CARRÉ
BAT’ NUMÉRO 3 // DÉCEMBRE 2011 - JANVIER 2012
salazie
mystère & magie rencontre ismael aboudou
Festivités du 20 décembre
des jouets & DES HOMMES
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BAT’
ÉVASION CULTURELLE BEAUX LIVRES, ROMANS DU MONDE AU CŒUR DE L’ÎLE MYSTÈRE & MAGIE DU CIRQUE RENDEZ-VOUS AVEC RENÉ ROBERT : LES NUÉES ARDENTES DE SALAZIE L’ÉNIGME DU PITON D’ENCHAING LE VOILE DE LA MARIÉE AGRICULTEURS TÉMÉRAIRES, DANS LES ÎLETS & SUR LES REMPARTS SAVOIR-FAIRE CISEAUX NOSTALGIQUES BALADE IMPROMPTUE LE MOULIN DU TOUR DES ROCHES ARCHITECTURE & DESIGN LE BIENNALE DES ARTS ACTUELS DU PORT CHRONIQUE AKOUT LINDIGO RENCONTRE ISMAEL ABOUDOU, LE CARBURANT DU SUCCÈS HORIZON SAUVAGE FEU AU MAÏDO VOYAGE-VOYAGE AU PAYS DU PÈRE NOËL PASSION LA DIAGONALE DES FOUS 2011, LE JOURNAL DE BORD D’UN RAIDEUR TENACE SEPTIÈME ART UN AUTRE MONDE, LA RÉUNION AU CŒUR DE L’ACTION DANS LES COULISSES D’UN AUTRE MONDE, JOURNAL D’UNE CHEF DE FILE AU FIL DES FESTIVALS L’EXPOSITION-ÉVÉNEMENT FAIT ESCALE À LA RÉUNION RENDEZ-VOUS BD MESSIÉ-MADAME BIDOCHON RÉUNIONNAIS DU MONDE LES GLOBE-TROTTERS RÉUNIONNAIS PAPILLES EN FÊTE LE CHOUCHOU FAIT SON TOUR DU MONDE DE LA TÊTE AUX PIEDS QUELQUE CHOSE DE ROUGE TENDANCE KADOS JEUX RÉSULTATS DES JEUX Erratum Stéphane Maïcon est l’auteur de la photo du phare de Sainte-Suzanne, page 27 du numéro 2 de Bat’Carré, attribuée par erreur à Thierry Hoarau. Nous souhaitons aussi remercier Sylvie Réol pour sa participation au montage du dossier Patrimoine à La Réunion du Bat’carré n° 2. Un oubli injustifié et inélégant eu égard à sa précieuse contribution. Toutes nos sincères excuses ! Tous droits de reproduction même partiels des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.
Couverture RMN Grand Palais Éditeur BAT’CARRÉ SARL bimestriel distribué à 15 000 ex Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463
Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 29 47 50 Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs René Robert, Vanessa Boulares, Éva Bonnet, Stéphane Maïcon, Guillaume Peroux, Nadine Delmas, Dominique Vincent, Véronique Lauret, Rodolphe Sinimalé, Nirina Donato, Francine George
Secrétaire de rédaction Aline Barre Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org Photographes Hervé Douris, Thierry Hoarau, Jean-Noël Enilorac, Laurent Benhamou, Stéphane Maïcon, Mareterraniu-François Karol, Nicolas Krief, RMN Grand Palais, Rodolphe Sinimalé, Illustrateurs PL, Yann Tafanel, Éva Bonnet
Création & exécution graphique Crayon noir Un grand merci pour leur collaboration René Robert, Yves Kneusé, RMN Grand Palais, Guillaume Peroux, Paul Rognoni, Gabriel Aghion et l’équipe du film Un autre monde, Fabienne Jonca, Dominique Vincent, Rémy Payet, Jean-Michel Gourdalsing, Éric Robin des Éditions Epsilon, Alexandre Boutié et Gérald Reiser de 1,2,3… productions.
Développement web Anli Daroueche Publicité Francine George : 0262 28 01 86 Anli Daroueche : 0692 29 47 50 Distribution TDL Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André
Les flamboyants sont en fleurs et les décorations de Noël se balancent en drapé de lumière au vent de l’été. Notre premier cadeau est de vous emmener en voyage au pays des jouets avec cette magnifique exposition qui se tient jusqu’au 23 janvier 2012 dans les Galeries du Grand Palais à Paris. Puis, nous vous offrons, grâce à René Robert, un peu de mystère et de magie dans le cirque de Salazie. Une façon de partager avec vous les beautés de l’île et de comprendre, derrière le premier regard, ce qui est exceptionnel à l’échelle du patrimoine de l’humanité. Nous ne pouvions pas passer sous silence ces 2 700 hectares brûlés dans les hauts de l’ouest. Et nous avons voulu rendre hommage aux pompiers principalement et à tous les personnels engagés dans cette bataille acharnée contre le feu qui a duré un mois et demi. Pour apaiser la colère de cet incendie criminel, nous vous proposons une balade rafraîchissante au vieux moulin de SaintPaul en vous encourageant, les petits comme les grands, à prendre vraiment soin de ces trésors que la nature nous livre et que nous n’avons pas encore saccagés. Les fêtes du 20 décembre sont bien évidemment à l’honneur avec des concerts et surtout avec l’exposition-événement « les Musiques Noires dans le monde » qui fait escale au domaine de Montgaillard pendant quelque temps. Zoom sur une autre exposition, au Port, une biennale destinée à encourager les jeunes talents d’horizons divers. Enfin, nous ouvrons nos colonnes aux personnes animées d’un grand enthousiasme dans ce qu’elles entreprennent, passion d’un métier avec un coiffeur « à l’ancienne », passion d’un raideur qui vit sa course le chrono chevillé au corps, passion de la danse que nous transmet Ismaël Aboudou, passion du cinéma pour ceux qui se plongent dans l’aventure d’un premier film… Bonne découverte ! Joyeuses fêtes de fin d’année ! Francine George
rendez-vous sur www. batcarre.com
BO LIVRE(S)
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REGARDS SUR LE PATRIMOINE NATUREL RENÉ ROBERT EDITIONS TERRAVENIR
AU CŒUR DU PARC NATIONAL DE LA RÉUNION HERVÉ DOURIS TEXTE BERNARD GROLLIER EDITIONS ÉPSILON
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Splendide, exubérante, inédite, la nature réunionnaise a aussi une histoire passionnante à raconter. En partant du plaisir à contempler ces paysages, René Robert décrypte pour nous « le processus naturel qui a abouti à ce que nous voyons aujourd’hui ». Le résultat est époustouflant, une épopée géologique expliquée et racontée dans un langage simple avec croquis et photos à l’appui. Directeur scientifique du dossier de candidature au patrimoine de l’UNESCO, René Robert nous transmet les éléments essentiels étudiés lors de cette grande aventure qui a réuni tous les scientifiques concernés. Premier tome d’une collection à ne pas manquer.
Hervé Douris et Bernard Grollier ont cherché à capter les instants magiques qui donnent du relief au paysage. Le livre, de thème en thème, parcourt le parc national, avec des vues de près, de haut, d’ensemble… toute une série de très belles images destinées à nous révéler La Réunion dans sa dimension la plus exceptionnelle.
UNE DOUBLE PAGE DE BEAUX LIVRES À OFFRIR QUI, TOUS, PARLENT DE LA BEAUTÉ DE LA RÉUNION ET DE SES PAYSAGES CLASSÉS AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO.
LA RÉUNION CHRISTIAN VAISSE, RÉMY RAVON & RENÉ CARAYOL EDITIONS OCÉAN ÉDITIONS
RÉUNION DE COULEURS SOUS-MARINES LAURENT BÊCHE EDITIONS LAURENT BÊCHE
PANORAMAS DE MADAGASCAR BERNARD GROLLIER EDITIONS JEAN-LUC ALLÈGRE
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Collection des éditions Glénat, ce livre réalisé en collaboration avec Océan Éditions embrasse toute l’île, s’imprègne des paysages tout en restituant par ces belles photos une ambiance, des senteurs, des saveurs… Cet ouvrage collectif est dédié à Christian Vaisse qui y a largement participé sans avoir eu la possibilité de le voir imprimé.
Laurent Bêche nous livre ses trésors patiemment observés pendant 20 ans de plongée sous-marine sous l’angle étonnant des abysses par tranche de couleurs. Un livre qui témoigne aussi de la nécessité de préserver les fonds sous-marins de La Réunion.
Après « Panoramas de La Réunion », Jean-Luc Allègre nous présente Madagascar à sa façon, c’est-à-dire en vues panoramiques, la quintessence de son travail.
partagez plaisirs de lecture sur www. batcarre.com
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Lauréat du deuxième Grand Prix du Roman Métis, prix littéraire international de la Ville de Saint-Denis, Lyonel Trouillot signe avec La belle amour humaine, un récit rempli d'humanité. Anaïse se rend à Anse-à-Fôleur, un petit village VÉRONIQUE LAURET de pêcheur sur la côte haïtienne. Elle y est l'étrangère, pourtant c'est ici que sont ses racines. Ici que son grand-père, l'homme d'affaires sans scrupule Robert Montès, s'est installé. LA BELLE AMOUR HUMAINE Ici aussi qu'il y est mystérieusement mort et que le père d'Anaïse a disparu. Dans le taxi qui mène AUTEUR LYONEL TROUILLOT EDITIONS ACTES SUD la jeune femme à destination, Thomas, le chauffeur, entame un long monologue. Il veut lui dire son pays où « le pain, ça se chasse comme le gibier, et, vu qu’il n’y en a pas pour tout le monde, le bruit a remplacé l’espoir ». Et l'histoire aussi de Robert Montès et du colonel André Pierre, deux hommes que tout semblait séparer mais qui se sont unis dans le pouvoir, l'amour de l'argent et la corruption. Ils ont construit Les Belles Jumelles, deux maisons identiques, côte à côte, signes de leur domination dans ce village où règne la pauvreté. Des demeures qui seront aussi leurs tombeaux suite à un incendie. Ce n'est pas la raison de ces morts qu'est venue chercher Anaïse, mais l'âme d'un père qu'elle n'a pas connu. Plus qu'un roman sur les origines, La belle amour humaine conte un pays, Haïti, entre beauté et violence dans une langue empreinte d'une grande poésie.
romans du monde
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CHRONIQUE DE
FLORILÈGE DE ROMANS PLUSIEURS SUGGESTIONS DE ROMANS À DÉVORER ENTRE LES FESTIVITÉS DE FIN D’ANNÉE ET LES VACANCES D’ÉTÉ, TOUJOURS DANS L’ESPRIT DU VOYAGE OÙ SE TRAMENT DES HISTOIRES PASSIONNANTES À LA DÉCOUVERTE DU MONDE…
HISTOIRES D’ICI ET D’AILLEURS LUIS SEPULVEDA EDITIONS MÉTAILIÉ
JE NE SUIS PAS D’ICI HUGO HAMILTON EDITIONS PHÉBUS
LES ARPENTEURS DU MONDE DANIEL KEHLMANN EDITIONS BABEL
CHEF JASPREET SINGH EDITIONS BUCHET-CHASTEL
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Une vingtaine de chroniques à travers le monde qui, toutes, prennent leur source dans les dix-sept années de dictature au Chili.
L’histoire de l’intégration douloureuse et surprenante d’un jeune Serbe émigré à Dublin, ville en plein essor économique.
Au XIXe siècle, le roman d’aventures de deux génies allemands, l’un géographe et l’autre mathématicien, dans une ambiance exubérante de découverte.
Un premier roman qui traite du retour sur le passé et d’initiations sensuelles. L’art culinaire sert une intrigue plus politique et met en relief les tensions indo-pakistanaises.
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Salazie mystère & magie
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AU C Œ U R D E L’ I L E
TEXTE
FRANCINE GEORGE HERVÉ DOURIS
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MYSTÈRE ET MAGIE DU CIRQUE BEAUTÉ D’UN VILLAGE DERRIÈRE LA BEAUTÉ DU SITE, SE CACHE L’HISTOIRE TRAGIQUE DE L’ÉVOLUTION DE L’ÎLE GOUVERNÉE PAR SES ENTRAILLES VOLCANIQUES. MYSTÈRE ET MAGIE SE CONJUGUENT ENCORE À L’HEURE D’AUJOURD’HUI POUR OFFRIR À CEUX QUE LE REGARD ENCHANTE DES POINTS DE VUE INÉDITS.
MYSTÈRES DE LA NATURE Le piton d’Anchaing veille comme un ancêtre sur le cirque de Salazie. Mais quelle est son histoire ? Un mystère non élucidé dont René Robert, directeur scientifique du dossier de candidature au patrimoine de l’UNESCO, nous laisse entrevoir différentes hypothèses. De tout temps, René Robert a pratiqué des rencontres sur le terrain soit avec ses élèves lorsqu’il enseignait la géographie - et beaucoup de Réunionnais en gardent l’heureux souvenir - soit avec des groupes d’adultes intéressés par l’expertise qu’il sait transmettre avec une générosité de vue et de propos. C’est un peu comme si nous y étions. René Robert nous donne rendez-vous tout d’abord à l’entrée du cirque pour nous raconter l’histoire des nuées ardentes. Puis, en plein milieu du cirque où le Piton d’Anchaing expose son profil impérial et enfin, sur le chemin du retour sur le site magique du voile de la mariée.
Bambouseraies, chouchous à flanc de rempart et cressonnières nous accompagnent sur la route sinueuse qui relie la côte au célèbre village d’Hell- Bourg. Encore quelques virages, cette fois bordés de platanes, et nous y sommes. La rue principale est toujours animée, même le dimanche, car les boutiques restent ouvertes. Partout, les rues transversales regorgent de jolies maisons fleuries, même le cimetière est joyeux. L’âme paisible du village donne un regain d’énergie. Les promenades sont multiples jusqu’en bas de la rivière où quelques pierres témoignent d’un passé thermal, ou jusqu’au belvédère du gîte de Bélouve qui offre de belles fenêtres panoramiques. C’est aussi le point de départ de multiples randonnées dans les cirques en s’imprégnant de paysages grandioses.
VIES DE LABEUR Et dans cet environnement d’une grande beauté, une partie de la population vit du tourisme et l’autre de l’agriculture. Un métier exercé de père en fils avec les mêmes contraintes physiques même si la modernité est passée par là. Ils nous racontent quelques scènes de leur quotidien dans cet environnement ardu. Le projet de basculement des eaux d’est en ouest risque fort de changer leur manière de travailler. Interdiction d’utiliser des pesticides et transfert des animaux sur le seul abattoir de l’île à Saint-Pierre.
Reflets à Mare à Poule d’Eau
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AU C Œ U R D E L’ I L E
TEXTE
RENÉ ROBERT HERVÉ DOURIS
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R E N D E Z - VO U S AV E C R E N É RO B E RT
LES NUÉES ARDENTES DE SALAZIE LES REMPARTS DU CIRQUE DE SALAZIE PORTENT LE TÉMOIGNAGE D’UNE ÉPOQUE (ASSEZ ANCIENNE) OÙ LE VOLCANISME A ÉTÉ D’UNE VIOLENCE RARE. Nous sommes habitués à des coulées de la Fournaise qui ne posent pas problème dès le moment où nous restons à une certaine distance pour éviter tout accident avec des températures de magma de plus de 1000°. Voici 180 000 ans environ, Salazie, dans sa configuration de l’époque (pas celle d’aujourd’hui) a été envahi par des « nuées ardentes », des cendres chaudes de plusieurs centaines de degrés. Toute vie, végétale et animale, a été condamnée. Après refroidissement, ces dépôts ont été enlevés du fond du cirque par les grosses pluies et les écoulements des torrents. Ou alors, ils ont été concassés et déplacés par les grands glissements de terrain qui ont affecté le cirque depuis moins de 180 000 ans. C’est par exemple le cas du glissement majeur de la région de Mare à Poule d’Eau, daté de 90 000 ans. D’une manière ou d’une autre, les nuées ardentes ne se voient plus dans leur place originelle au fond de Salazie. Par contre, il en reste sur les remparts : il s’agit de plaques de couleur claire, cimentées, et d’une épaisseur de plusieurs dizaines de mètres. Elles ont l’allure de grandes dalles verticales. Elles sont visibles dès le moment où elles tranchent avec les couleurs vertes et foncées de la végétation alentour. On en trouve dans les gorges de la Rivière du Mât et sur les remparts du cirque, particulièrement sur le rempart sud, pratiquement jusqu’au niveau d’Hell-Bourg. Un des sites les plus simples d’approche est celui du Pont de l’Escalier : le parking est assuré et les plaques de nuées ardentes se distinguent facilement sur le rempart de rive gauche. Conséquence imprévue de ces plaques de nuées ardentes : elles servent de nichoirs pour les « puffins de Baillon », des oiseaux marins. Dans les anfractuosités naturelles, les couples sont très nombreux et vers 19h00 il est assez fréquent de les entendre, du côté du Plateau Wickers, juste en amont du village de Salazie. Un concert surprenant tous les soirs à l’heure de l’apéritif !
