VOYAGE DANS LES ABYSSES DU « TOURNAGE LE PLUS DIFFICILE DE L’HISTOIRE DU CINEMA »
SOMMAIRE : INTRODUCTION I – PRE-PRODUCTION Un film-défi II – PRODUCTION Le cauchemar de James Cameron III – POST PRODUCTION / SORTIE : Une lueur d’espoir du fond de l’abysse financier CONCLUSION
INTRODUCTION « Je suis James Cameron et je veux vous emmener dans un monde froid, obscur, où règne une pression implacable : le business du cinéma », déclare ironiquement Cameron dans l’introduction du documentaire « Making The Abyss » de Ed W. Marsh. James Cameron est issu d’un mode de fonctionnement de production très élémentaire, ayant travaillé sur les productions économiques de Roger Corman dans les années 70 (il co-réalisera son premier film sous la houlette du célèbre producteur de films « low-budget » avec PIRANHA 2 en 1980). Durant ses « années Corman », Cameron rencontre la jeune productrice Gale Anne Hurd qu’il épousera plus tard et avec laquelle il monte la production à petit budget mais ambitieuse de son prochain film, TERMINATOR (1984). Le succès du film permet au tandem Hurd/Cameron l’accès aux grands studios, et la 20th Century Fox confie en 1986 la tâche d’écrire et de réaliser (à Cameron) et de produire (à Hurd) la suite d’ALIEN, un des plus grands récents succès des studios, dont ils feront une nouvelle réussite tant artistique, critique, que commerciale. Avec TERMINATOR et ALIENS, Cameron a prouvé qu'il était un technicien hors pair et un spécialiste du film "coup de poing". Mais réalisant que la presse et le
public risquent de trop vite le catégoriser, il décide le premier grand virage de sa carrière. Réunissant toutes ses passions (la mer, la plongée, la SF et la technique cinématographique), Cameron va rédiger le scénario d’un nouveau projet qui lui tient à cœur : THE ABYSS, une épopée sous-marine à grande échelle. Le duo scénariste-réalisateur/producteur se lance alors dans les profondeurs abyssales de la production la plus ambitieuse jamais tentée jusqu’ici à Hollywood. Les membres de la plate-forme pétrolière prototype Deepcore sont chargés par l’armée américaine de visiter et récupérer les secrets de l’épave d’un sousmarin nucléaire immobilisé au bord d’une immense crevasse par 700 mètres de fond au cœur de l’océan. Dans les grandes profondeurs se noue une extraordinaire aventure. Qui aurait cru que dans les eaux noires, glacées et inexplorées, il existe une autre forme de vie intelligente ? Telle est l’intrigue de l’épique thriller sub-aquatique de science-fiction teinté de romance THE ABYSS de James Cameron, mis en tournage en 1988, un tournage qui possède la triste réputation d’être « le plus difficile de l’histoire du cinéma » selon les propres mots des membres de l’équipe du film. THE ABYSS a en effet connu durant toutes les phases de sa fabrication, des problèmes de toutes parts : économiques, humains, techniques,…
Nous traverserons les différentes phases de préproduction, production, post-production de l’aventure THE ABYSS afin de retracer cet exceptionnel véritable « parcours de production du combattant » qu’a vécu l’équipe de tournage du film, guidé par le tandem Hurd/Cameron, désormais lancé dans le périple cinématographique le plus fou jamais tenté.
