Bat'Carré N°10

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CARRÉ numéro 10 // septembre-décembre 2013

culture MANGA RENCONTRE nicolas givran



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CARRÉ

BAT’

ÉVASION CULTURELLE ÉVASION BEAUX LIVRES & ÉVASION JEUNESSE AU CŒUR DE L’ÎLE PHILO À MAFATE, LES PÉPITES DE LA PENSÉE ESCAPADE COL OU SOMMET, QUELLE EST VOTRE PRÉFÉRENCE ? RENDEZ-VOUS AVEC RENÉ ROBERT LA BIOMASSE ET SON UTILISATION À LA RÉUNION SAVOIR-FAIRE LA RESTAURATION DE TABLEAUX, UNE QUÊTE DE SENS OCÉAN INDIEN LA COMMISSION DE L’OCÉAN INDIEN, UN NOUVEAU MONDE EN MARCHE RENCONTRE QU’EST-CE QUI FAIT RÊVER NICOLAS GIVRAN ? BATAYE KOK PATRICK, PATATE À DURAND VOYAGE-VOYAGE MONTRÉAL, PLEINS FEUX SUR LA CITÉ FRANCOPHONE ET COSMOPOLITE CULTURE ET MODE MANGA, UN ART DE VIVRE PLUTÔT QU’UNE MODE ÉPHÉMÈRE PAPILLES EN FÊTE TAPAS DE MAGRET DE CANARD ET SON TARTARE D’AVOCAT TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES ESCALES AU BOUT DU MONDE RENDEZ-VOUS BD DES BULLES AU CHOIX

Erratum Dans le précédent numéro, la photographie de Bataye Kok a été injustement attribuée à Hippolyte, or elle était de Nicolas Anglade. Toutes nos excuses à l’auteur.

Tous droits de reproduction même partielle des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

Couverture Photographie de Éric Lafargue Éditeur BAT’CARRÉ SARL trimestriel gratuit

Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 24 98 76

Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463

Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs Jean-Paul Tapie, Pierre-Henri Aho, Hippolyte, Patrice, Stéphanie Légeron, René Robert, Francine George.

Secrétaire de rédaction Aline Barre

Illustrateur Hippolyte

Développement web Anli Daroueche et New Lions Sarl

Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org

Création & exécution graphique Crayon noir

Publicité Francine George : 0262 28 01 86

Vifs remerciements à Benoît Vantaux, Freddy Lafable, Jean-Claude de l’Estrac, Pierre-Aho, l’office de tourisme de Montréal, Patricia Vergez, Olivier Barbaroux, Cécile Oliviéro, Didier Guidarelli, Nicolas Givran, Myriam Barcaville et Sophie Bègue pour leur précieuse collaboration à ce numéro.

Distribution TDL

Photographes Arnaud Späni, Sébastien Marchal, Hervé Douris, Serge Marizy, Christian Vaisse, Jean-Noël Enilorac, Éric Lafargue, Nicolas Anglade, Bruno Marie, Thierry Hoarau.

Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André DL No. 5565 - Novembre 2013


Écouter les frémissements « du monde qui vient », c’est aussi prendre conscience que le temps ne fait que passer. Alors, vite, regardons les merveilles qui nous entourent avant qu’elles ne nous échappent. Allons Bat’carré ! Le monde est à Mafate pour parler philo aux tout-petits, dans l’Indianocéanité qui s’active à fédérer les atouts de nos cinq îles. Le monde est japonais pour la jeunesse éprise de mangas, il prend les airs de Cité Lumière dans les rues de Montréal ou il souffle l’appel du large dans les TAAF… Hissez la voile, le temps est au voyage ! Nous vous offrons un complément web du magazine, et désormais, vous pouvez sur notre site responsive naviguer à loisir dans l’univers de Bat’carré avec plein de nouveautés, de photos et de vidéos pour faire vivre l’esprit de la balade à tout point de vue. Sur la page d’accueil, vous cliquez sur l’image et l’article s’affiche, les rubriques vous permettent de vous repérer et de vous distraire avec la découverte d’un roman, d’une rencontre, d’une musique, d’un paysage réunionnais ou d’un voyage à l’autre bout du monde. Dans l’univers de Bat’carré, vous retrouverez les magazines à feuilleter ou à télécharger, quelques images à regarder, des play-lists à écouter ou des vidéos à visionner, le temps d’une pause. Joyeuses fêtes de fin d’année et à l’année prochaine !

Francine George

Bonne balade sur

www.batcarre.com



ÉVASI O N B E AUX LIVR ES · 4

SÉLECTION FRANCINE GEORGE EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE GÉRARD

LA RÉUNION DES POÉSIES

Les photos de Luc Perrot parlent d’un monde enchanté. De page en page, La Réunion est mise en lumière par le prisme de l’astro-photographe, un filé d’étoiles sur la route du Maïdo, les flamboyants tels une estampe japonaise, les forêts perlées d’ombre et de lumière… L’art s’empare de la technique pour refléter des instants de pure poésie soulignés par les haïkus de Marie-Josée Barre. Un beau livre en cadeau. Réunion Éternelle Photographies de Luc Perrot et haïkus de Marie-Josée Barre ÉDITEUR Surya Éditions TITRE

AUTEURS

LE TEMPS DES ÎLES

Ce beau livre de l’océanographe Philippe Vallette, introduit par Isabelle Autissier, illustré par les photographies d’Alexis Rosenfeld et par les cartes de Jean-Pierre Magnier, est une véritable célébration des îles du monde entier. Laboratoires d’expériences à taille humaine, les îles, par leur espace limité, recèlent des trésors d’expérience en termes de développement, de biodiversité, de reconstruction, qui devraient apporter aux grands territoires matière à réflexion. Îles phares, îles sentinelles, îles dans la tourmente, îles dans le monde qui se réchauffe… tout est dit et expliqué en termes limpides par Christine Causse et par Philippe Vallette, directeur du Nausicaá. L’histoire, la géologie, l’océanographie, la sociologie, l’économie… se conjuguent pour témoigner du destin commun que nous avons à partager. La terre n’est-elle pas une île au milieu de l’espace ? Îles pionnières Philippe Vallette & Christine Causse ÉDITEUR Actes Sud - Nausicaa - Mare Nostrum TITRE

AUTEURS

LE JOLI CLAPOTIS DES SOUVENIRS

Dans ce superbe ouvrage documenté de plus de 200 images dont certaines inédites, Bernard Leveneur fait magistralement revivre Saint-Gilles-les-Bains de 1668 à 1976, date de la mise en quatre-voies de la route du littoral. Un beau voyage dans le temps qui emporte le lecteur dans la vie quotidienne de la station balnéaire et fait éclore les émotions cachées autour d’une case, d’une plage, des filaos, du murmure des vagues. Un livre de la transmission à offrir et à s’offrir pour garder intacte la mémoire des lieux. Les jours d’Avant – Saint-Gilles-les-Bains Bernard Leveneur ÉDITEUR Epsilon Éditions TITRE

AUTEUR


5 · ÉVASIO N J EUN E SS E

SÉLECTION FRANCINE GEORGE EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE L’ÉCHAPÉE BELLE

DE LA POÉSIE EN GÉOGRAPHIE

Rien de tel pour découvrir le monde et ses mille curiosités ! L’album du jeune couple polonais auteur-illustrateur est une pure merveille. Cartes du monde, cartes des continents et cartes d’une quarantaine de pays où l’essentiel est dessiné avec fantaisie et humour, faune, flore, monuments, costumes, traditions, spécialités culinaires, populations, personnages marquants, artistes célèbres… La France a droit à une frise de petits cœurs, l’Autriche un patient sur le divan de Sigmund Freud, le Mexique les peintures murales de Diego Rivera, le Brésil un tatou roulé en boule, le Japon son karaoké, la Mongolie ses touristes au pied de la statue de Gengis Khan… Chaque pays, en double page, est introduit classiquement par ses caractéristiques, capitale, langue, nombre d’habitants, superficie et, de manière originale, par un couple au prénom usuel… Benjamin et Lili en Nouvelle-Zélande, Abasi et Neema en Tanzanie, Li et Wei en Chine, Elena et Vladimir en Russie… Un très bel atlas à garder pour la vie et à feuilleter souvent en famille. Cartes - ILLUSTRATEURS Aleksandra Mizielinska et Daniel Mizielinski ÉDITEUR Rue du Monde TITRE

AUTEURS

L’AVENTURE EN FILIGRANE D’OR

Chaque page de ce bel album est magnifiquement illustrée de peintures à l’encre sur soie, aux encadrements dorés, et aux motifs perses, indiens ou chinois. Il met en scène le voyage mythique du grand explorateur, Marco Polo. Pour retracer son extraordinaire aventure, parcourant 50 000 km de Venise à Pékin, sur terre et en mer, l’auteur s’est inspiré de nombreuses versions et traductions du Livre des merveilles. Pour appuyer le récit, une splendide carte retrace son itinéraire aller et retour sur la route de la Soie et en Chine. Un livre à raconter inlassablement comme un conte des mille et une nuits. Les fabuleux voyages de Marco Polo - ILLUSTRATEUR Demi ÉDITEUR Circonflexe TITRE

AUTEUR

LE PASSAGER DU RÊVE

Joëlle Écormier, avec son dernier roman, entraîne les jeunes dans un voyage imaginaire au Pays des Rêves. Théodore, le héros, embarque dans la locomotive d’Aristophane, une vieille chouette protectrice, attendrie par son obstination et charmée par sa voix. Seul être Éveillé du conte, il part à la rencontre de l’inconnu où fourmillent des personnages, tous plus loufoques les uns que les autres. Chacun lui apporte un indice pour qu’il puisse retrouver l’image troublante de Celui qu’il a croisé fugitivement dans son unique rêve, une quête du Graal en somme, qui porte le nom d’Amour. Une histoire pleine de facéties, de tendresse, et un regard sur la vie qui n’est pas dénué de pertinence. Théodore, le passager du rêve, est aussi mis en scène par le théâtre des Alberts dans une création originale de marionnettes où le décor évolue tout au long du spectacle sous le pinceau de l’illustratrice Aurélia Moynot.

Joëlle Écormier Illustrations d’Aurélia Moynot

Le Passager d u rêve

Roman

Théodore, le passager du rêve Joëlle Écormier ILLUSTRATION Aurélia Moynot ÉDITEUR Océan Fiction Ados TITRE

AUTEUR


ÉVASI O N J E UN ESSE · 6

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI

Les contes de l’île Freddy Lafable, quel nom prédestiné ! Guide des cases créoles à Hell-Bourg transmet avec passion fables et contes populaires légués oralement de génération en génération. Il s’est aussi nourri au contact de gardiens de la mémoire tels que Sully Andoche ou Daniel Honoré. Freddy conduit son public au pays des légendes où la nature se transforme en théâtre de l’histoire. Les repères s’évanouissent et le spectateur devient acteur de ses émotions, comme s’il avait traversé le miroir magique. Le souffle coupé, une dizaine de personnes écoute le récit que Freddy a mis en scène au coeur de la terre, en compagnie du spéléologue Julien Dezé. Crac ! Une allumette éclaire de sa lueur tremblante le sombre boyau de lave… Ranklor apparaît et l’action se déroule fébrilement par étapes, un sac tombe, le bruit résonne dans un écho étrange conviant ainsi de nouveaux personnages, la tension monte, l’aventure se corse… Près de la sortie, le passage semble obstrué par un esprit malin, peut-être est-ce grand-mère Kalle ? La nature dresse des pièges redoutables à ceux qui ne savent pas la respecter ! Mais ici, la bonne conscience règne, alors la lumière du jour devient visible et le spectacle de la route des laves s’offre aux yeux éblouis des participants. Fin du voyage !



PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI

AU CŒU R DE L’ ÎLE · 8


Philo à Mafate les pépites de la pensée TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI ET FRANCINE GEORGE

InItIer les élèves d’école prImaIre à la phIlosophIe est une gageure, surtout à mafate où l’accessIbIlIté n’est pas des plus aIsées. c’est pourtant le parI d’olIvIer barbarroux, professeur à troIs-bassIns. les dIrectrIces des écoles sont ravIes de cette InItIatIve bénévole, car dans les îlets, relIés au monde par voIe d’hélIcoptère, les anImatIons sont rares et les fInancements tout autant. platon, spInoza, épIcure… et les autres, sont donc convoqués au mIlIeu du cIrque pour un décryptage après la projectIon d’un fIlm, support de la séance d’InItIatIon. maIs pourquoI faIre cette démarche ? tout sImplement, par l’envIe de transmettre : « se penser comme cItoyen faIsant partIe d’une socIété où Il Importe de défendre les valeurs de tolérance, d’ouverture à l’autre et d’acceptatIon de soI… »


AU CŒU R DE L’ ÎLE · 10

SE RENDRE À LA NOUVELLE Après avoir été chaviré par la multitude de virages,

De temps à autre, le ciel se dégage sur le cirque où

le début de la randonnée en pente raide jusqu’à

pointe un ruban de nuages. Le silence est absolu

la plateforme du Col des Bœufs ne force pas l’en-

dans la quiétude du matin. Une impression de

thousiasme du marcheur épisodique. Mais, lorsque

plénitude, en dehors de l’agitation frénétique du

le magnifique panorama sur Mafate s’expose dans

monde. Puis, tout près, une papangue prend son

la lumière bleutée du jour, le poids de ses efforts

envol et déploie ses ailes, fauves, sillonnées de

s’atténue quelque peu. L’îlet de Marla, baigné de

brun doré. Majestueuse ! Après cet arrêt-surprise,

soleil, se distingue au loin. Rêverie solitaire avant

il faut se remettre en marche, le sentier descend,

le démarrage des opérations. Soudain, un bruit

descend encore et toujours et les genoux com-

sourd déchire l’atmosphère, comme une attaque

mencent à grincer. Et dire que demain, il faudra

d’Apocalypse Now. Vite, il faut se mettre à l’abri au

remonter tout ça ! Enfin, le chant du coq, puis le

creux du sentier. L’hélicoptère effectue ses pre-

bruit d’une radio, annoncent une arrivée immi-

mières rotations. Un magistral coup de vent balaie

nente. À la montre, une troisième heure s’est

le sol en tourbillon. Puis, le calme revient. Pour se

écoulée !

rendre à destination, le chemin descend à flanc de piton pendant une bonne heure avant d’atteindre

L’ÉCOLE DU CIRQUE

la plaine. Belle récompense, l’endroit est féérique !

L’école de La Nouvelle est nichée au creux de l’îlet,

Les arbres aux branches déployées s’exposent comme

tout près de l’église en bardeaux. Les 150 habi-

un théâtre d’ombres et de fantômes errants.

tants sont dispersés aux alentours, où quelques

Savane, buissons, tamarins, la panoplie forestière

gîtes, le bâtiment de l’ONF et le hangar de l’hélico

joue les nuances de vert adoucies par les rayons

sont les seules sources de mouvement. Cécile

de lumière. Puis, la forêt s’intensifie, les rondins

Oliviéro, la directrice de l’école, est partie ce matin

de bois ne facilitent pas la progression de ce faux

inscrire deux élèves au collège Lacaussade,

plat aménagé. Quoique, lorsqu’il faut, à nouveau,

accompagnée des mamans. Grand moment de

grimper et redescendre le chemin caillouteux

solitude pour ces jeunes enfants au visage blême

encombré de racines, un mince regret surgit au

d’inquiétude. Hébergés dans des familles d’ac-

souvenir de ces quelques grandes enjambées...

cueil, au mieux avec des cousins, ils savent que

Une autre heure vient de passer.

leur vie va changer, ils ne rentreront pas souvent à la maison. Le Collège, pour eux, c’est la première grande coupure familiale. Les parents qui habitent les îlets ont rarement une voiture, et il n’y a quasiment pas de transport en commun pour les emmener du collège jusqu’au Col des Bœufs, en sachant qu’une fois là-haut, il faut encore quelques heures de marche avant d’arriver à la maison. Mais pour ça, ils ont l’habitude. Il en est ainsi pour la plupart des élèves du cirque, dix classes de cours primaire sur les huit îlets. Et de fait, très peu d’élèves Mafatais arrivent jusqu’aux portes du lycée.


Deux communes sont en charge des écoles de

Cécile monte des projets pour arrondir les angles.

Mafate, tout dépend de quel côté de la rivière on

Sa précédente kermesse a rapporté 700 €, de quoi

se trouve. Ainsi, la commune de La Possession

payer des livres et des effets scolaires. Pour son

s’occupe de La Nouvelle, et Marla, l’îlet tout proche,

denier projet, elle en a récolté le double avec des

est rattaché à la commune de Saint-Paul.

dons en complément. Une aubaine pour acheter

Les priorités semblent différentes et la qualité des

les fiches pédagogiques et le matériel nécessaire

équipements s’en ressent. À Aurère, par exemple,

aux cours d’histoire et de géographie. Une fierté

il n’a pas été prévu de logement pour l’institutrice

à son actif.

