CARRÉ
BAT’ NUMÉRO 6 // SEPTEMBRE - OCTOBRE 2012
saint-paul
ville d’art & d’histoire rencontre avec sylvie réol
bataye kok
rendez-vous inédit autour de l’île
PATAGONIE FIN ET COMMENCEMENT D’UN MONDE
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CARRÉ
BAT’
ÉVASION CULTURELLE ÉVASION ROMANS DU MONDE ÉVASION JEUNESSE COUP DE CŒUR MADORÉ, LE POÈTE DES ENFANTS AU CŒUR DE L’ÎLE SAINT-PAUL, VILLE D’ART ET D’HISTOIRE LA COLLECTE DU PATRIMOINE MUSICAL, L’ÉTHNOMUSICOLOGIE EN MOUVEMENT MISE EN SCÈNE LÉON DIERX, SA VIE MISE EN SCÈNE SAVOIR-FAIRE JEAN-MARIE PAYET, SCULPTEUR DE PILONS DÉVELOPPEMENT DURABLE LES ÉNERGIES DE LA MER RENCONTRE SYLVIE RÉOL, LA PAPESSE DU PATRIMOINE HORIZON SAUVAGE UN TABLEAU DE LUMIÈRE HORS DU TEMPS VOYAGE-VOYAGE PATAGONIE, FIN ET COMMENCEMENT D’UN MONDE LA PATAGONIE VUE PAR FRANSISCO COLOANE BATAYE KOK LE TOUR DE L’ÎLE DES BATAYE KOK SEPTIÈME ART LE CHANTEUR DE L’OMBRE MIS DANS LA BOÎTE À IMAGE COULISSE LES ATELIERS DES AILLEURS, PREMIÈRE RÉSIDENCE D’ARTISTES AUX KERGUELEN PAPILLES EN FÊTE RECETTE DE L’ATELIER DE BEN DESIGN CÉLINE DELACOURT, PREMIÈRE COLLECTION TENDANCES HIGH TECH ET SHOPPING RÉUNIONNAIS DU MONDE ICHIGO ICHIE, PREMIER ÉPISODE JEUX RÉSULTATS DES JEUX
Nous tenons à féliciter l’imprimerie Graphica qui a reçu plusieurs récompenses, dont la médaille d’or, au concours international SIPPA, équivalent des oscars du métier de l’impression.
Tous droits de reproduction même partielle des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.
Couverture Photographie de Matthieu Meyer Éditeur BAT’CARRÉ SARL Adresse 16, rue de Paris 97 400 Saint-Denis Tel 0262 28 01 86 www.batcarre.com ISSN 2119-5463
Directeur de publication Anli Daroueche anli.daroueche@batcarre.com 0692 29 47 50 Directrice de la rédaction Francine George francine.george@batcarre.com 0262 28 01 86 Rédacteurs Stéphane Maïcon, Véronique Lauret Gaëlle Matoiri de Bazainville Matthieu Meyer, Salomé Vienne Sylvain Gérard, Rodolphe Sinimalé Francine George
Secrétaire de rédaction Aline Barre Directeur artistique P. Knoepfel, Crayon noir atelier@crayon-noir.org Photographes Thierry Hoarau, Stéphane Maïcon Sébastien Marchal, Stéfan Grippon Christian Vaisse, Matthieu Meyer Nicolas Anglade, Pierre Choukroun Éric Lafargue Droits réservés : Les Films 1.2.3. le PRMA, 7 Magazine, DAC OI
Illustrateurs Modeste Madoré, Hippolyte Mike Colléaux Création & exécution graphique Crayon noir Vifs remerciements à Sylvie Réol, Modeste Madoré Fanny Précourt, Patrice Galbois Bernard Leveneur, René Bouvet, Hippolyte, Flore Baudry Céline Delacourt, Benoît Vantaux pour leur précieuse collaboration.
Développement web Anli Daroueche, Axe Design Publicité Francine George : 0262 28 01 86 Anli Daroueche : 0692 29 47 50 Distribution TDL Impression Graphica 305, rue de la communauté 97440 Saint-André
Dans notre société pressée par le temps, où, dans la futilité et l’éphémère, nous sommes devenus des jouets de consommation, les Journées Européennes du Patrimoine apparaissent comme une pause salvatrice à tout ce vacarme – Beaucoup de bruit pour rien, disait Shakespeare – qui régit aujourd’hui le monde de la communication. Nous avons choisi, dans ce contexte, de mettre à l’honneur la ville de Saint-Paul qui vient d’obtenir, avec les félicitations du jury, le label « Ville d’Art et d’Histoire ». Personne ne peut contester que son maire, Huguette Bello, est sur tous les fronts pour mener les combats qui s’imposent afin de protéger et valoriser le patrimoine de sa commune tout en y développant des manifestations culturelles de qualité. L’actualité, mais surtout l’envie, nous a naturellement conduits à rendre hommage à Sylvie Réol, conservateur en chef du patrimoine, partie à la retraite en juillet dernier après quinze ans de combat, elle aussi, pour faire exister et perdurer le patrimoine réunionnais sous tous ses aspects. Elles ont en commun, au-delà de la ténacité, la même rugosité de caractère ! Le Maloya, patrimoine mondial immatériel, est mis en exergue avec ses chanteurs de l’ombre filmés ou enregistrés dans la cour. Et enfin, nous vous donnons rendez-vous pendant une année entière avec ce qui fait partie du patrimoine caché de La Réunion, les Bataye Kok autour de l’île. Pour vous donner envie d’ouvrir grand l’horizon, nous vous proposons de partir cette fois en Patagonie, première approche complétée par un portrait du grand auteur chilien Francisco Coloane à découvrir. Le club de lecture sur notre site internet www.batcarre.com vous en dit plus, n’hésitez pas à aller y faire un tour ! Pour finir, nous avons mis en place un nouveau service d’abonnement afin de recevoir pendant un an les cinq numéros du magazine, mis sous pli dans votre boîte aux lettres. Le coût annuel de 42,50 euros couvre les frais d’expédition, de mise sous pli et vous permet d’apporter un soutien à Bat’carré. Bonne balade à tous
Francine George
É VA S I O N R O M A N S D U M O N D E · 4
SÉLECTION
FRANCINE GEORGE
PLEIN DE VIES !
EN QUÊTE DE PASSION
Edgar est né dans une réserve indienne, d’une mère apache devenue alcoolique et d’un père inconnu. Un jour, alors qu’il n’a que sept ans, le facteur lui écrase le crâne au démarrage de sa voiture. Laissé pour mort, il est néanmoins transporté à l’hôpital. Barry, un médecin opiniâtre, réussit à le sortir du coma. Alors, commence un lent retour à la vie autour de compagnons d’infortune, tous en miettes, mais d’où ressortent quelques étincelles d’humanité. Art, qui le prend sous son aile, en est un exemple. Edgar se met à taper frénétiquement sur son « Hermès Jubilé » cadeau d’Art, car, séquelle de l’accident, il ne peut plus écrire. Edgar porte un regard à la fois acéré et bienveillant sur le non-sens du monde des adultes. Puis, il s’évade pour échapper au harcèlement de Barry qui s’avère être un dealer, drogué au dernier degré. Entre-temps, sa mère est décédée et son grand-oncle l’expédie dans un pensionnat pour orphelins indiens où il doit faire face aux plus cruelles perversités. Un épisode douloureux approchant la triste réalité de la condition des Indiens. Il s’en échappe ! Recueilli par une famille de Mormons, une certaine accalmie semble se dessiner, mais Edgar n’est pas fait pour se prélasser dans une vie confortable. Une nouvelle voie s’ouvre à lui qui vous surprendra… ! Brady Udall, originaire de l’Arizona, signe là son premier roman, singulièrement captivant, dans un style percutant à la manière de la nouvelle génération des écrivains américains.
La vie semble sourire à Jean-Baptiste Warnke, diplomate amoureux de son élégante épouse et comblé par ses deux charmantes filles. Il coule des jours heureux à Lima à la fin des années 90 où il occupe un poste envié à l’ambassade des Pays-Bas. Jusqu’au jour où Malena, une jeune Péruvienne, fait irruption dans sa vie. Tout à l’écoute de sa bouleversante passion , « la plus belle chose au monde c’est d’être désiré », sa naïveté l’empêche de réaliser qu’il est manipulé. Quand il en prend conscience, le processus d’autodestruction est déjà enclenché. Vient alors l’éclosion d’un nouveau personnage laissant tomber son enveloppe bien trop lisse d’homme rangé, au profit des tourments de la passion avec une touchante humanité et un rebondissement à découvrir ! Arnon Grunberg, auteur néerlandais, joue les distances dans ce livre avec une ironie féroce, mais suffisamment de tact pour que le lecteur prenne Jean-Baptiste en affection.
LE DESTIN MIRACULEUX D’EDGAR MINT BRADY UDALL EDITIONS ALBIN MICHEL - COLLECTION 10/18 TITRE
AUTEUR
LE BONHEUR ATTRAPÉ PAR UN SINGE ARNON GRUNBERG EDITIONS ACTES SUD TITRE
AUTEUR
retrouvez le club de lecture sur www.batcarre.com
5 · É VA S I O N J E U N E S S E
SÉLECTION
VÉRONIQUE LAURET
VOYAGE EN LANGUES Le dernier-né des éditions Epsilon, signé par la plasticienne et illustratrice Aurélia Moynot, a la forme d'un abécédaire. Mais il recèle aussi un livre de comptines et s'y cache aussi un savant et beau livre sur l'origine des mots. Des comptines autour des lettres qui donnent des envies de voyage dans les mots et le temps et qui prouvent qu'une langue est une matière bien vivante qui s'enrichit aussi au contact des autres. COMPTINES POLYGLOTTES AURÉLIA MOYNOT EDITIONS EPSILON JEUNESSE TITRE
AUTEUR
TOUS EN PYJAMARAMA ! Le pyjamarama a révolutionné l’an dernier le monde de l’édition jeunesse ! Car voilà des livres magiques. À l’heure où les écrans ont envahi la vie des enfants, les éditions du Rouergue ont réussi le pari, grâce à un vieux procédé d’animation, l’ombro-cinéma, d’animer les rêves du petit héros au fil des pages. C’est absolument « supercalifragilisticexpialidocious », comme dirait Mary Poppins. NEW YORK EN PYJAMARAMA & LUNAPARC EN PYJAMARAMA MICKAËL LEBLOND EDITIONS DU ROUERGUE TITRE
AUTEUR
FAMILLE, MODE D’EMPLOI Chez les Morlevent, ce n’est pas la joie. Après un papa qui disparaît, voilà que c’est une maman qui meurt et trois enfants qui se retrouvent subitement orphelins. Mais Siméon, Morgane et Venise ont fait un « jurement » : celui de ne pas être séparés. Alors Siméon, l’aîné surdoué, se met en quête d’une famille pour éviter les placements et les foyers d’accueil. On choisit ses amis, pas sa famille dit le proverbe. Et si être une famille, ça s’apprenait ? Un roman drôle et touchant, à découvrir en librairie, et une histoire à voir bientôt sur scène pendant le festival TAM TAM. OH, BOY ! MARIE-AUDE MURAIL EDITIONS L’ECOLE DES LOISIRS TITRE
AUTEUR
SENSIBLE REBELLE « Comment un oiseau, né pour la joie, peut-il rester enfermé dans une cage et chanter ? » Mina a fait de ce vers de William Blake son leitmotiv. Vive, l’imagination débordante, elle supporte forcément mal le cadre rigide de sa vie de petite fille. Alors l’école, elle la fait à la maison tout en apprenant la vie, en observant la nature et en noircissant les pages de son carnet. Et petit à petit, Mina se découvre, s'organise et s'ouvre aussi tout doucement aux autres. Un roman ado à découvrir pour ne jamais complètement perdre son âme d'enfant. JE M’APPELLE MINA DAVID ALMOND EDITIONS GALLIMARD JEUNESSE TITRE
AUTEUR
Mad
ore é le poète des enfants TEXTE
FRANCINE GEORGE MODESTE MADORÉ
ILLUSTRATION
7 · COUP DE CŒUR
Modeste Madoré sort deux albums pour les tout-petits dans la nouvelle collection Océan Baba. Zistoires de familles et Quel amour !, un ravissement où pour la première fois il réalise textes et illustrations. Son univers, particulièrement coloré, fait sourire le plus grincheux des adultes. C’est un bonheur de faire la connaissance de cet artiste qui vit dans son monde, protégé par son âme d’enfant.
COUP DE CŒUR · 8
Modeste Madoré est un doux rêveur qui se met à l’écart de l’agitation du monde. Il a toujours vécu dans l’univers de l’enfant. À Paris, il tenait un magasin de déguisement pour les petits où il créait des costumes sur mesure. En parfait autodidacte, il s’essayait déjà aux motifs animaliers et à la couleur « qui fait mouche » auprès des enfants. Un hobby, sans plus. Puis, les opportunités de changer de cadre de vie se sont présentées et il décida de quitter la Ville lumière pour venir s’installer à La Réunion. Il ouvrit un restaurant avec l’un de ses amis, mais les affaires n’ont pas prospéré comme il s’y attendait. C’était il y a 20 ans !
