais suffisamment de personnes dans différents domaines pour leur demander.

XV : L’un des aspects fascinants du vin est l’apprentissage et la compréhension constants. Êtes-vous d’accord ?

NS : Oui. Une chose m’est venue à l’esprit récemment, alors que je me trouvais dans le Jura et que je dégustais différents vins mis en bouteille. Dès que je les ai goûtés, j’ai senti l’odeur de l’acétaldéhyde, qui est la même chose que celle que l’on trouve dans le Fino Sherry. Cela m’a ramené à l’époque où j’étais un chimiste (à 10 ans) à la maison. Je synthétisais des molécules organiques dans la cuisine de mes parents et l’acétaldéhyde en faisait partie. Cela signifie que j’ai senti l’acétaldéhyde pour la première fois à un très jeune âge.

XV : Lorsque vous dégustez, cherchezvous à identifier des composés spécifiques ou commencez-vous par des arômes et des saveurs plus larges, comme le ferait un sommelier ? NS : Je ne peux pas dire que je goûte d’une manière particulièrement inhabituelle ou unique. Je passe en revue les différentes catégories d’arômes et de saveurs dans mon esprit. Est-ce que cela sent ou a le goût de ceci ? Je passe ensuite en revue les différentes possibilités. Je goûte de manière classique et déductive, à moins qu’il n’y ait quelque chose que je reconnaisse comme un simple produit chimique. Cela dit, la plupart des arômes et des saveurs du vin sont très complexes. Vous pouvez penser qu’un vin sent la fraise, mais ce n’est pas exactement le cas. L’arôme de “fraise” présente quelques similitudes chimiques avec des éléments également présents dans les fraises, mais il y a probablement une demi-douzaine de molécules qui font que les fraises sentent la fraise. Pour l’essentiel, il ne s’agit que de ce qui se passe dans votre cerveau, des souvenirs que les arômes du vin évoquent, etc. Bien qu’il y ait certaines molécules simples comme l’acétaldéhyde, le TCA ou le TDN (essence dans le Riesling, par exemple) auxquelles je suis très sensible. En revanche, je dois dire que je ne suis pas sensible à la brett. Mon nez ne la détecte jamais.

XV : Pensez-vous qu’il faille avoir de l’expérience pour reconnaître les arômes ?

NS : Je pense que nous connaissons tous l’expérience de sentir quelque chose et de se dire “qu’est-ce que c’est ? Il existe un lien entre l’odorat et la mémoire. Sans oublier que l’odorat a besoin d’être entretenu, exercé.

XV : Comment reconnaître les éléments structurels tels que les tannins ?

NS : C’est un aspect du vin auquel je consacre beaucoup de temps en ce moment. Si vous repensez à la façon dont nous sommes censés décrire les tannins dans le programme du diplôme WSET, par exemple, il y a un très grand nombre de descripteurs que nous pouvons utiliser. Fondamentalement, l’effet des tannins est l’astringence, et l’astringence elle-même a plusieurs sous-qualités telles que le séchage, la rugosité et la sensation de piqûre. Toutes ces sensations sont différentes. La question est de savoir pourquoi les tannins provoquent toutes ces sensations. Ce que le tannin fait à la couche de salive sur la langue est fascinant. Il s’agit essentiellement de changements dans la friction de la langue contre le palais, et la salive lubrifie cette interaction.... La structure de la salive sur la langue est vraiment fascinante parce que la salive contient des chaînes appelées mucines. Il existe de nombreuses sortes de mucines, qui s’assemblent d’une certaine manière sur la langue et sont responsables de la lubrification. Lorsque le tannin entre en jeu, il lie ces éléments de différentes manières. Ainsi, le tannin n’est pas toujours du tannin. Il peut se présenter sous différents volumes et formes, et il change constamment au fur et à mesure que le vin vieillit. Je travaille actuellement avec un expert en salive à Londres. Nous essayons de créer une surface qui imite la langue et qui a le même type de structure salivaire, parce que les mucines ne se contentent pas de coller. Elles se collent dans un ordre particulier sur la surface de la langue. Il y a une mucine qui sort des cellules sur le dessus de la langue, puis le reste des mucines

“Dès que je les ai goûtés, j’ai senti l’odeur de l’acétaldéhyde, qui est la même chose que celle que l’on trouve dans le Fino Sherry. Cela m’a ramené à l’époque où j’étais un chimiste (à

La science de la gorgée : comment la salive interagit avec nos perceptions gustatives

10 ans) à la maison.”

s’assemblent sur cette mucine. Ensuite, les tannins entrent en jeu et interagissent avec eux de différentes manières. L’acidité du vin intervient également dans cette interaction. Viennent ensuite les polysaccharides, les maltodextrines et d’autres éléments provenant de la levure ou du raisin. Ils interagissent également et peuvent même contribuer à la lubrification. Certains polysaccharides forment une couche lubrifiante sur la langue. Il faut ensuite tenir compte du fait que l’alcool interfère avec l’interaction entre les tannins et le mucus.

XV : Comment tenez-vous compte de la diversité des goûts ?

NS : C’est l’un des aspects frustrants de la recherche avec la salive. J’ai maintenant effectué un grand nombre de mesures de friction avec ma propre salive. Si j’utilise la salive de quelqu’un d’autre, j’obtiens un résultat différent. Il faut ensuite tenir compte d’éléments tels que les repas. La salive est variable. Je pense que l’une des raisons pour lesquelles les gens ont des sensations différentes est que la salive est différente. Lorsque nous écrirons enfin un article sur ce que nous sommes en train de faire, il dira que la salive a été prélevée sur un volontaire de 69 ans en bonne santé.

XV : Comment la salive interagit-elle avec l’acidité ?

NS : L’acidité n’est pas seulement l’acidité. Il existe un grand nombre d’acides organiques qui peuvent se retrouver dans le vin, soit à partir du raisin, soit par le biais de la fermentation malolactique, par exemple. Il est possible de modifier le spectre des acides présents et ils deviennent tous des acides à des valeurs de pH différentes, ce qui signifie que lorsqu’ils sont exposés à un environnement dont le pH est différent, ils auront une acidité plus ou moins détectable. C’est donc la différence entre l’acidité totale et le pH. C’est pourquoi il s’agit de deux concepts différents.

Je pense que cette composition acide, en termes d’acides présents, peut avoir un effet énorme non seulement sur la sensation en bouche, mais aussi sur des choses comme la longueur d’un vin, car une fois que vous avez bu

votre gorgée de vin, vous commencez à saliver. Pendant que vous salivez, le pH de votre bouche passe du pH du vin au pH normal de votre bouche. Pendant ce temps, les acides résiduels présents dans la bouche font leur transition.... Je pense qu’il s’agit là d’un domaine de recherche très intéressant qui n’a pas été beaucoup étudié. Étant donné que l’acidité interagit avec le tannin et la salive, je pense qu’elle pourrait avoir un effet très important sur la sensation en bouche.

XV : Qu’en est-il du cas de l’addition d’acide et de son impact sur l’intégration ?

NS : Quand les gens disent que l’acide est mieux intégré, il y a beaucoup d’atomes crochus derrière cette affirmation. C’est vrai. S’il est vraiment mieux intégré, cela signifie probablement qu’il a réagi avec quelque chose, ou que la levure l’a métabolisé d’une manière ou d’une autre en quelque chose d’autre. Il serait intéressant de savoir ce qui s’est passé. En ce qui concerne l’ajout d’acide tartrique, par exemple, il se peut qu’il soit simplement masqué par quelque chose d’autre. Il existe une expérience classique que l’on recommande de faire au niveau 1 du WSET. Les étudiants commencent par goûter une solution d’acide tartrique terriblement acide. Ils goûtent ensuite une solution de sucre assez forte, qui est terriblement sucrée. Ils mélangent

ensuite les deux et le goût devient très agréable. C’est une expérience magnifiquement illustrée, mais je pense qu’il se passe probablement quelque chose de similaire, non pas avec le sucre, mais avec quelque chose d’autre qui peut masquer ou réagir avec l’acide tartrique qui peut être créé au cours du processus de fermentation.

XV : Comment vos recherches peuvent-elles aider la communauté viticole ?

NS : C’est le cas, par exemple, des vins à faible teneur en alcool et des vins sans alcool, parce qu’ils n’ont pas de sensation en bouche. Les producteurs doivent donc souvent ajouter du sucre ou carbonater les vins pour leur donner une certaine sensation en bouche. Je collabore actuellement avec Geisenheim pour améliorer la texture des vins sans alcool.

XV : Vous mettez les sommeliers au défi d’envisager les arômes, les tannins, la perception de l’acidité et la sensation en bouche sous un angle différent. Comment devient-on un meilleur dégustateur pour mieux comprendre ces interactions ?

NS : Je pense que c’est comme la femme qui demandait à l’homme dans les rues de New York, comment se rendre à Carnegie Hall ? Il lui a répondu : “Entraînez-vous, madame, entraînez-vous”. C’est la même chose pour la dégustation du vin. Lorsque vous buvez une gorgée

“Vous pouvez penser qu’un vin sent la fraise, mais ce n’est pas exactement le cas. L’arôme de “fraise” présente quelques similitudes chimiques avec des éléments également présents dans les fraises, mais il y a probablement une demi-douzaine de molécules qui font que les fraises sentent la fraise.”

de vin, vous percevez diverses sensations. Vous remarquez les arômes et les saveurs, qui proviennent des différentes étapes du processus de vinification. En même temps, vous ressentez des sensations physiques qui n’ont rien à voir avec le goût, comme la température et la texture du vin. Un aspect essentiel de la texture est la façon dont le vin interagit avec la salive dans votre bouche, ce qui influe sur la lubrification et la sensation en bouche.

Comprendre la sensation en bouche, la salive et le rôle de l’astringence

La sensation en bouche fait référence à la façon dont le vin se sent dans la bouche, y compris des sensations telles que la sécheresse ou la douceur. Cette sensation dépend en grande partie de la façon dont le vin interagit avec la salive. La salive est une solution aqueuse provenant de nos glandes salivaires qui contient des protéines, telles que les mucines et les glycoprotéines, qui lubrifient et protègent la bouche. Ces protéines forment un revêtement glissant appelé pellicule sur les surfaces buccales. Un autre élément clé de la sensation en bouche du vin, en particulier des vins rouges, est l’astringence, c’est-à-dire une sensation de dessèchement ou de froncement. Cette sensation est principalement due au fait que les composés du vin, notamment les tanins, perturbent la pellicule salivaire lubrifiante, augmentant ainsi la friction dans la bouche. Les tanins sont des polyphénols présents dans la peau, les pépins, les tiges et le chêne du raisin. Ils peuvent se lier aux protéines salivaires, ce qui donne une sensation de sécheresse et de rugosité dans la bouche.

Comment les composants du vin influencent la sensation en bouche

• Tanins : la teneur en tanins du vin influe fortement sur la sensation de sécheresse. Une teneur élevée en tanins augmente la friction en perturbant la pellicule salivaire.

• Acidité : Un pH faible (acidité élevée) peut également provoquer une astringence en dénaturant les protéines salivaires, ce qui les rend moins efficaces pour lubrifier la bouche.