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AU DÉPART DU PONT DE L’ESCALIER, LE CIRQUE SE DESSINE EN PROFONDEUR, LÀ OÙ L’AVENTURE GÉOLOGIQUE COMMENCE.
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AU C Œ U R D E L’ I L E
TEXTE
RENÉ ROBERT HERVÉ DOURIS
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L’ÉNIGME DU PITON D’ANCHAING IL TRÔNE AU BEAU MILIEU DU CIRQUE, ET ON LE VOIT DE PARTOUT, DU FOND DE SALAZIE COMME DES SOMMETS ENVIRONNANTS (ROCHE ÉCRITE, BÉLOUVE, DIORÉ, CAP ANGLAIS…) LE PITON D’ANCHAING EST UNE CONSTRUCTION ORIGINALE QUI N’A PAS SON PAREIL DANS MAFATE NI DANS CILAOS. Il est pour l’historien le site d’une légende remarquable, relatant la vie d’un Noir Marron et celle de sa femme Héva : au sommet du piton, ils dominaient les alentours et pouvaient guetter les arrivées des chasseurs d’esclaves. Pour le géographe, il est une énigme que des générations de scientifiques ont tenté d’élucider depuis plus de soixante ans. Quelle est l’origine de ce monument naturel ?
PLUSIEURS HYPOTHÈSES DEMEURENT Point de départ de l’analyse : sa structure en « millefeuille » est la même que celle des remparts du cirque (superposition irrégulière de coulées volcaniques). Et c’est la seule construction de ce type qui reste au fond du cirque… La première et la plus simple est que le Piton d’Anchaing a occupé de tout temps cette place. Il serait un témoin de l’ancienne extension du plateau de Bélouve. À l’époque, ce plateau aurait donc occupé l’emplacement des villages d’Hell-Bourg et de Mare à Poule d’Eau. Des effondrements auraient libéré l’espace actuel entre le rempart de Bélouve et le Piton d’Anchaing. Les forces naturelles l’auraient dégagé peu à peu depuis plus de 200 000 ans, le mettant en évidence par rapport au reste des constructions du fond de cirque. Une autre avance que le Piton est un énorme bloc qui se serait détaché du Gros Morne et qui, progressivement (et lentement, sinon il se serait cassé en mille morceaux) serait venu occuper sa place actuelle. Le Gros Morne culmine aujourd’hui à plus de 3 000 mètres et l’altitude maximale du Piton d’Anchaing est de 1 352 m. Soit une descente du bloc de l’ordre de 1 500 mètres, sur une distance relativement courte. Une idée quasi identique et plus récente fait venir le Piton des hauts de la Rivière du Mât, lors du glissement majeur de Mare à Poule d’Eau. Dans les deux cas, quel est le roulement à billes qui a permis ce transfert considérable ? Et comment ce giga-bloc, comme le décrit le BRGM, ne s’est pas émietté, comme ce fut le cas pour toutes les autres structures qui ont été concernées par les avalanches et autres glissements de terrain à l’origine du cirque de Salazie ? Quoi qu’il en soit, cette position spectaculaire rappelle que le volcanisme peut présenter un risque considérable pour les hommes et qu’il est important de le surveiller.
À découvrir, plein d’autres histoires de l’épopée géologique de l’île dans le premier tome de la collection de René Robert Regards sur le patrimoine naturel de La Réunion disponible sur commande au numéro suivant : 02 62 40 53 59 ou par mail : r.pheles@orange.fr
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LE PROFIL D’UN ANCÊTRE AU REPOS DOMINE DE TOUTES PARTS LE CIRQUE DE SALAZIE.
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vos commentaires à rené robert sur www. batcarre.com
TEXTE
RENÉ ROBERT HERVÉ DOURIS
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LE VOILE DE LA MARIÉE PEU EN AMONT DU VILLAGE DE SALAZIE, SE TROUVE UN POINT DE VUE OÙ TOUS LES TOURISTES S’ARRÊTENT OBLIGATOIREMENT UN MOMENT : C’EST CELUI DE LA « CASCADE DU VOILE DE LA MARIÉE ». C’est la plus belle de toute une collection de chutes d’eau qui ornent le rempart sud du cirque de Salazie, de l’arrière du village de Salazie à l’arrière de celui d’Hell-Bourg. Elles ont une originalité (qui n’est pas perceptible par tous) : elles ne se jettent pas du haut de la falaise. Elles naissent de grosses sources qui se trouvent dans la structure du rempart ; et ces sources s’alignent à peu près à la même hauteur. Au fur et à mesure de la descente des eaux sur la paroi du rempart, elles s’étalent sur des parois volcaniques, lisses et noires. D’où cette impression d’un voile blanc très attractif, et très photographié. Certains « vieux » regrettent que l’extension de la culture du cresson, à la base de la cascade, ait fait disparaître la vraie dimension du voile. Ce site mériterait une autre desserte (l’actuelle n’est pas très convenable) et une signalétique attractive (actuellement absente). Mais il est vrai que les conditions topographiques et structurales ne sont pas favorables. À un peu plus de cent mètres en amont, le Bras des Demoiselles se jette dans la vallée de la Rivière du Mât par une cascade qui peut atteindre de forts débits. Beaucoup de touristes n’ont pas la possibilité de la voir…
SUR LE CHEMIN DU RETOUR, LA MAGIE L’EMPORTE. LES REMPARTS BRUISSENT TOUT AU LONG DE L’ANNÉE DU RUISSELLEMENT JOYEUX DES CASCADES.
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Agriculteurs téméraires dans les îlets et sur les remparts
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STÉPHANE MAÏCON
HABITER UN CIRQUE À LA RÉUNION EST SYNONYME D’ENCLAVEMENT. LES ÎLETS ET VILLAGES DE SALAZIE SONT PRESQUE TOUS RELIÉS À UN AXE ROUTIER. POURTANT, LEURS HABITANTS EN CONNAISSENT LA VULNÉRABILITÉ ET LA FRAGILITÉ. CHAQUE ANNÉE, LA SAISON CYCLONIQUE PROVOQUE UN ÉBOULEMENT ET COUPE LE CIRQUE DU RESTE DE L’ÎLE. L’AGRICULTURE ET L’ÉLEVAGE FAMILIAUX SONT DES TRADITIONS ENRACINÉES DEPUIS TOUJOURS, SURTOUT À SALAZIE OÙ L’EAU COULE EN ABONDANCE. TOUTEFOIS, SI L’ENVIRONNEMENT EST EXCEPTIONNEL, ON OUBLIE SOUVENT L’ASPECT SPORTIF DU TRAVAIL SUR UN RELIEF AUSSI ESCARPÉ.
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Et pourtant, malgré ces difficultés, lorsque l’on interroge les agriculteurs sur leurs conditions de travail, tous donnent la même réponse : « Nous n’avons pas d’autre choix ». En l’occurrence, cette fatalité n’a rien d’une soumission, mais tient plus de la fierté, celle de poursuivre un travail entamé par les aïeux, il y a des années, et du courage tranquille lié à l’expérience. « S’il pleut, tout change », raconte Paulin Técher, dont le terrain familial se trouve à Bé-Cabot, après Mare-à-Martin. Le sol devient meuble et l’on s’enfonce, ou bien il glisse et gare à la dégringolade ! D’un autre côté, si les haricots jaunes sont mûrs, il faut vite les récolter, sinon tout est perdu. Tout en restant prudent, parce que si une caisse pleine chavire, tout est à ramasser, au moins ce qui n’est pas gâté.
L’AGRICULTURE EN HÉRITAGE Paulin Técher a 42 ans et habite les lieux depuis l’âge de deux ans. Il est également président du Groupement d’Agriculteurs de Mare-à-Martin qui réunit une trentaine d’adhérents. « Je suis né à Sainte-Marie, mais mes parents étaient originaires de Bé-Cabot. Dès qu’ils en ont eu l’occasion, ils sont revenus s’y installer. J’ai toujours baigné dans l’agriculture. Papa plantait du tabac et nous lui donnions fréquemment un coup de main. Nous remontions alors des bottes de six pieds, depuis le fond de la ravine jusqu’au séchoir. C’était une pente très raide. Nous marchions tous les jours sans nous poser de questions ». L’accès aux parcelles, souvent très petites en raison du relief, relève parfois de l’exploit. Bien que les routes bétonnées aient remplacé les chemins de terre, le 4x4 ne passe pas partout et il n’est pas rare qu’une marche d’approche plus ou moins longue soit nécessaire pour atteindre son terrain. Et lorsqu’il faut traverser une ravine pour parvenir à son carreau, mieux vaut surveiller le niveau de l’eau par temps de pluie, sous peine de ne pouvoir regagner son foyer.
« L’habitude nous permet de rester tranquilles et de garder le pied sûr », poursuit Paulin Técher. « Il est certain qu’il vaut mieux ne pas avoir le vertige ! Nous connaissons les endroits dangereux. Et si l’on perd l’équilibre, on sait de quel côté glisser ! » Dominer sa peur du vide n’est plus vraiment un souci pour les agriculteurs de Salazie qui doivent aujourd’hui lutter contre un ennemi plus tenace : les insectes. « Dans le temps, on ne cultivait que du maïs et des haricots jaunes. Puis nous avons diversifié notre production avec des pâtissons, courgettes, concombres, tomates, fruits de la passion... Mais avec ces nouvelles plantes, de nouveaux parasites se sont installés dans le cirque. Il n’est pas rare de voir les chenilles manger la moitié d’une parcelle de tomates ». Malgré ces désagréments, ces hommes ne tarissent pas d’éloge pour décrire leur cadre de travail et célébrer ce cirque nourricier. « Lorsque je lève la tête et que je vois le Piton d’Anchaing et le Piton des Neiges, il est certain que je préfère voir ces belles choses plutôt que de me trouver en ville, cerné par des bâtiments ».
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LE GOÛT DU LABEUR
LES MUTATIONS RÉCENTES
Et ce n’est pas Jean-Max Damour qui le contredira, lui qui exploite avec son frère la cressonnière située au pied du Voile de la Mariée. Les pieds nus, il arpente ces terrasses gorgées d’eau ou saute comme un cabri de roche en roche pour confectionner de magnifiques bottes de brèdes chouchou. Au pied de l’impressionnant rempart qui soutient le plateau de Bélouve, le décor est enchanteur et masque l’âpreté de la tâche de Jean-Max qui y a laissé quelques dents, lors d’une chute de plusieurs mètres. « Papa s’est installé ici il y a plus de 25 ans », raconte-t-il encore. « Il a loué pendant une quinzaine d’années avant de devenir propriétaire. Avant notre arrivée, il n’y avait là que du maïs et des haricots. Nous avons tout bâti de nos mains, à la pique et la pelle, comme à Mare-à-Goyaves, la première cressonnière que mon père a créée. Il nous y emmenait tous les jours. Nous transportions des roches pour monter les murs. C’était un véritable calvaire, mais il n’était pas question d’abandonner. Pour apprécier ce métier, il faut avoir grandi avec. Dès le vendredi, nous allions à la cressonnière et le dimanche, nous l’accompagnions dans ses livraisons sur tout l’Est et jusqu’à Saint-Denis. Et nous vendions la totalité de la récolte, ce qui n’est plus forcément le cas aujourd’hui. Auparavant, les gens ne mangeaient pas autant de salade, car il n’y en avait presque pas. L’arrivée massive des maraîchages a stoppé net l’essor du cresson.
Et pourtant, en cette période de forte production, il n’y avait pas encore de route. Mon père était obligé de quitter le Voile de la Mariée, un gros panier en bambou chargé de 50 kg de cresson sur la tête, et de l’emporter au village en franchissant une passerelle rudimentaire. Aujourd’hui, ma journée de travail débute à 7 heures et je commence par mes livraisons. De retour à Salazie en milieu de matinée, je passe à la cressonnière pour l’entretien : irrigation, arrachage des herbes. Ce n’est que l’après-midi que je passe à la récolte, car une fois coupés, le cresson et les brèdes tiennent mieux la nuit. S’il y a beaucoup à ramasser, je poursuis mon travail jusqu’à l’obscurité totale. Je récolte environ 200 kg par jour, soit à peu près une dizaine de caisses. Après quoi, il faudra confectionner des bottes. Nous faisons tout nous-mêmes, mon frère aîné et moi. Mes deux derniers frères, qui ont une vingtaine d’années, ne veulent pas entendre parler d’agriculture ! » Il est vrai que les conflits générationnels, la rudesse du labeur, et l’attrait pour les villes menacent l’avenir de cette noble activité. Mais a priori, ce n’est pas la plus grande inquiétude des agriculteurs de Salazie qui sont bien plus préoccupés par le basculement des eaux. En effet, l’approvisionnement en eau du bassin Ouest interdirait totalement l’utilisation d’engrais et de tout moyen de lutte chimique contre les insectes, qu’ils soient conventionnels, raisonnés ou même biologiques. Si l’on comprend aisément les raisons qui motivent de telles décisions, les conséquences pour l’agriculture de Salazie risquent d’être lourdes. Actuellement, des scientifiques se penchent sur la question pour tenter de remplacer l’action chimique par celle de la Nature. Le CIRAD a bien introduit la mouche bleue d’Amérique du Sud pour contrer l’avancée de la vigne marronne. Quoi qu’il en soit, avec le basculement des eaux, Salazie abordera une ère nouvelle qui bouleversera la vie agricole du cirque.
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PARTOUT DANS LE CIRQUE DE SALAZIE FLEURIT L’AGRICULTURE VIVRIÈRE, DES TREILLES DE CHOUCHOU, PÂTISSONS ET FRUITS DE LA PASSION AUX CRESSONNIÈRES SOUS LE VOILE DE LA MARIÉE. BAT’CARRé 20
de la mer
boutique
aquarium de la réunion
PORT DE PLAISANCE // SAINT-GILLES LES BAINS // ILE DE LA RÉUNION
atelier crayon noir
boutique
réunion nature BAT’CARRé 21
P U B L I - R E P O RTAG E
EDF
Les années Lumière de La Réunion
EDF A VOULU FAIRE ŒUVRE DE MÉMOIRE ET RACONTER L’HISTOIRE DE L’INSTALLATION DE L’ÉLECTRICITÉ À LA RÉUNION. PLUTÔT QUE DE CONCEVOIR UN DOCUMENT INSTITUTIONNEL, L’IDÉE FUT DE FAIRE VIVRE CETTE GRANDE ÉPOPÉE EN RENDANT HOMMAGE AUX ANCIENS QUI ONT PARTICIPÉ À LA MÉTAMORPHOSE DES MODES DE VIE ET DE PRODUCTION DE L’ÎLE. LE RÉSULTAT : UN BEAU FILM DE 52’ REMPLI D’ÉMOTIONS ET DE SOUVENIRS PRÉCIEUX.
Une diffusion est prévue sur Réunion 1ère vers la mi-décembre. À voir absolument !