Sa vie est une histoire de coups de cœur. Son passe-temps commence à prendre plus de place dans son quotidien. Il expose, de temps à autre, ses productions d’assiettes en céramique, en toute discrétion néanmoins, parce que Modeste Madoré est un artiste qu’il faut aller débusquer. Un jour d’exposition, il fait donc la connaissance de Claudine Serre, qui démarre sa collection Jeunesse et l’aventure de l’édition prend là son envol. Tout est allé très vite et très facilement, car Modeste Madoré a un talent fou. De beaux albums sont sortis de cette collaboration, dont Maki Catta qui a reçu en 2011 le prix Ouessant en littérature jeunesse. Chez Jalan, il a des amis aussi et publie avec eux Un loup jamais rassasié et Le bisou du soir. Obligé de vivre entre deux pays, il partage son temps entre La Réunion et Paris. Il a transformé son atelier de poterie à République en mini-galerie, où il a abandonné le va-et-vient de ses productions lourdes pour se consacrer principalement à l’édition. À La Réunion, il s’adonne à toutes ses créations, le bois où il s’amuse avec les volumes, la céramique où il joue les séries, le champignon, l’oiseau, la sirène… et l’illustration où il pare son monde animalier d’expressions drôles et attachantes. Comment ne pas craquer pour ce regard en coin, ce sourire à peine ébauché ? Dans son atelier, très propre, rempli de lumière, les couleurs éclatent de joie et baignent les rares visiteurs dans un bien-être immédiat. Il l’a scindé en deux parties, l’une pour le dessin, l’autre pour la céramique. Consciencieusement, il respecte un circuit technique avec une précision d’horloger qui donne ce rendu de couleurs très intenses. « Le lundi, je ponce, le mardi, je peins, le mercredi, je cuis, le jeudi, j’émaille et le vendredi je recuis une deuxième fois »… On croirait entendre les sept nains siffloter en partant au travail !
www.modestemadore.blogspot.com
Modeste Madoré s’exprime comme si le temps s’arrêtait pour lui, nous permettant ainsi de savourer au ralenti chaque planche d’un dessin animé.
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Saint-
Paul Ville d’Art et d’Histoire PHOTOGRAPHIE
THIERRY HOARAU
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TEXTE
GAËLLE MATOIRI DE BAZINVILLE
Sur les traces Saint-Paul, première capitale de l’île Bourbon
1663, baie de Saint-Paul. Tout commence lorsque du Saint-Charles, vaisseau de la Compagnie des Indes Orientales, descendent Louis Payen et un autre Français, dont le nom n’a pas traversé l’histoire, venus coloniser l'île Bourbon, accompagnés de dix Malgaches. Installés sur le littoral, entre la ravine Bernica et le cap de la Marianne, ils défrichent, sèment, élèvent les cabris et des cochons qu’ils avaient emmenés. Deux années après, une vingtaine de colons, avec à leur tête Étienne Regnault, s'implantent à l'orée de l'étang Saint-Paul. Édifiant quelques cahutes de branchages entourées de pierres pour se protéger des animaux sauvages et une petite chapelle en bois au lieu-dit aujourd'hui « Laperrière », ils plantent du blé, des légumes et quelques pieds de vigne. Peu à peu, les colons arrivent et les plantations de blé et de tabac prolifèrent sans difficulté.
À la fin du XVII e siècle, près de 300 âmes vivent dans le quartier de Saint-Paul. Parmi ces colons, des Français, des Malgaches, des Indiens et des Indo-Portugais. À ce petit groupe s'ajoutent rapidement quelques forbans qui, repus d'aventure, du moins pour quelques années, rêvent de retraite souriante. Saint-Paul est né, cosmopolite, officiellement chrétien, mais appelé au syncrétisme. Dès lors, « Saint-Paul Habitation des Français », signalée pour la première fois au milieu du 17e siècle sur la carte de l’île dessinée par Étienne de Flacourt, ne cesse de se développer, devenant ainsi la première capitale de Bourbon, chef-lieu administratif, économique et judiciaire.
du patrimoine saint-paulois Une économie de plantation sous-tendue par la Compagnie des Indes
En 1790, Saint-Paul devient une commune. Le dynamisme économique de Saint-Paul doit beaucoup à la Compagnie des Indes Orientales. Profitant de sa « baie du meilleur ancrage », c'est elle qui transforme ce sablonneux désert frangé d'écumes en agglomération prospère. En quelques années, la baie devient un incontournable lieu de relâche sur la route des Indes et le magasin de la Compagnie, un gigantesque réservoir chargé de pourvoir les navires en denrées agricoles locales, fruits, viandes et, singulièrement l’arack (la raque). C'est encore la Compagnie des Indes Orientales qui introduit dans l'île la culture des plantes à épices et du café. Deux cyclones laminent les pieds de café et la culture de la canne à sucre permet alors de surmonter cette première crise agricole.
Bien qu'elle y perde sa fonction de capitale en 1738 au profit de Saint-Denis, le XVIII e siècle reste une période majeure dans le développement de la ville. À côté des sentiers herbeux reliant les demeures aux plantations et aux points d'eau, se construisent les premiers chemins tel celui des rampes de Bernica, la « Grande montée ». À l'ombre des lataniers et des filaos, le pays saint-paulois, étiré entre la Grande Chaloupe et la ravine des Trois-Bassins, multiplie aussi la construction d'équipements publics (siège du gouvernement, caserne, prison, hôpital), à l'instar du magasin principal de la Compagnie des Indes, racheté et transformé en hôtel de ville en 1888. Ou encore La Poudrière, témoin du passé militaire de la commune, construite en 1724, qui s’avère aujourd’hui le plus ancien édifice encore debout de La Réunion. vos journées du Patrimoine sur www.batcarre.com
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Sur les traces L’épopée de la canne à sucre
Au XIX e siècle, Saint-Paul connaît un essor considérable grâce à la canne à sucre, intensifiant par là même les activités maritimes. La baie de Saint-Paul s’agrémente de débarcadères aménagés par les entreprises privées de transport maritime. En 1825, les vieux moulins sont remplacés par des usines sucrières fonctionnant à la vapeur. Les premières se développent sur l’immense domaine Desbassyns, en particulier à Villèle, devenu l'actuel musée de Saint-Gillesles-Hauts. Cheminées des sucreries et fours à chaux foisonnent dans le paysage. Toute l’île en compte plus de deux cents au cours du XIX e siècle. Près d’une trentaine de vestiges sont encore visibles sur le territoire de Saint-Paul, en particulier à Savanna, qui est restée en fonctionnement jusqu’en 1985, aujourd’hui restaurée en quartier d’affaires. De belles demeures créoles en centre-ville et les trois maisons Desbassyns témoignent encore de ce riche passé sucrier.
Au moment de l’abolition de l’esclavage en 1848, Saint-Paul compte 15 341 habitants, dont 10 078 esclaves. Comme partout dans l’île, les engagés venant d’Inde, musulmans et hindous, puis les Malgaches et les Chinois, viennent remplacer la main-d’œuvre affranchie. D’autre part, le territoire s’étend jusque dans les cirques où des familles de Blancs désargentés s’installent pour cultiver les terres, rejoignant ainsi les esclaves marrons qui avaient fui les plantations. L’activité économique bat son plein, les Marines de Saint-Paul sont à leur apogée, les administrations fleurissent jusqu’à la fin du XIX e siècle. Époque où le développement culturel n’est pas en reste. En effet, Saint-Paul rassemble une pléthore d’artistes, le peintre Émile Grimaud, Eugène Dayot, le poète abolitionniste, Évariste de Parny, premier poète d'origine créole à devenir membre de l'Académie française, le fondateur de l'école du Parnasse Leconte de Lisle et, plus proche de nous, Joseph Bédier, grand spécialiste du Moyen-âge. La création du Port de la Pointe des Galets, la fermeture du bureau des douanes, la crise de la canne et le paludisme plongent la ville dans un profond sommeil.
du patrimoine saint-paulois Saint-Paul, un réveil difficile
La Première Guerre mondiale, la grippe espagnole en 1919, la succession de cyclones et enfin la Seconde Guerre mondiale finissent de laminer Saint-Paul. La commune relève la tête avec l’ouverture de la route en corniche en 1963, début d’un extraordinaire boom immobilier dessinant les contours d’une station balnéaire qui s’étend de Boucan-Canot à la Saline en passant par Saint-Gilles-les-Bains.
De nombreux aménagements accompagnent ces mutations, la rénovation du débarcadère rendu aux promeneurs à l’heure du soleil couchant, l’ouverture récente de la route des Tamarins reliant Saint-Paul à Saint-Pierre par les hauts…En 2008, Saint-Paul compte 104 384 habitants et couvre une superficie de 24 128 ha, immense territoire qui longe le littoral, grimpe au Maïdo pour plonger dans le cirque de Mafate jusqu’à Marla.
Source Histoire de Saint-Paul de La Réunion depuis 1663 Bernard Marek, Océan Éditions, septembre 2010
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TEXTE
FRANCINE GEORGE
L’avenir L’aventure commence il y a un an et demi seulement sous l’impulsion du maire Huguette Bello. À peine élue en mars 2008, elle met en place « une politique de protection, d’acquisition et de restauration » faisant du patrimoine une vitrine de Saint-Paul, mais aussi un acte majeur de transmission. C’est ainsi que le premier service patrimoine communal de La Réunion est créé avec, dans la foulée, un diagnostic afin de procéder à son inventaire. La recherche du label Ville d’art et d’histoire, au-delà d’une certaine légitimité pour une ville pionnière, « berceau des premiers habitants », propulse Saint-Paul dans une démarche qui rend l’histoire plus facilement lisible et permet de densifier son action culturelle.
Récemment classés, l’église de Saint-Paul et l’hôtel Laçay symbolisent l’entrée de la ville, l’une côté montagne, l’autre côté mer. En dernières inscriptions s’ajoutent le Théâtre de Plein Air en tant que monument contemporain remarquable, le marché couvert et le cimetière marin au bord duquel le cyclone Gamède de 2007 mit à jour des ossements humains. Les fouilles archéologiques entreprises depuis permettent d’évaluer que 2000 esclaves seraient enterrés sur cette plage attenante au cimetière réservé, en son temps, à une élite.
d’un patrimoine classé
L’inscription à l’inventaire des monuments historiques de la Longère, ancien entrepôt de la Compagnie des Indes, permet, après restauration, d’y installer le nouveau service destiné à développer le contenu du label Ville d’art et d’histoire. Face à la mairie, la Longère occupe un emplacement stratégique pour accompagner les Réunionnais, autant que les touristes, dans la découverte du patrimoine saint-paulois. Plus encore, ce label offre la possibilité d’intensifier l’offre culturelle -outre la mise en lumière du patrimoine architectural, une place importante est laissée aux artistes contemporains. Sur le fond, comme sur la forme, Saint-Paul s’anime.
Cette aventure ouvre aussi les voies de la coopération avec des actions à mener en réseaux avec les autres communes labellisées, Saint-Denis, et le Pays de Saint-Pierre. À l’extérieur, le label donne la possibilité de paraître dans le prestigieux guide Gallimard des Patrimoines de France, et bien d’autres opportunités vont naturellement se présenter eu égard à l’énergie et au volontarisme de Madame le Maire. Pour les journées du patrimoine, chaque commune se fait la plus belle pour accueillir les visiteurs d’un week-end. Une occasion de prêter un oeil plus attentif à ces pierres qui racontent une longue histoire façonnée par le temps dans la douleur, les larmes et le sang d’une multitude d’hommes et de femmes à qui nous devons cet héritage collectif.
La collecte du patrimoine musical L’ethnomusicologie en mouvement
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STÉPHANE MAÏCON
PHOTOGRAPHIE
PRMA
À LA RÉUNION, DEPUIS TRÈS LONGTEMPS, ON A SU ENREGISTRER ET PROTÉGER LES ARTISTES, ALORS QUE DANS LES PAYS VOISINS, À MADAGASCAR, À MAYOTTE OU À RODRIGUES… CETTE DÉMARCHE SE FAIT RARE. FANIE PRÉCOURT, AU SEIN DU PRMA - PÔLE RÉGIONAL DES MUSIQUES ACTUELLES ŒUVRE DONC DANS LA ZONE OCÉAN INDIEN POUR QUE LES MUSIQUES TRADITIONNELLES NE DISPARAISSENT PAS AVEC LEURS DERNIERS INTERPRÈTES. UNE URGENCE QUI LA CONDUIT AU-DEVANT DES MUSICIENS, MICRO TENDU.
Le PRMA a été créé en 1997, sous l’impulsion de la DRAC et de La Région. Ses missions sont multiples. Elles consistent en effet à informer grâce au Web et à travers des publications. Le PRMA propose également des formations destinées aux musiciens. Il a aussi la charge d’exporter et de promouvoir les musiques des îles du Sud-Ouest de l’océan Indien en étant présent sur de grands événements tels des festivals. Enfin, grâce à la création du label Takamba par Alain Courbis, le pôle a une vocation patrimoniale puisqu’il valorise ces musiques en organisant des collectes de terrain et en rééditant de vieux enregistrements vinyles. C’est à cette dernière tâche que Fanie Précourt s’attelle depuis 2003. De retour sur son île pour « collecter », alors qu’elle prépare une thèse sur les bals traditionnels des Mascareignes à l’université de Tours, Fanie Précourt est sollicitée par Alain Courbis pour prendre en charge la mission patrimoniale au sein du PRMA. Un curieux tour que joue le destin à celle qui fut élevée par Luc Donat. « À sa mort, il m’a tout laissé : ses violons, ses partitions, tout son fonds… »
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Marquée par les travaux d’Alan Lomax ou de Jean Rouch, grands collecteurs de sons en leur temps, Fanie se laisse séduire par cette mission de terrain. « Avant de revenir à La Réunion, je venais de passer deux ans en Côte d’Ivoire, avec mon professeur, dans un petit village, sans eau, ni électricité, pour enregistrer des musiques traditionnelles. J’étais déjà dans le bain. »
« Ce choix fut également motivé par un enseignant du Conservatoire à Rayonnement Régional, Jean-Michel Lacroix, qui a créé une école à Diego, baptisée Zomare. Mon autre soutien pour cette mission fut apporté par Victor Randrianary, ethnomusicologue malgache avec qui j’avais déjà travaillé à Mayotte. Nous avons pu enregistrer quelques professeurs de l’école.
