Bat'Carré N°12

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numéro 12 // septembre - octobre - novembre 2014

LA CITÉ DU VOLCAN PAUL & VIRGINIE PAOLA BASSANI AMBROISE VOLLARD

Voyage en Italie

CARRÉ

BAT’



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CARRÉ

BAT’

ÉVASION CULTURELLE ÉVASION JEUNESSE ÉVASION CULTURELLE ÉVASION ROMAN AU CŒUR DE L’ÎLE LA CITÉ DU VOLCAN ESCAPADE L’ITALIE EN VOIE FERRÉE PATRIMOINE VOYAGE AVEC UN GÉANT OCÉAN INDIEN PAUL & VIRGINIE BEAUX-ARTS SUR LES PAS DE GIORGIO BASSANI RENCONTRE PAOLA BASSANI, LE CHANT DU CYGNE HORIZON AU BORD DES RIZIÈRES VOYAGE-VOYAGE LA CÔTE AMALFITAINE, BEAUTÉ VERTIGINEUSE BALADE LITTÉRAIRE UN PEU DE LITTÉRATURE ITALIENNE AU FIL DES FESTIVALS CIAO RÉUNION TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES TERRE ADÉLIE, VOYAGE SUR LE CONTINENT DES GLACES PAPILLES EN FÊTE DÉLICE AU CHOCOLAT ET SES TUILES AUX AMANDES

Erratum Dans le précédent numéro, la photographie de Bataye Kok a été injustement attribuée à Hippolyte, or elle était de Nicolas Anglade. Toutes nos excuses à l’auteur.

Tous droits de reproduction même partielle des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

Couverture Photographie DR Éditeur BAT’CARRÉ SARL trimestriel gratuit

Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 24 98 76

Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463

Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs Jean-Paul Tapie, Pierre-Henri Aho, Dominique Louis, Stéphanie Légeron, Benoît Vantaux et Francine George

Secrétaire de rédaction Aline Barre

Création & exécution graphique Crayon noir

Développement web Anli Daroueche et New Lions Sarl

Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org

Vifs remerciements à à Patrice Huet, Bernard Leveneur, Paola Bassani, Marinette Delanné, Mirella Dayan, Concetta Laguardia et toute l’équipe de Ciao Réunion. pour leur précieuse collaboration à ce numéro.

Publicité Francine George : 0262 28 01 86

Photographes Sébastien Marchal, Thierry Hoarau, Christian Vaisse, Marinette Delanné, Jean-Noël Énilorac, Bruno Marie, Collections privées Paola Bassani et Pierre-Henri Aho.

Distribution TDL Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André DL No. 5565 - Novembre 2013


Le patrimoine est, cette année, fêté avec ses jardins. Une belle façon de regarder au plus près la nature, belle, mais parfois meurtrière, quand ce n’est pas nous qui la meurtrissons. En ce sens, la nouvelle Cité du Volcan nous invite à revoir notre position d’humain face à la Terre qui gronde sous nos pieds. Autre très belle exposition à visiter qui allie botanique, patrimoine et lyrisme, Paul & Virginie, au musée Léon Dierx. L’Italie, vue par le prisme de l’association Ciao Réunion, nous a offert de grands moments de plaisir. Leur second festival du film italien, dont vous allez retrouver la rétrospective, avait comme pivot, Le Jardin des FinziContini. Ce fut un grand succès qui nous a permis de rencontrer la fille du célèbre écrivain Giorgio Bassani. Elle retrace, pour Bat’Carré, la trajectoire de son père dans l’histoire de l’Italie sous Mussolini. Enfin, la côte Amalfitaine permet de s’évader en toute légèreté, et pour dialoguer avec les amants des Mascareignes, de mettre en évidence toute sa splendeur romantique.

Francine George

Bonne balade sur

www.batcarre.com



SÉLECTION FRANCINE GEORGE EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE GÉRARD

Fabienne Jonca - Marion

Pradier

La Réunion des enfants Océan Éditions

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balades Guide avec plus de 200 de loisir et activités de sport et

MOI, QUAND JE SERAI GRAND, JE SERAI VOYAGEUR

!

Un bel album aux couleurs de l’arc-en-ciel pour faire rêver les petits. « Je pars avec le vent rejoindre l’horizon. » et nous voguons avec lui dans l’imaginaire de l’enfance ! Mickaël El Fathi Océan Jeunesse

TEXTE ET ILLUSTRATIONS ÉDITIONS

LES ROIS DE LA SAPE

Dans un tout autre style, l’album nous emmène au pays des ambianceurs, de Brazzaville à Kinshasa. Histoire de mode, histoire de clans, histoire de rire et de détourner l’attention. Une belle fable aux couleurs chatoyantes. Christian Epanya Océan Jeunesse

TEXTE ET ILLUSTRATIONS ÉDITIONS

LA RÉUNION DES ENFANTS

Un brin pédagogique, un brin poétique, un brin burlesque, cet album très bien documenté donne envie de prendre son sac à dos et de partir se balader ! Plus de deux cents activités y sont répertoriées avec plein d’idées, d’adresses et d’astuces. Le papier est joyeux au toucher, les couleurs sautent aux yeux sans agressivité, les dessins courent d’une page à l’autre, les textes sont concis et tutoient le jeune lecteur, comme s’il s’agissait de son copain de toujours. Fabienne Jonca Marion Pradier ÉDITIONS Océan Jeunesse TEXTE

ILLUSTRATIONS

UNE ÎLE, LA RÉUNION DES ÉLÉMENTS

Album à destination des tout-petits, les belles photos invitent à le feuilleter aussi en famille. L’eau, l’air, la terre, le feu, sous l’œil poétique d’un collectif de photographes donnent à l’ensemble un air de vacances, ou du moins, de pause récréative. TEXTE Christelle J. Minier Anne Affortit, Bastien Brillard, Thomas Giraud, Corinne Granger, Stéfan Grippon, Christelle J. Minier, Py Jordan et Jo Waelkens ÉDITIONS Moka

PHOTOGRAPHIES

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ÉVASION JEUNESSE



SÉLECTION FRANCINE GEORGE EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE GÉRARD

LE CONFIDENT

Premier roman époustouflant mené de façon originale et qui laisse des traces. Camille vient de perdre sa mère et parmi les lettres de condoléances, elle reçoit un courrier étrange qui semble parler d’un temps lointain qui ne la concerne pas. Et tous les mardis, une nouvelle lettre, non signée, de plus en plus précise, remonte le fil de l’histoire. Une époque qu’elle n’a pas vécue, de 1938 à 1942. Très troublant, mené tambour battant, il est impossible de lâcher ce livre avant la fin, qui, coup de théâtre réussi, nous donne juste envie de recommencer à la première page ! Extrait : « Espérait-elle, en vomissant tous ses souvenirs, que je lui pardonnerais tout ce qui ne s’était jamais passé entre nous ? » AUTEUR

Hélène Grémillon Folio

ÉDITIONS

LA VIE SANS FARDS

La grande écrivaine guadeloupéenne livre ici ses souvenirs intimes et le début de sa vie de femme dans les turbulences de l’époque où la pilule n’existait pas, où son métier d’enseignante était chichement rétribué, mais surtout sa conscience politique qui s’éveille en Guinée, au Ghana sous les auspices d’Aimé Césaire et Frantz Fanon. Et c’est en cela que ce roman autobiographique, beau, fort, courageux, revêt une portée universelle sur l’apprentissage de la vie et des utopies politiques. Extrait : « Pourquoi faut-il que les autobiographies ou les mémoires deviennent trop souvent des édifices de fantaisie d’où l’expression de la simple vérité s’estompe, puis disparaît ? » Maryse Condé JC Lattès et Pocket

AUTEUR ÉDITIONS

RECONNUS

Incroyablement drôle, un petit livre plein de grâce, d’humour et de fantaisie, qui derrière l’anecdote, pointe les travers de notre époque attachée à l’éphémère. Extrait : « Dans une rue de Paris, roule à très faible allure une Cadillac, décapotée et rose bonbon. Au volant, coiffé d’un énorme casque audio, chaussé de lunettes bleues, le chanteur Christophe, raide, figé, on croirait voir passer un Playmobil géant. » À lire et à relire pour passer un bon moment et titiller votre curiosité sur les centaines de célébrités qui font une brève apparition dans un contexte inhabituel. Guy Robert Arbre Vengeur

AUTEUR ÉDITIONS

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ÉVASION ROMAN



LA CITÉ TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE THIERRY HOARAU

La Maison du volcan, aujourd’hui devenue la Cité du volcan grâce à sa très belle rénovation qui réussit à marier, dans un cadre magnique, apport de connaissances et plaisir d’apprendre, a ouvert ses portes début août. Une visite époustouante à faire et à refaire. Il est impensable de vivre à La Réunion, ou même d’y passer quelques jours, sans aller à la Cité du Volcan s’imprégner de l’épopée volcanique de l’île.

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AU COEUR DE L’ÎLE


DU VOLCAN


Le hall d’entrée est dédié au couple Maurice et Katia Krafft, illustres volcanologues, qui furent à l’initiative de la Maison du Volcan et de sa conception scientifique. Trois films, dont un en anglais, y sont présentés. L’un et l’autre revivent ainsi par le truchement de pyramides holographiques en racontant l’histoire des volcans. Originaires de l’Est de la France, ils se rencontrèrent sur les bancs de l’Université en 1966 et se marièrent quatre ans plus tard. Passionnés depuis leur jeune âge par les volcans, ils consacrèrent toute leur vie à parcourir le monde à l’écoute de la première irruption. Ils comptabilisent plus de 150 visites de volcans à leur actif. Lui à la caméra, elle à la photo. Dans les années 70, ils fondent le Centre de Volcanologie Vulcain à Cernay, en Alsace, et publient le premier de la vingtaine d’ouvrages scientifiques qui suivront. Puis, ils se sont investis dans le projet Vulcania en Auvergne. Leur travail colossal de 25 ans d’études représente une collection unique au monde. La maison du Volcan a ouvert ses portes en 1992. Ils n’ont malheureusement pas pu l’inaugurer. Ils sont décédés le 3 juin 1991, emportés par leur passion lors de l’éruption du volcan japonais Unzen. Ironie du sort, au même moment, leurs travaux sur la sensibilisation aux risques majeurs des volcans explosifs ont permis de sauver de nombreuses vies lors de l’irruption, après 500 ans de sommeil, du Pinatubo aux Philippines.

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AU COEUR DE L’ÎLE



Premier niveau La visite commence par une belle mise en situation. Nous entrons dans un tunnel de lave, comme si nous étions dans les entrailles de la Terre. Les parois se ssurent, la lave est prête à couler, le sol tremble, le trémor volcanique est en action… Pas de panique, nous n’avons que quelques marches à monter pour arriver dans le hall lumineux où les visages des Kra nous accueillent. À l’extérieur, on devine la structure métallique de la pyramide principale.

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AU COEUR DE L’ÎLE

Visite du premier étage. En préambule, nous sommes happés, dans une salle circulaire, par un écran panoramique géant de 270° qui, en huit minutes, raconte comment le système solaire s’est formé, il y a cinq milliards d’années. Quelques souvenirs d’école remontent à la surface pour se greffer sur cette démonstration éloquente qui mentionne l’existence de volcans extraterrestres. Nous entrons maintenant dans le vif du sujet. Quatre grandes salles, de couleur et d’ambiance différentes, sont organisées sur le même principe, un totem tactile avec che d’identité de la thématique à l’entrée, un grand mur d’image avec une longue frise qui déroule en dessins le sujet, au centre, quelques installations interactives pour s’amuser ou pour découvrir, en jouant, les milliers d’informations recueillies, des quizz qui

permettent de patienter en attendant les autres, visite familiale oblige, ou de tester ses connaissances avec un niveau adulte et un niveau enfant ; parfois, il n’est pas inutile de rester modeste... Reprenons la visite. Première salle donc, Objectif volcan, une introduction au volcanisme avec des plans de coupe et la répartition des volcans effusifs, les volcans rouges, comme à La Réunion et les volcans explosifs, les volcans gris, comme dans la ceinture de feu du Pacique.


Seconde salle, Coulées, fontaines, Bombes, les productions du volcanisme, et surtout l’histoire surprenante, presque émouvante, de la formation de l’île de La Réunion, il y a… huit millions d’années. Petit aparté, le Bathyscaphe… Nous nous installons dans de vieux canapés en cuir, très confortables, à l’intérieur d’un espace susceptible d’être un sous-marin, bien rouillé, où Jules Verne pourrait s’inviter tandis qu’un lm nous décrit le volcanisme sous-marin et la construction sous-marine des volcans. Il est vrai que les scientiques recensent environ 1500 volcans sur terre et 1,5 million en milieu sous-marin !

Troisième salle, Vivre sur une île volcanique, plans de coupe, photos, articles de journaux affichés sur le mur d’image pour nous parler des risques volcaniques et des risques gravitaires à La Réunion. Fissures éruptives de l’enclos pour les risques volcaniques, et pour les risques gravitaires, chutes de pierres, effondrements, glissements de terrain dus à la structure en mille-feuilles des remparts et falaises de l’île. Nous le savions déjà, mais condensé de la sorte, ça devient presque un scénario de sciencection annonçant la n du monde.

Quatrième salle, on respire ! Les volcans, sources de vie. Un arbre et de la verdure nous accueillent pour montrer le foisonnement végétal qui pousse sur un sol issu de l’altération de la roche volcanique. Autour de l’arbre, une banquette sur laquelle nous prenons un temps repos pour contempler Dame Nature sous son meilleur jour.

