MOSAIQUES 1 - WEB

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N˚1 - JANVIER 2020 / Tevet 5780

Spiritualité Des enfants de la Shoah célèbrent leur bar-mitsvah à Jérusalem Reportage photo L’émouvant retour d’une tribu d’Israël

Patrick Poivre D’Arvor “ La France n’est pas un pays antisemite ! ”

Violences conjugales Pourquoi les femmes se taisent

Les Arabes israéliens comme vous ne les avez jamais vus

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DE REPORTAGES, D'INFOS EXCLUSIVES ET D'ÉMOTIONS

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LES JUIFS DE FRANCE DOIVENT-ILS FAIRE LEURS VALISES ? ENQUÊTE SUR LA QUESTION QUI FÂCHE JANVIER 2020 MOSAIQUES 1


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5 Janvier 2020

11 Mars 2020

25 Janvier 2020

23 Avril 2020

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JANVIER 2020 MOSAIQUES 3


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Directeur de la publication Avraham Azoulay mosaiques10@gmail.com Directeur de la rédaction Stéphane Amar stephaneamar@yahoo.fr Service rédaction Mathilde Suissa

Je ne croirai jamais avoir bien entendu les raisons des Juifs, qu'ils n'aient un Etat libre, des écoles, des universités, où ils puissent parler et se disputer sans risque. Alors seulement nous pourrons savoir ce qu'ils ont à dire.

Jean-Jacques Rousseau

Directrice artistique Solène Sitbon solenegraphicdesign@gmail.com Service commercial et publicitaire : Vita Green 054 785 57 70 Ont participé à ce numéro : Georges Bensoussan, Eve Boccara, Ouri Cherki, Cathy Choukroun, Richard Darmon, Rivka Elkayam, Michal Fattal, Noémie Halioua, Besma Lahouri, Anat Lev-Eldar, Anthony Lesmes, Elsa Mimoun, Béatrice Nakache, Maryse Rotenberg, Guila Sebban, Sefwoman, et bien d’autres… Mosaïques Urban place - Tahana Merkazite 4ème étage. Jérusalem

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mosaiques10@gmail.com Retrouvez-nous sur Facebook Mosaïques Crédits Photos : Flash 90

Mensuel vendu : 20sh / 5 Euros en Israël Version numerique : lphinfo.com Dépôt légal: Fondé à Jérusalem Janvier 2020 / Tevet 5780

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Patrick Poivre d'Arvor ©JF PAGA

édito

Distribution : Steimatsky, Tsomet Sfarim, points francophones partenaires.

Depuis 72 ans, les Juifs ont leur Etat libre. Ils parlent et se disputent. Et pas seulement dans les universités. Rousseau observerait avec délectation l'Israël d'aujourd'hui. Son développement frénétique, ses innovations fascinantes mais aussi ses conflits interminables avec ses voisins et les tensions au sein de sa propre société. Les bras lui tomberaient sans doute de savoir que la montée de l'antisémitisme à Paris inquiète à Jérusalem et suscite des débats passionnés entre les rabbins des deux pays. L'humaniste serait ravi de constater que la coexistence pacifique progresse en Israël où la police recrute des milliers de citoyens arabes. Il serait bouleversé par ces femmes israéliennes victimes de violences conjugales au moins aussi terrifiantes qu'en Europe. L'inventeur du mythe du bon sauvage ouvrirait grand les yeux en découvrant cette tribu perdue au bout du monde, de retour en terre promise après vingt-cinq siècles d'exil. Et cet apôtre de l'amitié entre les peuples s'attendrirait sûrement devant cette maman offrant à sa fille de douze ans un voyage humanitaire au Kenya. Rousseau adorerait Mosaïques. Ce mensuel est né d'une rencontre, d'une puissante envie partagée. Celle d'offrir une image juste et nuancée d'un pays au cœur de toutes les controverses, de toutes les passions. L'envie de concevoir un magazine grand public exigeant, poussant loin ses investigations, soignant l'écriture et l'iconographie. L'envie de s'adresser à l'ensemble du monde juif mais aussi à tous les non-juifs pour qui la réalité israélienne reste une énigme et mérite un traitement journalistique de qualité. Dans un monde où l'information va toujours trop vite et où l'illusion de la gratuité nuit à la richesse des contenus. Nous voulions faire le pari d'un mensuel payant décryptant l'actualité au lieu de la survoler. Bref, nous voulions vous surprendre. Nous avons créé Mosaïques. Stéphane Amar JANVIER 2020 MOSAIQUES 5


N°1

JANVIER 2020

76

sommaire

52

3 L' editorial de Stephane Amar 10 France : 1984, c'est maintenant. La chronique de Georges Bensoussan 12 20 23 24 26 28 30

PPDA : Le mythique présentateur du JT se produit en Israël. Il se livre en toute liberté Un mois en images La phrase qui tue Elections : La situation politique et stratégique d'Israël en huit points Les infos du mois Economie : Trump n’apprécie pas le flirt entre Israël et la Chine Société : trois femmes assassinées par leur mari en un mois

34 Dossier : les Juifs de France dans la tourmente. 36 Sarcelles la Petite Jérusalem pleure son âge d’or 40 Les nouveaux ghettos, enquêtes sur l’alya interne 41 Interview : quand le FSJU reloge les Juifs menacés 43 Alya : la guerre des rabbins 46 L’histoire : comment Evelyne s’est relevée 51 Julie était-elle vraiment parano ? La chronique de Besma Lahouri 52 56 58 61

Dossier : que veulent les Arabes israéliens ? Témoignage : vous nous voyez comme des primitifs Reportage : ces arabes qui servent dans la police israélienne Le bloggeur saoudien Mohamed Saoud

64 66

Littérature : rencontre avec l’écrivaine et traductrice Valérie Zenatti Super maman : une bat mitsvah au Kenya

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74 34 70 71 72 74 76 88 90 94 98

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J’ai changé de vie One, two, three, viva la democratie. La chronique de SefWoman La parole, racine de la réalité, par le Rav Ouri Cherki Emotion : rescapés de la Shoah, ils découvrent Israël Portfolio : les Bné Ménashé, le retour de la tribu perdue Elie Chouraqui en douze mots Psycho : Aimez-vous la solitude ? Les restaurants israéliens déferlent sur Paris L’air du temps, par Avraham Azoulay


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PUBLI-REPORTAGE

LES 8 BOUGIES de Carmay - Hanadiv Carmay-Hanadiv est un projet immobilier unique qui propose aux nouveaux (et anciens) immigrants de France, de nombreux avantages. En voici les principaux. L'EMPLACEMENT – VOUS OFFRE UNE QUALITÉ DE VIE SANS COMPROMIS. Topographie particulière près de vastes forêts. Accès rapide vers toute destination et de toute provenance. A 30 min. de Tel-Aviv et 40 min. de Jérusalem. A 15 min. des plus belles plages d'Israël (Nitzan, Ashdod, Ashkelon). LES LOGEMENTS À CARMAY-HANADIV Près de 500 familles ont déjà acquis un logement à Carmay-Hanadiv. Grand choix d'appartements haut-de-gamme – 3-45-6 pièces et penthouses - avec prestations techniques élevées à des prix attractifs. Comme exemple: un T4 à partir de NS 1,235,000 (~300,000 Euros). LA COMMUNAUTÉ Communauté chaleureuse et conviviale issue du Garin Torani qui sera heureuse d'accueillir ses frères et sœurs et de leur apporter un soutien à tous les niveaux pour une intégration réussie. Plusieurs familles francophones se sont déjà installées dans ce nouveau quartier. Le Rav Yoël Kling sera heureux de vous apporter un encadrement spirituel, donner des cours de Thora, etc. LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES Carmay-Hanadiv est entouré d'excellents établissements scolaires de toutes tendances. De nombreuses activités extra-scolaires (généreusement subventionnées par la société) sont prévues pour les enfants de tout âge : pour ne citer qu'un exemple : des mouvements de jeunesse – un grand centre sportif – ateliers de travaux manuels – ateliers de musique, théâtre etc. 8 MOSAIQUES JANVIER 2020

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CHRONIQUE

France :

1984, C’EST MAINTENANT PAR GEORGES BENSOUSSAN Historien

L

a laïcité à la française est-elle une arme antireligieuse ? C’est ce que cherche à faire entendre la vague de retour à l’islam que connaît une partie de la population musulmane en France. En 2004 déjà, l’inspecteur général Jean-Pierre Obin évoquait certains élèves d’écoles primaires soucieux de se séparer des «mécréants impurs » et qui « avaient institué l’usage exclusif des deux robinets des toilettes, l’un réservé aux « musulmans», l’autre aux «Français». Il rapportait aussi le cas de ce « responsable du culte musulman (demandant à) l’inspecteur d’académie d’un important département urbain, d’instituer des vestiaires séparés dans la salle de sport, car, selon lui, «un circoncis ne peut se déshabiller à côté d’un impur ». Pratiques marginales ? Avec prudence, on rappellera l’enquête de l’institut Montaigne (septembre 2016, à partir d’un sondage de l’IFOP) qui révélait que 28 % des musulmans de France étaient partisans de la charia jugée « supérieure aux lois de la République », un pourcentage qui s’élevait à 40 % parmi les moins de quarante ans. Dans ce pays devenu un « archipel » (Jérôme Fourquet) la laïcité reprend son sens premier : éviter la guerre civile. Et parer aux dérives de ces élèves, rapportait Obin en 2004 « déjà français voire de parents français,

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la majorité sans doute dans certains établissements (qui) se vivent comme étrangers à la communauté nationale, opposant à tout propos deux catégories : «les Français» et « nous». Ce conflit potentiel rappelle que la laïcité vise à garantir la paix civile, qu’elle a mis fin à l’interminable guerre franco-française commencée dans la seconde moitié du XVIe siècle, marquée par l’édit de Nantes (1598), sa révocation (1685), la Constitution civile du clergé (1790), le Concordat (1804) et enfin la loi de 1905 qui précise, article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes.» La laïcité n’empêche aucune croyance religieuse, elle permet à chacun d’en avoir une ou de ne pas en avoir. C’est cela que veulent nous faire oublier ceux qui parlent de « sectarisme laïque », les mêmes qui veulent nous ramener 250 ans en arrière dans notre histoire, au temps du blasphème. L’affaire est même plus ample : évoquer la laïcité comme une arme de guerre fait partie de l’univers irréel dans lequel s’enfonce la France, un pays dans lequel l’antisémitisme parle le langage de l’antiracisme, le racisme parle le langage des « décoloniaux », un pays enfin où celui qui alerte sur l’antisémitisme arabe est traduit au tribunal pour « incitation à la haine». C’est en France que George Orwell aurait du écrire 1984.


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INTERWIEW

Patrick Poivre D’Arvor en toute liberté Durant 29 ans, il a un peu fait partie de la famille à l’heure du dîner. Mythique présentateur du 20 heures à Antenne 2 puis à TF1, Patrick Poivre d’Arvor connaît bien Israël. Entretien avec un homme libre. Propos recueillis par Béatrice Nakache

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ne faut pas qu’au “ Ilnom d’une certaine

peur de l’antisémitisme on se garde de juger tel ou tel acte

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©JF PAGA


INTERWIEW PPDA

MOSAIQUES : Patrick Poivre D’Arvor, vous vous êtes rendu plusieurs fois en Israël, à quelles occasions ? Patrick Poivre D’Arvor : Eh bien il y en a eu de très nombreuses, dans le cadre de mon métier, j’ai souvent présenté des journaux de 20h délocalisés, aussi bien depuis Jérusalem que depuis Tel-Aviv. C’était parfois dans des circonstances dramatiques pour le pays. Comme c’est le principe même du journalisme, hélas, on est souvent au chevet de la guerre ou du drame... Etes-vous revenu hors du contexte professionnel ? PPDA :Oui j’ai eu l’occasion de retourner en Israël dans d’autres occasions plus pacifiques. Par exemple j’ai couru le marathon de Jérusalem au profit d’une association humanitaire. J’ai visité des lieux que je ne connaissais pas très bien dans les environs de la Mer Morte, et enfin j’ai souvent fait des sauts de puce car ce métier m’interdit de m’éterniser, mais je crois bien connaitre Israël et l’environnement général de sa région. Quelles sont vos impressions sur le pays et ses citoyens ? PPDA : Les Israéliens m’ont toujours laissé une très bonne impression, car il y a un désir d’accueil qui est réel. Parfois on rencontre des moments plus difficiles dans les aéroports, avec une suspicion généralisée. Je trouve que ce sont des procédures qui sont à revoir, parce qu’elles sont parfois dissuasives, et peuvent décourager certains de retourner en Israël. Pour le reste l’accueil est très agréable, le désir de communiquer, d’échanger, de faire valoir son point de vue est là, et ça c’est vraiment très chouette et c’est une caractéristique de ce pays.

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Appréciez-vous le cinéma israélien, la littérature israélienne ? PPDA : Oui bien sûr, j’ai reçu pas mal d’écrivains israéliens comme Amos Oz, J’ai mis à l’honneur David Grossman dans deux de mes émissions littéraires... J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à explorer les facettes nombreuses du cinéma israélien. Nous consacrons ce mois-ci notre dossier à la montée de l'antisémitisme en France. Que pensez-vous de ce phénomène qui pousse de nombreux Juifs à quitter la France, pour Israël notamment ? PPDA : À chaque fois j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un appauvrissement du tissu français. C’est pourquoi je n’ai pas du tout envie de voir ce phénomène devenir un phénomène de masse. Je pense très profondément que nous avons besoin de toutes les religions, de toutes les sensibilités, pour faire le creuset de ce qu’a toujours été la France, même dans les périodes difficiles. Si l’une ou l’autre nous lâche, ce sera préjudiciable à l’identité française. Il faut savoir qu’il n’y a pas beaucoup de juifs en France, de l’ordre de 400 ou 500 000 personnes, qui parfois se sentent en insécurité, mais j’ai envie de leur dire que ces phénomènes sont très localisés dans l’espace, et dans le temps. Franchement, j’ai personnellement bien observé pour avoir interrogé, enquêté, réfléchi sur l’antisémitisme, et je peux dire que la France n’est pas un pays antisémite, contrairement à ce que l’on dit de-ci de-là. Pendant très longtemps et aujourd’hui encore, la femme politique la plus respectée et la plus populaire en France s’appelait Simone Veil. On ne peut pas dire qu’elle ait fait mystère de sa religion. Il y a beaucoup de gens comme moi dans toutes les couches de la société qui se fichent parfaitement de savoir quelle est la religion de tel ou tel. Donc je peux comprendre qu’il y ait des moments de peur, qui réveillent de très mauvais souvenirs historiques. Mais j’aurais tendance à dire aux juifs de France : "restez ou revenez, vous avez toute votre place ici". Mais je ne suis pas Président de la République, alors…


© Stéphane GRANGIER / CNEWS

Les Israéliens m’ont toujours laissé une très bonne impression, car il y a un désir d’accueil qui est réel. Parfois on rencontre des moments plus difficiles dans les aéroports, avec une suspicion généralisée. Je trouve que ce sont des procédures qui sont à revoir

Vous qui avez été à la tête du journal télévisé de 20 heures sur TF1 pendant de nombreuses années, vous n’êtes pas sans savoir qu’on a souvent reproché à la presse une tendance à biaiser l’information sur le traitement du conflit israélo-palestinien. Cette critique vous parait-elle justifiée ? PPDA : Incontestablement cela concerne quelques organes de presse que j’ai en tête mais je n’ai pas envie de stigmatiser. Cependant de la part de la plus grande partie de la presse française, ce n’est pas le cas. Que la presse française critique tel ou tel aspect de la politique gouvernementale israélienne, cela me paraît normal car franchement elle n’est pas exempte de reproches. Il ne faut pas qu’au nom d’une certaine peur de l’antisémitisme on se garde

de juger tel ou tel acte, qui ne contribue pas à faire réintégrer Israël dans le concert des nations. Je les ai tous interrogés, tous ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui ou qui l’ont été, que ce soit Benyamin Netanyahou plusieurs fois, alors qu’il n’était même pas encore premier ministre, Shimon Perez, Itzhak Rabin, tous les grands je les ai rencontrés, et je vois bien comment on peut faire quand on a le désir de tendre la main. C’est capital de tendre la main, en toute chose, en tout endroit, dans toutes les entreprises notamment, il faut tendre la main. Si on est juste dans une logique d’affrontement, on n’obtient rien. Il faut que les gens se parlent, ça c’est quelque chose qui existe dans les familles, dans les entreprises, entre les pays, on est condamnés à se parler.

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INTERWIEW PPDA

Les Israéliens aiment la confrontation, le dialogue,

©JF PAGA

jusqu’à l’absurde parfois.