– professeur des écoles – alors elle loge à la

Il est vrai qu’enseigner dans les îlets est un vrai

« maison des maîtres » de l’îlet d’à côté soit une

sacerdoce.

bonne demi-heure de marche le matin, idem le soir. Sous la pluie, le vent ou le soleil, c’est pareil.

ÊTRE ÉLÈVE À LA NOUVELLE

Certes, c’est une question d’adaptation, les huit

Il n’y a pas d’eau potable à La Nouvelle, mais à la

cents Mafatais sont, eux, habitués à marcher des

cantine on mange très bien. Les enfants, dans

heures sur les sentiers abrupts et tortueux, comme

leur petit réfectoire, savourent une cuisine créole

Kalou et ses sacs de ciment sur le dos, le boulan-

faite pour eux, sur place. Par contre, les habitants

ger et son plateau de pains frais sur la tête ou le

cultivent de moins en moins leur jardin et il y a

célèbre facteur de Mafate.

peu de produits locaux. Il n’y a pas si longtemps encore, ils cultivaient à flanc de colline, des len-

Une journée de sortie, dira Cécile, c’est un départ

tilles et du géranium. Le premier commerce était

à 7h30 le matin, un retour vers 17h, avec quelques

une coopérative. Mais l’esprit communautaire a

heures de marche à la clé. Mais il y a toujours de

disparu, d’autant que personne n’a pu encore

belles surprises. Sur le chemin de Marla, par

remplacer le très charismatique André Bègue,

exemple, il y a des framboises, « un petit plaisir »

décédé au cours d’un vol, en mai 2010. Ce jeune

à déguster sur place et à emporter pour faire, plus

Mafatais avait créé la Compagnie Mafate Hélico

tard, un ou deux pots de confiture.

qui assurait le ravitaillement du cirque ainsi que l’évacuation des déchets. L’école de La Nouvelle

PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI

PHOTOGRAPHIE ARNAUD SPÄNI

porte désormais son nom.


AU CŒU R DE L’ ÎLE · 12

Les élèves, sous l’impulsion de « Maîtresse », ont préparé pour Bat’Carré un résumé de ce qu’ils font en dehors de l’école. Une attention particulièrement touchante, qui montre combien ils sont accueillants et heureux de vivre dans le cirque. après l’école, « je fais mes devoirs,

Les projets d’animations auprès des jeunes élèves

je me douche et je fais le travail de la maison » :

de Mafate constituent une ouverture exception-

aider papa ou maman, s’occuper du petit

nelle, au-delà de la qualité du spectacle et de

- frère, faire rentrer les animaux, les nourrir,

l’aspect festif. Les compagnies de marionnettes

- préparer le café pour le gîte…

invitées du festival TAM-TAM s’y rendent chaque

pendant les vacances, après l’indispensable

tendu. Récemment, le Conservatoire de Région

année et c’est devenu un rendez-vous très ataide aux parents, c’est-à-dire travailler

a organisé l’expédition d’un quatuor sous l’égide

aux champs, ramasser du bois, nourrir

d’un de ses professeurs de violoncelle, Niels

les animaux, nettoyer la maison, ou le gîte… la liberté est plus grande :

Hoyrup. Aujourd’hui, il s’agit d’un cours de philosophie à

construire des cabanes, jouer à cache-cache,

l’initiative d’Olivier Barbarroux. L’air pur et le

- au ballon, aux jeux vidéos, écouter de

calme du cirque se prêtent bien à cette fin

- la musique…fort, récupérer les charges

d’année scolaire. Il en profite pour sensibiliser les

- sous l’hélicoptère, griller du poulet

jeunes enfants à l’art de philosopher. C’est aussi

- en cachette pour goûter avec les copains…

une gageure, il faut pouvoir s’adapter au jeune

Très peu ont pour l’instant quitté le cirque,

public, à cette génération de l’image. C’est pour-

la majorité est allée dans « les bas » visiter

quoi Olivier base ses séances d’initiation sur un

la famille. Deux élèves, seulement,

film, en leur demandant de prendre du recul

sont sortis de l’île.

par rapport à l’histoire. Il a tenté une première expérience à Marla, l’année dernière. Cette année,

en ville, ce qu’ils imaginent y faire :

il récidive, à La Nouvelle et à Marla. Il emporte

on peut aller à la piscine ou à la plage,

avec lui quelques supports, des DVD, Le livre de la

- on peut jouer dans un stade ou dans

jungle 1, Le roi et l’oiseau 2, Kirikou 3. Une initiative

- un parc, on peut aller au cinéma ou au

personnelle, hors cadre académique, en toute

- restaurant, on peut faire les magasins,

simplicité, sans financement, motivée par son

- on peut faire du sport ou de l’art dans

approche de la philosophie : « La philo est une

- un club…

force qui doit se transmettre, la philo c’est avant tout l’amour de la sagesse… »

ce qui leur déplaît dans la ville : il y a des voleurs, beaucoup de bruit - de voitures, pas beaucoup de place - pour jouer, on ne peut pas écouter - la musique fort, on ne peut pas aller seul - chercher ses camarades pour jouer, - on ne peut pas faire de cabanes…

1

De Walt Disney d’après le roman de Rudyard Kipling 2

Scénarisé par Jacques Prévert d’après un conte d’Andersen 3

De Michel Ocelot


LE FILM DANS LA CLASSE

LA LEÇON DE PHILOSOPHIE

Le soleil du début d’après-midi est radieux, dehors.

Dehors, au chaud de l’après-midi, le cours va

Dans la classe, c’est le choc thermique ! Le froid de

commencer. Olivier explique comment ça va se

la nuit y est toujours installé. Pas de chauffage,

passer et présente les consignes : « La philosophie

bonnets de laine et polaires sont de rigueur !

c’est fait pour discuter, pour s’écouter, alors cha-

Les enfants, toujours dans les turbulences de la

cun parle à son tour. On ne va pas refaire le film,

récréation, s’assoient à leur pupitre. Présentation

mais se poser des questions. » Ils sont tous très

d’Olivier et de la séance qui va suivre. Tous les

attentifs, lèvent le doigt pour participer. Au début,

regards se fixent au tableau, un grand écran blanc

l’effet de groupe joue, les uns et les autres répètent,

le juxtapose, il n’y a pas de leçons écrites à la craie

en versions différentes, ce qui vient d’être dit. Il

aujourd’hui, mais un film va y être projeté ! Bras

faut beaucoup de patience, beaucoup de temps

croisés, un petit air interrogatif en attente de ce

avant que les esprits ne se libèrent. Mais, dou-

qui va se passer, suivi d’un regard en coin pour

cement, Olivier à force de « Et pourquoi ? » (de

voir où est assis « Maître » - Didier Guidarelli. Et

questionner) arrive à faire naître des idées nou-

le silence s’installe tandis que les premières

velles. Et pour une classe de si jeunes élèves, ça

images apparaissent. Une concentration absolue.

tient de l’exploit.

Ils sont restés 78 minutes, captivés, sans émettre

Premier tour de table sur ce qu’ils ont particuliè-

un son ; parfois quelques-uns gigotaient sur leur

rement aimé dans le film. Baloo décroche la palme

chaise lorsque Baloo chantait « Il en faut peu pour

« quand il danse ! ». Et pour les filles, c’est « l’amou-

être heureux ». Juste à la fin, un rire collectif ac-

reuse de Mowgli », alors qu’elle n’a qu’un tout petit

compagne Mowgli au moment où il fait grimacer

rôle à la fin mais « elle chante bien, elle est jolie,

son nez en apercevant une jolie jeune fille en

elle a de jolis rubans à ses cheveux… »

train de remplir sa cruche à la rivière…

En creusant plus en avant, une voix s’élève : « Au début, Mowgli ne veut pas aller dans le village, il veut rester avec ses amis dans la forêt, mais à la fin il est content d’aller dans le village, il a trouvé une jolie fille ! » Et quelqu’un d’autre d’ajouter : « Elle ramène Mowgli à la maison, dans le village, pour avoir une belle famille en humain. »


AU CŒU R DE L’ ÎLE · 14

Un petit florilège des échanges, après moult questionnements, laissant poindre les ressorts de la pensée de ces enfants dans leur inconscience du monde :

la recherche du bonheur ça veut dire quoi être content ? Quand est-ce que vous êtes contents ? Quand on a des cadeaux, quand on souffle des bougies, quand on a des amis… Quand on est dans la nature… à un moment du film,

La séance est levée, elle a duré plus de deux heures,

mowgli est triste, pourquoi ?

les enfants sont tout émoustillés. La plupart ont

Parce qu’il n’a pas de maman, pas de papa.

suivi avec une grande curiosité la panoplie des

Il croit qu’il n’a pas d’amis,

questions. Un grand sourire d’étonnement se lit

que personne ne le veut…

sur leur visage. Il s’est passé quelque chose, toute

à quoi ça sert les amis ?

la recherche des pépites de la pensée. Seule in-

l’après-midi, ils étaient les rois de cette séance à Les amis ça rend heureux, c’est pour s’amuser,

terruption, le passage de l’hélicoptère qui exerce

pour partager les secrets, pour construire

une véritable fascination sur les enfants, comme

des cabanes, pour jouer… On a besoin d’amis

sur les plus grands !

pour faire une soirée pyjama ! Contrairement aux idées reçues, les enfants, Qu’est-ce qui fait peur ?

dans leur inconscience du monde, ont des ressorts

Nous, on a peur d’aller à St-Denis ou à St-Paul

insoupçonnés, pour peu qu’on sache les solliciter.

parce qu’il y a des voitures. Mais Mowgli, lui,

Et c’était un grand plaisir de les voir réagir et

il a peur de rien parce qu’il est dans la nature !

percevoir l’essentiel dans toute leur candeur. C’est ce qu’explique Olivier en faisant référence

mowgli n’a vraiment peur de rien ?

à Spinoza et à son 3 e niveau de la pensée :

Si, il a eu peur du tigre !

« Comment un esprit plein de candeur peut percevoir des choses sans avoir le bagage intellec-

et est-ce qu’il a surmonté sa peur ? Oui, il a râlé la queue du tigre, il est courageux !

tuel pour les comprendre ? C’est le niveau de la connaissance la plus juste, celle de la vérité immédiate par l’intuition, seuil différent de la pensée

Quand est-ce que tu es courageux ? Quand je vais aux toilettes tout seul. la différence entre un homme et un animal ? L’animal marche à quatre pattes, l’animal ne parle pas. Il n’a pas de main. L’animal doit chasser pour gagner à manger.

rationnelle ou de celui de la participation liée aux sens. »



AU CŒU R DE L’ ÎLE · 16

RETOUR SUR IMAGES

LA PHILOSOPHIE, UN ART DE VIVRE

Olivier exténué, mais ravi, explique que dans Le

Les circonstances de la vie ont amené Olivier à

livre de la jungle on peut aisément trouver les

se tourner vers la philosophie. Ce n’était pas un

questions qui ont trait à quelques fondements

choix de départ, mais c’est devenu un choix de

philosophiques, la connaissance de soi, la com-

vie. « Penser sa vie, vivre sa pensée », en référence

préhension des autres, la conscience du Bien et

aux philosophes antiques tels que Sénèque ou

du Bon, l’Amour, le Bonheur, la Peur, le Courage,

Épicure, l’a aidé à surmonter des épreuves parti-

la Mort… Le personnage de Mowgli, petit homme

culièrement difficiles. Pour lui, la philosophie est

au pagne rouge parmi les animaux de la jungle,

un art de vivre. Le but ultime étant d’atteindre le

en concentre la plupart ou va à la rencontre de

Bonheur. Disciple des épicuriens antiques, il est

ces notions en s’identifiant aux animaux qu’il

aussi séduit par les contemporains tels que

croise sur son chemin. Dans l’ensemble de ses

Michel Onfray, Alexandre Jollien, le philosophe

aventures, on peut y lire des questions philoso-

de la joie ou l’humaniste athée André Comte-

phiques, comme un effet miroir. Baloo, l’ours

Sponville. En résumé, « La philosophie est moyen

hédoniste, rejoint l’approche épicurienne, avec sa

de mieux vivre avec soi et avec les autres. »

recherche du bonheur, en se satisfaisant du né-

La démocratisation de la philosophie, telle que

cessaire. Bagheerra, la panthère noire protectrice

Michel Onfray la pratique avec son Université

de Mowgli incarne l’usage de la raison, agir selon

Populaire de Caen, lui a donné envie de poursui-

la connaissance du Bien. Les singes, quant à eux,

vre le chemin en s’adaptant au jeune public réu-

et le roi Louie en particulier, n’acceptent pas ce

nionnais et à l’isolement des habitants du cirque

qu’ils sont, envieux, ils veulent le pouvoir et cher-

de Mafate. L’idée étant de sortir du dogme qui

chent à devenir des hommes en perçant le secret

enferme la philosophie dans un carcan élitiste.

du feu. C’est aussi une approche intéressante pour déceler les différences entre l’homme et

Dans sa volonté de transmettre l’art de la sagesse,

l’animal, selon les grands penseurs… À la fin, la

Olivier a également mené une expérience au

pensée de Nietzsche « Deviens ce que tu es »

collège de la Pointe des Châteaux à Saint-Leu.

est parfaitement illustrée par l’attitude de Mowgli

Cet âge difficile qui commence à entrer en rébel-

qui rejoint ses semblables en éprouvant un at-

lion avec le monde des adultes est pour lui un

trait pour la jeune fille à la rivière. « Ce qui

territoire de choix : « Face aux violences physiques

marque la fin du processus de découverte de son

et verbales, il faut donner une boussole et la

identité avec toute la richesse acquise au contact

philosophie peut être cette boussole. »

des autres animaux », conclut Olivier.



E SC A PA DE · 18

TEXTE JEAN-PAUL TAPIE PHOTOGRAPHIE DR

COL SOMMET OU

QUELLE EST VOTRE PRÉFÉRENCE

?

ce n’est pas l’enfant à peine né qui doit choisir un prénom. jean-claude ou brandon ? jessica ou marie-cécile ? puis sein maternel ou lait maternisé ? et ça continue ! les yeux de maman ou le menton de papa ? les gâteries de tata marcelle ou le gâtisme de tonton jules ? dolto ou montessori ? tintin ou astérix ? echapper à la famille et à l’enfance ne suffit pas ! collège ou lycée ? grec ou latin ? lettres anciennes ou maths modernes ? es ou s ? et à peine diplômé, c’est reparti : vanessa ou Katia ? jason ou Kevin ? on continue, on continue ! pour la lune de miel, venise ou bruges ? et pour le plat principal, viande ou poisson ? avec quel vin : bourgogne ou bordeaux ? et pour… on n’en finit pas. vivre c’est choisir. jusqu’au jour où l’on se retrouve face à l’alternative ultime : col ou sommet ? ce n’est pas une colle, vous êtes sommé de choisir !


En clair, préférez-vous atteindre un sommet ou

Moi, je vous le dis tout net, je suis col, quasiment

franchir un col ?

depuis toujours, et certainement à jamais. Bien

La question n’est pas anodine et la réponse est

sûr, il m’est arrivé de me retrouver au sommet,

tout, sauf sans importance. Elle en révèle bien

jamais très longtemps, et rarement en pleine

plus sur votre personnalité et votre idéal dans

forme. Mais il m’est arrivé aussi de faire marche

l’existence qu’une batterie de tests pour entrer

arrière avant même d’y parvenir. Sans véritable

dans une multinationale ou un questionnaire

regret. Et sans le moindre remords. Jamais je

pour participer à un jeu télévisé.

n’en ai éprouvé la joie que j’en espérais.