AU COEUR DE L’ÎLE

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Second niveau Nous longeons une grande galerie qui raconte les mythes et légendes générés par les volcans. De tout temps, les phénomènes volcaniques ont été considérés comme le signe de la colère des Dieux et nombre de rituels, d’une croyance à l’autre, ont été imaginés pour tenter de se protéger. À La Réunion, le Piton de la Fournaise a inspiré de nombreuses légendes, à commencer par celle de Gran Mèr Kal. Puis, autre tranche de la galerie, nous redevenons pragmatiques pour suivre l’évolution des explorations scientiques jusqu’à nos jours, où il est montré que nous avons encore beaucoup de choses à découvrir.

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AU COEUR DE L’ÎLE

Aux XVIII e et XIX e siècles, ce sont, avec un autre regard, des naturalistes qui ont effectué les premières ascensions du Piton de la Fournaise. Plus loin, une vitrine, avec au milieu de grandes photographies en noir et blanc, raconte, à elle seule, toute une histoire, un drapeau, une lampe bricolée dans une bouteille et des souliers en gonis – toiles de jute – panoplie des premiers guides réunionnais. Ensuite, nous entrons dans la salle aux trésors, une Lithothèque où les échantillons de cristaux, de roches volcaniques de toutes formes sont exposés, tels les bijoux de la Terre, dans une salle, toute blanche, où il suffit d’admirer.

Puis, dernière visite, nous descendons trois marches pour pénétrer dans le laboratoire scientique, synthèse des instruments d’observation de la respiration volcanique, expériences multiples et avancées des conclusions. Pour être plus disponible lors de votre visite à la Cité du volcan, une ludothèque particulièrement réjouissante accueille les enfants de 6 à 12 ans.



Le Conseil Régional qui a conduit la rénovation de la Maison du volcan a voulu en faire un pôle d’attraction touristique, ainsi qu’un centre pédagogique et scientique international. Pour ce faire, le troisième étage est doté d’un auditorium de 280 places nommé Alfred Picard, du nom du plus célèbre des guides réunionnais. Il a conduit, de 1920 à 1978, la plupart des expéditions vers le Piton de la Fournaise. Juste à côté, le centre de documentation rassemble livres récents et anciens sur les sciences de la Terre, ainsi que des thèses universitaires plus particulièrement axées sur l’île de La Réunion.

Des postes multimédias sont mis à disposition pour parcourir ces données. Patrice Huet, le directeur scientique de cette nouvelle Cité du volcan, originaire de Saint-Joseph, explique que la démarche de rénovation s’est d’abord appuyée sur les expériences qui existent ailleurs, Cité des Sciences à Paris, mais aussi en Australie, pour imaginer un parcours muséographique qui intègre les dernières innovations technologiques au prot du savoir autant que du ludique. Enn, avant de partir, la tête dans les nuages et les yeux remplis d’étoiles, n’oubliez pas de vivre l’expérience du 4D ! La salle de Cinéma Maurice et Katia Kra vous plonge, en effet, pendant huit minutes au cœur du Piton de la Fournaise et là, secousses émotionnelles garanties, lorsque vous détachez la ceinture de votre fauteuil, vous ne savez même plus qui vous êtes !

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AU COEUR DE L’ÎLE



en voie ferrée

TEXTE JEAN-PAUL TAPIE PHOTOGRAPHIE DR


La guerre a du bon. Enn, parfois. Prenez par exemple les via ferrata. Mais avant cela, réglons un problème : via ferrata est un mot latin ; j’imagine donc que le pluriel devrait être viae ferratae. Si l’on considère que le mot, de latin, est devenu italien, via ferrata au pluriel devrait devenir vie ferrate. Si l’on tient compte du fait que cet article est écrit en français, on peut y aller carrément et franciser le pluriel : vias ferratas. Mais comme cet article La guerre a du bon. Enn, parfois. Prenez par exemple les via ferrata. est écrit par moi et que c’est moi qui décide, je vais m’en Mais avant cela, réglons un problème : via ferrata est un mot latin ; j’imagine donc que le pluriel tenir à mon premier pluriel, via ferrata. devrait être viae ferratae. Si l’on considère que le mot, de latin, est devenu italien, via ferrata au pluriel devrait devenir vie ferrate. Si l’on tient compte du fait que cet article est écrit en français, on peut y aller carrément et franciser le pluriel : vias ferratas. Mais comme cet article est écrit par moi et que c’est moi qui décide, je vais m’en tenir à mon premier pluriel, via ferrata.

Remontée aux origines Les via ferrata sont nées au milieu du XIX e siècle en Autriche. Mais c’est en Italie, durant la première guerre mondiale, qu’elles ont connu leur véritable essor. Pas, comme aujourd’hui, pour permettre à des randonneurs qui n’ont pas forcément le pied d’un cabri de franchir des parois rocheuses au lieu de les contourner. Non, les premières via ferrata italiennes ont été installées pour faire la guerre. À l’époque, Autrichiens et Italiens s’affrontaient sur leur frontière commune qui traversait les Dolomites (montagnes qui tirent leur nom d’un savant français, Dolomieu, mais c’est une autre histoire que je vous conterai un autre jour). Tous les soldats italiens n’ayant pas le pied montagnard, certaines parois un peu raides furent équipées de câbles, d’échelles, de marche pieds métalliques, de planches et de cordes aussi, permettant ainsi à ces soldats d’aller se faire tuer proprement, comme le règlement militaire l’exige, sans risquer de basculer avant cela dans le vide.

ESCAPADE

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Les via ferrata ne furent pas démontées après la guerre et les gens du coin, comme ceux des villes voisines, prirent l’habitude de parcourir les montagnes italiennes en utilisant ces facilités. Comme tout le monde les appréciait, elles furent soigneusement entretenues, remplacées, améliorées, renforcées et traversèrent ainsi èrement le vingtième siècle, ne servant plus qu’aux civils, et plus jamais aux militaires, qui leur préféraient l’avion pour bombarder l’ennemi. C’est plus propre et moins risqué. Ce qui explique la dénition de la via ferrata : itinéraire sportif, situé dans une paroi rocheuse, équipé avec des éléments spéciques (câbles, échelles, rampes, etc.) destinés à faciliter la progression et optimiser la sécurité des personnes qui l’utilisent.


Escalade du succès Des via ferrata, il y en a aujourd’hui un peu partout en Europe, et notamment en France, mais les via ferrata italiennes conservent une spécicité : ce ne sont pas des attractions touristiques que l’on parcourt en deux ou trois heures après avoir loué son matériel au pied de la paroi ; ce sont des passages, des transitions, des franchissements situés au milieu d’un sentier de randonnée, qui permettent ainsi de parcourir de longues distances dans un massif montagneux. Par exemple, le massif de la Brenta, près de Madonna di Campiglio, que l’on peut parcourir en cinq ou six jours, alternant sentiers et via ferrata. Des refuges au confort autrichien et à la carte de restaurant italienne (ce qui est mieux que l’inverse) attendent à intervalles réguliers les randonneurs. Dans le massif des Tre Cime di Lavareddo, près de Cortina d’Ampezzo, les randonnées sont moins longues, mais peuvent néanmoins s’étendre sur deux, trois ou quatre jours. Le succès de ces via ferrata remises au goût du jour a inspiré les responsables de stations d’altitude en mal de sensations à offrir à leurs clients estivaux. On en trouve désormais dans les Alpes, notamment dans la région de Briançon et de Bourg d’Oisans. On en trouve même une à La Réunion, dans le site de la cascade Niagara. L’ennui, c’est que la plupart de ces nouvelles via ferrata sont davantage conçues comme des attractions de fête foraine que comme des parcours d’initiation à l’escalade, comme celle qui se trouve dans la vallée de Freissinières, au-dessus d’un petit hôtel baptisé Les cinq saisons, que je m’autorise à vous recommander au passage. Mais bon, ne faisons pas la ne bouche, les sensations sont toujours au programme. Il n’y a rien de plus excitant que de parcourir une via ferrata avec un groupe d’amis. Photos époustouantes garanties. Allez vous initier sur le site de Niagara. Bon, je sais, vous dites Niagara, vous pensez chutes, et ce n’est guère enthousiasmant. Mais rassurez-vous : tout au long du parcours, vous serez relié à un câble par une ligne de vie, dont vous découvrirez qu’elle n’a pas volé son nom !

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ESCAPADE



AUTEUR PIERRE-HENRI AHO ILLUSTRATION DROITS RÉSERVÉS PIERRE-HENRI AHO

Voyage avec un Aucun Réunionnais n’est jusqu’à ce jour aussi mondialement connu qu’Ambroise Vollard. Certes, son nom d’origine mauricienne n’est pas forcément associé à son identité créole, mais au prestige de la Belle Époque, à Paris où il est arrivé en 1887. Quelque peu sensationnaliste avec les mystèresliés à sa succession, le personnage bénéficie d’une renommée internationale sans équivoque et son inestimable collection constitue un pan majeur de l’histoire de la peinture moderne. En s’attardant aux détails de sa vie exceptionnelle, Vollard ne cesse de surprendre et d’intriguer. Il n’y a pas que le succès de « ses tableaux » qui attestent de son fabuleux parcours : ses publications en tant qu’auteur ou éditeur, ainsi que ses archives personnelles, sont aujourd’hui convoitées par les chercheurs et institutions de renom, ainsi que par d’avides collectionneurs.


le voyage aux amériques Bien qu’il ne soit jamais revenu dans son île où il naquit en 1866, Vollard évoquait fréquemment des souvenirs passés sur « la perle de l’océan Indien », dont il aimait décrire la beauté et le bonheur d’y avoir appris la vie. Il partageait spontanément à quiconque voulait l’entendre des anecdotes de son enfance paradisiaque qui l’avait prédestiné à aimer les formes et les couleurs. Hormis le voyage en mer qu’il fit pour quitter définitivement La Réunion et venir faire ses études en métropole, Vollard ne prit qu’une seule autre fois le paquebot en direction des États-Unis sur l’invitation d’un de ses plus fidèles clients. Lorsqu’il arrive à New York, à 70 ans, il est au pic de sa légende qui ne cessera de croître. Il n’est pas incongru de s’intéresser à ce voyage qui a laissé pour la postérité des traces tangibles de l’extraordinaire célébrité de Vollard, et qui fut l’occasion de publier un de ses portraits jusqu’ici inconnu des biographes. Ce portrait dessiné au fusain avec des rehauts de pastel par Samuel J. Woolf a été reproduit par le New York Times le 15 novembre 1936.

PATRIMOINE

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Comme en atteste la une du jour, l’Europe s’en va de nouveau en guerre. Notre richissime esthète créole a, lui, fini sa carrière. Il a fait des profits immenses avec ses expositions de tableaux, dont il regorge encore, et s’est presque entièrement consacré à l’édition d’ouvrages dont la beauté n’aura que peu d’égal dans l’histoire du livre. Les livres d’art publiés par ses soins sont en effet les premiers du genre ; Vollard éditait des ouvrages le plus souvent illustrés de gravures inédites par des peintres de renom n’ayant pas pour habitude de graver, mais qui, à sa demande, se prirent au jeu, pour le plus grand plaisir des bibliophiles. Ce faisant, il poursuivit une noble entreprise que Rembrandt initia en tant qu’artiste au XVIIe siècle, l’édition d’estampes, favorisant ainsi la diffusion des images au plus grand nombre. N’oublions pas que ni la télévision, ni l’Internet n’ont encore fait leur apparition et que le livre demeure encore à cette époque le vecteur le plus universel de la connaissance...

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« Fabulous Ambroise » titra un autre célèbre journal new-yorkais dès son arrivée sur le sol américain où il passa plusieurs semaines. Il gardera un excellent souvenir de l’hospitalité légendaire des Américains. À l’occasion de son séjour, Vollard fut reçu très chaleureusement, voire en grande pompe. La presse semblait friande de ses moindres faits et gestes. Il accorda des entretiens et s’exprima même longuement à la radio pour expliquer comment et pourquoi il avait pu, lui né sous des cieux tropicaux lointains, découvrir et lancer des peintres tels que Picasso, Gauguin, Matisse, Cézanne, Degas, Renoir sans oublier Van Gogh… Ce qui lui avait valu fortune ! Car, bien sûr, ce qui intéressait encore plus les Américains, toujours admiratifs du succès, c’était combien valait l’homme, le businessman visionnaire ? La récente crise économique avait pour le moins prouvé à quel point l’investissement dans l’Art était un gage sûr de rentabilité, et Vollard en était la parfaite incarnation.