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Caractéristiques film Titre : Les Années Lumière de La Réunion Réalisateur : Alexandre Boutié Ecriture scénario : Alexandre Boutié, Daniel Vaxellaire Producteur : Gérald Reiser Société de production : Les Films 1,2,3... Co-production : Réunion 1ère Durée : 52'00'' Format image : Full HD Crédits photographiques (de gauche à droite) © Les Films 1,2,3... © Les Films 1,2,3... © Legros © Legros
L’AVENTURE DU FILM
L’AVENTURE HUMAINE
Un pari audacieux qui a demandé plusieurs mois de travail acharné et le recours à des spécialistes de talent. À commencer par le réalisateur Alexandre Boutié d’une grande sensibilité humaine dont le postulat est « Chaque vie mérite un film ». Il forme un tandem avec le producteur Gérarld Reiser. Puis, l’historien Daniel Vaxelaire les a rejoints et tout un programme de recherche a été entrepris en coordination avec les équipes d’EDF. À l’évidence, eu égard au sujet du film, une co-production avec Réunion 1ère s’est vite imposée. Au royaume des images d’archives, le réalisateur a trouvé son bonheur et, par les techniques d’aujourd’hui, leur a donné une nouvelle vie en trois dimensions. Puis, Alexandre Boutié a sillonné l’île à la rencontre des personnels retraités d’EDF qui, chez eux, ont accepté d’être filmés et se sont livrés à l’exercice difficile de l’entretien souvenir. Pour eux, ce n’est pas le travail qui reste en mémoire, mais la « maison EDF », une grande famille.
Le film retrace les trois générations de l’entreprise depuis l’origine, Bourbon lumière, EER et maintenant EDF, et fait témoigner différents acteurs institutionnels de premier plan. Mais ce qui prime dans « Les années lumière », c’est la dimension humaine, le regard des anciens d’EDF sur cette époque pionnière où chacun avait conscience de faire partie d’une grande aventure qui allait révolutionner la vie des Réunionnais et la production réunionnaise. Et c’est là que la mémoire s’échappe pour raconter les souvenirs de comment on vivait sans avoir la possibilité d’appuyer sur un bouton pour sortir du fénoir. Le pari technique de l’électrification de l’île est donc enrichi de témoignages sur le vif et de bouleversements vécus par les usagers. Le film est, de plus, émaillé de la vision étonnante et poétique de jeunes enfants d’aujourd’hui à qui l’on pose la question de comment se fabrique l’électricité. Un film d’une grande importance pour l’histoire de l’entreprise, mais aussi pour l’histoire de La Réunion.
S AVO I R - FA I R E
TEXTE
FRANCINE GEORGE - ILLUSTRATION PL - PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC
ciseaux nostalgiques
UN FOND MUSICAL ÉGRÈNE LES CHANSONS ENREGISTRÉES PAR JEAN-MICHEL GOURDALSING, COIFFEUR DEPUIS QUARANTE ANS À L’ANGLE DE LA RUE RUISSEAU DES NOIRS ET DE LA RUE LIANCOURT. « IL FAUT VENIR CHEZ MOI POUR ENTENDRE ENCORE CES CHANSONS. PAS DE PUB, PAS DE CAUSERIES. IL N’Y A QUE DES CHANSONS QUE J’ENREGISTRE MOI-MÊME. » LE TON EST ÉNERGIQUE. JEAN-MICHEL EST DE L’ANCIENNE ÉCOLE ET LE REVENDIQUE : « J’AIME PAS TROP LE MODERNISME, JE PRÉFÈRE L’ANCIEN. »
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« ÉTOILE DES NEIGES… MON CŒUR AMOUREUX… » « Tout ce que vous voyez là, c’est ma personnalité ». Une riche personnalité tant il y a à voir. Impossible de passer à côté du foot, Jean-Michel est un supporter du club de Saint-Etienne. Pour les politiques, il y en a de tous les bords « C’est le client qui choisit ». Les articles de journaux et les photos sont superposés dans un enchevêtrement inextricable. Des murs au plafond, pas un centimètre de respiration entre deux collages. Et encore pardessus, toutes sortes de gadgets sont punaisés ou suspendus à des crochets, peignes multicolores, fanions, jouets en équilibre incertain pour distraire les enfants. Une caverne d’Ali Baba qu’un vieux ventilo époussette faiblement. Un grand miroir fixé à un meuble jonché lui aussi de revues, de bibelots et d’une place laissée à une farandole de ciseaux, accueille les clients. Et la moto ! Une grosse Honda trouve, on ne sait trop comment, sa place dans ce salon de coiffure.
« JE VOUS PARLE D’UN TEMPS QUE LES JEUNES DE 20 ANS NE PEUVENT PAS CONNAÎTRE… » Parmi ses sept frères et sœurs, quatre se sont lancés dans la coiffure. Il n’en reste plus que deux dans le métier. Alors, Jean-Michel cultive précieusement la tradition familiale transmise de père en fils. Voici bientôt quarante ans qu’il coupe les cheveux de ces messieurs : « Les dames, c’est trop compliqué ». Il faut dire qu’il maîtrise la coupe comme personne. Il arrive à dessiner un arrondi parfait sur la nuque en faisant fi de l’implantation capricieuse du cheveu. « Je coiffe à l’ancienne avec les ciseaux. » affirme-t-il en montrant son diplôme qui se distingue difficilement du sympathique capharnaüm affiché au mur. Il a commencé à 17 ans avec son père, puis a continué avec son frère. Trois glaces sont installées pour ses fils. Chacun vient y faire ses gammes sous le regard strict de papa. Le tour de main est certes une qualité première de ce coiffeur d’une autre époque, mais aussi sa capacité à mettre de la gaîté, à entretenir la conversation avec ses clients. Jean-Michel porte
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en lui l’amour du travail bien fait. Le salon ne désemplit pas : « On ne prend pas de rendezvous. Ici, c’est l’ancien modèle. De toute façon, les gens ne sont pas à l’heure ». Alors, les clients attendent patiemment dehors. Certains se connaissent et en profitent pour échanger les dernières nouvelles. « Ici, c’est bien, ça discute de tout. Avant que ça ne passe à la radio, je sais que la route en corniche est fermée. »
« MA VIE…QU’IL EST LONG LE CHEMIN ! » Jean-Michel a plusieurs cordes à son arc. Il pratique différents sports avec assiduité. Le sport en salle, les arts martiaux, les matchs de foot et courir dans le lit de la rivière. Il prend sur ses heures de sommeil pour s’entraîner, le soir de 20 heures à 23 heures avec les copains. Il aime la musique et joue de la guitare. « La vie est dure et les gens sont barbares. Les chansons, ça met de la douceur ». Une existence bien remplie. Jean-Michel a vu le quartier se transformer : « Il y avait beaucoup de vent qui rentrait chez moi. J’ai de moins en moins de lumière. Il fait plus chaud, plus sombre aussi. Les immeubles poussent devant ». Il a connu trois propriétaires différents depuis ses débuts et jamais personne ne lui a donné la possibilité d’acheter son modeste espace. « Après avoir travaillé ici quarante ans sans n’avoir jamais rien demandé, le nouveau propriétaire veut m’expulser pour construire un immeuble. Je ne demande que 20m2 ! Ça me suffit pour travailler. » « Je travaille encore cinq ans et j’arrête. Mon fils va prendre la relève. » Et il poursuit faiblement convaincu : « J’ai attendu 28 ans avant de pouvoir prendre des vacances ! J’ai une maison dans les hauts, je vais m’occuper du jardin, du poulailler, je vais tailler les filaos. Pas de problème, j’aurai de quoi faire. » Silence. Il se retourne, les ciseaux levés et, la gorge un peu serrée, rajoute : « Je vois mes clients vieillir, les cheveux blanchissent. J’adore couper les cheveux. En fait, ça me fait de la peine de partir à la retraite ! »
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B A L A D E I M P RO M P T U E
LIN
mou le
du Tour des Roches
TEXTE
EVA BONNET & FRANCINE GEORGE - PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC
EN SE PROMENANT SUR LE CHEMIN DU TOUR DES ROCHES, LE CADRE ENCHANTEUR RÉSONNE ENCORE DES TRACES DES PREMIERS HABITANTS. ON LES IMAGINE BIEN CREUSER DES CANAUX AUTOUR DE L’ÉTANG, OU PLANTER DU RIZ, ET LA MAGNIFIQUE ROUE, POINT D’ANCRAGE DU PASSÉ, NOUS INDIQUE QU’IL Y AVAIT LÀ UN MOULIN QUI BROYAIT DU MANIOC. LA NATURE VEILLE SUR L’ORIGINE DE L’ÎLE BOURBON ET LA POÉSIE DES LIEUX A REMPLACÉ LES TRACES SOMBRES DE L’HISTOIRE.
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À LA SOURCE DU PASSÉ Quelques pages d’histoire, pour se rappeler que Saint-Paul, « berceau du peuplement et baie du meilleur ancrage », selon sa devise, a accueilli les premiers habitants au milieu du XVIIe siècle. Les quelques navigateurs qui ont abordé ses côtes aussi bien que les douze mutins débarqués en 1648 de Fort Dauphin décrivent une île aux allures paradisiaques. Pas d’animal sauvage pour les dévorer, une nature luxuriante où il suffisait de tendre la main pour cueillir un fruit. Les premiers colons venant de France se sont installés autour de l’étang de Saint-Paul, qui était alors un lac, riche en ressources naturelles. Dès 1665, grâce à la construction de canaux, ils s’attachent à faire pousser des cultures vivrières, du riz, du blé et du tabac. Puis, au début du XVIIIe siècle, l’île Bourbon devient une escale de la Compagnie des Indes, et développe alors la culture du café, ouvrant la voie à l’intensification de l’esclavage. L’étang s’assèche progressivement sous la main de l’homme et les plantations prennent de plus en plus d’importance, notamment avec l’arrivée de la canne à sucre. Les années qui ont suivi, marquées par une volonté d’améliorer les méthodes de production, ont favorisé la mise en place de machines et de matériel destinés aux travaux agricoles et à la transformation des produits de la récolte. Construit en 1820, le moulin à eau fait partie intégrante de cet essor économique. La partie du canal, située au-delà de l’installation, servait à arroser les cultures et à refroidir les turbines de l’usine sucrière de Savannah. B A L A D E I M P RO M P T U E
L’ÉVASION TOUT EN FRAÎCHEUR Aujourd’hui, le moulin est devenu un espace joyeusement paisible où l’on vient chercher la fraîcheur. Un rendez-vous avec la beauté, le charme intemporel d’un site ombragé. Les papyrus du côté de l’étang, les feuilles de songe, de cocotiers et les bosquets de bambous donnent l’impression que la nature a été pensée, dessinée puis mise en scène. Les rayons du soleil trouvent leur chemin au travers des feuillages et jouent en douceur de l’ombre et de la lumière. Au paysage, se mêle la mélodie de l’eau qui, dans de réguliers débordements, traverse la route qui longe la vieille roue. Il ne reste plus qu’à plonger dans les eaux vivifiantes du bassin ou plus simplement y glisser les pieds – un vrai bonheur au cœur de l’été ! Les marmailles du quartier l’ont bien compris et passent leur temps libre à s’y baigner ou à s’éclabousser à vélo en roulant le plus vite possible sur le macadam inondé. Le site se remplit alors de vie et de gaieté. Ce sont les enfants qui écrivent maintenant son histoire. Plus loin, le sentier qui conduit au bassin Vital prolonge la rêverie même si le début de la balade demande quelques efforts. Points de vue panoramiques au détour d’un virage, superbe cascade en fond sonore, et la grotte, refuge de ceux qui souhaitent quitter pour un temps la clameur de la ville…mais là…chut c’est à vous d’en faire l’expérience !
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La Biennale des Arts Actuels du Port A RC H I T E C T U R E & D E S I G N
TEXTE
NADINE DELMAS THIERRY HOARAU
PHOTOGRAPHIE
Min Thein Sung MYANMAR
SUR LES PAS D’AMBROISE VOLLARD Il y a moins de vingt ans, tous les matins sur les quais du Port Ouest, les dockers venaient « embaucher » afin de décharger les navires entrants, gonflés de riz et autres denrées. Pouvaient-ils alors s'imaginer qu'un jour l'art accosterait sur ces mêmes quais pour s'exposer, en lieu et place des céréales, dans et sur les murs du « magasin 80 » ? Inconcevable ! Et pourtant... Longtemps investi par des centaines de pigeons après le transfert du céréalier vers le port Est, cet entrepôt de 7 000 m2 a en effet connu une reconversion inattendue aux mois de novembre et décembre derniers en accueillant la Biennale des Arts Actuels de La Réunion. Cette résurrection, bien qu'éphémère - le « 80 » devrait être détruit à court terme - on la doit à Alain Séraphine, l'instigateur de cette manifestation. « ARTISTES VIVANTS ! DANGER ! », PRÉVIENT LA PANCARTE ACCROCHÉE AU GRILLAGE. « VOUS QUI ENTREZ, ABANDONNEZ TOUTE ESPÉRANCE », LE TON EST DONNÉ DEVANT CET ANTRE DE CONTENEURS ENCHEVÊTRÉS. LE GALERISTE RÉUNIONNAIS AMBROISE VOLLARD AURAIT SÛREMENT APPRÉCIÉ. LA BIENNALE DES ARTS ACTUELS DU PORT AMBITIONNE EN TOUT CAS DE MARCHER SUR LES PAS DE CE GRAND MARCHAND D'ART QUI A RÉVÉLÉ MATISSE, VAN GOGH, GAUGUIN OU ENCORE CÉZANNE. PEUT-ÊTRE NOUS RÉVÈLERA-T-ELLE UN JOUR LE NOUVEAU PICASSO ?
« C'est un défi qui a pour objectif de contribuer à poser La Réunion de manière durable sur la carte du monde. Cela pourrait paraître prétentieux, mais c'est seulement ambitieux », explique Alain Séraphine. « Et cette ambition-là est réaliste », affirme le directeur de l'association ANTIGONE (Art Naissant de Territoires d'Imaginaire de Générations Ouvertes, Novatrices et Evolutives). « Elle est d'autant plus réaliste que cette île a su enfanter des hommes qui ont marqué l'histoire de notre humanité. Je pense par exemple à Roland Garros mais aussi à Ambroise Vollard. Cézanne, Picasso, Van Gogh ont tous mangé le cari poulet avec Vollard ! ». Ambroise Vollard, ce Réunionnais qui, imprégné de son île, se prépare à devenir juriste en arrivant à Paris... Par son regard, sa sensibilité, l'homme va finalement révolutionner l'histoire et l'économie du monde en jetant les bases de l'art moderne. Et curieusement, c'est l'année de la naissance de la ville du Port, en 1895, qu'Ambroise Vollard crée sa galerie à Paris pour devenir l'un des plus grands marchands d'art.
De son côté, Alain Séraphine fonde son projet sur la différence : « Vollard regardait la différence. Et nous sommes faits de ça. Comment peut-on s'imaginer que la pensée puisse s'arrêter au nord ?... », s'interroge-t-il ,... alors qu'il y a des formes multiples d'expression de la modernité. Afin que ces pays dits du sud économique ne soient plus exclus du marché de l'art, cette « biennale des émergences » cultive donc l'idée que demain, des biennales pourraient venir chercher ici de jeunes artistes. Parce qu'il n'est « pas normal » que cet art soit réservé à une partie de l'humanité, cette manifestation entend libérer le contemporain et la modernité. Pour marquer sa différence, elle a donc mis en place le principe du regard croisé et non du regard unique. Ce n'est alors pas un commissaire mais un ensemble de commissaires qui ont choisi ces jeunes créateurs qui, en trois mois, ont dû réaliser et présenter leurs œuvres lors de cette Biennale. Une trentaine d'artistes issus de 16 pays différents. Tous incarnent l'expression d'une jeune création émergente en quête de rencontres, d'échanges, de lieux d'exposition.