La démarche de collecte sur le terrain Et depuis, une fois l’an, elle organise des collectes, que cela soit à La Réunion ou à proximité. Pour cibler ses missions, elle se fonde sur des critères d’urgence : pratiques en voie de disparition, musiciens, interprètes ou facteurs d’instruments déjà âgés et qui n’ont pas forcément transmis leur savoir. Le but de chaque mission est d’enregistrer pour éditer, sur le principe du livre disque. À la fin de chaque enregistrement, l’interprète signe un contrat et touche une avance sur royalties. La dernière collecte en date se situe dans le grand nord malgache, soit dans la région de Diana dont la capitale est Diego Suarez ou Antsiranana, du 11 au 23 juillet 2012. Bien entendu, en ces contrées reculées, point d’électricité et encore moins de studio.
Puis, grâce à leur aide et aux connaissances de Victor, nous avons arpenté la région, de village en village, en pleine brousse. Nous avons pu collecter des berceuses, des chants de travail comme celui associé au fauchage du riz. La faux devient un instrument de musique qui bat la mesure. Solos ou duos, accordéon, rituels de possession ou danses rythmiques, un patrimoine d’une grande richesse totalement étouffé par le salegy, genre musical en vogue en ce moment. Pourtant, la grande spécialité de la région demeure le rombo, soit des frappements de mains en polyrythmie. »
Pôle Régional des Musiques Actuelles T. 0262 90 94 60 wwwrunmuzik.fr
L’esprit du label Takamba Cette mission de collecte prend souvent des allures de quête, comme par exemple lorsqu’il faut près de dix jours pour retrouver un des derniers facteurs de flûtes qui, pour l’occasion, fabriquera deux instruments sous les yeux de la petite équipe, une pour jouer, une pour offrir. « Nous faisons nos prises de son sur des terrasses de cases, dans des cours ou des jardins. C’est ce qui fait la difficulté de notre travail, mais aussi son attrait. Le coq qui chante fait partie du paysage musical, une perceuse, un peu moins… De même, je ne vais pas demander à un musicien d’arrêter l’enregistrement parce qu’il se met à pleuvoir, d’autant que nous travaillons avec des gens qui donnent tout car ils savent qu’ils vont disparaître. » Parfois, il y a aussi des déconvenues, mêlées de tristesse, voire d’amertume, comme dans ce village de lépreux où se pratiquait une danse de boucliers, une danse luttée. Ici, les Sœurs qui soignent les malades et leur donnent des médicaments, ont tout bonnement confisqué les fameux boucliers et interdit la danse… Un sort injuste, qui n’est pas sans rappeler celui que l’on réservait au maloya, il y a quelques décennies, mais qui confère à la tâche de Fanie Précourt toute son importance et son caractère indispensable.
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TAM TAM le cœur de l’île au fil du monde La troisième édition de ce festival international de marionnettes, TAM TAM Saint-Paul, va au-devant de tous les publics pendant un mois entier, du 24 septembre au 20 octobre 2012. Un monde à mille facettes se met en scène pour les petits comme pour les grands, la parole n’a pas besoin de circuler pour que l’émotion éclate, le geste suffit, pas n’importe lequel, celui qui crée la vie.
RETOUR À L’ORIGINE Il y a quatre ans déjà, le théâtre des Alberts, créé par Vincent Legrand en 1994, répond à l’appel des Arts de la marionnette pour faire résonner dans l’île la singularité de ces spectacles. Ce fut d’emblée un succès et l’idée de renouveler ce grand rendez-vous de l’art et de la poésie a séduit la députée-maire Huguette Bello qui en a fait l’un des fleurons culturels de Saint-Paul. TAM TAM labellisé Manifestation Artistique de Qualité TAM TAM À MAFATE Incroyable odyssée de ces troupes étrangères, qui, à peine débarquées de l’avion, vont partir en expédition dans le cirque de Mafate pour le plus grand bonheur des 120 élèves scolarisés qui les attendent de pied ferme ainsi que leurs familles. Cette année, trois compagnies belges et espagnoles vont découvrir les joies de la randonnée d’un îlet à l’autre en animant des ateliers dans les écoles, atelier en mousse, atelier en pierre, atelier en aluminium… Et, en proposant leur spectacle au public mafatais particulièrement attentif et chaleureux. Une expérience inoubliable ! Spectacles de qualité accessibles à tous
Le progamme sur www.tamtam.re
TAM TAM DANS L’OUEST DE L’ÎLE Grâce au soutien du TCO, l’esprit de TAM TAM se prolonge dans les hauts de Saint-Paul et dans les communes de l’ouest. Les salles polyvalentes de Bras-canot et de l’Éperon sont transformées en véritables théâtres où seront données 34 représentations pour le public scolaire le matin, en début d’après-midi, et pour les familles le soir à 18h. Pendant les vacances scolaires, représentations et travail d’ateliers auront également lieu sur les communes de La Possession, Le Port, Trois-Bassins et Saint-Leu. Le résultat de nombreuses heures de préparation avec les enseignants, les éducateurs, les animateurs de quartier… 62 ateliers et 116 représentations au total TAM TAM À LÉSPAS LÉSPAS vit au rythme du festival du 10 au 20 octobre. Toutes les compagnies convergent pour onze jours de spectacles en continu dans une ambiance très conviviale. Léspas s’habille des tableaux de Martha Romero exposés dans le hall, organise dans la cour un lieu sympathique de rencontre avec les artistes et les techniciens autour d’un café gourmand… et hors programme crée la SURPRISE pour les spectateurs au rendez-vous ! La marionnette, un spectacle vivant au souffle universel
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Léon Dierx sa vie mise en scène
TEXTE
FRANCINE GEORGE SÉBASTIEN MARCHAL
PHOTOGRAPHIE
« COUCHÉ SUR LE DOS DANS LE VERT GAZON, JE ME BAIGNE D’OMBRE ET DE QUIÉTUDE…» Extrait du poème Nuages de Léon Dierx.
Flash-back sur la mise en scène
Premier acte, les ambiances extérieures
Pour fêter le centenaire de la mort du grand poète, peintre et sculpteur Léon Dierx, le musée éponyme et la Bibliothèque départementale de La Réunion ont passé commande à Lolita Monga, directrice du Centre dramatique de l’Océan Indien, pour mettre en scène la vie du célèbre Réunionnais. Une collaboration inédite, une belle fédération d’énergies, de créativité et de talents a relevé le défi, malgré les nombreuses contraintes respectives. Lolita Monga s’est inspirée de plusieurs sources d’archives pour écrire le scénario, et a conçu une mise en scène ponctuée par un dialogue musical avec les professeurs et les élèves du Conservatoire à Rayonnement Régional – CRR. Tout un travail de fond a aussi été réalisé avec le milieu scolaire, les élèves de l’école Léon Dierx de l’îlet Furcy à la Rivière Saint-Louis, les élèves de l’école Centrale, les collégiens de Plateau-Caillou, Beauséjour et Thérésien Cadet. Une œuvre géniale sollicitant la sensibilité du spectateur interpellé par ce voyage théâtral, visuel, poétique et musical qui dévoile l’homme, sa vie, ses aspirations, ses mystères. Un enchantement !
Tout commence à l’Artothèque où, dès l’accueil, un air étrange environne les illuminations du soir. Les boîtes à sons, réalisées en ateliers avec les élèves de primaire, soufflent, comme le vent chante dans les filaos, les mots du recueil Les lèvres closes. Une clochette retentit, deux groupes se forment, le rouge et le noir, rien de Stendhal, plutôt un style Orient-Express. Lolita Monga et sa co-équipière, en costume de groom bleu et rouge, foulard jaune, couvre-chef siglé Léon, nous embarquent dans ce voyage au pays de Léon Dierx. Nous traversons le petit portique intérieur qui sépare les deux lieux de cette soirée théâtrale. Installation visuelle, une belle scénographie introduit l’homme sur la façade de son musée. La cloche retentit. Prochaine étape les allées de palmiers multipliant. Nous sommes pris entre deux scènes, les comédiens d’un côté, les musiciens de l’autre. Cupidon posé sur une stèle, le narrateur, Olivier Corista, nous raconte avec verve les amours contrariées de Léon avec sa belle cousine Marie-Héloïse Lory des Landes. Le comédien force le trait et nous enchante quand soudain, la classe de percussions africaines du CRR, encadré par Nicolas Moucazambo, nous interpelle avec un « résonnez tambours ! » joué avec ferveur.
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« LE MUSÉE S’OUVRE COMME UNE BOÎTE MAGIQUE… UN VOYAGE IMAGINAIRE NOUS RACONTE L’HISTOIRE DE LÉON DIERX »
Second acte, les ambiances intérieures
Clap de fin
Puis, nous entrons dans la salle d’exposition permanente, les deux groupes se retrouvent. L’espace muséal s’est animé, une joyeuse bande de collégiens-chuchoteurs en costumes baroques déambulent, prennent la pose et oh surprise ! viennent vers nous avec d’intrigants tuyaux pour nous souffler dans l’oreille, l’un à gauche, l’autre à droite, en distillant ainsi une envolée de mots… Sensations bizarres de ces poèmes éclatés qui traversent le temps… Un autre regard, le comédien Olivier Corista s’enflamme maintenant devant le portrait du poète, décrivant le personnage sous un jour plutôt joyeux. Léon Dierx renaît ainsi à travers ses tableaux. Plus loin, la peinture d’une nature en apparence calme, sombre, presque figée, s’éveille sous nos yeux par le jeu de la comédienne Jocelyne Lavielle qui, d’un ton vif, nous laisse entrevoir, comme une troisième dimension, les facettes cachées de l’oeuvre. Un morceau de maestro ! Nous pénétrons ensuite dans une immense salle, tableau d’automne, forêt jonchée de feuilles, lianes cotonneuses et froid hivernal, un pupitre au loin, derrière lequel la voix grave de Jacques Deshayes donne corps aux lettres fictives de Léon Dierx. Assis par terre, nous découvrons, par la plume de Lolita Monga, ses tranches de vies, surprises, émotions, reconnaissance des Parnassiens, bref retour à La Réunion, amour perdu… le piano de Maïté Cazaubon accompagne de quelques notes légères ces lettres qui finissent froissées à terre, couvrant le sol de « nourritures terrestres ».
Dehors, dans la cour revisitée, quelques lits en fer forgé, coussins confortables et canapés, tous recouverts de blanc, nous attendent, encore ébahis par cette escapade dans la forêt de l’âme. Nous prenons place, assis ou allongés, pour le clap de fin. Au mur défile une installation vidéo réalisée par Jean-Paul Jansen, au centre un quatuor à cordes du CRR joue dans la quasi- obscurité. Un doux rêve de plénitude, presque de recueillement effleure le temps, celui de Léon Dierx qui, au chant du cygne, lègue « son vieil horizon » pour s’évanouir dans les nuages.
retrouvez la vie de Léon Dierx sur www.batcarre.com
29 · S AV O I R - FA I R E
Jean-Marie Payet SCULPTEUR DE PILONS
TEXTE
& PHOTOGRAPHIE STÉPHANE
JEAN-MARIE PAYET A PASSÉ TOUTE SON ENFANCE À L’ÎLET FURCY, MODESTE VILLAGE PRIS ENTRE LE REMPART DU COTEAU SEC ET LE BRAS DE CILAOS. UNE RIVIÈRE OMNIPRÉSENTE, QUI CASSE ET RAVAGE. MAIS DANS LA COLÈRE DE SES FLOTS DÉVALANT LES PENTES DU CIRQUE, ROULENT LES PRÉCIEUX GALETS DONT IL FERA PILONS ET MOULINS À MAÏS. SUIVONS L’HOMME DANS SON ATELIER.
MAÏCON
Né à La Rivière Saint-Louis, Jean-Marie Payet passe sa prime jeunesse à l’Îlet Furcy. Issu d’une famille qui compte huit enfants, il travaille avec ses parents agriculteurs. « Je me souviens de ces dimanches où je me levais à quatre heures du matin pour partir au marché de La Rivière Saint-Louis, un panier de légumes sur la tête. Je n’ai fréquenté l’école que jusqu’à 10 ans et encore, je n’y allais pas tous les jours. Elle se trouvait au Petit Serré, quatre kilomètres plus haut. Et en ce temps-là, la route de Cilaos n’était qu’une piste ! » Puis, à l’âge de 15 ans, il travaille en entreprise, essentiellement dans le bâtiment. « À cette époque, il y avait beaucoup de bâtiments en pierres de taille et il y avait de la demande. Tout était fait à la main, marteau et burin. Je me suis donc lancé et j’ai appris en regardant les autres. J’ai ainsi participé à la construction du tribunal de Saint-Pierre ou à celle de la mairie du Tampon. Et puis j’ai travaillé sur la route du littoral. Comme c’était loin de chez moi, je dormais sur place, dans un trou de cap, avec un peu de paille sur le sol. »
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Malheureusement pour Jean-Marie Payet, l’arrivée massive des machines et l’avènement du béton vont sonner le glas de son activité. « Au début des années 80, tout le monde s’est mis à travailler avec des machines. Bien entendu, le rendement rapide a fait tomber le coût de la pierre de taille et nous autres, pauvres artisans, n’étions plus compétitifs. Les commandes ont fini par s’arrêter. » Mais il fallait bien trouver quelque chose à faire pour vivre. Connaissant le travail de la taille de pierre, il a eu l’idée de sculpter des pilons et des moulins à maïs. Son premier pilon n’était pas bien joli, mais il a su persévérer. Il rejoint ensuite l’association Arts et Traditions, ce qui lui a permis de se faire connaître et de vendre sa production.