En fait, le célèbre Réunionnais était invité par son meilleur client et par le marchand Étienne Bignou, qui voulait jumeler ce séjour avec l’inauguration d’une exposition qu’il organisait dans sa propre galerie new-yorkaise sur Cézanne. On dit que Cézanne a donné la « liberté » à la peinture ; sachant le sens qu’attachent les Américains à ce paradigme démocratique, ainsi que le rôle fondamental de Vollard dans la reconnaissance de l’œuvre du peintre aixois, on comprend mieux pourquoi ce voyage engendra un certain impact médiatique. Le fameux client américain de Vollard était le Dr Barnes, qui possédait déjà à cette époque 100 Cézanne et 200 Renoir, entre autres, exposés dans une fondation portant son nom. Pour l’anecdote, Vollard faillit y perdre la vie en faisant une chute dont il se souviendra longtemps. Il prononça toutefois dans ce lieu malheureusement inaccessible au commun des mortels 1, une conférence très courue. Comme par hasard, l’éditeur Little Brown publia au même moment, en 1936, après en avoir acheté à grand prix l’exclusivité dix ans auparavant,

PATRIMOINE

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Le Dr Barnes avait offert à des musées certains de ses tableaux qui furent jugés artistiquement irrecevables. Rancunier, il interdit la fréquentation de ce haut lieu de l’art moderne au plus grand nombre, sauf aux spécialistes et aux américains qui en font la demande…


les incontournables mémoires du galeriste. Pour qui s’intéresse à l’histoire de l’art, ce livre est une référence. La version française, augmentée et connue sous le titre « Souvenirs d’un marchand de tableaux »2, ne sera publiée chez Albin Michel à Paris que l’année suivante, ornée d’un portrait de Picasso en frontispice. l’histoire du portrait Mais revenons à cet article du New York Times Magazine et au portrait de Vollard qui y est reproduit. Il nous enseigne sur une pratique journalistique aujourd’hui disparue. Car Woolf est l’auteur de l’article, mais aussi du dessin. Il est reconnu aux États-Unis pour les nombreux portraits qu’il réalisa à titre de journaliste dans de grands journaux et principalement au New York Times. De plus, Woolf faisait systématiquement signer le dessin exécuté durant son entrevue par son invité. Il offrait ainsi tout à la fois l’autographe du sujet, son portrait pour illustrer ses articles de fond sur les visiteurs célèbres de passage dans les locaux d’un des quotidiens d’informations les plus respectables de la planète. Plusieurs des œuvres originales de Woolf sont conservées à la National Portrait Gallery à Washington, d’autres sont dans des collections jusqu’en

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Australie. Elles représentent de très rares portraits de célébrités tels qu’Einstein, Walt Disney, Ford, Roosevelt, Edgar Poe, Clémenceau ou Léon Blum. Picasso affirmait que Vollard que la plus belle femme de Paris n’aura pas eu autant son portrait exécuté par des peintres que Vollard. Si la multiplicité des portraits de notre marchand de tableaux préféré dernièrement répertoriés par Jean-Pierre Morel peut, en effet, paraître surprenante, celui de Woolf nous montre un homme dont la vie semble suivre un long fleuve tranquille. Sur la quasi-centaine d’images, rares sont celles où Vollard a une mine heureuse. Cependant, beaucoup d’écrits de ses contemporains relatent du bon vivant enjoué et témoignent fort justement de l’homme imposant aux yeux étincelants et au regard déterminé que l’on voit ici. Le portait aujourd’hui retrouvé apparaît par ailleurs comme un des derniers exécutés du vivant de Vollard - hormis ceux de Rouault et de Picasso, le peintre le plus marquant du XXe siècle en ayant gravé trois pour une édition d’art renommée, la fameuse « Suite Vollard ». Rajoutons enfin au sujet de ce dessin original et inédit qu’il fut conservé par Marvin Sadik,

l’un des fondateurs et directeur émérite de la National Portrait Gallery de Washington, qui semble avoir précieusement conservé cette œuvre dans sa collection ; on le comprend, les portraits originaux représentant un des plus célèbres modèles des peintres du début du XXe siècle sont rares, que dire de ceux exécutés par des artistes américains. Il y a quelque chose d’authentique dans ce portrait qui fait aujourd’hui chemin inverse, un retour au pays natal, pour révéler sa renommée universelle. Totalement inconnu, si ce n’est des archives américaines, ce portrait n’a jusqu’ici pu retenir l’attention des chercheurs et amateurs. Pourtant il s’agit bien d’une figure de référence pour notre honorable concitoyen puisque le New York Times publiera à nouveau ce rare dessin de Woolf lors du décès de Vollard en juillet 1939.

Il convient de préciser que les écrits d’Ambroise Vollard sont hétéroclites. Outre ses délires pataphysiques avec le roi Ubu qu’il reprit d’Alfred Jarry, il publia de nombreux articles ainsi que plusieurs ouvrages qui demeurent une base essentielle des connaissances historiques sur l’art moderne et ses peintres les plus représentatifs.


Paul & Virginie Pour commémorer le bicentenaire de la disparition de Bernardin de Saint-Pierre, auteur du célèbre roman Paul et Virginie, le musée Léon Dierx lui consacre une splendide exposition, sans doute la plus belle réalisée à ce sujet. L’histoire dont l’action se déroule en île de France, à Maurice, est ancrée, à tout jamais, dans le patrimoine des Mascareignes.

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

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OCÉAN INDIEN



Quelques trois cents gravures, rares éditions de l’époque, sculptures, lithographies, affiches, objets d’art décoratif… mettent en scène ce roman mythique qui a connu au XIX e siècle un succès planétaire, traduit, à l’époque, en une trentaine de langues. La première salle, rouge cardinal, introduit à l’univers de Paul & Virginie, avec le portrait de celui à qui nous devons la plus belle histoire d’amour des Mascareignes, comparable à la tragédie de Shakespeare, Roméo & Juliette. Source intarissable d’inspiration, de nombreuses éditions sont exposées sous verre. Tableaux, dessins, caricatures, gravures, affiches de pièce de théâtre, d’opéra, de lm… parcourent les murs, donnant l’impression qu’il s’agit de l’antichambre d’une création divine ! Les trois autres salles, chacune dans une couleur différente, bleue pour l’enfance, verte pour la séparation, pourpre pour le naufrage, se succèdent avec autant de bonheur. Il y a de quoi passer des heures à regarder chaque pièce exposée. Au sol, un extrait est subtilement marqué au pied du mur pour rappeler qu’il s’agit d’un voyage en images dans une oeuvre littéraire.

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OCÉAN INDIEN

Dans la partie de l’enfance, la gaité domine. Les deux mamans bercent ensemble leur progéniture, malgré les différences sociales qui les séparent. Toute une évolution des multiples interprétations du roman se fait jour. Dans un premier temps, Paul et Virginie, surpris par la pluie se protègent avec un pan de jupe relevé. Puis, au fur et à mesure, cette anecdote sera transformée, et, la fonction parapluie sera assumée par une magnique feuille de palmier, nettement plus exotique. Parce qu’il s’agit bien là - au-delà de la tragédie habituelle des amoureux issus de familles différentes, d’un côté l’enfant bâtard et de l’autre la noblesse désargentée - du cœur du roman, le rapport à une nature sauvage et luxuriante. Bernardin de Saint-Pierre, botaniste, nommé capitaine ingénieur du roi, a passé deux ans, de 1768 à 1770, à l’île Maurice, et pouvait la décrire avec précision. À son retour, il se lie d’amitié avec Jean-Jacques Rousseau, dont il devint le disciple, et avec lequel il partage sa passion de la nature.



Retour à l’exposition. Dans la salle suivante, les jeunes enfants devenus adolescents commencent à se déclarer leur amme, et là, forcément, leurs amours doivent être contrariées. Toutefois, leur périple conduit l’auteur à décrire, et il fut un des premiers à le faire, les conditions de l’esclavage dans les plantations mauriciennes. Entre en scène aussi, le gouverneur de l’époque, Mahé de La Bourdonnais. Comme dans tous les grands romans, le fond historique, toujours très bien cerné, rend plausible l’histoire romanesque. Dans le cas de Paul & Virginie, c’est d’autant plus vrai que leurs tombes existent bien au Jardin de Pamplemousse, donnant ainsi chair aux personnages de ction. Mais, n’anticipons pas la n.

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OCÉAN INDIEN

La tante de Virginie, fortunée, fait venir sa nièce en France pour lui apprendre les bonnes manières, lui préparer un beau mariage et lui léguer, éventuellement, sa fortune puisqu’elle n’a pas d’enfant. La séparation est cruelle, les illustrations s’assombrissent nettement. Il s’agit là d’un effet de mise en scène, qui nous prépare progressivement au dernier acte. Virginie décide de rentrer, elle ne peut pas supporter la vie, si loin de Paul, et de la nature paradisiaque de son enfance. Et, à partir du naufrage réel du Saint-Géran, Bernardin de SaintPierre décrit la disparition de Virginie, tout près du rivage, sous les yeux tétanisés de Paul qui ne peut rien faire. Apothéose de l’histoire dont l’exposition s’achève, là, dans le plus grand lyrisme.



TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE MARINETTE DELANNÉ

Sur les pas de Bassani Ferrare, située entre Bologne et Venise sur le delta du Pô, phare de l’Italie du temps de la Renaissance, est revenue sur le devant de la scène sous la plume de Giorgio Bassani qui y campe son œuvre romanesque. Lorsque Gallimard a publié les écrits uniés de Giorgio Bassani en un seul ouvrage, intitulé Le roman de Ferrare, ce fut le déclic pour la photographe Marinette Delanné 1 qui se languissait, après Kaa, de retrouver un auteur avec lequel elle pourrait dialoguer en images. Elle prit alors contact avec la Fondation Giorgio Bassani et, de là, est née l’exposition Sur les pas de Giorgio Bassani. Des photos, tout en profondeur, où le silence se voit, le temps s’imagine, l’âme des personnages imprègne la pellicule et se reète dans la lumière irisée, juste après l’ondée. Lors de la seconde édition du Festival du lm italien, l’association Ciao Réunion a fait venir cette exposition et Marinette Delanné qui a pu, ainsi, échanger avec les Réunionnais sur cette vision littéraire de Ferrare.

1

Marinette Delanné est photographe depuis 30 ans, passionnée de littérature, de voyages et d’arts.


Flash sur l’édification de Ferrare Pour comprendre Le roman de Ferrare, il n’est pas inutile de resituer la ville dans son contexte historique. À l’époque de la Renaissance, Ferrare a connu son apogée sous l’égide de la famille d’Este qui en a fait le centre culturel et artistique le plus important d’Europe. Les remparts qui entourent la ville ont permis de conserver le tissu urbain d’origine, avec, en son centre, l’imposant château d’Este à partir duquel débute l’artère principale longée de palais, grands domaines et parcs. Au croisement des deux grands axes - le Quadrivio degli Angeli - se multiplient les plus beaux édifices du XVe siècle dont le célèbre Palais des Diamants, recouvert de parement en marbre blanc sculpté en pointes-dediamant. Entre la Cathédrale SaintGeorges et l’Université, se concentre, au sud, la partie médiévale de Ferrare au sein de laquelle, sous des arcades voutées s’échappent des venelles étroites, des maisons closes et, en un point central du ghetto, Via Mazzini, se dresse la synagogue avec, de part et d’autre de la grande porte, deux plaques commémoratives.

BEAUX-ARTS

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C’est pour cette beauté préservée, cet

Tout commence sur le Rempart des

Sur les photos de Marinette Delanné,

agencement inédit et sa conception

Anges. La photo de Marinette Delanné

les arbres sans feuilles accentuent

humaniste que toute la ville de

nous invite à imaginer ce moment-

l’intensité dramatique du roman tout

Ferrare est classée au patrimoine

clé, lorsque, petite fille, Micòl propose

autant qu’ils révèlent l’aspect fermé

mondial de l’UNESCO. La famille d’Este

au narrateur de venir la rejoindre :

de la ville où les volets et les fenêtres

est restée trois siècles aux commandes

« Combien d'années s'est-il écoulé

restent clos, comme si l’hiver s’y était

de la ville et a accueilli avec bienveil-

depuis ce lointain après-midi de juin ?

dorénavant installé.

lance de nombreux juifs chassés de leur

Plus de trente. Pourtant, si je ferme

pays qui fondèrent une communauté

les yeux, Micòl Finzi-Contini est tou-

À Ferrare, il pleut comme à Venise.

structurée, les Espagnols en 1492, les

jours là, accoudée au mur d'enceinte

Le château d’Este de Marinette

Portugais en 1498, les Allemands en

de son jardin, me regardant et me

Delanné symbolise le monde de

1530... En 1598, l’État pontifical

parlant. En 1929, elle n'était guère

Giorgio Bassani.

reprend les rênes de l’administration

plus qu'une enfant, une fillette de treize

de Ferrare et crée, en 1627, le ghetto

ans maigre et blonde avec de grands

Sur cette photo, en particulier, une

au cœur du quartier médiéval.

yeux clairs, magnétiques. Et moi, j'étais

fragile flaque d’eau étendue sur les

un jeune garçon en culotte courte, très

galets roulés par la plaine du Pô ren-

bourgeois et très vaniteux, qu'un petit

voie le reflet d’une des tours carrées,

Dans Le Jardin des Finzi-Contini,

ennui scolaire suffisait à jeter dans le

tel un fantôme du passé. Telles les

l’écrivain relate la montée du fas-

désespoir le plus puéril. »

ombres longtemps enfouies dans la

Vues sur Le Jardin des Finzi-Contini

cisme avec, en 1938, la promulgation des lois raciales. Le drame collectif,

mémoire de Giorgio Bassani qui metDes 250 photos prises à Ferrare,

tra de longues années à leur donner

où la confiance en Mussolini persiste

Marinette Delanné en a sélectionné

vie et, au fil de la plume, les transfor-

encore, est sous-tendu par une in-

une cinquantaine seulement pour

mera en attachants personnages pris

trigue amoureuse entre l’héroïne,

composer l’exposition Sur les pas de

dans l’engrenage cruel de l’histoire.

Micòl Finzi-Contini issue de l’aristo-

Giorgio Bassani avec, en illustrations,

cratie ferraraise, et lui, le narrateur,

quelques extraits tirés du Jardin des

En dernier lieu, Marinette Delanné a

issu d’une famille bourgeoise habitant

Finzi-Contini.

photographié la tombe de Giorgio

au centre de Ferrare. Dans l’insouciance

Bassani, la pureté de l’image conclut

de leur jeunesse, les deux protagonistes

L’arbre est un sujet d’étude perma-

se promènent à vélo et se préoccupent

nent pour Marinette Delanné, et à

de l’auteur et le récit poignant d’une

de leurs études, de leurs tournois de

Ferrare, elle a eu matière à s’exprimer.