ES C A PADE · 2 0

Juste le soulagement qu’il ne soit plus besoin

Un exemple tiré d’une expérience récente : le mois

d’aller plus haut. Le sommet m’a toujours frustré.

dernier, quand j’ai fait le tour des Annapurnas,

Sauf celui du Mont Blanc, je ne sais pas pour-

je n’ai atteint le sommet d’aucun d’entre eux,

quoi. Peut-être parce qu’il n’y a pas plus haut en

mais j’ai franchi le Thorong La, un col à 5 416

France, alors voilà, ça c’est fait.

mètres d’altitude, niché entre deux sommets, sans lequel je n’aurais pu accomplir qu’un demi-

Il n’existe pas d’études sérieuses sur ce qui diffé-

tour. De l’autre côté du col, le monde semblait

rencie l’amateur de sommet du partisan du col.

avoir changé. Ce n’était plus la vallée encaissée

Mais si j’en juge d’après ma propre expérience

et sombre de la rivière Marsyangdi, c’était une tout

et de savantes observations, je crois pouvoir

autre vallée, celle de la Kali Gandaki, dont le vaste

affirmer ce qui suit.

lit, à peine inondé, semblait trancher la terre

L’amateur de sommet est un ambitieux doublé

brune et sèche. Plus de maigres pâturages, mais

d’un prétentieux. Il a un but et veut qu’on le sache,

des champs. Plus de frileux hameaux regroupés

surtout s’il l’atteint. Il veut ce qu’il y a de plus haut.

autour d’un chorten, mais de jolies aggloméra-

Il ne se contente pas du camp de base, ni des

tions sinuant au pied d’un gompa – monastère de

camps successifs. Il doit planter son drapeau là

bouddhisme tibétain. C’était toujours le même

où rien ne lui fera de l’ombre. Pour en donner

pays, mais ce n’était plus le même paysage. Le

l’assurance au monde entier, il se fera prendre

col, tel un magicien, ou plutôt tel un enchanteur,

en photo et la publiera sur son blog, sur Face-

avait transformé tout cela.

book, sur Twitter, à croire que l’on n’a pas inventé

Un col ne flatte pas notre ego, mais il enrichit

les réseaux sociaux pour autre chose.

notre moi profond. Il nous permet d’aller ailleurs,

Où se rencontrent les puissants de ce monde ?

de rencontrer autrui. Vous franchissez un col, et

Au sommet, jamais au col. Qu’un artiste nous

le monde change, vous découvrez une nouvelle

livre sa plus belle œuvre, et il est au sommet de

vallée, une nouvelle population, de nouvelles

son art. Un sportif décroche une médaille d’or ?

mœurs, de nouvelles croyances. Parfois même,

Normal, il était au sommet de sa forme.

grâce au col, vous découvrez la liberté. Un pas

Apparemment, rien d’important ne se déroule

avant le col, vous êtes un homme traqué ; un pas

au col qui mérite de faire la Une des journaux.

après, vous êtes un homme libre.

Normal, le col est passage quand le sommet est

Aucune raison d’en faire une photo, ni d’alerter

objectif. Le sommet ne sert à rien puisque, à peine

les médias.

atteint, on lui tourne le dos et l’on s’en éloigne.

Le sommet peut certes faire beaucoup pour la

Alors que le col, lui, est une étape. Il sous-entend

découverte de soi ; le col est indispensable à la

une suite, une continuité, mais qui peut aussi

découverte des autres.

être une rupture.

Col ou sommet, à vous de choisir selon votre personnalité. Mais que vous choisissiez le sommet ne doit pas vous faire oublier que pour venir au monde, vous êtes d’abord passé par un col. Demandez à votre mère, elle s’en souvient certainement.


2 1 · P U BL I-R E P ORTAG E BAT’ CA RRÉ

Le timbre Roland Garros 1913 à La Réunion Centenaire de la première traversée de la Méditerranée L’AVIATEUR RÉUNIONNAIS ROLAND GARROS A RÉUSSI LA PREMIÈRE TRAVERSÉE DE LA MÉDITERRANÉE À BORD DE SON MONOPLAN MORANE H. IL N’A PAS ENCORE 25 ANS. L’AVIATEUR ÉMÉRITE QUITTE DANS LA FRAÎCHEUR DU MATIN L’AÉROPORT DE FRÉJUS LE 23 SEPTEMBRE 1913 ET, 800 KM PLUS TARD, ATTERRIT AVEC SUCCÈS À BIZERTE, EN TUNISIE. LE VOL, GUIDÉ PAR UNE SIMPLE BOUSSOLE, A DURÉ 7 HEURES ET 53 MINUTES.

Pour la commémoration de cet exploit, La Poste émet un timbre d’une valeur faciale de 3,40 €. Le visuel a été réalisé par le dessinateur Romain Hugault, passionné d’aviation et auteur de la série, entre autres, le Pilote à l’Edelweiss. Tiré à 1,2 million d’exemplaires au total, ce nouveau timbre sera vendu en avant-première le 21 septembre 2013 de 9h à 17h à l’aéroport Roland Garros, à Paris et à Fréjus. À partir du 23 septembre, il sera disponible dans tous les bureaux de poste de La Réunion. Il est possible de se procurer cette vignette commémorative par correspondance à Phil@poste service clients et sur le site Internet www.laposte.fr/timbres


R END E Z-VO US AVE C R EN É RO BERT · 2 2

TEXTE RENÉ ROBERT PHOTOGRAPHIE THIERRY HOARAU

La Biomasse et son utilisation à La Réunion LA BIOMASSE EST L’ENSEMBLE DES MATIèrES FOUrNIES PAr LE DéVELOPPEMENT DES VéGéTAUx ET DES ANIMAUx ; EN GrOS DE TOUT CE QUI COrrESPOND à L’éTAT VIVANT (L’hOMME éTANT à PArT BIEN ENTENDU…). DANS UN MONDE Où LES MATIèrES PrEMIèrES FOSSILES (NON rENOUVELABLES), COMME LE PéTrOLE, LE GAz, LE ChArBON, DEVIENNENT rArES, ChACUN SE DEMANDE COMMENT rEMPLACEr CES SOUrCES D’éNErGIE QUI ONT PErMIS L’INCrOyABLE réVOLUTION INDUSTrIELLE DEPUIS ENVIrON TrOIS SIèCLES.

La biomasse végétale existe partout et se renouvelle grâce aux sols, à la pluie, au soleil. L’homme l’utilise depuis toujours soit sous forme de cueillette (bois de chauffe) soit en développant des cultures multiples (fruits, légumes, céréales, fleurs…). Cette présence est tellement importante que personne ne s’en soucie. Devant la pénurie annoncée des sources d’énergie, beaucoup de gens se sont intéressés à ces matières premières végétales qui souvent sont sources de contraintes (obligations de nettoyage, risques d’incendie, pestes végétales…). Et ils ont proposé de les utiliser comme moyens de production d’énergie. À La Réunion, l’utilisation de la biomasse remonte à quelques années. C’est ainsi qu’au lieu de jeter la bagasse dont on ne savait que faire, on s’en servait à Bois Rouge et au Gol, au moment de la coupe, pour produire de l’électricité.


D’où viendrait cette biomasse ? De plusieurs ori-

Cette économie nouvelle est créatrice d’emplois

gines : des déchets végétaux des particuliers et

et permet l’installation locale de moyens de pro-

des communes, de la récupération des arbres et

duction d’énergie. C’est une des solutions à l’in-

arbustes exotiques qui sont considérés comme

dépendance énergétique. Elle ne pourra pas tout

des « pestes végétales » (certains acacias des

régler, tout produire face aux besoins d’une po-

Hauts de l’ouest, les filaos des bas et des hauts, les

pulation qui augmente aussi vite, mais c’est une

jam-rosats, les arbustes épineux…), des chutes de

production de plus et un recentrage sur les capa-

coupes des arbres plantés par l’ONF (et par exem-

cités naturelles de l’île. Dans les années qui vien-

ple du cryptoméria), des arbres brisés par les ra-

nent, la biomasse devrait entrer dans la liste des

fales des cyclones et transportés vers la mer par

matières premières locales. Il appartient aux Réu-

les crues des torrents, etc.). Un bureau d’études

nionnais de la développer et à la fois de maîtriser

fait l’inventaire de ce potentiel en ce moment.

les consommations d’énergie. Un des nouveaux

Quels sont les espaces riches en biomasse ?

défis pour la prochaine génération.

Quelles sont les espèces les plus prometteuses ? Est-il possible de les récolter malgré les difficultés physiques des sites réunionnais (remparts, ravines, volcanisme actif…) et en l’absence d’un réseau de pistes nécessaires aux engins ? L’étude devrait le préciser.


La restauration de tableaux une longue Quête de sens

TEXTE FRANCINE GEORGE

-

PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

Patricia Vergez, responsable de la spécialité peinture à l’Institut National du Patrimoine, restauratrice de tableaux, passionnée et passionnante, nous dévoile avec une grande simplicité les arcanes de son métier. En l’écoutant, on comprend très vite qu’il ne s’agit ni d’une simple question de dextérité, ni d’un lifting au gré de quelques coups de pinceau. Fondée sur une profonde éthique, la restauration de tableaux est toujours au service de l’artiste dans l’esprit de son époque. Alors que nous n’apercevons qu’une image, Patricia Vergez nous explique comment le tableau est à la fois œuvre et matière. Tout le travail de recherche sur la matière, des pigments au cachet du fournisseur, permet de comprendre l’œuvre et de la restaurer après de longues recherches aussi minutieuses que celles des enquêteurs sur une scène de crime. Un métier rigoureux, d’une dimension considérable, qui se maîtrise à force d’expérience. Un métier basé sur la recherche pluridisciplinaire qui donne au milieu très conservateur des musées un élan de vitalité inattendu.


25 · SAVOIR-FAIRE

Vous êtes à La réunion pour combien de

se trouver ici. Elles peuvent observer les difficultés

temps ? Nous sommes là pour une quinzaine de

inhérentes au patrimoine sous un climat tropical,

jours dans le cadre d’un échange. Nous sommes

sa dégradation particulière. De plus, l’histoire du

venues, mes élèves et moi, à la demande de

musée est très intéressante, le bâtiment, la per-

Bernard Leveneur pour restaurer une douzaine

sonnalité du créateur… C’est donc un vrai échange

de tableaux. Nous apportons notre savoir-faire,

de chaque côté. Il n’y a pas assez d’activités pour

ce qui permet d’insuffler une certaine dynamique

en vivre si quelqu’un s’installe ici, à La Réunion,

au musée. Un musée, c’est quelque chose de vivant,

il est donc nécessaire de faire venir des profes-

c’est important de renouveler les accrochages.

sionnels pour restaurer les tableaux et sortir les

D’un autre côté, c’est pour nous un nouveau

collections des réserves. Pour nous, c’est aussi

territoire d’expérimentation.

l’occasion d’échanger, d’apprendre beaucoup de choses, de découvrir des collections de ces terri-

comment arriVe-t-on au métier de res-

toires français injustement oubliés.

tauratrice ? À la base, il faut comprendre comment s’est fait le tableau. C’est un métier qui

c’est un métier où L’on Voyage beau-

demande un éventail très large de compétences

coup ? Ça dépend, je suis enseignante indépen-

en histoire de l’art, physique, chimie organique,

dante, et dès que je vais quelque part, ça fait boule

biologie (il faut bien connaître les agents de dégra-

de neige sur mon CV. Il faut pouvoir s’adapter, ce

dation comme les insectes, par exemple…). Il faut

qui n’est pas toujours facile. L’Inde, la Chine, le

aussi des compétences manuelles et artistiques,

Brésil cherchent aussi à valoriser leur patrimoine.

et des pratiques selon sa spécialité, peinture,

Nous sommes en pleine mondialisation, avec une

sculpture, mobilier…

volonté plus ou moins importante de valoriser

Il faut ensuite être conscient que rien ne remplace

son patrimoine.

l'expérience. La formation n'est jamais achevée, on apprend en restaurant. D'où la nécessité d'être

en quoi consiste Le métier de restaura-

curieux, d'aller dans les musées, de regarder les

trice ? Le restaurateur acquiert de l’expérience

œuvres.On arrive à ce métier parce qu’on aime la

au fil du temps. Il faut comprendre une œuvre,

peinture, le dessin. C’est un métier proche de la

avoir sa sensibilité toujours en éveil. On passe par

création. Nous exerçons notre créativité dans le

la matière, le tableau est fait de matière quelle que

domaine de la recherche pour adapter les traite-

soit l’œuvre. L’artiste qui a travaillé la matière, il

ments, trouver le meilleur traitement en respec-

faut en comprendre ses spécificités. On a trop

tant l’œuvre.

tendance à voir une image. Nous, quand nous

et La formation initiaLe ? La formation

et la matière. On est sensible à la matérialité de

s’effectue à l'Institut National du Patrimoine,

l’œuvre. La matière est porteuse d’une époque, de

établissement d'enseignement supérieur du

techniques particulières. On va, par exemple, re-

regardons un tableau, nous voyons tout, l’œuvre

ministère de la Culture et de la Communication.

connaître une époque en fonction de la couleur.

Le recrutement se fait par concours. À la fin du

Lorsqu’il y a des parties manquantes à recons-

cursus, le diplôme de restaurateur du patrimoine

truire, le message porté par cet objet ne doit pas être

permet d’intervenir sur les collections des musées

perturbé. On est là pour que le message persiste,

de France.

pour réparer l’image, pour qu’elle puisse parler

La formation des élèves restaurateurs se déroule

des manques, on n’est pas l’initiateur, on cherche

sur cinq ans. En même temps que les cours théo-

à comprendre comment l’artiste a travaillé. Quand

riques, les élèves effectuent des stages et des

l’œuvre est très abîmée on ne cherche pas à rem-

chantiers-écoles de restauration. C’est ainsi que

placer l’artiste, on imagine ce que l’artiste a voulu

je suis venue accompagnée de mes stagiaires.

faire, et on fait une proposition la plus proche

Pour elles, c’est une expérience exceptionnelle de

possible, mais légèrement visible néanmoins


SAVOIR -FA IR E · 26

pour que l’on puisse distinguer l’original de la

L’expérience pratique, les connaissances li-

restauration. On se sert de l’informatique et des

vresques, les connaissances chimiques aident à

nouvelles techniques par imageries scientifiques,

décrypter tout ça.

les rayons X, les infrarouges, qui permettent de

Des indices, par exemple si la toile est de qualité

voir d’autres aspects de l’œuvre, pour mettre en

médiocre, on peut supposer qu’il s’agit des pre-

valeur le dessin sous l’œuvre. Ce qui permet de lire

mières années du peintre… le tampon d’encre du

le tableau en comprenant les parties disparues.

fournisseur est aussi un indice important. Les

C’est ce qui s’est passé notamment pour la res-

grands fournisseurs se sont développés à Paris

tauration des Primitifs Italiens. Récemment, une

au moment de la révolution industrielle. Pascal

étudiante a fait des recherches sur le Térahertz,

Labreuche, auteur de « Paris, capitale de la toile à

une technologie militaire, pour voir d’autres choses

peindre », sur le site internet qu’il a monté, a réper-

dans la caractérisation des matériaux.

torié toutes ces maisons et les ateliers des artistes. On a découvert, par exemple, que Delacroix habite

et Vous faites des découVertes ? On a

à telle adresse en 1863, à proximité de l’adresse du

toujours des choses qui sortent du chapeau,

fournisseur dont le tampon figure sur le châssis

redécouvrir une signature sur un tableau ano-

d’un tableau. On a pu ainsi attribuer une petite

nyme, c’est exaltant, ça participe à la redécou-

œuvre à Delacroix grâce à l’inscription du four-

verte de l’auteur. Il y a aussi des découvertes

nisseur sur le châssis, ce qui a confirmé les

exceptionnelles, comme la mémoire de Drancy.

recherches antérieures.

En 2009, les ouvriers qui changeaient les huisseries sont tombés sur des graffitis datant des années

La recherche pour restaurer un ta-

1941 à 1944. Il s’agissait des premières HLM

bLeau touche tous Les domaines… Oui,

construites en carreaux de plâtre qui servaient de

l’histoire de l’art est très importante, la science in-

contre-cloisons. L’immeuble n’était pas terminé

tervient beaucoup aussi, nous avons des échanges

à l’époque, c’étaient de grands plateaux qui ser-

fréquents avec les chimistes. On leur donne des

vaient de salles d’internement avant le départ

échantillons à analyser lorsqu’on a des doutes

pour les camps d’extermination. Les gens ont

pour identifier les pigments. L’histoire sur les

laissé des traces, gravées à la main ou écrites au

pigments raconte plein de choses culturelles,

crayon, leur nom, les dates d’arrivée, de départ,

sociales, politiques, économiques…

des poèmes... Il y a eu tout un travail d’évaluation

Venise à l’époque était la ville la plus dynamique,

sur ce qu’il y avait dessous les replâtrages, 200 m2

une grande spécialiste du verre. Une partie des

de murs ont été démontés, analysés et restaurés.

déchets produits par la verrerie était pilée et servait de pigment à épaissir.

comment se passe Le traVaiL de re-

La finesse des analyses aujourd’hui permet de

cherche ? C’est un peu comme un crimino-

savoir que ce bleu vient de tel gisement. Le bleu

logue, la matière laisse des traces. On recherche

lapis-lazurite provenant des gisements en Af-

à quoi a été soumis le tableau, le stress généré par

ghanistan ramène au commerce du XVIe siècle

le climat… On a moyen de reconnaître, comme

où il était transporté dans les caravanes sur la

sur une scène de crime, les traces sur l’objet, les

route de la soie...

origines historiques, sa fabrication, son parcours, ce qui lui est arrivé, l’origine géographique, ce

qu’est-ce que Vous diriez à un jeune

qu’il a subi à travers son histoire, le matériel nous

qui Veut faire ce métier ? Il faut être très

aide à comprendre et ça permet d’adapter notre

curieux. C’est un métier passionnant. Il faut être

traitement.

aussi très rigoureux et ne pas chercher à aller trop vite. On traite une œuvre, mais on cherche aussi à sentir ce qui a animé la modernité d’une époque. L’artiste est là pour nous réveiller !