• Éthanol (alcool) : L’alcool peut réduire l’impact des tanins sur l’astringence, car il interfère avec les interactions tanins-protéines.

• Polysaccharides : Il s’agit de sucres provenant des parois cellulaires du raisin et de la levure. Ils peuvent contribuer à réduire l’astringence en interagissant avec les tanins et en les empêchant de se lier aux protéines salivaires, préservant ainsi la lubrification.

Études sur l’astringence et la salive

Des chercheurs, dont Nic Spencer, ont étudié ces interactions en utilisant à la fois des panels de dégustation et des outils scientifiques. L’une de ces méthodes est la tribologie, la science du frottement, qui permet de mesurer le degré de lubrification de la bouche par la salive et les composants du vin. Dans ces études, des vins présentant différents niveaux de tanins, d’acidité et d’autres composants ont été testés pour voir comment ils affectaient la sensation en bouche. Dans le cadre de la recherche de Spencer, l’astringence a été regroupée en trois sousensembles : une sensation de sécheresse, une sensation de froncement et une rugosité.

Quelques résultats clés

• Sensation de sécheresse : Causée par les tanins qui se lient aux protéines salivaires, enlevant la couche lubrifiante et augmentant la friction.

• Sensation de glaçon : Liée à l’acidité du vin. Une acidité élevée peut dénaturer les protéines salivaires, ce qui réduit la lubrification et augmente la friction.

• Rugosité : Accompagne souvent les sensations de séchage ou de froncement et n’est pas une qualité indépendante.

Implications pratiques

La compréhension de ces interactions est cruciale pour les viticulteurs. En ajustant les niveaux de tanins, l’acidité et d’autres composants, ainsi que la quantité relative de chacun d’entre eux, ils peuvent mieux contrôler la sensation en bouche du vin. Ces connaissances seront également précieuses pour la création de vins sans alcool visant à reproduire la sensation en bouche des vins traditionnels.

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La science de l’élaboration du whisky : réflexions de M. Don Livermore

L a vinification et la distillation représentent deux des traditions les plus anciennes de l’humani-té en matière d’élaboration de boissons.

Les deux domaines visent à produire des boissons de haute qualité qui reflètent leurs origines, mais leurs méthodes et leurs philosophies peuvent être très différentes.

Les viticulteurs et les distillateurs abordent souvent leur métier avec des priorités différentes : préserver le sens du “terroir” ou maîtriser la cohérence du processus. La compréhension de ces différences en dit long sur la manière dont chaque secteur considère la saveur, la tradition et l’innovation.

Don Livermore est le maîtremélangeur de Hiram Walker and Sons. Connu comme une légende dans le monde du whisky canadien, le Dr Livermore est entré dans le monde du whisky un peu par hasard. Diplômé en microbiologie, il a commencé sa carrière chez Hiram Walker and Sons il y a plus de 25 ans. Depuis, il a obtenu une maîtrise et un doctorat en brassage et distillation à l’université Heriot-Watt d’Édimbourg. Aujourd’hui, il supervise la création de whiskies primés, dont JP Wiser’s, Lot No. 40 et Pike Creek. Don Livermore a partagé son parcours et les subtilités de la distillation et de l’assemblage du whisky, apportant un éclairage précieux sur le métier.

Au cœur de la viticulture se trouve la célébration d’un lieu. Le concept de terroir - qui signifie en français “goût du lieu” - est au cœur de cette tradition. Les viticulteurs s’efforcent de créer des vins qui reflètent les caractéristiques uniques du sol, du climat et de la géographie où les raisins sont cultivés. L’accent mis sur le terroir signifie que chaque vignoble, chaque millésime a son propre profil, influencé par une interaction complexe de facteurs naturels. C’est pourquoi l’objectif premier des vignerons est souvent de laisser les raisins parler d’eux-mêmes. Les techniques employées visent à préserver les qualités inhérentes du fruit plutôt qu’à imposer un style particulier. L’intervention minimale est une philosophie de plus en plus répandue et bien acceptée, qui permet aux caractéristiques naturelles des raisins et de leur environnement de s’exprimer. Cette approche peut conduire à des variations significatives entre les différents millésimes et régions, soulignant le rôle de la nature dans l’élaboration du produit final.

Si de nombreux distillateurs cherchent à mettre en valeur le terroir, et en fait, Don Livermore suggère que l’expression du terroir dans le whisky dépend autant de l’environnement de la cave que de l’origine des ingrédients de base, il suggère également que ceux qui produisent des whiskies de haute qualité se concentrent avant tout sur le processus et la cohérence. Les distillateurs s’attachent à créer un produit qui conserve une qualité élevée d’un lot à l’autre, au fil du temps. Cela implique un contrôle méticuleux de chaque aspect de la production, de la sélection des céréales à la fermentation, la distillation, le vieillissement et l’assemblage. Don Livermore explique : “Avant tout, mon travail consiste à mettre en place les mécanismes et les processus qui nous permettent d’avoir confiance dans ce que nous fabriquons. Le deuxième aspect de mon travail de maître-assembleur consiste à veiller à ce que nos stocks (fûts de whisky) soient en meilleure position que lorsque nous avons commencé. Ensuite, il s’agit de concevoir de nouvelles recettes, de nouveaux produits, et de s’assurer qu’ils sont cohérents. Il s’agit de travailler tous les jours pour s’assurer que les stocks sont en bon état, tout

"La fermentation est le cœur de notre activité. La levure est pro-bablement à l’origine de la majorité des arômes du whisky."

en réfléchissant à une vision à long terme de la manière dont vous dirigez le navire”. Don Livermore doit même appliquer ce processus de réflexion en prévision de l’arrivée d’un nouveau capitaine, d’un nouveau maîtremélangeur.

Qu’estce qui détermine la saveur du produit final ? Don Livermore explique : “Je tiens compte du grain, du fût et du vieillissement. Je peux adapter certains aspects de ces trois éléments. Je peux changer les céréales entre le maïs, le blé, le seigle, l’orge non maltée et l’orge maltée, et je peux brûler ou griller les fûts d’une certaine manière. Enfin, je peux aussi vieillir et finir de différentes manières pour obtenir un profil aromatique différent”. Bien que tous ces aspects soient importants, il ajoute : “La fermentation est le cœur de notre

activité. La levure est probablement à l’origine de la majorité des arômes du whisky.” Malgré son importance, Don Livermore reconnaît que le rôle de la levure et de la fermentation est souvent négligé par les consommateurs, admettant que les viticulteurs ont mieux réussi à expliquer l’impact de la levure, en particulier des levures naturelles, sur le développement des arômes.

L’endroit où le whisky est vieilli est un facteur essentiel qui contribue au terroir du whisky. Les travaux de doctorat de Don Livermore ont porté sur l’influence de la température et de l’humidité relative dans les entrepôts sur le processus de vieillissement. “L’endroit où notre tonneau vieillit, en termes de température et d’humidité relative, a une incidence certaine sur les

Dr Don Livermore

arômes”, explique-t-il. “C’est l’aspect terroir du whisky.” Les fluctuations de température provoquent l’expansion et la contraction du whisky dans le tonneau, ce qui accroît son interaction avec le bois. Dans les climats chauds ou pendant l’été, les températures élevées accélèrent ce processus, ce qui conduit souvent à une maturation plus intense et plus rapide. Dans certaines régions, la température reste relativement constante tout au long de l’année, ce qui entraîne un processus de maturation plus lent et plus progressif. Il en résulte un whisky plus doux et plus équilibré. L’humidité est également un facteur à prendre en compte, car dans les environnements humides, plus d’alcool que d’eau a tendance à s’évaporer des fûts (la “part des anges”). Cela peut entraîner une diminution du degré d’alcool du whisky au fil du temps et potentiellement un goût plus riche et plus rond, alors que dans des conditions plus sèches, plus d’eau que d’alcool s’évapore, ce qui peut augmenter le degré d’alcool du whisky. Ce phénomène peut concentrer les arômes, mais il peut aussi donner un goût plus âpre s’il n’est pas géré correctement.

Bien sûr, les ingrédients de base ont leur importance, mais selon Don Livermore, leur caractère ne fluctue pas autant que celui des raisins. “Je pense qu’avec les progrès des sciences agricoles, de la génétique et des phénotypes, les céréales sont devenues très homogènes”, explique-t-il. Livermore a travaillé avec ses agriculteurs pour garantir la constance de ses céréales. “Depuis 2015, nous avons demandé à nos

fournisseurs de seigle de cultiver des variétés spécifiques. Depuis lors, nous avons constaté que le profil aromatique de notre seigle est beau-coup plus homogène.” Le seigle est essentiel au caractère du whisky canadien, selon Don Livermore. “C’est sans aucun doute l’épice du whisky canadien... il vous donne cette sensation de chaleur dans la poitrine. Plus cette sensation reste longtemps dans la poitrine, plus j’ai l’impression que la recette contient beaucoup de seigle. Nous l’appelons parfois l’étreinte canadienne”. Cette dernière expression est un peu empruntée aux producteurs de whisky américains, qui qualifient également le piquant du seigle de “Kentucky hug” (câlin du Kentucky).

Les fûts jouent également un rôle important. Le caractère final d’un whisky, selon Don Livermore, dépend “de la qualité des fûts que vous utilisez. La première fois que vous utilisez un fût neuf, par exemple, vous obtiendrez quatre à cinq fois plus de notes de vanille, de caramel et de toffee dans votre whisky... une grande partie de cette douceur dans votre whisky. Ou, autre exemple, si vous terminez un whisky dans un tonneau qui a déjà contenu du vin, vous obtiendrez des notes plus fruitées”.

Quant à la manière dont un sommelier peut expliquer les arômes d’un whisky à un convive, Don Livermore reconnaît qu’il est un peu plus difficile de parler des esters issus de la fermentation dans le temps limité qu’un sommelier peut avoir à table. Au lieu de cela, dit-il, “je me concentrerais sur le profil du grain (notamment la quantité de seigle dans

les whiskies canadiens), et je mettrais l’accent sur les arômes apportés par la barrique”. La force du spiritueux est un autre élément clé de la discussion. Plus le degré est élevé, plus les arômes de céréales et de bois sont présents. Plus le whisky est faible, plus les notes fruitées et florales sont présentes. Par conséquent, si vous essayez d’associer un plat à quelque chose de plus fort, cela pourrait être le cas. Vous aurez peut-être envie d’accentuer les notes boisées ou épicées”.

En fin de compte, il s’agit de savoir ce que veut le client. Don Livermore utilise cette philosophie de l’écoute du client pour l’aider à élaborer ses recettes. Je pense que je dois écouter ce qu’ils recherchent, ce qui les intéresse, ce dont ils parlent, ce qui les passionne, parce que cela me passionne... au début, j’étais un peu timide à l’idée d’aller sur le marché, de parler aux gens, mais je pense que c’est devenu l’une des parties les plus importantes de mon travail en tant que mixeur”.