I – PRE-PRODUCTION : Un film-défi Dès les rumeurs du projet, le tout-Hollywood prend Cameron pour un fou. C’est la première fois, qu’on envisage de tourner un film dont l’action se déroule quasiment uniquement sous l’eau et non en studio d’autant plus que Cameron exige de filmer son film véritablement dans une cuve d’eau géante spécialement construite pour les besoins du tournage (pas de prise en studio préexistant) et il prévoit 60 % de plans à tourner effectivement sous l’eau, à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, et de limiter les trucages optiques pour une plus grande authenticité des prises de vues d’effets spéciaux. Le récit du film est intense, le scénario est truffé d’exigences impossibles à combler, le storyboard envisage des plans d’une complexité proche de l’absurde pour la profession, et par-dessus tout Cameron voit les choses en très grand et y croit... Mais Gale Anne Hurd parvient tout de même à convaincre la 20th Century Fox (compagnie que le duo a su mettre en confiance avec le succès de ALIENS) d'investir 50 millions de dollars dans le projet, un budget record pour l’époque. Le studio s’affole évidemment très vite, devant l’ampleur du défi que Cameron lance à l’industrie du cinéma. Certains effets spéciaux mis sur le papier paraissent irréalisables, d’autant plus que Cameron affiche clairement son intention que ce soit « aussi réel que
possible » . Pour cela, il n’est pas question dans son esprit de faciliter la production des effets avec des modèles réduits ou de l’ingéniosité économique à la Corman, sa vision est plus vaste. Il imagine un film grandeur nature, réalisé avec des effets au sommet de la technologie scientifique et militaire moderne, avec de vrais submersibles, de vrais engins technologiques télécommandés, une véritable station pétrolière, grandeur nature. Il a poussé le comble jusqu’à intensément étudier la technologie de plongée, pour obtenir le meilleur matériel disponible dans le domaine. Il réalise par exemple, parmi toutes sortes d’équipements à élaborer spécialement pour le film, qu’un système de radio-télécommunication doit être mis au point pour pouvoir donner des instructions sous l’eau aux membres de son équipe de tournage, ou encore qu’il faudra créer des tenues de plongée spéciales pour les acteurs, car les véritables tenues professionnelles possèdent des casques si étroits qu’il sera impossible de reconnaître les visages des différents protagonistes de l’histoire. Certaines séquences demandent des effets spéciaux numériques inédits à l’époque, au moyen de logiciels encore non confectionnés. ILM ne sait toujours pas, au début des prises de vues, comment ils réaliseront la tentacule d’eau vivante exigée par le scénario. En 1987, c’est la toute première fois que le moyen de l’image de synthèse est cité pour fournir ces images photo-réalistes d’un élément aussi complexe que l’eau. Mais personne à cette époque n’a encore vu de tels résultats
infographiques. Gale Anne Hurd n’a cessé de cacher le problème à la 20th Century Fox durant toute la production afin de les rassurer. Jusque très tard durant la phase de pré-production, il n’y a officiellement aucun lieu de tournage connu pour cette réalisation sub-aquatique démesurée, qui exige une place abyssale. La production déniche un emplacement pour construire le plateau de tournage à Gaffney en Caroline du Sud en décembre 1987, sur le site d’une centrale nucléaire inachevée. L’endroit précis de la centrale visé par la production propose une cuve de 60 mètres de long et de 6 mètres de profondeur. Cette cuve ne sera que le « tank B », pas assez profond pour les plans principaux qui nécessiteront un « tank A » qu’il reste encore à trouver. Cameron pense, pour son tank A, à l’inconcevable : l’enceinte gigantesque du réacteur principal de la centrale nucléaire qui surplombe le tank B, dont les spécialistes s’empresseront de rapporter qu’elle a été conçue pour résister à des guerres et des séismes avec les meilleurs matériaux possibles et qu’elle peut en effet supporter une pression de 28 millions de litres. Cameron a trouvé son abysse. Le coût de la construction de l’enceinte du bassin géant (7 millions de dollars gâchés par l’Etat) est ainsi ingénieusement économisé par la production, mais il reste à mettre en chantier la construction laborieuse de la plate-forme pétrolière sous-marine Deepcore grandeur nature, dans le tank A, à savoir le plus grand studio de tournage jamais construit sous l’eau, et des intérieurs dans le Tank B, un total de 38 tonnes de
construction sub-aquatique, tout cela avant la date limite du démarrage de la production prévu le 8 Août 1988.
II – PRODUCTION : Le cauchemar de James Cameron Arrivé le 8 Août 1988, la photographie doit débuter. Mais la construction dans le tank A est loin d’être achevée. Le film ne peut pas entrer en production.