L'Atelier Oblique est spécialisé dans le graphisme culturel et institutionnel, dans les domaines de l’édition, de l’identité visuelle, de la scénographie, ou des médias numériques. contact@oblique.re


O C É AN IN DIE N · 28

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE HERVÉ DOURIS, SERGE MARIZY, CHRISTIAN VAISSE, FLORENCE WALLEMACQ

La Commission de l’Océan Indien un nouveau monde en marche


PORTRAITS

©

SERGE MARISY

La coi – commission de L’océan indien – a été créée du temps de La guerre froide pour protéger La zone sud-ouest des îLes de L’océan indien, madagascar, Les comores, Les seycheLLes, maurice, La réunion. ni g8, ni onu, La coi est un concept inédit d’organisation intergouVernementaLe qui Vise à fédérer cette région où chaque îLe possède richesses, expériences, saVoir-faire à partager, dans Le but de préserVer Le bien-être des popuLations, et de faire face aux défis écoLogiques de demain, mais aussi d’exister en pôLe d’exceLLence sur La scène internationaLe. son nouVeau secrétaire généraL, L’humaniste mauricien jean-cLaude de L’estrac, en fait son cheVaL de bataiLLe pour Les quatre ans à Venir : « L’INDIANOCÉANIE EN TANT QU’ENTITÉ GÉOGRAPHIQUE, CULTURELLE, ÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE, EST À LA FOIS LE SOCLE ET LE TREMPLIN DE NOTRE DEVENIR. »


OC É AN I NDI E N · 3 0

la coI dans les marches de l’hIstoIre

L’aventure commence en 1982 à Port-Louis, se

Face aux enjeux liés à la mondialisation des

concrétise en 1984 par l’accord de Victoria aux

échanges, aux nouveaux défis climatiques, ali-

Seychelles et se finalise en 1986 avec l’adhésion de

mentaires, énergétiques, environnementaux, il

la France/Réunion et des Comores. Ainsi, les cinq

devient nécessaire de fédérer l’intelligence col-

îles de l’Océan Indien – Maurice, Les Seychelles,

lective, de mutualiser les ressources, et de dyna-

l’Union des Comores, Madagascar, La Réunion –

miser la coopération de proximité. D’autant que

unissent leurs forces au sein de la COI – Com-

d’autres organisations de coopération régionales

mission de l’Océan Indien – pour développer

telles que la SADC 1 et la COMESA 2 s’activent, elles

une coopération régionale solidaire et fructueuse.

aussi, sur la scène internationale. « L’heure n’est plus

Jean-Claude de l’Estrac, père fondateur et actuel

particuliers qui seront bientôt engloutis dans

Secrétaire Général de la COI, revient sur l’origine

la marche inéluctable vers la mondialisation »,

politique de cet accord dans le contexte de la

stipule Jean-Claude de l’Estrac.

aux antagonismes ni à la défense des intérêts

guerre froide au moment où l’Union Soviétique essaye de développer son influence dans les an-

Plateforme de défense des intérêts insulaires, les

ciennes colonies occidentales : « Cette partie de

domaines d’intervention de la COI couvrent la

l’Océan Indien voulait se positionner en zone de

diplomatie en tout premier lieu et la recherche

paix et refusait d’entrer dans le jeu Est - Ouest. Il

d’une stabilité politique, l’économie, le commerce

s’agissait, dans un premier temps, de nous pro-

et les infrastructures, la pêche et l’agriculture,

téger en sortant de la politique des blocs sans avoir

l’environnement, la protection des ressources

à suivre le mouvement des Non-Alignés. Le gou-

naturelles et la prévention des risques, la culture,

vernement des différentes îles menait alors une

la sécurité, l’éducation et la santé.

politique de gauche progressiste. » Puis, naturellement, au réflexe de survie politique

le maIllage des solIdarItés en plusIeurs étapes

s’ajoute celui de la survie économique : « Aucune

En 1989, le colloque de Mahé institue un secré-

de ces îles ne peut rester un îlot de prospérité

taire général chargé de développer les échanges

dans une mer de sous-développement. Il faut

économiques et décide que le siège de la COI sera

exister en tant que région », souligne encore

basé à Maurice. Les années 1990 sont consacrées

Jean-Claude de l’Estrac : « Le constat est évident,

à la préservation de l’environnement et la gestion

nous sommes des petites îles isolées et, indivi-

durable des ressources marines et côtières. À partir

duellement, nous ne pesons d’aucun poids sur la

des années 2000, la défense des intérêts insu-

scène internationale, mais regroupées autour de

laires conduit à s’appuyer sur des soutiens tech-

la COI, avec ses vingt-cinq millions d’habitants,

nologiques et financiers internationaux.

six cent mille kilomètres carrés, cinq millions de km2 de Zone Économique Exclusive (ZEE) et les

En 2005, de nouvelles orientations posent les

richesses qui y sont enfouies, nous avons là

bases d’un cadre d’intervention dans la coopéra-

matière à exister en tant qu’entité régionale. »

tion politique, économique, le développement

D’où cette volonté de réunir ces cinq îles en un

durable et le renforcement de l’identité culturelle.

espace solidaire qui a une communauté de

En 2008, la vocation économique de la COI est

destins à partager.

renforcée dans le but de servir de levier à ses États membres. En juin 2012, au sommet de la Terre - RIO +20 -

1

la COI a fait entendre sa voix et posé les jalons de

SADC – Communauté de Développement de l’Afrique Australe – créée en 1992

coopération interrégionale sur le changement

2

climatique, avec les Caraïbes notamment.

COMESA – Marché Commun de l’Afrique Australe et Orientale créé en 1998


Au demeurant, la COI compte à son actif une

Autre fer de lance du développement durable et

cinquantaine de projets aussi variés que des

du bien-être des populations, la sécurité alimen-

programmes de prévention contre la pollution

taire : « Chacune de nos îles peut apporter une

marine, d’adaptation aux changements clima-

valeur ajoutée aux autres. Notre région importe

tiques, de prévention des risques, de programme

chaque année près de 2 millions de tonnes de

régional des pêches, d’unités anti-pirateries, de

produits alimentaires, en provenance de pays

sécurité maritime, de gestion durable des zones

parfois très lointains : le riz de Thaïlande, le maïs

côtières, de prévention sanitaire, d’inventaire des

séché d’Argentine, le poulet du Brésil…

plantes aromatiques et médicinales, de coopération en matière de sécurité civile, de développe-

Avec 90 % des terres arables de la région, Mada-

ment touristique, de manifestations culturelles,

gascar peut devenir le grenier des îles de l'océan

d’observatoire des droits de l’enfant …

Indien et le pilier du projet de sécurité alimentaire que nous voulons lancer cette année. Le problème

un nouveau modèle de socIété

est réel, l’ONU évoque l’imminence d’une nou-

Le 28e Conseil de la COI, qui s’est tenu le 17 janvier

velle crise alimentaire mondiale. »

dernier à Mahé, a acté la passation de présidence, entre Jean-Paul Adam, chef de la diplomatie sey-

Pour ce faire, l’amélioration des connexions

chelloise et Mohamed Bakri, chef de la diplomatie

maritimes, aériennes et numériques est indis-

comorienne. Le Conseil a donné carte blanche

pensable. Un projet de création d’une compagnie

au nouveau secrétaire général Jean-Claude de

maritime régionale est en cours. De la même

L’Estrac, qui a présenté ses chantiers prioritaires

façon, une conférence régionale sur les trans-

pour les quatre années à venir, avec, à la clé, un

ports aériens va avoir lieu. « Les petites compa-

budget conséquent de plus de 100 millions

gnies nationales n’ont pas les moyens de leurs

d’euros mis à disposition.

ambitions. Elles sont toutes déficitaires. Elles

Une nouvelle étape est franchie, il n’est plus

abandonnent les routes les moins rentables et c’est

question de défensive, mais d’offensive, en pro-

autant de marchés touristiques qui se réduisent.

pulsant cette entité indianocéanique en zone

Le bon sens voudrait qu’elles fusionnent pour

d’excellence tant sur le plan humain, que sur le

devenir AIR OCÉAN INDIEN. »

plan du développement et de la protection de l’environnement. La consolidation de l’Indiano-

une double chance à saIsIr

céanie n’est pas une utopie, elle est basée sur des

Pour Jean-Claude de l’Estrac, l’Indianocéanie est

projets concrets pour « une meilleure coopération

doublement chanceuse : « Chanceuse de par

économique et commerciale, avec les installations

l’histoire de ses peuples d’horizons divers, dont la

de base, les routes maritimes, la technologie de

rencontre dans ce bassin îlien irrigue de leur sang

communication adaptée, et surtout la stabilité

nos généalogies imbriquées. Ce socle commun

politique ».

fait de l’Indianocéanie une région résolument

Basé sur une coopération régionale renforcée, le

moderne parce que métisse. L’Indianocéanie est

premier domaine d’intervention qui revient à

aussi chanceuse parce qu’elle est au cœur du

Jean-Claude de l’Estrac en personne est la

monde de demain, entre les pôles de croissance

garantie d’une stabilité politique sans laquelle

que sont l’Asie et l’Afrique, sur une route des

aucune stratégie de développement n’est possi-

échanges qui s’intensifient. C’est une plateforme

ble. Très soucieux d’aider Madagascar à la sortie

naturelle qui peut se différencier dans un monde

de crise, la COI intervient dans le processus de

en compétition. L’Indianocéanie est le tremplin

soutien et de facilitation pour accompagner la

de nos économies. »

mise en place des élections présidentielles.


OC É AN I NDI E N · 3 2

LES COMORES

© CHRISTIAN

MADAGASCAR

©

SERGE MARISY

VAISSE


Les Seychelles

Les Comores Afrique

Madagascar Maurice

La Réunion

MAURICE

©

SERGE MARISY

LA RÉUNION

© HERVÉ

LES SEYCHELLES

©

SERGE MARISY

DOURIS


OC É AN I NDI E N · 3 4

la mIse en place d’un nouveau monde en marche

Les autres projets d’envergure sont centrés sur les

Le Premier colloque sur le concept de l’Indiano-

ressources de l’environnement et l’espace mari-

céanie a été organisé du 6 au 7 juin à Mahébourg

time qui représente cent fois la superficie des

pour « donner corps à l’Indianocéanité, faire

terres émergées. Les programmes sur la pêche

savoir ce qui précisément nous unit, et définir la

vont trouver leur prolongement avec la mise en

plus-value qu’elle donne pour peser sur les affaires

place de programmes de valorisation et de com-

du vaste monde. »

mercialisation. La protection de l’environnement

La vitalité de l’Indianocéanie et le vivier de savoir-

est conçue comme « un levier de croissance » et

faire ont été les maîtres-mots de ces débats où

non comme une contrainte. Dans cet esprit, des

une quarantaine de chercheurs, experts, institu-

programmes importants viennent d’être signés

tionnels et journalistes découvraient des expé-

dont celui financé par L'Union Européenne à

riences inédites menées par les confrères d’une

hauteur de 15 millions d'euros afin de promouvoir

autre île. En attendant les actes du colloque, fin

les énergies renouvelables et l'efficacité énergé-

décembre, deux projets ont immédiatement vu

tique dans les pays de la COI. Un autre projet de

le jour, proposés par Jean-Michel Jauze, doyen

surveillance satellite vient d’être mis en place pour

de la faculté de Lettres et des Sciences Humaines

apporter des informations sur les cycles de l’eau,

de La Réunion et par Yvan Combeau, directeur

la détérioration des sols, la pollution marine, l’éro-

du Centre de Recherche sur les sociétés de l’Océan

sion des zones côtières…

Indien. Le but étant de dresser un état des lieux géopolitique, culturel, économique de la région

Jean-Claude de l’Estrac souligne que la COI s’ap-

Indianocéanie pour créer une base de données et

puie sur un réseau d’universitaires et de scienti-

produire des publications destinées à mieux connaî-

fiques de 385 personnes et son objectif est de

tre et à s’approprier cet espace interculturel.

créer « un espace de recherche Océan Indien » pour renforcer leurs contributions au développe-

La région indianocéanique ne peut se construire

ment durable de la zone face aux défis clima-

qu’avec Madagascar, c’est pourquoi depuis quatre

tiques, à la raréfaction des matières premières, à

ans la COI a fortement œuvré avec la communauté

la gestion des catastrophes naturelles…

internationale pour mettre fin à la crise politique

Pour finir, la nécessaire appropriation et le rap-

qui tétanise le pays. Ainsi, les médiations inter-

prochement des habitants de cet espace India-

nationales mandatées par l’Union Africaine et le

nocéanique passent par une forte prise de

travail mené en parallèle par les présidents

conscience de son histoire, de son patrimoine :

successifs de la COI et par son Secrétaire général

« Mais ces richesses sont souvent peu connues

aboutissent le 17 septembre 2011 à la signature

alors qu’elles sont le ciment de notre identité.

d’un accord pour l’organisation des élections

C’est la raison pour laquelle nous avons élaboré

présidentielles dont le premier tour a eu lieu 25

une stratégie régionale en partenariat avec

octobre 2013. La COI a salué le « comportement

L’UNESCO et nous devons passer rapidement à

exemplaire » des électeurs malgaches qui ont

un programme d'actions culturelles. Un autre

exercé leur droit civique dans le calme et a rendu

projet me tient à cœur, c’est la création d’une

hommage à la Commission électorale nationale

chaîne de télévision régionale. Elle contribuera à

indépendante de la Transition (CENIT) pour le

faire vivre l’Indianocéanie, en affirmant sa singu-

rôle bénéfique qu'elle a joué lors de ce processus

larité et lui donnant plus de visibilité sur le plan

électoral.

international.»


PORTRAITS

© SERGE

MARISY


OC É AN I NDI E N · 3 6

Pour plus d’informations sur les actions de la COI, connectez-vous sur

www. ioconline.org/fr/

Les 23-24 octobre, la COI a organisé une confé-

océaniques, énergies renouvelables et tourisme

rence sur la connectivité numérique dans l’India-

ont été ainsi au coeur des discussions. Lors de

nocéanie avec les opérateurs privés du secteur

ce forum, Jean-Claude de l'Estrac a appelé les

TIC - Technologie de l’information et de la Com-

quelques 250 participants à relever les défis de

munication - les institutions publiques et les spé-

l'Indianocéanie en « transformant les disparités

cialistes pour définir l’ossature d’une stratégie de

économiques des îles en levier de développe-

développement des TIC, vecteur indéniable de

ment ». Il a mis en avant que malgré la crise,

croissance reconnu des experts. En effet, selon la

l'Indianocéanie doit être « mieux intégrée et

Banque mondiale, une augmentation de 10%

plus compétitive », notamment avec une meil-

des connexions Internet haut débit génère 1,4 %

leure « connectivité » entre toutes les îles au

de croissance supplémentaire dans les pays en

niveau « maritime, aérien et numérique ».

développement. Quelques exemples, parmi tant d’autres, monLe 9 Forum économique des îles de l'Océan

trant que le Secrétaire Général de la COI multiplie

Indien a eu lieu du 21 au 23 octobre 2013 à

les interventions et crée les conditions pour

e

Pointe-aux-Piments sous l'égide de la Chambre

que l’Indianocéanie devienne un espace écono-

de commerce et d'industrie de Maurice en parte-

mique et culturel viable face à la marche du

nariat avec la COI. Transport, TIC, industries

monde.

jean-claude de l’estrac, le vIsIonnaIre pragmatIque Le nouveau Secrétaire Général, élu en juillet 2012, oeuvre depuis trente ans à la construction et au développement de la COI. Homme politique d’envergure, il a été à la fois leader de l’opposition et membre du gouvernement mauricien, et c’est en tant que ministre des Affaires Étrangères qu’il en a initié les premiers pas. Homme de lettres, auteur d’une trilogie remarquée sur l’histoire politique de Maurice 3, il a également dirigé le puissant groupe de presse mauricien « la Sentinelle », dont il est resté Président du Conseil d’Administration jusqu’en décembre 2012. Talentueusement charismatique, il entraîne dans son sillage ceux J-C DE L’ESTRAC

©

FLORENCE WALLEMACQ

qui veulent, au sein de la COI, construire un nouveau monde. Certes visionnaire et humaniste, Jean-Claude de l’Estrac est avant tout un homme d’action, pragmatique, qui ne supporte pas l’amateurisme. Autant dire qu’avec lui, pendant quatre ans, la COI va tourner à plein régime !