Jean-Marie Payet 11, chemin des rêves Le Bras-Long L’Entre-Deux T. 0262 39 57 91
« Évidemment, je sélectionne mes pierres moi-même, dans le lit des rivières. Pour tailler un pilon, il faut une pierre dure et non piquée. Si elle est trop tendre, elle va s’effriter à chaque coup de kalou. Et le problème aujourd’hui, c’est que les bonnes pierres sont de plus en plus dures à trouver. Autrefois, il y avait au moins une grande crue par an qui en apportait en quantité. De nos jours, il pleut beaucoup moins et avec tous ces captages, Le Bras de La Plaine ne coule presque plus. Les cannes fourragères envahissent le lit de la rivière et on ne peut plus progresser. Il faut marcher très lentement, parfois une demijournée pour ne ramasser que trois petits bouts de pierre. Pour confectionner un moulin, j’ai transporté une pierre de 25kg. Dans ces cas-là, mieux vaut ne pas être trop loin de son véhicule ! Et le pire, c’est que j’ai quitté l’Îlet Furcy parce qu’il avait trop d’eau ! Mais surtout, il n’y avait pas de passerelle. De sorte que j’étais obligé de traverser la rivière, mes galets à la main. Et j’en ai perdu beaucoup ! Lorsque le débit est fort et que l’eau n’est pas claire, vous posez le pied de travers et vous chavirez ! Nous étions également complètement isolés lors des crues. Lorsqu’un client voulait me passer commande, il m’envoyait ses côtes sur un bout de papier enroulé autour d’un galet et il me le lançait… Je me suis donc installé à l’Entre-Deux en 1973, pour des raisons pratiques. » En arrivant chez Jean-Marie Payet, on est d’abord saisi par la puissance du cadre environnant, ces drapés successifs qui forment le massif du Dimitile, cette lumière particulièrement brillante qui donnent une netteté incroyable au paysage. Et là, dans la cour, ces pierres qui roulent jusqu’à lui, détachées des profondeurs du cirque, en attente d’être façonnées… Son atelier est rudimentaire. Une ou deux feuilles de tôle abrite l’unique machine. Quelques chutes de basalte jonchent le sol recouvert d’une fine poussière grise. « La seule machine que j’utilise me sert à tailler un cube au gabarit désiré. Le travail de sculpture à proprement parler se fait au marteau et au burin, à la main. Je commence toujours par creuser le trou, car s’il doit se fendre, je le saurai tout de suite. Pour tailler un pilon, il me faut entre une et deux journées. » Et c’est ainsi que Jean-Marie Payet, assis sur un galet, les pieds nus, donne vie à ses pilons, petits ou grands, sobres ou ajourés.
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LES ÉNERGIES DE LA MER
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TEXTE
FRANCINE GEORGE STEFAN GRIPPON
PHOTOGRAPHIE
L’année 2012, année internationale de l’énergie durable, se termine dans un vent de crise internationale qui freine les capacités d’investissements nécessaires aux projets d’énergies renouvelables. Les récents blocages sur le prix des carburants et la pollution engendrée par les énergies fossiles montrent pourtant que des solutions doivent être mises en place rapidement. D’autant que des énergies éoliennes et photovoltaïques sont, sur l’île, arrivées à saturation. L’océan constitue selon les scientifiques, « une source presque inépuisable d’énergie thermique et mécanique qui pourrait couvrir les besoins en électricité de la planète entière ». À La Réunion, les projets ne manquent pas et la configuration des côtes se prête à ces explorations nouvelles.
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Les énergies de la mer produisent une électricité de qualité, stable et non polluante. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’atteindre les 50 % d’énergies renouvelables recommandées par la loi du Grenelle pour les outre-mer. Quatre projets majeurs sont en cours d’études, certains plus avancés que d’autres, tous dépendant des autorisations administratives et des subventions de l’État. Les enjeux sont tels que dans ce secteur, les accords de coopération priment sur l’exacerbation de la concurrence. Ainsi, Écossais et Australiens viennent baigner dans les eaux tropicales de La Réunion. Trois de ces quatre projets trouvent leur champ d’application sur Saint-Pierre. Le Projet DCNS : l’énergie thermique marine Le Projet d’énergie thermique des mers du Groupe DCNS, constructeur de sous-marins, consiste à utiliser les différences de températures entre les eaux de surface et les eaux des profondeurs pour produire de l’énergie. Pour l’instant, le projet est dans la phase d’élaboration d’un prototype à échelle réduite, en partenariat avec l’IUT de Saint-Pierre, permettant de tester le système avant la construction d’une centrale ETM. Pour la direction de DCNS : « L’île de La Réunion est particulièrement intéressante pour le développement de l’énergie thermique, car c’est une île volcanique, où la profondeur des fonds marins augmente très vite en s’éloignant du rivage ». L’énergie thermique marine étant stable et prévisible, « les conditions se prêtent bien à la production d’énergie en continu, mais le coût d’investissement est très lourd ». Les projets d’EDF : énergie houlomotrice et thalasso-thermie Le projet CETO, technologie australienne dont EDF a acquis un droit exclusif d’utilisation, consiste à exploiter l’énergie des vagues pour produire de l’électricité. Des tests en mer sont à l’étude. Le projet SWAC, plus avancé, consiste à climatiser par de l’eau de mer un bâtiment à grosses dépenses énergétiques. L’hôpital de Saint-Pierre a été choisi pour la localisation particulièrement adaptée de son site. Le principe de la thalasso-thermie est simple, sa mise en œuvre est plus complexe. L’objectif est d’aboutir à une substitution
complète de l’énergie électrique utilisée par l’hôpital par l’utilisation de l’eau de mer recyclée en permanence. Patrick Bressot, directeur général d’EDF à La Réunion explique ce choix : « La production de froid pour ce client unique, proche de la côte et implanté durablement, présente l’avantage d’éviter la construction d’un réseau de distribution, permettant d’améliorer la viabilité économique du kWh froid produit par le SWAC ». Les travaux devraient démarrer en 2013. Le projet Seawatt : énergie houlomotrice De nombreux projets utilisant la puissance de la houle pour produire de l’énergie électrique sont à l’étude, des plus farfelus aux plus avancés technologiquement, comme le projet Seawatt, porté par la société Réunionnaise Corex qui met en application le procédé Pélamis, conçu par des Écossais. Le serpent de mer composé de gros flotteurs articulés devrait élire domicile au large de Saint-Pierre lorsque les autorisations administratives seront accordées. Deux ans d’études préalables, potentiel, impacts, conséquences écologiques… donnent le feu vert à cette installation qui devrait dans un premier temps fournir de l’électricité à 20 000 foyers avec un rendement deux fois supérieur à celui du solaire ou de l’éolien. Pour Patrice Galbois, directeur de Corex, « Il y a deux niveaux de difficultés, administratives et économiques. Sur le plan économique, les coûts des primes d’assurance sont excessivement élevés puisque dans ce domaine exploratoire il n’y a pas de retour d’expérience. Mais dans quatre ou cinq ans, avec plus de visibilité, les primes seront renégociées à la baisse et de ce fait, les coûts de production vont aussi baisser de façon conséquente. » Est-ce que l’énergie houlomotrice a un avenir à La Réunion ? Il est difficile de le savoir en cette période de crise… D’autres inconnues demeurent, quelles conséquences sur l’éco-système marin ? Là où pour l’instant il n’y a rien, les sites d’implantation vont forcément générer de la vie, à commencer par les coquillages, et ensuite ??? Il faut espérer que l’homme dans sa course à l’équipement saura s’adapter à l’environnement un peu mieux en mer qu’il ne l’a fait sur terre.
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La Réunion lui doit beaucoup. Tout d’abord, l’inventaire du patrimoine réunionnais et son inscription aux monuments historiques. Lorsqu’elle est arrivée en 1997 pour créer le tout nouveau service patrimoine de la DRAC – Direction Régionale des Affaires Culturelles - devenue DAC-OI Direction des Affaires Culturelles de l’Océan Indien - il y avait 49 inscriptions ; aujourd’hui, grâce à elle, il y en a 175. Une démarche de longue haleine, quinze ans passés à susciter les projets, à construire les dossiers, à convaincre les élus de l’intérêt de préserver leur patrimoine, de le restaurer, de le valoriser, de le promouvoir auprès des publics, adultes et scolaires. Ses dernières batailles, les labels nationaux « Ville d’Art et d’Histoire » obtenus pour Saint-Denis et pour Saint-Paul. Spectatrice assidue, elle est de toutes les sorties culturelles, par goût, mais aussi par l’obligation qu’elle s’est donnée de soutenir la vie artistique réunionnaise.
Sylvi Réol
la papesse du patrimoine
FRANCINE GEORGE 7MAGAZINE
PROPOS RECUEILLIS PAR PHOTOGRAPHIE
Sa voix rugueuse résonne encore sous la varangue de la villa Deramond, son fief, alors que son entourage essaye de tempérer sa colère. « Non, je ne céderai pas » ! Quinze ans d’énergie et de persévérance au service du patrimoine réunionnais. Et le summum, elle a réussi, avant son départ à la retraite, à poser les fondations d’un maillage culturel international sur le concept du patrimoine de l’océan Indien, initié à La Réunion. Une grande dame s’en va, mais son empreinte reste, indélébile, sur l’île.
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Les honneurs en générique de fin Lorsque le préfet Michel Lalande lui remet l’insigne de Chevalière de l’Ordre des Arts et des Lettres en juin 2012 lors de la fête de la musique, Sylvie Réol reçoit cet honneur avec modestie, tout en laissant briller une certaine joie au fond du regard. Le discours de remise de médaille est l’occasion de rappeler son parcours, une longue carrière où elle a su « allier compétence professionnelle, connaissance du terrain et de ses enjeux à un incontestable sens du service public et de l’intérêt général. » Pas seulement des mots, des actes derrière ce discours de convenance. Sylvie Réol a créé, porté et propulsé la notion de patrimoine à La Réunion. Avec patience et ténacité, elle a su convaincre les élus de protéger ces biens légués par le temps. Une pierre n’est pas seulement une pierre, elle a une histoire qu’il importe de faire perdurer. Elle a aussi mis en œuvre toute une démarche d’animations, de diffusion de publications pour porter à la connaissance du public les trésors du patrimoine réunionnais pris dans son ensemble, et pas sous le seul aspect architectural. Avec « son caractère trempé », elle en a irrité plus d’un. Ennemis du moment autant qu’amis de toujours reconnaissent unanimement son intégrité. Elle mène des combats pour le bien général, en toute connaissance de cause, et ce n’est pas toujours évident d’opposer l’intérêt de mémoire aux intérêts personnels. Bref retour sur sa longue carrière qui a pris fin le 18 juillet 2012 avec un départ à la retraite sans aucun doute mérité.
Sylvie Réol débute en 1976 en qualité de documentaliste des Bâtiments de France à Poitiers. Puis, elle est affectée en 1982 au service de la Conservation régionale des monuments historiques d’Aix-en-Provence. Une mission qu’elle va dès lors exercer durant toute sa vie professionnelle. L’esprit grand ouvert, c’est une voyageuse dans l’âme. Elle accepte donc un poste en Syrie où elle est détachée en qualité d’animatrice au Centre culturel de Damas de 1988 à 1991. Puis, elle est nommée conservateur du patrimoine en Guyane où elle exerce pour la première fois cette fonction. En 1997, elle arrive à La Réunion en tant que conservateur régional de l’architecture et du patrimoine. Elle crée et organise le service du patrimoine pendant quinze ans en développant cinq domaines de compétences, inventaire, monuments historiques, architecture, ethnographie et archéologie. Elle est devenue conservatrice-en-chef, directrice du pôle des politiques générales du patrimoine et, comme le souligne le préfet : « le point d’orgue de votre carrière fut l’attribution en octobre dernier du label « Ville d’Art et d’Histoire » , à la ville de Saint-Denis, plus grande cité d’outre-mer et à la ville de Saint-Paul, berceau du peuplement de l’île de La Réunion, témoignant ainsi de la prise de conscience patrimoniale des élus, prise de conscience dont vous pouvez vous enorgueillir d’être à l’initiative »
Rencontre, un après-midi de juillet Si on commençait par le tout début… Je suis arrivée à La Réunion en 1997 pour créer le service patrimoine à la DRAC. Le premier travail, un gros travail d’inventaire. J’ai réalisé ce travail d’inventaire pendant une dizaine d’années jusqu’en 2006, lorsque ce service a été décentralisé au Conseil Régional. Si l’on fait un rapide retour historique sur la législation applicable en outre-mer concernant la protection des monuments historiques, on se rend compte que les premiers édifices classés datent de 1970 seulement alors que la loi Debré date de 1965. Il s’agit de l’église d’Iracoubo en Guyane édifiée en 1887 par le père Raffray, avec un décor magnifique peint par le bagnard Huguet. Le second édifice classé monument historique, la même année, fut la préfecture de Saint-Denis, ancien bâtiment de la Compagnie des Indes transformé en Palais du gouvernement en 1767 et la Chapelle pointue du Domaine de Villèle à Saint-Gilles-les-Hauts. En 1976, un pré-inventaire a été réalisé mais uniquement sur l’architecture. Donc, au tout début, il y avait des urgences. J’ai été nommée pour faire l’inventaire et en dresser une cartographie. J’ai voulu procéder par thématiques, les jardins remarquables, les cases créoles, les usines sucrières, les ponts et les ouvrages d’arts, les habitats et commerces traditionnels, les édifices cultuels…
Un travail de fourmi… Exactement. En fait, à part la Préfecture et la rue de Paris, il ne s’agit pas d’un patrimoine ostentatoire. On a recensé 200 usines sucrières, 4 982 cases, 2 900 édifices cultuels. Avec Martine Akhoun, on a recensé les 32 cheminées qui restaient pour les protéger. Tout ça a été cartographié dans l’Atlas régional du patrimoine réunionnais. Un document précieux pour les élus lors de la révision des documents d’urbanisme. Passé ce cap… De 1997 à 2006, nous avons pu restaurer 150 cases en montant des dossiers avec le Conseil Régional et les fonds européens. Puis, les crédits sont décentrés, l’inventaire est devenu une compétence de la Région et la restauration celle du département. Ensuite, le mouvement s’est ralenti. On a quand même réussi à créer le circuit des cases créoles à Hell-Bourg et à l’Entre-Deux. C’était un gros travail de sensibilisation. Nous avons obtenu le label éco-musée à Salazie avec les crédits européens… Un ensemble d’actions qui permettent de renouer avec cette notion de patrimoine, d’en imprégner le collectif.