L’AFRIQUE EN TOILE DE FOND Parmi eux, le Malien Tiécoura N'Daou. Professeur assistant au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia de Bamako, à 28 ans, le jeune homme se veut être le porte-flambeau de la jeunesse africaine. Pour Tiécoura, l'art actuel est l'art du moment, aussi conjugue-t-il sa vision actuelle du monde autour de la jeunesse, l'immigration, l'identité, en vidéo et en photographie. « Je travaille beaucoup sur le thème de l'immigration que j'ai exposé en Espagne, pour « conscientiser » ces jeunes Africains qui partent se noyer sur les côtes européennes. Je me considère comme un messager. Mon travail s'articule sur la question de l'identité. Qu'est-ce qui nous différencie ? Nous unit en tant qu'humain ? Dans tous mes travaux, j'essaye d'apporter une partie de moi-même. « Je veux que l'on sache que je viens de l'Afrique, par la couleur, la chaleur de mon travail », explique Tiécoura N'Daou. Aussitôt séduit par La Réunion et son métissage culturel, l'artiste a choisi d'exprimer ses émotions via des tissus d'Afrique suspendus à un fil sur les plages de La Réunion. Son objectif ? Capter la chorégraphie des tissus en la comparant à la cohabitation harmonieuse de cette île. « J'ai choisi la mer, parce que les gens se sont réunis par le biais de l'océan », explique-t-il. Quant aux choix du tissu, Tiécoura les justifie par le symbole de l'unité. Le drapeau d'une nation. « Je vois ce peuple uni sous un seul drapeau. Mais j'essaye de montrer aussi la fragilité de ces tissus qui volent au vent, comme le cœur de cette population réunionnaise marquée par l'histoire. Malgré que le peuple soit soudé, il y a cette fragilité... ».
LA RECHERCHE D’IDENTITÉ Le Malgache Luck Razajoana aime susciter rencontres et débats. Autour d'une installation entre photographies et documentaire, présentée sur du béton, le réalisateur met en avant son travail sur l'identité, la recherche des origines, des racines. « Je me suis placé du point de vue du premier homme de cette île, pour voir des années plus tard ce qui est resté, ce qui est parti. Qu'est-ce qui reste à chercher dans la société réunionnaise ? J'ai essayé de chercher mes réponses, mais en même temps le film se défend par lui-même du fait qu'il montre ce qui est encore à faire sur cette recherche de l'identité, surtout pour les jeunes qui sont parfois délaissés, en recherche de leur identité. Avec ce monde, on oublie un peu d'où on vient, notre pays, nos racines... », explique le réalisateur très soucieux de l'impact de son travail sur les Réunionnais. Fasciné par le réalisateur philippin Brillante Mendoza, le jeune homme de 26 ans, installé au Maroc depuis trois ans, aborde régulièrement le thème du social dans ses documentaires. « Un documentaire c'est quelque chose qui respire, que l'on ne peut pas savoir à l'avance, on a une ligne directrice, mais quand on filme le réel, c'est le réel qui doit vous guider vers quelque chose. Le documentaire s'écrit jusqu'au montage », explique Luck, convaincu que La Réunion est une terre productive pour le cinéma. Il pense d'ailleurs y revenir...
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Nelson Makamo AFRIQUE DU SUD
L'ART EST UN SENTIMENT AVANT D'ÊTRE UNE CRÉATION Kavinash Thomoo MAURICE
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LES INSPIRATIONS DE L’HISTOIRE Dans cet espace où le temps semble être suspendu à des images figées ou non, à des sons, à des sculptures... on ressent fortement la sensibilité de ces artistes touchés par l'histoire de La Réunion qu'ils ont découverte en l'espace de trois mois. Pour preuve, ce cheval géant en tissu clair de l'artiste Min Thein Sung du Myanmar, symbole de liberté et pourtant attaché et enfermé dans une boîte. L'oeuvre côtoie celle du Chinois Diao Weidu, un homme suspendu à un arbre. Ce n'est pas innocent si ce guetteur blanc, qui semble regarder au loin s'échapper les esclaves, tourne le dos à l'œuvre de la Mexicaine Tania Ximena Ruiz. Il suffit de se positionner dans son installation cylindrique, pour respirer la liberté. Un véritable 360° où la mer rejoint le ciel en noir et blanc... Tous n'ont pu fuir, nous rappellent les œuvres de Nelson Makamo. L'artiste originaire d'Afrique du Sud présente, enfermées dans un conteneur, des expressions du visage en peinture. Souvent des cris... Comme un espoir, on regarde alors la mer par la fenêtre de l'artiste chinois Lu Ying qui offre une vue sur un jardin de plantes locales. Puis, on traverse les passages piétons de l'artiste chinois Du Yan, symbole de limitation et donc de liberté pour arriver chez Leila Decomble. La jeune Réunionnaise propose de véritables tableaux d'images ! Etonnant ! Surprenant ! Des photos prises en intérieur, « révélateur des personnalités », raconte l'artiste. On reste alors dans l'intimité en entrant dans la chambre de Liu Qianyi. L'artiste chinoise propose quant à elle un carnet de voyage, constitué de petits tableaux noir et blanc semblables à une page de bande dessinée. Liu Qianyi met ainsi en scène la société créole. « À partir de la culture créole, on peut penser le monde », estime l'artiste. Tout à côté, il y a aussi les autoportraits noir et blanc du Mauricien Kavinash Thomoo ou ceux de la Brésilienne Luisa Macedo à base de miroirs. Ils évoquent le paradoxe de se trouver en un lieu inconnu, mêlant à la fois appréhension et sérénité. Sortis de ces incursions intimes, on se retrouve face à un mur, face à l'histoire.
L’EMPREINTE DES LIEUX Alexa Vanegas a choisi de s'intéresser aux usines de canne à sucre désaffectées de La Réunion. C'est son premier voyage hors de son pays, la Colombie. Elle est passionnée et déjà passionnante ! Cette Biennale, c'est l'expérience de sa vie, dit-elle. « On a tendance à penser que, comme nous sommes dans des pays différents, nous n'avons pas la même conception sur l'art actuel, mais pas du tout ! Quelles que soient les frontières, nous avons les mêmes réflexions, nous nous posons les mêmes questions. L'art est un sentiment... avant d'être une création. C'est tout un univers. Il faut le vivre ! ». Alors qu'elle souhaite étudier les langues ou l'anthropologie, elle se dirige finalement vers les arts plastiques à l'université nationale de Medelin, soutenue par ses parents. Mais la jeune femme reste une artiste autodidacte. A 24 ans, elle maîtrise parfaitement le français qu'elle a appris quatre mois avant son départ pour La Réunion, mais aussi son regard, déjà affûté, qu'elle porte très justement sur l'histoire de notre île. Impressionnée par l'histoire de Mme Desbassyns, l'artiste a souhaité présenter un travail sur les usines désaffectées en vidéo et en photos. « Il y a une charge historique très forte. Ces usines cachent une histoire obscure, celle de l'esclavage » explique Alexa Vanegas. « Les ouvriers pensaient qu'en travaillant dans la canne, ils auraient une vie meilleure, mais ce n'était pas la vérité. Il y avait beaucoup de pression sur eux ». L'artiste a voulu appuyer cette atmosphère que l'image crée, en projetant des vidéos et en collant ses photographies d'espaces abandonnés directement sur les murs du magasin 80. « Mes photos sont comme des rêves. On ne les voit pas clairement. C'est une sensation bizarre... Mon travail est à la fois nostalgique et plein de promesses ». Très attachée à l'histoire et à ces lieux désaffectés, de retour dans son pays, l'artiste poursuivra son travail sur les chemins de fer désaffectés de Colombie. Au milieu de tous ces artistes émergents du sud économique présentés lors de cette Biennale, l'héritage du travail d'Ambroise Vollard nous revient en mémoire. Qu'aurait-il pensé du travail de ces artistes ? Un siècle plus tard, alors qu'il défraye encore la chronique avec la découverte récente de 600 œuvres chez son jeune assistant yougoslave, Vollard n'a pas fini d'écrire son histoire, tout comme ces jeunes artistes.
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C H RO N I QU E A KO U T
PROPOS RECUEILLIS PAR
GUILLAUME PEROUX - PHOTOGRAPHIE LAURENT BENHAMOU
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Lindi LINDIGO DIFFUSE DEPUIS 1999, DATE DE SA FORMATION, UN MALOYA TOURNÉ VERS MADAGASCAR, ANCRÉ DANS LES HÉRITAGES DU PASSÉ, MAIS AUSSI RÉSOLUMENT CONTEMPORAIN.
Depuis 1999, quel chemin parcouru ! Peux-tu nous résumer les points qui ont marqué l’ascension du groupe ? Olivier : On a commencé par la sortie de notre premier album Misaotra mama en 2004, puis la sortie de notre deuxième album Zanatany avec le tube La Kazanou qui a fait le tour de l’île, des discothèques... Révélation de l'année pour le Sakifo 2006, et une première tournée à Paris au festival Africolor. Il y a aussi plusieurs tournées, le Festival Gnawa au Maroc, en Belgique, une très belle tournée à Madagascar, un deuxième Africolor, le Fan festival au Brésil en 2009. La sortie de notre troisième album Lafrikindmada en 2008. Une création Umqombothi kabar avec la troupe sud africaine les Via Kathleong et les tournées dans les salles métropolitaines (Paris, Velizy, Toulouse...) Il y a eu aussi le Paléo festival de Nyon en Suisse, en passant par les festivals kréol de Maurice, Seychelles, Rodrigues. Cette année en février avec une tournée au Brésil au Porto Musical (festival des professionnels de la musique, territoire Amérique du Sud et Nord), ainsi qu’en novembre une tournée en Australie au AWME (festival des professionnels de la musique, territoire Australie et Asie) et la sortie de notre petit dernier Maloya Power !
MALOYA POWER est le 4ème opus du groupe, est-ce celui d’une certaine maturité ? Olivier : On peut dire ça, d'une certaine façon, avec tous les voyages qu'on a pu faire, on s'est rendu compte de l'impact du maloya, c'est une musique forte qui touche. Le fait de rencontrer des gens qui ne connaissent pas le maloya et de voir leur réaction, c'est vraiment fort! On est toujours dans l'optique de faire vibrer le maloya hors frontière et apparemment ça nous réussit. Beaucoup de rencontres aussi, les Via Kathleong, danseurs avec qui on fait création, Fixi de Java qui nous donne beaucoup en expérience et qui est musicalement proche de ce qu'on fait. DJ Dan qui mixe nos morceaux et nous donne une nouvelle facette de notre son, au Brésil dans les différentes Casa Do Samba.
Le maloya de Lindigo franchit les frontières, mais en plus sait toucher la jeunesse. Quel est le secret de cette alchimie ? Olivier : C'est peut être notre côté dynamique... On s'aide du souvenir pour être au plus près de l'authenticité du maloya. On prend le côté positif et on le met à notre sauce, c'est peut-être ça ?...
Comment définirais-tu le « pouvoir du Maloya » ? Olivier : Ce n’est pas un pouvoir, c'est une force... Dans tous les pays où l’on est parti le jouer, les gens ont été touchés par lui, on ne sort pas indemne d'un bon concert de maloya ! C'est une langue universelle...
g go Vous revenez tout juste d’Australie, comment le public vous a accueillis là-bas ? Olivier : C'était tout simplement fantastique ! Les gens ont été très réceptifs et ils nous l'ont bien rendu ! it's magic show, ils ont repris en chœur notre Lafrikindmada ! On peut vraiment parler d’un bon accueil pour le Maloya Power
Et le Maloya de Lindigo en particulier ? Olivier : Ah, un bon cuisinier ne donne pas sa recette... Non je plaisante, on reste simple, on aime ce qu'on fait, on garde les pieds sur terre...
« Quand tu sais d’où tu viens, tu sais où tu vas » est la devise du groupe… Alors pour le futur proche, vous savez où vous allez ? Olivier : Déjà nous répondrons présents aux dates du mois de décembre à La Réunion. Le maloya nous remplit chaque jour, il est notre ligne de conduite, on va là où il nous emmène... Les prochaines tournées seront en direction de Paris, des Etats-Unis ou encore d’Afrique du Sud.
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RENCONTRE
FRANCINE GEORGE JEAN-NOËL ENILORAC
PROPOS RECUEILLIS PAR PORTRAIT
Ismael Aboudou le carburant du succès RIEN N’ARRÊTE ISMAËL ABOUDOU. IL A TOUJOURS TROUVÉ EN LUI LES RESSORTS QUI LUI PERMETTAIENT DE DÉPASSER SES LIMITES OU DE FAIRE FACE À DES SITUATIONS PARTICULIÈREMENT DIFFICILES. DANSEUR ÉMÉRITE, IL OFFRE SON EXPÉRIENCE ACQUISE DUREMENT AUX ÉTATS-UNIS, UN PEU PARTOUT EN EUROPE ET EN AFRIQUE. CURIEUX DE TOUT, POLYVALENT, IL SE DISTINGUE AUSSI BIEN DANS L’ART DE DANSER QUE DANS LA CRÉATION OU L’ENSEIGNEMENT.
« J’AI CONSTRUIT MA VIE POUR ÊTRE UNE LOCOMOTIVE . »
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RENCONTRE
VOUS AVEZ PARTICIPÉ AU JURY DU DERNIER FESTIVAL DU FILM DE LA RÉUNION, ÇA S’EST PASSÉ COMMENT ? Un grand moment ! J’ai beaucoup apprécié le président du jury, Pierre Salvadori. Un grand Monsieur. Nous étions sept jurés, Louise Bourgoin, Léa Drucker, Pio Marmaï, Stanislas Merhard, Claudine Serre, Elsa Zylberstein et moi-même. J’étais très impressionné. J’ai découvert un monde que je ne connaissais pas, des gens très pointus qui pourtant dégagent une certaine vérité. Je suis arrivé en néophyte. J’avais une certaine angoisse. Je devais apporter quelque chose, un autre regard en restant critique, distant du film, ne pas me laisser emporter par ce que je ressentais ; alors je me suis projeté en tant que danseur, chorégraphe, metteur en scène, et j’ai transposé mon expérience pour juger de l’idée globale d’un film. J’ai essayé d’en analyser sa technicité, son émotion, sa couleur.
ET LES DÉBATS ? Pierre Salvadori est quelqu’un de discret. Il s’est assis à table et a laissé chacun de nous s’exprimer. Il nous a laissés nous défouler tout en nous poussant derrière nos retranchements. Ça rebondissait en permanence, c’était passionnant. Il a pleinement joué son rôle de président, sans dictature, en traitant tout le monde à égalité. Le meilleur film pour moi, celui qui m’a transporté, c’est Une bouteille à la mer. Celui qui a remporté le prix, Parlez-moi de vous, repose sur Karine Viard. Elle transmet beaucoup d’émotions sans dire un mot. Tout est dit sur son visage. Elle a d’ailleurs remporté le prix d’interprétation féminine. J’ai plutôt apprécié Des vents contraires, c’était assez émouvant, mais par contre trop fragmenté. Et je n’ai pas du tout aimé Forces Spéciales, trop de violence gratuite, tuer pour tuer. C’est plus un film d’action américanisé à voir pour passer le temps après avoir bu un ou deux coups. J’ai beaucoup ri avec Let my people go, j’avais l’impression de me retrouver dans un film de Louis de Funès. J’ai moins apprécié 17 Filles, un film trop lent avec un manque de profondeur. Il y a eu un débat animé sur ce film. J’ai voulu établir une analogie avec la musique de jazz pour expliquer ma position et ça n’a pas été très facile à faire passer.
QU’EST-CE QUE VOUS RETENEZ DE CETTE EXPÉRIENCE ? C’était un festival avec ses paillettes et ses strass. Pendant ce temps, le feu brûlait au Maïdo et je ne me sentais pas à l’aise, mais j’ai joué le jeu quand même parce que, pour moi, c’était une grande chance d’occuper cette place privilégiée. Les gens ne se rendent pas compte, mais c’est une autre façon de voir les choses, ça ouvre les neurones. De voir tous ces films en si peu de temps, ça permet aussi de prendre du recul. Et on n’a pas souvent l’occasion de côtoyer des personnes de cette qualité. Alors, j’ai voulu jouer le jeu à fond et garder le niveau. Tous les soirs, j’arrivais en avance. Il y avait six films en compétition, et nous avions deux films à voir par soirée. J’avais un petit cahier avec mon portable, j’écrivais, je prenais des notes, je ne voulais rien oublier, ne rien rater. Et j’offrais tous les soirs des petits pas de danse, sans complexe, parce que c’est ma vie !