Le Tank A encore non immergé, en pleine construction Gale Anne Hurd : « Durant la pré-production, nous réalisions que ce serait difficile, mais pas que ce serait impossible. Tout échappait à notre contrôle. »
La production décide donc d’organiser le calendrier de tournage en donnant la priorité aux séquences à tourner dans le Tank B (prises de vue dans le décor intérieur du sous-marin nucléaire échoué), dont on accélère la construction. Les ouvriers ont une semaine pour terminer les travaux alors que les décors du Tank B n’étaient prévus que pour la mi-septembre. Une multitude de complications se révèlent déjà, alors même que le film ne peut entamer sa production. Le véritable premier jour de production, James Cameron ne perd pas son enthousiasme pour autant et accueille son équipe en leur annonçant : « Bienvenus dans mon cauchemar ». 40 % du film total sera finalement tourné sous l’eau (malgré les attentes plus grandes du cinéaste), et comme l’affirme Cameron, novice en la matière des tournages aquatiques après THE ABYSS et plus récemment TITANIC (1997), « Sous l’eau, tout est contre vous ». Ed Harris, qui interprète le personnage principal du film, rapporte que le premier jour fut le chaos total. L’équipe de tournage se rend compte un peu tard que le Ph de l’eau a mal été ajusté et contrôlé et l’eau est donc trop trouble pour effectuer les prises de vues escomptées. Pour y remédier, on rajoute du chlore dans l’eau, ce qui cause différents désagréments aux membres de l’équipe (décoloration des cheveux, brûlures de la peau,…). Le 20 Août, la station de forage pétrolier Deepcore n’est toujours pas prête pour tourner, malgré les travaux ininterrompus. La production prend la décision de
l’immerger quand même, au fur et à mesure que la construction se poursuit. Entre le tank A et B, ce sont en tout prêt de 41,5 millions de litres d’eau qui sont pompés d’un lac à proximité, une eau qui doit être purifiée grâce à tout un système de traitement établi sur le lieu de tournage, spécialement conçu pour le film. Pendant ce temps, le départements CGI (Computer Generated Images) d’ILM, la société firme de LucasFilm employée par Cameron pour mettre au point un logiciel de reproduction des éléments aquatiques de manière photo-réaliste, s’attaque à la réalisation de l’exigence toute storyboardée du cinéaste. A ce moment là, Cameron pense amèrement devoir supprimer la séquence clé de son film, si les efforts d’ILM n’aboutissent pas. Loin du site nucléaire des tanks A et B, une équipe est envoyée tourner sur l’océan une « miniature » de 12 mètres 50 du Benthic Explorer, la seule superstructure qui se situe en surface durant tout le film. La production se rend vite compte que le tournage sur l’eau n’est pas plus évident que sous l’eau. Gale Anne Hurd se charge d’obtenir une autorisation spéciale des gardes côtes pour pouvoir mettre à l’eau la maquette de 12 mètres, plus grande que n’importe quel bateau régulier. L’équipe de tournage du Benthic Explorer est surprise par une tempête qui menace de détruire le précieux travail des ingénieurs maquette. Du côté des tanks, rien ne s’arrange non plus, au contraire.