Et ça, je l’ai vraiment observé là-bas. Discuter, c’est Êtes-vous pour la solution à deux États ? dans la nature des Israéliens. J’aurais même tenPPDA : Évidemment, ainsi que Georges Bush Junior dance à penser que c’est un peu trop dans leur nalui-même l’avait dit un peu avant les attentats du ture (rire...), parce que quand je vois cette complexi11 septembre. Personnellement je n’étais pas né té de la loi électorale, qui fait qu’on va d’élections en à la création de l’État d’Israël, mais cela m’a rendu élections toutes les semaines, j’exagère à peine, tout très heureux qu’il y ait un Etat et cela a rendu heuça parce qu’il faut donner de la place à tel ou tel pereux beaucoup de gens dans le monde ! Donc c’est la tit parti, qui de toutes façons, une fois les élections même chose pour les Palestiniens. Les Palestiniens passées, va vous emmerder parce qu’il faut trouver sont un peuple qui erre depuis longtemps, un peu à une coalition...De ce point de vue, on voit que les Isl’image du peuple juif, et donc ce peuple-là a besoin raéliens aiment la confrontation, le dialogue, jusqu’à de se fixer. Vous savez lorsqu’on regarde la carte de l’absurde parfois. cette région, on se dit qu’on pourrait faire beaucoup mieux. Et cela ne sert à rien d’humilier le Vous allez donner deux représenpeuple, car lorsque les peuples sont tations de votre spectacle en Israël. humiliés, il se vengent toujours, Vous êtes heureux de revenir ici ? quoiqu’il arrive. Parfois ils peuvent se : Ce qui me fait plaisir c’est de revenger d’une manière violente, irraLes Palestiniens PPDA venir pour échanger évidemment avec tionnelle, et forcément cruelle car ils s’en prennent à des populations civiles sont un peuple la population francophone, mais aussi généralement avec mes confrères et innocentes. qui erre depuis plus journalistes israéliens, sur mon méPlutôt que l’humiliation acceptons le dialogue, c’est fondamental. longtemps, un tier, sur mon parcours, sur l’évolution de notre métier qui a été ces derniers peu à l’image temps un peu secoué. Donc si on s’arrange avec la sécurité de l'aéroport vous êtes prêts à du peuple juif, D’autre part, je vais y donner des concerts-lectures, ce que je fais actuelrevenir nous rendre visite ? et donc ce lement deux ou trois fois par mois en PPDA : Oui bien sûr comme vous le France. Je lis des textes, souvent des voyez dans cette interview ce que peuple-là textes de grands auteurs, des poèmes j’aime, c’est la franchise. J’ai dit les a besoin de ou autres, et je suis accompagné par choses comme je les ressens. Ce qu’il un pianiste, une violoncelliste, ou une faut, c’est accepter que l’on puisse faire se fixer. harpiste. J’aime beaucoup faire cela, des reproches à tel ou tel, on n’est jamarier les mots et les notes, et le public mais exempts de critiques, discuter apprécie également. c’est important.

©JF PAGA

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PUBLI-REPORTAGE

LE QUARTIER “BEER SHEVA TOUCH” SITUÉ À PARK HANA’HAL À BEER SHEVA LE MIEUX PLANIFIÉ EN ISRAËL Les habitants du sud ont appris il y a quelque semaines qu’un hôpital au nom de « Shimon Pérès » verra le jour d’ici trois ans dans près du quartier Beer Sheva-Touch’, ceci afin de renforcer la cité bio-tech qui va être construite à proximité. Ce quartier deviendra de fait une « nouvelle Beer Sheva » puisqu'il fournira tous les services à ses habitants. écologiques et il est conçu pour être conforme à toutes les exigences environnementales, sur le plan des types de matériaux de construction, des espaces verts, du recueillement des eaux de pluie et des commodités de circulation.

C

ela fait un an qu’ont débuté les travaux de construction de Beer Sheva – Touch’ (Parak HaNa’hal) et l’on peut déjà admirer le fait qu’il va s’agir du projet le plus réussi dans le cadre des accords signés par le ministère des Finances avec les collectivités locales. Contrairement aux habitants d’autres quartiers neufs dans le pays, les premiers résidents qui entreront dans ce quartier dès la rentrée scolaire 2020-2021 bénéficieront dès le début de toutes les infrastructures d’établissements publics et le plus important – les structures scolaires et les services sociaux – tous avec leur personnel et en état de fonctionner. On y trouvera entre autres des grandes zones commerciales, des centres socio-culturels, des centres pour les enfants en bas-âge, des synagogues, des crèches, bref un tissu de vie complet. UN QUARTIER QUI FERA DE BEER SHEVA UNE VÉRITABLE MÉTROPOLE D’après l’architecte de ce nouveau quartier, Tal Yaar, la vision est de faire de Beer Sheva une métropole au sud d’Israël. Actuellement déjà, la ville a une position centrale et constitue un aimant pour l’emploi et pour l’économie de ses localités satellites. Il s’agit d’un quartier qui est une ville en soi (5.000 unités de logement) et malgré le fait que l’accès y est séparé de Beer Sheva, il sera rattaché à la ville par divers moyens afin d’y faciliter l’accès dans les deux sens.

BEER SHEVA-TOUCH’ : TANT QUE LA CONSTRUCTION SE POURSUIT, LES PRIX RESTENT ATTRACTIFS Ce quartier a été prévu pour devenir un centre qui attirera des gens de tout le pays pour les activités de loisirs, de sports particuliers, chose qui entraînera une hausse constante de la valeur immobilière. Selon Shayke Naf’ha, Pdg de la compagnie Sela’it, l’une des promotrices de ce quartier, les habitants de Beer Sheva sont ceux qui se montrent pour l’instant les plus intéressés, désirant s’installer dans un nouveau quartier mais aussi des anciens habitants de Beer Sheva qui voudraient y retourner. Il y a également des signes d’intérêt de la part d’habitants d’autres régions qui désirent « émigrer » à Beer Sheva et acheter un logement à prix raisonnable. D’après l’architecte, les appartements se vendent aujourd’hui à des prix abordables mais dès que le quartier sera fini les prix grimperont inévitablement. UN QUARTIER RESPECTUEUX DE L’ENVIRONNEMENT D’après l’architecte de la ville, Tali Yaar, le nouveau quartier a été construit avec des matériaux

GAZ NATUREL Ce quartier sera le premier à Beer Sheva qui sera relié au gaz naturel. Ceci sera possible par la jonction au réseau de distribution de gaz naturel de la compagnie « Néguev Gaz Tiv’i Ltd » qui arrive directement du gisement Tamar et relie la ville de Beer Sheva au système national, ce qui devrait permettre des économies significatives en coûts d’énergie. LOISIRS ET VACANCES L’une des principales infrastructures de tourisme et de loisirs de ce parc sera le lac (dont les eaux seront acheminées depuis l’institut de purification des eaux usées de la ville, comme cela s’est fait avec succès à San Antonio au Texas). Ce lac de 9 hectares dans le cadre d’un espace total de 67 hectares sera entouré de pelouses, chemins de promenades et pistes cyclables, complexes de restaurants, galeries commerciales, stations de locations de barques, espaces de loisirs pour les familles etc. Sont également prévues des infrastructures sportives de 25 hectares incluant des terrains de sports, ainsi qu’une gare ferroviaire, une promenade éclairée et un parc ornithologique aménagé en coopération avec le KKL.


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UN MOIS EN IMAGES

17 NOVEMBRE

PARTIE REMISE

© Flash90

Le célèbre footballeur argentin Lionel Messi a atterri à Tel-Aviv pour disputer un match amical entre l'Uruguay et l'Argentine. En juin 2018, il avait annulé son voyage au dernier moment suite à des pressions du BDS, une ONG qui prône le boycott d'Israël. Ironiquement, Messi a été accueilli par une pluie de roquettes en provenance de Gaza. Le match s'est déroulé devant une foule en délire scandant son nom et s'est conclu sur un match nul 2-2.

25 NOVEMBRE

© Olivier Fitoussi/Flash90

ISRAËL EXPULSE OMAR SHAKIR

20 MOSAIQUES JANVIER 2020

Accusé de soutenir le BDS, le mouvement de boycott contre Israël, le directeur de l'ONG Human Right Watch a été expulsé d'Israël. Citoyen américain, Shakir avait fait appel de la décision mais la justice israélienne s'est appuyée sur une récente loi dite "anti-BDS" qui permet d'interdire d'entrer sur le territoire ou d'expulser les partisans du boycott. Shakri a dénoncé une "attaque contre les droits de l'Homme" et promis que son organisation allait continuer à enquêter sur les "violations" commises dans les territoires sous contrôle israélien.


26 NOVEMBRE

5 DÉCEMBRE

TROUVEZ UNE SOLUTION !

Des lycéens israéliens ont manifesté devant la Knesset pour enjoindre les députés à éviter de nouvelles élections. Alors qu'aucun homme politique israélien n'est parvenu à former une coalition, le pays se dirige vers un nouveau scrutin, le troisième en moins d'un an. Mis en examen dans trois affaires distinctes, Benyamin Nétanyahou a décidé de se maintenir au pouvoir et va probablement briguer un nouveau mandat. En attendant l'élection d'un nouveau gouvernement, il reste Premier ministre.

JANVIER 2020 MOSAIQUES 21

© Olivier Fitoussi/Flash90

Une délégation de médecins et de soignants israéliens s'est rendue en Ethiopie pour opérer 31 enfants dans le cadre de l'organisation "Sauvez un cœur d'enfant". Les interventions chirurgicales se sont déroulées au sein du centre cardiaque pédiatrique d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. C'est l'une des missions humanitaires israéliennes en Afrique les plus importantes de ces dernières années. En outre, l'Etat hébreu s'investit de manière croissante dans le développement du continent notamment à travers l'agriculture, l'électrification ou la production d'eau potable.

© Yonatan Sindel/Flash90

A CŒUR OUVERT


UN MOIS EN IMAGES

© Flash90

8 DÉCEMBRE

UN HOMME D'HONNEUR Abdallah Chatila, un homme d'affaires suisse d'origine libanaise, a été honoré par l'Etat d'Israël. Il a acquis des effets personnels d'Hitler lors d'une vente aux enchères sur Internet. Parmi ces objets : le chapeau du Führer et la machine à écrire de son assistante. Chatila a déboursé 600 000 euros pour les acheter et les a immédiatement remis au mémorial de Yad Vashem. "Je ne voulais pas que ces objets tombent entre de mauvaises mains", a-t-il expliqué. Si son geste a suscité l'admiration en Israël, dans le monde arabe certains l'ont qualifié de "traître". 22 MOSAIQUES JANVIER 2020


LA PHRASE QUI TUE

Le contexte

La version officielle

Président de la République depuis un an et demi, Jacques Chirac effectue son premier voyage officiel en Israël. Il arrive dans un contexte tendu. Benyamin Nétanyahou est alors Premier ministre et poursuit de tumultueuses négociations avec Yasser Arafat dans le cadre des accords d'Oslo. La vieilleville de Jérusalem est régulièrement le théâtre d'attentats terroristes et d'affrontements entre Tsahal et les Palestiniens.

Jacques Chirac ayant insisté pour visiter la vieille ville de Jérusalem, et notamment les quartiers arabes, le gouvernement israélien déploie des centaines d'hommes armés et qui bloquent plusieurs accès au parcours officiel. Les services de sécurité israéliens ne lâchent pas d'une semelle le président français et tiennent à distance journalistes et cameramen. Visiblement excédé par le zèle déployé par les soldats et policiers israéliens, Jacques Chirac agresse verbalement le responsable de la sécurité et le menace de rentrer en France.

Les conséquences politiques

© Jacques Chirac - DR

What do you want? Me to go back to my plane and go back to France?!

Ce jour-là

L'équipe présidentielle et les journalistes de la délégation ont toujours défendu la thèse d'un coup de sang spontané. La sécurité israélienne empêchait Jacques Chirac d'approcher les commerçants arabes de distribuer ses fameuses poignées de main. La vieille ville de Jérusalem étant considéré comme un territoire occupé par la France, le chef d'Etat français n'aurait pas toléré une telle attitude. Benyamin Nétanyahou sembla se ranger à ses arguments et lui présenta publiquement des excuses le soir même lors d'une conférence de presse.

Jacques Chirac, 22 octobre 1996

Ces images diffusées dans le monde entier ont entraîné des conséquences politiques considérables. Jacques Chirac a conquis la reconnaissance éternelle des Palestiniens et plus largement du monde arabe. Accueilli en héros à Ramallah après l'altercation de Jérusalem, il jouit jusqu'à aujourd'hui d'une aura exceptionnelle dans les territoires palestiniens. En Israël en revanche, cet incident contribuera à alimenter la défiance envers la France.

La version du chef de la sécurité israélienne

Plusieurs années après l'événement, le responsable de la sécurité pris a partie par Jacques Chirac a livré une version sensiblement différente. Shlomo Harnoy affirme avoir été prévenu du "coup de sang" du président français dès les premières heures du matin, bien avant le début de la visite. D'après lui, et d'après des diplomates israéliens, l'altercation a été mise en scène volontairement devant les caméras de télévision pour offrir l'image d'un président français défiant ouvertement le gouvernement israélien.

23 ans après

La courte séquence a été visionnée des millions de fois sur Internet. Un groupe de musique français en a même fait le titre d'une chanson dans laquelle la phrase "you want me to take my plane and to go back to France" est reprise en boucle. Dans la vieille ville de Jérusalem, les commerçants arabes se souviennent encore de la visite et la racontent à leurs enfants. Shlomo Harnoy est aujourd'hui consultant international et supervise la sécurité de l'aéroport Ben Gourion. JANVIER 2020 MOSAIQUES 23


ÉLÉCTIONS

La situation politique EN HUIT POINTS Les précédentes élections du 9 avril et du 17 septembre derniers n'ont permis à aucun des partis ou groupes de formation en lice – ni le "bloc de droite" mené par le Likoud, ni le centre-gauche mené par le Parti Bleu-Blanc - de mettre sur pied une coalition gouvernementale regroupant au moins 61 des 120 députés de la Knesset.

3 24 MOSAIQUES JANVIER 2020

2

LES ÉLECTIONS DE MARS 2020 POURRONT-ELLES ENFIN OFFRIR UNE MAJORITÉ PARLEMENTAIRE AU PAYS ?

Rien n'est moins sûr, car Israël est entré dans une profonde impasse institutionnelle ! La véritable cause de ce blocage : l'aspect désuet - par rapport aux besoins actuels du pays - de son système politique datant de 1948 basé sur des élections à la "proportionnelle intégrale" sans circonscriptions locales qui accorde un monopole aux seuls partis politiques (notamment les petites formations sectorielles) et qui confère à tout scrutin un caractère bien trop idéologique.

NETANYAHOU PEUT-IL RESTER AU POUVOIR EN ATTENDANT ? Selon la loi israélienne, un 1er ministre inculpé peut rester en fonction jusqu'à ce qu'il ait été condamné par la justice. C'est ce qu'a énoncé Avichaï Mandelblit, le Procureur général - un avis confirmé par la Cour suprême. Mais il existe un autre problème encore non résolu : si le Likoud est victorieux le 2 mars 2020, Netanyahou pourra-t-il être désigné par le président Rivline pour former le prochain gouvernement ?

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QUI PART FAVORI DANS LES SONDAGES ?

Les enquêtes d'opinion de la fin décembre 2019 donnaient un très léger avantage au Parti Bleu-Blanc de Benny Gantz sur le Likoud (avec un à deux mandats parlementaires d'avance… comme le 17 septembre dernier). Or, compte tenu de la marge d'erreur de tout sondage et surtout de ce coude-à-coude très serré entre le parti de Gantz et celui de Netanyahou, un tel résultat ferait encore rester le pays dans l'impasse…

© PHOTOS - Yonatan Sindel/Flash90

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POURQUOI UN 3IÈME SCRUTIN LÉGISLATIF EN MOINS D'UN AN ?

PAR RICHARD DARMON


et stratégique d'Israël © Marc Israel Sellem/POOL

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7

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EXISTE-T-IL UN RISQUE DE CONFRONTATION DIRECTE AVEC L'IRAN ?

Voilà plus de 5 ans que Tsahal mène une "guerre de l'ombre" contre le déploiement des forces iraniennes et de leurs alliés chiites en Syrie, avec plus d'un millier de raids aériens efficaces ayant détruit des bases, des QG. et des arsenaux de missiles perses répartis sur le territoire syrien. Mais cela n'a pas suffi à expulser les milliers de Gardes de la Révolution islamique menaçant la frontièrenord d'Israël. D'où les risques très réels que cette situation ne dégénère en une guerre ouverte embrasant la région…

A QUOI JOUE AVIGDOR LIEBERMAN ?