En rencontrant ce qu’il appelle des uisgefiles (une référence à uisge beatha, le nom gaélique traditionnel du whisky, et une combinaison avec oenophile, utilisé pour décrire les amateurs de vin), Don Livermore est enthousiasmé par le volume de connaissances qu’ils exsudent. Cela l’amène à penser que bientôt, l’impact de la fermentation et de la levure fera partie de la manière dont nous décrivons le caractère des whiskies, mais peutêtre pas tout de suite.

Il espère que ces uisgefiles parleront également davantage du whisky canadien. Comme il le dit, “je pense que le whisky canadien connaît une renaissance depuis un certain temps. Dans d’autres catégories de whisky, comme le bourbon, il est de plus en plus courant de parler d’assemblage. Je pense que le Canada avait raison dès le départ (les whiskies canadiens sont généralement des mélanges de seigle, de maïs et d’orge, chacun étant fermenté, distillé et vieilli séparément avant d’être mélangé). Je pense que nous sommes les premiers mélangeurs. Je peux montrer des livres de recettes datant des années 1880 qui prouvent que nous sommes devenus une catégorie de whisky mélangé, ce qui s’est poursuivi pendant longtemps”.

Les composés aromatiques du whisky

Comme le suggère le Dr Don Livermore, les arômes et les saveurs du whisky sont le résultat d’une myriade de décisions allant de la sélection des céréales et du malt à la levure utilisée pour la fermentation, en passant par les choix de distillation et la sélection des fûts.

Esters

Les esters, qui sont généralement des sous-produits de la fermentation, peuvent créer des arômes fruités tels que la pomme (hexanoate d’éthyle) ou même des notes de poire et de banane (acétate d’isomyle). Ces esters peuvent être dilués par filtration à froid.

Phénols

Les phénols, qui proviennent souvent des grains et des fûts carbonisés, peuvent apporter une large gamme d’arômes allant des épices (seigle) aux notes fumées dans le cas des whiskies produits avec de l’orge tourbée. On peut citer le gaïacol (fumé, terreux, médicinal), l’eugénol (épices, clous de girofle) et le crésol (charbon, goudron, médicinal).

Aldéhydes

Les aldéhydes sont formés par l’oxydation partielle d’alcools primaires tels que l’éthanol. Une oxydation plus poussée des aldéhydes produit des acides carboxyliques. Le furfural, un aldéhyde clé du whisky, contribue aux arômes d’amande et de biscuit et se trouve généralement dans les whiskies de malt. Les aldéhydes phénoliques tels que la vanilline et le cinnamaldéhyde résultent de l’hydrolyse alcoolique de la lignine de chêne dégradée par la chaleur au cours de la maturation en fût, et confèrent des arômes de cannelle et de vanille.

Lactones

Les lactones se trouvent dans les fûts de chêne et se transmettent au whisky au cours du processus de maturation et de finition. Ce processus est influencé par les conditions environnementales. Les lactones peuvent produire des arômes d’épices et de noix de coco.

Autres composés

Les whiskies sont des combinaisons complexes de divers éléments organiques, dont certains, comme le diacétyle, apportent un caractère beurré, semblable à celui du maïs, tandis que certains composés soufrés peuvent produire des arômes moins désirables de caoutchouc, de viande et d’allumettes brûlées.

5-6 Octobre 2024

JOURNÉES NATIONALES DU VIN DE MOLDOVA:

Le Plus Grand Festival du Vin en Europe de l'Est

Le premier week-end d'octobre, toutes les routes mènent en Moldova pour l'événement viticole phare de l'Europe de l'Est – les Journées Nationales du Vin de Moldova. Cette célébration est un hommage à la riche culture viticole de la Moldova, où 100 vignerons, des leaders de l'industrie aux producteurs de niche et aux nouvelles caves émergentes, se réunissent au cœur de Chișinău.

Le programme des deux jours comprend des dégustations de vin, des masterclasses, des concerts, des expositions d'art, et des démonstrations des procédés traditionnels de vinification, offrant une expérience sensorielle complète. Chaque visiteur aura l'opportunité de découvrir une vaste gamme de vins, des jeunes millésimes aux éditions limitées, et même ceux lancés pour la première fois lors du festival.

Ce rendez-vous, une tradition chère depuis 12 ans, illustre l'amour profond et le dévouement des Moldaves pour leur produit national. Devenu l'une des plus grandes célébrations du vin au monde, il a été deux fois récompensé par les prestigieux Wine Travel Awards dans la catégorie Événements de l'Œnotourisme, reconnu comme le “Magnet de la Région”. Cette distinction souligne l'impact significatif de l'événement à travers l'Europe centrale et orientale, mettant en lumière la qualité exceptionnelle et la culture

Le festival ne se limite pas à Chișinău; il s'étend aux caves, restaurants, maisons d'hôtes à travers la campagne, chacun offrant un programme unique avec entrée libre et des découvertes passionnantes. C'est votre chance de vous immerger dans la diversité des vins de Moldova, y compris les cépages rares et les vins exclusifs sous la marque Wine of Moldova, tout en explorant la culture locale et la gastronomie à travers des expériences gastronomiques soigneusement associées.

Avec plus de 130 000 visiteurs attendus, ce n'est pas seulement une célébration, mais une plateforme pour promouvoir une consommation responsable du vin, soutenir la durabilité dans l'industrie viticole, et accroître la visibilité internationale des vins de Moldova.

Avec de nombreuses compagnies aériennes offrant des offres de vol pendant cette période, c’est le moment idéal pour visiter et enrichir votre expertise dans l'univers vibrant de Wine of Moldova.

L’évolution et l’avenir

du vin sans alcool

Irem Eren possède une liste vertigineuse de diplômes et d’accréditations, notamment des diplômes en chimie, en commerce international et en marketing, et travaille actuellement à l’obtention d’un master en vin. Irem travaille actuellement en tant que directrice du développement commercial et des ventes pour la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) pour BevZero, un leader mondial dans la production de boissons faiblement et non alcooliques.

Dans le paysage en constante évolution de l’industrie du vin, une tendance importante ne se contente pas de faire des vagues ; elle forme une crête puissante prête à s’abattre sur la catégorie des vins. L’augmentation de la demande de boissons à faible teneur en alcool ou sans alcool est en train de remodeler le marché, poussant les producteurs à innover et à améliorer la qualité de ces produits. Irem Eren est à l’avantgarde de ce mouvement.

et l’avenir du vin sans alcool

Le voyage d’Irem Eren dans le monde du vin a commencé dans son pays d’origine, la Turquie, l’un des berceaux de la viticulture. Si les vins turcs ne jouissent pas d’une renommée mondiale aujourd’hui, la tradition familiale d’Irem, qui consiste à déguster du vin lors de réunions, a semé les graines de sa passion. Au départ, elle envisageait de tenir un bar à vin une fois à la retraite. Mais son chemin a pris une autre tournure lorsqu’elle a commencé à travailler à New York en 2010. Sa formation universitaire en chimie et en développement commercial international l’a finalement conduite à une carrière de 15 ans dans le monde du vin, et plus récemment dans le secteur des vins sans alcool ou à faible teneur en alcool.

Irem Eren est entrée dans le secteur des boissons sans alcool ou à faible teneur en alcool il y a quatre ans, bien qu’elle ait été initiée à cette catégorie lorsqu’elle était directrice de la marque mondiale pour Familia Torres. À ce poste, elle a assisté au lancement du Natureo de Torres, l’un des premiers entrants dans la catégorie. Bien que la décision d’Irem de passer à la catégorie “no and low” ait été accueillie avec scepticisme par certains en raison de ses études de Master of Wine en cours, sa motivation provenait d’un désir d’innover et d’atteindre de nouvelles couches de consommateurs. Elle a perçu le potentiel de croissance de cette catégorie, qui s’est depuis avérée être un segment de marché important.

La catégorie des boissons sans alcool ou à faible teneur en alcool n’est plus une simple tendance, c’est désormais un marché établi. Selon un rapport de l’International Wines and Spirits Record (IWSR), le marché de ces boissons a dépassé les 12 milliards de dollars US, et les projections indiquent qu’il pourrait atteindre 24 milliards de dollars d’ici 2030. Cette montée en puissance, qui était à l’origine le fait

de consommateurs soucieux de leur santé, en particulier la génération Y et les milléniaux, s’étend désormais aux baby-boomers en quête d’équilibre dans leur vie.

L’essor du mouvement des vins sans alcool ou à faible teneur en alcool intervient à un moment où la consommation de vin est en baisse, Irem indiquant que cette catégorie a diminué de 7 % au cours des 15 dernières années. Le défi pour les sommeliers et l’ensemble du monde du vin est de comprendre cette évolution. Irem souligne que le rôle d’un sommelier va au-delà de la simple vente de vin : “Toute la philosophie du sommelier ne consiste pas seulement à vendre du vin, mais à comprendre la psychologie du consommateur et à répondre à tous ses besoins... si le consommateur demande des vins à faible teneur en alcool ou sans alcool, je pense qu’il est du devoir des sommeliers de répondre à cette demande. Mais c’est aussi une opportunité.

Alors que l’industrie viticole est confrontée au problème de la surproduction, la production de vin étant souvent supérieure à la consommation, les vins sans alcool offrent la possibilité de résoudre ce problème en utilisant les excédents de production. Irem Eren note que de nombreuses caves, quelle que

soit leur taille, envisagent désormais d’étendre leur gamme à la catégorie des vins sans alcool ou à faible teneur en alcool, en raison de la demande croissante des importateurs et des distributeurs. Elle ajoute : “Si l’on veut assurer la viabilité et la durabilité économiques du secteur vitivinicole, je pense que cela est également nécessaire (vins sans alcool et à faible teneur en alcool)”.

Les critiques traditionnelles à l’encontre des vins sans alcool ou à faible teneur en alcool sont nombreuses. Certains sont trop sucrés, cherchant à remplacer la texture de l’alcool par du sucre, tandis que d’autres manquent de caractère et de corps. La production de vin sans alcool implique une chimie complexe et des défis techniques. Selon Irem, l’un des principaux obstacles est le manque de formation et d’expertise dans ce domaine relativement nouveau. Les viticulteurs, bien qu’expérimentés dans la vinification traditionnelle, manquent souvent de familiarité avec le processus de désalcoolisation. Elle souligne trois facteurs clés pour créer un vin sans alcool de haute qualité : la qualité du vin entrant, la technologie utilisée pour la désalcoolisation et les ajustements effectués après la désalcoolisation.

Comme elle le dit, tous les vins ne se prêtent pas à la désalcoolisation, mais

les choses changent car “la catégorie s’améliore, tout comme la qualité générale des intrants. Il y a dix ans, tout le monde désalcoolisait ce qu’il ne pouvait pas vendre. Toutefois, à mesure que la catégorie mûrit, l’importance de sélectionner des vins de haute qualité avec des paramètres spécifiques est devenue évidente. Les vins exempts de défauts et présentant des niveaux d’acidité, de pH et de soufre adéquats sont préférés pour la désalcoolisation. L’objectif est de préserver le caractère du vin tout en éliminant l’alcool.