Rapport de production du 10 septembre 1988 : « Rupture tank A. Stoppée, mais irréparable. Moitié du système inutilisable. Explosion dans le système de distribution. » Le tank A rompt et les 40 millions de litres d’eau commencent à se déverser par le système de traitement. Les conduites installées dans un système pressurisé par la filtration n’étaient en fait pas pressurisée, selon les propres mots de la productrice Hurd : « Si elles avaient explosé, tout le tank se serait vidé, et ça nous semblait à tous de jour en jour, de plus en plus probable. » Le 14 septembre, le rapport des dommage n’est pas du tout encourageant : « Filtration : 50 % - Chauffage : 50 % ». Etant donné que le système n’est pas réparable, le reste de la production devra se satisfaire de ces conditions de travail réduites. Les conduites continuent d’exploser au gré du hasard et des jours qui passent. L’eau devient trouble, aucun tournage n’est plus possible. Durant des jours, l’équipe n’a plus rien à faire qu’attendre la fin des réparations temporaires et infructueuses, même si Cameron insiste pour que tous soient présents sur le plateau. James Cameron : « C’était un voyage dans l’inconnu, et on résolvait les problèmes au jour le jour pour poursuivre le tournage. Pour la production, c’était un cauchemar ». La date de fin de tournage estimée en septembre est largement dépassée et pour couronner le tout, des
tempêtes et des vents violents viennent marquer le début de l’automne et retarder un peu plus l’avancée des réparations. A la longue, la bâche est finalement déchirée par les vents sur plus de 60 mètres de long. Le tank A est désormais inutilisable de jour, puisque la bâche servait à simuler les profondeurs caverneuses de l’abysse artificiel. Le tournage ne se fera plus que de nuit, jusqu’à la réparation de la bâche, pour retarder encore un peu plus l’échéance du tournage cauchemardesque. James Cameron et son équipe sont abattus, mais ne se laissent pas aller au fatalisme, et travaillent d’arrachepied, 24 heures sur 24 pour faire avancer la production tant bien que mal, en résolvant les problèmes au fur et à mesure qu’ils s’amoncellent. L’hivers approche à grands pas et le froid sera désormais le lot de toute l’équipe de plongée qui ajoutera un peu plus de complexité à la production catastrophique du film. La production avait justement prévu le tournage l’été pour l’avantage climatique évident, sans avoir imaginé qu’il s’éterniserait ainsi durant des mois jusqu’en hivers. Gale Anne Hurd : « L’Homme contre l’Homme, l’Homme contre la nature, l’Homme contre luimême. Ce sont les 3 types de conflits que doit contenir une bonne histoire. Ils avaient lieu non seulement à l’écran, mais aussi sur le plateau ». Cameron et Hurd sont assaillis par le studio car le budget initial est amplement dépassé et grossit de plus en plus, au fur et à mesure que la fin de tournage est
sans cesse repoussée : en octobre, la fin du tournage est prévue pour le 16 décembre, et le 29 Novembre, elle est prévue pour le 20 décembre, sans plus compter dans cette période les prises de vues sans acteurs. Le film coûte entre 200 000 et 250 000 $ supplémentaires par jour. La studio se plaint particulièrement auprès de Gale Anne Hurd que le budget des combinaisons de plongée soit aussi important, car en effet, les combinaisons sont corrodées par les produits chimiques utilisés dans l’eau pour la rendre moins trouble, et sont donc fréquemment remplacées par mesure de sécurité. Mais ce détail budgétaire n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des dépenses supplémentaires d’une production qui touche le fond. James Cameron : « Le studio n’est ni un ennemi, ni un chef. Avec un tel budget, c’est un partenaire. Et si le film coulait, on coulait tous. » Un accident humain survient sous l’eau : lors d’une phase du tournage particulièrement délicate, Ed Harris, qui interprète le personnage principal, doit jouer une longue scène sous l’eau avec un casque rempli d’eau, sans pouvoir respirer. L’inévitable se produit un jour : Harris manque d’air et n’est pas approvisionné à temps. De l’eau rentre dans ses poumons et il est rapidement remonté à la surface pour être rétabli. L’incident traumatise l’acteur et l’équipe tout entière, ajoutant un peu plus de perplexité au tumulte général du tournage. Les acteurs passent facilement 10 heures par jour sous l’eau pendant 2 ou 3 jours par semaine (décompression
comprise, due à la profondeur), et James Cameron y passe 12 à 14 H par jour, toute la semaine. De cette intensité du travail exigée par Cameron, naît une tension entre l’équipe et le cinéaste. Mary Elizabeth Mastrantonio qui interprète l’héroïne, quitte le plateau de fureur, physiquement et moralement épuisée, au beau milieu d’une prise particulièrement longue et impossible. La production perd un temps précieux durant son absence, et l’équipe est encore un peu plus consternée. Le jour où le directeur du studio se déplace pour constater de lui-même l’ampleur du désastre, le générateur d’électricité lâche en plein milieu d’une prise et piège l’équipe entière dans le noir au fond de l’eau. C’est l’apothéose du cauchemar de Cameron. Une fois le fond de l’abysse touché, tout ne peut qu’aller mieux : le 14 décembre, l’équipe tourne la scène finale et le tank A est définitivement vidé. L’échéance du tournage prévu est arrivée, mais il reste donc certains plans cruciaux de la photographie principale à tourner. James Cameron abandonne le lieu maudit de Gaffney, Caroline du Sud pour tourner tout le reste à Los Angeles dans différents mini-tanks improvisés.