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QU’EST-CE QUI VOUS ANIME ? Je suis un militant de la culture et un militant contre l’injustice. J’ai personnellement vécu beaucoup d’injustices et ça m’a forgé une carapace. Je suis né à La Réunion, mais mon père est Comorien, ma mère Mahoraise née toutefois à La Réunion. Quand j’étais petit à l’école, j’avais une étiquette : « Band’ Comores ! », je le subissais. Aujourd’hui, j’en suis fier et je l’affirme : « Appelez-moi le Comorien ! » ça m’a donné de la force, de la détermination. Je me suis évertué à être très rigoureux et à tenter de dépasser mes limites, tout le temps, dans tout ce que j’ai entrepris. Je suis un entrepreneur et un indépendant, je ne dois rien à personne. Personne ne m’a aidé non plus ! Le monde de la danse est un monde très particulier, les gens s’embrassent, se tutoient, mais il y a une jalousie terrible. Il y a aussi des codes, des modes, des courants sauf que je ne rentre pas dans un courant. Et je peux vous dire que dans l’administration, ils me le font bien sentir, paradoxalement, j’ai tous leurs gamins ici !
VOUS NE RENTREZ PAS DANS UN COURANT, MAIS VOUS ÊTES NÉANMOINS DANS L’AIR DU TEMPS AVEC LA FLASH MOB CITALIS, PAR EXEMPLE : Oui, je fais beaucoup de choses et je suis très sollicité pour toutes sortes d’événements. Je travaille avec tout le monde, le concessionnaire auto, le gala des Miss… Dernièrement, nous avons été choisis pour créer un spectacle autour des espèces vivantes au Jardin de l’État pour le congrès des technopoles. En fin d’année, il y a le gala de l’Institut qui dure six jours, où tout le monde présente son travail. J’ai en tout sept galas dans le mois de décembre ! La flash mob est un concept de pub anglo-saxon. J’ai donc créé une chorégraphie qui est diffusée sur You tube. Les jeunes répètent chez eux individuellement. Il y a deux répétitions en live. Et le jour J, le 17 décembre, on se retrouve, près de 500 personnes, sur la scène Citalis.
PARLEZ-NOUS DE VOTRE CARRIÈRE ? J’ai commencé ici à l’âge de 17 ans, puis je suis parti en métropole décrocher un diplôme d’État en Jazz Danse, le sésame pour devenir professeur de danse. En 1986, j’ai rejoint le Alvin Ailey Danse Center de New York. Dans ces écoles, on apprend à être leader. Ils nous poussent à fond. Leur but est d’amener des enfants de couleur à un très haut niveau, comme celui de l’Opéra de Paris ou du Bolchoï à Moscou. J’ai ensuite enseigné un peu partout en France, je me suis installé en Norvège et j’ai donné des cours un peu partout en Europe. Mais, je n’étais pas satisfait, je voulais aller encore plus loin. Je me suis entraîné pour entrer dans la prestigieuse Dance Theater of Harlem. Être sélectionné, c’était presque une fin en soi. J’y suis resté quatre ans pour apprendre tous les métiers, les techniques de ballet, de danse moderne, de jazz et de danse ethnique africaine et caribéenne. J’ai appris les claquettes et j’ai aussi étudié la chorégraphie et la pédagogie. C’est là que j’ai créé mon premier one man show en 1993 à New York Black magic dance 7-8-6. J’ai été le premier Réunionnais à danser le Maloya avec le kayamb au Brooklyn Theater. Je dansais pour plusieurs compagnies comme la Harlem School, la Rod Rogers Dance Compagnie… Puis, j’ai décroché mon master et j’ai été un des rares professeurs sélectionnés pour enseigner à Stuttgart pour le Centre New York City Dance School. Un honneur plus qu’un privilège ! Ensuite, je suis parti enseigner à Oslo, puis la Suisse… un tour d’Europe à nouveau. Après, ça a été le Canada, le Mexique, l’Afrique… Ma spécialité, le jazz et les claquettes. Mais j’ai été champion de France de rock-and-roll à Toulouse ! Je suis très curieux, je suis un touche-à-tout. J’ai appris la danse, la chorégraphie, la mise en scène…
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RENCONTRE
POURQUOI ÊTES-VOUS REVENU À LA RÉUNION ? Dans la vie, il y a des gens narcissiques et d’autres qui sont des passeurs. J’ai choisi d’être passeur. Je suis revenu dans mon pays natal pour transmettre aux jeunes tout ce que j’ai appris, tout ce que j’ai vécu. Je leur offre un regard très ouvert sur le monde. J’ai créé mon premier Institut au Moufia avec 500 m2 de salles de cours et ma compagnie de danse La Compagnie Indian Ocean Dance Theater. J’ai ainsi pu concevoir et mettre en scène une dizaine de créations, à commencer par Crise en 97, inspirée de la vie de Martin Luther King. La Po Tambour pour le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Allons Marron en 98, un spectacle de Daniel Facérias, sur des textes de Gilbert Aubry d’après le roman de Timagène Houat. Danse Son Couleur, Danse son Maloya en 99 en collaboration avec Sadok Khechana, digne héritier de Matt Mattox. Le défi Hip Hop avec une centaine de gamins dans la rue à La Réunion et à Maurice en 2000 et en 2001. Pour un vin de palme, adaptation chorégraphique du conte africain d’Amos Tutuola en collaboration avec Raza Hammadi, lui aussi dans la mouvance du grand maître Matt Mattox. Évolutions, sept tableaux chorégraphiques sur les grandes avancées de l’humanité… Sans compter les mises en scène de clips comme celui qui fête les quarante ans de chansons de Françoise Guimbert… Au mois de novembre dernier, j’ai été nominé à Marseille comme meilleur entrepreneur des îles !
ET L’IA2 L’INSTITUT DES ARTS ISMAËL ABOUDOU ?
Institut des Arts Ismaël Aboudou 8, rue de la Fraternité 97 490 Sainte-Clotilde T 0262 30 99 63 www.institut-ismaelaboudou.com
Là, c’est une autre histoire ! Quand je tourne la poignée de la porte le premier jour du mois, j’entends le déclic : 24 000 euros ! C’est ce que ça me coûte tous les mois. J’ai investi tout ce que j’avais. J’ai eu de gros problèmes. On croyait que j’étais fini ! Mais je continue à avancer. Je sais que je sers à quelque chose. Je forme des gamins pour qu’ils deviennent des élites dans des filières d’excellence. J’offre aussi la possibilité à tout le monde de se familiariser avec un ou plusieurs styles de danse. Mon combat est la démocratisation de la danse, ne pas s’enfermer dans un concept académique. Je donne aussi la possibilité à une vingtaine de jeunes issus de milieux défavorisés de se former gratuitement à l’IA2. C’est un centre culturel pluridisciplinaire de 3 000 m2 avec salles de danse, salles de spectacles, une salle de théâtre, un atelier d’arts plastiques... Nous enseignons le jazz, mais aussi la danse classique, la danse contemporaine, la danse africaine, la salsa, le hip-hop, les danses de salon, les danses sportives... Nous préparons les élèves à l’EAT – Examen d’Aptitude Technique – une porte d’entrée pour ensuite acquérir le diplôme d’État de danseur. J’espère pouvoir un jour faire passer ce diplôme d’État à La Réunion.
POURQUOI VOUS INTÉRESSEZ-VOUS À LA SANTÉ ? On se nourrit mal. Il y a trop d’obésité. Je suis très sensible à l’hygiène de vie parce que j’ai eu de graves problèmes de santé et je m’en suis sorti. J’ai été hospitalisé pendant six mois à l’hôpital Cochin. J’ai failli perdre mes deux genoux en plein master de danse. C’est une sacrée expérience dont on ne ressort pas indemne. Et à force de volonté, je m’en suis sorti. J’ai donc eu envie de partager cet aspect-là aussi.
EST-CE QUE LA RELÈVE EST ASSURÉE ? J’ai deux filles, l’une de 9 ans et l’autre de 4 ans, elles font de la danse, l’aînée fait aussi du piano, la maman est danseuse. Oui, il y a de fortes chances pour que la relève soit assurée !
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H O R I ZO N S AU VAG E
TEXTE
FRANCINE GEORGE - PHOTOGRAPHIE HERVÉ DOURIS
Feu
Le 25 octobre 2011, quatre foyers criminels distincts ont déclenché un incendie effroyable qui a parcouru 2 771 hectares au Maïdo et dans les hauts de l’Ouest. Ces magnifiques paysages sont irrémédiablement brûlés (2 238 hectares). Le sinistre a été tellement violent, avec des flammes qui montaient à plus de 15 mètres de haut, que 43 personnes ont dû être évacuées à La Chaloupe Saint-Leu et à Trois-Bassins. Un désastre écologique sans précédent dont les retombées sont loin d’être connues. Par exemple, les prochaines pluies cycloniques vont emporter les cendres à la mer et, selon les experts, risquent d’asphyxier le récif corallien.
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au Maïdo
Au plus fort de l’incendie, le 3 novembre, 1 141 personnes étaient mobilisées sur le terrain. 184 pompiers de la SDIS, 415 renforts nationaux, 16 pour les hélicoptères, 64 militaires des FAZSOI, 66 personnels de l’ONF, 10 du Parc, 99 des communes, 10 de la Croix Rouge et 172 de différentes associations. Une centaine d’autres s’activaient « hors du théâtre des opérations » d’après les chiffres fournis par la préfecture. Un mois et demi plus tard, le feu couve encore. Tous les points chauds ne sont pas encore neutralisés alors que 42,8 km de lisières ont été maîtrisées. Les « missions sur feu en soutien et en surveillance » ont mobilisé près de 400 personnes. Les moyens humains et matériels mis en œuvre ont été conséquents, malgré l’arrivée tardive des bombardiers d’eau qui a soulevé une vive polémique, et suscité une grande incompréhension. Au total, les deux DASH ont effectué 201 largages d’eau.
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H O R I ZO N S AU VAG E
HOMMAGE AUX POMPIERS Nous tenons à saluer le courage des pompiers qui ont jour et nuit lutté contre le feu, en soulignant qu’à ce jour on dénombre, au-delà de l’épuisement, 125 personnes malades ou blessées.
VOYAG E - VOYAG E
TEXTE
FRANCINE GEORGE RMN DU GRAND PALAIS ET NICOLAS KRIEF
PHOTOGRAPHIE
Au pays du père
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Noël
DEPUIS TROIS MOIS, C’EST NOËL À PARIS TOUS LES JOURS. LES GALERIES DU GRAND PALAIS ACCUEILLENT UNE EXPOSITION INÉDITE DÉDIÉE À L’HISTOIRE DU JOUET DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS. UN VOYAGE EXTRAORDINAIRE OÙ PLUS D’UN MILLIER DE JOUETS SCINTILLE SOUS LES LUMIÈRES D’UNE SCÉNOGRAPHIE ORIGINALE, ET, EN PRIME, DES PIÈCES UNIQUES JAMAIS ENCORE EXPOSÉES !
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Réalisée en collaboration avec le musée d’Art d’Helsinki, l’exposition du Grand Palais s’envolera fin janvier vers la capitale de la Finlande pour y être présentée à partir du mois de février 2012.
L’HISTOIRE, L’HOMME ET LE JOUET
EFFETS DE SURPRISES
Les commissaires de l’exposition, Bruno Girveau, grand collectionneur, chef du département scientifique à l’école des Beaux-Arts et Dorothée Charles, conservatrice du département des jouets au Musée des Arts Décoratifs de Paris, nous proposent un voyage dans le monde du jouet « entre mimétisme et imaginaire ». L’exposition n’est donc pas un catalogue exhaustif qui remonte le temps, mais un point de vue, à travers le jouet, de l’évolution des sociétés occidentales depuis plus de deux mille ans. Une sorte de révélateur des rapports entre les parents et les enfants. De la fonction éducative du jouet telle que l’adulte le conçoit pour l’enfant. À quel moment offre-t-on un jouet ? Est-ce que les poupées ont été systématiquement offertes aux filles et les voitures aux garçons ? Le père Noël a-t-il toujours existé ?
Comment faire vivre cette aventure de l’imaginaire dans le carcan d’un musée avec vitrines, normes de sécurité, souci de protection d’objets rares, logistique de passage du public… toutes les contraintes drastiques qu’impose un lieu aussi prestigieux que les galeries du Grand Palais ?
L’aventure commence donc avec ce rituel du don. Bruno Girveau explique que, depuis l’aube des civilisations, le jouet a été offert aux enfants à l’occasion d’une fête ou pour leur anniversaire. « Les fêtes et les rites ont changé, mais le geste d’offrande de l’adulte pour l’enfant demeure. » Et elle se termine par un grand feu qui symbolise le renoncement nécessaire à ses jouets pour entrer dans la vie d’adulte. « Les rites de l’enfance existaient chez les Grecs et chez les Romains ». À Rome, par exemple, les jeunes filles devaient remettre leur poupée à Vénus la veille de leur mariage. Entre les deux Des jouets et des hommes embarque le visiteur au pays de l’émerveillement, monde de l’adulte miniaturisé, royaume des peluches et autres doudous, panoplies pour se transformer en héros… Pendant deux années pleines, Bruno Girveau et Dorothée Charles ont mené une véritable réflexion sur la fonction du jouet à travers le temps, avec des approches complémentaires dont le fil conducteur était de donner vie à la dimension sociale du jouet.
Yves Kneusé nous explique son projet scénographique : « Il fallait mêler deux regards pour mettre en scène ces 1 200 jouets. Le regard émerveillé de l’enfant devant une vitrine de Noël et l’approche, plus sérieuse, d’un objet muséographique. Le jouet raconte l’évolution de la société, les rapports à l’enfance. Il devient un sujet sérieux, muséographique auquel il faut redonner sa dimension ludique. La démarche était d’imaginer une scénographie qui éveille les sensations plus que de rester sur une dimension pédagogique ou muséale. »
Et c’est là que la scénographie entre en jeu.
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La direction artistique a été confiée au vidéaste Pierrick Sorin accompagné d’Yves Kneusé, architecte scénographe et muséographe. À eux deux, ils ont merveilleusement bien réussi à relever ce défi de taille. L’ambiance est joyeuse, colorée à l’exposition Des jouets et des hommes ! L’animation des vitrines donne aux visiteurs l’impression de faire partie d’un rêve au-delà de la contemplation d’objets merveilleux.
« La scénographie mise en place repose sur un système de grandes vitrines à fond coloré, une couleur différente par section, le long desquelles les enfants peuvent monter sur un trottoir filant. À l’intérieur des vitrines, plusieurs boîtes de couleurs, dans une tonalité plus foncée, cachent des barrettes de leds d’où la lumière jaillit. Ainsi, l’environnement de la pièce est assez sombre, la lumière vient des jouets exposés, ce qui donne une ambiance particulière avec cette multitude de jouets à portée de main… » « La collaboration avec Pierrick Sorin a été un vrai plaisir. Nous avions une même vision et notre entente est venue de là. Nous avons immédiatement formé un bon tandem. Donc, pour animer l’intérieur des vitrines, nous avons eu recours à des incrustations scénographiques conçues et réalisées par Pierrick Sorin. »
Ainsi, une quinzaine de théâtres optiques, plus facétieux les uns que les autres jalonne l’exposition. L’artiste-vidéaste s’invite dans chaque section à l’intérieur d’une vitrine et, par effet d’optique, joue une scène décalée, toujours très drôle. Par exemple, dans l’arche de Noé, il gesticule dans tous les sens et, d’un coup, s’arrête pour faire un signe amical au visiteur, adulte ou enfant, qui le regarde interloqué.