En termes de processus, il n’existe pas de solution unique. Irem explique : “En fonction du style, de la qualité et du prix du produit final, différentes technologies sont disponibles, mais c’est très important. La troisième étape est la suivante : une fois désalcoolisé, le produit n’est pas prêt à être mis en bouteille. Des ajustements sont nécessaires. Cette étape nécessite également beaucoup de connaissances. BevZero, où travaille Irem, est spécialisé dans la distillation sous vide, un processus qui élimine l’alcool tout en essayant de conserver les arômes volatils. Ce point est crucial, car les arômes sont essentiels au profil sensoriel global du vin. Toutefois, la technologie actuelle présente encore des limites en ce qui concerne la récupération et la sélection de composés aromatiques spécifiques. L’équipe d’Irem recherche activement de nouveaux équipements pour améliorer la récupération et la sélection des arômes, dans l’espoir de dévoiler bientôt une nouvelle technologie.

Lorsqu’on lui demande si les futurs producteurs de vins sans alcool ou à faible teneur en alcool doivent rechercher des caractéristiques spécifiques dans leurs raisins, ou si certains cépages fonctionnent mieux que d’autres, Irem Eren répond : “Nous pouvons donner des paramètres, mais il n’y a pas d’ADN spécifique”. Elle recommande, en particulier pour les vins rouges, de vinifier en pensant à la désalcoolisation... la clé est de commencer dans le vignoble. “Si vous choisissez des clones et des porte-greffes spécifiques, je pense que ce sera beaucoup plus facile. Si Irem note qu’aucun cépage n’est meilleur que les autres, le terroir jouant un rôle trop important dans

les différences entre les raisins

"La catégorie s’améliore, tout comme la qualité générale des intrants. Il y a dix ans, tout le monde désalcoolisait ce qu’il ne pouvait pas vendre."

retirés, se présentent sous la forme d’un seul composé. “Notre objectif est d’essayer de sélectionner les composés individuels présents dans les têtes, les cœurs et les queues. Cependant, au cours du processus de chauffage, les composés aromatiques changent, se modifient et deviennent plus concentrés. Cela ne signifie pas qu’ils sont meilleurs ou pires, mais ils changent. Si nous pouvons les sélectionner et savoir comment les utiliser, nous pouvons créer de nombreux types de vins sans alcool ou à faible teneur en alcool.”

Une question cruciale dans l’industrie, et plus particulièrement pour les sommeliers, est de savoir si les vins sans alcool doivent être jugés selon les mêmes critères que les vins

traditionnels. Irem soutient qu’ils ne devraient pas être directement comparés, car le processus de désalcoolisation crée une boisson distincte : “Lorsque nous enlevons l’alcool, il est évident que nous enlevons une partie très importante de la structure. De plus, l’alcool accentue tous les arômes. Il s’agit donc d’un produit différent”. Alors que les juges traditionnels évaluent les vins sans alcool dans leur catégorie, les consommateurs devraient également les considérer comme des boissons alternatives plutôt que comme des substituts directs des vins alcooliques.

L’avenir du vin sans alcool est prometteur, grâce aux progrès technologiques et à l’acceptation

L’ÉVOLUTION ET L’AVENIR DU VIN SANS ALCOOL

AVEC IREM EREN

croissante des consommateurs. Alors que la catégorie continue de se développer, Irem Eren envisage que les viticulteurs adaptent leurs processus de vinification afin d’optimiser les vins pour la désalcoolisation. Cette approche permettra d’obtenir des vins sans alcool de meilleure qualité qui répondront aux attentes des consommateurs. Irem elle-même adopte le mode de vie sans alcool et à faible teneur en alcool, incorporant ces produits dans sa vie quotidienne aux côtés des vins traditionnels. Elle est convaincue qu’au fur et à mesure que des options de haute qualité seront disponibles, de plus en plus de consommateurs suivront le mouvement.

Depuis plus de 135 ans, Stölzle Lausitz est un leader mondial dans la fabrication de verres en cristal sans plomb de haute qualité. Fondée en 1889 à Weißwasser, en Allemagne, l'entreprise a maîtrisé l'art de la verrerie, évoluant des techniques de soufflage à la bouche à la production mécanique avancée. Réputée pour ses verres à pied tiré sans soudure qui ressemblent à du verre soufflé à la bouche, Stölzle Lausitz crée des verres de la plus haute précision, de la plus haute qualité et d'une élégance intemporelle - fabriqués en Allemagne.

Les sommeliers, les chefs et les connaisseurs de plus de 120 pays font confiance à ces verres qui non seulement rehaussent le goût du vin, mais élèvent également l'ensemble de l'expérience de consommation. En tant que partenaire officiel de l'ASI, Stölzle Lausitz est fier de partager son expertise en matière de verrerie haut de gamme avec le monde de la sommellerie.

stoelzle-lausitz.com

Du grain au verre Les influences aromatiques du saké

Que l’on utilise des procédés modernes pour créer des sakés nets et peu acides ou les méthodes traditionnelles de Yamahai et Kimoto, qui utilisent des bactéries lactiques comme le levain (shubo), pour obtenir de la complexité, il existe des influences aromatiques clés tout au long du processus.

La Sélection du riz

Certaines variétés de riz sont mieux adaptées à certains climats que d’autres. La teneur en protéines et la solubilité varient d’une variété de riz à l’autre ; par exemple, le Yamada-Nishiki est facilement soluble à basse température et sa faible teneur en protéines donne au saké un goût plus ample.

Le Polissage du Riz

La couche extérieure du riz contient une grande quantité de graisses (FATS). Plus il y a de graisses, moins la levure produit de composés aromatiques. En outre, une faible teneur en protéines est préférable pour créer un goût raffiné, c’est pourquoi le riz est poli.

La moisissure Koji

Les différentes souches de la moisissure jaune de koji ont des ratios différents d’amylase et de protéase, et les producteurs de saké choisissent la souche appropriée. La moisissure de Koji produit des graisses et des vitamines en fonction de la quantité de mycélium cultivé. Le sohaze a un fort pouvoir enzymatique et la fermentation est vigoureuse. Pour supprimer la fermentation et permettre à la levure de produire un arôme ginjo, la quantité de mycélium doit être supprimée sans réduire la production d’enzymes, c’est pourquoi le tsukihaze convient à ce style.

La Levure

La levure de saké a été sélectionnée et collectée auprès de quelques brasseries de saké dans tout le Japon en raison de sa fermentabilité à basse température et de son arôme agréable. L’équilibre des composants aromatiques varie en fonction de la levure (n° 6, 7, 9, 10, 14, etc.). Récemment, une levure à l’arôme fruité prononcé (n° 1801) a été obtenue par mutation et croisement.

La Température de Fermentation

La fermentation à basse température est nécessaire pour réduire la biosynthèse des levures, maintenir l’activité enzymatique qui produit l’arôme et éviter la volatilisation de l’arôme (imaginez une bière de type pilsner, par exemple).

L’eau

Plus de 80 % du saké est fabriqué avec de l’eau, et le goût de l’eau est directement lié au goût du saké.

Le potassium, le magnésium et l’acide phosphorique contenus dans l’eau dure stimulent la croissance des levures et des bactéries koji. Cela donne au saké un goût plus riche et plus corsé. Le saké obtenu avec de l’eau douce a donc un goût plutôt doux et moelleux. Le fer n’est pas souhaitable dans le brassage du saké car il dégrade l’arôme et la saveur.

Le Stockage

La réaction entre les acides aminés et le sucre (réaction de Maillard, réaction aminocarbonylée) entraîne une coloration et une modification de l’arôme, qui passe du fruité au miel, aux fruits secs ou aux noix. La saveur devient également plus complexe avec une augmentation de l’amertume.

Cette réaction est d’autant plus rapide que la température est élevée. Pour accentuer ces changements, vous pouvez produire du saké à forte teneur en sucre et en acides aminés et le faire mûrir à des températures élevées, puis le laisser se stabiliser à température ambiante.

Maestro de la molécule

Par Myles Trapp avec François Chartier

Le parcours de François Chartier dans le monde du vin a commencé comme celui de nombreux autres sommeliers. Jeune homme, il travaillait dans des restaurants et dévorait les magazines sur le vin et la bière, captivé par les possibilités infinies de découverte. Mais ce sont les aspects sensoriels de la dégustation et de l’accord des mets avec le vin qui le fascinent vraiment. Chartier reconnaît aujourd’hui que la pierre angulaire de sa carrière professionnelle est la compréhension de l’arôme et de son impact sur la relation entre les mets et les vins.

François défend un style unique d’accords mets et vins appelé “synergie aromatique”. Cette approche implique l’utilisation d’un spectromètre de masse à chromatographie en phase gazeuse d’une valeur de 2 millions de livres sterling pour analyser les vins et les aliments en fonction de leurs molécules aromatiques dominantes. Les recherches novatrices de François Chartier ont fait l’objet de plusieurs ouvrages, dont Tastebuds & Molecules, L’Essentiel de Chartier et Molecular Sommellerie, qui paraîtra prochainement.

L’étude de François a été inspirée par un dîner décisif avec Eloi Durbach, du Domaine de Trévallon, dans les années 1980. En dégustant le millésime 82, il a relevé des notes de gibier, de cassis, de mûre et de réglisse. Il demande à son chef de préparer un gibier avec de la mûre et de la réglisse dans la sauce. Le chef

a accepté en haussant les sourcils. L’accord a été unanimement délicieux. “Pour moi, c’était la première fois qu’un accord aromatique était vraiment conçu pour le vin”, se rappelle François.

“À ce moment-là, j’ai réalisé que lorsqu’il y a un accord aromatique entre un vin et un plat, il l’emporte sur les aspects physiques tels que les tannins, l’acidité, etc. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose à comprendre”. Dans les années 80 et 90, il existait peu de bonnes explications sur l’accord entre les mets et les vins. Les livres sur le sujet, écrits par des experts comme Phillippe Bourguignon et Philippe Faure-Brac, offraient des aperçus fondés sur l’expérience, mais manquaient d’explications scientifiques.

“À partir de là, j’ai commencé à me baser sur les arômes. Je suis entré dans une zone de confort en matière de correspondance. Ce n’était jamais mauvais. Parfois, c’était extraordinaire, une sorte de nirvana. La température du vin, le type de verre, la quantité de l’ingrédient clé d’un plat : de nombreux détails peuvent être modifiés. Mais ce n’est jamais mauvais”.

Au milieu des années 90, une maladie a contraint François à modifier radicalement son régime alimentaire. “J’ai appris de nouvelles choses sur les molécules. Par exemple, la curcumine du curcuma et le lycopène des tomates sont anti-inflammatoires. Mais ce sont aussi des molécules aromatiques. Cela m’a aidé à comprendre la molécule aromatique”. Il consulte alors deux leaders de la science moléculaire : Victor Beliveau à Montréal et Pascal Chantonnet à Bordeaux. “J’ai remarqué que lorsqu’il y a de la menthe et du sauvignon blanc, c’est un mariage aromatique. Shiraz et olive noire, même chose”. Les deux scientifiques affirment : “François, tu as mis le doigt sur quelque chose. La synergie aromatique”.

