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3. Professionnalisation des acteurs et employabilité
• Politiques de l’emploi
Il existe au Maroc des politiques de l’emploi20 ayant pour but d’améliorer l’employabilité, notamment pour les jeunes, toutefois ces programmes ne sont pas spécifiques aux métiers de la culture et de la créativité. La FICC et l’ANAPEC ont fait un premier pas de concertation en 2019 pour explorer la possibilité de construire un partenariat pour développer un dispositif formation/emploi spécifique pour le secteur des ICC qui est prometteur, mais encore loin de se concrétiser.
L’absence de politiques qui cible directement les emplois créatifs, est un des principaux handicaps de la politique culturelle au Maroc. Cet aspect nécessite un travail d’analyse supplémentaire pour passer en revue les tendances du marché du travail et identifier les problèmes qui empêchent le secteur des ICC au Maroc à générer plus d’emplois. De plus, dans les dispositifs actuels, l’attention est donnée aux emplois formels du secteur privé et aux jeunes diplômés. Or le secteur culturel et créatif se caractérise par la prédominance du travail informel.
En 2019, un programme de construction des Cités des Métiers et des Compétences (CMC) a été lancé dans les douze régions du Royaume et sont attendues pour l’horizon 2021 pour une enveloppe budgétaire de 3,6 milliards de dirhams21. Sur les onze filières de formation, aucune n’est en lien avec le secteur des ICC, mis à part l’artisanat qui figure sur les plans des futurs centres en régions.
Spectacle FIQ ! (Réveilletoi), Groupe Acrobatique de Tanger, 2020 © Hassan Hajjaj
20. Stratégie Nationale pour l’Emploi (SNE) 2015- 2025 et le Plan National de Promotion de l’Emploi (PNPE) 2018-2021.
Parmi les mesures apportées par le PNPE : (i) L’encouragement de la création d’entreprises à travers le développement d’un dispositif des programmes d’appui à l’auto-emploi et le développement de l’esprit de l’entreprenariat dans tous les niveaux de l’enseignement. ; (ii) L’appui à la création d’opportunités d’emploi en répondant aux besoins en services d’utilité sociale et d’intérêt public (services de proximité). ; (iii)L’appui au développement du secteur associatif compte tenu de son potentiel dans la création d’emplois. 21. OFPPT: Les premières cités des métiers attendues pour 2021, Médias24, 16/09/2019.
• Besoins en renforcement des compétences des acteurs locaux22
Artistes, créateurs et porteurs de projets artistiques Petites structures culturelles (associations ou TPE)
• Ecriture et gestion de projets • Levée de fonds
• Leadership, capacité à présenter son projet • Capacité à “séduire” et “vendre” ses prestations et/ou oeuvres artistiques. • Gestion et planification stratégique • Evaluation d’impact • Planification financière, levée de fonds • (pour les associations): capacité à développer des activités génératrices de revenues (AGR) • Médiation culturelle et engagement des communautés
Digital skills et bon usage des outils digitaux
FIG 30 : Compétences culturelles à renforcer chez les acteurs locaux
• Formation professionnelle
Au niveau de la formation professionnelle, l’offre en formations techniques est insuffisante et ne couvre pas l’ensemble des douze régions. Cette carence se traduit parfois par le recours contraint à de la main-d’œuvre étrangère qualifiée, pour les grands festivals et les tournages, par exemple. Fondé en 2012, l’ISMAC a formé à ce jour cinq promotions spécialisées en technique de l’image et du son. Pour l’année universitaire 2017-2018 sur les 54 lauréats, on retrouve douze spécialisés en métiers d’image et quinze en métier de son23. Avec en moyenne une trentaine de techniciens formés par an, le marché cinématographique peut compter une centaine de lauréats prêts à être embaucher. Généralement, ces techniciens sont recrutés pour des missions de freelance et périodiques. Rares sont les techniciens qui régularisant des contrats de travail salariés au sein de structures culturelles.