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Votre premier grand chantier de restauration ? C’était la cathédrale de Saint-Denis. L’évêque a accepté de faire la messe chez les sœurs le temps des travaux. Le bâtiment était complètement délabré, il n’y avait plus d’enduit, pas un seul vitrail, le sol était cassé à beaucoup d’endroits, la toiture était prête à s’effondrer… Heureusement, j’ai pu trouver à Aix - aux archives de l’outre-mer - le dossier complet de la construction. On s’est rendu compte qu’il y avait du marbre de Carrare à l‘origine… Ensuite, ça a été l’illumination nocturne. Maintenant, le Carré Cathédrale est devenu un lieu de vie agréable, le soir aussi. Plus tard, j’ai eu la satisfaction aussi de pouvoir impulser et suivre le chantier de l’église de la Délivrance et la restauration de l’église Sainte-Anne qui a retrouvé son clocher. Votre grand regret ? On n’a pas pu restaurer l’école Saint-Charles à Saint-Pierre, classé pourtant monument historique. La propriété appartient à des privés catholiques de Lyon et ils ne veulent pas s’en occuper. Un autre chantier, c’est celui de Maison Rouge à Saint-Louis, un dossier très complexe entre le Conseil Régional et la ville. Pareil, à l’occasion de la restauration de la Chapelle pointue, j’ai relancé l’idée de faire classer le domaine de Villèle. Le problème, ce sont les abords, il y a un périmètre de 500 mètres, qui de ce fait est classé aussi. J’ai fait trois dossiers de relance qui sont restés sans réponse… !
Vos espoirs ? La rénovation de la prison Juliette Dodu. C’est un des plus vieux bâtiments de Saint-Denis, c’est important de garder la trace de cette présence. Au début, ils souhaitaient tout raser, en faire un parc, puis un parking. Le projet maintenant s’oriente vers les logements sociaux en espérant que l’on prévoie des boutiques, des commerces, des bars sympas, des petits restos, autour d’une place. En faire un quartier sympa dans la continuité du Carré Cathédrale. Et l’archéologie ? Mon travail consistait aussi à soutenir les associations. On a par exemple travaillé avec la Confrérie des gens de la mer sur l’archéologie maritime. On les a envoyés en formation en archéologie sous-marine de façon à ce qu’ils puissent ensuite sensibiliser les plongeurs professionnels. On a ainsi créé le jardin des épaves à Saint-Paul. En partenariat avec le Conseil Général, propriétaire du Lazaret, on a travaillé ensemble sur un chantier-école avec une association de jeunes de la Grande Chaloupe sur les chantiers archéologiques...C’était important d’associer la population toute proche. Il y a eu plein d’initiatives intéressantes de cet ordre.
Et la mise à nu d’ossements près du cimetière de Saint-Paul ? C’était incroyable ! Le cyclone Gamède a mis à jour des ossements humains, en dehors de l’enceinte du cimetière marin, là où devait se construire un parking. Le ministère a réagi très vite, car ce n’est pas évident de faire des fouilles dans le sable, tout s’affaisse très vite, il fallait un spécialiste. Il est arrivé en 48 heures. Dans la première tranche, on n’a pas trouvé de traces tangibles. Puis, on a trouvé des squelettes et des crânes qui avaient des dents sciées, caractéristiques d’ethnies africaines. On a trouvé aussi des cercueils en bois avec des clous… ce qui m’a vraiment sidérée dans cet événement incroyable, c’est que, passé le premier jour sans souci, avec la présence du maire, des officiels... Le lendemain, il n’y avait plus d’ossements ! Il a fallu faire une clôture en urgence et interdire l’accès à cet espace. Peu à peu, les gens se sont rendus à la gendarmerie pour ramener les ossements disparus : « j’ai trouvé ça sur la plage… ! » Dans vos actions, il y a aussi toute la partie diffusion… Oui, j’ai monté un centre de documentation patrimoniale. Si on veut être crédible, il faut que le patrimoine soit présentable. Ce centre est ouvert au public, il y a de plus en plus de consultations. À l’université, les étudiants commencent à s’intéresser à l’histoire de l’art et du patrimoine réunionnais. Il y a un véritable avenir avec tout le potentiel qui existe sur place. Il y a aussi les manifestations…
Oui, il a fallu faire vivre à La Réunion les événements nationaux. La nuit des musées, le rendez-vous aux jardins, les journées européennes du patrimoine, il a fallu impulser tout ça. Lors de la première nuit des musées, il y a dix ans, un élu qui venait en représentation n’a pas trouvé le musée ! Il y a du chemin de parcouru… Aujourd’hui, aux journées du patrimoine, il y a 70 000 personnes ! Quel message voulez-vous faire passer ? Le souci à La Réunion, c’est que tout prend du temps. Il n’y a pas le réflexe de programmation non plus. Tout se fait au coup par coup et pour monter ce genre de projet, ce n’est pas possible. D’autre part, il n’y a pas l’esprit de rénovation. Une vieille pierre n’a pas d’importance, on ne cherche pas à réutiliser un espace laissé à l’abandon, à utiliser les surfaces pour en faire un gymnase par exemple. Ici, on construit pour une génération. D’ailleurs, à La Réunion, il y a une excellente mémoire des personnes, mais il n’y a pas de mémoire de la pierre. Dans la culture réunionnaise, il y a une vraie connaissance généalogique, dans toutes les familles, mais pas d’intérêt pour l’habitat ou l’histoire du bâtiment.
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Qu’en est-il du label Pays d’art et d’histoire de Saint-Pierre ? La commune doit s’engager à maintenir la qualité architecturale de son bâti et elle se doit d’organiser des formations en milieux scolaires, des animations en faveur du public local et du public extérieur. La commune s’engage pendant cinq ans et elle doit présenter des expositions permanentes… Il était prévu de créer cette structure dédiée à l’animation du label à Pierrefonds, à la limite des deux communes Saint-Pierre et Saint-Louis. Les évolutions des uns et des autres font qu’aujourd’hui, le maire de Saint-Louis ne veut pas travailler avec le maire de Saint-Pierre, et les projets stagnent. Saint-Pierre a tout payé depuis dix ans et Saint-Louis n’a jamais rien déboursé, la situation est bloquée. Saint-Pierre n’a pas perdu le label. Le conseil national étudie une transformation du label. L’obtention du label ouvre des portes, mais a aussi ses obligations. Et pour Saint-Denis et Saint-Paul ? À Saint-Denis, il est prévu d’installer cette structure ouverte au public dans l’ancien hôtel de ville. À Saint-Paul, c’est dans la longère déjà en cours de restauration. Pour Saint-Paul, je ne me fais pas de soucis, tout ira bien parce qu’ Huguette Bello est très volontaire et fortement impliquée. Sur toute l’île, c’est la seule à avoir créé un service patrimoine pour sa commune. C’est la seule commune à monter des dossiers de subventions !
Pour finir, si on parlait des entretiens de l’Océan Indien ? Un grand moment ! C’était la première fois que des chercheurs africains échangeaient avec des chercheurs indiens sur ce sujet. Et ça s’est passé à La Réunion ! L’idée a germé il y a un certain temps déjà, c’est une question cruciale. Comment faire émerger la notion de patrimoine autour de l’Océan Indien ? Comment identifier le patrimoine, le recenser et le protéger ? Nous avons organisé ce colloque international pour qu’une trentaine de chercheurs, historiens, archéologues de renommée mondiale puissent exposer leur vision, en débattre et poser les fondations d’une réflexion commune sur le patrimoine. Les débats placés sur le thème de la ville patrimoniale, comme premier thème choisi, se sont déroulés au théâtre du Grand Marché en novembre 2011. Un travail colossal pour monter ces deux journées en partenariat avec l’École d’Architecture de Montpellier, et l’ENSAM Réunion, son antenne, en impliquant aussi les étudiants. Nous avons travaillé d’arrache-pied avec Attila Cheyssial, architecte, universitaire qui a été choisi comme commissaire scientifique de ces entretiens. Un moment exceptionnel qui devrait se renouveler sous forme de biennale.
Quelques publications dirigées ou co-signées par Sylvie Réol sur La Réunion • Cases créoles chez Flammarion avec Gabriel Jonquères d’Oriola, Bernard Leveneur, Michel Wattin. • Cases Créoles des 24 communes de La Réunion avec Corinne Bègue • Hôtel de ville de Saint-Denis avec Bernard Leveneur et Erik Zeimert • Mémoires océanes avec Erik Zeimert et Olivier Fontaine édité par la Confrérie des gens de la mer
À L'ENTRE-DEUX, L'HORIZON S'OUVRE SUR UN TABLEAU DE LUMIÈRE HORS DU TEMPS PHOTOGRAPHIE
THIERRY HOARAU
45 路 H O R I Z O N S AU VAG E
V OYAG E V OYAG E 路 46
TEXTE
MATTHIEU MEYER CHRISTIAN VAISSE
PHOTOGRAPHIE
漏 Pierre Choukroun
PATA
GONIE fin et commencement d'un monde
PLONGÉE AU CŒUR DE CETTE TERRE D’OMBRE ET DE GLACE, LA PATAGONIE, DERNIÈRE PORTE D'ACCÈS VERS L'ANTARCTIQUE, INSPIRE DE FABULEUX RÉCITS. JULES VERNES, CHATWIN, SÉPULVÉDA ET LE GRAND AUTEUR CHILIEN FRANCISCO COLOANE LAISSÈRENT LEUR IMAGINATION ET LEUR SENSIBILITÉ VAGABONDER DANS CETTE RÉGION AUX CONTRASTES SAISISSANTS.
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CHRISTIAN VAISSE
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Située à l’extrémité méridionale de l’Amérique du Sud, la Patagonie s'étend principalement en Argentine, et tout le long de la côte Pacifique du Chili. Elle est coupée en son centre par la Cordillère des Andes. Ce territoire, deux fois plus vaste que la France, compte moins de cinq millions d'habitants. Les voyageurs du monde entier affluent pour s’y étourdir d’espace tout autant que les aventuriers en quête d'absolu.
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MATTHIEU MEYER
Vers la Terre de Feu Pour ceux qui ont le pied marin, le voyage en Patagonie débute par une traversée en bateau au départ de Puerto Montt. Imaginez votre navire se faufiler sur un Pacifique étriqué, pris entre la majestueuse île de Chiloé à l'ouest et la côte chilienne à l'est. Propice à la contemplation, une longue descente à travers les fjords vous amène alors jusqu'au détroit de Magellan et à la ville de Punta Arenas. Vous aurez entre-temps frôlé les récifs acérés de l'île de la Désolation, de Port Miséricorde, de La Malédiction de Drake, du Rocher du Pendu… Plus loin, à l'est, s'étendent la Terre de Feu chilienne et la route poussiéreuse jusqu'à la mythique Ushuaïa, l’extrême bout du monde. Étape portuaire morne et endormie, la ville doit son intérêt au canal de Beagle qui fait d'elle l'un des microclimats froids les plus riches au monde. Lions de mer, otaries, cormorans peuplent îles et eaux du canal. À quelques miles nautiques d'Ushuaia, sur les derniers contreforts des Andes, se dresse le redouté cap Horn, et la Baie Cook qui fit la fortune et le malheur des baleiniers. Au-delà, l'Antarctique se profile comme un rêve.