Alors que son parti russophone Israël Beitenou n'a remporté que 5 députés en avril puis 8 en septembre, Lieberman – qui semble s'être définitivement brouillé avec Netanyahou dont il souhaite le départ – s'est positionné depuis des mois en "faiseur de rois" : en effet, son petit parti sectoriel aurait pu choisir d'opter soit pour Gantz soit pour Netanyahou, mais il ne l'a pas afin de mieux faire avancer ses revendications "laïques" auprès de ces deux grands partis.

UNE TELLE INSTABILITÉ SÉCURITAIRE MET-ELLE EN DANGER LE PAYS ?

Comme le régime des mollahs de Téhéran cherche à se procurer l'arme nucléaire afin de renforcer ses ambitions hégémoniques régionales déjà en acte en Irak, en Syrie, au Liban, à Gaza et au Yémen, cette menace iranienne à la fois militaire et stratégique hostile à l'existence même d'Israël est prise très au sérieux à Jérusalem. D'autant que si cette dictature islamique intégriste disposait d'armes atomiques, elle n'hésiterait pas à s'en servir pour réaliser ses rêves chiites apocalyptiques.

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DANS CE FACE-À-FACE RISQUÉ AVEC TÉHÉRAN, ISRAËL EST-IL TOUJOURS ISOLÉ AU PLAN RÉGIONAL ? Outre la nette avance technologique, militaire et cybernétique d'Israël, l'un des grands atouts les plus récents de l'Etat hébreu face à l'Iran, c'est la nouvelle alliance stratégique contractée ces dernières années au Moyen-Orient avec des pays sunnites dits "modérés ", dont l'Egypte, la Jordanie et surtout les monarchies du Golfe comme l'Arabie Saoudite directement visées par le régime des mollahs chiites.

JANVIER DECEMBRE 2020 2019 MOSAIQUES MOSAIQUES 25 25


INFOS DU MOIS

par La Rédaction

LES POLITIQUES BLOQUENT, L'ECONOMIE TRINQUE

LE CHIFFRE

3,4 %

C’est le taux de chômage du mois d’octobre, le plus bas jamais enregistré par le Bureau Central des Statistiques depuis 1978.

+ 9%

face à l’Euro.

3,8% DE DÉFICIT

Conséquence directe du blocage politique, aucun budget n’a été voté pour 2020. A défaut, à partir de janvier, le pays vivra chaque mois sur un 12ème du budget 2019. « L’incertitude politique empêche le gouvernement de prendre des décisions qui seraient des moteurs de croissance, comme les projets d’infrastructures. Tout est gelé. Or, le pays a déjà pris beaucoup de retard notamment dans les transports publics, qui sont largement sous-dimensionnés par rapport aux besoins », souligne Dan Catarivas, responsable des relations extérieures de l’association des Industriels Israéliens. Depuis la dissolution de la Knesset en décembre 2018, le gouvernement a gelé tous les projets. Le déficit atteint 3,8% du PNB alors que l’objectif était de 2,9%. Amir Yaron, directeur de la BOI, a averti de la nécessité d’augmenter les impôts afin de combler ce déficit. Mais, plus ces mesures tardent à être prises, plus elles risquent d’être drastiques. SURPRISE

Israël plébiscité à l’Assemblée générale des Nations Unies L’Assemblée générale des Nations Unies a voté pour une résolution présentée par Israël ! Il s’agissait d’un texte consacré aux « Technologies agricoles pour le développement ». 147 pays, sur les 193 que compte l’ONU, ont voté pour. Les pays arabes, qui généralement votent contre Israël, ont décidé de s’abstenir. 26 MOSAIQUES JANVIER 2020

LE SHEKEL CARACOLE Le shekel est la monnaie qui s’est le plus renforcée face au dollar au cours des dix dernières années. Rien que pour cette année, la monnaie israélienne s’est renchérie de 6,6% par rapport au dollar. Le taux d’intérêt directeur de la Banque d’Israël est à 0,25% et la BOI qui envisageait de le réduire y a finalement renoncé.

TRISTE RECORD

30%

des enfants israéliens vivent dans la pauvreté – le taux le plus élevé parmi les pays de l’OCDE à l’exception de la Turquie.

BOYCOTT CES CHRÉTIENS QUI LUTTENT CONTRE LE MOUVEMENT BDS Début décembre, le second Arise Business Matchmaking Summit s’est tenu à Rishon le Tsion sur le thème L’innovation israélienne au bénéfice de l’humanité. « La solution la plus efficace contre l’épidémie BDS est de continuer à développer le commerce avec l’Etat d’Israël », a déclaré Calev Myers, fondateur et directeur de Arise. Ce sommet a réuni quelques 600 chrétiens du monde des affaires originaires d’une cinquantaine de pays. Le groupe le plus important venait de Suède, où le mouvement BDS est très actif. L’objectif est d’ouvrir un Centre de commerce global à Jérusalem en 2022.


UP

DOWN

FORTE HAUSSE JÉRUSALEM : UN TÉLÉPHÉRIQUE VERS LA VIEILLE VILLE ? Le projet de téléphérique pour accéder à la vieille ville et plus particulièrement au Mur Occidental a été approuvé début novembre. Les partisans du projet entendent mettre fin aux embouteillages et à la pollution. Ce téléphérique permettrait d’acheminer 3000 personnes par heure devant la Porte des Détritus. Les opposants soulignent que les quinze pylônes destinés à soutenir les cabines téléphériques massacreront le paysage et que la ville de Jérusalem, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981, ressemblera à Disneyland. Un groupe d’architectes, d’archéologues et divers universitaires a présenté une plainte le 26 novembre devant la Cour suprême pour arrêter ce projet très controversé depuis plus d’un an. Ils soulignent notamment que le gouvernement de transition n’est pas habilité à prendre une telle décision sur un sujet aussi polémique. HIGH-TECH

9 PLACES

décernées aux entreprises israéliennes dans le classement annuel du Time sur les 100 meilleures innovations qui « ont rendu le monde meilleur, plus intelligent et même un petit peu plus amusant ».

DE LA RICHESSE MOYENNE 111 000

131 000

+ 18 %

+ 32 %

173 000 NOMBRE DE MILLIONNAIRES ISRAÉLIENS

2018

2019 2024 Le nombre de millionnaires israéliens continue d’augmenter. D’après le rapport publié par le Crédit Suisse, du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, leur nombre est passé de 111 000 à 131 000 soit 18 % d’augmentation contre 2% de hausse de la population globale, qui compte 9 millions d’habitants. Cela place Israël au 5ème rang mondial quant au nombre de millionnaires par habitant après les Pays-Bas, Hong Kong, la Norvège et le Portugal. Selon les projections, le nombre de millionnaires devrait augmenter de 32% d’ici 2024 pour atteindre 173 000 individus. Israël est l’un des pays où la richesse moyenne par adulte a le plus augmenté au cours de la période, passant de 174 000 $ à 196 500 $. La richesse médiane par adulte étant de 58 000 $.

ISRAËL AU PAYS DU SOLEIL LEVANT Yssum, la société de transfert de technologie de l’Université hébraïque de Jérusalem, a signé lundi un partenariat stratégique avec le fonds d’investissement Universal Materials Incubator Ltd. (UMI), basé à Tokyo, dans le but de commercialiser des "technologies de pointe" pour le compte de sociétés japonaises. Ce partenariat stratégique doit permettre à Yissum et à UMI d’adapter les technologies de l’Université hébraïque au marché commercial japonais, de renforcer leur présence internationale et de créer de futures opportunités d’investissement conjoint.

LA CROISSANCE RÉVISÉE À LA BAISSE Le FMI a révisé à la baisse les prévisions de la croissance du PNB en Israël pour 2019 et 2020 de 3,3% à 3,1%. La Banque d’Israël a fait de même ; pour 2020 elle programme même 3% au lieu des 3,5% initialement envisagés. Cette baisse de croissance est avant tout liée au ralentissement de la croissance mondiale, mais le contexte politique a aussi sa part de responsabilité.

CHEZ NOS VOISINS

RETOUR AU BERCAIL APRÈS 14 SIÈCLES D’ABSENCE

Un fragment de bois de quelques centimètres d’une précieuse relique, à savoir le berceau de Jésus, vient d’être offert par le pape François aux chrétiens de Terre sainte. Pour l’occasion, une cérémonie a eu lieu le 30 novembre sur la place de la Mangeoire à Bethléem, alors même que la ville du « divin enfant » revêtait ses plus beaux atours dans l’attente de la fête de Noël et entamait la période de l’Avent. Cette relique avait été offerte au 7ème siècle par le Patriarche Saint Sophrone de Jérusalem au pape Théodore 1er à Rome. Elle reposait dans la Basilique Sainte-Marie majeure de Rome ; un fragment a donc été prélevé pour être confié à la Custodie de Terre sainte. Pour le pape François, ce geste est destiné à rapprocher les Eglises orthodoxe et catholique, qui multiplient les efforts en ce sens depuis quelques années. JANVIER 2020 MOSAIQUES 27


ÉCONOMIE

INVESTISSEMENTS

CHINOIS TRUMP MET EN GARDE ISRAËL

C

L'implication chinoise dans l'économie israélienne n'est pas du goût de Washington

ette fois-ci Donald Trump a vu rouge. D'une magnanimité légendaire envers Israël, le Président américain a menacé Benyamin Nétanyahou de réviser les relations sécuritaires entre les deux pays. L'objet de la discorde ne concerne en rien les traditionnels enjeux diplomatiques. Il porte sur un accord passé entre le port de Haïfa et celui de Shanghai. Les Israéliens souhaitant confier aux Chinois la responsabilité du terminal à conteneurs du port de Galilée à partir de 2021. Habitués à mouiller leurs navires de guerre à Haïfa, les Américains n'entendent pas tenter le diable, autrement dit les espions chinois. Déjà passablement agacés par l'implantation chinoise dans les grands ports de la planète, ils voient d'un mauvais œil le spectaculaire essor des relations commerciales sino-israéliennes ces dernières années. 28 MOSAIQUES JANVIER 2020

© Haim Zach/GPO - FLASH 90

PAR ELSA MIMOUN

Idem pour les colossaux investissements dans les entreprises israéliennes. Dernière acquisition en date : l'achat de Lumenis, une entreprise spécialisée dans la production de matériaux chirurgicaux et esthétiques non invasifs. Basée à Yokneam, dans le nord d’Israël, l'entreprise a été acquise par un fond d'investissement de HongKong pour la coquette somme d'un milliard de dollars. Un exemple parmi des dizaines d'autres. Dans le seul secteur de la hi-tech, 14 milliards de dollars ont été investis en Israël par la Chine en l'espace de sept ans. Les Chinois s'intéressent à tout : la robotique, la biotech ou l’agro-tech. L'agroalimentaire n'est pas en reste. En 2014, la célèbre entreprise TNUVA, principal producteur de produits laitiers en Israël, avait été rachetée par une firme chinoise. Et le commerce aussi se porte bien. L’année dernière, les échanges bilatéraux entre les pays ont atteint le montant record de 15,3 milliards de dollars, contre 51,5 millions de dollars en 1992 et 13,1 mil-


MONTANTS RECORDS DES ECHANGES BILATERAUX

EN 1992 Photo by Haim Zach/GPO

51,5

MILLIONS DE DOLLARS EN 2017

13,1

MILLIARDS DE DOLLARS EN 2019

15,3 Benyamin Nétanyahou avec le PDG du groupe chinois Ali Baba lors d'une visite en Chine du Premier ministre israélien le 20 mars 2017.

liards de dollars en 2017, selon Ofer Peleg, chef de la mission du ministère israélien des Finances en Chine. Par ailleurs les appels d’offres remportés par des entreprises chinoises se multiplient notamment dans le secteur de la construction. Idem pour le tourisme. Aujourd'hui pas moins de cinq compagnies aériennes proposent des vols réguliers entre les aéroports de Pékin/Shanghai et Ben Gourion. Un engouement que décrypte Edouard Cukierman, fondateur du fond d’investissement Catalyst, contributeur d'Israël Valley et auteur du livre "le bouclier technologique de l'innovation" vendu à plus de 100 000 exemplaires en Chine. « Israël suscite beaucoup d’admiration en Chine au vu du nombre très élevé de prix Nobel décernés dans le domaine de la recherche et de l’éducation. Cela suscite beaucoup de curiosité. Par ailleurs les Chinois ont beaucoup de respect pour l’innovation et la technologie, ils pensent que cela peut avoir un impact majeur sur leur compétitivité et sont très ouverts à l’entre-

MILLIARDS DE DOLLARS

prenariat. Malgré des différences culturelles évidentes, Israéliens et Chinois partagent des valeurs communes comme la famille, la volonté de réussir et aussi une culture millénaire. » Cette forte croissance des investissements s’expliquerait également par la détérioration des relations commerciales entre Washington et Pékin depuis la prise de pouvoir de Donald Trump. « Beaucoup d’investisseurs chinois sont devenus persona non grata aux Etats-Unis, ils se tournent donc de plus en plus par réflexe vers Israël où ils sont au contraire très bien accueillis » remarque Edouard Cukierman. Voilà de quoi agacer encore davantage les Américains. Sous leur pression, les Israéliens ont consenti à créer une commission chargée de superviser les transactions commerciales sensibles impliquant des entreprises étrangères. Un mécanisme déjà adopté dans de nombreux pays pour tenter de contrôler la déferlante chinoise.

JANVIER 2020 MOSAIQUES 29


SOCIÉTÉ

En l'espace d'un mois, trois femmes israéliennes ont été tuées par leurs conjoints. Sur les réseaux sociaux, elles offraient l'image photogénique de femmes épanouies et comblées d'amour. En réalité, elles voulaient partir et en ont payé le prix. Comme souvent, leur entourage n'a rien vu. PAR ANAT LEV-ELDAR avec l’accord de Yediot Aharonot

L'ENFER sans filtre 30 MOSAIQUES JANVIER 2020


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© PHOTOS - YEDIOT AHARONOT

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sther Aaronovitch voulait simplement le quitter, se libérer de son emprise. Et rester en vie. Sur sa page Facebook, on peut toujours lire des échanges de compliments et les mots doux entre les époux. Elle l'appelait : "mon seul et unique mari", il lui donnait du "my fair lady". Exactement comme les touchantes discussions entre Michal Sela et

son assassin ou Maria Tal et son bourreau. Quelqu'un aurait-il pu prévoir ou empêcher ces drames ? Pourquoi décrivaient-elles sur les réseaux sociaux une vie de couple stable, presque idéale ? Voulaient-elles attirer l'attention sur l'enfer qu'elles vivaient en secret ou au contraire cherchaient-elles à dissimuler la vérité ? "C'est un phénomène complexe qui se déroule entre quatre murs JANVIER 2020 MOSAIQUES 31


SOCIÉTÉ

Dans Danslalaplupart plupart des descas, cas,les lesfemmes femmes victimes victimesde deviolences violences conjugales conjugalesn'ont n'ont jamais jamaiscontacté contacté lalapolice police Maria Tal z''l Michal Sela z''l

et dans un système de relations plus compliqué que nous ne l'imaginons", décrypte la criminologue Ronit Lev-Ari. "Dans la plupart des cas il s'agit d'une relation entamée dans l'amour, avec beaucoup de sentiments positifs et de l'espoir des deux côtés. Mais dans la réalité, les choses ne se passent pas comme cela". Le meurtre d'une femme par son mari ou son compagnon n'est jamais un incident isolé, c'est seulement la fin d'une longue série de violences mentales, économiques et parfois physiques. "Mais pas nécessairement ", remarque Ronit Lev-Ari. Dans la plupart des cas, les femmes victimes de violences conjugales n'ont jamais contacté la police, la justice ou les services d'urgence. Raison pour laquelle les institutions et l'entourage tombent des nues lorsque survient le drame. Pour combattre

32 MOSAIQUES JANVIER 2020

cet isolement, de nouvelles structures s'ouvrent à travers le pays : des centres de prévention de la violence domestique, spécialement créés pour encourager les femmes en danger à réagir avant qu'il ne soit trop tard. A préparer la séparation d'avec leur conjoint sans risquer leur vie. "Vis-à-vis de l'extérieur, ces femmes présentent l'image d'une réalité parfaite parce qu'elles ont honte. Elles ne comprennent pas toujours ce qui est arrivé au couple et décident de rester silencieuses. Puis la connexion avec l'extérieur est interrompue car leur partenaire obsessionnel s'empare de leur monde. Les amis se sont éloignés et vous devez vivre avec le fantasme selon lequel tout va bien. C'est la chose la plus naturelle du monde". "C’était comme une journée ensoleillée", raconte Lily Ben-Ami,

la soeur de feu Michal Sela, qui participe activement à la lutte contre la violence à l'égard des femmes. "Si cela est arrivé à notre famille, cela pourrait arriver à n'importe quelle famille. Notre cas est un exemple typique : aucun des outils de police connus n'ont permis de savoir ce qui se passait. Michal paraissait toute légère et heureuse. Jusqu'à présent, l'État n'a pas fait assez pour réprimer la violence à l'égard des femmes en Israël. Il existe un programme interministériel national de lutte contre la violence à l'égard des femmes déjà approuvé par le gouvernement en 2017. Seule une partie du financement a été budgétisée. L'État devrait renforcer la dissuasion. Envoyer les meurtriers pourrir en prison à perpétuité". L'avocate d'origine française Sophie Cohen accompagne depuis vingt ans les femmes qui


cherchent à échapper à une relation violente, qu’elle soit mentale, financière ou physique. Sophie Cohen a écrit le guide "Le conjoint prédateur" pour aider les femmes à identifier les signes qui caractérisent une relation mettant leur vie en danger. "Le meurtre est toujours précédé de la violence mentale. L'un des premiers signes est la terreur psychologique : un partenaire qui devient lentement dominateur et ne permet pas à une femme de s'exprimer, d'agir comme elle le veut. Il cherche à castrer toute sa personnalité et à en faire une femme soumise. C’est lui qui décide où ils vont vivre, où les enfants vont étudier, si elle doit travailler ou non, qui va leur rendre visite, qui elle peut rencontrer et qui elle ne peut pas etc. Il l’isole de ses amis, de sa famille, la rend financièrement dépendante, et quiconque tente de l’aider est

Le meurtre est toujours précédé de la violence mentale. L'un des premiers signes est la terreur psychologique : un partenaire qui devient lentement dominateur et ne permet pas à une femme de s'exprimer, d'agir comme elle le veut.

