James Horner : 20 ans - 20 oeuvres

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JAMES HORNER : 20 ans - 20 œuvres

Début des années 80 : Tempête dans un jeune cerveau

En 1982, James Horner sort enfin des petites productions et des nanars « cormaniens » en étant choisi pour composer la suite d’un grand succès de la fin des années 70. En ce début des années 80, Star Wars est l’exemple de réussite pour tous les studios de cinéma et le public ne rêve que d’espace et de voyages extraordinaires. James Horner ne les déçoit pas en composant STAR TREK II : LA COLERE DE KAHN, une musique dans la lignée de ses travaux initiaux de moindre envergure. Tout en


empruntant quelques sonorités à Jerry Goldsmith qui a composé le premier opus et qui demeure l’inspiration la plus importante de Horner en ce début de carrière, James Horner s’affirme avec un style SF très particulier, qui lui vaudra de vite se distinguer des maîtres du genre à cette époque : John Williams et Jerry Goldsmith. D’ailleurs, l’année suivante, en 1983, il se distingue totalement en écrivant une partition incroyablement sophistiquée : BRAINSTORM. James Horner puise dans son éducation atonale et dans ses ressources hollywoodiennes, pour composer une œuvre atypique encore aujourd’hui, à la fois grandiose et étrange. Toujours en 1983, son succès dans le domaine de la SFFantasy lui vaut l’occasion de composer une épique partition pour KRULL, d’une complexité saisissante. James Horner fait montre d’une grande maîtrise d’un vaste orchestre (le légendaire LSO) et ajoute au style grandiloquent des grandes productions hollywoodiennes de l’époque, une abstraction dans les sons qu’il convoque tout au long des 90 minutes de musique. Malgré l’échec du film, les professionnels y voient une œuvre exemplaire qui devient rapidement culte dans un petit cercle fermé de connaisseurs. En ce début des années 80, James Horner a prouvé qu’il pouvait allier complexité et grandeur, une caractéristique présente dans toute sa carrière. Il ne lui manque plus qu'à affiner son style et il peut maintenant se hisser hors de son


cocon et dĂŠbuter son ascension parmi les plus grands compositeurs.


1985-89 : hors du cocon, débute l’ascension.

James Horner intéresse ainsi de plus en plus les studios. En 1985 il est engagé sur un des premiers films de Ron Howard : COCOON. S’il demeure apparemment cantonné aux films de SF avec des extra-terrestres (la grande mode de l’époque depuis les grands succès de Star Wars et d’E.T.), James Horner décide de ne pas en rester là et d’affiner son style. Le film s’y prêtant à merveille, James s’essaie à une approche plus dramatique, plus intimiste dans COCOON. Cette fois ses grands élans orchestraux sont plus williamsiens, et sa guitare sèche tendre et émouvante rappelle la simplicité de la harpe du thème de E.T. and Me. James Horner s’éloigne donc sensiblement du style Goldsmith pour s’inspirer de la sensibilité du Williams du début des années 80. Après avoir écrit son Star Trek, son Star Wars, voilà que Horner


écrit son E.T., très personnel, très subtile, une partition véritablement attachante, qui ne passe pas inaperçue, puisque c’est ainsi que Steven Spielberg remarque sa prochaine recrue. L’année suivante, en 1986, Spielberg propose à James Horner de composer la musique de son premier film d’animation : FIEVEL ET LE NOUVEAU MONDE. James Horner ne loupe certainement pas l’occasion et adore cette nouvelle expérience. La finesse de son écriture atteint ici un sommet rarement atteint dans sa carrière. Sa partition est tendre, dramatique, enjouée, intense. Il épouse la vision de Spielberg et Don Bluth le réalisateur de Brisby et le Secret de NIMH, et y apporte sa très grande sensibilité. Une musique du cœur, véritablement. Dès lors, Horner devient le nouveau protégé de Spielberg et c'est le début d’un grande collaboration entre les deux artistes. Paradoxalement, la même année, 1986, Horner vit l’une des plus affreuses expériences de sa carrière. Comme il le fut en 1982 avec Star Trek, il est engagé sur la suite d’un film mis en musique par Jerry Goldsmith, ALIENS LE RETOUR de James Cameron. Les deux artistes ne s’entendent pas du tout et l’ambiance pendant les sessions d’enregistrement est très maussade. James Horner n’a jamais désiré créer une partition entièrement atonale et avait donc une vision plus héroïque de la musique que celle de Jerry Goldsmith, et celle de James Cameron, qui a toujours eu une aversion pour les grandes marches de héros. Il n’en résulte pas moins qu’ALIENS LE RETOUR