Estancias d'Argentine L'arrivée en Patagonie peut aussi se faire par l'Argentine. Tout commence par une longue traversée de la pampa, terre d'élevage qui fournit aux Argentins la meilleure viande de bœuf au monde. Au coeur de cette région plate et monotone, vous pouvez facilement croiser le gaucho monté sur son cheval. Berger du troupeau et homme clé de l'estancia - le ranch argentin - il passe sa vie solitaire à parcourir des plaines sans fin. Hautain, mais hospitalier, le gaucho est une figure libre et le symbole de l'Argentine des campagnes. À l'approche de la Patagonie, l'élevage bovin laisse place à l'élevage ovin. Sur des centaines de kilomètres, les troupeaux de moutons colorent la terre comme un champ de coton. Le géant Benetton y a tissé un empire dédié à la production de laine : 991 000 hectares soit l'équivalent en superficie de l'île-de-France. Cette appropriation démesurée s'est malheureusement faite au détriment des Indiens Mapuches qui peuplaient originellement la région.
Atlantique austral La route qui longe la côte atlantique vous offre quant à elle un mélange de décor de western et d'azur austral. Peu d'Argentins connaissent cette région fantôme située à plusieurs milliers de kilomètres de la bouillonnante Buenos Aires. C'est pourtant en longeant cette côte aride que s'effacent les repères du voyageur. Les eaux cristallines de l'océan sont gorgées de poissons, orques et phoques. Le vent, présent toute l'année, soulève sur son passage des tourbillons de poussière incandescente. De longues plages de sable blanc viennent accueillir les adeptes d'un farniente particulier. On vit durement, mais en famille, dans cette région de colons isolés.
La course du glacier Arrivés à Rio Gallegos, ville dont est originaire la présidente Christina Kirchner, nombreux sont ceux qui filent vers El Calafate. Cette bourgade paisible doit son développement à l'attraction principale du lieu, le Perito Moreno, l'un des plus grands glaciers du monde. Devant ce monument « sur-naturel », vous ressentez toute la puissance du Grand Sud. Trente kilomètres de long, cinq cents mètres de front, et soixante de hauteur, ce serpent de glace prend sa source dans les sommets andins à l’abri de tout regard. Le glacier termine sa course folle dans un lac aux reflets d’émeraude intense. Toutes les demi-heures, sous la pression du soleil, le big bang se produit ! Un bloc se détache du glacier et soulève une vague dans un fracas effroyable que les échos multiplient à l’unisson. Plusieurs icebergs flottent alors comme des rondins de bois. Au-dessus du lac, le glacier trône, majestueux. D'un blanc immaculé, la glace se colore d'un bleu intense, là où l'oxygène a été piégé. Le tout offre un spectacle surréaliste et grandiose.
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CHRISTIAN VAISSE
Andinisme binaire Non loin d'El Calafate se dressent deux massifs réputés auprès des amateurs de montagne. Côté chilien, le Parc Torres Del Paine présente le visage d'une nature magnifiée et intacte. Les monts Torres et leurs pics acérés sont d'une noirceur sublime qui contraste avec le bleu éclatant des lagunes et le blanc des glaciers. Ce coin de paradis a bien failli partir en fumée suite à la négligence d'un randonneur à la fin de l'année 2011. Là-bas comme ailleurs, le feu est une menace permanente. Côté argentin, le mont Fritz Roy, impressionnant, se dresse du haut de ses 3 400 mètres. Le village d'El Chalten attire des alpinistes du monde entier qui viennent braver les parois verticales du massif. Le village, qui vit au rythme des saisons, invite à la balade. Les sentiers se révèlent des plus accessibles pour celui qui a l'habitude d'en emprunter. Avec un peu de condition physique et de patience, vous pouvez d'ailleurs passer du côté chilien, un peu plus au nord du Parc Torres Del Paine et accéder au summum de l'aventure patagonienne : la carretera australe.
CHRISTIAN VAISSE A PRIS CETTE PHOTO ALORS QU’IL ÉTAIT À BORD DU NAVIRE DE RECHERCHE LIVONIA. DE CETTE EXPÉDITION PARTICULIÈREMENT PÉRILLEUSE, IL REÇUT LE DIPLÔME DE « CITOYEN D’HONNEUR DE L’ANTARCTIQUE ET CELUI DE CAP-HORNIER » SUR LEQUEL IL EST MENTIONNÉ : « NOUS ATTESTONS QU’AU SOIR DU 1ER MARS 1995, LE SUSNOMMÉ DOUBLA LE CÉLÈBRE CAP HORN, LAISSÉ À BÂBORD DANS LA BRUME CRÉPUSCULAIRE, AVANT DE S’ENGAGER DANS LE CANAL DE BEAGLE. »
Sur la piste australe Longue de 1 250 km, cette route relie Villa O'Higgins au Sud à Puerto Montt au Nord. C'est donc une alternative originale au voyage par bateau. Elle fut initiée par le gouvernement Pinochet pour désenclaver cette partie excentrée du territoire chilien. De route, il vaudrait mieux parler de chemin, car si quelques parties sont couvertes d'asphalte, la majorité du trajet est faite de pistes plus ou moins entretenues. Il faut donc s'armer de patience et de ténacité. À moins de disposer d'un 4X4, il vous faut composer avec les horaires de bus aléatoires, les nombreuses pannes lors de vos déplacements ou encore les intempéries qui font loi dans cette partie du pays. Un trajet d'une centaine de kilomètres peut ainsi exiger une journée de votre temps… mais le jeu en vaut la chandelle. Sur ce territoire dont une grande partie est sous la protection du milliardaire américain Douglas Tompkin, fondateur des marques The North Face et Esprit, la nature se révèle flamboyante : fjords, lacs, lagunes, sommets, glaciers, volcans et cascades s'agrègent sur ce bout de cordillère avec des contrastes étonnants. Le bleu des criques rencontre le blanc des sommets. Les forêts s'affichent dans un vert profond et abritent des lagunes azur… Tout n'y est que pure majesté.
Des terres et des hommes En mai 2009, le volcan Chaiten rentre en éruption. Des coulées de cendres et de boue détruisent la ville du même nom. Malgré les efforts du gouvernement pour reconstruire une nouvelle Chaiten à cinq kilomètres de la ville originelle, les habitants refusent de partir et font aujourd'hui revivre leur village déclaré pourtant administrativement mort. « Volveremos » - nous reviendrons - peut-on lire sur de nombreuses affiches placardées dans la ville... Dans ces contrées sauvages, les pionniers ont acquis chèrement leur place. Une solidarité les lie et les attache irrésistiblement à leur terre. ...
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... On ne peut cependant rêver de Patagonie sans évoquer ses premiers habitants. L'origine du nom Patagonie tient à la manière dont les explorateurs perçurent les peuples natifs. Patagonie signifierait ainsi « Terre des Grands Pieds ». Mapuches, Puelches, Tehuelches, Selk’nams, Haushs, Yanamas, Kawesqars ont façonné une culture nomade, très spirituelle, tournée vers la nature, la pêche et la cueillette. Exclusion, assimilation et parfois extermination ont contribué à l'extinction de cette civilisation indienne. Étendards de la lutte des natifs pour leur droit à la différence, les Mapuches représentent 4% de la population chilienne et sont en lutte avec le pouvoir pour la récupération de leurs terres. Étonnant que dans un endroit où l'espace ne vient pourtant pas à manquer certains s'arrogent le droit d'en priver les autres. Les Alakalufs sont ainsi décrits par Francisco Coloane dans Tierra del fuego publié aux éditons Phébus :
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MATTHIEU MEYER
« Toutefois, ces îles sont froides, humides, couvertes d’une épaisse et poreuse couche de tourbe millénaire. De ce tapis de mousse et de lichens s’élèvent des forêts de chênes, de canneliers, de cyprès et de lauriers. C’est sur ces rivages, où abondent fruits de mer et poissons, qu’une race ancestrale a trouvé refuge : les Alakaluf. Nul ne sait d’où vinrent ces hommes. Après avoir traversé les eaux désertes et tourmentées du pacifique Sud, ils furent probablement les premiers êtres humains qui foulèrent ce paradis protégé par les murailles andines et par la mer. Distincts des autres aborigènes qui peuplent les régions magellanes, ils reçurent des Yaghan de la Terre de Feu l’étrange nom « d’hommes de l’ouest avec des couteaux en coquillage », ce qui est la signification du mot alakaluf. Puis un jour, l’homme blanc fit son apparition sur ces rivages vierges, introduisant l’alcool et la syphilis, bouleversant l’existence des Alakaluf, qui s’obstinèrent néanmoins à conserver la coutume de trancher le cordon ombilical du nouveau-né avec un coquillage. »
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LA PATAGONIE VUE PAR FRANCISCO COLOANE TEXTE
SALOMÉ VIENNE & FRANCINE GEORGE
Écrivain de légende, le Chilien Francisco Coloane, élu à l’académie Chilena de Lengua où il rend hommage aux sociétés indiennes des terres australes lors de son discours d’intronisation, s’est fait connaître en Europe pour son recueil de nouvelles Tierra del fuego grâce aux éditions Phébus. Né sur la grande île des Chiloé en 1910, cet écrivain de légende raconte avec un lyrisme enchanteur les combats en mer autant que l’histoire singulière des habitants de ces paysages apocalyptiques de l’extrême bout du monde. Belle et grande allure, barbe blanche de marin à la pipe, chevelure indomptée, il a dans la voix ce timbre particulier qui impose le silence dans une salle, où, suspendu aux lèvres du conteur, le public perd pied, emporté dans un monde imaginaire foisonnant d’aventures et d’obstacles redoutables. Lors de son dernier rendez-vous à Étonnants voyageurs de Saint-Malo, portant visiblement la fatigue de ses 90 ans, il fait rire toute l’assemblée du café littéraire lorsqu’il explique, avec beaucoup d’humour, qu’il a cru, dans l’avion, vivre en direct sa mort dans un cercueil !
Francisco Coloane a mille vies, plusieurs métiers, avec pour seul trait commun un courage exemplaire, celui du cap-hornier qui affronte la mort sur l’océan déchaîné enserré dans des falaises de glace. Farouche opposant à la dictature de Pinochet, il prononça l’éloge funèbre de son ami Neruda sous la menace d’une rangée de mitraillettes. Tondeur de moutons, dresseur de chevaux, journaliste, chroniqueur judiciaire, écrivain, cartographe, marin, explorateur … la Patagonie n’est pas son seul horizon, il voyage en Europe, découvre l’Inde en vagabond solitaire… et nous livre une partie de ses vies dans le Passant du bout du monde avant de s’éteindre à Santiago du Chili en août 2002. « Les pages qui suivent décrivent un parcours accidenté, dont le tracé s’est ébauché dans des dizaines de carnets, sur des feuilles volantes ou des serviettes en papier de bars, que j’ai accumulés pendant de longues années ».
Francisco Coloane est traduit du chilien par François Gaudry et publié chez Phébus et dans la collection Points. Ses œuvres : Tierra del Fuego, Cap Horn, El Guacano, Le dernier Mousse, le sillage de la baleine, Le golfe des peines, Antartida, Le passant du Nouveau Monde, Naufrages.
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ILLUSTRATION
BATAYEKOK le tour de l’île des
Ils sont trois à arpenter l'île dans ses moindres recoins durant six mois. Trois visions, trois regards, trois sensibilités, trois manières de raconter les bataye koks. Un conteur, un dessinateur et un photographe pour mettre en lumière cette tradition réunionnaise, ce vecteur de lien social, existant face au monde moderne, comme un dernier îlot d'authenticité, source aussi de mille fantasmes. Avec eux, nous partirons à la rencontre d'éleveurs de coqs aux quatre coins de l'île, en les accompagnant dans leur quotidien comme dans leur passion. Ce projet d’envergure, révélateur d’une Réunion multiple, va trouver des échos sous différentes formes, spectacle-conte avec Sylvain, expositions ici et ailleurs avec Hippolyte & Nicolas, reportage dans la revue semestrielle XXI et… un rendez-vous régulier dans Bat’carré tout au long de l’année 2012/2013 !
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Premier rendez-vous donc avec Félix, de l'Entre-Deux, instituteur à Mayotte dans la vie, et éleveur de coqs de combat par vocation.
Hippolyte auteur et illustrateur de BD, reporter graphique pour la revue XXI, photographe : il est le directeur artistique de ce projet d’envergure. Installé dans le sud sauvage, il expose à Étonnants voyageurs de Saint-Malo et dans de multiples festivals de BD à travers le monde. Son dernier travail Les Enfants de Kinshasa a été la première BD Reportage sélectionnée pour le Prix Albert Londres en 2012. Sylvain Gérard conteur, fonkezer, charieur le mot, ancien garde ONF : il connaît son île comme personne. Acteur culturel multipliant les collaborations, les ateliers d’écriture, il fait partie de la nouvelle génération des poètes. Dans les ronds, il écoute, entend et recueille les « zistoirs » qu’il métamorphose en contes. Nicolas Anglade photographe humaniste : il collabore régulièrement au quotidien « La Croix » et suit, entre autres exemples, la vie des logements sociaux de Clermont-Ferrand, sa ville. Nicolas débarque pour la première fois à La Réunion sur ce reportage, en apportant un regard neuf et sensible à ses deux compagnons d’aventure.
Bataye kok ? Na poin pou dir, sa lé dann san. Dèk moin la tenu dbout, dèk moin la komans konprann, dizon, depui le tan moin té tann. Mon papa té okup le ron, moin la grandi dann Galodrome. Les combats de coqs ? Il n'y a rien à dire, c'est dans le sang. Dès que j'ai su me tenir debout, sitôt que j'ai commencé à comprendre, je dirais, depuis le temps où j'étais petit. Mon père avait un « rond », j'ai grandi dans un Galodrome. Mi rapèl bann premié galo, palpitasion lémosion dann park volaye. Ala Shanpion, ala Siklone, ala Kok Dur, konba majik, la pasion angaturé dann kor. Samdi, dimansh, sa lété bann jour gadianm. Je me souviens des premiers « fight », le cœur plein d'émotions dans le parc à volailles. Voici le Champion, voici le Cyclone, voici le Coq d'acier. la magie du combat, la passion nouée au corps. Samedi, dimanche, c'étaient mes plus belles journées.