© PHOTOS - YEDIOT AHARONOT

Esther Aharonovitch z''l

SOPHIE COHEN Avocate

repoussé. Cette maltraitance psychologique peut prendre des années avant que l'homme vide la femme de son essence. Elle se sent morte, étouffée et doit se sauver elle-même". Sophie Cohen parle également d'une pathologie compliquée et dangereuse, difficile à discerner de l'extérieur : "Dehors, ils ont l'air épatants. Calmes. Aimants". Et sans violence physique, la police ne peut jouer aucun rôle sérieux dans la prévention du meurtre. La femme menacée doit préparer sa séparation avec sagesse, se rendre au refuge pour femmes afin d'obtenir l'aide de professionnels et de la famille, car elle est souvent isolée. Reste à savoir pourquoi Michal, Maria et Esther n'étaient pas en foyer. Pourquoi les pouvoirs publics tardent autant à financer et médiatiser ces centres spécialisés. Une urgence, pour séparer les femmes des meurtriers avec qui elles partagent leurs vies.

JANVIER 2020 MOSAIQUES 33


© Miriam Alster/Flash90

34 MOSAIQUES JANVIER 2020


DOSSIER

DANS LA TOURMENTE

L'antisémitisme ne faiblit pas en France. Des communautés entières se vident alors que les Juifs se regroupent dans des quartiers ou des banlieues plus paisibles. Une réalité qui déchire Paris et Jérusalem. JANVIER 2020 MOSAIQUES 35


DOSSIER ANTISÉMITISME

En première ligne de l'antisémitisme arabo-musulman, Sarcelles fait grise mine. Condamnés au "vivre-séparé", les Juifs doivent vivre au quotidien sous surveillance policière. PAR NOÉMIE HALIOUA

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SARCELLES © Mendy Hechtman/FLASH90

ans la salle de prière de la synagogue réservée aux femmes, le vice-président de la communauté dresse un état des lieux. Sans chichi, les bras croisés derrière une table table pliante, Marc Djebali ne passe pas par quatre chemins. « Par rapport, disons, aux années 90, la communauté a perdu près du tiers de son effectif », lâche-t-il, taclant subtilement d’autres notables qui refusent de faire ce constat en public. « Avant tous les offices étaient pleins à craquer. On ne pouvait même pas traverser la rue tant il y avait du monde ! A cause de cela on avait des problèmes avec la police... Aujourd’hui la synagogue est aux deux tiers vide », concède celui qui a soigné toute sa carrière les Sarcellois dans son cabinet de médecin. Pour expliquer cette désertion,

LA PETITE PLEURE


E JERUSALEM SON ÂGE D'OR JANVIER 2020 MOSAIQUES 37


DOSSIER ANTISÉMITISME

Lorsque vous avez un enfant, puis deux, puis trois qui se font tabasser et traiter de "sale juif " par les autres, même si vous n’êtes pas pratiquant, vous vous retrouvez à les inscrire dans des écoles privées”

il évoque des raisons diverses et variées. De l’ouverture de petits auditoires aux rites plus orthodoxes aux départs en Israël, des déménagements vers d’autres banlieues mieux réputées telles que Montmagny, Saint-Brice ou Epinay-sur-Seine, à des arrondissements plus huppés de la capitale. Autant de départs qui ont participé au déclin progressif d’un microcosme autrefois prospère. Vingt ans plus tôt, la communauté juive de Sarcelles était l’une des plus importantes au monde. Commerces, boulangeries et boucheries certifiés cashers, oratoires, écoles confessionnelles ont ouvert autour du lieu de culte, permettant l’enracinement d’une vie communautaire riche et féconde : La Marina, Louis d’Or, Pizza Tova, O Délice. Le Rav Israël, guide spirituel respecté dont le nom sera donné à une place à côté de la synagogue, prodigue des conseils aux croyants en quête de réponses provenant de tout l’Hexagone. Mais alors que la communauté s’enracine, elle se retranche aussi dans un ghetto territorial et ethnique, surnommé « la petite Jérusalem ». Cette enclave crée des frontières invisibles avec le reste de la ville, conséquence d’un désir d’endogamie naturelle et d’un instinct de survie. Car à Sarcelles, l’antisémitisme est l’un des plus élevés de France : en témoigne le rapport 2017 de la SPCJ, instrument de mesure le plus fiable en la matière, qui définit la ville comme l’une des cinq les plus touchées du pays avec Paris, Les Lilas, Marseille et Strasbourg. Comme ailleurs, les enfants de la petite Jérusalem désertent l’école de la République. « Lorsque vous avez un enfant, puis deux,

38 MOSAIQUES JANVIER 2020

puis trois qui se font tabasser et traiter de sale juif par les autres, même si vous n’êtes pas pratiquant, vous vous retrouvez à les inscrire dans des écoles privées », explique René Taïeb, président des communautés juives du Val-d’Oise. C’est bien souvent sur insistance de Sammy Ghozlan, commissaire à la retraite et président du Bureau National et de Vigilance contre l’Antisémitisme, que les cas les plus graves sont médiatisés. Comme en février 2019, lorsque deux adolescents tirent à la carabine à plomb sur un quinquagénaire en kippa sur le point d’entrer dans la grande synagogue. Il faudra plusieurs mois d’enquête pour que le caractère antisémite soit reconnu. Outre les attaques à la personne, deux événements d’ampleur vont porter atteinte sévèrement à l’utopie sarcelloise. Le premier a lieu le 19 septembre 2012, six mois jour pour jour après la tuerie de Mohamed Merah à l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Ce jour-là, deux terroristes en sweat à capuche pénètrent dans le supermarché casher Naouri, situé aux abords des Flanades, le centre commercial historique. Ils dégoupillent une grenade artisanale qu’ils balancent dans les rayons avant de s’enfuir. Si l’attaque ne fait qu’un blessé léger, elle réveille les monstres d’un passé pas si lointain et avec eux, la perspective de l’exil. Deux ans plus tard, le 20 juillet 2014, une manifestation contre l’opération « Bordure Protectrice» menée par l’armée israélienne à Gaza, vire à l’émeute antijuive. Les protestataires détruisent commerces, Abribus, poubelles sur leur passage, incendient et vandalisent des commerces : la grande majorité tenus par


DE NOMBREUX SARCELLOIS CONTINUENT MALGRÉ TOUT DE VIVRE HEUREUX DANS LEUR VILLE

des juifs. Les habitants de la petite Jérusalem sont sonnés : comment leur ville de coeur a-t-elle pu être le théâtre d’une manifestation d’une telle violence sous le regard impuissant des autorités publiques ? Alors que l’actualité leur donne raison d’être pessimistes, l’inquiétude monte d’un cran. Les familles qui auraient les moyens d’acheter des appartements préfèrent louer, craignant de capitaliser sur un avenir incertain. Nombre de commerces casher - outre les pics pendant les fêtes - voient leur chiffre d’affaires chuter. Les immeubles se désemplissent de leurs familles qui se retrouvaient à la synagogue le samedi. Dans les écoles confessionnelles, les effectifs se maintiennent non plus grâce aux élèves du quartier, mais à ceux qui viennent des écoles laïques. Quel sera l’avenir de cette communauté emblématique ? Sarcelles deviendra-t-elle comme ces ghettos en Pologne, ou une société juive a connu un âge d’or, avant de ne figurer plus que dans des mythologies familiales ou certains livres d’histoire ? Ou parviendra-t-elle à faire perdurer ce judaïsme français d’après-guerre, populaire et traditionnel, attaché à la France autant qu’à son identité religieuse ? Marc Djebali, lui, parie sur l’avenir : un noyau de juifs perdurera à Sarcelles tant que des pratiquants y trouveront des centres d’études pour prier et des écoles confessionnelles pour leurs enfants. En revanche, lui, figure de la communauté locale depuis ses débuts et dont une partie de la famille a déjà sauté le pas, compte bien faire son alyah pour ses vieux jours.

Sarcelles offre tout pour s'épanouir ” Elie KRIEF, 30 ans «Sarcelles m’a beaucoup donné et j’y suis très attaché. Sarcelles m’a vu naitre, grandir et j’y vis jusqu’à présent avec ma femme, mes enfants et toute ma famille proche. On ne peut pas dire que les Juifs ne sont pas bien lotis à Sarcelles car cette ville offre tout ce dont la communauté a besoin pour vivre et s’épanouir. Commençons par l’enfance et la petite enfance : crèches, maternelles, primaires, collèges et lycées permettent à chaque famille une éducation de qualité pour leurs enfants. Les commerces cachers ne manquent pas et font la grande joie de la communauté : restaurants, épiceries, boulangeries, pâtisseries, boucheries et j’en passe. Des associations s’occupent des jeunes en leur organisant des activités, des voyages et des chabbats pleins. Et pour les plus âgés, le centre communautaire met en place des ateliers, sorties, conférences et rencontres. C’est principalement pour ces raisons que de plus en plus de Juifs décident de s’installer à Sarcelles»

Noémie Halioua est journaliste à i24 news JANVIER 2020 MOSAIQUES 39


DOSSIER ANTISÉMITISME

Les nouveaux

GHETTOS

Chassés par l'antisémitisme, des milliers de Juifs d'Ile de France ont été contraints de déménager pour des quartiers plus tranquilles. "L'alyah interne" limite les tensions mais souvent les plus modestes doivent rester vivre en territoire hostile.

PAR ANTHONY LESMES “C’est fou ce qu’il y a comme nouvelles têtes !” s’étonne encore Robert Ejnes. “On est à peu près 17 000 selon nos chiffres aujourd’hui, ici, à Boulogne. Une augmentation d’à peu près 30% en cinq ans seulement”, détaille le président de la communauté juive de cette ville des Hauts-de-Seine. “Si on regarde tout l’ouest parisien, on se dit que le monde juif est en train d’exploser ici, avec ces nouveaux restaurants cacher, ces nouvelles synagogues ou encore si on prend en compte l’ouverture récente du centre du judaïsme européen en plein 17ème”. Mais "si tout va bien ici, c’est que tout va mal ailleurs et en particulier dans certaines banlieues franciliennes", estime Robert Ejnes. Depuis 20 ans et la seconde intifada qui a été marquée par la hausse vertigineuse des actes antisémites (de 100 à 1000 par an), de nombreuses familles juives ont peu à peu déserté les banlieues difficiles de Seine-saint-Denis et du Val d’Oise. Elles sont parties chercher un meilleur cadre de vie en Israël et dans d’autres pays mais aussi dans des 40 MOSAIQUES JANVIER 2020

zones plus tranquilles en France. En s'appuyant sur les estimations de plusieurs associations, le politologue Jérôme Fourquet et le géographe Sylvain Manternach ont tenté de recenser les communautés juives de Seine-Saint-Denis. Dans leur essai paru en 2016, L’an prochain à Jérusalem, ils publiaient des résultats édifiants : “À Aulnay-sous-Bois, elles sont passées de 600 à 100, au Blanc-Mesnil de 300 à 100, à Clichy-sous-Bois de 400 à 80, à La Courneuve de 300 à 80”. La tendance se serait même approfondie depuis trois ans. “On voit les communautés diminuer, affirme le rabbin du Raincy, Moshe Lewin. Il y a vingt ans, il y avait des rabbins en titre à Saint-Denis ou Aulnay-sous-Bois avec 100, 150 personnes à l’office du samedi. Aujourd’hui, des synagogues ferment, comme à Clichy-sous-Bois, ou elles n’ouvrent leurs portes que pour Kippour.”

“L’antisémitisme du quotidien”

Plusieurs raisons expliquent le départ de ces familles juives, souvent prêtes à des sacrifices financiers ou à diminuer leur espace d'habitation. Parmi elles, la hausse des actes antisémites. Et cela, même si les statistiques en Seine-Saint-Denis ne sont pas supérieures à la moyenne des autres départements français. “Les chiffres sont sous-évalués”, estime Francis Kalifat, le président du CRIF, car selon lui, “beaucoup de personnes ne portent plus plainte” jugeant cela “inutile”. Mais "il existe bel et bien un antisémitisme du quotidien”, insiste-t-il, citant les "mezouzot arrachées", les "graphs injurieux", le "courrier volé" ou encore les "pneus crevés", des actes qui, certes, ne tuent pas mais "ont lieu tous les jours”. À cet antisémitisme diffus s'ajoute d'autres motivations sociales et sécuritaires. Comme d’autres populations de Seine-Saint-Denis, les Juifs cherchent tout simplement à fuir une zone dans laquelle les conditions de vie, entre pauvreté et insécurité, n'ont cessé de se dégrader ces dernières années. C’est le


cas de Madame P., mère de trois enfants qui a déménagé à Montrouge après avoir habité à Saint-Denis pendant près de 25 ans, et qui préfère rester anonyme. “Quand on s’est installés en 1993 avec mon mari, ça allait plutôt bien, puis au bout d’un moment ça a dégénéré, les agressions se sont multipliées, les commerces juifs ont fermé. Mon mari a été attaqué violemment et ma fille s'est fait voler son téléphone. C’était devenu impossible, on a décidé de partir.” Si Madame P. précise ne pas avoir souffert d’antisémitisme directement, elle raconte avoir placé ses enfants dans une école juive à Paris lorsqu’elle vivait à Saint-Denis. “C’est impossible de faire autrement, les Juifs ne mettent plus leurs enfants à l’école publique, le niveau est catastrophique et on a peur que nos enfants soient pris à partie pour leur judaïsme”."Maintenant, les parents envoient leurs enfants dans les écoles juives pour les préserver, confirme Moché Lewin, le rabbin du Raincy, alors qu'auparavant les écoles juives n'étaient fréquentées que par les enfants de familles pratiquantes".

Ceux qui restent

Attentifs au phénomène, le CRIF et son président soulignent que toutes les familles juives ne "peuvent pas partir". "Quasiment tous ceux qui avaient les moyens l’ont fait. Mais louer un appartement au Blanc-Mesnil ou à Levallois ne coûte évidemment pas le même prix. C’est aussi pour cela que de nombreuses familles se déplacent aujourd’hui à Sarcelles, au Raincy ou à Villemomble, des villes plus abordables que la première couronne. Certaines familles sont aussi bloquées parce qu’elles ont acquis une maison ou un appartement et qu’il leur est impossible de le revendre à un prix satisfaisant”. Pour Francis Kalifat, ces familles subissent une double peine : elles souffrent de la hausse nationale des actes antisémites, encore + 74% depuis 2018, mais aussi d'un sentiment d'abandon. Les départs des familles juives entraînent en effet une fermeture des commerces casher, des lieux de culte et finalement l'évanouissement d'une vie communautaire active, laissant certaines familles de plus en plus isolées. “Aider ces populations est une priorité pour nous. Il faut trouver les moyens humains et matériels de les aider, de chercher des appartements pour les loger à nouveau dans un espace de sécurité.”