LE COFFRE À JOUETS Le parcours enchanteur Des jouets et des hommes crée la surprise à chaque étape. Le don ritualisé où le Père Noël nous accueille dans son avion, automate réalisé en 1925 pour la vitrine du Bazar de l’hôtel de ville. La section suivante fait la part belle aux animaux, compagnons de toujours de l’enfant. L’ours en peluche y est le roi, le cheval aussi. Premières traces de jouets représentant des animaux dans l’antiquité avec ce buffle en terre cuite sur roulettes par exemple, puis le cheval de traite, le cheval guerrier et maintenant, au XXIe siècle, le cheval fluo du Pet Shop des années 2000. Vient ensuite l’univers des automates. Le jouet s’anime pour reproduire des scènes de vie ou faire illusion avec les boîtes à musique comme Pierrot donnant une aubade à la lune… La section suivante offre une place de
choix à la farandole des métiers. L’évocation des métiers à l’échelle du jouet ! Et au beau milieu de ces figurines classiques, le pompier, la marchande, la maîtresse d’école…, siège la panoplie du prêtre avec ses accessoires. Un must offert aux enfants dans les années qui suivirent la loi de séparation de l’église et de l’État (1905). Puis, nous entrons dans la bipolarisation éternelle entre le royaume des filles, leurs poupées et tous les accessoires de la parfaite femme au foyer, « née pour être mère », et le royaume des garçons dédié aux moyens de locomotion, vélos, voitures, trains, avions, bateaux et tous les accessoires pour jouer à la guerre. Cette partie, particulièrement dense et réussie, recèle de trésors de mise en scène avec un théâtre optique de Pierrick Sorin où, en peignoir rose, il chante inlassablement « J’aimerais vivre dans une maison de poupée », en ponctuant cet effet d’illusion par des scènes hilarantes. De l’autre côté, un tapis d’éveil où sont exposées les voitures à pédales tandis que les vidéos de Pierrick Sorin s’amusent à jouer aux petites voitures et tractopelles. En s’approchant de la fin, l’âge des médias, un mur d’images déroule les génériques de séries TV pour enfants. Influences de plus en plus incontournables, depuis « Bonne nuit les petits » avec Nicolas et Pimprenelle, le célèbre Babar, Bécassine, grande héroïne du magazine la semaine de Suzette, l’incontournable Mickey, et aujourd’hui Dora l’exploratrice ou encore la saga de Star Wars.
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Exposition Des jouets et des hommes au Grand Palais Jusqu’au 23 janvier 2012 Ouverture tous les jours de 10h à 22h sauf le mardi http://www.rmngp.fr
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La merveilleuse collection du grand Palais montre les objets les plus communs, jouets industriels fabriqués en grande série, les jouets emblématiques, jusqu’aux pièces uniques comme la réplique exacte de La voiture de James Bond dans Goldfinger, l’Aston Martin DB5 offerte au prince Andrew. Ou encore les poupées France et Marianne offertes aux princesses Élisabeth et Margareth. Toute la haute couture parisienne s’étant mobilisée pour concevoir leurs parures, sac Hermès, bijoux Cartier, robes créées par Jean Patou, Lanvin… Et parmi ces trésors, il y a aussi l’histoire poignante de Toto, la mascotte du maréchal des logis Louis Danton parti à la guerre en août 1914. Cette poupée lui a été offerte par sa fiancée et pendant ses quatre années au front, Louis Danton a photographié Toto dans le quotidien des tranchées. « Ces scènes sont d’autant plus émouvantes qu’il y a de fortes chances pour que le fabricant de Toto soit allemand » précise Dorothée Charles. L’imaginaire plonge ici cruellement dans le réel.
L’art s’est également invité dans les murs et le visiteur peut découvrir des objets dessinés par Calder, des tableaux, des sculptures, des basreliefs égyptiens… Impossible de quitter cet univers féérique sans que le visiteur soit invité à jouer le jeu imaginé par Pierrick Sorin. Première étape, se faire prendre en photo dans un appareil qui ressemble étrangement à un photomaton. Puis, relever la tête et regarder le mur sur lequel est projetée une poupée en grand format dont la tête n’est autre que celle du visiteur pris en flagrant délit de facétie. Éclats de rire garantis ! Monsieur dans un grand corps habillé en poupée géante, personne ne résiste au fou rire.
JOUETS LONTAN À LA RÉUNION RUBRIQUE PRÉPARÉE AVEC LA COLLABORATION DE
EVA BONNET & ANNIE ALIADA
POUR COMPLÉTER LA MERVEILLEUSE EXPOSITION DU GRAND PALAIS, NOUS VOUS PROPOSONS UNE RÉTROSPECTIVE DES JOUETS LONTAN. LES POUPÉES, BALLONS PETITES VOITURES ET AUTRES MERVEILLES DES GÉNÉRATIONS PRÉCÉDENTES PRENAIENT VIE, AVEC INSPIRATION ET INGÉNIOSITÉ, À PARTIR DE TROIS FOIS RIEN, UN BOUT DE CHIFFON, UN MORCEAU DE BOIS, UN NOYAU DE FRUIT…
La toupie Faite d’un bois d’allumette que l’on plante dans un grain de letchis coupé en deux. Les poupées Babas chiffon ou babas goni, ces poupées toutes simples, en morceaux de tissus ou toile de jute, ont parfaitement rempli leur rôle auprès de nombreuses petites filles réunionnaises qui jouaient à la ti’case. Ti’ l’école L’ardoise était confectionnée avec une plante à feuilles grasses festonnées appelées aussi « z’herbe tortue » sur laquelle on écrivait à l’aide d’une épine. Le ballon Les parties de balle des jeunes footballeurs en herbe se jouaient très souvent avec des ballons élaborés à partir de chiffons, de paille de maïs ou autres. Ti’bœuf, cabri… Fabriqué à partir de fruits de Jaquier, fruits à Pain, ou avocats « coulés ». La tige qui attachait le fruit à la branche représentait la queue de l’animal, quatre allumettes ou bouts de bois les pattes, de tout petits cailloux pour les yeux et le tour était joué ! Le Ti-canot Fabriqué avec une demi-noix de coco pour la coque, et une voile de tissu ou de papier, tenue par un petit mât de bambou. Les voitures et camions Les plus chanceux pouvaient récupérer une caisse sur laquelle le papa bricoleur montait des roues. Assis dedans, on se faisait tirer par un copain ou par un frère, et en route pour l’aventure !
vos souvenirs de jeu lontan sur www. batcarre.com
DE L’IMAGINATION & BEAUCOUP DE PLAISIR ! BAT’CARRé 55
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La diagonale le journal de bord d’un raideur tenace
des fous 2011 TEXTE
DOMINIQUE VINCENT - ILLUSTRATION YANN TAFANEL
DIFFICILE DE S’IMAGINER SUR LA LIGNE DE DÉPART DE CETTE 19e ÉDITION DU GRAND RAID QUE PRÈS D’UN COUREUR SUR DEUX SERA CONTRAINT D’ABANDONNER ! EXACTEMENT 48%, UN TAUX RECORD POUR UN ULTRA TRAIL DE RENOMMÉE MONDIALE. LE PARCOURS EST IDENTIQUE À CELUI DE 2010 : 162 KILOMÈTRES POUR 9 600 MÈTRES DE DÉNIVELÉ POSITIF.
Les trois sommets à franchir, la route du Volcan, le Piton des Neiges et le Taïbit se situent à plus de 2 000 mètres d’altitude. Sans oublier la dernière grosse difficulté, Dos d’Ane à 30 kilomètres de l’arrivée. La météo toujours aussi capricieuse nous annonce de l’eau ; en fait, nous serons épargnés mais la pluie qui est tombée depuis plusieurs jours a rendu le parcours très humide et la boue fera même des ravages dans la forêt de Bélouve.
TOP DÉPART Les 2 360 concurrents sont massés dans le stade de Saint-Philippe et à 22 heures, c’est la délivrance. Après quelques kilomètres de bitume, l’attaque du chemin forestier qui mène au Volcan se transforme comme chaque année en goulot d’étranglement. Un étroit sentier qui s’élève abruptement, parsemé de gros rochers où l’on grimpe la plupart du temps en file indienne. Tout dépassement est évidemment risqué. J’atteins le sommet en 7h20
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et pointe en 1 395e position. Premier gros ravitaillement, j’avale goulûment plusieurs tartines de jambon et fromage, arrosées de coca. Ensuite, place au décor lunaire de La Plaine des Sables ; le sol est devenu sableux et je suis entouré de remparts de basalte.
LA GADOUE, LA GADOUE… Nous sommes entrés dans un univers minéral et je m’emplis de ces visions au lever du jour. Alternance de faux plats, petites descentes et secteurs roulants où je peux courir détendu. Descente sur Mare à Boue avec pointage, accueil chaleureux des nombreux bénévoles et ravitaillement chaud ; je ne m’attarde que quelques minutes, car j’ai pu bénéficier d’une assistance personnelle et me régaler d’un pain aux raisins. La localité de Mare à Boue va justifier parfaitement son appellation, car un peu plus loin, nous traversons la forêt de Bélouve. Celle-ci est traditionnel-
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REGAIN D’ÉNERGIE lement très humide, mais cette fois, la pluie abondante des jours précédents a rendu les chemins à la limite du praticable. Après quelques hésitations, l’organisation a décidé de maintenir le passage sur ce sentier. Pendant dix kilomètres, nous allons patauger dans la boue, avec glissades incontrôlées, perte de temps et d’énergie considérable. L’eau et la boue m’arrivent aux chevilles en permanence et parfois jusqu’aux mollets. Plus de trois heures de galère qui laisseront des traces et entraîneront de nombreux abandons.
ASCENSION PÉRILLEUSE
Si, comme Dominique, vous avez une expérience passionnante à faire partager, contactez-nous pour être publié dans Bat’carré. contact@batcarre.com
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Le charmant village de Hell-Bourg m’attend, mais la pluie devient menaçante avant la montée au gîte du Piton des Neiges par le Cap Anglais. Point culminant de la course à 2 484 mètres. Cette étape est redoutable car la pente est raide et je dois souvent m’aider des deux mains pour grimper. Ma lampe frontale éclaire ces parois verticales et leur donne une image effrayante. Cette montée de dix kilomètres avec un dénivelé de 1 500 mètres me semble interminable et j’atteins le gîte après 21h30 de course. Ensuite, descente sur Cilaos sur une piste scabreuse nécessitant une attention permanente, car glissante et jonchée de racines et pierres. Au détour d’un virage, j’aperçois un coureur avec le visage ensanglanté, conséquence d’une chute sur le bas-côté. Immédiatement, je ralentis en prenant conscience du danger d’une chute dans la nuit et dans le vide. La ville de Cilaos constitue un point névralgique car situé à mi-parcours, à 89 kilomètres et témoin régulier d’un grand nombre d’abandons. Je prends un plat chaud, poulet-pâtes. Changement de chaussettes et pommade antiéchauffement sur mes pieds, exempts de toute ampoule. Je m’attarde finalement pendant près d’une heure et demie, sans en avoir pleinement conscience.
Départ sur Mafate dans la nuit et attaque de la troisième difficulté de ce Grand Raid, le Taïbit, avec une longue ascension de quatre kilomètres à 2 100 mètres d’altitude. Je me sens bien dans cette nuit de pleine lune et me fixe l’objectif d’améliorer mon score de 49 heures réalisé l’an passé, malgré le temps perdu dans la boue de Bélouve. Après 30 heures de course, je décide de faire l’impasse sur le sommeil. Pour compenser la fatigue, café, coca et alimentation régulière seront mes compagnons de route. À Marla, l’accueil au poste de ravitaillement est époustouflant : je suis totalement pris en charge, on me retire mon sac à dos, on m’installe à une table et mon sac à dos m’est ensuite restitué après remplissage de la poche d’eau. Dans le cirque de Mafate, je peux courir régulièrement et les étapes de Trois Roches et Orangers se font dans la facilité. Après 37 heures de course, j’atteins Deux Bras. Nouveau ravitaillement chaud avec riz-poulet. J’en profite pour changer de maillot car il fait chaud. J’effectue la montée de Dos d’Ane en 1h30 en affrontant plusieurs parois verticales avec échelles et mains courantes. Cette montée de 700 mètres constitue la dernière grosse difficulté de la course. Reste enfin une trentaine de kilomètres roulants mais toujours en côtes ou descentes, avec notamment les énormes pavés du chemin des Anglais qui font mal aux pieds et aux ampoules.
LIGNE D’ARRIVÉE Le soutien de mon assistante, présente à plusieurs points de contrôle, m’apporte réconfort et alimentation. J’évite ainsi les visions hallucinatoires de 2010. Sur ce dédale de pavés, une coureuse est allongée dans sa couverture de survie, immobile et entourée de spectateurs. Je m’assure que les secours sont attendus et je repars dans la nuit. La descente du Colorado se fait aisément et j’atteins finalement le stade de la Redoute en 47h52 améliorant mon précédent temps de plus d’une heure et à la 512e place. Objectif atteint ! Il me faut désormais un nouvel objectif : la « 555 », 555 kilomètres de course non-stop dans le désert, ou une nouvelle participation aux six jours en continu d’Antibes. Bref, du long… et du plat !
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S E P T I E M E A RT
TEXTE
FRANCINE GEORGE - PHOTOGRAPHIE MARETERRANIU - FRANÇOIS KAROL
La Réunion au cœur de l’action LE FESTIVAL DE FABIENNE REDT OFFRE LA POSSIBILITÉ DE CÔTOYER DES PRODUCTEURS, DES RÉALISATEURS, DES ACTEURS. ÉCHANGER AVEC EUX, LES VOIR ÉMUS SUR LE TAPIS ROUGE À LA REMISE DES PRIX TEND À NOUS RENDRE PLUS INDULGENTS DANS LA CRITIQUE D’UN FILM, NE SERAIT-CE QU’EN PENSANT À TOUTE L’ÉNERGIE QU’IL FAUT DÉPLOYER POUR PRODUIRE UNE PREMIÈRE ŒUVRE. UN AUTRE MONDE, TOURNÉ ENTIÈREMENT À LA RÉUNION, EN EST L’ILLUSTRATION. FLASH-BACK SUR LE FESTIVAL
PALMARÈS
La septième édition du festival du film de La Réunion s’est déroulée dans les premiers jours de novembre. Une foison de talents a envahi les écrans avec des sujets variés qui parlent de notre époque. Six films étaient en compétition et deux d’entre eux ont particulièrement séduit le jury présidé par Pierre Salvadori et le jury jeune.
Le Mascarin du meilleur film a été attribué à Parlez moi de vous de Pierre Pinaud, doublé du prix d’interprétation féminine pour Karine Viard, particulièrement juste et émouvante dans ce film. Le jury du jeune public a décerné le prix d’interprétation féminine à Yara Pilartz, l’une des dix-sept adolescentes protagonistes du film de Muriel et Delphine Coulin, 17 filles, basé sur l’histoire réelle de jeunes filles qui décident toutes de tomber enceintes en même temps. Ils ont décerné le prix d’interprétation masculine à Nicolas Maury pour son rôle dans Let my people go de Mikael Buch. Le public a, quant à lui, décerné son prix à un film d’une rare finesse Une bouteille à la mer de Thierry Binisti, qui traite d’une relation étrange, par mails interposés, entre une jeune fille, l’initiatrice, vivant à Jérusalem dans une famille juive, et un jeune homme appartenant à une famille palestinienne vivant à Gaza. Et le spectateur est pris à parti en suivant cette histoire impossible restituée dans le quotidien de deux nations en guerre. Mahmoud Shalaby remporte, pour ce film, le prix d’interprétation masculine. À VOIR ABSOLUMENT !
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UN AUTRE MONDE EN AVANT-PREMIÈRE Dans le cadre de l’année de l’outre-mer, une quinzaine de films ultramarins ont été présentés au public. L’un d’entre eux, Un autre monde de Gabriel Aghion, a pris une place à part. Tourné à La Réunion sur l’histoire de l’engagisme pendant la première guerre mondiale, ce téléfilm produit par Mareterraniu pour France Télévision s’inspire de la vie de l’arrière-grand-père de Gilbert Canabady. Tout le monde s’est fortement impliqué pour réaliser ce téléfilm, à commencer par l’ADCAM qui l’a accompagné à chaque étape du projet. Se jeter dans l’aventure n’a pas été si facile, malgré les aides. Le bouclage financier a requis de couper des scènes et de réécrire le scénario pendant le tournage. Mais le producteur Paul Rognoni et le réalisateur Gabriel Aghion s’accordent à dire qu’ils sont contents d’avoir pu préserver l’esprit du film et la qualité de l’image.