époque dont il veut qu’on se souvienne.

tennis alors que sourde, tout près, la

Une longue promenade autour des

menace nazi.

remparts permet de faire le tour de la ville par une allée de grands arbres qui ont résisté à l’abattage. Giorgio Bassani, quant à lui, était un passionné de nature et ses connaissances en botanique sont pour le moins remarquables. C’est ainsi qu’il nous les fait partager par le truchement de Micòl qui « avait toujours pour le groupe solitaire de Washingtoniae – palmiers du désert – de nouvelles paroles de tendresse : les voici, là, mes sept vieillards – disait-elle par exemple. Regarde les vénérables barbes qu’ils ont ! »

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PATRIMOINE

cette échappée dans l’imaginaire



PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

Li Té Ve War, spectacle enchanteur et bouleversant, est sans aucun doute le meilleur ambassadeur de La Réunion. Cet hymne au métissage conte l’histoire des origines en mariant avec brio tous les arts scéniques. Et, grande première, les deux géants du Maloya, Danyèl Waro et Davy Sicard, partagent la scène, chacun dans sa transe. Le public ne s’y est pas trompé. Toutes les représentations se sont déroulées à guichets fermés, y compris au Casino de Paris. L’émotion a gagné le cœur des spectateurs qui, de part et d’autre de l’océan, ont offert une formidable et chaleureuse ovation à Li Té Ve War.

*

LI TÉ VE WAR

*

TEXTE FRANCINE GEORGE

elle voulait voir

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PUBLIREPORTAGE


À l’origine de cette épopée incroyable, Lydie Géraud, directrice artistique de Li Té Ve War et présidente de l’Association Amadeus. En 2012, elle crée la première chorale EDF et le chœur d’enfants Amadeus. Son projet ? L’échange intergénérationnel, comme un grand souffle de partage de valeurs, d’éclats de vie, d’émotions intenses. L’ensemble comprend aujourd’hui 40 salariés d’EDF et 30 enfants âgés de 7 à 16 ans. L’idée de ce conte musical a pris forme lors de rencontres avec Gilbert Pounia, et surtout avec Davy Sicard et Danyèl Waro qui se sont investis complètement dans le projet, ne ménageant ni leur énergie, ni leur temps. Li Té Ve War, c’est aussi un orilège impressionnant d’artistes : Lolita Tergémina, comédienne amboyante, Jocelyne Lavielle, magicienne de la mise en scène, Didier Boutiana, chorégraphe tout en souplesse, Dominique Benvenuti, orfèvre de la lumière. Des textes qui parlent juste et fort, des textes envoûtants, dus à la plume de plusieurs auteurs dont JMG Le Clézio et Axel Gauvin. Last but not least, Thierry Boyer, directeur du projet, qui a mis au service de ce spectacle à la fois sa connaissance du milieu culturel local et sa compétence de manager avisé. Il est, en outre, important de souligner que ce dé n’aurait jamais vu le jour sans le soutien des collectivités locales, d’EDF, et d’un pool d’entreprises, partenaires sans faille. ... Un livre va bientôt sortir, qui retrace l’épopée de ce fabuleux spectacle et présente les magniques images de la représentation, en mai 2014, au Casino de Paris. Originale et élégante présentation d’une création inédite, joyau de la culture réunionnaise : un cadeau de choix, pourquoi pas ? Mais l’aventure ne s’arrête pas là ! Une deuxième session est en gestation, avec l’accueil dans la troupe de chanteurs venus d’autres horizons insulaires, tout proches, des résidences en janvier 2015 et les tournées qui démarrent : à La Réunion d’abord en février 2015, dans l’océan Indien ensuite, à partir de mars 2015… Tout un programme à suivre avec erté, enthousiasme et jubilation !


Paola Bassani Le chant

38 路

RENCONTRE


Énergique, comme son père, Paola Bassani dégage une grande générosité d’âme. Son regard, qui porte ostensiblement le turquoise, laisse transparaître l’exigence d’une femme de tête. Derrière un sourire qui s’efface rarement, on sent le tempérament bouillonnant de l’Italienne. Née à Rome, elle vit à Paris en construisant des ponts entre les deux pays par le truchement de l’art baroque où, en tant qu’historienne de l’art, elle montre l’inuence de la peinture italienne sur les grands maîtres français. Présidente de la Fondation Giorgio Bassani, un des piliers de la littérature italienne contemporaine, elle fut l’invitée d’honneur de l’association Ciao Réunion lors du second festival du lm italien. Elle est ainsi venue animer, dans un parfait français, des débats à l’université, et dans la salle de cinéma après la projection du lm culte Le jardin des Finzi-Contini inspiré du roman de son père. Très volubile, elle a séduit tous les publics par ses connaissances et par son esprit d’ouverture. Paola Bassani a bien voulu prendre du temps pour nous raconter, en quelques bribes, la vie tumultueuse et romanesque de son père, l’auteur du Roman de Ferrare 1, ville de son enfance, de sa jeunesse et de son engagement social, éthique et politique. Elle nous décrit un homme des arts et des lettres, très proche de la nature, visionnaire qui n’a eu de cesse dans tous ses écrits d’être le « barde de la réalité. »

TEXTE FRANCINE GEORGE PHOTOGRAPHIE COLLECTION PAOLA BASSANI

du cygne GIORGIO BASSANI DANS LES ANNÉES

60 DEVANT

SON PORTRAIT PEINT PAR CARLO LEVI

1

Le Roman de Ferrare édité chez Gallimard est un recueil de nouvelles, Dans les murs et L’odeur du Foin, et de romans, Les Lunettes d’or, Le Jardin des Finzi-Contini, Derrière la Porte, Le Héron réécrits par Giorgio Bassani, dans une première version en 1980, puis dans sa version définitive en 1998, pour former un roman unique complété par un dossier intégrant En réponse, une compilation d’entretiens ainsi que sa biographie rédigée par Paola Bassani.


VOUS AVEz CRéé LA FONDATION GIORGIO BASSANI DANS QUEL BUT, QUELLES SONT VOS ACTIVITéS ? Mon père est décédé le 13 avril 2000 à Rome, et il a laissé une quantité incroyable d’écrits, d’articles, de nouvelles, d’essais, de poèmes, de lettres, disséminés un peu partout dans des revues et des périodiques. En 2002, avec mon frère Enrico, et avec l’accord de la famille, nous avons décidé de créer cette Fondation dans le but de rassembler et classer ses archives personnelles ainsi que la documentation existant à son sujet. Mon père écrivait beaucoup. Dans les années 40, par exemple, il ne vivait que de ça, et nous tentons de retrouver tous ces inédits. Pour cela, nous avons un comité scientique et beaucoup d’étudiants qui nous aident, les milieux universitaires internationaux sont très actifs et nous avons créé un prix littéraire de doctorant sur l’oeuvre de Giorgio Bassani. Mon père, après le succès des Finzi-Contini, dans le milieu des années 70, a beaucoup voyagé, il était invité en tant qu’enseignant à participer à des séminaires organisés par des Universités, en Europe, aux états-Unis, au Canada. Il faut dire que le livre a été traduit dans plus d’une centaine de langues. Notre but est bien évidemment de révéler l’étendue et la richesse de ses écrits. Nous avons conçu une exposition, avec des manuscrits, des objets, des livres, des peintures qu’il aimait grâce au soutien du Ministère italien de la Culture. Cette exposition a fait le tour du monde. Nous préparons actuellement le centenaire de sa naissance, en 2016.

GIORGIO BASSANI éTAIT UN éCRIVAIN PROLIFIQUE… Oui, il écrivait beaucoup, partout, sur des bouts d’enveloppes, mais c’était toujours une torture, il recherchait l’excellence, il disait : « écrire, c’est comme construire un gratte-ciel. » Pour lui, l’écrivain met en jeu sa vie. Il nous disait souvent : « Tout est dans ma tête, la perfection est là, mais je n’arrive pas à la sortir. » Là où il réussissait à se libérer, c’est dans la poésie. Il avait tellement d’activités qu’il ne pouvait écrire que de 4h du matin à 10h et mon frère et moi, nous étions connés au silence. Par contre, ce qui était merveilleux, c’est qu’il nous lisait ses textes, dès qu’il avait ni, comme si nous étions des grands. C’est pourquoi nous y sommes tellement attachés, mon frère et moi, nous les avons vus naître, nous les connaissons par cœur, toutes les versions… Toute l’œuvre de mon père repose sur la volonté de témoigner de la vérité, et dans son obsession de la mort, de donner vie aux personnes disparues. « La langue dans laquelle j’ai écrit Le Roman de Ferrare et celle de mes poésies est la même que celle de mes essais. Et c’est nouveau en Italie. Et je place les dates non pas en dessous de la poésie ou de la prose, mais dedans. On parle de réalisme à propos de Moravia, mais sa Rome n’a pas le caractère objectif de vérité… Ma Ferrare est différente des autres villes du XX e siècle littéraire. »

UNE PAGE MANUSCRITE DU JARDIN DES FINZI-CONTINI

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RENCONTRE


VOTRE PèRE A SUBI DE PLEIN FOUET LES LOIS RACIALES ALORS QU’IL DéMARRAIT TOUT JUSTE SA CARRIèRE D’éCRIVAIN... Il n’avait que 19 ans lorsqu’il publia sa première nouvelle Terza Classe dans le quotidien Corriere Padano, dirigé par Nello Quilici, il était alors étudiant en littérature à la faculté de Bologne et suivait les cours d’histoire de l’art de Roberto Longhi, un vrai maître, qui l’a fondamentalement influencé. En 1938, il remporta les championnats de tennis régionaux, il publiait aussi des nouvelles dans le quotidien Nello Quilici. Puis en septembre, la promulgation des lois raciales l’obligea à rompre son travail avec le quotidien, à quitter le tennis club de Ferrare, à ne plus fréquenter la bibliothèque de Ferrare, épisodes que l’on retrouve dans Le Jardin des Finzi-Contini. Il trouva refuge sur le terrain privé d’un des palais et c’est là où il rencontra ma mère, juive elle aussi, issue d’une famille vénitienne. C’est à cette période que mon père devint de plus en plus actif au parti antifasciste. IL A DONC TRèS JEUNE REJOINT LE PARTI ANTIFASCISTE… Oui, il a très tôt été actif au parti antifasciste ce qui a entraîné de grandes disputes avec son père, qui comme beaucoup de juifs de Ferrare, adhérait au parti fasciste. Les juifs de Ferrare, principalement dans la bourgeoisie parce qu’il existait aussi un cloisonnement social avec l’aristocratie juive, principalement des propriétaires terriens de grands domaines qui ne se mélangeaient pas à la vie sociale de Ferrare - avaient mis de nombreuses années à sortir du ghetto, à se faire une place dans la société ferraraise et ils comptaient avant tout servir le sentiment national sans imaginer que Mussolini pouvait dériver vers le nazisme. C’est pourquoi le mouvement antifasciste était très mal perçu, le maire de Ferrare, par exemple, et de nombreux notables étaient fascistes. Le fascisme n’était pas considéré en Italie comme le nazisme, il l’est devenu. Mon père avait un sens critique très aigu et avait anticipé la tragédie qui se prolait.

1

ET C’EST CE QU’IL DéCRIT DANS LE ROMAN DE FERRARE… Mon père a été le premier à révéler ce qu’il en était de la société de Ferrare, en ce temps-là. Il s’était donné un devoir de vérité dans une perspective historique, écrivait-il. « La véritable tragédie des Juifs italiens, et personne ne l’avait vraiment dit, a été de finir à Buchenwald et à Auschwitz, tout en ayant été, pour la plupart, des fascistes convaincus. » Il a été violemment critiqué pour avoir révélé ce qu’était la société ferraraise de l’époque : « Le Roman de Ferrare, au fur et à mesure où je l’écrivais (et je n’avais aucune idée au début qu’il formerait un ensemble) a toujours trouvé parmi les israélites de Ferrare en particulier, et chez les israélites italiens, des ennemis. » En fait, il s’était donné une mission d’éducation parce qu’il avait une très haute opinion de l’Italie : « J’avais été entraîné dans l’historicisme 1 par la fréquentation des cours d’histoire de l’art de Roberto Longhi. Face à la capacité de Longhi à lire l’histoire, à sa conception de l’acte spirituel dont l’art procède, une espèce de religion est née en moi. Et à partir de 1936, je suis rentré en contact avec les antifascistes ferrarais. Bien avant les lois raciales, je suis devenu antifasciste actif. C’était très rare, car à cette époque, israélites compris, ils étaient tous fascistes. Je suis resté un militant, un conspirateur… jusqu’en 1943. Je possédais ma vérité, ma double vérité, de militant (et sans l’avoir bien réalisé encore), de barde de la réalité. »

Doctrine affirmant que la connaissance historique est cruciale pour l’évolution de la société humaine.