Nous avons mis en place un fond pour permettre aux gens de partir au plus vite” Nathalie Adato,

chargée du logement au FSJU Aide les Juifs menacés à trouver refuge Quand est-ce que votre organisme a pris conscience des conséquences de l'antisémitisme ? Depuis 20 ans, nous avons suivi les différentes vagues d’antisémitisme au plan national liées à l’actualité du Proche-Orient ou aux attaques terroristes. Des moments de tension suivis de périodes de calme, qui finalement, se sont faites de plus en plus rares dans certaines zones. Les violences impactent plus particulièrement certaines communautés. Est-ce que ces communautés souffrent davantage d’un d'antisémitisme du quotidien ou d'une dégradation générale du quartier ? Le FSJU a fait une étude il y a trois ans pour mesurer l'impact de la violence ou de l'antisémitisme dans certaines villes de France et on s'est rendu compte que les communautés juives dans certains quartiers souffraient plus d’insécurité que d'un antisémitisme avéré. Je pense qu'un climat d’insécurité chronique s’est d’abord imposé sur lequel l'antisémitisme s’est alors superposé. Les gens, de toutes communautés, vivaient en bonne entente il y a 15 ou 20 ans mais aujourd’hui certains voisins ne se supportent plus. Et tout ce climat de violence qui n'est au départ pas dû à de l'antisémitisme fait qu’un jour une insulte raciste surgit. Et même davantage. JANVIER 2020 MOSAIQUES 41


DOSSIER ANTISÉMITISME

Comment se passent ces déménagements ? On a affaire à des cas de déracinement, avec des gens traumatisés. Ce n'est pas parce que vous quittez un endroit qui devient dangereux pour vous que ce n'est pas une véritable épreuve. Des familles ont vécu vingt ans dans un endroit, ils ont leurs repères, leurs amis et ils se voient obligés de quitter leur maison parce que ce n’est plus possible d’habiter dans un quartier dangereux pour eux mais aussi pour leurs enfants qui sont de plus en plus obligés de traverser des rues où on vend de la drogue et où la violence s’installe. Les gens hésitent donc à quitter leurs quartiers ? Etrangement, même dans des situations d'antisémitisme avéré, les gens n'acceptent pas forcément ce qu'on leur propose. Il y a une dame qui se fait régulièrement agresser par ses voisins. On l’insulte en la traitant de sale juive ou on détériore sa boîte aux lettres, sa porte. Etant donné que cette dame de cinquante ans, qui demeure à Pantin, vit seule, j’ai proposé très rapidement un T2 à Montrouge, l’un de nos points de chute avec Issy-les-Moulineaux ou le 12ème arrondissement de Paris. Elle a refusé mon offre car le logement proposé était moins grand. Vous savez les gens restent libres de leur choix. 42 MOSAIQUES JANVIER 2020

Je connais des gens qui ne peuvent pas revendre leur maison car elle ne vaut plus rien ”

Combien de personnes sont encore dans le besoin ? Est-ce que tous ceux qui ont pu partir l’ont déjà fait ? Je suis assez d'accord pour dire que ceux qui avaient les moyens de partir sont partis mais ceux qui restent sont ceux qui économiquement ne le peuvent pas. Il existe aussi des gens qui ont acheté un bien dans un endroit où le marché s’est effondré. Je connais des gens à Epinay qui ne peuvent pas revendre leur maison car elle ne vaut plus rien. Et puis il y a ceux qui bénéficient d’un logement à loyer modéré dans leur commune. C'est compliqué. Au final les gens qui n'ont pas beaucoup de moyens n'ont pas la possibilité de bouger. Et c'est difficile pour nous de leur dire de se débrouiller et de payer juste leur déménagement. Existe-t-il d'autres lieux en France qui sont en souffrance ? Quand on a fait le tour des délégations régionales du FSJU, on avait récupéré une liste de 100 personnes qui avaient des difficultés liées à un environnement antisémite ou à un sentiment d’insécurité. On avait repéré pas mal de personnes dans certains quartiers au Nord de Marseille, un peu à Villeurbanne aussi. En fait, il n'y a pas vraiment d'endroit protégé à 100%. Même dans le 12e arrondissement de Paris, une femme s’est faite agresser par son voisin il y a 15 jours. Il lui a arraché la mezouza, il lui a craché dessus. On n'est jamais à l'abri d'un problème de voisinage qui dévie en attaque antisémite à un moment donné. Recueilli par A.L

© Nati Shohat/Flash90

Quand avez-vous mis ce programme d'aide en place ? Le programme s’est réalisé au fur et à mesure des incidents les plus graves qui ont pu avoir lieu dans la communauté. Je me souviens d'une famille à Créteil qui a été agressée dans son propre appartement, une jeune femme avait été violée et à l’époque nous n'avions pas eu les moyens structurels de trouver une solution pour les sortir de leur environnement. Heureusement la mairie leur a retrouvé un autre logement. Il y a eu des événements de ce type dont on a un peu entendu parler mais qui nous ont permis de prendre conscience de l’urgence. On s’est dit alors qu’il fallait mettre en place un fonds financier pour permettre aux gens de partir au plus vite.


ALYAH

LA GUERRE DES RABBINS

Les Israéliens alertent, Bible en main, sur l’urgence du retour du peuple juif sur sa terre et s'insurgent contre le refus des rabbins français à encourager l'alyah. Premier visé par ces fervents sionistes : le grand rabbin Haïm Korsia. Un controverse brûlante d'actualité. JANVIER 2020 MOSAIQUES 43


DOSSIER ANTISÉMITISME

“E

ntretenir l'idée d'un judaïsme français qui ferait abstraction de la centralité d’Israël aujourd'hui est irresponsable". Elie Kling n'a pas l'habitude de mâcher ses mots. Depuis son village des portes du Néguev, cet éducateur bien connu des internautes peste contre les responsables communautaires qui s'obstinent à promettre un avenir aux Juifs de France. Alors que le consistoire vient d'inaugurer un somptueux centre du judaïsme européen, Kling fulmine de plus belle. « Pourquoi est-on sorti d’Egypte ? Pour entrer en Israël et y bâtir une société modèle ! L’exil constitue par sa simple existence, une profanation du nom divin. La dispersion du peuple juif aux quatre coins du monde n’est qu’un dramatique accident de parcours », assène cet accro aux bons mots et guide spirituel de nombre de jeunes filles fraichement arrivées sur la terre sainte. Kling n'a rien d'un prédicateur isolé. En Israël, nombre de rabbins, d'intellectuels ou de simples citoyens dénoncent la réticence des responsables communautaires français à encourager l'alyah. Depuis les vagues de départ des années 2015-2016, les rabbins de France prêchent globalement le « caractère personnel et non religieux » de l’alyah. Et ils n’hésitent pas à mentionner dans leurs synagogues les risques encourus lors de l'aventure israélienne comme les difficultés financières ou un relâchement de la pratique religieuse. « Certes les responsables communautaires ont accompagné les vagues d’alyah le mieux possible, mais ils ont sans cesse

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rappelé qu’il s’agit d’une décision individuelle. Ils ne l’ont pas encouragée officiellement », regrette Daniel Benhaïm, l'ancien directeur de l'Agence juive en France. Imprégné de sionisme religieux, Benhaïm pourfend la conception en vigueur en France qui réduit l'identité juive à la seule dimension religieuse : « Etre juif, c’est adhérer à une langue, à un mode de vie et à une histoire. Cela va bien au-delà de la pratique religieuse… Si l’histoire a un sens, alors oui, le temps est venu pour les Juifs de vivre en Israël ». Et de dénoncer une marche arrière institutionnelle : « Le débat actuel sur les dérives communautaires et la laïcité en France entraine le retour à une figure du Français juif tel qu’on l’a connue au temps de l’affaire Dreyfus : à l’extérieur la citoyenneté, dans son foyer la religion. Beaucoup trop de leaders

communautaires tentent de recréer cette dualité obsolète ». Et Kling d'enfoncer le clou : « A quel moment la punition s'estelle transformée en mission, celle de porter la bonne parole à nos frères humains de New-York à Berlin et de Sarcelles à Villeurbanne !? Les textes de nos prophètes sont pourtant très clairs sur ce point : 'Je ramènerai les captifs pour la gloire de Mon Nom'... Autrement dit, l'Exil ne saurait être que provisoire. Dans une perspective historique, les juifs de Diaspora n’ont aucun avenir ». La Bible le dit, donc, mais aussi la montée de l'antisémitisme et l’assimilation galopante qui chaque jour risquent un peu plus de faire couler le bateau. Des âmes perdues, les Juifs français ? Des citoyens dissous dans les méandres de la République, destinés à se fondre dans les guirlandes de Noël et le chocolat de Pâques ? Rien n’est si simple... « Sur le plan spirituel, si l’on veut avoir des petits-enfants juifs pratiquants, le choix

L’exil constitue par sa simple existence une profanation du nom divin”

La terre d'Israël peut se trouver en bien des endroits ”

ELIE KLING

HAIM KORSIA


© Haim Korsia - DR / Elie Kling - DR

d’Israël s’impose. C’est là que les mariages mixtes ont le moins de chance de se produire », soutient Alexis Blum, ancien grand rabbin de Neuilly. « Mais c’est vrai aussi qu’un juif de Lunéville ira à la synagogue quand il manque un dixième pour dire le kaddish, mais une fois à Tel Aviv cessera toute activité religieuse ». En France, préserver envers et contre tout son identité juive, originelle et originale, pour, en Israël, la faire briller une seule fois par an, dans la lumière des bougies de Hanouka ? Souvent visé par les militants sionistes israéliens : le grand rabbin de France, Haim Korsia. Non seulement, ce dernier refuse de lancer un quelconque appel à monter en Israël mais il répète à longueur de colonnes et de forums son attachement viscéral à un judaïsme de diaspora (voir ci-contre). Contacté par Mosaïques, le rabbin Korsia a répondu, un brin agacé, à ces mises en cause récurrentes : « Nous sommes Français de toutes les fibres de notre corps. L’alyah est un choix personnel que nous devons accompagner. Mais chacun est évidemment libre. » Et de balayer d’un revers de main l’argument biblique : « Dans la Torah, deux tribus s’installent en dehors de la terre sainte : « Si vous partez combattre aux côtés de vos frères pour la conquête de la terre, alors vous pourrez demeurer à l’extérieur. Sinon, vous n’y êtes pas autorisés », est-il dit. « C’est parce que nous soutenons Israël de manière inconditionnelle, que nous avons pu offrir une alyah de qualité. Mais nous avons un rôle à jouer à l’extérieur ». Ève Boccara

Grand rabbin Korsia L'INTERVIEW QUI FAIT SCANDALE EN ISRAËL

En juin dernier, le grand rabbin de France a donné une large interview à la revue des EI, l'Eclaireur. Ses propos ont profondément choqué dans les milieux sionistes. Morceaux choisis.

Prier vers Jérusalem, c’est prendre sa part dans le destin commun du peuple juif où que l’on se trouve. On a parfois plus de lien avec quelqu’un quand on partage une même espérance que lorsqu’on partage un même espace géographique.

Ainsi, les Juifs ont un rôle à jouer au milieu des nations et il y a un sens à rester en diaspora, tout en se montrant solidaires à l’égard d’Israël".

Savoir s’il faut ou pas faire son alyah est une question complexe et personnelle. Elle ne doit en tout cas jamais être la conséquence d’une peur concernant le sort des Juifs vivant hors d’Israël. C’est bien sûr un lieu qui a une très grande valeur et on parle bien de « terre de sainteté », admat kodech. Mais j’ai à ce propos une conception très large de la notion de « terre » car, me semble-t-il, quand on fait le bien, n’importe où dans le monde, on rend sainte la terre où l’on se trouve".

Le tourisme des Juifs de diaspora venant régulièrement dépenser de l’argent en Israël est notre façon moderne de contribuer à ce qui s’y passe sans forcément y résider. Les Juifs de diaspora contribuent à l’économie israélienne, quitte à payer des billets d’avion à prix d’or. Il y a donc plusieurs façons de « partager les combats d’Israël », y compris en diaspora". "Ce n’est pas un hasard si certaines villes se sont appelées, au cours de l’histoire, « la petite Jérusalem ». La Terre d’Israël peut se trouver en bien des endroits.

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L'HISTOIRE

Merci pour ces épreuves

Quand Evelyne apprend qu'elle souffre d'un cancer du sein, son mari Shimshone vient de subir un grave accident aux yeux. Quand quand arrive enfin le bout du tunnel, une leucémie foudroyante frappe son mari. Récit d'une vie parsemée d'épreuves surmontées en les mettant en mots et en scène.

La leçon de courage d'Evelyne Zakay

T

out s'annonçait simple, facile. Evelyne grandit à Lyon dans une famille religieuse et sioniste. Après le bac, elle s'installe logiquement en Israël. C'est le temps des études -de mathématiques, brillantes-, et des amours : elle rencontre son mari, Shimshone. Le jeune couple s'installe dans un village de la vallée du Jourdain : Shadmot Mehola. ''Ce que 46 MOSAIQUES JANVIER 2020

l'on aime par-dessus tout dans ce lieu, c'est que les gens y sont simples, tout en étant très profonds''. Pendant son doctorat, Evelyne aura ses trois premiers enfants, des garçons, puis trois autres par la suite. Le couple ne ménage pas sa peine. Au travail mais aussi à la maison et au service de leur village. ''On ne s'arrêtait jamais, on vivait à un rythme fou, comme dans un tourbillon. Quand je regarde en arrière, je me dis que

Dieu voulait nous sortir de ça, faire jaillir de nouvelles forces en nous''. Shimshone travaille au laboratoire de recherche du Kineret, responsable du matériel électronique de recherche. Un jour, il vérifie les batteries des bateaux du laboratoire quand soudain l'une d'elles lui explose au visage. L'acide des batteries lui cause des brûlures au troisième degré aux deux yeux. Transporté à l'hôpital dans un état jugé très

© Corinne Bodnev

PAR AVRAHAM AZOULAY


veau drame les frappe. Evelyne, vient d'avoir cinquante ans, elle se rend à une convocation de sa caisse maladie pour une mammographie de routine. Quelques jours plus tard, on la rappelle pour une biopsie. ''C'était au mois d'août, nous n'avons rien pu faire pendant ces vacances avec les enfants, nous étions tellement préoccupés par les résultats de la biopsie que nous attendions''. Et le couperet tombe : Evelyne a un cancer.

Souvent les proches se montrent distants lorsqu'ils apprennent une telle nouvelle. Parce qu'ils ne savent pas comment se comporter

préoccupant, il risque la cécité totale. ''Les premiers jours ont été des souffrances atroces'', se souvient Evelyne, ''mais nous avons été très entourés''. Shimshone est plongé dans l'obscurité pendant deux semaines et tous les jours, il reçoit des injections de vitamines dans les yeux. Et le miracle se produit : la blessure cicatrise, les yeux fonctionnent !C'est au moment où Evelyne et son mari s'apprêtent à entamer la convalescence qu'un nou-

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L'HISTOIRE

La thérapie par le théâtre

La période s'annonce pénible : les soins, les séjours à l'hôpital, la gestion du quotidien. Heureusement il y a l'entourage et une décision vitale : parler. Evelyne veut briser une barrière, celle du silence : ''Tellement de gens dans ce pays traversent des épreuves terribles. Mais la plupart n'en parlent pas''. Le cancer, avant d'être une maladie, reste un mot tabou. ''Souvent les proches se montrent distants lorsqu'ils apprennent une telle nouvelle. Parce qu'ils ne savent pas comment se comporter. En partageant, en parlant, je leur ai ouvert une porte et je leur ai permis d'adopter un comportement naturel. Nous avons alors été aidés et soutenus''. ''Je ne me suis pas rebellée contre la décision d'Hachem, je l'ai acceptée mais j'ai cherché à 48 MOSAIQUES JANVIER 2020

comprendre ce que cela venait me dire''. Evelyne décide de ne pas sombrer : ''en une fraction de seconde, j'ai su ce que je devais faire : écrire une pièce, en hébreu, dans laquelle je raconterai nos épreuves, notre foi, nos doutes. Et je la jouerai sur scène''.

Comment un docteur en mathématiques, très rationnelle, en arrive-t-elle à prendre une décision si rapide et si peu rationnelle ?

''J'ai pris cette décision, dans un moment irréel, de folie. Je pense que les plus grandes décisions sont prises en une fraction de seconde, sans réfléchir''. C'est la raison pour laquelle elle nomme sa pièce, ''Shavrir Shniya'' (fraction de seconde). Quand elle a annoncé son intention à la maison, on ne l'a pas crue. ''Maman a souvent des fo-

lies'' diront même ses fils. Puis ils acceptent l'idée, non sans mal : ''mon mari est très discret, il ne supporte pas que l'on parle de lui et c'est ce que je fais dans toute la première partie du spectacle''. Mais tous finissent par la suivre, ils comprennent qu'elle a besoin de ce spectacle, devenu un projet familial. Evelyne écrit alors qu'elle est totalement plongée dans le calvaire du cancer. ''Envers et contre tout, j'ai voulu voir les choses autrement, rire même si j'ai beaucoup pleuré, même si j'ai vécu des moments très, très difficiles''.