III – POST PRODUCTION / SORTIE : Une lueur d’espoir du fond de l’abysse financier Le film attaque désormais au début de l’année 1989, sa plus longue phase, celle de la post-production. Il s’agit de réaliser tous les effets spéciaux visuels, dont la fameuse séquence animée par ordinateur du pseudopode qui s’annonce beaucoup plus réaliste que ce que tout le monde espérait, compte tenu des avancées récentes d’ILM en animation infographiques à la fin des années 80. Avant tout le monde, Cameron comprend l'utilité de l'ordinateur dans le cinéma. Cet essai va être le coup d'envoi d'une révolution qui va changer la face du cinéma. 4 ans avant Jurassic Park, Cameron invente le cinéma de demain. Le résultat du pseudopode aquatique, est la vraie grande et bonne surprise de la post-production : les images sont inédites, spectaculaires et incroyablement réalistes, bien au-delà de ce que Cameron avait espéré. Le reste des effets visuels est à l’image du film entier, également inextricable. Pour les extra-terrestres Cameron donne des instructions impossibles à ILM. Il veut des créatures esthétiques, élégantes, illuminées de l’intérieur et capables de se mouvoir électroniquement. Evidemment, encore une fois, la difficulté principale de la réalisation de ces images, réside dans le fait que tout doit être tourné en bassin, sous l’eau. Tout le matériel électronique est donc conçu pour être fonctionnel dans l’eau, même si les créateurs des effets spéciaux trouvent
le moyen de tourner une partie des effets dans l’air en simulant l’eau avec un brouillard artificiel. Au montage, Cameron se rend compte qu’il aura besoin de presque 3 heures de film pour raconter son film. Seulement, à cette époque, sortir un film de plus de 2 heures 10 était un pari risqué, et les projections-test confirment que le film est trop lent et long pour le spectateur moyen. Le studio demande à Cameron de couper. Celui-ci s’exécute car il manque des plans non tournés et que toute la partie finale (l’intrigue nucléaire) demande des efforts plus denses en infographie de la part d’ILM, irréalisables dans les temps : des vagues d’eau CGI de centaines de mètres de haut,... Cameron supprime donc ces séquences (une trentaine, dont certaines sont capitales, surtout toute la fin du film) et simplifie l’intrigue de son film à un minimum : 2 heures 20. Pendant ce temps, le studio mise sur la sortie du film pour l’été 1989 en développant tout un merchandising autour du film (bandes dessinées, t-shirts, figurines, une novellisation est rédigée par le fameux écrivain Orson Scott Card,…) et une promotion titanesque (1 teaser, deux bandes annonces, un affichage massif, des spots et des featurettes T.V.,…) car les concurrents blockbusters de l’été seront rudes : principalement BATMAN de la Warner Bros et INDIANA JONES III de la Paramount. Le budget final n’est pas rendu public, même s’il est estimé à 70 millions de dollars, soit 20 millions de plus qu’initialement prévu. Le coût de la production est sans précédent, et même s’il aide à faire parler du film, le
studio craint de ne jamais parvenir à rentabiliser sa production. Originalement prévu le 5 juillet, et à cause du retard évident qu’il a pris durant son tournage, le film ne sort sur les écrans américains que le 9 août 1989. Les critiques ne sont pas unanimes. Certaines assassinent le film à tort (lui reprochant une naïveté pourtant inexistante), d’autres savent y reconnaître un tournant virtuose de la carrière de James Cameron et dans la production des films et particulièrement au niveau de l’image de synthèse. Le public est largement au rendez-vous, même s’il ne s’agit pas de la plus grande réussite publique de Cameron. Pour comparaison voilà les résultats au box-office US de THE ABYSS et de TERMINATOR 2, son film suivant, un bien plus grand succès au BO. Titre Abyss, The Terminator 2