3

Mauriciens enfants de mille combats, premier volet paru en 2004 Mauriciens enfants de mille races, second volet paru en 2005 Passions politiques Maurice 1968-1982, troisième volet paru en 2009



R ENCO N TR E · 38

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

Qu’est-ce qui fait rêver Nicolas Givran ? TRÈS CALME EN APPARENCE, NICOLAS GIVRAN

TRÈS EXIGEANT, NICOLAS GIVRAN NE CHOISIT

N’EST PAS UNE ÂME TRANQUILLE, ON SENT

PAS LA FACILITÉ, PREND DES RISQUES, SORT

LE BOUILLONNEMENT INTÉRIEUR ÉMERGER À

DE SON CADRE, DANSE OU ÉVOLUE DANS DES

CHAQUE COIN DE PHRASE. CET ACTEUR DE

RÔLES SURPRENANTS, SE MESURE AUX ACTEURS

TALENT, IMPASSIBLE ESPIÈGLE, AIME RESTER

DU 7E ART. SON LIEU D’EXPRESSION N’EN RESTE

DANS L’OMBRE. CE N’EST PAS UN TRIBUN, ET

PAS MOINS LE THÉÂTRE, SA LANGUE ARTISTIQUE,

POURTANT, IL JOUE AVEC JUSTESSE ET PRO-

LE CRÉOLE. AVANT DE RETROUVER L’URGENCE

FONDEUR UN MÉSYÉ DIJOUX QUI EXPLORE LES

DE DIRE, IL S’OCTROIE UN TEMPS DE LATENCE,

COULISSES DE SCÈNES ÉLECTORALES DANS

SE RÉGÉNÈRE À LA LECTURE DE GRANDS CLAS-

LES ANNÉES 60.

SIQUES TOUT EN TRANSMETTANT SON AMOUR DES MOTS ET DE LA SCÈNE AUX JEUNES ÉLÈVES DU CONSERVATOIRE.



R EN CO NT RE · 4 0

OÙ EN ÊTES-VOUS ACTUELLEMENT ? Cela fait quinze ans de pratique et j’ai besoin d’une pause, j’ai besoin de retrouver cette urgence de dire. C’est un luxe qui a un prix, bien évidemment. À force de dire non, je prends des risques ! Louis Jouvet disait dans le livre Écoute mon ami : « Ton premier dégoût sera souverain, salutaire, c’est un moyen. » Ces derniers temps, j’ai pu ressentir une forme d’écœurement de mon métier. Et j’espère qu’il y aura cet aspect salutaire dont Jouvet parle, mais c’est un peu tôt pour le dire. À partir de ce constat que la nécessité n’est plus à sa juste place, je serais

je suis amoureux des mots

malhonnête si je continuais à monter au plateau, c’est pour ça que je préfère faire une pause, malgré les belles propositions qu’on a pu me faire. Et depuis que j’ai pris cette décision, paradoxalement, je fais beaucoup de rencontres. Avec Carlo de Sacco, leader du groupe Grèn Semé, on a écrit un concert théâtralisé ensemble, qui va se jouer au Théâtre de Champ Fleuri en octobre. J’ai rencontré Soraya Thomas et je me suis mis à danser dans Écoutes, une pièce chorégraphique. Avec des copains artistes, j’ai joué un peu de musique, retrouvé l’envie première, le stade de l’envie. C’EST UNE PAUSE PLEINE D’OPPORTUNITÉS… Oui, je réfléchis à différents projets en prenant le temps de faire des choix. En attendant, je me suis investi dans l’éducation artistique, j’encadre des stages au conservatoire. Je suis un très mauvais communiquant, je ne suis pas dans des stratégies et je n’aime pas faire de concessions, les concessions c’est pour les cimetières disait Desproges. VOUS LISEZ QUOI ? À l’origine, je n’étais pas un grand lecteur, je suis venu à la lecture par le théâtre. C’est Benjamin Constant qui m’a donné au départ l’envie de lire. Je me suis identifié au personnage d’Adolphe et ça m’a beaucoup interpellé. Et puis, dans Madame Bovary, l’ironie de Flaubert sur la démagogie et le populisme politicien dans le chapitre sur les comices agricoles m’a beaucoup amusé. Ensuite, j’ai lu les grands classiques de la littérature, Céline, Camus. Je suis amoureux des mots.


ET POUR LE THÉÂTRE…

VOTRE PREMIER LONG MÉTRAGE AVEC LE TV

C’est pareil. N’ayant pas de formation de type

FILM UN AUTRE MONDE…

conservatoire ou autre, je suis allé fouiller les

J’ai très peu d’expériences de caméra, on donne

grands textes de référence sur la pratique de

souvent des miettes aux acteurs réunionnais.

comédien, Être acteur, de Michael Chekhov, par

Là, je suis tombé sur quelqu’un qui m’a fait

exemple. C’est ma boîte à outils. C’est ce qui me

confiance, le réalisateur et scénariste Gabriel

permet d’explorer mon potentiel, si tant est que…

Aghion. Nous avons construit ensemble cer-

Si on n’a pas d’outils, on atteint vite des limites.

taines scènes, c’était une super expérience.

Avec ce que j’ai pu explorer au travers de ces ouvrages et de mon expérience du plateau, je fais

VOUS TENEZ UN DES RÔLES PRINCIPAUX,

de la transmission, je partage avec les élèves du

ÇA S’EST PASSÉ COMMENT ?

Conservatoire ce qui me semble être les bonnes

Au départ, c’était un concours de circonstances.

questions à se poser sur le jeu.

Je me suis présenté au casting sans savoir de quoi

CE QUI VOUS FAIT VIBRER…

Je ne connaissais personne. Celle qui s’occupait

il s’agissait, qui étaient les comédiens principaux... L’identification, c’est quelque chose à trouver,

des auditions s’est trompée de fiche, j’ai fait deux

l’artiste arrive à vous toucher, c’est comme s’il

ou trois essais. Mais il n’y avait pas de rôle pour

parlait de vous. C’est bouleversant, il réussit à

moi. Puis, l’acteur parisien n’était plus disponible

synthétiser quelque chose que vous ressentez.

au moment du tournage et finalement j’ai eu ce rôle-là !

ET CETTE TRANSMISSION AUX ÉLÈVES… En 2001, j’ai commencé à intervenir en atelier

VOTRE SOUVENIR LE PLUS MARQUANT

théâtre, c’est aussi comme ça que j’apprends mon

DE CETTE NOUVELLE EXPÉRIENCE

métier, en les accompagnant dans la recherche du

Côtoyer et travailler avec une grande actrice comme

dépassement des difficultés ; avec eux, j’apprends

Dominique Blanc, c’était très réconfortant, sa façon

aussi mon métier d’interprète.

d’aborder le jeu, son discours sur le métier… Nous avions l’occasion de discuter entre deux

VOTRE PERFORMANCE À L’ARTHOTHÈQUE

prises et elle m’a demandé quel était mon par-

SUR L’ESTHÉTIQUE DE LA BRODERIE :

cours. Je lui ai répondu que je suis devenu acteur

C’était une belle rencontre avec la plasticienne

un peu par hasard, par le biais d’une compagnie

Myriam Omar Awadi. Elle cherchait un comédien

qui proposait des stages de réinsertion par le

pour la visite guidée de son expo sans tableau au

théâtre. Et elle m’a répondu : « Alors, moi j’ai raté

mur. Le texte qu’elle a écrit m’a emballé. Je l’ai

tous les conservatoires ! » Puis elle a rencontré

rencontrée, ce fut une très belle surprise. Elle

Patrice Chéreau et ce fut le démarrage d’une car-

n’avait jamais dirigé d’acteur, pourtant elle savait

rière d’abord théâtrale, puis cinématographique,

obtenir ce qu’elle voulait avec une justesse in-

avec quatre Césars et deux Molières à la clé !

croyable. Très exigeante, elle m’a empêché d’aller dans la facilité, d’entretenir mes tics d’acteur. Elle m’a vraiment bousculé, c’était un beau cadeau, merci encore !


R ENCO N TR E · 42

CETTE EXPÉRIENCE DE CINÉMA

VOTRE PLUS MAUVAIS SOUVENIR…

PAR RAPPORT AU THÉÂTRE ?

En 2001, une pub m’a rendu malheureux, pas fier

Mon rôle dans ce film est assez évident, avec une

de moi. Je respecte ceux qui le font, ce n’est pas

énergie assez proche de la mienne. À l’inverse,

la question, mais moi, ça ne me convient pas et

dans Mésyé Dijoux c’est un jeu tout en rupture

je me suis juré de ne pas recommencer.

de ce que je suis. Lorsque j’ai vu ma prestation sur grand écran, ça a été insupportable ! En tant qu’enseignant, je voyais tout ce qui n’allait pas.

ET SI ON REVENAIT À MÉSYÉ DIJOUX … Le spectacle continue ! Il y a de belles perspec-

C’est comme lorsqu’on entend sa propre voix. J’ai

tives dans les îlets de Salazie. C’est un projet de

vu quatre fois le film, à la troisième projection, ça

Cyclones production avec un travail en amont avec

allait un peu mieux !

les associations. On se produit dans les quartiers.

SI ON PARLAIT UN PEU DE VOUS,

ternelle au travers de l’écriture de Sully Andoche.

C’est tout mon univers, ma langue de théâtre maVOTRE PARCOURS… Mon père est Réunionnais, mais il est né à Ma-

VOUS AIMEZ ALLER À LA RENCONTRE

dagascar. Mon grand-père paternel s’est installé

DU PUBLIC, HORS LES MURS…

en France par le biais du Bumidom et travaillait à

En 2008, j’ai vécu une grande expérience, je

la chaîne chez Renault. Ma mère est métisse,

jouais Le Songe d’une nuit d’été au théâtre de

malgache-mauricienne. Ce lien indianocéanique

Champ Fleuri devant 900 personnes, et dans le

est très vivace en moi. Au départ, je voulais aller

même temps, avec l’équipe de la Fabrik, nous

à Madagascar, mais je ne suis jamais parti de La

faisions des représentations d’une création dans

Réunion.

des appartements de la cité de Patate à Durand,

Je suis né en banlieue, ça fait partie de mon en-

ce grand écart était exaltant !

fance, puis j’ai un peu dérivé, mes études m’ont abandonné…et je me suis retrouvé sans rien.

VOTRE EXPÉRIENCE LA PLUS MARQUANTE…

Alors, j’ai décidé de rentrer à La Réunion, j’avais

Le spectacle Dis-oui avec Samy Waro. Nous

19 ans. J’avais besoin de savoir qui j’étais. Mes

sommes restés 15 jours enfermés, c’est un grand

parents ne sont pas des militants, j’avais besoin

luxe de pouvoir travailler comme ça, avec le soutien

de vivre cette culture créole.

de la Fabrik qui nous a fait confiance dès le départ.

À l’ANPE du Port, j’ai eu la chance de tomber sur

Samy est un ami, nous avons une admiration ré-

une annonce de Cyclones production qui pro-

ciproque l’un pour l’autre. Il y a quelque chose

posait à des non-professionnels d’intégrer une

d’évident, une vraie alchimie entre nous. Dans ce

C’est l’expérience la plus marquante parce que

création de théâtre, une adaptation par Sully An-

spectacle, il y avait des petites marches d’impro,

doche d’un roman d’Axel Gauvin, le texte était en

les mots et les sons se faisaient écho, s’entrecho-

créole. C’était pour moi un acte de transmission,

quaient, c’était jubilatoire.

une nourriture par la langue, j’avais besoin de ça. Et je suis très reconnaissant envers ces tuteurs

ET SI C’ÉTAIT DEMAIN…

qu’ont été Luc Rosello et tous les membres fon-

Il y a deux, trois ans, j’étais récitant dans Ti pièr èk

dateurs de cette compagnie qui m’ont permis, à

lo lou (adaptation de Pierre et le Loup d’Axel

moi comme à d’autres, d’accéder à ce milieu ar-

Gauvin) avec un orchestre, une petite formation

tistique. Je suis amoureux de notre langue !

de 30 musiciens. La puissance de la musique m’a

Pour la musique, l’anglais ça swingue, ça groove,

marqué dans ce spectacle. Aujourd’hui, ma fille a

pour le théâtre, le créole réunionnais, c’est pareil.

trois ans, qu’est-ce que j’ai envie de dire à ma fille,

Mais ce n’est pas donné à tout le monde de faire

à ses copines, aux enfants de son âge ? Ça pourrait

un beau texte. Une langue, c’est une autre énergie.

être une nouvelle piste de création !



B ATAYE KOK · 44

TEXTE

&

ILLUSTRATION HIPPOLYTE

PHOTOGRAPHIE NICOLAS ANGLADE

Patrick Patate à Durand


Retrouvez le webdoc de Bataye Kok sur pils.re

Rendez-vous a été pris face au jardin d’enfants, dans la cité de Patate à Durand, aux abords de Saint-Denis. Le nom de cette cité provenant de ces herbes folles aux fleurs roses courant sur les galets en bords de mer. Un certain Durand aurait imaginé employer ces longues tiges traînantes en guise de seine pour la pêche des crustacés et des petits poissons de rivage... C’est ici que nous retrouvons Patrick, au pied de ces barres d’immeubles jaunis par le temps, constellés de carrés de fenêtres leur donnant l’apparence d’un grand damier décharné.


B ATAYE KOK · 46

Patrick est né ici, il y a 43 ans. Le lieu n’était alors qu’un vaste bidon-

Aujourd’hui la ville a pris la place, s’est étendue,

ville sans étage ni ascenseur. Tous ses souvenirs d’enfance se trou-

de plus en plus, inexorablement. Le monde mo-

vent là. Sa nostalgie aussi. Sous ce bitume et ces constructions

derne s’est installé. On est passé de cette grande

modernes. La ruelle d’alors, les animaux, la terre, la case sans eau ni

vie communautaire et des cases courant d’air au

électricité, où bruissait une télé à batterie. Batterie qu’il fallait rechar-

chacun chez soi. Gagnant en sécurité ce qu’on

ger à temps pour suivre les aventures de zorro, le fameux vengeur

perdait en proximité et en solidarité évidente. Au

masqué. Patrick en garde un souvenir ému. « Ce n’était pas la misère.

milieu de ces immeubles, en contrebas des fenê-

On était solidaire et on appréciait chaque chose que la vie pouvait

tres damiers, Patrick a commencé par installer

nous offrir. Tout se transformait en jeu. Charrier l’eau à la fontaine

un cageot pour un coq acheté 70 francs. C’était

centrale le matin avec nos bacs à huile ou nos pots de peinture

en 1995. Il lui a fallu du temps. La terre et les ani-

vides, revenir en faisant la course et perdre la moitié de la cargai-

maux lui manquaient trop. Il a redéposé de cette

son hilares… Observer le voisin par les trous dans la tôle… de bons

terre ocre, a tracé son carré pour les entraîne-

moments. »

ments, a entraîné son coq comme il le faisait

Patrick se rappelle cette case tapissée de pages (du catalogue) de

quand il était jeune. Puis il l’a emmené combattre

la redoute, où, dans le lit commun, le soir, au milieu de ses deux

au grand rond de Deux Canons, celui de l’époque,

grandes sœurs, éclairé d’une simple bougie, il s’amusait à chercher

aujourd’hui disparu.

des inscriptions. Le reste du temps, il soignait les animaux avec son père : chiens, chats, volailles, coqs … coqs de combat.

Première victoire. Patrick sourit à nouveau. Il agrandit son cageot, un nouveau coq, puis deux,

Au début des années 1980, le cyclone hyacinthe menace La réunion,

trois, quatre… La passion reprend vie. refait

il faut reloger les gens du bidonville. En 1982, ils seront installés

surface. Il entraîne avec lui d’anciens amis du

dans ces nouveaux immeubles. Changement de vie. radical.

bidonville avec qui il aimait partager du temps autour des animaux, sentir cette odeur de terre et de poussière, sous ses pas, dans ses mains, dans ses narines.


Avec Thierry et yannice, ils se retrouvent alors

« Aujourd’hui, tout ce qui faisait La réunion se retrouve dans les

sous le grand manguier aux abords de la quatre-

hauts. Si on continue ainsi, dans les bas il n’y aura plus que du

voies, à quelques pas du logement de chacun. Ils

béton. Lutter contre la ville ? Non. Mais il faut garder un rapport à

seront bientôt rejoints par d’autres éleveurs les

la nature, à ce qu’on est, à ce qui nous fait, savoir d’où l’on vient.»

apercevant régulièrement depuis la route. Les

Depuis lors, le rond ne désemplit pas. Chaque week-end.

habitants de la cité viennent aussi en curieux.