QUE S’EST-IL PASSé EN 43 ? Suite à la promulgation des lois raciales, mon père n’a pas voulu émigrer, comme beaucoup de juifs italiens l’ont fait à l’époque. Pas plus que lorsque l’Italie est entrée en guerre, en juin 1940. Il est donc entré dans la clandestinité et participait activement à la Résistance. En 1943, il y eut des raes allemandes terribles. Mon père avait préparé la rencontre de divers groupes de résistants avec le général antifasciste Raffaele Cadorna qui a eu lieu à Ferrare en avril 43 et il a été arrêté et emprisonné le mois suivant, en mai. Il est resté en prison jusqu’à la chute de Mussolini en juillet 43. Il a alors écrit des lettres réunies dans un recueil intitulé D’une prison. En sortant de prison, il épousa ma mère le 4 août, sous une fausse identité, Bruno et Carmela Ruffo. Ils s’enfuirent d’abord à Florence. Parmi les membres de la famille de mon père restés à Ferrare, beaucoup sont morts en déportation, mais lui, ses parents et sa sœur réussirent à y échapper. Puis, le 6 décembre 1943, ils prirent le dernier train pour Rome avant le blocage. Mon père me racontait qu’ils s’exerçaient tous à parler avec l’accent du sud ! Il resta à Rome jusqu’à la n de sa vie. Je suis née à Rome en 1945 et mon frère, Enrico, en 1949. Il vit toujours à Rome où il a suivi la tradition familiale en étant médecin. ET LA NUIT DE 43 ? C’est le point d’orgue du devoir de mémoire, de sa volonté de faire revivre les morts, en tant que personnes et non pas en tant que personnages. En octobre 1943, les Allemands, en représailles, ont fusillé dix Ferrarais au pied du mur du château d’Este. Mon père a écrit pour que l’on s’en souvienne Une nuit de 43, sauf qu’il campe l’action en décembre pour imager les corps exposés jusqu’au lendemain sur la neige. Mon père a échappé de justesse à cette fusillade. Le poids de la mort a été très lourd, il s’agissait de ses amis, de patriotes antifascistes, d’innocents.

PAOLA BASSANI ENTRE SES PARENTS À ROME

ROME, C’éTAIT POUR LUI UN NOUVEAU DéPART Mon père a donc pris un pseudo pour pouvoir être publié. Il a commencé par traduire en italien des auteurs aussi différents que Voltaire et Hemingway. Puis, il a trouvé un poste d’enseignant et il a commencé à publier des poèmes. Il avait aussi, grâce à un ami, trouvé un emploi au Ministère du Travail et comme il n’y faisait rien, il s’est mis à écrire beaucoup de poésies. Il participait toujours de façon clandestine à des réunions politiques. Mon père était un volcan toujours en activité. Après la guerre, il t la rencontre de Margherita Caetani, princesse de Bassiano, femme riche et cultivée, le parc de sa propriété lui a d’ailleurs inspiré la description du Jardin des Finzi-Contini. Elle l’invita à reprendre une revue littéraire qu’elle avait créée avant la guerre en France et qui était dirigée par Paul Valéry. Puis elle lui cona l’année suivante la revue internationale Botteghe Oscure dont il devint l’éditeur avec un retentissement considérable sur le monde littéraire de l’époque. Mon père était très doué pour détecter des talents littéraires, il publia le meilleur de la littérature italienne et étrangère, ainsi que de nouveaux auteurs. C’est ainsi qu’il pressent, avant tout le monde, le potentiel de Pier Paolo Pasolini qui deviendra son ami. Dans cette période des années 50, il commença à écrire de la ction, avec Ferrare en toile de fond. Il devient alors, grâce au succès des Cinq histoires ferraraises, directeur éditorial de la maison d’édition Feltrinelli. C’est là qu’il fait découvrir Le Guépard de Giuseppe Tomasi Lampedusa, refusé par d’autres éditeurs.


Après Les lunettes d’or paru en 1958, roman sur l’exclusion homosexuelle, il publia en 1962 Le jardin des FinziContini, suite à vingt ans de gestation et de nombreux écrits épars. Un succès spectaculaire qui lui a valu l’inimitié de quelques-uns de ses compatriotes, notamment celle du Groupe 63 ! L’année suivante, en 1963, paraît son roman le plus autobiographique, Derrière la porte, où il se met en scène, jeune adolescent, au lycée de Ferrare. Il s’engagea en politique, devint conseiller municipal pour protéger le patrimoine artistique et historique des prédateurs immobiliers. Il pose là les fondements de l’association écologiste Italia Nostra qu’il va ensuite créer et dont il deviendra le président. Mon père aimait beaucoup la nature, qui est très présente dans ses ouvrages. Il a eu des préoccupations écologiques avant l’heure. Ce que l’on retrouve dans son dernier roman, Le Héron, paru en 1968. ROME, C’EST AUSSI LE CINéMA… Mario Soldati l’avait introduit dans le milieu du cinéma dans les années 1952. Il s’y intéressa, d’abord pour gagner sa vie et parce que ça le distrayait. Il disait que l’écriture de scénarios l’aidait à sortir de lui-même, à écrire plus vite, à mieux exprimer ce qu’il avait envie de dire. Il a écrit de nombreux scénarios de films, ça le reposait. Visconti, Fellini et bien d’autres furent ses amis. À cette époque, il enseignait l’histoire du théâtre à l’Académie d’art dramatique. Il fut aussi, pendant quatre ans, vice-président de la RAI en charge du programme culturel, luttant pour la liberté d’expression contre les pressions du Vatican. Mon père était un homme intègre, il dérangeait forcément beaucoup. C’est lui qui a ouvert les portes du Cinecittà à Pasolini. Il a même participé à un de ses lms, La Ricotta, dans lequel il double la voix d’Orson Wells. Ma mère a aussi prêté sa voix au doublage. C’était un monde à part, une sorte de parenthèse.

LE FILM LE JARDIN DES FINZICONTINI A OBTENU LE LION D’OR AU FESTIVAL DE BERLIN, L’OSCAR DU MEILLEUR FILM éTRANGER, POURTANT VOTRE PèRE L’A FORTEMENT REJETé. Autant il a apprécié l’adaptation de La longue nuit de 43 réalisée par Florestano Vancini en 1960, et plus tard, en 1987, Les lunettes d’or réalisé par Giuliano Montaldo avec Philippe Noiret dans le rôle du docteur Fadigati, autant il a détesté le lm de Vittorio de Sica, Le Jardin des Finzi-Contini. Il avait tout à fait conscience que le lm est une œuvre qui doit exister en dehors du livre, mais, là, il s’est vraiment senti trahi. QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSé ? C’est une longue histoire. En 1963, le producteur Documento Films a acquis les droits du roman et le propose au réalisateur Valério zurlini. Mais la maison de production n’est pas satisfaite de la version de zurlini qui abandonne le projet en 1966. Quatre ans plus tard, elle sollicite, avec l’accord de mon père qui le connaissait bien, Vittorio de Sica. Ce dernier lui propose de travailler avec Vittorio Bonicelli. Mon père pose ses conditions, garder le mouvement passéprésent, lmer en ash-back les scènes de raes en noir et blanc, ne pas appeler le héros comme lui, Giorgio, mais David. De Sica donne son accord sur tous ces points. Puis, il lui annonce qu’il a coné le scénario à un spécialiste pour revoir les dialogues.

RENCONTRE

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Le temps passe, mon père n’a plus aucune nouvelle. Il est invité à la sortie du lm, le soir lors de la première. Et là, qu’elle n’est pas sa stupéfaction ! Il découvre un tout autre scénario signé d’Ugo Pirro. Il est très en colère et refuse de cautionner le lm. Il intente donc une action en justice, qu’il gagne, pour que son nom soit retiré en tant que scénariste. Rempli d’indignation, il écrit un article intitulé « Le Jardin trahi ». Pour lui, alors qu’il s’agit d’un roman hautement autobiographique, le lm lui paraît diaphane, les personnages principaux fades, mais le plus révoltant, pour lui, reste la scène nale de rencontre entre Micòl et son père qui laisse entendre que, lui, Giorgio, s’en est sorti : « En filant à l’anglaise, en se résignant depuis lors à mêler son encre d’écrivain aux cendres du grand-père, n’est-il pas en train par hasard d’être l’image du salaud ? » COMMENT DéCRIVEz-VOUS VOTRE PèRE DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS ? Un grand séducteur. Un mélange de pudeur et de témérité. Un homme d’une vitalité exceptionnelle, il était toujours en action, il avait plein de projets. Il aimait beaucoup s’amuser aussi. C’était un grand sportif, il jouait au foot, au tennis, il avait toujours besoin de se dépasser. Il se détendait en lisant la gazette des sports, le chat sur son épaule. Il avait un côté Pater familias. C’était quelqu’un de très chaleureux, d’enthousiaste qui ne manquait pas d’humour. D’un autre côté, il fallait le protéger, il avait horreur du bruit, par exemple. Il était très nerveux, avait souvent des allergies, des rhumes des foins. Il avait aussi ses périodes de dépression. Il disparaissait parfois, on ne savait où il était. C’était quelqu’un de très chaleureux, d’enthousiaste, qui ne manquait pas d’humour. D’un autre côté, il fallait le protéger, il avait horreur du bruit, par exemple. Il était très nerveux, avait souvent des allergies, des rhumes des foins. Il avait aussi ses périodes de dépression. Il disparaissait parfois, on ne savait où il était. C’était quelqu’un de très constructif, il savait donner de bons conseils, très réalistes. Dans les histoires de cœur, une déception amoureuse, par exemple, il avait la parole qui aide à sortir de la douleur. ET SI ON PARLAIT UN PEU DE VOUS Je ne suis pas la vestale de la mémoire de mon père ! Mon père nous emmenait, nous avions mon frère et moi 14/15 ans à peine, dans des églises où il nous montrait certains tableaux. Nous avions ensuite de grandes discussions, c’était magnique. Il m’a ainsi transmis cette passion pour l’art et j’ai fait moi aussi des études à Bologne pour suivre les cours d’un maître réputé. Puis, je me suis installée à Paris, j’avais besoin de prendre de la distance. J’ai alors rencontré à la Sorbonne mon mentor, Jacques Thuillier, spécialiste de l’art du XVII e siècle. C’est avec lui que j’ai commencé mon parcours d’études sur l’inuence de l’Italie dans l’art Baroque. Aujourd’hui, mes recherches sont centrées en grande partie sur le XVII e siècle, en particulier sur les rapports et échanges artistiques entre l’Italie et la France. Ensuite, j’ai pris la présidence de l’AHAI qui rassemble les chercheurs travaillant en France sur l’art italien tout en m’occupant de la Fondation Giorgio Bassani depuis 2002 ! Ces deux associations sont pour moi des liens à tisser entre mes deux pays.

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RENCONTRE

Association des Historiens de l’Art Italien dont le siège se trouve à L’Institut culturel d’Italie, rue de Grenelle dans le 7e arrondissement de Paris.



PHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN MARCHAL

Au bord des rizières Le jour à peine levé, dans les rizières de Madagascar, les gens s’activent, alors que la brume épaisse du matin ne s’est pas encore dissipée. L’heure est à la tâche, ardue, ingrate, pour ne récolter que quelques pièces en fin de journée…

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HORIZON



la côte amalfItaIne BEAUTÉ VERTIGINEUSE LA CÔTE AMALFITAINE, AU RELIEF TRÈS ESCARPÉ PAR LA CHAÎNE DES MONTS LATTARI, LONGÉE DE FALAISES ABRUPTES SCULPTÉES PAR LA NATURE ET PAR L’HOMME, VOUS OUVRE LES PORTES DU PARADIS ENTRE SORRENTO ET SALERNO. NOUS VOUS PROPOSONS UNE ÉCHAPPÉE EN AMOUREUX DANS CET ÉDEN CLASSÉ AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO DEPUIS 1997.

TEXTE FRANCINE GEORGE

PHOTO DR

PHOTOGRAPHIE CHRISTIAN VAISSE

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VOYAGE-VOYAGE


Italie

La c么te Amalfitaine


Qui n’a pas rêvé d’un séjour en Italie ? Pays de l’amour, des arts et de liberté, lm après lm, roman après roman, l’Italie habite nos cœurs de cette mémoire indicible qui nous parle d’esthétique. Finalement, Amore, n’est-il pas plus sensuel lorsqu’il est murmuré à l’italienne, comme une aubade câline ? « Voir Naples et mourir ! » Non, pas cette fois-ci ! Voir Naples et s’échapper vers le Sud, les cheveux au vent dans une décapotable conduite d’une main experte par votre amoureux. À la radio, Nicole Croisille chante : « Tu étais gai comme un italien Quand il sait qu’il aura de l’amour et du vin… » À presqu’une heure de route de Naples, vous entrez dans un Jardin de délices, d’une beauté exceptionnelle, avec ses villages pittoresques et sa grande diversité de paysages, sur 80 km de route en corniche. Un tableau de couleurs, de saveurs, de parfums immensément riches, mais toujours délicats, otte dans l’air. Pays du citron, gorgé de soleil toute l’année, son arôme subtil imprègne les trésors gastronomiques de la région, glace et sorbet, pâtisseries comme les incomparables profiteroles au citron d’Amalfi. Pays du poisson et de la pasta, bien évidemment, vous vous laissez surprendre par les lets à l’étuvée enveloppés dans leurs feuilles de citronnier, les pâtes aux poulpes citronnées ou les gnocchis alla sorrentina. À la n du repas, vous buvez, glacé, le délicieux, mais redoutable Limoncello. Un choc gourmand ! Cette liqueur d’une belle couleur douce à base de zestes de citron peut laisser, un certain temps, la personne la plus robuste dans un doux rêve de plénitude…

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VOYAGE-VOYAGE

Le relief montagneux qui plonge dans la mer en pentes abruptes a conditionné la nature et les hommes à concevoir des lieux de vie, telles des tranches napolitaines. Sur la côte, la mer Tyrrhénienne, bleu azur, offre aux pêcheurs de quoi s’activer toute l’année. Puis, à anc de falaises, la population, particulièrement ingénieuse, habite, cultive ses jardins, vergers et vignes en terrasse, tandis que sur les hauteurs, les bergers mènent aux pâturages chèvres et brebis capables de s’adapter aux espaces escarpés. Un peu comme à La Réunion, mais avec des enchâssements de la partie habitée encore plus vertigineux. Les autorités locales, conscientes des richesses de leur patrimoine, développent un tourisme rééchi, à l’écart du tourisme de masse. Pour commencer, la route en corniche est protégée d’une trop grande pollution par l’organisation de la circulation, jour pair, jour impair sur la base du dernier chiffre de la plaque minéralogique. Un sacré dé que tout le monde respecte, même les étrangers.