Sortie / Fin d’Exploitation 08-09-89 / 11-02-89 07-03-91 / 01-16-92
Recettes BO US Salles Totales Sortie 54,243,125 9,319,797 1538 204,843,345 31,765,506 2495
Avec un résultat important de 54,243,125 $ de recettes totales sur le territoire nord-américain, THE ABYSS est pourtant loin d’être le succès retentissant que la Fox espérait et n’égalise pas le score de ses concurrents de l’été. Pour comparaison, comme prévu BATMAN de Tim Burton est le grand succès de l’année avec 251,188,924 $, auquel même Spielberg a du mal à faire de l’ombre avec INDIANA JONES AND THE LAST CRUSADE
et son score important de 197,171,806 $. THE LETHAL WEAPON 2 de Richard Donner est la surprise de l’été avec 147,253,986 $ de recettes. THE ABYSS rentabilise quand même l’investissement de la Fox en rapportant plus de 100 millions de dollars dans le monde entier. La catastrophe est évitée, mais le coût excessif du film par rapport à la somme pourtant considérable qu’il rapporte, ne permet pas de considérer THE ABYSS comme un succès. La Fox réitérera pourtant l’expérience avec Cameron avec un autre pari fou en 1997, qui lui portera ses fruits : TITANIC.
CONCLUSION James Cameron a finalement réalisé son film rêvé même s’il a vécu un véritable cauchemar de production pour finalement accoucher de son rêve. Gale Anne Hurd affirme que THE ABYSS est le plus grand challenge de toute sa vie et qu’elle n’entreprendra certainement plus jamais un projet aussi difficile. Le film devient un succès a posteriori, après une sortie vidéo à succès, et est très vite élevé au rang de film culte par les fans de SF. Devant tant d’honneur, James Cameron décide de préparer une édition spéciale de son film, contenant les 3 heures initiales. C’est ainsi qu’en 1992, une édition complète du film de James Cameron ressort sur les écrans américain avec succès, produite par Van Ling (Gale Anne Hurd et James Cameron étant séparés depuis le tournage du film en 1988). James Cameron fait restaurer du « footage » abandonné alors, tourne des plans qui restaient non tournés, et les progrès dans le domaine des effets spéciaux de synthèse lui permettent de finaliser la séquence de la vague géante. Son film ainsi parachevé, sa notoriété est confirmée, l’œuvre est désormais artistiquement aboutie et demeurera l’un des challenges cinématographiques les plus risqués et éprouvants, mais l’un des films les plus captivants de ces dernières années. Lorsque l’on revoit aujourd’hui le film THE ABYSS, on a heureusement tendance à occulter le cauchemar du tournage et le semi-succès de sa sortie au profit de la « post-popularité » dont le film bénéficie désormais
aujourd’hui. Les difficultés rencontrées pendant la production transparaissent certainement dans le film et lui confèrent son authenticité et sa force. THE ABYSS demeure « le tournage le plus difficile de l’histoire », ainsi que son équipe aime à le rapporter, mais également un des films les plus ambitieux et aboutis, un véritable 2001 pour son époque, pionnier des images de synthèse qui a ouvert la voie à un nouveau cinéma, et porteur d’une dénonciation de l’escalade nucléaire (problème majeur à l’époque du film) d’un infini message d’espoir, par le biais de l’imaginaire science-fictif des artistes qui ont contribué à sa création.