“À ce momentlà, j’ai réalisé que lorsqu’il y a un accord aromatique entre un vin et un plat, il l’emporte sur les aspects physiques tels que les tannins, l’acidité, etc.”

Il décrit cet effet comme 1 plus 1 égale 3. “Il est basé sur la molécule ou les molécules qui dépassent le seuil de détection. Une fois le seuil dépassé, il se crée une synergie aromatique entre la nourriture et le vin ou entre deux aliments, comme la menthe et le persil. Ce n’est pas une question de quantité, c’est une question de dépassement du seuil”.

François Chartier donne des exemples d’accords moléculaires : “Je prends toujours l’exemple du taboulé : la salade de menthe, de persil et de couscous. Il y a cinq cents ans, des femmes libanaises en ont fait la recette, qui n’a jamais changé. Elles ont remarqué inconsciemment que le persil et la menthe sont faits pour aller ensemble. Pas le romarin et la menthe. Vous savez, le persil seul peut être ennuyeux. Mais le persil et la menthe, c’est tout simplement génial ! J’adore le taboulé. Et puis un verre de Sauvignon Blanc, de Gavi, de Tokaji (menthe sèche), ou de thé vert sencha, vous comprenez. Ils ont tous la même vibration”.

La syrah se marie avec l’olive noire, le vin jaune avec le curry ou le sirop d’érable. Parmi les exemples les plus insolites, citons l’agneau préparé avec du romarin et le Riesling, le bœuf servi avec une réduction de café et la Cava Gran Reserva, et peut-être le plus étrange de tous : la framboise avec des algues nori et le Cabernet Franc de la Loire.

François Chartier explique le mariage du bœuf avec une réduction de café et une Cava Gran Reserva : “Plus il y a de vieillissement sur les lies, plus il y a d’acides aminés. Plus l’autolyse des lies est importante, plus on obtient ce type d’arôme. C’est comme une pyrazine cuite provenant du chêne et/ou de l’autolyse : une réaction de Maillard. Si vous servez du bœuf avec une réduction de café ou du parmesan râpé de 24 mois avec une Cava Gran Reserva, servie un peu plus chaude que la normale, c’est fabuleux. Pourquoi ? Il y a beaucoup d’acides aminés dans le parmesan et beaucoup de réaction de Maillard dans le café lorsqu’il est grillé ou torréfié. La même molécule de Cava Gran Reserva contient tout cela. On ne pense pas à boire un verre de Cava avec son bœuf”. La réaction de Maillard est une réaction entre les acides aminés et les sucres au cours du processus de cuisson. Elle crée des composés appelés mélanoïdines, qui confèrent aux aliments brunis leur saveur particulière.

Prenons l’exemple de l’agneau au romarin et du Riesling. “Vous pouvez faire cuire l’agneau plein de romarin ou entouré de romarin et servir un Riesling. Et les gens deviennent fous. Le riesling et le romarin partagent la même molécule aromatique dominante : les terpènes. “Et peu importe le type de Riesling : sec, Vendange Tardive, Sélection Grains Nobles, ils s’accorderont tous. Ensuite, c’est une question de

“Plus on a de connaissances, plus on est capable de goûter correctement. Si vous avez déjà en mémoire que le poivre noir est du rotundone et que le rotundone est du Shiraz, cela vous aide. De nombreux sommeliers m’ont dit que la connaissance des molécules les avait beaucoup aidés dans la dégustation des vins.”

subjectivité : quel est le style de vin que vous préférez ?

En ce qui concerne l’algue nori et les framboises, “je n’ai pas imaginé la framboise et le nori pour être éclectique. J’ai cherché et j’ai trouvé un lien entre la framboise, l’algue et la violette. (Il se trouve que ces aliments partagent la même molécule aromatique dominante, la bêtaionone, avec les vins produits à partir de cabernet franc et de mencía).

Ferran Adrià (ancien chef d’El Bulli et partenaire de François) a déclaré : “Personne ne mélange la framboise avec le nori, surtout au Japon”. Et

c’était un vrai mordu de la cuisine japonaise. Il a donc dit : “Faisons-le !”. Vous prenez donc un carré de nori de 2 pouces sur 2 pouces et vous y mettez une framboise fraîche : c’est tellement bon, c’est tellement parfait”.

Lorsqu’on lui demande s’il a démenti les accords traditionnels entre les vins et les plats, François Chartier répond : “Certains fonctionnent. Le Barolo et la truffe sont tout simplement extraordinaires lorsque l’équilibre fonctionne avec la truffe et l’évolution du vin. Regardez les vins de Bordeaux : Pauillac et agneau. L’agneau est plein de thymol. Le thymol, c’est le thym. Le

thym, c’est le sud de la France. C’est la garrigue. C’est le Garnacha, c’est le Cannonau en Italie. Non pas que le Pauillac et l’agneau ne soient pas bons, mais si vous voulez le meilleur...”

“Il y a des nuances. Nous oublions qu’il y a des nuances parce que nous voulons aider les gens à comprendre. Si vous commencez avec trop de nuances, le public ne peut pas vous suivre. Si vous êtes dans un restaurant, que vous avez des huîtres et que vous dites : “Prenons un Muscadet. Vous verrez, ça ira bien”. Eh bien, si vos huîtres sont chargées d’iode et ont un arôme minéral et que votre Muscadet est fruité, il sera très métallique dans votre bouche. L’inverse est également vrai. Si votre Muscadet est très minéral et sec et que vos huîtres sont très « concombres », cela ne collera pas”.

Certains critiques reprochent aux méthodes de François Chartier d’ignorer les principes structurels des accords mets et vins, qui mettent l’accent sur les tannins, l’acidité, l’alcool, le corps et la douceur. N’est-ce pas un blasphème que de négliger ces aspects fondamentaux du goût ? François répond : “Je parle d’arômes. Je ne dis nulle part que les tannins et l’acidité sont mauvais. Je ne fais qu’apporter de nouvelles connaissances sur l’accord des vins et des mets. Le sérieux de François Chartier et son approche empirique d’un sujet traditionnellement dominé par la conjecture et la tradition sont convaincants.

François explique que l’effet “1 plus 1 égal 3” amplifie les saveurs associées. Par exemple, si vous demandez à quelqu’un de vous rappeler le meilleur steak qu’il ait jamais mangé, il vous répondra peut-être : “C’était un steak super riche en viande de bœuf. C’était le meilleur steak que j’aie jamais mangé”. Chartier acquiesce : “Exactement. Si vous mangez un morceau de bœuf wagyu coupé en deux, et que l’un des morceaux est salé et l’autre non, le morceau salé aura une saveur de bœuf incroyable. Pourquoi ? Parce que le sel augmente, complexifie et amplifie l’umami du wagyu”.

François fait souvent des analogies avec la musique. Lorsqu’on l’interroge sur le contrecoup de la gastronomie

Chartier et sa compagne Isabelle Moren dans Alella Vinicola 2023

moléculaire et sur le retour à la cuisine fondée sur les ingrédients, il fait remarquer : “On a toujours besoin de comprendre un plat : “Il faut toujours comprendre un plat qui semble simple pour mieux le marier. Vous pouvez jouer de la musique à l’oreille et apprendre une chanson sur votre guitare, et c’est très bien. Mais le jour où vous apprenez à lire la musique, cette même chanson peut être jouée de 1 000 façons différentes. Et maintenant, vous pouvez parler de ce que vous jouez avec d’autres musiciens. Il y a 30 ans, certaines personnes avaient peur de voir la science entrer dans la cuisine et la salle à manger. Il ne s’agit pas d’aller là, il s’agit d’aller ici (il montre sa tête). Il s’agit de pouvoir communiquer les uns avec les autres et de créer un dialogue. C’est comme l’IA. Ce n’est qu’un outil.

J’ai demandé à François si ses recherches sur les molécules aromatiques dominantes pouvaient aider les sommeliers lors des examens de dégustation à l’aveugle. “Pour moi, c’est une sorte de solfège de la dégustation du vin”, dit-il. Selon Wikipédia, le solfège est une méthode qui consiste à “assigner des syllabes aux notes de la gamme pour aider le musicien à entendre mentalement les hauteurs d’un morceau de musique, souvent dans le but de les chanter à haute voix”.

En tant que parent de la famille Von Trapp de La Mélodie du bonheur, votre auteur a été heureux d’apprendre le terme technique pour chanter “Do Re Mi”. François revient sur son propos : “Plus on a de connaissances, plus on est capable de goûter correctement. Si vous avez déjà en mémoire que le poivre noir est du rotundone et que le rotundone est du Shiraz, cela vous aide. De nombreux sommeliers m’ont dit que la connaissance des molécules les avait beaucoup aidés dans la dégustation des vins.”

Nous nous arrêtons un instant pour réfléchir à la raison pour laquelle la “science moléculaire” semble intéresser davantage les chefs cuisiniers que les sommeliers. “Les sommeliers n’aiment pas que je dise cela, mais je pense que c’est vrai. Tastebuds & Molecules est une question de créativité. C’est de la science, mais c’est aussi de la créativité. Les chefs sont plus créatifs. Pour être sommelier, il n’est pas nécessaire d’être totalement créatif”. Je suis d’accord avec lui et je note que les sommeliers sont souvent pressés par le temps pendant le service, de sorte qu’il est plus facile de s’appuyer sur les accords traditionnels et d’opter pour la facilité afin de gagner du temps. François ajoute, à juste titre : “Les besoins du client passent avant tout. Une bonne partie des clients qui viennent nous voir disent simplement : “Je veux ce Rioja et je le veux tout de suite”. Ou encore : “Je veux boire du Romanée-Conti ce soir”, même si cela ne va pas avec ce qu’ils mangent. Le travail d’un sommelier comporte de nombreux aspects. Mais il faut tout de même faire preuve de créativité. Vous devez organiser votre service - votre verrerie, l’ordre des tables que vous visitez.

La création de plats en tant que chef est à un autre niveau, pas meilleur, juste différent. Vous mélangez des choses différentes, des ingrédients différents. C’est ainsi que j’explique pourquoi les chefs et les mixologues s’emparent de Tastebuds & Molecules”.

En fin de compte, une approche scientifique de l’accord des vins pourrait peut-être améliorer la créativité des sommeliers du monde entier. Cela me rappelle le mouvement littéraire français Oulipo, dont le principal principe est que les contraintes favorisent la créativité. Pour ma part, je suis reconnaissant à François d’avoir élargi l’éventail des expériences gustatives au-delà des frontières connues. Quelles sont les associations inattendues qui attendent d’être découvertes et qui pourraient offrir à nos papilles gustatives le plaisir le plus profond qu’elles aient jamais connu ?

ASI Mag Correspondant régional

Myles Trapp (Ouest de l’Amérique du Nord)

PRÊT-À-ÉCRIRE

UN TERRAIN DE JEU ET UN PARADIS POUR L’ALVARINHO

Les viticulteurs portugais excellent dans les assemblages, mais à Monção e Melgaço (“MM”), l’alchimie entre le raisin Alvarinho et cette sous-région du Vinho Verde (l’une des neuf) s’est avérée irrésistible. Elle abrite 59 % (1 521 ha) de l’ensemble des plantations d’alvarinho du Vinho Verde DOC.