Première étape, Positano, l’élégante Selon la légende, Positano a été fondée par le dieu Neptune, le Dieu de la mer, lorsqu’il est tombé amoureux de la nymphe Pasitea. Lieu de villégiature des Romains, port orissant de la République d’Amal aux XVI e et XVII e siècles, Positano a connu une longue traversée du désert jusqu’à la moitié du XX e siècle. Puis, elle est devenue une station balnéaire très chic, une sorte de Saint-Tropez, à partir des années 50. À anc de colline, le village s’est dispersé sur les pentes escarpées du Monte Comune. Les couleurs des jardins euris, des façades ocre ou de couleur vive sont magnifiées à l’heure du soleil rasant. Une kyrielle de petits escaliers, sculptés dans la roche, traversent le village, coupent les ruelles et poursuivent leur périple pour descendre jusqu’à la grande plage. Les autres plages ne sont accessibles que par la mer. Une balade dans les ruelles étroites peut, à première vue, paraître fastidieuse, mais l’abondance de jolies boutiques où les marques branchées s’exposent rend, tout à coup, les raidillons moins ardus. Cet hôtel, niché sur la falaise, vous tend les bras. Vous descendez tranquillement par les ruelles joyeuses vous invitant à découvrir mille frivolités. Vos bagages descendent, quant à eux, par le câble qui relie l’hôtel Pupetto à la route. Dans la fraîcheur d’une n d’après-midi, lorsque la brise se lève juste assez pour vous caresser la peau, vous vous installez sous la pergola en pure contemplation. Et là, le mot inni prend tout son sens. La mer rejoint le ciel à l’horizon pour ne former qu’une vaste étendue magniquement bleue, la beauté respire le calme sans que rien ne vienne perturber ce panorama enchanteur. Juste un baiser, peut-être, pour partager à deux cet instant de bonheur parfait.

Le lendemain, une petite incursion dans l’archipel des îles Li Galli peut s’envisager. La légende veut qu’elles soient la demeure des sirènes qui accostèrent Ulysse. Rudolf Noureev, fut un temps, en a fait sa propriété. L’ensemble composé des îles Gallo Lungo, Rotonda et Castelletto appartient aujourd’hui à un groupe hôtelier. Elles sont accessibles par un héliport ou le petit port à bateaux. Seule, la plus grande des trois îles est habitable, décor de rêve, luxe d’une beauté époustouante, l’archipel serait à vendre pour la modique somme de 195 millions d’euros. À Positano, les tours sarrasines sont très présentes. Elles ont été construites à l’époque médiévale pour repérer l’arrivée des Sarrasins. La première tour se trouve sur la Pointe Clochette, tout au début de la côte. Lorsque de loin, on apercevait le bateau des Arabes, un premier coup de canon retentissait, ensuite le tam-tam se déplaçait à la deuxième, puis à la troisième tour, passant sur toute la côte Amaltaine. Les habitants se réfugiaient alors dans les hauteurs. Les Sarrasins étaient d’habiles navigateurs, mais de piètres guerriers en montagne.

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Une halte à Furore À Furore, un ord spectaculaire est clairement visible du pont qui relie les deux falaises. L’endroit est si abrupt que, tous les ans, il est le théâtre de championnats de plongeon acrobatique. Dans les eaux cristallines de la crique, en contrebas, quelques barques de pêcheurs sont amarrées et non loin de la petite plage, vous pouvez visiter un moulin à papier.

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Une promenade digestive permet d’accéder aux maisonnées du village par un escalier de trois mille marches qui passe par des terrasses euries de bougainvilliers et de eurs de grenadiers. C’est là qu’en 1948, Roberto Rossellini tourna l’Amore avec Anna Magnani, sa compagne. Lorsque la fameuse lettre d’Ingrid Bergman arriva dans les mains d’un Roberto Rossellini particulièrement troublé, la bouillante Magnani explosa de colère. À Furore, la nature se déchaîne et Anna Magnani aussi. Ce qui sonnera le glas de leur relation. Ingrid Bergman et Roberto Rossellini entamèrent leur grande histoire d’amour, juste après, et ils se marièrent deux ans plus tard, malgré un tollé général, car le divorce resta interdit en Italie jusqu’en 1970. Amore, Amore….


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Deuxième étape – Amal, le port d’attache Amal est le cœur géographique et historique de la côte. Dominée par le Mont Cerreto, haut de 1315 mètres, la ville est enserrée dans les falaises sur lesquelles elle s’accroche. Ancien port orissant, l’inuence byzantine y est encore plus présente. La fondation d’Amal remonte au temps des Romains, au IX e siècle, elle devient une des Républiques maritimes d’importance pouvant rivaliser avec Pise, Gênes ou Venise. Les marins amaltains ont été les premiers à utiliser la boussole et ils développèrent un code maritime qui fut utilisé dans tout le bassin méditerranéen jusqu’au XVI e siècle. Chaque année, pour perpétuer la tradition, une régate oppose les équipages de marins amaltains à ceux de Venise, Pise ou Gênes. Il faut dire que du IX e au XI e siècle, Amalfi fut une puissance maritime qui possédait un quasi-monopole du commerce dans la mer Tyrrhénienne. Gênes, Venise et surtout Pise vinrent lui faire une concurrence fatale. Les portes en bronze de sa splendide cathédrale romane ont été fondues à Constantinople et transportées par bateau jusqu’à Amal. Un des plus beaux monuments de la région avec son dôme byzantin, dédié à SaintAndré, protecteur de la ville. Une grande place remplie de cafés vous invite à vous y attarder après avoir visité les fresques et mosaïques du Cloître du Paradis aux inuences orientales. Prenez tout votre temps à Amalfi pour découvrir les terrasses aménagées, le dédale de ruelles médiévales et le mélange des inuences culturelles venues de part et d’autre de la Méditerranée.

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Dernière étape, Ravello, la mélomane En n de séjour, le point d’orgue est sans aucun doute Ravello, belle terrasse fleurie dominant la mer à 300 mètres de hauteur. Quelques joyaux architecturaux vous donneront des frissons, telle la villa Cimbrone avec son jardin luxuriant et ses bustes antiques ornant le belvédère. La villa Rufolo, tout aussi extravagante, construite au XIII e siècle est aujourd’hui devenue un lieu culte. Ravello était à l’origine un lieu de villégiature des patriarches romains, et a connu, comme Amal, son temps de gloire entre le X e et le XIII e siècle grâce au commerce maritime. De nombreux artistes célèbres sont venus s’y ressourcer. Notamment Richard Wagner qui en séjournant à la Villa Rufolo s’est inspiré des lieux pour écrire son opéra Parsifal. Depuis, le village lui rend hommage avec un festival international de musique classique qui se tient de n juin à octobre dans les jardins de la Villa. À la villa Cimbrone, devenue un hôtel de luxe, Greta Garbo y abrita ses amours avec le compositeur Léopold Stokowski, une plaque en témoigne : « Ici, au printemps 1938, la divine Greta Garbo, se soustrayant à la clameur d’Hollywood, connut avec Léopold Stokowski des heures de bonheur secret ».


Quant à vous, un dernier rendez-vous vous attend ! Un concert à l’auditorium conçu par le grand architecte brésilien Oscar Niemeyer. L’endroit est magique. Une place ovale parsemée de statues vous permet d’admirer le paysage aux lueurs du soir et de converser avec des connaissances que vous avez côtoyées la veille. La structure de l'auditorium se compose d'une large coque acoustique blanche en béton armé prenant la forme d’une mandoline. Fort décrié à l’époque, l’édice a pris ses marques au l du temps. À l’intérieur, l’immense salle, dont les 400 sièges sont occupés, fait face au majestueux paysage côtier grâce à une grande baie vitrée et au hublot situé derrière l’orchestre. L’émotion vous gagne devant une telle perfection, vous vous penchez vers votre compagnon pour lui murmurer à l’oreille que…

PHOTO DE L’AUDITAURIUM D’OSCAR NIEMEYER

Mais, chut ! Le spectacle commence.

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SÉLECTION FRANCINE GEORGE EN COLLABORATION AVEC LA LIBRAIRIE AUTREMENT PHOTOGRAPHIE CHRISTIAN VAISSE

LA LITTÉRATURE ITALIENNE, FOISONNANTE ET MULTIPLE, SE RENOUVELLE SANS CESSE, AVEC TOUJOURS, CETTE POINTE DE JOYEUSE MALICE, QUI CARACTÉRISE CE BEAU PAYS, FRIVOLE EN APPARENCE, MEURTRI EN PROFONDEUR. CE FLORILÈGE DE BEAUX ROMANS ANCRÉS DANS L’AVENTURE, L’HISTOIRE, LA SOCIÉTÉ ITALIENNE ET SERVIS PAR DES AUTEURS DE GRAND TALENT, EN DONNE UN PREMIER APERÇU.

LE CIMETIÈRE DE PRAGUE Italien d’origine, faussaire de profession, ancien espion piémontais, Simonini, aux réflexes antisémites, anticléricaux, antimaçonniques, en adepte de la théorie du complot, mène l’enquête et s’y perd. L’auteur érudit nous emmène dans son sillage, entre faits historiques, essais philosophiques et récit romanesque mené avec moult rebondissements. Auteur Umberto Eco Éditeur Grasset

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BALADE LITTÉRAIRE

LE JOUR AVANT LE BONHEUR À Naples, juste après la guerre, un jeune orphelin est pris sous la protection de Don Gaetano, concierge de l’immeuble. Les souvenirs affluent d’autant que ce personnage attachant a le don de lire dans la pensée d’autrui…Un très beau roman d’initiation où Erri De Luca livre ici une partie de son enfance. Auteur Erri De Luca Éditeur Gallimard

LA MER, LE MATIN Très beau roman sur l’émigration forcée, entre l’Italie et la Lybie, le déchirement inévitable du partir et revenir : « Elle posait des figues ouvertes en deux sur ses yeux pour retrouver cette saveur douce et granuleuse. Elle voyait rouge à travers les fruits. Elle cherchait le coeur de ce monde qu'elle avait dû abandonner.» Auteur Margaret Mazzantini Éditeur Robert Laffont


SOIE Un long périple sur les traces de Marco Polo, tout en subtilité, du temps où l’on traversait le monde à pied ou à cheval. Cet auteur italien est à la fois écrivain, musicologue et homme de théâtre et son récit s’en ressent, un hymne à la vie tout en ayant conscience de l’issue fatale. Auteur Alessandro Barrico Éditeur Albin Michel

LE TURQUETTO Trajectoire incroyable du Turquetto, peintre de la Renaissance. Ce roman historique débute dans le bazar de Constantinople pour suivre l’ascension fulgurante du héros, élève prodige de Titien, dans les ateliers de Venise et les relations du pouvoir sur l’art de l’époque. Un must ! Auteur Metin Arditi Éditeur Actes Sud

LE BARON PERCHÉ En 1767, Côme, baron de xx, décide de monter dans un arbre et de ne plus jamais en descendre. Ce qui ne l’empêche pas de recevoir Napoléon en grande pompe ou de séduire une marquise ! Une belle invention littéraire qui nous emporte avec humour au siècle des Lumières. Auteur Italo Calvino Éditeur Folio


AL PARADISO DEL CINEMA 1 …

TEXTE DOMINIQUE LOUIS PHOTOGRAPHIE DR

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Ciao Réunion, au paradis du cinéma…


IL FAUT BIEN L'AVOUER, LES BONS MOMENTS DE CINÉMA SONT RELATIVEMENT RARES ET NOTRE ÎLE, AU RÉGIME SEC EN MATIÈRE D'ART ET ESSAI, SE RÉJOUIT DE TOUTE OPPORTUNITÉ DE CÉLÉBRER LE SEPTIÈME ART. AVEC PEU DE MOYENS ET UNE ÉNERGIE INCROYABLE, CIAO RÉUNION NOUS A OFFERT SA DEUXIÈME ÉDITION DU FESTIVAL DU FILM ITALIEN, EN JUIN DERNIER, ET CE FUT UN GRAND MOMENT DE BONHEUR ET DE PLAISIRS PARTAGÉS.

AU FIL DES FESTIVALS

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Dans son objet, Ciao Réunion s'est donné la mission de promouvoir la culture italienne. De fait, l'association constitue le rendez-vous de ceux qui, natifs ou non, ont pour l'Italie une affection particulière. Et en son sein, sous la houlette de Tony, son charismatique président, une infatigable équipe de bénévoles s'affaire à traduire cet intérêt au travers de manifestations dont le festival constitue le point d'orgue. Avec cette deuxième édition, la manifestation s'inscrit dans le paysage cinématographique local et n'a pas tardé à trouver son public, un public de connaisseurs à la fois avides et exigeants, mais toutefois très à l’aise, dans une ambiance des plus conviviales.