Comment fait-on de son histoire personnelle un texte qui parle au public ?

''On ne fait pas une pièce de théâtre pour soi-même. C'était un feu qui brûlait en moi, je devais le faire, même si je ne com-


prenais pas pourquoi. Je suis convaincue que le fait de parler m'a aidée, mais a aussi aidé mon entourage, qui savait alors mieux me comprendre. Des malades sont venus me voir jouer et m'ont affirmé que cela leur avait donné du courage''. Evelyne nous confie même qu'à travers sa pièce, elle a pu dire à ses enfants des choses qu'elle ne leur aurait probablement pas dites autrement.

Un sentiment de déjà vu

Puis, à nouveau, le malheur va frapper la famille Zakay. Evelyne savoure le succès de sa pièce et commence à en ressentir les effets thérapeutiques, la maladie ressurgit. "C'était à la période de Hanouka, il y a trois ans. Mon mari était très fatigué. Il avait une grippe qui ne passait. Après des analyses complémentaires, les médecins lui

On ne fait pas une pièce de théâtre pour soi-même. C’est un feu qui brûlait en moi

annoncent qu'il est atteint d'une leucémie foudroyante''. Cette fois, tout s'écroule. Evelyne, la battante, celle qui voyait la vie du bon côté malgré les difficultés, s'effondre. "La leucémie est un cancer particulier, on sent la mort en face de soi. Les traitements sont très lourds. Shimshone a même subi une greffe de moelle épinière''. Leur monde se retrouve une nouvelle fois bouleversé. Les enfants les plus jeunes de la famille doivent être pris en charge par des voisins. ''Shimshone était hospitalisé à Petah Tikva, j'étais constamment à son chevet''. La morosité gagne celle qui avait habitué son entourage à garder le moral, quoi qu'il arrive. ''Je ne prenais pas le soin de m'habiller, je pleurais beaucoup. J'avais besoin d'évacuer''. A cette peine s'ajoute la fin forcée de sa pièce

de théâtre, dont elle a dû faire le deuil. "Je pensais que c'était ce que Dieu attendait de moi. Apparemment, non''. Evelyne se tourne encore vers Celui en qui elle se remet totalement. Elle ne Lui demande pas ''pourquoi'', mais ''que faire avec cela maintenant''. ''Il m'a répondu'', elle en est persuadée, elle a compris que ce qu'elle avait à faire désormais, c'était remercier. Remercier pour les bonnes comme pour les mauvaises nouvelles. ''Pas évident, lorsque votre époux est gravement malade, que votre maison ne fonctionne plus normalement''. Mais elle se force. ''Je me suis rendue compte que lorsque je disais merci pour tout, même pour les choses moins agréables, j'acceptais mieux la réalité et je construisais des forces pour lutter, pour créer''. JANVIER 2020 MOSAIQUES 49


L'HISTOIRE

Un bambou dans la tempête

Evelyne aime à se comparer à un bambou. "Lorsqu'il est secoué par le vent, il plie mais ne rompt pas et parvient à se redresser. En revanche, un bâton trop rigide, se casse à la première rafale". Pour elle, c'est le message qu'elle retient et qu'elle veut transmettre, alors que son mari se bat toujours, aujourd'hui, contre la maladie. ''Lorsque l'on est confronté à une épreuve, ce qui compte, ce n'est pas l'épreuve en elle-même, mais les forces mentales qui surgissent pour surmonter''. C'est l'objet de son prochain grand projet : monter une conférence qui sera aussi un spectacle dans laquelle elle expliquera 50 MOSAIQUES JANVIER 2020

comment extérioriser ces forces. ''Ma maladie aura été un prélude, pour me permettre d'aider au mieux mon mari et de surmonter ensemble''. Sa conférence s'intitulera : ''Voir au-delà de la réalité''. ''Si l'on s'arrête à l'histoire brute de notre vie, on ne peut pas avancer. Le moteur dans la vie c'est de dépasser cette réalité, d'écouter les voix en nous et de les harmoniser pour aller de l'avant. Il faut vivre pleinement chaque jour, sa propre histoire de vie, parce que peu importe le scénario, on ne sait jamais où cela nous mènera. C'est ce que j'ai compris, ce qui m'aide à être en mesure de recevoir toutes les

bontés de ce monde, que Dieu veut nous donner''. L'aspect authentique et courageux de la démarche d'Evelyne face à l'épreuve se résume dans une phrase qu'elle prononce à plusieurs reprises : ''Mon cancer a été un cadeau''. "J'ai prié Dieu pour qu'Il m'aide à voir le bon dans le mauvais et c'est cela mon plus grand cadeau. Je me suis connue, je me suis trouvée malgré les immenses difficultés. Face à la maladie de mon mari, j'ai plus de mal. J'ai de grands moments d'angoisse, je pleure, je lève les yeux au ciel, je m'interroge sur notre avenir. Puis je comprends que c'est inutile, qu'il faut vivre et remercier pour chaque instant''.


CHRONIQUE

Julie,

ETAIS-TU VRAIMENT PARANO ? PAR BESMA LAHOURI Journaliste

J’

étais étudiante en première année d’histoire à La Sorbonne. Dans un de mes TD, j’avais remarqué une jeune fille, fluette, d’une timidité presque maladive, de longs cheveux noirs qui lui mangeaient le visage. Elle était toujours assise à la même place : au troisième rang, à gauche de l’estrade. D’une assiduité folle mais ne parlant à personne, ni durant les cours ni à l’extérieur des classes. Un jour, je me suis assise à ses côtés. Elle m’a souri, m’a fait de la place mais très rapidement s’est concentrée sur son travail. Je lui ai demandé son prénom, « Julie» m'a-t-elle glissé rapidement. Des semaines plus tard, nous nous sommes retrouvées dans le couloir à attendre notre prof. On a commencé une discussion. Discussion qui ne s’arrêtera qu’à la fin de l’année universitaire. Julie était Séfarade. Elle avait une jeune soeur et habitait près de Saint-Michel. elle adorait l’histoire. Moi aussi. Mais j’étais plus passionnée par Duby que par

l’histoire contemporaine, son dada. Un jour nous avons enfin déjeuné ensemble. Nous sortions à peine de l’adolescence et, pourtant, Julie avait une gravité d’adulte. Sa famille avait la hantise du Front National. A l’époque, Jean-Marie Le Pen et son antisémitisme viscéral étaient au coeur du débat public français. Un jour Julie m’a confié que sa mère «avait toujours une valise, prête au cas où... ». Je ne comprenais pas son angoisse. Nous avions à peine dixhuit ans. Je la chambrais gentiment et elle rigolait. Mais au fond d’elle, je la savais convaincue d’avoir raison « d’être au taquet ». Vingt ans plus tard, je pense toujours à Julie et à sa « parano de l’époque ». Elle doit bien se moquer de moi. Ces vingt dernières années, l’histoire m’a parfois donné tort et raison à elle… J’espère continuer avec vous aujourd’hui cette discussion que j’ai commencée il y a 20 ans. En espérant pouvoir rire « de » et « avec » mes amis, de nos névroses et angoisses, qui sont les mêmes… sur la forme.

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© David Cohen/FLASH90

DOSSIER

PAR STÉPHANE AMAR

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QUE VEULENT LES ARABES D’ISRAËL ? Traitres à la nation pour les uns, minorité opprimée pour d’autres, les Arabes d’Israël alimentent tous les fantasmes. La réalité est beaucoup plus subtile.

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DOSSIER ARABES ISRAÉLIENS

L'hypothèse d'une participation des Arabes à un gouvernement dirigé par Benny Gantz a provoqué une vive controverse. Et illustré le fossé qui sépare les députés arabes de leur électorat.

L

e 13 novembre dernier, alors que l'armée israélienne affronte le Jihad islamique à Gaza, le Premier ministre Nétanyahou monte à la tribune de la Knesset pour justifier l'opération militaire. A peine son allocution commencée, fusent déjà les premiers noms d'oiseaux : "criminel de guerre !", "menteur !". La charge provient d'Ahmed Tibi, le mythique représentant des Arabes israéliens à la Knesset. Il sera évacué manu militari, comme le prévoit le règlement du Parlement israélien. Benyamin Nétanyahou poursuivra son discours en déplorant l'outrance des députés arabes et leur traditionnel parti pris pour les ennemis d'Israël, Hamas, Hezbollah ou Autorité palestinienne. Plus tard, il accusera les députés arabes de vouloir "détruire Israël". Le Premier ministre israélien force le trait bien sûr. Derrière l'indignation se cache un calcul électoraliste : son concurrent Benny Gantz négociait alors un ralliement des partis arabes. Mais Nétanyahou pourrait sans peine étayer sa démonstration par une série de fâcheux précédents. A la Knesset, les Arabes ont franchi la ligne jaune plus souvent qu'à leur tour. En 2006, le député Azmi Bishara a été convaincu d'intelligence avec l'ennemi -en l'occurrence le Hezbollah pro-iranien-, et contraint de s'exiler au Qatar. En 2010, la remuante Hanin Zoabi 54 MOSAIQUES JANVIER 2020

20%

de la population du pays. Contrairement aux Palestiniens, les Arabes israéliens jouissent d’une totale liberté de mouvement.

avait été suspendue pour avoir soutenu la flottille turque pro-Hamas vers Gaza et plus récemment, le député Basel Ghattas a été incarcéré pour avoir fourni des téléphones portables à des membres du Hamas détenus dans une prison israélienne. Une telle tendance à la sédition a de quoi faire frémir la majorité juive dans un pays où vivent près de deux millions de citoyens arabes, parfaitement libres de leur parole et de leurs mouvements. Les cassandres ne se privent d'ailleurs pas de mettre régulièrement en garde contre une "cinquième colonne" qui, le moment venu, s'alliera avec l'ennemi contre l'Etat juif. Brandie depuis la création de l'Etat d'Israël, en 1948, cette grande peur de l'ennemi intérieur apparaît aujourd'hui infondée. Les Arabes israéliens n'ont jamais versé dans la violence, ni même dans la complicité avec les groupes armés palestiniens. Ni dans les années 50, lorsque les Fedayin menaient des opérations terroristes au cœur des localités israéliennes. Ni en 1967, lors du grand bouleversement de la guerre des Six Jours. Ni durant les deux Intifada de 1987 et 2000 (à l'exception d'une émeute


Qui sont les Arabes israéliens ?

© Nati Shohat/FLASH90

Les Arabes israéliens, ou Palestiniens d'Israël, sont les descendants des Arabes restés vivre dans l'Etat d'Israël après la guerre de 1947/49. Ils représentent un peu plus de 20% de la population du pays et sont essentiellement musulmans sunnites (7% de chrétiens). Citoyens à part entière de l'Etat d'Israël, ils vivent partout dans le pays mais se concentrent surtout en Galilée, dans la région du triangle au nord de TelAviv et dans le sud du pays autour de Beer-Shéva. Les Arabes israéliens sont représentés à la Knesset au sein de partis sectoriels mais aussi dans les partis sionistes.

ponctuelle). Ni plus récemment lors des opérations contre le Hamas à Gaza. Une loyauté quasi-sans faille qui tranche avec la véhémence des députés arabes. "La rue arabe fait de moins en moins confiance aux députés arabes, décrypte le politologue Roni Shaked. C'est ce que montrent les sondages. Les agendas sont différents. Les députés ont tendance à s'occuper des aspects politiques alors que les citoyens se préoccupent de leur vie quotidienne". C'est le grand paradoxe des Arabes israéliens : collectivement hostiles à l'Etat juif et individuellement spectaculairement bien intégrés. Un visiteur peut s'en rendre compte au premier coup d'œil : les citoyens arabes font partie intégrante de la société israélienne. Centre commerciaux, hôpitaux, universités, lieux de loisirs…l'espace public témoigne d'une paisible coexistence entre les deux peuples. Depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, les discriminations ont considérablement reculé et désormais les Arabes occupent des positions sociales équivalentes à celles des Juifs : avocats, médecins, ingénieurs ou entrepreneurs se

comptent par milliers. Plus étonnant, les citoyens arabes commencent à intégrer massivement la police (voir notre reportage) et plus marginalement l'armée. Cela dit, le malaise persiste. La question palestinienne -toujours pas réglée après près d'un siècle de conflit ! -, empoisonne les relations entre les citoyens de l'Etat d'Israël. Et les joutes à la Knesset ne sont que l'expression d'une tension toujours latente. "Tout va bien tant qu'on ne parle pas des Palestiniens. Car il faut bien comprendre que les Arabes israéliens sont en fait des Palestiniens d'Israël et ils ressentent une solidarité naturelle avec ceux de Cisjordanie", explique Roni Shaked. Mais le conflit israélo-palestinien n'est désormais plus le seul à influer sur les rapports entre Juifs et Arabes en Israël. La géopolitique du Proche-Orient fait aussi bouger les lignes et le spectaculaire rapprochement entre l'Etat hébreu et l'Arabie saoudite provoque forcément des remous à Jérusalem et ailleurs. Pour comprendre cette nouvelle réalité, il convient plus que jamais de remiser clichés et idées reçues. JANVIER 2020 MOSAIQUES 55


DOSSIER ARABES ISRAÉLIENS

Témoignage

Vous nous voyez comme des primitifs sans éducation, comme si on montait encore sur des chameaux et sur des ânes 56 MOSAIQUES JANVIER 2020


Maître-nageur sur la plage d’Acco, Ahmed, 46 ans, vit au quotidien avec ses concitoyens juifs. Il porte un regard complexe et déroutant sur le multiculturalisme israélien.

Nous vivons en parfaite harmonie avec les Juifs à Acco. J'habite dans un immeuble où la plupart des résidents sont juifs, dans le centre, près de la mairie. Cela fait 20 ans que j'habite làbas. Je ne comprends même pas les questions que tout le monde me pose sur la coexistence. Je suis né ici et eux aussi, pourquoi on ne vivrait pas bien ensemble n’est pas égal ? On a nos fêtes, ils ont les leurs, on se rend visite, on s'échange des cadeaux. Avec ma femme, nous parlons à la fois hébreu et arabe, même chose avec nos enfants" "J'ai 45 ans et cela fait trente ans que je vis au milieu des Juifs. J'ai travaillé dans une charcuterie, aujourd'hui je suis maître-nageur sur la plage d'Acco. En vingt ans de sauvetage, j'ai sauvé plus de 200 personnes : des Juifs, des Musulmans, des Chrétiens, d'où je sais ce qu'ils sont quand ils nagent dans la mer ?! A partir du moment où tu vois quelqu'un en danger, tu lui portes secours. C'est un être humain. Nous ne faisons aucune discrimination. Le shabbat, il y a au moins 3000 personnes sur cette plage. Je ne vais pas leur demander à chacun leur carte d'identité. A la base, je suis plongeur. Mon père était sauveteur. Mes frères aussi. J'ai passé mon enfance sur la plage, j'aimais cette vie. J'ai passé les examens et je suis devenu sauveteur. Comme il est écrit dans la Torah : "celui qui sauve une vie, sauve l'humanité toute entière". C'est important pour moi. C'est un sentiment qui te nourrit de l'intérieur. Tu rentres chez toi le soir avec le sentiment d'avoir fait quelque chose pour autrui. "Je ne ressens aucune discrimination. Lorsque j'ai passé l'examen pour devenir sauveteur, il y avait un Juif avec moi. Eh bien il a été recalé et moi j'ai été reçu. Nous vivons et travaillons dans l'Etat d'Israël. Ma carte d'identité est israélienne, je suis Israélien

à tous points de vue. Quand je me rends à la sécurité sociale ou dans toute autre institution, je reçois le même accueil qu'un Juif. Ce qui me revient, je le reçois. Alors ce que je dois donner, je le donne. Je n'ai jamais voté pour un parti arabe de ma vie. Je vote pour le Shass car ils contrôlent le ministère de l'intérieur dont nous dépendons. J'ai visité l'Italie, la Suisse, la France, l'Allemagne mais je n'ai jamais été dans un pays arabe et je ne n'irai jamais. Je n'ai rien à y faire. Abou Mazen n'a rien à voir avec moi. Cela ne m'intéresse pas ces histoires d'Etat palestinien. Pour moi, il n'y a pas d'alternative à Nétanyahou. Les partis arabes ne me représentent pas. Pourquoi aurais-je peur de dire cela publiquement ? C'est la vérité. "Vous nous voyez comme des primitifs sans éducation, comme si on montait encore sur des chameaux et sur des ânes. C'est absurde. On vit notre vie, on a des voitures, on voyage à l'étranger, on parle anglais. On va au restaurant, au café…Tu crois qu'on vit dans la jungle ?! Ma femme dirige un parc d'attraction à Acco. Elle est laïque, elle se baigne en maillot de bain. D'autres se baignent toutes habillées. C'est leur droit. Chacun vit comme il veut. Je sais bien qu'en France c'est interdit mais moi je respecte tout le monde. "Toute personne qui tue un innocent, il ne faut pas la mettre en prison, il faut la pendre ! Personne n'a le droit de tuer quelqu'un. Durant la guerre en 2006, j'ai travaillé tous les jours sous les missiles du Hezbollah. A l'époque j'étais salarié d'une usine de charcuterie à Shlomi, sur la frontière libanaise. J'étais l'Arabe de l'équipe. A la fin j'ai reçu le prix de meilleur employé du mois. Je ne comprends même pas la façon dont certains nous dépeignent dans ce pays.