ADCAM Association pour le Développement du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia. Contact : Françoise Kersebet T 0262 92 29 18 www.adcam.org
« Le film romancé met en scène l’époque colonialiste sur son déclin, et traite de différentes formes d’exclusion » souligne Gabriel Aghion, qui a été impressionné par la beauté de l’île et a voulu l’inclure dans son scénario : « Il n’y a pas de premier rôle, mais six ou sept rôles importants et les paysages de La Réunion sont l’un d’entre eux.» Six semaines de tournage dans des décors naturels, plage de sable noir, Cascade Niagara, Mafate, mais aussi au Domaine de Bérive grâce à la participation de la famille Isautier. Les équipes techniques réunionnaises ont largement été sollicitées. Paul Rognoni souligne qu’il s’est vite senti à l’aise, car il retrouve ici l’ambiance et le cadre de son pays, la Corse. Claude Brasseur, Dominique Blanc, Samuel Labarthe, Niels Shneider, Jean-Emmanuel Pagni, Mati Diop, Kevin Dargaud sont accompagnés, en plus des 580 figurants, d’acteurs réunionnais. Nicolas Givran, alias Almaric, plus habitué au théâtre, garde une forte impression de cette expérience : « Le premier jour j’étais intimidé, en costume d’époque, face à de tels acteurs et ils m’ont fait sentir chacun dans le regard que j’étais à ma place ». Et c’est aussi toute l’histoire du tournage qui s’est déroulé dans une grande osmose entre les équipes d’ici et celles venues de métropole… ou de Corse !
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S E P T I E M E A RT
TEXTE
EVA BONNET - PHOTOGRAPHIE MARETERRANIU - FRANÇOIS KAROL
Dans les coulisses d’un autre monde journal d’une chef de file 4H00 du matin Le réveil sonne et j’ai la terrible impression que je viens juste de m’endormir. Déjà trois semaines de tournage, à ce rythme ! Mais d’où me vient cette énergie ? Certainement du plaisir de participer à cette formidable aventure. 5H00 Petit déjeuner copieux et direction Saint-Joseph. Je savais que le défi ne serait pas facile à relever : un film d’époque en costumes, 580 jours de figuration, six semaines de tournage, bref un programme très sportif ! Aujourd’hui, on tourne une scène de marche sur le feu avec une soixantaine de figurants à gérer. Sur la route, je savoure les derniers instants de calme et j’ai coupé mon téléphone, l’organe technologique indispensable à tout bon chef de file. Il est pratiquement greffé à mon oreille depuis une vingtaine de jours. 6H00 De nombreux figurants sont arrivés. C’est parti ! Faire signer les contrats journaliers, vérifier que tout le monde est bien là, appeler les retardataires, faire circuler chacun au HMC. Le PAT est à 8h ! Euh… pardon pour le jargon, mais c’est qu’il n’y a pas une minute à perdre avant le « prêt à tourner ». Tout le monde doit passer entre les mains expertes des costumières pour l’habillage, des maquilleuses et des coiffeuses (eh oui, HMC !). Car, c’est cela aussi la magie du cinéma : toute une équipe qui s’affaire autour des comédiens, des figurants et du décor. 8H00 En route vers le plateau ! Sauf moi. Que c’est beau ! Au cœur de la végétation, face à la mer, le sable noir en contrebas, le vieux temple indien repose sur l’herbe, au milieu de toutes ces silhouettes qui déambulent, vêtues de leur costume de fête jaune et orangé. Et des fleurs… partout ! On en oublierait presque les caméras, micros, moniteurs autour desquels fourmillent les équipes du plateau sous les instructions du réalisateur et de ses assistants. Bon, trêve de rêverie, je dois préparer les castings et les essayages de costumes pour la semaine suivante. Scènes de club et bal du Gouverneur à Saint-Denis, ça va être magnifique !
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12H00 Pause déjeuner. Pour tout le monde. Enfin, presque… Le temps de diriger les figurants vers les buffets. Presque 13h. Pas vu le temps passer. Rassembler les groupes épars qui se reposent ça et là. Faire un point sur les costumes, le maquillage, la coiffure, et repartir vers le plateau. « Silence, on tourne. » Un regard curieux vers les combos (écrans de contrôle) offre un aperçu des images filmées, de la beauté de la lumière. « Coupez ! » 14H00 La feuille de service. Je dois absolument jeter un œil dessus pour demain. Y a-t-il des modifications : lieu de tournage, scènes prévues, heure de convocation des figurants ? Ca y est, je l’ai ! Il faut attendre ? La météo n’est pas sûre ? Encore quelques modifications ? Il faut trouver trois nouveaux figurants. OK, pas de panique… 17H00 Fin de journée. Pour le plateau, bien sûr. Les figurants sont pressés de rentrer chez eux. On dirait une volée de moineaux, ils partent dans tous les sens. Objectif : les canaliser le mieux possible pour leur faire signer la feuille de présence. Quand je relève enfin la tête, ils sont tous partis. Réalisateur et producteur sont contents des prises. Mais la meilleure des récompenses, celle qui efface la fatigue accumulée, c’est le sourire des figurants et leur plaisir d’être là. 19H00 Chez moi. Pause… J’ai besoin d’une douche ! Puis, je me remets au travail. Ordinateur. Internet. Déclarer chaque figurant à l’administration avant leur journée de travail de demain. Imprimer. Déclarer. Imprimer. Je dînerai un peu plus tard… Déclarer. Imprimer. Les numéros de sécurité sociale, les dates et lieux de naissance se mettent à valser doucement devant mes yeux. Mon clavier fait de la dyslexie. Plus que vingt, ça va aller… 23H30 Epuisée ! Brosse à dents. Programmer le réveil. Sentir le moelleux de l’oreiller sous ma nuque. Chouette, demain, je me lève à 5h00 ! Minuit, black out.
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Musiques l’exposition-événement fait escale à La Réunion
L’exposition « Les Musiques Noires dans le monde » est ouverte au public du 16 décembre 2011 au 21 juin 2012 au Domaine de Montgaillard. Entrée gratuite pendant le « Festival Liberté Métisse ».
VANESSA BOULARES - ILLUSTRATION MONDOMIX
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AU F I L D E S F E S T I VA L S
APRÈS LE SÉNÉGAL, C’EST LA RÉUNION QUI ACCUEILLE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN FRANCE L’EXPOSITION « LES MUSIQUES NOIRES DANS LE MONDE ». L’ÉVÉNEMENT SALUÉ PAR LA CRITIQUE INTERNATIONALE FAIT ESCALE POUR 6 MOIS DANS LES HAUTS DE SAINT-DENIS, À MONTGAILLARD. UNE PLONGÉE INTERACTIVE DANS LA BLACK MUSIC : DU JAZZ AU GOSPEL, EN PASSANT PAR LE HIP-HOP ET LA SALSA SANS OUBLIER NOS MUSIQUES PÉI, LE MALOYA ET LE SÉGA. LE COUP D’ENVOI EST DONNÉ DANS LE CADRE DU « FESTIVAL LIBERTÉ MÉTISSE » ORGANISÉ PAR LA RÉGION POUR LES COMMÉMORATIONS DU 20 DÉCEMBRE.
Comme il exposerait un tableau, une sculpture, Marc Benaïche expose la musique ! Le pari est osé tant le contenu est immatériel… et pourtant, pour le concepteur et le commissaire de l’exposition, les musiques noires constituent bel et bien « l’une des plus grandes aventures artistiques de l’humanité ». L’épopée a commencé sur le continent africain. Au gré de l’histoire douloureuse de l’esclavage, elle s’est enrichie aux Amériques, aux Caraïbes, en Europe et jusque dans l’océan Indien pour finalement constituer, selon Marc Benaïche, « le socle de la modernité du XXe siècle : un idéal démocratique, celui de la liberté des peuples. »
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UNE HISTOIRE PLANÉTAIRE, UNE EXPÉRIENCE SENSORIELLE Aujourd’hui, ces musiques font bouger la planète entière. Qui n’a pas vibré aux rythmes de Nina Simone, Bob Marley, Stevie Wonder, Salif Keita ou Miriam Makeba, la diva sud-africaine mondialement connue et dont la beauté orne les affiches de l’exposition ? À ces noms s’en ajoutent des centaines d’autres : Michaël Jackson, Youssou N’Dour, Louis Armstrong et chez nous, ceux de Danyel Waro, Davy Sicard, Christine Salem et tant d’autres encore….. C’est donc ce voyage musical que nous raconte l’exposition…en français, en créole et en anglais… de manière ludique et interactive. Le visiteur est invité à une véritable immersion sensorielle. Equipé d’un casque et d’un smartphone, une tablette tactile, il peut jouer avec les sons et les images (en tout une centaine d’interfaces audiovisuelles) qui s’offrent à lui sur près de 600 m2. La visite peut même se prolonger puisqu’il est possible de sauvegarder les choix musicaux effectués au cours de l’exposition et de créer une playlist à réécouter chez soi.
LES MUSIQUES PÉI Ainsi, la salle des Monuments Sacrés des Musiques Noires célèbre les 40 plus grandes figures de la black music. L’espace Mama Africa rend hommage aux artistes et aux styles musicaux de tout le continent africain, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. C’est ici que les musiques réunionnaises traditionnelles sont présentées. Le Maloya en tête bien sûr : musique du marronnage devenue en 2009 patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Pour réaliser cet espace dédié aux musiques péi, Marc Benaïche et son équipe ont pu compter sur l’expérience et les connaissances du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion. Son directeur, Alain Courbis met l’accent sur la pertinence de l’événement. « Cette exposition va aider le grand public à une meilleure compréhension des musiques de La Réunion, traditionnelles et actuelles. Elle permet aussi de mesurer plus largement l’importance des musiques créoles dans le monde. Elles n’existent pas qu’ici ou aux Antilles. On les retrouve aussi aux Etats-Unis par exemple, en Louisiane. »
Bla Ici, les nouvelles technologies sont donc au serL’HÉRITAGE MUSICAL vice d’un parcours à la fois historique et géograDE L’ESCLAVAGE phique, conçu par un comité d’experts africains, européens et américains. Un parcours qui se Les Etats-Unis, l’une des terres de transbordement décline en six salles dédiées à autant de thèmes. des esclaves africains. Dans la troisième salle, la Nef, le visiteur est plongé dans l’horreur de la traite négrière. Dans l’obscurité, il emprunte un long couloir et seules des ambiances sonores lui parviennent : le souffle, le bruit de la mer…des sons qui évoquent la traversée des esclaves, 400 ans Festival Liberté Métisse de déportation. Au bout de ce tunnel, la quatrième programme complet salle est dédiée aux rituels et aux musiques sur le site de La Région sacrées: Candomblé au Brésil, Gospel aux Etatswww.regionreunion.com Unis. Vient ensuite l’espace consacré aux musiques noires nées sur le continent américain : le Jazz, la Salsa, le Merengue ou encore le Blues. Enfin, la fêtez sixième et dernière salle nous ramène à l’époque le 20 décembre contemporaine : le Reggae, le Disco, le Hip-Hop… sur autant de sons qui font de la musique noire d’auwww. batcarre.com jourd’hui une musique universelle.
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UNE PREMIÈRE EN FRANCE L’exposition a été créée pour le Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar au Sénégal. C’était en décembre 2010. La voici un an plus tard dans notre île. Une aubaine car Paris était pressentie pour la première française de l’événement. C’est finalement notre région qui a été choisie. Un lieu idéal selon Marc Benaïche : « L’île est aux avantpostes de ce que sera l’humanité dans cinquante ou cent ans. La Réunion est une terre créole, elle est traversée par l’histoire des musiques noires. Plus, elle en fait partie.» Notre Séga, notre Maloya, ces rythmes forts de l’identité réunionnaise, mais aussi de l’odyssée des musiques noires, s’afficheront dorénavant à chacune des étapes de l’exhibition. Prochaine escale, l’Afrique du Sud.
LE DOMAINE DE MONTGAILLARD AU RYTHME DU « FESTIVAL LIBERTÉ MÉTISSE ». L’exposition « Les Musiques Noires dans le monde » constitue le temps fort de la deuxième édition du « Festival Liberté Métisse » initié par la région. Un festival itinérant qui a quitté Saint-Pierre pour s’installer, cette année, dans les hauts de Saint-Denis au cœur du domaine de Montgaillard. Un choix opéré par la Région, nouveau propriétaire du site, « dans un souci d’équilibre sur le territoire», souligne Jean-François Sita, Vice-président délégué à la culture. C’est la première fois que le lieu est ouvert au grand public. Pour que les Hauts soient à la fête, des navettes en bus sont organisées, gratuitement, pendant toute la durée du festival. « C’est aussi une façon pour les Réunionnais de s’approprier leur histoire. », ajoute l’élu.
EXPOS, CONCERTS, CONTES, CONFÉRENCES Pendant cinq jours, du 16 au 20 décembre, le domaine de Montgaillard foisonnera donc d’événements : l’exposition « Les Musiques Noires dans le monde » on l’a dit, mais aussi une multitude de manifestations culturelles. De l’art contemporain avec des résidences croisées entre artistes réunionnais et plasticiens venus de tout l’océan Indien. Des ateliers animés par des conteurs comme Sully Andoche et Sergio Grondin. Une expo étonnante sur l’art de la coiffure dans la zone est également présentée. Et puis, un festival n’est rien sans musique. Alors, les artistes péi sont de la partie: Ziskakan, Baster, Françoise Guimbert, Nathalie Natiembé, Meddy Gerville et tant d’autres… donneront de la voix pour commémorer l’abolition de l’esclavage. Car il s’agit bien de cela à travers ce festival : fêter la liberté et valoriser le patrimoine métis de La Réunion.
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COMME IL EXPOSERAIT UN TABLEAU, UNE SCULPTURE, MARC BENAÏCHE EXPOSE LA MUSIQUE ! AU F I L D E S F E S T I VA L S
Le site est effectivement chargé d’histoire. Ce domaine, acheté en 1837 par Gaspard de Heaulme, fut tour à tour une propriété agricole et un site de villégiature. Son immense parc a notamment inspiré le poète Léon Dierx qui y passa sa jeunesse. Propriété de la famille Morange de 1882 à 1971, le domaine, et la villa qui le surplombe, figurent depuis 2000 dans la liste des monuments historiques.
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R E N D E Z - VO U S B D
PAR
BINET - TRADUCTION AXEL GAUVIN - EDITIONS EPSILON
Messié-madame Bidochon dann zot lauto
C’est la première fois qu’Axel Gauvin traduit une BD en créole et c’est aussi la première fois que la célèbre série de Binet est traduite en créole. Par contre, ce n’est pas la première fois que les éditions Epsilon font paraître des publications en créole (Tintin, Lucky Luke, Spirou, le Petit Spirou, Boule et Bill, Gaston, et maintenant les Bidochon… à suivre !)
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LES GLOBE-TROTTERS REUNIONNAIS Instantanés de Saïgon TEXTE
& PHOTOGRAPHIE
RODOLPHE SINIMALE ET NIRINA DONATO
RÉUNIONNAIS DU MONDE
EN JUILLET 2006, RODOLPHE ET NIRINA, DEUX RÉUNIONNAIS, DÉCIDENT DE TOUT QUITTER - MAISON, TRAVAIL ET POSITION SOCIALE ET EMBARQUENT POUR L’AVENTURE D’UNE VIE, QUASIMENT SANS BUDGET. LEUR INTENTION ? VIVRE CETTE PRÉCIEUSE EXISTENCE. VIVRE LEURS RÊVES INTENSÉMENT. ET APPRENDRE. APRÈS PLUS DE 200.000 KM PARCOURUS - CINQ FOIS LA PLANÈTE TERRE ! DURANT 1 490 JOURS DANS PRÈS DE 25 PAYS, ILS PARTAGENT AVEC PLAISIR LEUR CARNET DE VOYAGE.
Aux côtés des Vespa et autres Lambretta, ces Honda Super Cub d’avant guerre circulent toujours librement dans les rues embouteillées de l’ex-Saïgon, qui compte 10 millions de deux roues !