Gastronomique et digne de vieillir, le MM Alvarinho a fait exploser les stéréotypes du Vinho Verde. Une interaction complexe entre la chimie du raisin, le climat, le sol, la géologie et la viticulture, alliée à l’expertise viticole, est à l’origine de la qualité exceptionnelle de ce vin.

Selon le chef de file Anselmo Mendes, l’Alvarinho produit rarement plus de 6 000 kg/ha. Lorsqu’il est vinifié, il estime que c’est “probablement le cépage dont le rendement est le plus faible au monde, avec une moyenne de 60 % (1 000 kg - 600 l)”, car les petites grappes d’Alvarinho, dont les baies ont une peau épaisse, présentent un rapport élevé entre la peau et les pépins, d’une part, et le jus, d’autre part.

Heureusement, à pleine maturité, ces bulles de saveur expliquent l’intensité impressionnante du fruit et la teneur élevée en tannins. Avec une bonne résistance à l’oxydation, même les exemples modestes évoluent bien, tandis que les meilleurs développent une formidable complexité sur une décennie ou plus.

À l’intérieur des terres, protégé de l’influence de l’Atlantique par les chaînes de montagnes occidentales, le Monção e Melgaço (MM) est relativement chaud et sec, ce qui permet à l’Alvarinho de mûrir pleinement et régulièrement. Les montagnes au nord, au sud et à l’est (un bassin hydrographique) apportent une influence continentale ; les journées chaudes et les nuits fraîches de l’été préservent la fraîcheur et l’arôme.

Avec 60 producteurs spécialisés dans l’Alvarinho qui exploitent différents terroirs et techniques, les styles sont variés. Les pentes des vallées au sol granitique plus pauvre et très perméable se prêtent aux vins minéraux et salins, tout comme l’altitude. Plus près du fleuve Minho et de ses affluents, les sols granitiques plus riches en matière organique, notamment en azote (qui augmente les précurseurs d’arômes), amplifient les fruits et les fleurs. La méthode de culture, l’aspect et, de plus en plus, l’altitude (de 50 à 1 100 mètres) jouent également un rôle.

Dans le chai, l’Alvarinho est vinifié avec ou sans contrôle de la température, en cuves d’acier inoxydable, en bois, en ciment et en argile. Le contact pré-fermentaire avec la peau et la “curtimenta” (fermentation sur les peaux à forte teneur en tannins de l’Alvarinho), l’élevage sur lies, la fermentation malolactique occasionnelle et la flor, en améliorent la structure, la texture et la complexité.

Depuis 2021, l’Alvarinho en monocépage de n’importe quelle sous-région du Vinho Verde peut être étiqueté DOC Vinho Verde. Dans le sillage des pionniers de MM, des exemples ambitieux émergent rapidement, y compris un autre point de différence - l’Alvarinho cultivé sur la bande de schiste atypique de la sous-région Cávado. Ne vous y trompez pas, le Vinho Verde est un terrain de jeu et un paradis pour l’Alvarinho (alias Albariño).

Faites-moi un accord

La science face à l’instinct

La cuisine fait autant partie de ma vie que le vin. En dehors de mon travail à l’ASI, il m’arrive souvent de créer des recettes ou de produire des vidéos culinaires. La cuisine et le vin font partie de mon ADN, mais j’ai tendance à adopter une approche logique, teintée de romantisme, des accords entre mets et boissons. J’étais curieux de savoir comment mes accords instinctifs avec les plats créés par François Chartier se compareraient à son approche déductive et scientifique. Nos accords sont-ils les mêmes ? Lesquels préférez-vous ?

Pétoncles poêlés

Pétoncles poêlés, couscous à l’orange

sanguine et aux noix du Brésil, lait de coco au gingembre

12 noix de St Jacques de catégorie U10

50 g (1 tasse) de noix du Brésil

Zeste d’une orange sanguine

30 ml (2 cuillères à soupe) d’huile d’olive

4 g (1 cuillère à café) de gingembre frais râpé

1 boîte de lait de coco

Le jus d’un demi-citron vert

Sel, poivre blanc moulu

Quelques gouttes d’huile d’olive

Fleur de sel

Préparation :

Retirer le muscle sur le côté des noix de St Jacques, les placer sur un papier absorbant et les réserver au réfrigérateur. À l’aide d’une râpe à fromage, réduire les noix du Brésil en fine poudre. Mettre le zeste d’orange sanguine dans l’huile d’olive. Râper le gingembre à l’aide d’une microplane (zesteur fin). Remarque : cette opération est plus facile si le gingembre a été congelé à l’avance. Vider la boîte de lait de coco dans une casserole, ajouter le gingembre et le jus de citron vert. Assaisonner selon le goût. Chauffer et émulsionner au fouet. Récolter l’écume qui monte à la surface. Déposer la farine de noix du Brésil dans un saladier et l’arroser de la moitié de l’huile d’olive et du zeste d’orange sanguine. Saler avec parcimonie. Faire chauffer un peu d’huile d’olive dans une poêle antiadhésive et y saisir les noix de St Jacques 2 minutes de chaque côté. Placer la semoule de couscous aux noix du Brésil dans une assiette, recouvrir les noix de St Jacques saisies à la poêle et l’émulsion de lait de coco au gingembre et au citron vert. Garnir chaque pétoncle de quelques grains de fleur de sel et arroser d’un filet d’huile d’olive zestée.

Le choix de François : Chardonnays, Grenache blanc et/ou Rolle

Tous les ingrédients étant ici complémentaires des vins élevés en barrique, c’est cette voie aromatique qu’il faut suivre, et le vin doit être servi frais, mais pas trop froid, autour de 14 ºC, comme c’est le cas pour tous les vins blancs aromatiquement généreux et légèrement boisés. Il s’agit essentiellement de tous les vins blancs à base de Chardonnay, Grenache Blanc et Rolle du Sud de la France, de tous les Chardonnays du Nouveau Monde et d’autres blancs dominés par les cépages Roussanne ou Sémillon Blanc. Parfaite pour les amateurs de vins rouges généreux, texturés et boisés, cette recette sera accompagnée d’un vin blanc créé pour les amateurs de vins rouges ! Les noix de pétoncles poêlées, les noix du Brésil, la noix de coco et le gingembre sont autant d’aliments qui s’accordent avec les vins élevés en fûts de chêne, notamment les Chardonnay, Grenache blanc et/ou Rolle. Le couscous aux noix du Brésil est infaillible, ne nécessite aucune cuisson et magnifie vraiment la saveur de cette noix qui, ironiquement, n’a pas beaucoup de goût lorsqu’elle est consommée telle quelle... Une recette extrêmement simple qui laisse place à une grande créativité !

Le choix de la rédaction : Chenin blanc d’Afrique du Sud ou Grand Cru Classé de Graves Il y a un certain niveau d’humanité élevé dans ce plat. Lorsque je regarde ce plat, je pense à la saisie de la coquille Saint-Jacques et aux noix du Brésil dans le couscous, qui nécessitent un vin avec une touche de grillé de chêne. Les autres éléments à prendre en compte sont la texture crémeuse des noix de Saint-Jacques et du couscous aux noix du Brésil, ainsi que le parfum apporté par le gingembre et le citron vert. Logiquement, je pense à un vin moyennement corsé, avec suffisamment de texture

pour résister aux éléments les plus riches, un soupçon de parfum exotique, une légère douceur pour compléter le lait de coco. Instinctivement, je m’oriente vers un style moderne de Chenin Blanc sud-africain qui établit un équilibre entre la richesse malolactique et le vieillissement en chêne et la vivacité du raisin lui-même. Les vins blancs Grand Cru Classé de Graves, en particulier ceux qui contiennent une touche de muscadelle dans l’assemblage, sont un autre style qui fonctionne pour des raisons similaires.

Le choix de François : le Sangiovese Il faut un vin rouge gorgé de soleil, aux tanins chauds, qui correspond au profil umami. Un tartare classique revisité pour affiner la synergie avec les rouges de Sangiovese, afin d’obtenir un résultat encore plus gourmand. Pour ce faire, nous avons emprunté la voie aromatique de l’umami, dont la viande de bœuf fait partie, ainsi que le parmesan et le shiitake. L’ajout de la vinaigrette de betterave, qui est sur la voie aromatique des fûts de chêne, consolide encore plus l’harmonie avec le Sangiovese !

Le choix de la rédaction : Franken Riesling ou Lambrusco di Sorbara Certaines de mes expériences préférées en matière de tartare ont été réalisées avec des Riesling frais, secs et demi-secs. Le vin rehausse les saveurs du tartare avec suffisamment d’intensité pour ne pas se perdre dans l’accord. Il serait facile de se laisser distraire par l’umami du balsamique, des champignons shitake et du parmesan, mais je pense toujours que le Riesling sec fonctionne. Peut-être une version plus corsée de Franken, mais si mon cœur me guide, je pourrais essayer d’associer un Lambrusco di Sorbara en profitant de son style frizzante pour aider à couper le bœuf, tandis que son acidité rehausse les saveurs umami.

Tartare de bœuf aux champignons shitake, vinaigrette de betterave et copeaux de parmesan

Ingrédients (sauce tartare) :

2 échalotes émincées

45 ml (3 c. à soupe) de moutarde de Dijon

15 ml (1 c. à soupe) de vinaigre balsamique

Tabasco, au goût

60 ml (1/4 tasse) d’huile d’olive

15 g (1 cuillère à soupe) de câpres hachées

Sel de mer et poivre frais concassé

Tartare

15 ml (1 cuillère à soupe) de beurre

1 boîte (8 oz) de champignons shiitake frais, nettoyés et coupés en dés 454 g (1 lb) de filet de bœuf, finement haché

30 ml (2 cuillères à soupe) d’huile d’olive

1 jaune d’œuf

Rognures de parmesan

Vinaigrette à la betterave rouge

Préparation : Commencer par préparer la sauce tartare. Dans un grand bol, mélanger tous les ingrédients de la sauce à l’exception de l’huile et mélanger uniformément. Incorporer l’huile d’olive au mélange. Réserver. Dans une poêle, faire fondre le beurre et faire sauter les champignons jusqu’à ce qu’ils prennent une belle couleur dorée. Retirer du feu et laisser refroidir pour la préparation finale. Dans un grand saladier, mélanger le bœuf, les champignons, la sauce tartare et le jaune d’œuf. Mélanger uniformément. Assaisonner au goût. Couvrir d’un film alimentaire et réfrigérer.

Pour finir, utiliser un emporte-pièce pour façonner le tartare dans une assiette. Décorer les assiettes avec la vinaigrette de betterave qui servira de sauce complémentaire et recouvrir les tartares (galettes) de copeaux de parmesan.

Tartare de bœuf

Le débat sur la minéralité dans le vin

La minéralité est un concept qui a suscité à la fois des intrigues et des débats au sein de la communauté viticole. Sommeliers, viticulteurs et amateurs de vin sont souvent divisés sur ce qu’est exactement la minéralité et sur la manière de la décrire. Pour faire la lumière sur ce sujet controversé, nous avons rencontré Łukasz Górski, un sommelier qui a une vision nuancée de la minéralité, afin d’explorer ses implications et ses manifestations dans le vin. Łukasz Górski est arrivé premier au concours 2023 de la Chaîne des Rôtisseurs Jeunes Sommeliers.