In jour mon papa, la arèt fé bataye kok, la fèrm le ron soman amoin, mon frèr èk nout bann dalon, nou la pa largé, nou la ashèv aprann, nou la travaye, nou la suiv la parol vye monn. « La pasians mon zanfan, la pasians ! » « La pokor bon la ! Lès ayi fèr lé plum ! » « Oté ! Mèt boushon sinon sa ou sa kraz out kok ou la ! » Un jour, mon père a arrêté les combats de coqs, le galodrome a fermé mais avec mon frère et notre groupe d'amis, nous n'avons pas baissé les bras, nous avons continué à apprendre, nous avons travaillé, nous avons respecté la parole des anciens. « La patience mon petit, la patience ! » « Il n'est pas encore prêt ! Laisse-lui le temps de faire ses plumes ! » « Eh ! Protège les ergots sinon tu vas abîmer ton coq ! » Ou lé jamé asuré dann ron, la shias i vien sank ou atann, i sufi ou ginye inn barmine dann koin zorèye sinon sa ou pèrd in zye apré sa lé prèske sur, konba lé fini. Souvan défoi, ou ginye inn foi, de foi, troi foi, ou ginye la Koup, inn rékonpans, inn rekonésans, inn fièrté, le jour la aou minm le « Roi dann RonnKok » ! Rien n'est joué au galodrome, soudainement la malchance vient, il suffit d'un méchant coup derrière la nuque ou de perdre un œil, ensuite c'est certain, le combat est terminé. Il y a des jours, tu gagnes une fois, deux fois, trois fois, tu remportes la Coupe, une récompense, une reconnaissance, une fierté, ce jour-là tu deviens le « Roi dans le Rond des Coqs » ! Gouslaye, Bataye Kok septembre 2012, rencontre avec Félix.
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TEXTE
FRANCINE GEORGE LES FILMS 1,2,3...
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Le chanteur
de l’ombre mis dans la boîte à image
YANN LUCAS, POUR SON PREMIER FILM, RACONTE EN 52 MINUTES L’ESPRIT DU « MALOYA LA COUR » À TRAVERS L’HISTOIRE D’UN HOMME QUI LUI EST PROCHE, SIMON LAGARRIGUE.
Fiche technique Documentaire de 52 minutes produit par les Films 1,2,3 de Gérald Reiser en co-production avec Réunion 1ère. Contact Les films123@gmail.com
La bougie, comme dans un tableau de Vermeer, éclaire le narrateur qui se met en scène pour raconter l’histoire intime de La Réunion. Le Maloya est au cœur du sujet. Nous voilà plongés dans les années 60 où Simon Lagarrigue chante la vie de tous les jours et des siècles d’histoire assis avec son petit-fils dans les ruines d’une usine. Images d’archives, images d’aujourd’hui dans la cour où le temps n’a rien changé. Simon Lagarrigue sort de l’ombre de son beau-frère Firmin Viry, « lui devant, moi derrière ».
Coiffé de son chapeau, l’œil alerte presque rageur, il nous interpelle par ses accents de sincérité. « Éclairé au fénoir, habillé tout nu », il explique comment c’était de ce temps-là du côté de la ligne Paradis. Il n’y avait pas la TV, il n’y avait pas d’argent pour aller acheter un Mac Do, il n’y avait pas de voiture… On marchait pieds nus pendant des heures, on cueillait une mangue verte sur le chemin, on chantait et on dansait jusqu’au grand matin. Les temps étaient durs, mais la vie était plus saine et plus joyeuse. Pour son premier film, Yann Lucas réussit la performance de toucher le public tout en finesse, malgré quelques flottements. Les images sont très belles, le rythme lent laisse au spectateur le temps de s’imprégner de cette vie chevillée à la terre.
Le Maloya apparaît comme une évidence, une histoire de famille où chacun apporte sa pierre à l’édifice, une histoire collective où les revendications, les luttes contre la répression se fédéraient autour de chants, devenus presque des hymnes, puisant dans le courage des anciens. Simon raconte avec verve son temps « bande résistants ». Le film de Yann Lucas, après son passage sur les antennes de Réunion 1ère, va courir les festivals, montrant « le Chanteur de l’ombre » et son ancrage dans le Maloya du cœur de l’île. À commencer par sa sélection au Festival International du Film d’Afrique et des Îles 2012.
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FRANCINE GEORGE DR
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les ateliers des ailleurs première résidence d’artistes aux Kerguelen
L’Administration des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) et la Direction des Affaires Culturelles – Océan Indien (DAC-OI) organisent une résidence d’artistes avec l’intention d’offrir aux deux artistes, sélectionnés « les conditions de création et de recherche inédites » dans le contexte particulier des îles Kerguelen, « occasion unique de renouer avec la conception séculaire du voyage initiatique ». Une grande première et une grande aventure aussi !
L’atelier des ailleurs la-reunion@culture.gouv.fr Laurent Tixador www.laurenttixador.com Klavdij Sluban www.sluban.com
UNE SÉLECTION DIFFICILE La réponse a été à la hauteur des enjeux. 440 artistes-auteurs ont déposé un dossier, principalement en arts visuels. Un quart d’étrangers a répondu à cet appel à candidature international et 5 % seulement ont présenté un projet d’écriture. Le jury, composé de quatre représentants de l’État et de quatre personnalités du monde artistique, a sélectionné les heureux élus : Laurent Tixador, artiste plasticien et Klavdij Sluban, artiste photographe, pour le tout premier « Atelier des Ailleurs ». Chacun a reçu une bourse de résidence de 5 000 euros. UN ENVIRONNEMENT RUDE PROPICE À LA CRÉATION Avec le soutien d’Air France, les deux candidats élus se sont rendus à La Réunion pour embarquer sur le Marion Dufresne le 30 décembre 2011, un immense cargo chargé de containers permettant de ravitailler les terres australes. Navire-laboratoire océanographique, il transporte aussi les scientifiques qui vont accomplir leur mission pendant de longs mois d’isolement. Deux semaines en haute mer sont nécessaires pour parcourir les 3 500 km qui les séparent des côtes souriantes de La Réunion.
Ils séjourneront trois mois complets sur la base scientifique de Port-aux-Français en compagnie d’une centaine de chercheurs et de personnels dédiés aux laboratoires et aux installations techniques. Aucun habitant permanent ne réside sur les Kerguelen où les vents tyrannisent ces terres nommées « îles de la désolation ». Seuls, les manchots ont pris là leurs quartiers. Les baraquements épars, du plus simple appareil, ne peuvent même pas donner l’impression d’un village. « Le vent proclame aux Kerguelen, l'absolue fluidité des choses. L'instant n'a pas d'épaisseur, le futur n'a pas d'avenir. Ce caractère changeant, cette absence de viscosité du temps n'ont pas échappé à mes compagnons. Sachant que plus rien ne subsistera après notre passage, ils sont enclins à vivre au présent et à négliger ce qui vient d'arriver. » Extrait de L’Arche des Kerguelen de Jean-Paul Kaufmann aux éditions Flammarion
Cette résidence productive n’a pas été vécue de la même façon par les deux artistes. Laurent Tixador et Klavdij Sluban sont deux artistes complètement différents, tant dans leur démarche créative que dans leur personnalité.
À leur retour, le récit qu’ils livrent de ce séjour particulier ne donne pas l’impression qu’ils parlent du même endroit. LAURENT TIXADOR, LE PLASTICIEN DE L’IMPOSSIBLE Laurent Tixador dresse un portrait joyeux et enthousiaste des Kerguelen. Profil d’adolescent facétieux, rien ne lui résiste. Il cultive son ingéniosité en art premier. Il est arrivé aux Kerguelen, vierge de toute connaissance. Rien n’était prévu d’avance, chaque jour était un jour nouveau sans qu’il ait la moindre idée de ce qu’il allait faire. Sa résidence artistique « Worker » consistait à « suivre l’influence du terrain et aller à la rencontre des résidents temporaires pour les assister… avec l’envie de partager leur métier». Un matin, il atteint une plage où les moules ont remplacé le sable. Impossible d’imaginer manger des moules sans frites, il fabrique alors une écumoire et une friteuse de fortune pour régaler l’immense tablée réjouie par une telle aubaine. Ça lui a quand même pris quelques heures ! Un autre jour, il découvre à la pointe Sainte-Suzanne un bidon de la Wehrmacht daté de 1944, et le transforme en bar ouvert pour l’heure de l’apéro…
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Un autre jour, c’est une fusée russe des années 70, plantée dans le sol, avec ses impressionnants 2,60 m de long qu’il a fallu déraciner ! Habitué à des conditions extrêmes, il a été le premier artiste à atteindre le pôle nord. Mais comme il le souligne avec humour, il fut aussi le premier Rmiste ! Partout dans ses pérégrinations, il compose avec la nature et fabrique avec les matériaux à portée de main des objets, « un artisanat de voyage », traces de son expédition. Soit, il part en pleine nature en organisant, par exemple, une chasse à l’homme, la sienne, de Nantes à Paris avec une prime de 1 000 euros à la clé. Pendant 26 jours, il marchait le jour et se cachait à la tombée du soir, essayant de déboussoler ses poursuivants en suivant une trajectoire chaotique. Le jour du vernissage, à l’arrivée, le tableau du trophée est vide - ses chaussures devaient être cloutées dans un tableau par le gagnant - puisqu’il ne s’est pas fait prendre ! Soit, il s’enferme dans un tunnel en prenant soin de reboucher le passage derrière lui… Ces expérimentations sont pour lui source d’inspiration. Il passe sa vie à trouver des solutions, un obstacle est l’essence même de sa création. Bien sûr, il a peur et ne s’en cache pas, mais très vite il s’adapte à cette nouvelle situation pour pouvoir évacuer le danger ressenti de l’inconnu. Son approche dans cet Atelier des Ailleurs est de devenir « un artiste ouvrier en milieu naturel ». Le film, les photographies et les objets réalisés au cours de sa résidence seront le témoignage que l’œuvre est, en fait, le voyage.
Les œuvres issues de cette résidence d’artistes aux Kerguelen sont actuellement exposées aux Rencontres d’Arles jusqu’au 23 septembre 2012. La FIAC va également exposer l’Atelier des Ailleurs en présentant la production de Laurent Tixador aux Kerguelen. En février 2013, une exposition à La Réunion est prévue à Saint-Pierre au siège des TAAF et bien d’autres encore au gré des propositions à venir. Un nouvel appel à candidatures va être lancé mi-octobre 2012 pour un Atelier des Ailleurs qui débutera en novembre 2013. Avis aux artistes !
KLAVDIJ SLUBAN, LE PHOTOGRAPHE DES PROFONDEURS À l’inverse de Laurent Tixador, Klavdij Sluban est un grand solitaire. Photographe itinérant et indépendant, il peut rester des heures à attendre « l’instant » du déclic. Il revient des Kerguelen avec une véritable angoisse : « Comment rendre la quintessence du vide ! » Bien qu’habitué aux climats rudes, les conditions de vie de Port-aux-Français l’ont particulièrement marqué : « Pas une fleur, pas un arbre et le vent qui te dit casse-toi, qui se fâche et te met à terre, ce vent peut rendre fou ! » Il doit aussi s’habituer à la vie collective, « manger en trente minutes avec plus de soixante personnes à table ! » Il a pourtant apprécié ces nuits étoilées, cette flamme verte qu’il a aperçue une fois sillonnant l’horizon sur une traînée de 20 mètres ! » Un satellite passait par là. Un jour, pompier et médecin forcent sa cabine alors qu’il dormait. Cela faisait quelques jours qu’il ne s’était pas montré : « Ils venaient faire le constat de mon décès ! » L’idée lui est venue d’abandonner. Impossible. Il n’y a que quatre rotations par an. Il travaille en argentique pour la « beauté du grain, l’épaisseur de la matière » et ne peut donc rien développer sur place. Il a des milliers d’images prises avec l’angoisse de ne pas savoir ce qu’il en ressortira. Il a besoin de temps pour décanter : « Pour l’art du déchet, j’ai sélectionné 50 photos sur cinq ans de travail » Ce n’est pas un reporter d’images rendant compte de la réalité avec le meilleur cadrage. Il s’imprègne de références littéraires, écrit beaucoup pour libérer ses pensées profondes. Avant de partir, il s’était longuement documenté, avait préparé son travail d’auteur réparti en quatre productions, des photos grand format, une série thématique de petites photos des hommes en situation, une série de films courts et une série d’enregistrements de sons. Au retour, il se sentait pourtant démuni, aussi fragile « qu’un crabe qui perd sa carapace au moment de sa mue ». Grand photographe de renom, primé dans le monde entier, il travaille par cycles sur plusieurs années dans les régions comme les Balkans, la mer Baltique ou Cuba, Jérusalem, l’Amérique latine… En 1995, il entreprend une nouvelle démarche d’ateliers dans les prisons, « interrogeant la problématique des espaces clos et des horizons contraints ». Autant dire qu’il a beaucoup de ressources, passées ses angoisses.