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HO CHI MINH CITY Le but de notre voyage était la rencontre avec « l’Autre », homme ou femme, mais citoyen du monde. En atterrissant à Ho Chi Minh City, l’évidence s’imposait : nous n’allions pas découvrir la ville, c’est la ville qui nous accueillait. Et elle était cette autre, personnage remarquable et bienveillant à l’histoire et à la beauté transcendante… Tout d’abord il y a la chaleur, suffocante en ce mois de mousson. Puis les parfums et les couleurs qui, malgré la terrible pollution, se frayent un chemin parfait jusqu'à nos sens impatients. Enfin, il y a les sourires. Et là, nous revivons. Pourtant, lorsque nous parcourons les premiers kilomètres vers le District 1, des images d’une violence terrifiante me reviennent à l’esprit et me bouleversent : le pays a connu un conflit sans précédent seize années durant. Et les stigmates sont encore présents, dans la mémoire collective et tenace d’une population forte, fière et émouvante. Et puis, imaginez : tous ces jeunes vietnamiens sont la première génération à ne jamais avoir connu les affres de la guerre ! Hô-Chi-Minh-Ville - Thành phô Hô Chí Minh en vietnamien, et anciennement Saïgon jusqu'en 1975, date à laquelle les vainqueurs communistes officialisèrent son nom - est la plus grande ville du Vietnam, véritable poumon économique d’un pays en pleine mutation.
La tour métallique et argentée remplace le parc vert et boisé, vélos et autres cyclo-pousse se rangent désormais sur le bas-côté pour laisser place à de rutilantes automobiles, et les petits étals, jadis si encombrés, s’effacent devant la puissance des grands centres commerciaux. Mais l’élégance et le mystère subjuguent toujours autant le voyageur déraciné, car la ville, sans état d’âme ni pudeur, ne cache rien de sa beauté. Des fleurs gigantesques et blanches virevoltent le long des petites ruelles labyrinthiques et grises, tandis que le chant d’un bruant huppé - une dame sans âge ne cesse de le titiller - s’envole au loin vers d’épais nuages chargés d’eau. Au milieu des millions de motos, nous nous arrêtons pour déguster une délicieuse et parfumée Pho –soupe brûlante aux épices que l’on boit ici à toute heure du jour et de la nuit. Le balai des sourires lui, ne s’arrête pas un seul instant. Et de la somme de ces individualités lumineuses jaillit l’essence de la ville : un rêve lancinant qui subjugue et rayonne.
Boom économique et démographique ont favorisé le développement anarchique de la ville, illustré par le maillage des câbles électriques qui prolifère à tous les coins de rue.
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PA P I L L E S E N F Ê T E
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Le chouchou
fait son tour du monde
TEXTE
STÉPHANE MAÏCON - ILLUSTRATION YANN TAFANEL
LA CHAYOTE OU CHAYOTTE SECHIUM EDULE, APPELÉE AUSSI CHRISTOPHINE CRISTOPHINE AUX ANTILLES FRANÇAISES ET EN GUYANE, CHOUCHOU CHEZ NOUS, CHOUCHOUTE EN NOUVELLE-CALÉDONIE ET EN POLYNÉSIE FRANÇAISE OU ENCORE MIRLITON EN HAÏTI, EST UNE PLANTE VIVACE DE LA FAMILLE DES CUCURBITACÉES, CULTIVÉE SOUS CLIMATS CHAUDS COMME PLANTE POTAGÈRE POUR SON FRUIT COMESTIBLE À MATURITÉ. LE TERME DÉSIGNE AUSSI LE FRUIT QUI EST CONSOMMÉ COMME LÉGUME. VÉRITABLE EMBLÈME DU CIRQUE DE SALAZIE, UNE FÊTE LUI EST DÉDIÉE CHAQUE ANNÉE.
Le mot « chayote » vient de l'espagnol chayote qui vient lui-même du mot nahuatl chayotli qui désigne le fruit. Le terme espagnol, chinchayote, désignant la plante.
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Cette espèce est originaire du Mexique (Oaxaca, Puebla, Veracruz). Elle est largement cultivée dans les zones tropicales, notamment en Amérique du Sud, où elle est connue sous les noms de chayote, chayota, tayota, guatilla, guatila, etc. Les fruits s'accommodent de la même manière que les courgettes, on les prépare en daube ou en gratin. Ils font d'excellentes soupes, crèmes et veloutés. On peut aussi les servir en salade, à partir de jeunes fruits, crus ou refroidis après une légère cuisson, et râpés. Il existe, en outre, des préparations sucrées à base de chayote, compotes, confitures, ou notre célèbre gâteau chouchou. Les jeunes pousses tendres, brèdes chouchou, peuvent se préparer en fricassée, ou sautées comme des haricots verts dont elles rappellent le goût. La racine de la chayotte (la chinte) détaillée en bâtonnets se prépare comme des frites. Sur notre île, la patate chouchou est appréciée par quelques inconditionnels qui la trouvent plus fine et plus goûteuse que la pomme de terre. Elle accompagne à merveille la viande de porc, mais on ne la trouve sur les marchés forains que d’octobre à novembre. Ce tubercule est également connu comme ichintal au Guatemala ; chinta ou chintla au Salvador, echinta ou patastilla au Honduras et raíz de chayote au Panamá.
À Salazie, les tiges séchées étaient utilisées pour fabriquer des chapeaux : les chapeaux de paille chouchou, autrefois commercialisés en Europe sous le nom de « chapeaux de paille d'Italie » ! Mais revenons à notre gratin, indissociable de ces nuits passées dans le cirque, chez des amis ou en table d’hôtes. Lorsque la fraîcheur envahit le cirque, il fait figure de promesse. De satiété et de chaleur. Faible en calories, on peut donc accompagner le chouchou de beurre, de fromage et de béchamel, la base du gratin. Certains, parmi les plus jeunes, remplacent la béchamel par de la crème fraîche, mais n’oublions pas que le chouchou est gorgé d’eau, ennemi du gratin ! Il est donc capital que le chouchou soit sec, ou qu’il ait déjà rendu son eau, en pré-cuisson. Et puis, afin de ne pas rater cette belle croûte dorée, mêlez fromage et chapelure, pas de cette chapelure toute faite. Prenez le temps de râper votre pain rassis, comme le faisaient les anciens.
GRATIN DE CHOUCHOUS DE STÉPHANE
FLAN DE CHOUCHOUS AUX HERBES DE BRIGITTE GRONDIN
• Pour 6 personnes • 3 chouchous tendres • 3 gousses d’ail • 1 oignon • 2 brins de thym • Fromage râpé • Chapelure • Sel et poivre selon convenance • 80 g de beurre • 80 g de farine • ¾ de litre de lait • Sel, poivre et muscade selon convenance
• Pour 4 personnes • 2 chouchous moyens • 2 gousses d’ail • 1 oignon • 10 g de gingembre • 1 cuillerée à café de curcuma • 4 œufs • 20 cl de crème liquide • 1 cuillerée à soupe de persil • 1 cuillerée à soupe de coriandre • 1 cuillerée à soupe d’oignon vert • sel, poivre
• Préparation • Hacher l’ail et l’oignon finement • Éplucher les chouchous sous l’eau • et les découper en gros dés • Disposer ces ingrédients dans une marmite • Y ajouter thym, sel et poivre • Cuire à feu doux pendant une quinzaine • de minutes. S’ils rendent de l’eau, forcer le feu • car le chouchou doit être sec • Pendant ce temps, faire chauffer le beurre • dans une marmite, sans coloration • Ajouter la farine et tourner vigoureusement • pour obtenir un mélange lisse et cuire la farine. • Verser le lait froid et tourner sans cesse jusqu’à • ébullition, pour éviter les grumeaux ; continuer • à tourner plus doucement pour cuire la sauce • encore 7 à 8 minutes. Saler, poivrer et ajouter • un peu de muscade râpée • Verser la béchamel sur les chouchous cuits • et bien remuer le tout • Disposer cette préparation dans un plat à gratin. • Saupoudrer de fromage râpé et de chapelure • et enfourner une quinzaine de minutes à 150°, • le temps d’obtenir un gratin bien doré
• Préparation • Pelez les chouchous et coupez-les en dés • Mixez l’ail, l’oignon et le gingembre • Dans une casserole, mettez les chouchous, • les épices mixées, le curcuma et un verre • d’eau. Salez. Faites cuire 15 mm à feu vif • Égouttez les chouchous si besoin • Battez les œufs en omelette • Mélangez énergiquement avec la crème • liquide • Salez et poivrez • Ajoutez les chouchous et les herbes • Mélangez. Répartissez dans 4 ramequins • Mettez au four • Laissez cuire 30 minutes à 180° thermostat 6 Astuce hémisphère nord : ce flan est tout aussi délicieux avec des courgettes.
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D E L A T Ê T E AU X P I E D S
Quelque chose de rouge
Si Noël est une affaire de chaussures, c’est grâce à Nicolas de Myre, évêque plus connu sous le nom de Saint-Nicolas, qui vécut en Asie Mineure (Turquie actuelle) au IIIe et IVe siècle, et qui est probablement lié de très près également aux origines du Père Noël. Réputé généreux et bienveillant avec les enfants, mais aussi avec les plus faibles et les démunis, la légende raconte qu’il passa un jour devant la demeure de trois sœurs très pauvres, et pour améliorer un peu leur sort, il jeta quelques pièces qui tombèrent dans les bas qu’elles faisaient sécher. En découvrant l’argent à leur réveil, les jeunes personnes répandirent très rapidement la nouvelle. Depuis, plus personne n’oublie ses chaussettes ou plus communément ses chaussures près du sapin, le soir du réveillon, dans l’espoir d’y retrouver, le lendemain, quelque chose de précieux…
ENCORE UNE ANNÉE PASSÉE À TOUTE VITESSE ET NOËL QUI FRAPPE DÉJÀ À NOS PORTES ! FÊTE CHRÉTIENNE, MAIS AUSSI CÉLÉBRÉE PAR LES NON-CROYANTS, ELLE EST MARQUÉE PAR UN RITUEL INCONTOURNABLE : PLACER SES SOULIERS AU PIED DU SAPIN, OÙ SERONT DÉPOSÉS LES CADEAUX TANT ATTENDUS, DANS LA NUIT DU 24 AU 25 DÉCEMBRE. TEXTE
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& ILLUSTRATION
EVA BONNET
À vos chaussures, donc ! Mais faisons évoluer la tradition vers le XXIe siècle en l’adaptant à notre île australe. Au pied d’une branche de filaos ou d’un cryptomeria, votre paire de chaussures doit attirer l’œil du Père Noël, pour qu’il vous gâte à la hauteur de vos espérances et ne se joue pas de vous, style le Père Noël est une ordure ! Pointure 23 ou 44, vous devez choisir avec soin la paire de chaussures qui ne sera pas à vos pieds ce soir-là. Savates, sneakers, richelieus, babies, derbies, salomés ou escarpins, peu importe le chaussant, pourvu que l’on ait… la bonne couleur. Celle des flamboyants, du volcan, des letchis et du vieux monsieur à barbe blanche : le ROUGE. Tonalité vermillon de notre Noël réunionnais, le rouge est à la fois captivant et énigmatique. Tantôt emblématique des empereurs, puis des révolutionnaires, symbole de vitalité et de chance autant que de colère et de danger, couleur du cœur… et des carreaux, il est porteur de vibrations intenses et paradoxales, ne laissant personne insensible. Le Père Noël aura bien chaud sous son manteau quand nous lui déroulerons le tapis rouge. Courez vite trouver chaussure à votre sapin, si vous n’avez déjà en votre possession la paire rare.
L IONNE TRADIT E us, L p o S e N A in. troisièm ÉDIT D le N , s ’I e te Grond L tt it e E g c D » de Bri re de re r v u li œ u c a ie e e Nouv la fantais Coups d itée par ur les « lle revis centré s e n ve n u o io tr it trad t, on re inédits Cuisine de talen vre des u re o c iè é in d is n u o c l’ e t n e s ’u d ique ds class utre, aos. les gran mps à a e de Cil m rè c es, de te la té rd. e n o e m n m m re o ré è c s sont ag ées à l’hémisph e tt e c re Les destin astuces IN par des ND TE GRO E BRIGIT in CŒUR D d E n D ro S G P jon gitte LES COU le Bérou es de Bri de Pasca ns es illustré es Éditio – Photos ic a 52 Recett c p n é Jo 4 e n o Fabienn - Collecti S N IO Texte de IT ÉD EPSILON Éditeur :
KADO(S) TENDANCE
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GASTR ONOM IE À PO Le ch source d’inspir ef Benoît Vanta RTÉE DE TO US a ux aime ti o dans so n culina le voya n restau ire qu’i ge, l offre e rant dio n parta nysien ge « L’ateli er de B situé ru en » d e ans ses d et main e la Compa cours d tenant d gnie, e cuisin ans ce e magnif ique liv du samedi, re de re Les rem cettes aux sav arquab metten e les pho t en reli tos de P urs métissées ef la cu . ier isine ga stronom re Choukroun ique et in ventiv Les acc de Ben ords m oît Vanta e ets et v ux. ins son t réalisé par la C ave de s la Victo ire.
Texte d e Pierre L’ATELIE 63 rece et Franç ttes illus R DE BE oise Ch trées de N oukroun Benoît V P hotos d antaux Éditeur e Pierre : L’atelie Choukro r de Be un n et Pie rre Cho ukroun
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HORIZONTALEMENT
VERTICALEMENT
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Relatives à l’or noir.
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Démotivé. Bougonnes.
C
Céréale. Sous-sol.
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Il n’est plus invité à table. Rendu stérile.
D
Prophétises. Marquises des antipodes.
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Dégrade. Hypothétique. Au-dessus de Ré.
E
Personnes stupides. Petits entêtés.
5
Sautées. Louis XIV l’épousa.
F
Ressource agricole en Asie. Division de film.
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Gardoise. Religieux. Bon pour le compte. Adverbe de lieu.
G Sans bougies. Eté apte.
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Actuel. Corps de logis. Base d’une clef. Pierre de taille.
H
En Ukraine. Hangar.
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Gardas en mémoire. Mental. On l’a dans le baba.
I
Adjectif égalitaire. Vague sujet.
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Figure ronde. Elle emportait nos Aïeux. Fait des éclats.
J
Achemina. Presser.
10 Proscrits. Sans mordant.
K
Résonna comme une cloche. Au premier degré.
11 Utilise un crible. La vis s’y loge. On y pend la bavette.
L
Pas une. Voisin du Merlan.
M
Quartier isolé. Nationale.
N
Buccale. Accordé.
O Il relie les parties. Sportif reconverti. Appartiens. P
Piqûres.
Q Giron. Dite.
1 A B C D E F G H I J K L retrouvez la solution des jeux dans le prochain numéro
M N O P Q
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DIFFICILE
La grille du jeu est composée de 9 lignes, 9 colonnes et de 9 régions (les 9 carrés). La grille du jeu contient toujours des chiffres de 1 à 9 et des cases vides, le but est donc de remplir entièrement la grille de manière logique. La règle du jeu est simple : chaque ligne, colonne et région ne doit contenir qu’une seule fois tous les chiffres de un à neuf. Formulé autrement, chacun de ces ensembles doit contenir tous les chiffres de un à neuf. La plupart du temps, le jeu est proposé sous la forme d’une grille de 9×9,
retrouvez la solution des jeux dans le prochain numéro
et composé de sous-grilles de 3×3, appelées « régions ». Quelques cellules contiennent des chiffres, dits « dévoilés ». Le but est de remplir les cellules vides, un chiffre dans chacune, de façon à ce que chaque rangée, chaque colonne et chaque région soient composées d’un seul chiffre allant de 1 à 9. En conséquence, chaque chiffre dans la solution apparaît une seule fois selon les trois « directions », d’où le nom « chiffre unique ». Lorsque qu’un chiffre peut s’inscrire dans une cellule, on dit qu’il est candidat.
BAT’CARRé 78
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N O S PA RT E N A I R E S
NOUS TENONS À REMERCIER NOS PARTENAIRES QUI ONT CONTRIBUÉ À LA RÉALISATION DE CE NUMÉRO. VOUS TROUVEREZ PROCHAINEMENT L’ÉQUIPE DE PILS, D’AKOUT ET DE RÉUNIONNAIS DU MONDE SUR LA NOUVELLE VERSION DE WWW.BATCARRE.COM QUE NOUS SOMMES EN TRAIN DE FAIRE ÉVOLUER.
BAT’CARRé 80