est une excellente musique, voire une partition phare dans la carrière d’Horner, mais qui a sûrement été emprunte de l’ambiance de sa création : torturée, violente, sombre et tonitruante. Elle demeure résolument moins atonale que celle de Jerry Goldsmith, grâce aux effort de James Horner soucieux de conserver un attrait dans sa musique. En 1988, James renouvelle son heureuse expérience de collaboration avec Don Bluth et Steven Spielberg, aux côtés des George Lucas cette fois-ci, avec l’aventure préhistorique LE PETIT DINOSAURE ET LA VALLEE DES MERVEILLES. La recette est la même que sur FIEVEL, et le succès tant critique que public est assuré. La même année, George Lucas et Ron Howard clament ensemble leur désir d’avoir James Horner une nouvelle fois à la musique de WILLOW. James Horner revisite ainsi un genre qu’il avait oublié depuis le début des années 80. La mémoire lui revient très vite et la grande finesse acquise depuis s’ajoute à sa fougue de toujours. Le résultat est une œuvre majeure qui allie sensibilité, complexité et grandeur en une seule longue et merveilleuse symphonie épique. James Horner se plaît au royaume du rêve et continue dans sa lancée en composant l’année suivante, en 1989, le nouveau film de SF Disney qui deviendra un grand succès : CHERIE J’AI RETRECI LES GOSSES. Il puise dans son expérience désormais riche d’aventures et de dépaysement et s’initie également au cartoon jazzy purement jouissif. Malgré quelques déboires avec la justice pour l’utilisation d’un thème de Nino Rota (qui est


loin d’être majeur dans le film), CHERIE J’AI RETRECI LES GOSSES est finalement une grande partition d’aventures qui met un point final somptueux à l’épopée musicale de James Horner des années 80.


1989-1996 : Retour à la réalité, mais toujours un pied dans le champ des rêves

La fin des années 80 marque également la fin du rêve au cinéma. Le cinéma des années 90, à quelques exceptions près, est globalement plus sérieux et ancré dans une réalité. James Horner doit naturellement suivre cette évolution et s’adapter. En 1989 il musicalise JUSQU’AU BOUT DU REVE, qui est certainement très symptomatique du tournant que la carrière que Horner est en train de prendre. Il s’agit d’une musique dramatique aux synthés ambiants mystérieux et aux thèmes sobres souvent au piano. Pourtant de l’ensemble émerge une véritable magie qui explose


littéralement avec le morceau « The Place Where Dreams Come True ». Encore en 1989, Horner continue d’être sérieux en évoquant l’amour filial dans le très sensible et sobre DAD, certainement sa plus belle partition dramatique 100% réaliste. Jusqu’en 1995, les partitions sérieuses se succèdent, même si James Horner arrive parfois à sauter sur l’occasion de regoûter à son amour du rêve dans quelques films d’animation ou comme en 1991 avec le splendide ROCKETEER. Ce film tiré du comics du même nom permet à James Horner d’écrire sa seule partition de superhéros, et quelle musique ! Il retrouve d’un seul coup la verve de ses compositions du cœur des années 80. Durant cette première moitié des années 90, James parvient à alterner les genres, pour à la fois subvenir aux modes hollywoodiennes de polars et de drames (d'où une flopée de musique moins marquantes dans son œuvre entre 90 et 94) et à ses propres besoins de rêve. En 1995, année lourde de travail dans la carrière de James Horner, au milieu de drames historiques merveilleusement mis en musique (APPOLO 13 et BRAVEHEART), il parvient ainsi à écrire quelques partitions qui tranchent nettement avec le style général de Horner des années 90. C’est ainsi que James Horner signe la musique du dernier film d’animation produit par Amblin et son tout dernier effort dans le genre : BALTO, qui est une symphonie d’aventures pleine de rebondissements qui n’a de cesse


d’emporter loin et d’émouvoir. On regrettera que ce soit là la fin d’une grande spécialité de James Horner, mais pour une dernière c’est inoubliable. CASPER est une incursion spéciale de James Horner dans la magie cinématographique. Encore une fois, la recette ne s’est pas perdue : une grandeur orchestrale impressionnante et pourtant si finement exprimée. Cette partition demeure l’une des préférées de tous les aficionados de soundtracks, sans doute pour son originalité par rapport aux autres travaux de l’époque et à venir de James Horner, et pour son goût de « magie adulte » totalement savoureux. James Horner n’a plus à prouver sa maîtrise de l’orchestre, sa finesse remarquable qui le distingue de tout autre compositeur, son « émotionalisme » qui manipule les sentiments de chacun de manière déconcertante. Il œuvre avec maestria tant dans le rêve enfantin qu’il a hérité et aimé des années 80, que dans le réalisme sérieux auquel il a goûté dans les années 90. A la croisée des chemins (musique sensible et intimiste, ou grandes aventures merveilleuses), James Horner ne sait quelle route choisir pour mener à bien sa carrière et satisfaire sa passion de la composition. Il finira par trouver un compromis idéal entre ses deux amours : offrir du rêve au travers du réel, et faire du titanesque avec de la finesse.


