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Gens du Cotentin et l’appel du large
from Balade cotentinaise
by Octopus
Au bout de notre Cotentin si beau et tant aimé, on ne saurait oublier l’accent que le horsain sait dénicher, caractérisant les gens d’ici, une intonation de voix qui se transmet sans doute aux nouveaux arrivants souvent fiers de leurs discours ou de leur bagou. Le signe distinctif donne une note colorée et même délicieuse, celle d’un milieu provincial et unique. Cette particularité nous mène à l’identité, ce timbre de voix et une note musicale qui font le charme de la diction. On a le plaisir d’entendre et d’écouter. Nos origines vikings sont devenues bien lointaines, mais elles sont les racines de notre existence. C’est une appartenance à une caste d’hommes audacieux et téméraires, envahisseurs, qui bousculèrent sans égard les indigènes de la Neustrie. De ce lien puissant, nous sommes devenus au fil des générations les dépositaires d’une tradition orale, un peu comme des griots de Rollon, ce chef scandinave pillant un territoire pour fonder la douce et grasse Normandie. Le grand chasseur des mers a-t-il laissé le souffle venu d’ailleurs imprégner nos cœurs d’écume, de grain blanc et de noroît? Les Normands cotentinais ne sont pas des gens volubiles, leurs mots sont comptés, mesurés, parfois rares. La rapidité est souvent excessive, ce qui ne facilite pas la compréhension. Dans le milieu rural, on serait plutôt du genre taiseux, préférant laisser dire que de s’impliquer. Dans ce genre de relation, on ressent une légère tension faite d’agacement et le dialogue n’est guère plus qu’un placotage. On parle de tout et de rien, la pluie et le vent en font les frais, surtout dans cette presqu’île ventée ouverte aux quatre points cardinaux. La jactance n’a jamais été bien considérée, et la langue bien pendue qualifie le « porte-parole » de superficiel. Nos aînés ont souvent parlé à voix basse, susurrant les mots, évitant de s’exprimer franchement pour garder cette liberté farouche afin de n’être pas dérangé ou mêlé fortuitement à des débats qui ne sont pas les leurs, n’aspirant aucunement à être catalogué dans un coin ou un autre.
Ohé, les gars! Vous partez pour la pêche, une tâche rude et parfois périlleuse. Les hommes rompus au métier de la mer ont un réel entrain à s’activer sur les ponts des chalutiers déjà ronronnants, prêts à partir vers le large. Au bord du quai encore encombré de chaînes et de casiers, les hommes revêtus d’une vareuse et d’une cotte à bretelles imperméables d’un jaune criard pouvaient affronter les embruns en haute mer. Ils s’interpellaient d’une voix stridente qui semblait résonner dans l’air, une intonation chargée d’émotion à retrouver l’immensité silencieuse de l’océan, loin de l’agitation continentale.
Sur les quais, l’ambiance était fébrile dans cette attente du départ. Les femmes et les enfants étaient regroupés, attendant avec une certaine résignation le moment ultime de la séparation d’avec leurs truculents et courageux compagnons. Lorsque les bateaux commençaient à s’écarter du quai, les moteurs montant en puissance faisaient vibrer les entrailles des navires avec ce léger roulis qui entravait la stabilité des hommes, mais ces derniers, habitués au pied marin, semblaient amusés, ivres de partir une nouvelle fois vers l’aventure. Les bras levés étaient le dernier signe lancé à la foule de badauds et les mômes, se rapprochant de leurs mères, semblaient se protéger, se mettre à l’abri d’un hypothétique retour. Les mouettes tournoyaient au-dessus du port dans un ciel gris perlé. Au large, Tatihou semblait flotter ou s’admirer dans l’eau calme et turquoise. L’appel du large était irrésistible, et derrière l’île aux mouettes d’Islet, une légère brume commençait à monter, brisant la ligne parfaite de l’horizon. Dans quelques instants, les chalutiers allaient se fondre dans l’horizon, laissant le port orphelin de ses chalutiers.
Auderville, le sémaphore
La proue du Cotentin comme un mât de beaupré !
La Hague
Le prieuré de Vauville