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AU FIL DES FESTIVALS

Du 2 au 14 juin, ce sont ainsi plus d’une centaine voire deux cents personnes, selon les soirs, qui se retrouvaient, tant au Plaza (St-Denis) qui a accueilli l'essentiel de la manifestation que dans les lieux décentralisés (Théâtre Canter, Lespas à St -Paul). Et surtout pas dans une logique de consommateurs. La séance, présentée par l'un des membres de l'association, était ensuite suivie d'un cocktail-débat qu'accueillait le restaurant Il giardino del l'Italia, l'occasion de débats passionnés. Ouverts à tous, les échanges allaient bon train, en toute simplicité tant sur les films euxmêmes que sur cette Italie vue au travers du cinéma. Il faut dire que les mets étaient de choix. De Riso amaro (Riz amer, 1949) à Miele et La Grande Bellezza sortis en 2013 en passant par l'incontournable Cinema Paradiso (1989), c'est un panorama de plus de 60 ans de cinéma italien qui était offert au public, avec une focale plus particulière sur les années 70 et le film oscarisé Le jardin des Finzi Contini inspiré du livre de Giorgio Bassani.

En effet, grâce à la capacité de conviction de Mirella, Paola Bassani, la fille de l'auteur, a fait le déplacement pour défendre l’œuvre de son père et en dévoiler, témoin de son temps, son fort engagement à maintenir la mémoire des lieux, dans le Roman de Ferrare. Et pour l’ouverture du Festival, Marinette Delanné a exposé à l’Hôtel de Ville ses photos Sur les pas de Giorgio Bassani, une balade dans cette ville devenue le théâtre romanesque d’un des plus grands écrivains contemporains.

VOYAGE AU PAYS DES MAÎTRES VISCONTI, SCOLA, DE SICA, TAVIANI ET LES AUTRES Truculent ou plus réaliste, le cinéma italien a toujours pratiqué une mise en abyme, sans complaisance, de sa propre société. Engagé, ce cinéma va, à travers les époques, se mettre au service de causes, celle du prolétariat rural dans Riso amaro, celle du droit de mourir dans la dignité dans Miele, entre autres. Il donne à voir également, au travers de Padre padrone (1977), la campagne de Sardaigne, la brutalité et la misère dégradante des conditions de vie paysannes.


Les frères Taviani y revendiquent la révolte et l’instinct de liberté face à l’oppression et démontrent l’importance primordiale de l’accès à la culture pour tous. Ce regard extrêmement acéré sur la société peut s'incarner à des moments clés de son histoire, comme dans Le jardin des Finzi Contini (1971), avec la montée du climat oppressant de l'avant-Deuxième Guerre Mondiale et son cortège de mesures préfigurant la ségrégation antijuive. Dans un registre plus léger, mais aussi acéré, Affreux, sales et méchants (1976), montre comment roublardise et débrouille permettent à chacun de ces oubliés du système de s'en tirer au moins pire. À l'inverse, Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto» 1 (1970), film à plusieurs lectures, caricature politique, tragi-comédie psychanalytique, polar absurde, décrit la dérive autoritariste qui a plongé l’Italie de la fin des années 1960 dans les années de plomb, ces années durant lesquelles la lutte contre un ennemi intérieur, en partie réel et en partie fictif, le terrorisme, a permis toutes les mesures répressives et les dérives qui en découlent.

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Le cinéma italien, porteur d'analyse de la société, a également une vraie fierté de ses paysages nationaux et notamment de ces deux villes que sont Rome et Venise. On les retrouve donc dans le festival en filigrane de, pour Rome, toujours Affreux, sales et méchants, mais également La Grande Bellezza ou le « héros » porte un regard totalement désenchanté sur la ville et ses fêtes tristes. Venise, quant à elle, dans deux films, bénéficie d'un traitement tout à fait particulier. Chez Thomas Mann, Mort à Venise (1971) elle est crépusculaire, à l'image du personnage principal.

Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon.

Dans Pane e tulipani (Pain, Tulipes et Comédie, 2001), elle est un dédale de petites ruelles, de places et autres escaliers dérobés, plus intime, moins mythique que le traditionnel chromo pour touristes de la Place Saint-Marc, mais tellement plus humain. Le festival 2014 a vécu. Vive le festival 2015 qui s'annonce, encore plus riche ! Ciao Réunion y travaille d'arrachepied, toujours à la recherche de pépites susceptibles d'enchanter nos mirettes et donc de nous faire aimer la vie. Car, tout le monde le sait, quand on aime la vie, on va au cinéma !

Ciao Réunion, une équipe de passionnés Une présentation succincte s’impose : Concetta et Évelyne dispensent des cours d’italien aux enfants et aux adultes toute l’année tandis que le reste de l’équipe s’affaire autour de l’organisation du festival, mais aussi de soirées thématiques qui parlent d’art et de culture. Sylvie est plus particulièrement en charge des relations avec les éditeurs, Nathalie et Jean-Louis de la communication, Pascal des partenariats et la vice-présidente, Mirella, des relations extérieures et de la fédération des énergies. Tony, le président, met tout cela en musique. 5, rue Amiral Lacaze 97400 - St-Ddenis ciaoreunion@gmail.com


RENTREE AUSTRALE SOUS LE SIGNE DES TIMBRES Aux TAAF, septembre et octobre riment avec philatélie 1 ! Deux événements consécutifs mettront en valeur l’activité postale de la France du bout du monde, depuis Saint-Pierre de La Réunion.

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philatélie : étude, recherche, collection de timbres-poste

31ème édition des Journées Européennes du Patrimoine, samedi 20 et dimanche 21 septembre 2014

A l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la correspondance postale, activité ancestrale, relie toujours les hommes et les femmes par-delà les océans. C’est particulièrement vrai dans les terres australes et antarctiques françaises, où la lettre, ornée de timbres rares et de cachets originaux, suscite de nombreuses vocations et passions. A travers les nombreux timbres qu’elles émettent chaque année depuis bientôt 60 ans, les TAAF donnent à découvrir une autre histoire de France et de l’Outre-mer, entre explorations maritimes, aventures scientiques, événements méconnus et préservation de la biodiversité. Les prochaines JEP permettront de faire le point sur cette activité postale qui n’a pas dit son dernier mot, avec :

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PUBLIREPORTAGE

• une exposition inédite sur • la philatélie et la fabrication d’un • timbre, présentée par les étudiants • de la licence professionnelle • de médiation et de gestion de projets • culturels - océan Indien (Université • de St-Denis), • la projection d’un lm sur le • parcours mouvementé d’une lettre • australe, • la présentation du « mail art », • lorsque l’art s’attaque aux • enveloppes, • divers ateliers : personnalisation • d’enveloppes, tamponnage • philatélique, • des conférences sur la philatélie, • le patrimoine historique des TAAF. Pour l’occasion, les TAAF émettront un tout nouveau timbre, retraçant sous forme de triptyque la 1ère liaison aérienne entre Madagascar et l’île de Tromelin.


La guerre a du bon. Enn, parfois. Prenez par exemple les via ferrata. Mais avant cela, réglons un problème : via ferrata est un mot latin ; j’imagine donc que le pluriel devrait être viae ferratae. Si l’on considère que le mot, de latin, est devenu italien, via ferrata au pluriel devrait devenir vie ferrate. Si l’on tient compte du fait que cet article est écrit en français, on peut y aller carrément et franciser le pluriel : vias ferratas. Mais comme cet article est écrit par moi et que c’est moi qui décide, je vais m’en tenir à mon premier pluriel, via ferrata.

6ème Rencontres Philatéliques de l’Océan Indien, vendredi 10 et samedi 11 octobre 2014

Chaque année, les opérateurs postaux de la zone océan indien se réunissent dans un pays différent, pour aller au contact du public, intéressé ou curieux. En 2014, cette rencontre se tiendra à La Réunion (Kelonia le 9, puis siège des TAAF les 10 et 11/10). Dans les locaux des TAAF à St-Pierre, les représentants des délégations de l’île Maurice, de Madagascar, des Seychelles, des Comores, de France et des TAAF rencontreront petits et grands, présenteront leurs activités, ainsi qu’un nouveau timbre émis conjointement par les 6 pays, dédié à la tortue verte de l’océan Indien. Dans le cadre de cette manifestation exceptionnelle, les TAAF projetteront divers lms dédiés non seulement à la philatélie, mais également à l’étude des tortues dans la zone (« Europa, 40 ans d’aventures scientiques », « 3M, Mafate, Mohéli et tortues Marines »), entrecoupés d’échanges et conférences sur la coopération postale, scientique ou pédagogique entre les pays partenaires. L’auteur de l’illustration du timbre sur la tortue verte, Claude Perchat, sera également présent pour dédicacer ses travaux. Cet événement est organisé avec le soutien de l’Association philatélique de l’océan indien (APOI), Kelonia l’observatoire des tortues marines et La Poste Réunion. Lors des JEP et des RPOI, il sera possible d’adresser du courrier à ses proches, parents, amis, via les terres australes françaises. Après quelques semaines de navigation aux confins du monde à bord du Marion Dufresne, les plis parviendront à leurs destinataires revêtus des timbres et tampons qui font la réputation des TAAF et le bonheur des collectionneurs. Des agents présents sur place vous expliqueront comment procéder. Retrouvez les horaires et le programme détaillé de ces deux événements sur www.taaf.fr Terres australes et antarctiques françaises : 1 rue Gabriel Dejean (donnant la sur la rivière d’Abord), 97410 Saint-Pierre.


L'ICEBERG APPELÉ LE CHOU FLEUR

TEXTE STÉPHANIE LÉGERON PHOTOGRAPHIE BRUNO MARIE

Terre Adélie voyage sur le continent des glaces

À L’OCCASION DU SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA CRÉATION DES TAAF, STÉPHANIE LÉGERON ET BRUNO MARIE, SOUTENUS PAR L’ÉQUIPE DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES, SE SONT LANCÉS DANS UNE SUPERBE AVENTURE ÉDITORIALE, EN RÉUNISSANT DANS UN BEAU LIVRE À PARAÎTRE EN JUIN 2015, LES REPORTAGES RÉALISÉS DANS TOUS LES DISTRICTS DE LA COLLECTIVITÉ DONT LE SIÈGE EST À SAINT-PIERRE. BAT’CARRÉ VOUS RÉSERVE À CHAQUE NUMÉRO UN APERÇU DE CES TERRITOIRES DU BOUT DU MONDE ET, DANS CE NUMÉRO, PLUS PARTICULIÈREMENT, LE MONDE SAISISSANT DES BANQUISES ET ICEBERGS SOUS LA PLUME DE STÉPHANIE LÉGERON QUI RELATE LE PÉRIPLE CAPTIVANT DE BRUNO MARIE EN TERRE D’ADÉLIE.

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TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES


La tête remplie de fantastiques images des Kerguelen, je ne suis pas tout à fait réadapté à la vie réunionnaise que la préparation du livre m’appelle vers d’autres horizons : dans les extrémités glacées de l’hémisphère sud est implantée la base Dumont d’Urville (DDU), unique station française permanente du continent Antarctique et ma destination nale. Je rejoindrai DDU depuis l’île de Tasmanie, au sud-est de l’Australie.


En route pour la Tasmanie Réunion-Paris-Londres-Singapour-Sydney-Hobart... Après un voyage de plus de soixante heures, je retrouve Pascal Bolot, le préfet, administrateur supérieur des TAAF, dans le centre-ville d’Hobart, capitale australienne de l’Etat de Tasmanie. Il fait chaud, environ 25°C. L’ancienne colonie pénitentiaire britannique est adossée à de petites collines verdoyantes qui s’étagent au pied du mont Wellington. Je prote de mon temps d’escale pour âner dans le Jardin botanique de Tasmanie et dans le quartier historique de Battery Point. Mais cette cité provinciale et paisible est avant tout orientée vers la mer. La myriade de voiliers croisant dans la baie semble perpétuer la longue tradition maritime de la ville, dont le port de commerce connut au XIXème siècle un essor orissant. Je m’imprègne de cette ambiance en visitant le Musée maritime de Tasmanie et Mawson’s Huts, une reconstitution des cabanes de Douglas Mawson, le géologue australien qui atteignit le pôle Sud magnétique en 1909. Trois ans plus tard, un autre explorateur laissait son nom dans l’Histoire : le Norvégien Roald Amundsen accostait à Hobart au retour de sa conquête du pôle Sud géographique. Par sa localisation, la petite capitale est le port d’attache des expéditions australiennes et françaises vers le continent blanc. Un seul navire jette l’ancre dans le district français de la Terre Adélie : un navire à capacité glace de la compagnie P&O Australia, l’Astrolabe. Son nom qui désigne l’instrument mesurant la hauteur des astres était celui de la corvette sur laquelle le Français Jules Dumont d'Urville découvrit la Terre Adélie en 1840, territoire qu’il décida de nommer en hommage à sa femme Adèle.

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TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES


LA POLYNIE, ZONE D'EAU LIBRE AU SEIN DE LA BANQUISE



En mer, sur l’Astrolabe L’Astrolabe peut accueillir quarante-huit passagers dans treize cabines. Etant peu nombreux à bord, je noue rapidement connaissance avec mes compagnons de voyage : deux scientiques, un psychologue, le médecin du bord, l’équipe hélico composée de deux pilotes et d’un mécanicien. Le commandant, le second et le cuisinier sont français. Avec le reste de l’équipage - deux Ukrainiens, un Philippin, un Indonésien et un Papou s’amorcent quelques échanges en anglais. Le temps est beau. Nous faisons cap vers le grand Sud à une vitesse moyenne proche de dix nœuds. Malgré une mer relativement calme, la coque à fond plat dépourvue de quille ne tarde pas à révéler son instabilité. Le vieux navire a été rebaptisé le Gastrolabe, mais ce n’est pas pour son service gastronomique ! La pertinence de ce surnom a été vériée par nombre de passagers victimes du mal de mer. Pour ma part, je tiens le coup, le plus difficile étant de trouver le sommeil. Le bateau roule énormément et je n’ai pas dormi de la nuit. Vivement l’arrivée dans les glaces, prévue d’ici quatre à cinq jours, d’autant plus qu’il n’y a pas grand-chose à faire sur le bateau... Depuis notre départ, nous n’avons vu aucun mammifère marin, seulement quelques oiseaux. Je m’occupe en photographiant sous tous les angles mon nouvel habitat, qui cumule les fonctions de cargo, paquebot, pétrolier, porte-hélicoptère, navire océanographique côtier et hauturier.