© Doron Horowitz/Flash90

Pour moi, il n'y a pas d'alternative à Nétanyahou

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DOSSIER ARABES ISRAÉLIENS

Quand les Arabes réclament le Karcher 58 MOSAIQUES JANVIER 2020


Lorsqu’ils manifestent, les Arabes d’Israël ne réclament ni privilèges, ni autonomie politique. Leur principale revendication : plus de police pour lutter contre la violence entre Arabes.

Ces dernières années, la police israélienne a massivement recruté dans le secteur arabe, notamment des femmes. Objectif : accélérer l’intégration dans la société mais surtout lutter contre le fléau qui ronge la communauté de l’intérieur : la violence.

© Hadas Parush/Flash90

R

arement dans leur histoire les Arabes d'Israël auront connu une telle mobilisation. Durant tout le mois d'octobre, ils ont défilé dans les rues de leurs villages de Galilée ou de leurs villes du centre du pays. Ils ont bloqué des routes et forgé des slogans. Le 15 octobre à Ramleh, près de Tel-Aviv, la protestation a réuni plus d'un millier de citoyens arabes. Ce jourlà, le premier d'entre eux, Ayman Odeh, marchait en tête. "Nous continuerons jusqu'à ce que le calme revienne dans les rues et que les organisations criminelles soient vaincues. Si nous cessons de manifester, nous continuerons de compter les drames et les enterrements", déplorait le chef de file des députés arabes. Quel ennemi visait Odeh ? L'armée israélienne ? La police de l'Etat hébreu ? Vous n'y êtes pas. Par ce vaste mouvement populaire soutenu par l'ensemble de leur classe politique -islamistes compris-, les Arabes d'Israël réclamaient précisément une plus grande implication de services de sécurité israéliens dans leur quotidien. "Si les Juifs se tuaient entre eux, la police interviendrait immédiatement", entend-on dans chaque cortège. Voilà la grande cause des Arabes d'Israël : la lutte contre la violence interne. Alors que les citoyens arabes représentent un peu plus de 20% de la population du pays, ils totalisent 60% des meurtres par balles. Depuis la création de l'Etat en 1948, plus de 1200 Arabes sont tombés sous les balles de leurs voisins, de leurs cousins, voire de leurs frères ou de leurs maris. Crimes d'honneur, règlements de compte, affaires de drogue ou simple bêtise ordinaire : les motifs ne manquent pas. Et le gouvernement israélien ne peut plus ignorer ce fléau. JANVIER 2020 MOSAIQUES 59


En cette belle journée d'hiver, le petit port de Jisr-al-Zarka semble plus paisible que jamais. La poignée de baraques déglinguées, les embarcations de pêcheurs et la plage de sable fin font le charme de ce village situé aux portes de Césarée mais encore à l'écart du tourisme de masse. Mais aujourd'hui, personne n'a envie de profiter du soleil. On enterre un adolescent à Jisr : Jabari Matia Hamad, 17 ans, assassiné à coups de couteau. "Ils l'ont frappé à la poitrine, dans le cou, à la tête et dans le ventre. Tout le monde tue tout le monde ici. Même si c'est son frère, son cousin ou son ami. Juste pour un mot de travers. Personne ne pense aux conséquences", témoigne Ahmed, un jeune volontaire du Magen David Adom (la croix rouge israélienne) venu porter secours à la victime. Autour de lui, des femmes éplorées entourent une mère défigurée par la douleur. Le cercueil du jeune homme passe de mains en mains, comme survolant une foule consternée. "C'est loin d'être la première fois que l'on vit un tel drame, raconte un commerçant de Jisr-al-Zarka. L'an dernier un homme a surgi d'une voiture et il a tiré sur un jeune qui était assis au café en face de nous. Et encore un an auparavant, un jeune de Jisr a pris onze balles dans le corps". La violence n'épargne personne, pas même le neveu d'un chef de la police en Galilée, Jamal Akrush, tué en 2016 dans la petite ville de Kfar Kana, près de Nazareth. "Il est allé faire du bricolage chez une cousine, raconte son père. Un moment il lui a dit : 'tu devrais faire attention à tes enfants'. Elle n'a pas apprécié et lui a demandé de ne pas se mêler de l'éducation de ses enfants. Ils se sont disputés et il est rentré chez lui. Le soir, le mari de la cousine a fait irruption et l'a tué de plusieurs balles". Une histoire d'une navrante banalité. Pour combattre le fléau, la police israélienne multiplie les saisies d'armes illégales, fort nombreuses dans le secteur arabe.. En octobre, une vaste coup de filet dans la village d'Ara, en basse-Galilée, a permis la saisie de milliers de munitions et l'arrestation de treize trafiquants. "Rien ne rentre en Israël par l'extérieur, toutes ces armes proviennent du trafic intérieur", un ancien malfrat désignant les trafics avec l'armée israélienne, les milices palestiniennes ou la mafia locale.

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Notre mission consiste à protéger tous les citoyens de ce pays quelle que soit leur race ou leur religion UN POLICIER ARABE ISRAÉLIEN

DOSSIER ARABES ISRAÉLIENS

Mais une autre solution est à l'œuvre, à la fois plus radicale et porteuse d'espoir : le recrutement de centaines d'agents arabes dans la police. Lancée en 2016, l'initiative rencontre un succès inattendu parmi la jeunesse musulmane et chrétienne. Des milliers de candidatures affluent vers les centres de formation. Ils forment aux méthodes traditionnelles des agents plus familiers avec les codes et la culture des populations rongées par la violence. "Nous avons des mentalités très différentes des Juifs, explique ainsi une jeune recrue. On sait comment parler aux gens avec respect ou s'adresser à une femme qui porte le hijab. Il faut être né dans ce milieu pour comprendre". On s'en doute, pour un jeune Arabe, musulman le plus souvent, servir dans la police d'un Etat juif ne va pas de soi. Les campagnes de recrutement suscitent régulièrement l'opposition voire la franche hostilité des politiciens et des imams. "On nous taxe de traîtres à la nation, on nous accuse de lutter contre nos frères mais au bout du compte tu te regardes dans la glace et tu te dis : 'c'est ma vie que je dois vivre ou celle de mon cousin ?'". Abdallah Mursir fait partie de ceux qui ont bravé le qu'en dira-t-on. Ce solide gaillard d'une trentaine d'années a été nommé adjoint au commissaire de Saint-Jean d'Acre, une ville à forte majorité arabe du nord d'Israël. "Le commissaire est druze, l'autre adjoint chrétien, moi je suis musulman et nos deux jeunes recrues sont juives. Nous travaillons ensemble dans une parfaite entente. Notre mission consiste à protéger tous les citoyens de ce pays, quelque soit leur race ou leur religion". Le quotidien d'Abdallah fourmille de scènes insolites, loin du manichéisme du conflit. Il arrête des drogués juifs et enjoint à ses concitoyens musulmans de respecter les lois de l'Etat. "Bien sûr dans mon village les réactions étaient plutôt mitigées lorsqu'ils m'ont vu en uniforme. Mais les gens s'habituent et tout le monde comprend que nous n'avons qu'un seul Etat : l'Etat d'Israël. Nous avons l'obligation de le servir".


© DR - GPO

LE JUSTE DES NATIONS ARABES

Le bloggeur saoudien Mohamed Saoud Sur les réseaux sociaux, on a pu l'entendre chanter des piyoutim, prier ''Avinou Malkénou'' pendant les Jours Redoutables et encenser Netanyahou en hébreu. Le bloggeur saoudien Mohamed Saoud – pro-israélien et pro-Netanyahou enflammé – se confie sur son rapport particulier à Israël, son espoir de paix et sur les voix qui s'élèvent autour de lui. Avec l'autorisation de Olam Katan. Propos recueillis par Nadav Guedalia

Pourquoi soutenez-vous Binyamin Netanyahou avec autant de fougue ? Mohamed Saoud : Pour moi, Netanyahou est un leader qui a réussi à faire tomber les barrières et à entamer des relations au grand jour avec les pays arabes. Les autres ne le faisaient qu'en secret. Netanyahou est aussi un leader qui a évité d'entrer dans des conflits armés, que ce soit à Gaza ou au Liban. Certes, nous devons combattre le terrorisme palestinien et du Hezbollah mais si des soldats israéliens et des enfants de Gaza meurent, alors comment pourrons-nous avancer vers la paix ? Netanyahou est un leader de paix, il ne veut pas déplorer de morts, des deux côtés. Pour toutes ces raisons, c'est un leader authentique. La vie doit être placée en valeur suprême. JANVIER 2020 MOSAIQUES 61


DOSSIER ARABES ISRAÉLIENS

Le peuple juif est revenu sur sa terre et s'il n'était pas là, tout serait vide ici. Les Juifs ont construit un pays en partant de rien

Quand avez-vous décidé de défendre Israël ? M.S : C'est arrivé assez spontanément. J'écrivais à des Israéliens et ils partageaient ce que je disais sur les réseaux sociaux. C'est ainsi que j'ai commencé à me faire connaitre. Mais le plus grand coup de projecteur sur mon action a été quand j'ai été attaqué par des Palestiniens sur le Mont du Temple, il y a six mois. J'ai, alors, été aussi reçu par Binyamin Netanyahou. Je veux faire avancer la paix entre les hommes, je n'ai jamais pensé que je serais connu un jour. Quand pensez-vous que la paix sera possible dans le monde ? M.S : Il faudrait pour cela qu'il y ait davantage de leaders comme Netanyahou, dans d'autres pays. Des hommes capables d'enclencher de grands processus. D'ici là, les pauvres citoyens de Gaza continueront à souffrir parce que leurs dirigeants ne se soucient pas d'eux. Le Hamas dirige Gaza uniquement pour recevoir de l'argent du monde entier. Qu'est-ce que les Palestiniens ne comprennent pas sur le peuple juif ? M.S : Les Palestiniens ne pourront comprendre que leurs rêves sont irréalisables que s'ils acceptent le fait que les Juifs sont là pour rester. Ils n'ont pas d'autre choix. Le peuple juif est revenu sur sa terre et s'il n'était pas là, tout serait vide ici. Les Juifs ont construit un pays en partant de rien. Les Palestiniens sont obligés de parvenir à un accord avec les Juifs. 62 MOSAIQUES JANVIER 2020

Que pensez-vous du plan du siècle de Donald Trump ? M.S : Trump est comme Netanyahou, un leader qui ne veut pas faire la guerre. Il a ramené ses soldats aux Etats-Unis. Trump a rencontré le nord-coréen Kim Jong Un alors que tout le monde pensait qu'il lui ferait la guerre. Trump agit et comme Netanyahou, il parvient à éviter des guerres. Il est un grand leader à mes yeux. Comment êtes-vous perçu en Arabie Saoudite ? M.S : Israël et l'Arabie Saoudite ne sont pas en guerre. Beaucoup de commentateurs chez nous aiment Israël et admirent le fait que Netanyahou ait empêché des conflits armés. A mon avis, il faut arriver à un accord avec les Palestiniens pour que les relations entre Israël et les pays arabes soient totalement normalisées. Dans mon pays, certains aiment ce que j'écris, d'autres non. Je le respecte. Vous sentez-vous menacé ? M.S. : Je n'ai pas peur. Dans tous les endroits, vous trouverez des personnes qui ne supportent pas ceux qui ne pensent pas comme eux. C'est leur problème. Dans l'environnement où je vis, tout le monde quasiment me soutient. De quoi avez-vous parlé avec Binyamin Netanyahou ? M.S : Nous avons parlé de la paix et de la façon de la faire avancer. J'ai été très ému de le rencontrer. Vous aimez tellement Netanyahou et Israël, avez-vous pensé à vous y installer ? M.S : J'aime l'Arabie Saoudite, je ne changerais mon pays pour aucun autre au monde.


Batsheva Shanee-Katz est chercheuse à l'institut Memri à Jérusalem. Elle suit de près les relations entre Israël et l'Arabie Saoudite. Pour elle, le cas Mohammed Saoud est emblématique d'une révolution culturelle en marche. Comment la visite de Mohammed Saoud a-t-elle été commentée sur les réseaux sociaux saoudiens ? Batsheva Shanee-Katz : De nombreuses personnes l'ont condamné et taxé de traitre comme cet internaute qui félicite les adolescents palestiniens qui lui ont craché dessus et lancé des chaises. Mais il a reçu aussi énormément de félicitations. On parle de "héros", d'"homme de paix". Des internautes assurent qu'il représente toute l'Arabie saoudite. J'ai lu aussi des critiques très virulentes envers les Palestiniens à l'origine de l'agression. Certains ont même évoqué la fin du contrôle jordanien sur l'Esplanade des mosquées et son transfert à l'Arabie saoudite ou même à Israël. Pour beaucoup de Saoudiens, cette agression filmée est inacceptable et va à l'encontre des intérêts du royaume. Que reprochent les Saoudiens aux Palestiniens ? B.S.K : Un internaute s'indigne par exemple : "120 000 palestiniens travaillent chaque jour en Israël. Le vendredi, ils prient à la mosquée al-Aksa. Ils maudissent le roi de Jordanie Abdallah et brûlent des images à l'effigie du roi Salman. Et après cela, ils retournent travailler en Israël. Quelle barbarie ! Quelle bassesse !". Les intellectuels leur reprochent au Hamas son jusqu'au boutisme face à Israël et bien sûr le soutien de l'Iran. A l'Autorité palestinien, son intransigeance dans les pourparlers avec Israël. Le boycott de la conférence de Bahreïn en juin dernier a été sévèrement dénoncé comme une nouvelle occasion ratée.

Mohammed Saoud n'est pas venu seul en Israël, il faisait partie d'une délégation comportant d'autres journalistes arabes. Cette initiative inédite est-elle révélatrice d'un changement plus profond ? B.S.K : Elle s'inscrit dans un contexte de réchauffement des relations entre Israël et le monde arabe. Benyamin Nétanyahou s'est rendu à Oman, la ministre de la culture Miri Réguev à Dubaï, plusieurs sportifs ont participé à des compétitions dans les pays du Golfe…Il y a une nouvelle appréciation du rôle d'Israël dans la région. L'Arabie saoudite estime faire face à un danger existentiel avec l'Iran car ce pays se sert du Yémen pour l'attaquer. Et quand les Saoudiens regardent autour d'eux, ils aperçoivent un pays confronté exactement à la même menace : Israël. Par conséquent les appels à la normalisation avec Israël se multiplient dans le pays. Certains demandent même l'ouverture immédiate d'une ambassade. De tels appels du pied sont-ils approuvés par le pouvoir saoudien ? B.S.K : L'Arabie Saoudite est un pays dans lequel il est impossible de tout dire. Il faut être très prudent avec certains sujets. Or les appels à se rapprocher d'Israël, la critique de l'antisémitisme, la légitimation d'Israël ou les attaques contre les Palestiniens s'expriment assez librement. Certaines opinions émanent de personnalités éminentes et par exemple le boycott palestinien de la conférence économique de Bahreïn a été largement critiqué. Il faut tout de même préciser, c'est très important, que l'Arabie saoudite reste toujours lié au plan de pays arabe basé sur la solution à deux Etats, le partage de Jérusalem et le retour des réfugiés. Cela n'empêche pas les contempteurs de l'Arabie saoudite de l'accuser de brader les intérêts palestiniens. JANVIER 2020 MOSAIQUES 63


LITTÉRATURE

La tisseuse des âmes Difficile de dissocier Valérie Zenatti du célèbre écrivain israélien Aharon Appelfeld dont elle traduit les livres. Mais elle existe aussi par sa propre plume. Rencontre à Vice-Versa, la librairie française de Jérusalem Propos recueillis par Béatrice Nakache

MOSAÏQUES : Vous êtes née à Nice et vous êtes venue en Israël à l’adolescence avec vos parents. Puis vous êtes rentrée en France. Pourquoi ? Valérie Zenatti : J’avais 21 ans en 1991. J’étudiais à l’université hébraïque de Jérusalem après deux ans d’armée. Nous sortions de la première guerre du Golfe, j’ai eu besoin d’une pause. Je suis rentrée en France afin de poursuivre mes études. La vie a fait que j’y suis restée, tout en demeurant liée à Israël, à l’hébreu, à la culture israélienne. Finalement vous sentez-vous plutôt israélienne ou française ? V.Z : Je n’aime pas hiérarchiser mes sentiments d’appartenance, mais c’est à Paris que j’ai eu le sen64 MOSAIQUES JANVIER 2020

timent que je pouvais être tout ce que je suis, c’està-dire à la fois juive, française, israélienne, parisienne, issue de parents d’Afrique du Nord et une culture ashkénaze forte. C’est comme si Paris était le lieu où je pouvais faire vivre tous ces territoires. Pourriez-vous nous expliquer le titre de votre dernier livre, « le faisceau des vivants », publié cette année aux Editions de l’Olivier ? V.Z : C’est la traduction de betsror ha-haïm, issu de la prière Tehe nishmato betsror ha-Haïm, « Que son âme soit tissée dans le faisceau des vivants ». C’est ce qui est inscrit sur les tombes des ashkenazim, c’est le souhait que l’âme du défunt continue d’être présente.