Lorsqu’on lui demande s’il utilise le mot “minéralité” pour décrire un vin, Łukasz Górski répond : “Oui, je connais ce mot. Je suis conscient qu’il peut être controversé car il est difficile d’en expliquer précisément le sens. Néanmoins, de mon point de vue, il est utile”. Cet aveu met en évidence la double nature de la minéralité, à la fois controversée et utile.

Pour de nombreux acteurs du secteur vitivinicole, la minéralité est un raccourci pour désigner certaines qualités du vin qui sont autrement difficiles à exprimer. Il ne s’agit pas d’un descripteur direct comme “fruité” ou “herbacé”. Elle englobe plutôt un éventail d’expériences sensorielles et d’influences environnementales.

Pour M. Górski, la minéralité peut évoquer des souvenirs d’enfance chez certaines personnes, comme le goût des cailloux ou des tableaux noirs. Ce lien personnel avec des expériences passées peut créer une perception unique de la minéralité dans certains vins, comme le Chablis.

Łukasz Górski décrit la minéralité comme un concept à multiples facettes influencé par l’environnement, en particulier le sol. “Pour moi, il s’agit des influences environnementales sur le vin, comme le sol, par exemple : roches, fossiles, silex ou gravier, etc. La salinité est

“Les tendances vont et viennent... À mon avis, il n’y a rien de mal à utiliser le mot “minéralité”. Tant que nous nous comprenons tous, c’est bien !”
Łukasz Górski
“Je suis conscient qu’il peut être controversé car il est difficile d’en expliquer précisément le sens. Néanmoins, de mon point de vue, il est utile.”

également décrite comme une minéralité, souvent dérivée d’un sol volcanique, mais les influences de la mer sont également importantes” La question de savoir si la minéralité est directement liée à la teneur en minéraux du sol est complexe. Łukasz estime que si la minéralité est basée sur le sol, d’autres facteurs, tels que la proximité de la mer, peuvent également jouer un rôle important. Cela suggère que la minéralité n’est pas uniquement liée à la teneur en minéraux du sol, mais plutôt à une combinaison de facteurs environnementaux qui influencent le caractère du vin.

Malgré sa complexité, Łukasz estime que le terme “minéralité” est utile. Il déclare : “Les tendances vont et viennent... À mon avis, il n’y a rien de mal à utiliser le mot “minéralité”. Tant que nous nous comprenons tous, c’est bien !” Pour lui, ce terme est un descripteur souple qui peut englober un ensemble de saveurs, y compris des notes salées et pierreuses, tout comme nous décrivons les vins comme fruités ou herbacés.

Łukasz considère que le débat actuel sur l’utilisation du terme “minéralité” est quelque peu exagéré. Il apprécie la diversité du langage dans le monde du vin, qui permet aux individus d’exprimer leurs perceptions de manière unique.

Un aspect intriguant de la minéralité est sa rareté apparente dans les vins rouges, ou du moins le terme est moins souvent utilisé pour décrire les vins rouges. Łukasz Górski explique que cela pourrait être dû aux complexités introduites par les techniques de vinification et à l’influence du chêne. “Les influences et la complexité du chêne peuvent éclipser cette nuance subtile”, note-t-il. Il souligne toutefois que la minéralité peut encore être présente dans certains vins rouges, comme ceux du Priorat ou des sols volcaniques tels que ceux du mont Etna, en Sicile.

Lorsqu’on lui demande quels sont ses styles de vin préférés qui exhalent la minéralité, Łukasz Górski exprime une prédilection pour le riesling de Moselle. “Je dois dire que j’apprécie vraiment le riesling de Moselle pour sa minéralité. J’aime beaucoup la minéralité croustillante issue du sol d’ardoise, qui crée une sensation de pincement en bouche”. Cela met en évidence la façon unique dont la minéralité peut se manifester dans différents vins, créant ainsi des expériences de dégustation distinctes.

Le concept de minéralité dans le vin est à la fois insaisissable et captivant. S’il n’a pas de définition précise, sa valeur réside dans sa capacité à saisir l’interaction entre les facteurs environnementaux et les expériences personnelles. Pour des sommeliers comme Łukasz Górski, la minéralité est un outil utile pour décrire le monde complexe et varié du vin. Alors que les tendances du langage du vin continuent d’évoluer, la minéralité reste un témoignage de la diversité et de la richesse de l’appréciation du vin.

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Pleins feux sur les associations membres Le soleil brille sur l’Espagne

Avec Rafael Bellido, président de l’Union des Associations de Sommeliers d’Espagne (UAES)

Àla veille de la prochaine édition de l’ASI Bootcamp, qui se tiendra le mois prochain à Séville, en Espagne, nous avons demandé à Rafael Bellido, président de l’Union des Associations de Sommeliers d’Espagne (UAES), de nous parler de sa vision de la sommellerie en Espagne, de la manière dont son association aborde la question de l’éducation et des raisons pour lesquelles elle s’est portée candidate à l’organisation de l’ASI Bootcamp. Outre son rôle de président de l’Union des Associations de Sommeliers d’Espagne (UAES), Rafael Bellido est le directeur académique du Master d’œnologie, de sommellerie et de gestion de caves d’Andalousie, ainsi qu’une figure éminente de la sommellerie espagnole. Sa carrière témoigne de sa passion pour la gastronomie, puisqu’il a collaboré avec des chefs tels que Ferran Adrià et Gordon Ramsey. Il a dirigé des établissements tels que Oxo Tower et La Mojigata, et a conseillé des marques telles que Nespresso et Heineken dans le domaine du marketing. Membre actif de l’Académie de la gastronomie et du tourisme d’Andalousie, il a également travaillé comme critique gas-tronomique pour le Guide Repsol. Rafael Bellido se consacre à la formation des sommeliers et à l’organisation d’événements gastronomiques de renom.

ASI : Comment mesurez-vous le succès de l’UAES ?

Rafael Bellido (RB) : Nous mesurons le succès de l’Association espagnole de sommeliers sur plusieurs fronts. Bien sûr, le nombre d’offres éducatives, de membres et d’associations est cru-cial, mais nous apprécions également la qualité de nos activités et l’impact qu’elles ont sur la carrière des sommeliers. Nous nous concentrons sur la manière dont nos initiatives améliorent les connaissances, les compétences et la reconnaissance de nos membres au niveau national et international. En outre, pour mesurer le succès, il faut voir combien de nos sommeliers tra-vaillent dans les meilleurs restaurants du monde et atteignent des positions de premier plan.

ASI : En tant que pays relativement grand avec plusieurs cultures uniques et distinctes, est-ce un défi d’aligner tout le monde sur la même vision ?

RB : Absolument ! L’Espagne est riche en diversité culturelle, ce qui rend notre travail à la fois passionnant et difficile. Cependant, cette diversité est aussi notre force. Nous travaillons dur pour respecter et célébrer nos différentes traditions vinicoles et culinaires tout en nous unis-sant autour d’une vision commune d’excellence et de professionnalisme.

La clé réside dans une communication constante et dans la recherche d’objectifs communs qui nous inspirent tous. Nous sommes tous sous le même parapluie : notre passion pour le vin.

ASI : En tant que pays producteur de vin, concentrez-vous vos efforts sur la connaissance des vins espagnols ?

RB : Bien que nous mettions fortement l’accent sur nos vins nationaux, ce serait une erreur de ne pas prendre en compte la richesse de l’offre mondiale. La formation est complète et couvre à la fois les vins espagnols et les vins et boissons internationaux. Nous voulons que nos som-meliers soient les ambassadeurs du vin espagnol dans le monde entier, mais aussi qu’ils aient une connaissance large et approfondie qui leur permette de se démarquer dans n’importe quel contexte international.

ASI : Quels sont vos objectifs en matière de formation ?

RB : Nos objectifs en matière de formation comprennent l’expansion des programmes de for-mation continue et spécialisée, ainsi que l’augmentation des possibilités d’échanges interna-tionaux. Les lignes directrices et les certifications de l’ASI ont contribué à normaliser et à élever le niveau de nos sommeliers. Elles ont fourni un cadre qui garantit que nos offres de formation sont conformes aux normes internationales, ce qui profite grandement à nos membres.

ASI : En septembre prochain, vous organiserez le Bootcamp de l’ASI. Pourquoi était-il important pour vous, en tant qu’association, d’organiser cet événement ? Quels sont les avantages que vous espérez pour votre communauté de sommeliers ?

RB : Le Bootcamp de l’ASI est une opportunité unique pour nous. Il nous permet de rassembler les meilleurs jeunes sommeliers de différentes régions du monde et d’acquérir de l’expérience dans un environnement d’apprentissage intensif, immersif et collaboratif. L’objectif est de fournir une plateforme pour le partage des connaissances, le développement de compétences avancées et le renforcement de la communauté des sommeliers. En fin de compte, les meil-leurs jeunes sommeliers du monde apprendront des meilleurs. Nous espérons que les participants repartiront avec de nouvelles perspectives, des réseaux enrichis et une plus grande moti-vation à poursuivre l’excellence. En Espagne, nous n’avons pas eu jusqu’à présent d’événement international aussi puissant dans le monde du vin. Nous sommes fiers et ravis de pouvoir le faire ici.

ASI : Qu’est-ce que vous êtes le plus impatient de montrer aux sommeliers en visite dans le domaine espagnol de l’alimentation et des boissons ?

RB : La diversité et l’innovation ! L’Espagne possède non seulement un patrimoine viticole ex-traordinaire, mais elle est également à l’avantgarde de la gastronomie mondiale.

Nous sommes ravis de montrer comment nos traditions fusionnent avec la créativité contemporaine. Des vins uniques de chaque région à la cuisine d’avant-garde, il y a une foule d’expériences qui, nous en sommes convaincus, laisseront une impression durable sur les sommeliers en visite.

ASI : En ce qui concerne l’avenir de votre association, qu’espérez-vous réaliser dans les 3 à 5 prochaines années et au-delà ?

RB : Dans les années à venir, nous espérons développer davantage notre offre éducative et nos réseaux internationaux. Nous aimerions organiser des concours de haut niveau tels que le con-cours du Meilleur Sommelier du Monde ASI ou le concours du Meilleur Sommelier d’Europe, Moyen-Orient & Afrique ASI. Nous travaillons également sur des initiatives visant à encourager les jeunes talents et à promouvoir la durabilité dans la sommellerie. En fin de compte, notre objectif est de continuer à rehausser le profil des sommeliers espagnols sur la scène mondiale et de créer des opportunités qui propulseront leur carrière vers de nouveaux sommets.