Les licenciés en techniques cinématographiques peuvent intégrer des masters publics tel que le Master spécialisé en technico-artistique du son et de l’image dispensé à l’ISMAC (Rabat) ou encore le Master en études cinématographiques et audiovisuelles (Tétouan). L’OFPPT offre pour sa part deux formations diplômantes de 1 938 heures en deux années ; dont un stage de fin de cycle de 2 mois. La première est destinée aux techniciens en coiffure et maquillage pour le cinéma et la seconde aux techniciens
22. Données issues des entrevues et des constats des chercheurs lors des évaluations de projets culturels. 23. L’ISMAC fête sa 3e promotion du cycle de licence. Leséco.ma, 27/07/2018
en costume et habillage pour le cinéma et le spectacle à Ouarzazate. L’activité de ces techniciens reste saisonnière au gré des tournages internationaux et des productions des Sitcoms et téléfilms produits par les deux chaînes publiques SNRT et 2M (avec un pic de production en amont du mois du ramadan).
Concernant le spectacle vivant, les techniciens diplômés de l’ISADAC sont des scénographes. Ils représentent à peu près un tiers des lauréats de chaque promotion. Outre cette formation technique de théâtre, aucune formation en métiers de son, lumière ou montage scénique n’est proposée par les institutions publiques.
• Etablissements publics :
L’enseignement supérieur marocain compte une trentaine de formations aux métiers de la culture, proposées essentiellement en licences professionnelles ou en masters au sein des Facultés. Malheureusement, plusieurs formations ne renouvellent pas leurs accréditations et certaines disparaissent, faute de moyens financiers, humains, ou de soutien institutionnel. C’est le cas de l’une des rares licences ouverte aux bacheliers en «Médiation culturelle» à Mohammedia24. Un « Master en ingénierie culturelle » est dispensé à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Ben M’Sik (Casablanca). Arrêté en 2020, ce master a ré-ouvert en octobre 2021 et accueille une quarantaine d’étudiants. Un second master a été mis en place en 2019 au sein de la même faculté. (dispensé en arabe et en anglais) - « Master Of Cultural Policy and Cultural Management » - en partenariat avec la Fondation Al Mawred Al Thaqafy, l’UNESCO et l’Université allemande de Hildesheim. Il accueille des étudiants marocains et du monde arabe (Egypte, Palestine, Jordanie...etc) sur une durée de quatre semestres.
La faculté polydisciplinaire de Ouarzazate (annexe de l’Université Ibn Zhor d’Agadir) propose une licence professionnelle en gestion de la production cinématographique et audiovisuelle sur six semestres pour une vingtaine d’étudiants. Lancée en 2006, cette filière compte plus de dix promotions à son actif. En 2010, lors de la sortie de sa deuxième promotion, sur les 22 étudiants 1825 ont pu obtenir leur diplôme; soit 81,8%.
Deux masters ont marqué le début de l’année universitaire 2019-2020 à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Kénitra. Le premier s’articule autour des « Métiers artistiques et médiatiques » et le second porte sur les « Métiers de théâtre et arts de spectacle ». Ces initiatives universitaires sont fortement encouragées pour garantir une panoplie de formations aux jeunes étudiants désirant intégrer le secteur des arts de la culture au Maroc.
24. Dix promotions formées entre 2005 et 2014 pour un nombre annuel de lauréats variant entre 20 et 25 étudiants 25. Ouarzazate/Faculté : Premières licences en cinéma. L’Economiste, édition N°: 3307, le 28/06/2010
Au niveau du cycle doctorale, les centres de recherches spécialisés dans les secteurs créatifs et culturels sont très peu présents dans les facultés. À ce titre, l’Université Cadi Ayyad de Marrakech lance une formation doctorale sur “la communication, l’entreprenariat et la culture du développement” pour la rentrée universitaire prochaine (2021-2022).
Institut National des Beaux-Arts, © Ministère de la Culture
• Etablissements privés :
Au niveau de l’enseignement supérieur privé, l’offre de formations qui préparent aux métiers de la culture est encore très faible.
L’école Com’sup créée en 1996 à Casablanca est spécialisée dans la formation supérieure de communication et de publicité. Considérée comme l’un des premiers établissements proposant une licence orientée vers les métiers de la communication, média et multimédia, ses lauréats peuvent intégrer des postes de responsables, de chargés de communication ou de relation presse. En deuxième cycle, les étudiants ont la possibilité de suivre un master de « Médiation et ingénierie culturelle »26. Les diplômés de cette l’école sont embauchés dans des radios ou journaux privés ou dans des agences d’évènementiel et de communication. N’étant toujours pas reconnu par l’Etat, leur diplôme ne leur permet pas d’intégrer la fonction publique, ni de combler le besoin en ressources humaines compétentes au sein des espaces et centres culturels publics.
26. Site électronique de l’école Com’Sup