BANQUISE ET ICEBERGS EN ARRIÈRE-PLAN

Les températures baissent. L’air se charge de particules gelées et la mer ballote des « bourguignons », petits icebergs turquoise et translucides. Nous avons dépassé le front polaire, zone de convergence des eaux subantarctiques et antarctiques qui marque l’entrée dans l’océan Austral. À mesure que nous pénétrons dans cet autre monde, le panorama gagne en magie. Un soleil diffus réverbère des éclats pastel que les cristaux de glace projettent en tous sens. Au gré des courants dérivent des monolithes aux formes hétérogènes. Tandis que les plus spectaculaires montagnes d’eau douce dressent leurs ancs frigoriés à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, la surface plate des icebergs tabulaires attire des manchots épars qui se dodelinent dans leurs costumes noir et blanc. La blancheur éblouissante des fragments de glaciers qui envahissent l’océan se pare ça et là de nuances vermillon ou vertes, dues à la présence d’algues. Tout d’un coup, le premier choc retentit. Sous la pression des moteurs, des blocs compacts se fendent successivement le long de la coque. L’étrave ouvre de longues craquelures qui courent sur la banquise en zigzaguant. D’énormes pièces de puzzle éclatent dans un fracas d’impacts qui s’accompagne de crissements métalliques. Heurtée de plein fouet, l’eau de mer solidiée est disloquée jusqu’à un mètre d’épaisseur et découvre un passage navigable entre ses failles.

TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

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À bâbord et tribord, les lourdes plaques entaillées se morcellent, créent de nouvelles fractures, se chevauchent, s’amoncellent, se brisent. En passerelle, le commandant barre au plus près des étroits chenaux libres de glace. J’ai le sentiment d’aller vers l’inconnu. Hormis un navire de recherche australien, aucun bâtiment n’a croisé notre route depuis des jours. La nature remet tout à son échelle. Dans cet environnement en tous points hostile à l’homme, notre bateau est si vulnérable, si dérisoire... Les coups de boutoir de l’étrave ne parviennent plus à rompre la banquise, dont la base immergée devient impénétrable. Nous sommes pris dans le pack de glace. Un piège que l’Astrolabe connaît bien, pour y être resté bloqué des semaines entières lors de précédentes rotations. Dès le lendemain, il parvient par chance à s’en libérer. La Terre Adélie est distante de près de quatrevingts milles. Des « watersky », bandes sombres qui soulignent les nuages bas, indiquent la présence d’eau dans le voisinage de la glace de mer. Bientôt notre sillage s’échappe du pack comme d’un mauvais souvenir et l’ombre du navire glisse sur une mince pellicule gelée parcourue d’icebergs. La surface de ces eaux côtières, d’un gris lisse et satiné, a l’aspect d’un miroir qui rejoint le ciel. J’apprends que ce décor étale, incroyablement beau et apaisant, s’appelle la polynie, un emprunt lexical au russe qui signie « trou

MANCHOT EMPEREUR DEVANT L'ASTROLABE AMARRÉ

dans la glace ». Il désigne une zone d’eau libre au sein d’une banquise d'eau de mer. Emportée au large par les vents ou les courants océaniques, la banquise a libéré cette sorte de lac intérieur, dans lequel de la nouvelle glace va se former. zone refuge pour les mammifères marins et les manchots car riche en plancton, la polynie amorce la chaîne alimentaire et permet ainsi à la faune de se développer. Dans un grand ciel bleu, des pétrels des neiges et des skuas virevoltent autour du bateau. La base se trouve encore à trente kilomètres et bien qu’elle soit située sur une île, il est impossible d’aller plus loin : la fonte du glacier a enseveli le petit archipel de Pointe Géologie. L’Astrolabe percute la banquise an de s’amarrer. « Beacher » sur la glace, une technique de mouillage pour le moins originale ! Nous sommes conduits à terre en hélico. La durée de notre escale sera de sept jours si la météo permet le bon déroulement des opérations logistiques.


Enn, la terre d’Adélie La base de DDU a posé ses bâtiments rouges sur la petite île des Pétrels. À cinq kilomètres du continent, la station, construite pour l'année géophysique internationale de 1957, a remplacé celle de Port-Martin qu’un incendie a ravagé quatre ans plus tôt. Ici comme dans le reste des TAAF, il n’y a pas de population permanente. De mars à novembre, une trentaine d’hivernants sont répartis entre les services généraux et les missions scientiques. Ces dernières, de portée internationale, collectent des données pour les laboratoires français, la chaîne logistique étant gérée par l'Institut polaire Paul-émile Victor. J’ai sous les yeux ce qui pourrait ressembler à un campus universitaire, avec sa cinquantaine d’installations - laboratoires scientiques, station météo, centrale électrique, garages, ateliers, hôpital - et ses lieux de vie : logements, salle de restauration, bibliothèque. Dumont d'Urville est avant tout une base scientique. La géophysique, discipline des sciences de la Terre, possède par exemple son propre bâtiment et plusieurs aménagements : un marégraphe, une mesure des rayonnements cosmiques, un GPS évaluant l'enfoncement du continent Antarctique dans le manteau terrestre. Le magnétisme et la sismologie sont également étudiés. Qui plus est, la base dispose d’un laboratoire de chimie de l'atmosphère et d'un Lidar, permettant d’analyser le trou dans la couche d'ozone. La base de DDU a également en charge une lourde activité logistique impliquant de nombreux techniciens : électriciens, plombiers, mécaniciens pour la centrale électrique, mécaniciens pour les engins... Une fois la journée terminée, le point de ralliement des hivernants et des campagnards d’été est la salle commune, qui sert de lieu de restauration, de réunion et de loisirs. Nous prenons nos repas à heures xes et tous ensemble.

L’aspect communautaire du mode de vie me frappe, peut-être encore plus qu’aux Kerguelen. On se retrouve très rarement seul à DDU, peut-être le soir dans son lit, car on partage même sa chambre avec un autre résident. Nous sommes logés assez confortablement, dans des dortoirs aux petites chambres doubles bien chauffées. Passé le moment de la découverte, je prends conscience que ce milieu si inhospitalier pour l’être humain engendre une forme d’enfermement. Seul en dehors du périmètre de la base, on ne peut rien faire. Les déplacements sont extrêmement cadrés car il ne faut jamais oublier la dangerosité du milieu naturel. En raison des ssures dans la glace et du froid extrême, on ne sort qu’en groupes de trois personnes au moins, l’une d’entre elles munie d’un talkiewalkie pour rester en contact avec le Bureau des communications radio (BCR). Une espèce de routine et de monotonie s’établit assez vite, même si les scientiques apprécient leurs activités très variées de terrain. Depuis DDU, une ligne de vie permet de se rendre à la base Maret, la toute première station construite, et qu’on appelle « la base d’été ». Elle abrite une Dz (Drop zone) où stationne un hélicoptère français, ainsi qu’un stockage de carburant, des bâtiments techniques et les dortoirs d’une partie des équipes.

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Rendez-vous avec le blizzard L’île des Pétrels présente un vif intérêt pour l’étude de la faune, et en particulier des manchots empereurs qui viennent se reproduire pendant l’hiver austral. À moins d’un kilomètre de la base, une manchotière a été le lieu de tournage du lm La Marche de l'empereur de Luc Jacquet. Pendant l'été, les environs de la base accueillent des manchots Adélie. Dès le deuxième jour de notre arrivée, je fais le tour de l’île aux Pétrels, de neuf cents mètres de long par cinq cents de large, mais curieusement je n’observe que deux manchots de cette espèce. Sur le site de la colonie, la neige recouvre les plumes et cadavres de nombreux poussins... La beauté jouxte la mort… Cette année, pour la première fois, aucun juvénile n’a survécu. Le réchauffement climatique serait responsable de la fonte du glacier. La débâcle précoce de la banquise, lieu de nidication et garde-manger des manchots qui se nourrissent de calmars, de poissons et de krill, accélérerait la baisse des populations. Dans l’après-midi, l’horizon se couvre. Les navettes hélico qui assurent les déchargements de matériel et de carburant doivent être interrompues en raison du vent et du manque de visibilité. Chaque « sling » hélitreuille un mètre cube de carburant, l’objectif étant d’en descendre 370 m3 sur base pendant la semaine de mission. Or la météo est loin de s’arranger. Le blizzard s’engouffre de toutes parts. Nous sommes contraints de nous calfeutrer à l’abri du froid et de la tempête de neige qui s’abat maintenant sur DDU. Il faudra attendre neuf jours pour qu’une accalmie permette la reprise des ravitaillements aériens, de l’aube jusqu’au crépuscule. En dehors des besoins de la base, le carburant sert à la production d’électricité pour la station de recherche franco-italienne de Concordia. À cinq kilomètres de l’île des Pétrels, la base annexe de Cap Prud'homme organise les trois convois terrestres qui ravitaillent chaque été le Dôme C de Concordia, situé à mille cent kilomètres à l'intérieur du continent. Les expéditions sont assurées par des équipages d’une dizaine de personnes, dont un médecin qui fait aussi office de cuisinier. Chaque raid achemine trois cents tonnes de matériel et de vivres vers Concordia, à l’aide de neuf tracteurs agricoles à chenille et de traîneaux adaptés au transport de charges dans des conditions de froid extrême. Dix à quinze jours sont nécessaires pour rallier le Dôme C. Ce raid, une spécicité française, est une prouesse à la fois technique et humaine.

ICEBERGS À LA DÉRIVE SUR L'OCÉAN

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Escapade sur la banquise Nous sommes arrivés il y a onze jours et le départ est programmé pour après-demain. Je me joins à un groupe qui part en randonnée sur la banquise. Nous avons tous des vêtements secs dans nos sacs à dos, au cas où nous tomberions à l’eau. Alors qu’elle donne l’impression d’être molle, la glace est très ferme, on ne s’enfonce pas dans la neige. À contre-jour, le glacier de l’Astrolabe cache le soleil qui l’éclabousse de ses rayons. La banquise n’est pas toute plate. Les sols, moins lisses qu’une plage, sont travaillés et sculptés par les vents, avec des virgules, des ondulations marquées. Au début, je préfère suivre les connaisseurs du terrain, surtout lorsque nous marchons sur des plaques translucides. La progression est assez effrayante mais on me rassure, il y a au moins 80 cm d’épaisseur sous nos pieds. Je photographie le « chou-eur », iceberg le plus proche de la base, et un peu plus loin un phoque de Weddell qui s’est hissé laborieusement d’une fracture dans la glace. S’approcher des icebergs est périlleux, car les blocs peuvent se détacher et la banquise y est plus fragile. Nous parcourons ainsi quatre à cinq kilomètres. S’il fait environ -8°C, la température ressentie est bien inférieure, en raison du vent qui devient vite glacial et difficile à supporter. On ne se rend pas bien compte des distances mais près de trois cents à quatre cents mètres séparent les icebergs ; nous en contournons au moins dix au cours de cet itinéraire habituellement situé en zone inondée. Leurs matières et leurs formes, neige lisse, glace translucide, stries et zébrures, m’invitent à la photographie. Les paysages sont spectaculairement beaux, non pas tout blancs ni uniformes, mais chamarrés de reets roses, bleutés et de changements de lumières. Nous sommes de retour à DDU quand le soleil commence à disparaître derrière l’horizon. Cette randonnée en Terre Adélie m’a fait entrevoir un univers encore préservé, sublime et puissant. L’atmosphère pure de ce désert blanc empourpre le ciel. Derrière le glacier de l’Astrolabe, au même moment, se lève la lune…

UN PHOQUE DE WEDDELL

RANDONNÉE VERS L'ICEBERG LE CHOU FLEUR


Recette de l’Atelier de Ben

Délice

au chocolat

et ses tuiles aux amandes 78 ·

PAPILEES EN FÊTE


Ingrédients ½ l de lait 1 gousse de vanille 6 jaunes d’oeufs 125 g de sucre

T. 0262 217 403

30 g de Maïzena 120 g de chocolat 64% Recette par étapes Faire bouillir le lait avec la vanille. Fouetter les jaunes d’oeufs avec le sucre jusqu’à ce qu’ils blanchissent. Ajouter la maïzena. Fouetter encore.

35 avenue de la Victoire 97400 Saint-Denis île de La Réunion

verser le lait chaud dessus. remettre sur le feu en fouettant vigoureusement. Faire bouillir quelques instants en fouettant toujours ; la crème doit se détacher de la casserole. Incorporer le chocolat coupé en petits morceaux dans la crème encore chaude. Filmer au contact et mettre au réfrigérateur. Les Tuiles Ingrédients 125 g de sucre 45 g de farine 45 g de beurre 75 g de blancs d’œufs 30 g de noisettes concassées Recette par étapes mélanger au fouet le sucre, la farine, les blancs d’œufs et, à la fin, le beurre en pommade. réserver au réfrigérateur pendant 1 heure. étaler les tuiles au pinceau en formant des disques sur une plaque

COMME UNE ENVIE DE VOYAGER ...

de cuisson garnie de papier sulfurisé. parsemer de quelques noisettes et cuire 5 à 6 minutes au four 180 °c. La cave de la Victoire suggère de savourer ce succulent dessert accompagné d’un Porto LBW 2007.

Porto LBV 2007 39 € Churchill's Croquant et concentré Retouvez cette recette filmée sur batcarre.com

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. A CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


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