“Bien que nous mettions fortement l’accent sur nos vins nationaux, ce serait une erreur de ne pas prendre en compte la richesse de l’offre mondiale.”
Rafael Bellido

Rapports des correspondants régionaux

Tour d’horizon du Moyen-Orient

Par Joseph Mounayer, Président de l’ASLIB (Association des Sommeliers du Liban), Correspondant régional d’ASI Magazine, Moyen-Orient

Un événement historique pour le vin et la sommellerie libanaise

Après de nombreux défis, y compris des menaces de guerre permanentes et divers autres obstacles, les nuits du vin de Dhour Shweir ont une fois de plus connu un succès retentissant. Les Nuits du vin de Dhour Shweir n’étaient pas seulement une compétition pour identifier le meilleur sommelier du Liban, et qui deviendra le premier sommelier du Liban à participer au concours du Meilleur Sommelier d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient de l’ASI, mais aussi une célébration de la culture du vin libanais. Parmi les invités de marque de l’ASI figuraient Michèle Chantôme, Giuseppe Vaccarini, Jean-Vincent Ridon, qui, avec moi-même et Joseph Mounayer, président de l’ASLIB, ont dirigé sept classes de maître qui ont approfondi les nuances et l’excellence des vins libanais.

Ce fut un moment historique pour le Liban. Organisé pendant trois nuits magnifiques dans la municipalité de Shweir, l’événement a vu la participation de 21 caves

renommées de tout le Liban et a accueilli environ 25 000 visiteurs. Le point culminant de l’événement a été l’annonce de la victoire de Joseph Haddad et de la deuxième place de Silvana Haddad. Les deux sommeliers se sont également qualifiés pour la certification ASI de niveau 1, marquant ainsi une étape importante dans leur carrière et pour la représentation du vin libanais sur la scène internationale.

Le maire de Shweir, M. Habib Moujaes, et le vice-président du Parlement, M. Elias Bou Saab, dont le soutien a été déterminant pour le succès de l’événement, ont honoré de leur présence cet événement marquant. La présence de ces dignitaires, ainsi que la participation de sommeliers et d’établissements vinicoles estimés, ont souligné l’importance de l’événement pour le patrimoine viticole libanais. Ce rassemblement n’a pas seulement célébré les réalisations de l’industrie vinicole du pays, il a également ouvert la voie à la reconnaissance de ses sommeliers sur la scène internationale.

“Ce fut un moment historique pour le Liban. Organisé pendant trois nuits magnifiques dans la municipalité de Shweir, l’événement a vu la participation de 21 caves renommées de tout le Liban.”

Avec tous les membres de l’ASLIB, je remercie chaleureusement la municipalité de Shweir d’avoir facilité cet événement et tous les artistes et bénévoles qui ont contribué à son succès. Leurs efforts ont été déterminants pour faire de cette célébration de la culture du vin libanais une expérience mémorable pour tous les participants. Parmi les caves participantes, plusieurs se sont distinguées par leurs offres

exceptionnelles, notamment Les Vignes du Marje, qui ont présenté un superbe vin blanc qui a reçu de nombreux éloges. Muse du Liban a impressionné avec ses vins de haute altitude, cultivés entre 1750 et 2137 mètres. Le Château Ksara, le plus grand domaine viticole du Liban, a continué à maintenir sa réputation de soutien indéfectible de l’association. Divin a présenté des vins que JeanVincent Ridon a favorablement

ASI Mag Correspondant régional

Joseph Mounayer (Moyen-Orient)

PRÊT-À-ÉCRIRE

comparés à certains des meilleurs vins de Californie. Le Domaine Wardy a surpris les participants avec son grenache monocépage, qui a suscité une grande attention. Le Château Saint Thomas a mis en avant ses vins très réputés issus du cépage autochtone Obeidy. Enfin, Ixsir a enchanté les participants avec ses jolis vins de la région de Batroun.

Nouvelles de la sommellerie

sud-américaine

Avec Natalia Torres, correspondante régionale d’ASI Magazine pour l’Amérique du Sud

Le concours du Meilleur Sommelier du Chili 2024, organisé par l’Association Chilienne des Sommeliers (ASCL), a vu Marcelo Arriagada couronné Meilleur Sommelier du pays pour la deuxième fois consécutive. L’événement s’est déroulé les 28 et 29 mai dans les installations de l’INACAP Apoquindo et a rassemblé les meilleurs représentants de la sommellerie chilienne dans une compétition de haut niveau. M. Arriagada est actuellement chef sommelier au Kappo Masa, le restaurant new-yorkais fondé par le chef Masayoshi Takayama et le marchand d’art Larry Gagosian.

Par ailleurs, le Finca Piedra Infinita Supercal 2021 de Zuccardi Valle de Uco a été le seul vin argentin à recevoir 100 points dans le 2024 Argentina Special Report du critique Tim Atkin. Ce vin provient d’une parcelle spécifique de 0,93 hectare, située sur le côté ouest de la Finca Piedra Infinita à Paraje Altamira, Valle de Uco (Mendoza). Il présente l’aspect le plus extrême du sol de Paraje Altamira, qui se caractérise par d’importants dépôts de pierres recouverts d’une riche couche de matière calcaire.

ASI Mag Correspondant régional

Natalia Torres (Amérique du Sud)

PRÊT-À-ÉCRIRE

Marcelo Arriagada

Nouvelles de nos membres

Milles Vignes (One Thousand Vines) reçoit

le prix de l’OIV

L’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin) a annoncé que la célèbre sommelière Pascaline Lepeltier, née en France et basée à New York, a reçu le prix OIV 2024 pour son livre “Mille Vignes”. Le livre a reçu de nombreux éloges depuis sa sortie.

“Un chef-d’œuvre qui offre une plongée dans le monde du vin. Il témoigne de la passion, de l’expertise et de l’engagement de son auteur en faveur des pratiques durables.” Robert Parker Wine Advocate

“Entremêlant culture, philosophie, histoire et science, Mille Vignes de Pascaline Lepeltier n’est rien de moins qu’une étonnante œuvre de génie. Il s’agit d’une ressource essentielle pour comprendre le vin dans toute sa merveilleuse complexité.” Alice Feiring

“Mille Vignes est une ressource cruciale pour comprendre le vin à l’échelle mondiale et locale, et une lecture essentielle pour tous ceux qui aiment le vin. “ Jon Bonné

Suraj GC Sommelier néozélandais de l’année 2024

Suraj GC, né au Népal, a remporté le titre de Sommelier néo-zélandais de l’année 2024. La passion grandissante de Suraj pour le vin l’a incité à suivre une formation officielle dans ce domaine, ce qui l’a conduit à étudier avec le Wine & Spirit Education Trust (WSET) et à obtenir la certification de la Cour des maîtres sommeliers. Cet engagement témoigne de sa volonté de maîtriser les complexités du vin. En 2016, l’expertise de Suraj a été reconnue lorsqu’il a obtenu le statut de résident permanent en Nouvelle-Zélande. Trois ans plus tard, il s’est installé à Auckland pour occuper le poste de chef sommelier à l’hôtel Park Hyatt, où ses connaissances et ses compétences en matière de leadership ont largement contribué à la réputation de l’établissement. Ses réalisations ne sont pas passées inaperçues, puisque Suraj a eu l’occasion de participer à l’ASI Bootcamp en Malaisie en 2022, où il a été formé par certains des meilleurs sommeliers du monde, ce qui a sans aucun doute contribué à sa croissance et l’a préparé à la compétition. En reconnaissance de ses réalisations exceptionnelles, Suraj a été invité au prestigieux.

Nouvelles du secteur

Partenaires dans le vin et dans la vie

Pour de nombreux amateurs de vin, partager un verre avec un être cher est un plaisir simple, en particulier avec un conjoint ou un partenaire. Une étude de l’université du Michigan publiée dans The Gerontologist a révélé que les couples qui boivent modérément ont tendance à vivre plus longtemps. Des recherches antérieures ont suggéré que des habitudes de consommation similaires dans les couples conduisaient à de meilleurs mariages et à des unions plus longues. Toutefois, il n’était pas clair si des habitudes de consommation alignées apportaient également des avantages pour la santé. Cette étude est la première à établir un lien entre des habitudes de consommation communes et une vie plus longue et une meilleure santé. En analysant les données de l’étude sur la santé et la retraite (Health and Retirement Study), les chercheurs ont examiné près de 10 000 personnes de plus de 50 ans appartenant à des couples de sexe différent. Ils ont constaté que les couples qui buvaient tous les deux vivaient plus longtemps que ceux dont l’un ou l’autre ne buvait pas. Une consommation modérée, définie comme un maximum de 8 verres par semaine, était la plus bénéfique, en particulier pour les femmes. Bien que les chercheurs aient contrôlé certaines variables, ils reconnaissent que les résultats ne permettent pas d’établir un lien de causalité et appellent à la poursuite des recherches.

Pernod Ricard vend son portefeuille de vins

Pernod Ricard, deuxième producteur occidental de spiritueux, vend la majeure partie de son portefeuille de vins à Australian Wine Holdco Limited (AWL), propriétaire d’Accolade Wines. Cette opération stratégique souligne la volonté de Pernod Ricard de se concentrer sur les spiritueux à forte marge, en redessinant le marché mondial du vin. Le 17 juillet 2024, la société a accepté de vendre à AWL ses marques de vins australiens, néo-zélandais et espagnols, dont Jacob’s Creek, Stoneleigh et Campo Viejo. Cette opération s’inscrit dans le cadre de sa stratégie visant à se concentrer sur les spiritueux haut de gamme tels qu’Absolut Vodka. Pernod Ricard conservera toutefois ses marques de champagne et ses activités vinicoles aux États-Unis, en France, en Argentine et en Chine. Cette décision pourrait conduire à une approche plus qualitative des marques, mais pourrait poser des problèmes aux sommeliers qui entretiennent des relations contractuelles avec le portefeuille de vins de Pernod Ricard.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique

apporte son soutien.

Est-ce suffisant ?

Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique (Canada) a donné à ses vignobles locaux la possibilité de s’approvisionner en raisins en dehors de la province pour remplacer les pertes dues à un vortex polaire dévastateur, en janvier dernier, qui a entraîné une réduction de 90 % de la production cette année. Si cette mesure offre un peu de répit aux viticulteurs, elle n’est pas sans poser de problèmes. Les caves doivent vendre les vins entre le 1er avril 2025 et le 1er avril 2026, ce qui représente un défi pour une industrie qui a une riche histoire dans la production de vins rouges et de vins mousseux de méthode traditionnelle, qui nécessitent tous deux une maturation et une fenêtre de vente plus longues que celles prévues par l’initiative gouvernementale. Une grande partie des raisins importés devant provenir de l’État voisin de Washington, cela pourrait se traduire par de nombreuses mises en bouteille de Riesling en Colombie-Britannique en 2025. Les basses températures hivernales entraînant des dommages aux bourgeons et aux vignes sont devenues monnaie courante en Colombie-Britannique, les millésimes 2022, 2023 et 2024 ayant tous été affectés par des vagues de froid hivernales. Compte tenu de la nouvelle réalité climatique, on peut se demander si les hybrides mêmes que le gouvernement a incité les producteurs à éliminer au profit des vinifera à la fin des années 1980 pourraient faire partie de la voie à suivre par l’industrie.

ASI LE MEILLEUR SOMMELIER

11-15 NOV

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