1997-2004 Des projets d’envergure titanesque

En 1997, après 20 années de carrière, le monde entier est enfin prêt à entendre le nom de James Horner. Et ce nom va être crié comme rarement le fut le nom d’un compositeur de musique de film. Le succès le plus titanesque de la musique de film est sur le point de naître. Malgré l’expérience très malheureuse d’ALIENS, James Horner insiste pour écrire la musique de TITANIC, le nouveau film de James Cameron. A ce moment là personne n’imagine encore le raz-de-marée. James Horner suit sa nouvelle conduite musicale : écrire du titanesque avec de la finesse. TITANIC est étonnant sur bien des points. James Horner déploie tout à la fois des thèmes d’une pureté enivrante et une artillerie lourde orchestrale complètement tonitruante. Il fait également l’usage le plus


subtile jamais entendu de l’instrument le plus frustre qui existe : le synthétiseur. Et enfin il parvient à écrire une musique d’une telle beauté, d’une telle universalité qu’elle bouleverse soudain des cœurs par millions. L’événement n’est pas sans rappeler l’effet E.T., 15 ans auparavant. James Horner vend 20 millions d’albums, remporte son premier oscar et devient la nouvelle coqueluche musicale d’Hollywood. Fort de son succès, James Horner continue sur sa voie et l’année suivante, 1998, il est convié par Steven Spielberg à composer la partition d’un autre film apocalyptique, pourvue d’une finesse indéniable : DEEP IMPACT. Même approche, autre œuvre musicale, complètement bouleversante, même si elle passe plus inaperçue, sans doute éclipsée par le succès de TITANIC. Tout le monde se bouscule pour obtenir James Horner et Disney parvient à le repêcher pour MON AMI JOE, toujours en 1998. Encore une fois, James Horner choisit (puisqu’il a désormais le luxe de pleinement choisir) un film catastrophe très subtile (une sorte de KING KONG new age) qui lui permet de faire parler sa sensibilité au travers d’une aventure grandiose. Les rythmes qu’il utilise sont surpuissants et très emballants, et pourtant le tout est parcouru par une émotion intense, comme le témoigne la chanson africaine finale d’une tendresse enivrante. Parallèlement, James Horner s’applique à travailler sur quelques productions plus intimistes, presque toutes dramatiques (comme la comédie dramatique de science


fiction L’HOMME BICENTENAIRE en 1999, d’une sobriété qui n’a d’égale que son intelligence) et d'autres drames au début des années 2000. Faire naître l'émotion par la simplicité est toujours son but sur de tels projets. Wolfgang Peterson, spécialiste des films de grande envergure, des grands récits tragiques typiques de la fin des années 90 initiés par le grand succès du film TITANIC, est également intéressé par l’habilité de James Horner pour composer ce genre de subtiles grands déploiements musicaux profonds et poignants. C’est ainsi que James Horner se retrouve en 2000 sur EN PLEINE TEMPETE, sur lequel il pourra faire une fois employer son credo des amours tragiquement éclatés, avec un mélange d’étourdissement orchestral et de passion pure, subtilement rehaussée par une superbe guitare pour donner le ton contemporain de l’aventure de la plus grande tempête de l’Histoire. Quand on regarde le projet, il est clair que James Horner continue de surfer sur la vague de TITANIC, mais la musique est finalement singulièrement différente, tout en épousant la même conception musicale. A côté de ses travaux intimistes parallèles, Horner continue globalement de nous offrir des musiques de grand films réalistes, et à toujours trouver dans ce réalisme une certaine part de rêve (l’amour qui transcende le temps dans TITANIC par exemple). Il apprend et nous apprend que notre monde est déjà vaste de récits incroyables, héroïques, dignes de notre imagination. La plupart de ces projets sont basés sur des faits réels


(TITANIC et EN PLEINE TEMPETE et autres récits guerriers non cités ici comme STALINGRAD) ou en tous cas plausibles (DEEP IMPACT). Il n’a donc plus besoin pour l’instant de récits purement imaginaires et merveilleux comme c’était le cas jusqu’au milieu des années 90. En 2004, même si James Horner a l’opportunité de composer in extremis la musique de TROY, un récit homérique, son optique demeure la même, tout en évoluant progressivement. Depuis TITANIC la voix a très souvent tenu un rôle très important dans tous ses projets et c’est une fois de plus le cas. James tient toujours à teinter ses musiques d’héroïsme musical subtil et d’action percutante très sérieuse. Et enfin, la chanson finale tirée du love thème est toujours un apport que James apprécie désormais. On aurait du mal à parler mieux de cette période que des autres, à cause du manque de recul que nous avons. TROIE, une partition assurément fascinante sur bien des points qui ne peuvent être explicités ici, annonce peut-être une nouvelle ère dans l’œuvre de James Horner. Peut-être que d'autres œuvres de ce début des années 2000 annoncent quelque chose à venir également. L'avenir le dira. On peut juste pour le moment déchiffrer dans la carrière post Titanic de James Horner une grande cohérence, un éloignement des fantaisies pures, un désir de rechercher du rêve et de l’émotion dans le réel, et une alliance finale entre « majestuosité » et sensibilité musicales.


Malgré lui, James Horner est devenu un mal aimé dans les années 2000, sûrement à cause d'un trop grand et soudain succès et aussi et surtout parce que son parcours est difficile à déchiffrer. La cohérence est pourtant le maître mot de la carrière de James Horner, qui goûte et nous fait goûter à toutes les saveurs, bonnes ou mauvaises, de la vie (l’enfance, le rêve, la guerre, le drame) en y incorporant toujours ce même ingrédient qui fait la beauté de sa musique : l’émotion, dans tous ses états.


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