Patrick et ses amis ont mis en place une association destinée à

Leur petit rond marron prend de l’ampleur. Ils

valoriser cette tradition du Batay Kok : l’association Ti Rond Deux

installent des bancs, des éclairages de fortune

Canons. Pour partager leur histoire, ce qu’ils sont. Au milieu de

pour rester tard le soir autour du rond une fois

tous ces hommes, unis autour de cette même passion, loin des

que le soleil plonge dans la mer.

tracas du quotidien. Ils retrouvent leurs racines, et ce lien fort qui

Puis ils décident de se lancer : recréer un rond

Chaque jour de la semaine, Patrick est toujours aux petits soins

les unit. Ici, ils sont libres, comme hors du temps. de coqs digne de ce nom à Saint-Denis. Là. à

avec ses coqs, après son travail. Il les nourrit, les lave, les entraîne

l’ombre du manguier résistant aux mâchoires de

et les soigne. Au milieu des barres d’immeubles de la Cité, il donne

cette ville carnassière. Le terrain appartient à la

de petits galops d’entraînement. Comme une échappatoire et une

mairie, qui accepte de le leur prêter. rien n’est

dernière résurgence du passé, la terre ocre resplendit à nouveau.

prévu sur ce terrain. Pour l’instant.

Ce carré de terre rouge, celle de son enfance, continue de vivre

En deux mois, ils montent une structure en bois

parmi les barres de béton. Sous les regards complices et protecteurs

sous tôle. Conservent le manguier qui les a si bien

des voisins aux fenêtres damiers, veillant sur ces scènes d’un autre

abrités au cœur du rond marron. Un manguier

temps.Ces scènes pleines d’émotions, et de souvenirs. Telles une

qui leur apporte l’ombre, vitale lors des journées

oasis au cœur du monde moderne. Une oasis de tradition et de paix.

d’été gorgées de soleil. Ce manguier devenu cet ultime rapport à la terre et à leur passé.


VIEUX-PORT DE MONTRÉAL

Groenland

Canada

Montréal

États Unis

© STÉPHAN

POULIN


MONTRéAL PLEINS FEUX SUR LA CITÉ FRANCOPHONE ET COSMOPOLITE

49 · VOYAGE VOYAGE

TEXTE PIERRE-HENRI AHO PHOTOGRAPHIE OFFICE DE TOURISME DE MONTRÉAL


VOYAGE VOYAGE · 50

www.batcarre.com

Découvrez sur d’autres voyages

fière de ses 370 ans d’existence, la ville aux

ancien berceau de civilisations amérin-

mille clochers est une île et son contraire.

diennes algonquines et surtout iroquoises,

carrefour le plus au sud du majestueux fleuve

des immigrants du monde entier continuent

st-laurent, elle appartient au fabuleux destin

chaque jour à conquérir la capitale d’une

de l’amérique du nord dont elle a favorisé

nouvelle-france à la fois moderne et pitto-

la découverte puis l’essor industriel.

resque. résolument américaine dans son « beat » et européenne dans l’âme, montréal est une mosaïque de ce que la civilisation occidentale peut offrir de meilleur. son titre de deuxième plus grande ville francophone de l’hémisphère nord n’empêche pas à plus de 120 langues d’y coexister. capitale économique qui accueille dans son agglomération presque la moitié de la population québécoise, montréal s’impose comme leader mondial dans plusieurs domaines d’activités tels que les biotechnologies, les arts numériques et ceux du cirque. liberté, création, tolérance et dynamisme sont les principes animant la cité aux contrastes étonnants. PLACE D'ARMES

© STÉPHAN

POULIN


citoyenne

retour succinct sur

du monde contemporain

son histoire

Montréal se décline en une succession de quartiers

Comprendre Montréal c’est imaginer une arrivée

bâtis par des populations issues de différentes

dans la ville par voie maritime, comme au temps

communautés. Tout au long de son histoire, des

de ses premiers explorateurs. Tout s’est d’abord

vagues importantes d’immigration ont agrémenté

construit le long du mythique fleuve Saint-Laurent.

la ville de leurs cultures diverses et variées : après

Ses affluents servirent de point de départ aux pre-

e

les anglo-saxons au XIX siècle, les Italiens, les

miers découvreurs européens du continent. La

Grecs, les Portugais, les Polonais, les Ukrainiens

ville a longtemps été le bastion du commerce

et les Juifs d’Europe de l’est seront parmi les pre-

nord-américain, d’abord prisée par les coureurs

mières communautés à s’y implanter durablement.

des bois - les vendeurs de fourrures - puis par les

Ils seront suivis par des Haïtiens, Libanais et Viet-

vendeurs de bois et de blé. L’industrialisation dont

namiens au gré des changements politiques dans

elle garde des traces impérissables lui permettra

leurs pays d’origine, ainsi que par de nombreuses

d’accéder au rang des capitales les plus riches du

autres communautés, et ce jusqu’à ce jour. C’est

monde. De larges rues et imposants édifices té-

en remontant la « main », la rue Saint-Laurent, que

moignent encore de ce passé. La ville fut jadis

l’on s’approprie le mieux cette diversité. On y voit

fortifiée pour se protéger des amérindiens les

de nombreux commerces grecs et portugais

plus farouches, les « Haudenosaunee » (iroquois).

avant d’aboutir sur la Petite Italie. Dans le Mile

Mais Montréal est avant tout un grand village

End adjacent au chic quartier d’Outremont, de

construit sur une île autour d’une montagne

nombreux juifs orthodoxes facilement recon-

verdoyante, une cité à taille humaine où l’on zig-

naissables nous rappellent l’importance de cette

zague harmonieusement entre le passé et le futur,

communauté à Montréal. On peut aussi rencon-

déjà présent.

trer une diaspora arménienne à Ville SaintLaurent, et hindoue dans le quartier de ParcExtension.


VOYAGE VOYAGE · 52

Le Vieux montréaL Les quais et le Vieux-port

La rue saint-paul

Le Vieux-Port, lieu unique qui concentre à la fois

La rue Saint-Paul baigne dans une ambiance à la

un des poumons économiques de la ville, avec

modernité baroque. Un grand nombre de cafés,

son port, et un pôle touristique de premier ordre.

galeries d’art et magasins en tout genre occupent

Bâti par les premiers français qui s’y sont établis,

des édifices anciens. Au détour de certaines ruelles

le Vieux-Port affiche une architecture de goût

presque moyenâgeuses, des artisans et bijoutiers

français, agrémentée du renouveau victorien que

sont installés au milieu d’une petite place à l’atmo-

l’on retrouvera dans plusieurs autres quartiers de

sphère française, avec ses pavés et ses murs jon-

la ville. Après avoir flâné sur les quais réaménagés

chés de lierre. Le Musée de la Pointe-à-Callières,

en plage l’été et en jeux de neige et patinoire

musée d’archéologie et d’histoire de Montréal,

l’hiver, les plus audacieux parcourront les pistes

propose notamment des visites guidées sur les

cyclables (ou de ski de fond) le long du canal

premiers lieux d’habitation. À l’entrée du bâtiment

Lachine et de ses écluses. D’immenses silos à grains,

moderne, une œuvre de Nicolas Baier, un artiste

qui ont jadis fait la fortune de la ville, apparaissent

montréalais, accueille les visiteurs. Et le soir, la

comme des vestiges d’une époque révolue.

fameuse Boîte à Pierrot produit ses chansonniers

Comme dans tout port, l’aventure ne s’arrête pas

au charme typiquement québécois.

sur terre et on peut découvrir les rives du fleuve et ses nombreuses îles lors d’une croisière. La visite des quais se complète par les spectaculaires expositions du Centre des sciences de Montréal ou une projection à l’Imax, cette technologie canadienne qui permet de voir des films diffusés sur des écrans à 360 degrés. RUE SAINT-PAUL

©

ANDRÉ RIDER


L’île sainte-hélène

Le quartier international

En regardant le fleuve, on aperçoit l’île Sainte-

Le Square Victoria, surplombé par un gratte-ciel,

Hélène reliée par le Pont Jacques-Cartier, ainsi

la Tour de la Bourse, et entouré de buildings an-

qu’un édifice exceptionnel dans l’histoire de l’ar-

ciens et modernes, est composé d’une grande

chitecture, conceptualisé par Moshef Safdie -

esplanade ornée d’une époustouflante sculpture

Habitat 67 - pour l’exposition universelle. Sainte-

de l’artiste chinois Jiu Ming représentant un

Hélène fut ainsi nommée en l’honneur de

mouvement emprunté du Taï Chi et d’un espace

l’épouse de Samuel de Champlain, « père de la

boisé où trône une statue de la fameuse reine bri-

Nouvelle-France ». Les espaces du Parc Jean-

tannique. Nous sommes en plein quartier inter-

Drapeau font le bonheur des amateurs de mu-

national, district qui a contribué à l’obtention du

sique l’été avec des concerts d’envergure, et

premier Prix de « Ville Design » attribué à Mont-

surtout les « Piknic électronik » qui, chaque di-

réal par l’UNESCO en 2007 ; un passage dans le

manche, donnent aux DJ du monde entier une

Centre de Commerce mondial nous permet de

tribune de choix au pied de l’imposant monu-

comprendre pourquoi : les visiteurs peuvent y

ment du célèbre artiste américain, Alexandre

admirer un atrium géant, fort agréable l’hiver, et

Calder. Lieu d’attractions multiples pour les

entamer un premier passage souterrain le reliant

Montréalais, visite au Musée Stewart dans l’an-

à l’immense Palais des Congrès qui accueille un

cien fort, circuit Gilles-Villeneuve pour les ama-

impressionnant ballet d’évènements organisés

teurs de F1, La Ronde, parc d’attractions aux

chaque année. Les éléments vitraux de cet édifice

frissons garantis pour les plus jeunes, les vestiges

sont d’une luminescence colorée, à dominance

de l’Exposition Universelle de 1967, avec notam-

rose, jaune, mauve et verte, ce qui transmet le

ment la Biosphère ou le Casino, sur l’île voisine

tempo d’une ville délurée. Ils font écho à la char-

de Notre-Dame…

mante Place Riopelle, du nom du plus célèbre des peintres canadiens, magicien des couleurs boréales. Cette aire de repos accueille une réalisa-

La place d’armes

tion artistique majeure du célèbre artiste, un

En remontant vers la Place d’Armes, point central

pensé pour l’exposition de 1967, qu’on anime l’été

ensemble sculptural érigé en fontaine, d’abord du Vieux-Montréal, un imposant édifice art-

à chaque heure par des brumisateurs, et par un

nouveau aux allures new-yorkaises nous rappelle

spectacle pyrotechnique en soirée. De l’autre côté

que nous sommes bien en Amérique. De chaque

de cette petite place, l’édifice de la Caisse de

côté de cette place récemment rénovée, se si-

dépôt est une véritable réussite architecturale,

tuent l’édifice néoclassique de la Banque de

tout en vitres également et pensé comme un im-

Montréal, une des plus anciennes du pays, mais

meuble couché. Des œuvres d’art des meilleurs

surtout la célèbre église Notre-Dame. Fief des

artistes de la ville y ont été intégrés et son long

Sulpiciens, prêtres diocésains qui dirigèrent

corridor suspendu et ouvert sur les étages laisse

longtemps la ville et qui y ont toujours une im-

une étrange impression de flottement aérien.

portante curie, cette église offre un spectacle époustouflant de lumière et de dorures néo-baroques. Lieu de culte et de rendez-vous important pour l’élite des siècles précédents, elle est à juste titre un des sites les plus visités de Montréal.


VOYAGE VOYAGE · 5 4

La place jacques-cartier La rue Saint-Jacques, ancienne rue des banques,

Le Château Ramesay, quant à lui, laisse décou-

témoigne du riche passé de la ville, avec des hô-

vrir la vie d’antan alors que l’imposante façade

tels parmi les plus prestigieux tel le St-James,

néogothique de la mairie fait encore résonner

dont la suite est généralement réservée aux stars

les célèbres mots du Général de Gaulle : « Vive le

de passage. Sur la rue Notre-Dame, on pourra

Québec libre ! » À proximité, la plus grande galerie

admirer les immenses portes de la Cour d’appel,

d’art inuit du Canada permet de s’approprier les

avant d’arriver sur l’ancienne place du marché au

particularités culturelles de ce peuple. Sur la Place,

cœur du village qu’on nommait jadis Hochelaga

restaurants, boutiques de souvenirs, animateurs

(ancien nom amérindien de Montréal). Cette

en tous genres, rivalisent d’ingéniosité pour atti-

grande esplanade piétonne, nommée en l’honneur

rer le touriste qui se laissera tenter par la dégus-

du célèbre malouin qui, le premier, découvrit ce

tation d’un homard ou d’une autre spécialité

territoire, offre au visiteur un regard historique

régionale telle que la queue de castor (une sorte

sur la métropole. Surmonté par la colonne Nelson,

de gaufre canadienne). De l’autre côté, se situe le

le terrain pavé est entouré d’édifices porteurs

Champ-de-Mars et sa grande pelouse, jadis une

d’histoire : le marché Bonsecours, premier hôpital

place de réunion populaire. Vestige archéolo-

de la ville fondé par Sainte Marguerite Bourgeois,

gique, elle offre une vue surprenante sur la ville

devenu un centre d’artisanat réputé.

que l’on découvre enfin en dehors de ses antiques murailles. On quitte alors le Vieux Montréal, en traversant le quartier chinois dont deux grandes portes rappellent la présence vivace de cette communauté. Une ruelle piétonne, toujours bondée, nous fait voyager l’espace d’un instant en Orient. Les amateurs de gastronomie asiatique ont alors l’embarras du choix pour se restaurer. PLACE JACQUES-CARTIER

© STÉPHAN

POULIN


Le centre-ViLLe La rue saint-denis

Le carré saint-Louis

Avec les rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent,

Place mythique de Montréal, autrefois un châ-

la rue Saint-Denis est un des cœurs névralgiques

teau d’eau juché en haut de la vieille ville, le Carré

de Montréal et une artère à multiples vocations.

Saint-Louis est aujourd’hui une petite oasis appré-

À l’est de cette grande rue emblématique, la ville

ciée des passants de la rue piétonne Prince-Arthur,

devient presqu’exclusivement francophone. Au

faisant la jonction entre les deux grandes artères

sud, on trouvera en bordure du quartier justement

commerciales et festives : la rue Saint-Denis et la

baptisé « quartier latin », la Grande Bibliothèque,

rue Saint-Laurent. La place est ceinturée des plus

édifice récent qui en impose de l’extérieur mais

belles maisons d’architecture victorienne de la

qui est très convivial à l’intérieur, grâce à la pré-

ville. Son flanc nord, aux toits colorés, est un

dominance de bardeaux en bois clair et de grands

symbole époustouflant de Montréal. On peut y

panneaux vitrés. Le quartier latin est un concen-

prendre un café accompagné de crêpes ou crèmes

tré de restaurants, cinémas, théâtres et bars en tous

glacées l’été ; la place est souvent animée par des

genres, quelques boutiques et librairies rappellent

musiciens en après-midi. Les poètes et écrivains

qu’on n’est pas loin de l’Université du Québec.

y ont souvent célébré les vertus de leur Montréal,

Celle-ci a réussi le pari audacieux d’occuper plu-

et deux statues de leurs plus illustres représen-

sieurs quadrilatères, dont celui d’une ancienne

tants rappellent le caractère singulier de l’endroit :

église dont le clocher et la nef ont été conservés

le « Rimbaud » canadien, Émile Nelligan y a

en atrium. C’est une pratique que l’on retrouve de

composé ses vers les plus légendaires ; l’autre

plus en plus dans le paysage urbain montréalais :

buste, celui d’Octave Crémazie, est surmonté

la transformation d’édifices industriels ou reli-

d’une figure allégorique d’un poème célèbre pour

gieux en lieux contemporains voués à l’éduca-

sa verve nostalgique de la présence française au

tion, l’habitation ou le travail. Un peu plus loin, la

Canada, « Le chant du vieux soldat canadien ».