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PIERRE CHOUKROUN
MakI aU CraBe, ESPUMA D’ASPERGES VERTES
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recette pour huit personnes
Recette de l’Atelier de Ben
Les ingrédients 150 g de riz à sushi 375 g d’eau 45 ml de vinaigre de riz 1 cuillérée à café rase de sel 1 cuillérée à café rase de sucre 1 jaune d’œuf 1 cuillérée à soupe de moutarde 15 cl d’huile 100 g de chair de crabe 1 échalote ciselée 15 g de persil haché 450 g d’asperges vertes 35 cl de crème liquide 4 feuilles d’algues Nori sel, poivre 5 ml de Mirin (assaisonnement japonais à base de saké)
wasabi (moutarde japonaise)
Tous les ingrédients nécessaires à la préparation des makis se trouvent chez Thia ou Asia Store.
Étape 1 Laver le riz plusieurs fois. L’égoutter et le mettre dans une casserole avec de l’eau froide. Le faire cuire environ 15 minutes à couvert, puis le laisser encore 10 minutes à couvert, hors du feu. Mélanger le mirin, le vinaigre de riz, le sel et le sucre. Incorporer ce mélange au riz chaud ; filmer au contact pour qu’il ne se dessèche pas et réserver au réfrigérateur. Étape 2 Monter la mayonnaise avec le jaune d’œuf, la moutarde et l’huile. Mélanger la chair de crabe avec l’échalote, le persil et une bonne cuillère à soupe de mayonnaise. Réserver au frais. Étape 3 Cuire les asperges à l’anglaise (dans de l’eau bouillante salée), puis couper et réserver les pointes des asperges. Faire bouillir la crème. Ajouter les queues d’asperges coupées en tronçons, le sel et le poivre. Cuire cinq minutes. Mixer au blender avec la poignée de persil. Passer au chinois étamine. Mettre dans un siphon. Réserver au frais. Étape 4 Poser une feuille de Nori sur la natte, le grand côté devant soi. Avec une cuillère en bois mouillée, étaler le riz en gardant une bande d’algue visible sur le bord en haut. Etaler une bande du mélange au crabe ainsi qu’une ligne de pointes d’asperges (garder quelques pointes d’asperges pour la décoration). Avec un pinceau, humidifier la bande d’algue visible (pour qu’elle colle) et rouler en serrant bien. Filmer. Procéder de la même manière pour les trois autres rouleaux. Mettre au frais pendant au moins deux heures. Étape 5 Au moment de servir, couper les rouleaux en six tronçons. Sur un plat long et étroit (ou une ardoise), disposer trois makis et une pointe de wasabi. Répartir les pointes autour. Présenter l’espuma dans une verrine. Retrouvez sur notre site internet www.batcarre.com, dans la rubrique Café Coulé, la recette filmée avec le chef Benoît Vantaux que nous avons filmé dans la cuisine de son restaurant, 12 rue de la Compagnie à Saint-Denis. Pour accompagner tout en finesse ces makis La Cave de la Victoire vous conseille un Saint-Aubin, premier cru, bon bourgogne blanc de chez Marc Colin.
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TEXTE
FRANCINE GEORGE ERIC LAFARGUE
PHOTOGRAPHIE
Céline Delacour PREMIÈRE COLLECTION
7 photos, 7 ambiances, 7 objets d’art pour cette première série de meubles design conçus par l’architecte Céline Delacourt. Un autre artiste, le photographe Éric Lafargue les met en scène dans une ambiance superbement décalée. Le résultat, chaque photo est un film et le meuble magnifié devient le sujet d’une histoire. Madame & Monsieur, la vision du couple, les rapports de l’un à l’autre sont la source d’inspiration de cette première collection. Très proche des artisans avec qui elle travaille de connivence, Céline Delacourt explore les possibles de Bali à La Réunion en passant par Madagascar, demain l’Inde et pourquoi pas l’Afrique du Sud. Elle investit tout son temps et ses fonds propres dans ce qui se révèle une vocation, le design de mobilier d’art, son but étant de sortir une ligne par an.
Madame est sans doute le meuble le plus compliqué de cette série mêlant toutes sortes de matériaux, du bois, du fer, du cuir, du cannage, de la laine… Cette coiffeuse d’art habillée de jambières de danseuse, ceinturée de cuir pour ranger toutes sortes d’ accessoires, s’interroge sur la féminité de l’époque tandis que son miroir, OH !, vient refléter avec humour le premier regard du matin.
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L’agenda ludique Il est original et donne matière à organiser son temps avec un brin de fantaisie ! Pratique, il se glisse dans le sac, où vous le trouvez facilement grâce à sa gamme de couleurs flashy. Imitation légo à petits coeurs, sa couverture robuste s’agrémente de deux mini-plaques à positionner à cheval en fermoir, ou à plat en déco. Un agenda qui rend de bonne humeur, à découvrir chez LolaK10 à Saint-Denis ou à Saint-Pierre.
L’agenda du futur Nouvel épisode dans sa guerre menée contre Apple, le coréen Samsung continue à marcher dans les pas de l’iPad avec son nouveau Galaxy Note 10, mi-tablette, mi-smartphone. Doté d'un processeur quadri cœur, son écran tactile 10.1 garantit un excellent rendu d'image, couplé à un capteur photo de 5Mpx intégrant un flash LED. En plus des caractéristiques standard (3G, WiFi, GPS, Bluetooth), il possède un espace de stockage extensible, LED infrarouge, prise jack et un stylet S-Note qui permet de dessiner, corriger des schémas et laisser voguer votre imagination…La tablette convertit aussi une saisie manuelle en caractères d’imprimerie. Pour finir, la fonction multiscreen rend possible l’utilisation de plusieurs applications sur un même écran. Un agenda plein d’ingéniosité !
ten dan ce(s) À VOS AGENDAS !
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& PHOTOGRAPHIE
RODOLPHE & NIRINA SINIMALÉ
EN JUILLET 2006, DEUX RÉUNIONNAIS DÉCIDENT DE TOUT QUITTER ET EMBARQUENT POUR L’AVENTURE D’UNE VIE, QUASIMENT SANS BUDGET. LEUR INTENTION ? VIVRE LEURS RÊVES, INTENSÉMENT ! ET APPRENDRE, GRANDIR SPIRITUELLEMENT. APRÈS PLUS DE 200.000 KM PARCOURUS – CINQ FOIS LA PLANÈTE TERRE ! - DURANT 1490 JOURS DANS PRÈS DE 25 PAYS, RODOLPHE ET NIRINA PARTAGENT AUJOURD’HUI AVEC LES LECTEURS DE BAT’ CARRÉ LEUR CARNET DE VOYAGE. SUITE À QUELQUES IMPRESSIONS SUR SAÏGON, UNE RENCONTRE AU SOMMET AU TIBET, NOUS SUIVONS LEURS PÉRÉGRINATIONS AU JAPON CETTE FOIS-CI OÙ, EN PREMIER ÉPISODE, ILS POSENT LE CADRE D’UNE ÉTRANGE AVENTURE. // PREMIER ÉPISODE
Le soleil s’en est allé discrètement, déjà remplacé par d’innombrables lumières : celles, minuscules et pourtant audacieuses, des habitations alentours. Pas de bonsaïs centenaires, mais quelques arbustes faméliques pour seule compagnie. Et aussi - et surtout ! - l’invraisemblable silence alentour. La capitale nipponne a revêtu ses habits gris d’automne, bien plus tôt qu’à son habitude. Une pluie fine et éthérique balaie le monde. Sur un petit triangle de papier froissé, j’ai griffonné, presque 24 heures auparavant, une adresse : 2-2-5 Higashi-Komahata Sumida-ki, Tokyo Il y a aussi cette inscription, sur le revers de ma main gauche : Asakusa Station - Metro Ginza et Toei Asakusa Line - 10 mn walk.
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Le plan était simple, pourtant : prendre l’avion depuis Bangkok (nous avions réservé le vendredi midi un vol à un tarif improbable, mais il nous fallait être prêts à quitter la mégalopole dès le lendemain), débarquer à Narita International Airport, prendre le métro et marcher Littéralement : 10 petites minutes jusqu'à « Toute rencontre est importante, cette guest-house, suppocar elle peut être unique. » « Mais c’est où ça, La Réunion ? sée la moins chère du grand Etes-vous vraiment français ? » Tokyo… et à nous les okoTaifû : Typhon. C’est le nom donné nomyakis parfumées et auaux cyclones tropicaux dans cette partie de l'hémisphère nord, par opposition tres takoyakis exhalées ! aux ouragans dans l'Atlantique, Mais de pizzas japonaises et aux cyclones dans l'ocean Indien. et de beignets de poulpes, pas le moindre effluve ce soir…
Et à notre arrivée, le métro ! Un chef-d’œuvre labyrinthique de couleurs vives et de lignes obscures pour seul plan, et avec en prime le nom des stations en kanji. Mais nous n’étions définitivement pas au bout de nos peines. Réussir à trouver son chemin dans Tokyo n'est pas chose aisée, et il n’est pas rare que les Japonais eux-mêmes s'y perdent. Ainsi, le système d'adresses au Japon peut paraître assez curieux. Imaginez-vous : · Tokyo est divisé en 23 arrondissements, · appelés ku. · Ces 23 arrondissements sont eux-mêmes · divisés en quartiers, les machi. · Les machi sont ensuite sous-divisés · en parties de quartiers ou chômé. · Puis nous trouvons les blocs de bâtiments - · · banchi. · Et enfin, le graal : les immeubles (go).
Le ciel se fait particulièrement menaçant. Face à nous, l’œil vif et le corps las, la silhouette de ce qui me semble être une dame âgée : à chacun de ses pas pressés, le « cloc » de ses getas – ces sandales traditionnelles faites de paille de riz - résonne de toutes ses forces dans le quartier indolent, qui retient son souffle. Elle est accompagnée de son dachshund qui, en parfait « chien saucisse », dessine une ombre sinistrement filiforme sur la chaussée luisante des premières gouttes de pluie. Nos signaux désespérés vers elle pour demander notre chemin ne semblent pas l’émouvoir. Impassible, elle poursuit sa route. Nous voilà maintenant trempés jusqu'à l’os. Affamés. Les poches quasiment vides, et épuisés de tourner en rond depuis Pour commencer, nous avons failli ne jamais cette journée sans commencement. Mais nous ne embarquer, dérive sécuritaire post-septembre savons pas encore ce qui fera basculer le cours de 2011 oblige, les passagers de ce vol, qui passait notre existence… par le Japon, mais à destination finale de San Francisco, devaient tous montrer patte blanche. Or, l’équipage de la Delta Airlines ne semblait pas vouloir admettre que deux Réunionnais (« Where the hell is this ? Are you guys really vos commentaires french citizen ? ») voyageaient depuis si longsur le japon ... www.batcarre.com temps et, qui plus est, avec si peu de bagages. Puis, nous avons supporté avec effroi cinq heures de turbulences non-stop sur six heures de vol (Ah, le ciel tropical de l’archipel empli de taifû en cette saison de mousson…)
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Est attentif. Faveur
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À elle. Liera
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Chef de bande. Pour ceux qui sont pressés
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Chiffre. Prélever
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D’un genre masculin. Tronc. Fis payer cher
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Occasionnée
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Signe de désapprobation. Courroie de conduite. Sers à désigner
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Bord de cours d’eau. Monnaie d’argent
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Rescapé biblique. Partenaire de double mixte
G Victoire impériale. Persiflé
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Utilisée habituellement. Abrutit
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Oeuvre de Lamartine. Courrier rapide
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Qui ne court pas les rues. Braille. Il a atteint la majorité
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Donc connues. Bon fils
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Ouvert démesurément. 576 mètres environ
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Jusqu’à midi. Hantise d’ado
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Voilier
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Risquas un oeil. Strasbourg s’y reflète
M Taris. Douille
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La grille du jeu est composée de 9 lignes, 9 colonnes et de 9 régions (les 9 carrés). La grille du jeu contient toujours des chiffres de 1 à 9 et des cases vides, le but est donc de remplir entièrement la grille de manière logique. La règle du jeu est simple : chaque ligne, colonne et région ne doit contenir qu’une seule fois tous les chiffres de un à neuf. Formulé autrement, chacun de ces ensembles doit contenir tous les chiffres de un à neuf. La plupart du temps, le jeu est proposé sous la forme d’une grille de 9×9, et composé de sous-grilles de 3×3, appelées « régions ». Quelques cellules contiennent des chiffres, dits « dévoilés ». Le but est de remplir les cellules vides, un chiffre dans chacune, de façon à ce que chaque rangée, chaque colonne et chaque région soient composées d’un seul chiffre allant de 1 à 9. En conséquence, chaque chiffre dans la solution apparaît une seule fois selon les trois « directions », d’où le nom « chiffre unique ». Lorsque qu’un chiffre peut s’inscrire dans une cellule, on dit qu’il est candidat.
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NUMÉRO 1 // JUILLET - AOUT 2011
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OUI, je m’abonne au magazine Bat’Carré pour un an, soit 5 numéros Prénom :
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Luc Schuiten
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Offre* valable pour La Réunion : 42,50 € Offre Mayotte – Seychelles – Maurice – Madagascar : 47,50 € Offre métropole : 50 € Pour toute autre destination, nous contacter : service abonnement – tel : 0262 28 01 86 - mail : francine.george@batcarre.com Si vous le souhaitez, vous recevrez une facture acquittée. Pour toutes autres démarches administratives, merci de nous contacter au 0262 28 01 86.
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