Place Émilie-Gamelin souligne l’anticonformisme

Au centre du carré, une fontaine permet de se ra-

urbain qu’adopte parfois Montréal. Un jeu d’échecs

fraîchir et de se déconnecter, l’espace d’un ins-

géant orne son centre, et l’endroit accueille l’été

tant, du vacarme incessant de la réalité urbaine.

des scènes extérieures. Point central des transports en commun, souvent squatté par les plus marginaux, cette place fut le point de départ des manifestations étudiantes du « Printemps Érable » en 2012. C’est ici que se démarque « le village », célèbre quartier gay, très festif, dont la portion de la rue Ste-Catherine qui le traverse est exclusivement piétonne pendant la période estivale. SHOPPING À MONTRÉAL

©

ANDRÉ RIDER


VOYAGE VOYAGE · 56

Le quartier des affaires

Le mont royal

Le quartier des affaires est aussi celui des centres

La liberté qui règne dans cette ville et son atmo-

commerciaux et d’une vie sociale animée aux

sphère conviviale se ressentent particulièrement

accents anglophones. Les gratte-ciels sont légion

à l’esplanade du Mont-Royal, cette montagne qui

mais difficiles d’accès. Toutefois, une visite au

a inspiré Jacques Cartier pour nommer la bour-

sommet de l’un deux est possible au restaurant

gade amérindienne qu’il découvrit à l’époque.

chic du 737 de la Tour Ville-Marie, la plus grande

Elle aurait été aussi un lieu de culture vivrière

de la ville. Les trois derniers étages de cette tour

pour les amérindiens. Son sommet, autrefois

sont d’ailleurs consacrés aux visiteurs avides de

consacré aux rites reliés aux semences et récoltes,

panorama en altitude. C’est ici que se déploie la

accueille désormais une grande croix visible de

partie souterraine du quartier, la légendaire

tout côté. Sacré pour tout Montréalais, le domaine

« ville sous terre », fief commercial où l’on peut

du Mont-Royal est aujourd’hui convoité par les

« magasiner » - faire du shopping - tout au long

sportifs, avec ses nombreux sentiers, ses glis-

de l’année. Ce sont plutôt de vastes couloirs reliés

sades et son Lac aux castors où l’on peut appren-

entre eux que l’on parcourt, principalement le

dre à patiner l’hiver. Une fois au sommet, on y

long de l’hétéroclite rue Sainte-Catherine. En

découvre des vues uniques de Montréal et son

empruntant la populaire rue Crescent, on arrive

étendue à perte de vue, un panorama incompa-

au Centre Bell, arène du hockey, le sport national

rable sur le Saint-Laurent, agrémenté au loin des

des Canadiens. Un peu plus haut, c’est la rue

paysages de la Rive-Sud de Montréal, et des

Sherbrooke et ses somptueux édifices qui ac-

États-Unis que l’on devine à l’horizon. À l’ouest

cueillent de grands magasins, des hôtels et des

l’Oratoire Saint-Joseph, édifice de culte

galeries d’art parmi les plus prestigieuses. On ne

imposant qui accueille la sépulture du Frère André

peut évoquer la chaotique rue Sainte-Catherine

récemment canonisé. Ce haut lieu de recueille-

sans mentionner les nombreux bars de danseuses

ment devient accessible après avoir grimpé plus

nues (et même de danseurs nus) aux pancartes

d’une centaine de marches que les pèlerins gra-

aguicheuses, réservés aux aventuriers avertis.

vissaient à genoux, il y a encore quelques années.

Plus loin, la rue - qui totalise tout de même 27 km

Le Mont-Royal est aussi l’hôte d’un des plus

- débouche sur le Square Phillips et un des plus

grands cimetières en Amérique du Nord, qui a

vieux magasins d’Amérique du Nord, celui de

son charme propre.

La Compagnie de la Baie d’Hudson, corporation intimement liée à l’histoire du Canada. S’ensuit la Place des Arts, haut lieu de diffusion culturelle : conçue dans les années 60, plusieurs salles de spectacles, le Musée d’art contemporain, le Théâtre du Nouveau Monde, et à quelques pas de là, la nouvelle Maison symphonique qui conserve le plus grand orgue à traction mécanique au monde.

BOUTIQUE DANS LE VIEUX-MONTRÉAL

©

LINDA TURGEON


ESCALIERS EXTÉRIEURS SOUS LA NEIGE

&

PARC DU MONT-ROYAL ÉTÉ COMME HIVER

© STÉPHAN

POULIN


VOYAGE VOYAGE · 58

L’esprit de la ville Une fois redescendu sur l’avenue du Parc, le mo-

Profitant d’une grande ouverture d’esprit permet-

nument dédié à la paix est le lieu où les hippies

tant un climat social des plus tolérants, Montréal

se donnent rendez-vous chaque dimanche de-

a toujours su attirer de nombreux créateurs. L’art

puis plus de 50 ans dans une ambiance festive,

urbain y est omniprésent. Ville aux élans punk et

rythmée par un vacarme incessant mais joyeux

hippie, on y rencontre un grand nombre de ci-

de percussions en tous genres. Artère incontour-

toyens et d’organismes engagés pour un monde

nable de la ville, l’avenue du Mont-Royal, avec le

plus juste et écologique. Cité des poètes, source

célèbre Stade Olympique à l’horizon. Cette rue

d’inspiration captivante, on ne peut parler de

offre le concentré le plus juste de la vitalité de

Montréal sans rappeler le succès planétaire de

l’âme marchande montréalaise : friperies, bou-

quelques-uns de ses enfants : Céline Dion, Leo-

tiques, disquaires, libraires, restaurants et bars qui

nard Cohen, le Cirque du Soleil, ou plus récem-

l’animent sont parmi les plus prisés de la ville.

ment Arcade Fire. Centre de développement

Plus on s’y enfonce, plus on se rapproche de la

technologique, Montréal fournit une des plus

petite France du Plateau, avec ses maisons aux

grandes productions mondiales de l’industrie du

façades bariolées et ses escaliers typiques. Ce

jeu vidéo et a vu naître Real Ventures. Son sep-

quartier populaire est désormais choisi comme

tième art est également réputé, des cinéastes tels

lieu de résidence par les « Français de France »,

que Denys Arcand et Xavier Dolan sont issus de

comme on les appelle au Québec.

cette industrie que Montréal cultive jalousement. Enfin, parmi ses plus grands écrivains, il faut lire les textes de Michel Tremblay, Anne Hébert et, honneur à un créole (haïtien) d’origine, Dany Laferrière, pour s’approprier des reflets de son âme. À l’instar des grandes capitales, Montréal est en perpétuelle ébullition. Elle évolue, mais sans jamais déroger à sa forte personnalité. La célèbre maxime de Robert Charlebois « Je reviendrai à Montréal » résume cet attrait unique au monde. PALAIS DES CONGRÈS DE MONTRÉAL

©

MARC CRAMER



VOYAGE VOYAGE · 6 0

SÉLECTION PIERRE-HENRI AHO PHOTOGRAPHIE OFFICE DE TOURISME DE MONTRÉAL

Balade littéraire à Montréal honneur aux femmes ! mis à part dany laferrière, auteur d’origine haïtienne vivant à montréal, les auteurs canadiens couronnés par leurs pairs en france sont des femmes. alice munro en est la plus belle illustration. premier auteur nouvelliste à être distinguée du prestigieux prix nobel de littérature : « alice munro est appréciée pour son art subtil de la nouvelle, empreint d’un style clair et de réalisme psychologique. [...] ses histoires se déroulent généralement dans des petites villes, où le combat des gens pour une existence décente aboutit souvent à des problèmes relationnels et des conflits moraux - question qui est ancrée dans des différences de génération ou des projets de vie contradictoires. on trouve imbriquées dans ses textes des descriptions d’événements quotidiens mais décisifs, sortes d’épiphanies, qui éclairent l’histoire ambiante et illuminent au flash les questions existentielles. »

Retrouvez les balades littéraires sur

www.batcarre.com


BONHEUR D‘OCCASION

Réédité récemment, ce roman se déroule à Montréal et relate l’histoire d’une jeune serveuse rêvant à un monde meilleur, prise dans un dilemme amoureux. À travers son histoire, c’est celle d’un Québec de plus en plus moderne qui surgit. L’auteure, d’origine franco-manitobaine, reçut pour cette œuvre le Prix Fémina. Elle est une des auteures canadiennes les plus traduites. AUTEUR

Gabrielle Roy

ÉDITEUR

Boréal

LES FOUS DE BASSAN

La célèbre romancière a obtenu le Prix Fémina dès la sortie de ce roman en 1982. Drame empreint « d’amour, de haine et de cruauté », l’histoire raconte le meurtre de deux cousines survenu dans un village fictif du Québec. L’auteure a eu l’audace de composer son roman en six parties, avec pas moins de cinq narrateurs différents s’échelonnant dans le temps ! AUTEUR

Anne Hébert

ÉDITEUR

Le Seuil

COMMENT FAIRE L’AMOUR AVEC UN NÈGRE SANS SE FATIGUER

Roman qui a fait connaître cet auteur prolifique, il permet de regarder Montréal à travers la relation de deux colocataires noirs vivant dans une petite pièce du Carré St-Louis où ils tiennent des discussions existentielles et relatent leurs expériences sexuelles, avec des « blanches ». Texte adapté au cinéma, il aborde les barrières sociales et raciales présentes dans la société, ainsi que la notion du désir comme source réparatrice. L’auteur a décrit son arrivée en tant qu’haïtien à Montréal dans les années 70 dans son roman Chronique de la dérive douce (1994), réédité par Boréal en 2012. Désormais célèbre en France, il a reçu en 2009 le Prix Médicis pour son magnifique ouvrage L’énigme du retour, publié chez Grasset. AUTEUR

Dany Laferrière

ÉDITEUR

VLB

UNE SAISON DANS LA VIE D’EMMANUEL

L’auteure reçut le Prix Médicis en 1965 pour ce chef-d’œuvre précurseur d’une Révolution. Mouvement de la libéralisation des mœurs. Elle y relate la vie d’une famille québécoise au début du XXe siècle, et s’attarde notamment sur les mœurs décadentes de la société traditionnelle. AUTEUR

Marie-Claire Blais

ÉDITEUR

Léméac

PÉLAGIE-LA-CHARRETTE

Elle est une des rares auteures nées à l’étranger à avoir obtenu le Prix Goncourt, avec ce roman qui relate en toile de fond la déportation de son peuple en Louisiane. Son œuvre a souvent été portée sur scène et au petit écran, notamment La Sagouine publié chez Léméac, personnage célèbre pour son franc-parler aux accents typiquement acadiens. AUTEUR

Antonine Maillet

ÉDITEUR

Grasset

LA GROSSE FEMME D’À CÔTÉ EST ENCEINTE

Il s’agit du premier tome des Chroniques du plateau Mont-Royal, dont l’histoire se déroule en plein quartier ouvrier de Montréal. L’auteur est célèbre pour ses pièces de théâtre mettant en scène, souvent avec un humour décapant, les travers de la culture populaire québécoise et son enracinement religieux. À découvrir absolument. AUTEUR

Michel Tremblay

ÉDITEUR

Léméac

MARIE LAFLAMME

Auteure prolifique, elle se consacre beaucoup à la littérature jeunesse. Cette trilogie toutefois destinée à un plus large public relate l’histoire de la conquête de la Nouvelle France du XVIIe siècle, à travers le trépidant destin d’une jeune nantaise. Son aventure tient le lecteur en haleine du début à la fin, alors que le souci du détail historique permet de mieux appréhender la difficile vie des colons à cette époque, et en particulier celle des femmes. AUTEUR

Chrystine Brouillet

ÉDITEUR

Flammarion


C ULTU RE E T MODE 路 6 2



lolita gothique, guerrière samouraï, lotus geisha, et autres fantaisies directement liées aux mangas ne sont pas seulement des accessoires de mode, ou le style à arborer dans une soirée branchée. Il s’agit là d’une véritable passion qui conduit le jeune (collégien, lycéen et adulte jusqu’à la trentaine) à incarner son personnage préféré. bien plus que le mouvement hippie, en marge de la société, ou les jeux de rôles « donjon dragon » qui s’appuient sur un imaginaire pour faire évoluer les personnages, la culture otaku issue des mangas, jeux vidéos et tous les avatars s’y attenant, est devenue un mode de vie. « on s’habille manga, on mange manga – les bento – on pense manga, on danse jpop, voir Kpop... » l’otaku a souvent été présenté comme un refuge pour adolescent mal dans sa peau, adepte fanatique de jeux vidéo, enfermé dans sa chambre et coupé du monde. Il a certes existé à la fin des années 80, ce fanatisme de l’imagerie virtuelle, exalté par la violence et par la pornographie qui s’est illustré par le cas dramatique de tsutomu miyazaki, le tueur otaku. aujourd’hui, les temps ont changé, la culture manga est restée. au japon, elle fait partie de la vie quotidienne et s’adresse à toutes les tranches d’âge, les shônen manga pour les jeunes filles, les seinen manga pour les hommes adultes, les josei manga pour les femmes… regard critique sur les problèmes de société, le manga est aussi porteur de messages et de traditions. les héros ne sont pas infaillibles, ils ont le regard émotif ; les thématiques ont aussi pour cadre les occupations de tous les jours, les histoires comportent souvent des phases d’initiation aux grandes étapes de la vie ; les mangas ne crient pas à la victoire, mais invitent à la réflexion et à l’optimisme. là encore, il y a foison de styles et de sous-catégories, comique, policier, science-fiction… le manga, véritable industrie commerciale, est parti à la conquête du monde. la france et les etatsunis en sont les plus grands adeptes. ce premier week-end de juillet a eu lieu le Japan Expo à villepinte, le plus grand rassemblement européen d’otakus et de passionnés de culture japonaise, dédicaces d’artistes, de dessinateurs, tutoring de personnages et défilés de cosplay. partie intégrante de la culture otaku, le cosplay – réduction de « costume playing » - désigne l’art de se déguiser et de jouer le rôle de son personnage favori. la plupart des cosplayers mettent un point d’honneur à fabriquer eux-mêmes leurs costumes et à ne les utiliser qu’une seule fois lors d’un concours ou d’un défilé. le but est toujours d’exprimer sa passion. à la réunion, via facebook, le cosplay.re compte déjà plus d’un millier d’adhérents. la culture otaku y est honorablement représentée, mais discrète, comme une double vie, elle se manifeste au cours d’une flash mob ou lors des fêtes guan di, car il y a beaucoup de chinois de l’île parmi les cosplayers réunionnais.

culture MANGA UN ART DE VIVRE PLUTÔT QU’UNE MODE ÉPHÉMÈRE


C ULTU RE E T MODE 路 6 5


TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE ERIC LAFARGUE STYLISME MYRIAM BARCAVILLE MAQUILLAGE SOPHIE BÈGUE MANEQUINS SOPHIE, MYRIAM ET FANNY


C ULTU RE ET MOD E 路 67




PAP I LL E S E N FÊ TE · 70

RECETTE BENOÎT VANTAUX PHOTOGRAPHIE PIERRE CHOUKROUN

Recette de l’Atelier de Ben

tapas

de magret de canard et son tartare d’avocat


Ingrédients pour quatre personnes Deux magrets de canard Deux avocats Deux tomates Un petit bouquet de coriandre Une échalote Le jus d’un citron 20 cl d’huile d’olive Sel, poivre Quatre piques en bambou recette par étapes 1. Eplucher les avocats. Les couper en dés. Epépiner les tomates et les couper en petits dés. Hacher la coriandre grossièrement. Ciseler finement l’échalote. 2. Mélanger l’avocat avec la coriandre, la moitié du jus de citron, le sel et le poivre. Réserver au réfrigérateur. 3. Mélanger les tomates avec l’autre moitié du jus de citron, l’huile d’olive, l’échalote, le sel et le poivre. Réserver au réfrigérateur. 4. Enlever le surplus de graisse des magrets et les cuire à la cuisson désirée : cuire 3/4 du temps sur le côté graisse et 1/4 du temps sur le côté viande. Saler, poivrer. Laisser reposer pendant 10 minutes environ dans du papier d’aluminium. 5. Couper les magrets en morceaux et les enfiler sur des piques en bambou. 6. Servir avec les tomates en verrine et le tartare d’avocat. Poser une tuile aux noisettes pour parfaire la présentation. Pour accompagner joyeusement ces tapas de magret de canard, la Cave de la Victoire vous conseille un domaine du Pas de l’Escalette, savoureux Coteaux du Languedoc.

Retouvez cette recette filmée sur batcarre.com

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Escales au bout du monde

DESCENTE DU MONT BRANCA AVEC EN ARRIÈRE-PLAN L’ILE E DE L'EST

le nom des territoires éloignés frappe souvent l’imaginaire. c’est le cas des « terres australes et antarctiques françaises » qui évoquent le mystère des grands espaces et embrassent des distances si vastes que seul le mot « terres » pouvait parvenir à les désigner. fermons les yeux et bientôt une mosaïque se dessine, fragments de bleus lagon et de blanc banquise, verts des mangroves, des filaos, des euphorbes arborescentes, palettes grises des mers froides chahutées par les vents sur lesquelles planent les grands albatros… Depuis La réunion, les escales les plus proches s’égrènent en un chapelet de cinq îles tropicales, sans compter la petite île du Lys et trois formations coralliennes - le rocher du Sud, les roches Vertes et l'Île aux Crabes - dans l'archipel des Glorieuses. D’un bout à l’autre du canal du Mozambique se succèdent ainsi les Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India et la méridionale Europa. Isolée à l’est de l’Ile rouge, Tromelin, récif surélevé ou sommet émergé d'un ancien volcan océanique, conserve encore aujourd’hui le secret de ses origines.


73 · TA A F

TEXTE STÉPHANIE LÉGERON PHOTOGRAPHIE BRUNO MARIE

UNE CARTE POSTALE GRANDEUR NATURE Où

L’îLE D’EUROPA NE RESSEMBLE À AUCUNE

LES FILAOS BORDENT D’IMMENSES PLAGES DE

AUTRE, ROYAUME DES OISEAUX ÉTONNANT

SABLE BLANC

DE CONTRASTES

C’est à Juan de Nova qu’a commencé notre « tour-

Une semaine plus tard, en partance sur le tarmac

née » des îles. Le 25 juin 2012 au petit matin, nous

de la base aérienne, l’avion militaire de transport

décollions de la base aérienne 181 Lieutenant

et de ravitaillement avait cette fois pour destination

Roland Garros à Sainte-Marie, à bord d’un transall

l’île d’Europa, où nous avons dormi une nuit, de

des Forces armées de la zone sud océan Indien

même qu’à Juan de Nova. Dès les premiers mo-

(Fazsoi). Nous rejoignions ainsi un détachement

ments Europa a été pour nous un immense coup

de 14 militaires du 2e RPIMa (Régiment parachu-

de cœur, une île incroyable de beauté et de diver-

tiste d’infanterie de marine) et d’un gendarme,

sité, avec ses tortues marines - un des principaux

dont la mission est de garantir, par des relèves de

sites mondiaux de reproduction des tortues vertes -,

30 à 45 jours, la protection des îles et d’assurer la

ses colonies de fous à pieds rouges et de frégates,

surveillance des eaux territoriales de la Zone éco-

ses sternes, ses pailles-en-queue. Forêts sèches à

nomique exclusive (ZEE). Juan de Nova est une île

euphorbes arborescentes, joncs, ficus, mangroves

plate en croissant dont le lagon aux eaux tur-

de palétuviers en bordures du lagon, steppe salée,

quoise est ceinturé par une grande barrière de

arinas et bois matelot partant à l’assaut des dunes

corail. Parfaite illustration de l’île paradisiaque,

littorales… la diversité des formations compose

avec ses immenses plages de sable fin, elle tient

un couvert végétal insolite et très bien préservé.

son nom de l’amiral galicien João da Nova, le na-

Accueillis à la « station météo », nous avons assisté

vigateur qui en fit la découverte en 1501, à la tête

en début d’après-midi à la cérémonie de passa-

de la troisième expédition portugaise sur la fa-

tion des pouvoirs sur le camp Robinson, puis

meuse Route des Epices, en direction de l'Inde.

avons profité au maximum des quelques heures

Juan de Nova, façonnée de dunes de sable attei-

restantes de lumière pour réaliser des prises de

gnant jusqu’à douze mètres de hauteur, de col-

vues aux abords du camp, sur les sentiers et le

lines rocheuses, de filaos et cocotiers - ces deux

long du littoral, à la rencontre de la faune sau-

espèces n’étant pas indigènes -, présente des

vage.

paysages assez peu variés. En revanche, la faune est riche, comprenant par exemple la plus grande colonie de sternes fuligineuses de tout l’océan Indien et l’une des plus importantes au monde. Cette biodiversité revêt une importance majeure pour la sauvegarde de l’avifaune à l’échelle mondiale. Pascale Chabanet, chargée de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), explique : « les récifs de ces îles désertes et isolées comme l'île Juan de Nova sont préservés de toute pollution et de toute influence anthropique. Mais elles sont affectées par les changements climatiques. L’enjeu ? Utiliser ces bouts de nature primitive comme témoins et mesurer la part imputable à l’homme dans les bouleversements qui ébranlent l’équilibre de la planète. »

JUAN DE NOVA DES PAYSAGES PARADISIAQUES A PERTE DE VUE


ELEPHANT DE MER ET MANCHOTS A LA BAIE DU MARIN SUR LE SITE DE PORT-ALFRED

DES JOURS AVEC SEUL L’OCÉAN À PERTE DE VUE, UNE îLE À LA BEAUTÉ âPRE ET SAUVAGE Des naufrages, il y en a eu d’innombrables dans une toute autre région des TAAF située sous des latitudes bien plus élevées : les îles subantarctiques françaises. Le 9 novembre 2012 appareillait au Port le mythique Marion Dufresne II, navire ravitailleur et océanographique des TAAF. Heureux de vivre une expérience au long cours en terres australes, nous installions nos bagages en cabines, avant de parcourir le labyrinthe des couloirs, des UNE îLE-CAILLOU QUI RAPPELLE LA PUIS-

ponts, de repérer les laboratoires ou la « DZ »

SANCE DES ÉLÉMENTS ET LA FRAGILITÉ DE

(drop zone), plateforme réservée à l’hélicoptère...

L’HOMME Bref, nous prenions nos marques, tout en comLa troisième escale de notre itinéraire dans les

mençant à faire connaissance avec les membres

TAAF a été Tromelin, que nous avons sillonnée

de l’équipage, le personnel des bases et la dizaine

en septembre 2012, l’espace de quelques heures.

de touristes de cette rotation dite « OP3 », la troi-

Ce qui interpelle dès que l’on pose le pied sur

sième opération portuaire de l’année. Au total,

cette petite terre corallienne dénuée de relief et

près de 100 passagers étaient du voyage, dont de

sablonneuse, c’est l’absence de végétation hor-

nombreux scientifiques de l’Institut polaire fran-

mis quelques veloutiers, et donc l’absence totale

çais Paul Emile Victor (IPEV) et du Centre national

d’ombre, mais aussi la force terrifiante des vagues

de la recherche scientifique (CNRS) présents dans

qui se brisent sans relâche sur la barrière de récifs

le cadre de leurs programmes respectifs, très va-

coralliens, et dont on comprend qu’ils rendent

riés, allant, pour n’en citer que quelques-uns, de

l’abordage extrêmement difficile. De forme ovoïde,

l’étude du climat ou de la chimie de l’atmosphère

Tromelin est en effet toute petite, il suffit d’une

à celle du champ magnétique terrestre, en passant

heure pour en faire le tour. Pendant la saison

par l’activité en mer des gorfous, le déplacement

chaude, géographiquement située sur leur route,

des manchots ou encore la pose de balises

il n’est pas rare qu’elle subisse de plein fouet cy-

ARGOS sur les orques.

clones et dépressions tropicales. Par ailleurs, elle est dépourvue d’eau douce. Ce décor singulière-

Notre première escale : une île du sud de l’océan

ment inhospitalier ne peut qu’inspirer une peine

Indien qui, après cinq jours de navigation relati-

profonde à la pensée du sort des « naufragés de

vement calme même si nous avions dépassé les

Tromelin » qui au XVIIIe restèrent prisonniers -

quarantièmes rugissants, nous a dévoilé à l’aube

pendant quinze interminables années pour les

du 14 novembre ses côtes aux falaises déchique-

esclaves malgaches survivants, sept femmes et un

tées, sous une fenêtre météo typiquement « cro-

petit enfant de huit mois - sur ce caillou venteux

zétienne », caractérisée par un léger brouillard

et aride où même la pêche était rendue impossible

et une pluie fine persistante. Cette île, c’est la Pos-

en raison d’un océan par trop déchaîné. L’histoire

session dans l’archipel de Crozet, qui est divisé en

des TAAF porte les stigmates de nombreux épi-

deux groupes distants d’environ 110 km : à l’ouest

sodes tragiques de pertes de navires en mer qui

les îles aux Cochons, des Apôtres et des Pingouins

obligèrent leurs victimes à affronter les éléments

appelées « îles Froides » par le navigateur Marion

hostiles dans des conditions plus que précaires

Dufresne qui les découvrit en 1772, et dans la

voire, comme à Tromelin, absolument terrifiantes.

partie orientale la Possession et l’île de l'Est.


75 · TAAF

Nous avions vu émerger pour la première fois les

conduits jusqu’au Cap en Afrique du Sud après

petites têtes oranges et noires de quelques groupes

cinq jours de mer. Deux jours plus tard, nous

de manchots royaux, l’équipe d’Hélilagon avait

nous sommes envolés vers La Réunion, via

tout juste ravitaillé un « arbec », terme « taafien »

Johannesburg, des souvenirs plein la tête et des

désignant une cabane isolée destinée aux opéra-

milliers de photographies enregistrées sur nos

tions scientifiques, nous venions de faire des

cartes mémoire et disques de stockage numé-

clichés de la Roche Percée, arche haute d’une

rique.

centaine de mètres à quelques encablures de la Pointe des Moines au nord-ouest de l’île, quand

Dans le prochain numéro de BAT’CARRE, nous

soudain… le Marion Dufresne heurta un haut-

vous ferons partager notre expérience de douze

fond dans cette zone encore mal cartographiée.

jours à Europa, où nous avons bénéficié il y a quelques semaines du temps nécessaire pour

Le commandant nous apprit rapidement que la

réaliser un reportage beaucoup plus complet. La

situation était sous contrôle et le bâtiment stable,

vie en liberté d’espèces aussi magnifiques que les

mais que la tournée de ravitaillement des îles

fous à pieds rouges, les tortues vertes et, dans les

Kerguelen et Amsterdam devait être annulée afin

îles subantarctiques, les éléphants de mer, les

de garantir notre sécurité. L’ambiance à bord res-

papous… A l’heure où les scientifiques tirent la

tait sereine, personne n’ayant cédé à la panique,

sonnette d’alarme sur les inquiétantes dégrada-

mais une évidente déception se lisait sur les

tions environnementales qui rongent notre

visages, notamment ceux des chercheurs qui

planète, et insistent sur l’urgence qu’il y a dès

pour la plupart avaient planifié cette mission de

aujourd’hui à agir tous ensemble pour en limiter

longue date et savaient ne pas avoir la possibilité

les causes, les TAAF nous montrent qu’il existe

de la reporter. Tous les passagers ont ensuite été

encore au XXIe siècle des zones du globe prati-

évacués en hélicoptère sur la base Alfred-Faure,

quement intactes, et donnent la mesure de ce

où nous avons été accueillis durant neuf jours

que nous risquons de perdre définitivement,

dans une ambiance très conviviale par le chef de

dont la valeur est inestimable : des écosystèmes

district François Zablot. Le temps pour nous de

très peu perturbés par l’intervention humaine où

photographier à différentes reprises la mancho-

l’on découvre émerveillé les fragiles richesses

tière de la Baie du Marin en contrebas de la sta-

d’une nature encore à l’état pur.

tion, de randonner dans plusieurs sites magnifiques tels le Mont Branca, la Baie Américaine ou la Grotte du Géographe sur le plateau Jeannel, et d’entrevoir des lieux atypiques, royaumes de la mer et du vent, où s’ébattent en liberté albatros,

LA MISSION DES TAAF

pétrels, skuas et autres cormorans. Les plateaux rocailleux dénudés sont recouverts par endroits d’azorelles, qui forment à même le sol de grands coussins verts très sensibles au piétinement. Autre espèce végétale emblématique : le chou de Kerguelen, endémique des îles subantarctiques Kerguelen, Heard, Crozet et Marion. Notre séjour à Crozet ayant pris fin, le voyage de retour a été en soi une autre aventure, puisque nous avons embarqué sur le Léon Thévenin, câblier de France Telecom Marine, qui nous a

LES MANCHOTS ROYAUX JUVÉNILES SE RECONNAISSENT A LEUR FOURRURE ROUSSE


TA A F · 76

LA MISSION DES TAAF Les TAAF sont une collectivité française d’outre-

Sanctuaires de la faune et de la flore couvrant

mer créée le 6 août 1955 et dont le siège admi-

presque toutes les latitudes de l’hémisphère sud,

nistratif se trouve sur l’île de La réunion, sous la

les TAAF représentent des laboratoires uniques

responsabilité d’un préfet. L’administration

pour la recherche sur les grands enjeux de la pla-

supérieure des TAAF gère 2,39 millions de km²

nète. De nombreuses expéditions scientifiques

de zones économiques exclusives, soit la deuxième

sont conduites tout au long de l’année dans ces

zEE de France après la Polynésie française.

territoires en partenariat avec l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), et divers tra-

Ces immenses espaces protégés sont riches d’une

vaux sont menés avec le CNrS, le Centre na-

biodiversité terrestre et marine remarquable.

tional d’études spatiales (CNES), Météo France...

L’isolement géographique, les conditions clima-

En moyenne, 225 chercheurs français et étran-

tiques et une occupation humaine historique-

gers se rendent dans les TAAF chaque année pour

ment très limitée ont contribué au développement

œuvrer à travers une soixantaine de pro-

d’un fort endémisme et à des adaptations sin-

grammes.

gulières de la faune et de la flore. Par exemple, certaines Iles Eparses abritent des écosystèmes parmi les plus diversifiés et complexes de la planète, comme les mangroves ou les récifs coralliens fossiles. Avec près de 15 000 tortues allant pondre chaque année sur ses plages, l’île d’Europa est le premier site de ponte de tortues vertes de l’océan Indien. Ces îles tropicales sont reconnues en tant que stations de référence au niveau mondial. Autre exemple, celui des îles subantarctiques françaises : le caractère unique de leur patrimoine naturel a donné lieu à la création en 2006 de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, qui est la plus grande réserve naturelle de France et la principale zone humide protégée d’Europe, avec 700 000 hectares terrestres et 1 570 000 hectares de domaine maritime.

BRUNO MARIE ET STÉPHANIE LÉGERON



R END E Z-VO US B D · 78

SÉLECTION PATRICE EN COLLABORATION AVEC LES BULLES DE L’OCÉAN INDIEN

VIEILLES CLÉS, NOUVEAUX POUVOIRS

On retrouve la famille Locke dans ses démêlés avec les clefs magiques de leur demeure et les tentatives de Zack de s’approprier ces clefs et leurs pouvoirs… Série fantastique à plus d’un titre, Locke & Key est la nouvelle référence du genre. Le tome 4 est dans la même veine d’excellence que les trois premiers. Si vous appréciez l’idée d’utiliser des clefs pour ouvrir des têtes ou devenir un oiseau, ne manquez pas la lecture de cette série. Vivement la suite ! Locke & Key Tome 4 : Les clés du royaume Joe Hill ILLUSTRATION Gabriel Rodriguez ÉDITEUR Milady Graphics TITRE

SCÉNARIO

TÉMOIGNAGES ET RÉFLEXIONS

Périple kafkaïen et tragique de l’exilé N°214 qui doit justifier sa demande d’asile. Retour sur le passé, les ombres de sa famille « voix des aimés que la vie exila » le poussent à ne pas oublier. Les monstres aux différents visages, passeurs, escrocs… donnent une image des étapes effrayantes que subissent ceux qui s’embarquent dans ce voyage, parfois du non-retour « nous ne sommes qu’un petit tas d’os ». Hippolyte déborde d’imagination pour rythmer cet enfer onirique en jouant sur les contrastes de planches en noir et blanc, aux ambiances froides, à la luminosité solaire avec des dessins totalement épurés et d’autres foisonnant de détails. Une belle équipe où l’illustration et le scénario fonctionnent à merveille pour nous interpeller énergiquement sur ce que l’actualité noie dans son tourbillon déshumanisé.. Les Ombres Vincent Zabus ILLUSTRATION Hippolyte ÉDITEUR Phébus TITRE

SCÉNARIO

MANGA ET RENAISSANCE ITALIENNE

Archevêché de Pise, fin du XV e siècle, Cesare Borgia, toujours étudiant, laisse entrevoir ses ambitions et ses capacités à manipuler son entourage. Cesare est une œuvre rare : foisonnante, documentée, précise. Fuyumi Soryo (Eternal Sabbath) s’est adjoint les services d’un universitaire, spécialiste de la Renaissance italienne. Un grand soin est apporté à tout le contexte historique et visuel sans jamais perdre le lecteur. En complément, des notices explicatives permettent de bien comprendre les méandres de l’époque. Le paradoxe, une bande dessinée japonaise relate avec précision l’Histoire européenne ! Cesare, Il Creatore che ha distrutto Fuyumi Soryo SUPERVISION Motoaki Hara ÉDITEUR Ki-oon TITRE

SCÉNARIO ET ILLUSTRATION

DREAM, MORPHÉE, ONEIROS...

Après avoir récupéré ses attributs de maître des rêves dans le tome précédent, le Sandman se voit remettre la clef du domaine des Enfers suite au départ de Lucifer. Ne voulant pas de cette charge, il décide de donner les Enfers au plus méritant. Réédition d’une œuvre culte de la bande dessinée mondiale. À tous ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de poser les yeux sur cette œuvre magistrale, allez-y, foncez ! Le récit et les dessins sont riches ; le travail fourni par l’éditeur est de grande qualité et de nombreux bonus agrémentent le tout. Incontournable ! Sandman Volume II Neil Gaiman ILLUSTRATION Kelley Jones et al. ÉDITEUR Urban Comics TITRE

SCÉNARIO






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