à Paris que j’ai eu “ C’estle sentiment que je pouvais

© PHOTOS - Hannah Assouline

Ce livre est donc un hommage à Aharon Appelfeld qui a quitté ce monde l’an dernier ? V.Z : Non pas tout à fait, car « hommage » a une connotation solennelle, cérémoniale et officielle. Pour moi c’est un livre de reconnaissance dans le sens de la gratitude, et une re-connaissance de moi-même. Comment est née l’idée d’en faire un livre ? Cette démarche vous a-t-elle aidée dans votre travail de deuil ? V.Z : Ça a été plus qu’une idée : une nécessité absolue, dans un premier temps, au moment de la mort d’Aharon Appelfeld, d’écrire sans me poser de questions sur ce que j’écrivais. En effet j’ignorais d’emblée si cela deviendrait un livre.

être tout ce que je suis

Leur relation n’était pas seulement celle d’un romancier et de sa traductrice, c’était aussi celle de deux amis qui se parlaient sans cesse. De quoi parlaient-ils ? D’écriture, de langues, d’amour, d’animalité, d’enfance. De la terreur d’être traqué. Ils partageaient également quelques silences. Lorsqu’il disparaît en janvier 2018, la jeune femme ne peut se résoudre à perdre cette voix dont l’écho résonne si puissamment en elle. Après un temps de sidération, elle cherche à la retrouver, par tous les moyens. Sa quête la conduira jusqu’en Ukraine, à Czernowitz, la ville natale de l’écrivain. Il pourra alors prendre sa place, dans le faisceau des vivants. Dans le faisceau des vivants de Valérie Zenatti. Aux éditions de l’Olivier.

Y a-t-il toujours un lien aussi étroit entre l’écrivain et son traducteur ? V.Z : Il y a toutes sortes de liens possibles, et parfois aucun. J’ai été traduit en 17 langues et je ne connais pas la plupart de mes traducteurs. Là, ce qui est exceptionnel, c’est la rencontre entre un petit garçon juif né à Czernowitz (Roumanie) en 1932 et une pe-

tite fille juive née à Nice en 1970, avec une perception commune de ce que peut être l’émerveillement face à la vie, l’effroi, avec une tendresse et une complicité mutuelle. L’hébreu est-il pour vous surtout une langue de l’écriture ou éprouvez-vous une proximité avec le langage parlé ? V.Z : L’hébreu fait partie intégrante de ma vie. Mon premier lien à l’hébreu fut la prière, je suis née dans une famille pratiquante, j’ai su prier très tôt. Ensuite il y a eu mon arrivée en Israël : un contact charnel s’est créé avec l’hébreu parlé. Par la suite en France j’ai fait des études d’hébreu aux Langues O. C’est donc une langue qui m’est très chère à la fois de façon affective et intellectuelle.

Aujourd’hui comment voyez-vous Israël ? V.Z : Je pense qu’Israël est un pays très jeune, qui grandit vite, et parfois de façon un peu désordonnée. Je me sens à la fois inquiète, familière et fascinée par tout ce qui s’y joue, par la façon dont des rapports si différents à la vie s’y expriment. JANVIER 2020 MOSAIQUES 65


L’ŒIL DES FEMMES

Une Bat-Mitsvah

PAS COMME LES AUTRES Au lieu de lui offrir une fête de Bat-Mitsvah, Karen Klein a emmené sa fille et ses amis au Kenya faire de l'humanitaire. Ou comment donner du sens au passage à l'âge adulte.

© Andersen

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ncore une fête ? Karen Klein envisageait sans enthousiasme la Bat-Mitsvah de sa fille Nivi. Louer une salle, trouver un disc-jockey, acheter de nouvelles tenues…Tant d'énergie et tant d'argent. Et pour quel résultat éducatif au final ? ''Lorsque ma fille est entrée en kita vav (6e), l'année de sa Bat-Mitsva, j'ai voulu lui transmettre un message fondamental : entrer dans l'âge adulte, c'est aussi comprendre que l'on n'est pas seuls et qu'il ne suffit pas de recevoir. Il faut être capable de donner'', estime cette mère de trois enfants de Pardessia, près de Nétanya. Soucieuse avant tout de donner du sens au rite de passage, elle soumet à sa fille une idée un peu folle : une mission humanitaire en Afrique en lieu et place de la traditionnelle soirée dansante. Au départ, la réaction est mitigée. ''Elle voulait faire comme tout le monde, avoir sa fête. Mais je reste convaincue que d'aller de soirée en soirée de bat-mitsva vide le sens de cet instant charnière de la vie''.

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J'ai voulu lui transmettre un message fondamental : entrer dans l'âge adulte, c'est aussi comprendre qu'il ne suffit pas de recevoir. Il faut être capable de donner

Karen trouve un compromis : Nivi aura bien une fête, dans la simplicité, mais l'essentiel résidera dans un voyage hors du commun. ''Je me suis intéressée à des exemples de familles qui partaient en vacances en faisant du bénévolat. Cela me parlait. Et j'ai eu envie de réaliser un tel projet, en Afrique, un continent qui m'a toujours tentée''. A mesure que le projet prend forme, Nivi se prend au jeu même si les conditions de vie sur place l'effraient un peu. Karen en parle autour d'elle et un petit groupe se constitue rapidement : sept mères et leurs enfants âgés de 11 à 14 ans.

Deux plus deux n'est pas égal à quatre

''Le projet était assez intime au départ'', se souvient Karen, ''puis nous avons assisté à une mobilisation de nombreux acteurs, qui l'ont rendu impressionnant''. L'objectif du groupe : construire un terrain de basket pour les enfants du village de Kisumu, à huit heures de route de Naïrobi au Kenya. L'aventure débute par une collecte d'argent. Tous les moyens sont bons : vente de gâteaux, sollicitation des proches, dons en nature. ''Nous nous sommes adressés par exemple à des clubs de basket qui nous ont généreusement fait don de ballons et de maillots''. Reste le principal : la construction du terrain. Karen contacte le président de l'entreprise nationale Solel Boné qui s'engage à bâtir gratuitement la base du terrain. ''Nous n'avions plus qu'à nous charger de la peinture et des paniers de basket'', sourit Karen. Sidéré par l'élan de solidarité autour du projet, le groupe va de surprise en surprise. Des clients de Karen – des fabricants de jouets-, jouent au père Noël. L'ambassade d'Israël au Kenya et DHL Israël œuvrent à faire baisser les taxes de transport. La compagnie aérienne Ethiopian accorde du poids supplémentaire : le groupe emporte 700 kilos de matériel ! Au total, un an d'efforts, une mobilisation de tous les instants et une expérience humaine inoubliable. "Nous nous sommes aperçues que deux plus deux n’est pas égal à quatre, mais à bien davantage'', raconte Karen. JANVIER 2020 MOSAIQUES 67


L’ŒIL DES FEMMES

Nous avons été impressionnés par le bonheur que leur procurait des cadeaux qui nous paraissent minimes, comme un ballon.

Une vie quotidienne inhabituelle, des rencontres exceptionnelles

Arrivés sur place, début juillet, les enfants et leurs mères partent pour un safari de trois jours avant de rejoindre Kisumu. ''Nous étions les seuls Blancs et la population locale nous a accueillis avec enthousiasme''. Si les habitants sont habitués à voir des bénévoles, ils n'avaient jamais vu un groupe aussi important et, qui plus est, composé à moitié d'enfants. ''Nous avons été impressionnés par le bonheur que leur procurait des cadeaux qui nous paraissent minimes, comme un ballon''. Epaulés par une organisation locale, Golden Girls, les Israéliens vont proposer chaque jour des activités aux enfants du village : sport, théâtre, décoration de l'école ou protection des animaux. Et pour conclure la semaine en beauté : une journée Israël. ''Nous leur avons apporté de la matsa, des bambas et des drapeaux'', raconte Karen. Mais l'action humanitaire ne se limite pas aux loisirs ou au folklore, loin de là. Parents israéliens et professeurs kenyans 68 MOSAIQUES JANVIER 2020

échangent sur la façon d'enseigner, la place de l'enfant à l'école. L'abîme culturel est immense, chacun apprend de l'autre. Les adolescents israéliens sont reçus dans les maisons de deux femmes du village et entendent le récit d'un quotidien aux antipodes du leur. "Les enfants et nous avons appris sur la vie dans ces contrées et à quel point on peut se contenter de peu''. En effet. Le groupe loge dans un bâtiment encore en construction, sans électricité – ''à partir de 18h, nous nous éclairions à la lampe de poche, les téléphones étaient hors service et nous en profitions pour jouer ensemble et échanger''. Les toilettes sont à l'extérieur de la maison et l'eau est amenée par des tuyaux spécialement posés pour les Israéliens. Passionnante mais éprouvante physiquement, la mission sera couronnée de succès. Quelques semaines après le départ de Karen, Nivi et leurs amis, le terrain de basket accueillera ses premiers joueurs qui enverront aussitôt aux Israéliens les clichés de leurs mines ravies. Des photos de Bat Mitsvah uniques en leur genre.

© PHOTOS - Andersen


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J’AI CHANGÉ DE VIE

PAR CATHY CHOUCROUN AVEC STUDIO QUALITA

Vivianne Chalom, 53 ans

MA DATE DE NAISSANCE : 20 juin 1966 Où : Paris XIIème MES ORIGINES : Multiples MA SITUATION FAMILIALE : Célibataire

HIER : Professeur d’histoire-géographie à Paris AUJOURD'HUI : Equithérapeute dans un kibboutz

LA PHRASE QUI ME GUIDE :

Je vaux ce que je veux (Paul Valéry)

MA VIE D’AVANT

J’étais professeure d’histoiregéographie à l’école Yavné de Paris. J’avais une petite vie bien réglée et j’en étais ravie. J’adorais mon job et mes élèves.

LE JOUR OU J’AI VOULU CHANGER DE VIE

A 41 ans, un matin après treize ans d’enseignement, je me suis réveillée en me disant : "ça ne peut pas continuer comme ca !" J’avais envie de soleil de renouveau..j’ai décidé de changer de vie ce matin-là.. et un mois après j’étais à Netanya.

MA PLUS GROSSE GALERE

Plutôt mes plus grosses galères ! Je ne parlais pas l’hébreu et comme je n’avais pas préparé mon changement de vie, il fallait que je travaille. Je voulais m’intégrer à tout prix, j’ai donc été travailler à l’usine. J’étudiais l’hébreu le matin et la nuit je travaillais à l’usine. J’ai aussi été femme de ménage dans une grande surface. Je ne voyais pas d’horizons s’ouvrir, je me disais que je n'allais jamais m’en sortir.

LA PROMESSE QUE JE ME SUIS FAITE

A l’usine je découvre un monde complètement étranger. En même temps j’avais l’impression d’être dans le film de Charly Chaplin Les temps modernes. 70 MOSAIQUES JANVIER 2020

Je côtoyais une population uniquement immigrante, des gens de tous âges qui n’avaient pas pu apprendre l’hébreu pour des raisons diverses et variées. Certains étaient médecins, d’autres avocats mais ils avaient dû travailler tout de suite, en quelque sorte ils s’étaient sacrifiés pour leurs enfants. Je dois dire que j’ai eu beaucoup de respect et énormément d’admiration pour eux. C'est l’Israël des petites gens qui se battent pour vivre. Ça m’a fait un véritable électrochoc et je me suis promis quoiqu’il arrive : j’aurais le même niveau de langue que j’avais en France, c'est-à-dire un langage universitaire.

MA PLUS GRANDE JOIE

Quand j’ai fini l’oulpan, j’étais trop fière de moi, je me suis dit : t’es la meilleure du monde tu as passé tous les niveaux, tu n’as pas échoué une seule fois, tu as réussi tous les examens, ça y est tu es bilingue !

APRES L’USINE

J’ai suivi une formation en hébreu pour être guide à Yad Vashem, puis en Pologne. Je voulais aller sur ces lieux-là. Je voulais transmettre aux jeunes générations. Pourtant j’ai arrêté de guider. J’avais une sorte de conflit intérieur entre la nécessité, de travailler et d’être payée pour le faire et

ma conscience. Je ne pouvais pas gagner cet argent, ça m’a brûlé les doigts. Alors je suis redevenue prof pendant onze ans au lycée de Holon Mikve Israël.

LE JOUR OU J’AI DECIDE DE REALISER MON REVE

0n a tous des rêves et puis la vie nous emmène bien loin d’eux. J’avais 51 ans, il me restait 20 ans de carrière, à ce rythme je n’allais jamais réaliser mon rêve, celui que je nourris depuis l’âge de 7 ans : travailler avec des chevaux, et vivre au kibboutz. Alors une fois de plus j’ai tout lâché et j’ai suivi une formation d’équithérapeute.

ET MAINTENANT HEUREUSE ?

J’ai déménagé au kibboutz Nahshonim, moi la super urbaine, un endroit fabuleux prés de Rosh Ayin où seul le silence règne. J’habite dans la nature, au milieu des oiseaux. Le matin, j’éduque mes 21 chevaux et l’après-midi je reçois les enfants. Aujourd’hui je me connecte à leurs âmes pour leur redonner confiance en eux par l’intermédiaire du cheval. Je suis vraiment très très heureuse de cette nouvelle vie, je ne changerai plus, promis ! Ça a été une galère, mais je l’ai voulu….je suis devenue une vraie israélienne. Je vaux ce que je veux !


CHRONIQUE

One, two, three VIVA LA DÉMOCRATIE ! Trois fois... ça y est, c'est officiel on va aller voter pour la troisième fois. Et je ne sais pas vous mais moi, ça ne m'enchante pas du tout. PAR SEFWOMAN Humoriste

I

sraël est un pays magique. Dès que tu te détournes d’un centimètre de la file d’attente à la caisse d’un supermarché, on te prend ta place en mode «pardon mais on n’a pas que ça à faire». Dès que le feu passe au vert t’as à peine le temps de respirer que douze voitures derrière te klaxonnent en mode «pardon mais on n’a pas que ça à faire». Dans les grosses boites, on fait des réunions debout pour aller droit au but parce que «pardon mais on n’a pas que ça à faire». Et là, les mêmes vont aller sans moufter voter pour la troisième fois. Trois fois c’est beaucoup. Trois fois c’est deux fois de trop. Alors, oui c’est vrai, au début on a kiffé. Nous, francophones d’Israël, oleh plus ou moins hadash, on a vibré en glissant notre bulletin dans l’urne. On a même immortalisé le moment en le postant sur Instagram et Facebook devant la mine blasée des assesseurs qui exceptionnellement avaient rangé au placard leur air «pardon mais on n’a pas que ça à faire». Trois fois. Trois fois ! J’ai une théorie. Si on doit s’y reprendre à trois fois pour faire quelque chose c’est que cette chose n’est pas pour nous. Ross de Friends s’est marié trois fois (Caroll, Emily, Rachel à Las Vegas). Quand vous voulez retirer de l’argent, vous n’avez le droit qu’à trois tenta-

tives pour faire votre code. Trois, c’est une bascule. Si vous avez trois filles (ou trois garçons mais comme on le sait ça passe mieux) vous n’avez que 15% de chances d’avoir un enfant de l’autre sexe. 3 c’est plus qu’un chiffre, c’est une bascule. Après 3, on rentre dans une dimension où l’échec est la règle. Allez demander à l’acteur Vincent Lindon, qui cumule cinq nominations au Césars et zéro statuette ce qu’il en pense. Je ne le connais pas mais je suis certaine d’une chose. La troisième fois, assis dans son beau smoking le soir de la cérémonie, il a commencé à arrêter d’y croire. François Bayrou le dit d’ailleurs très justement «Une fois c’est un hasard, deux fois c’est une coïncidence, trois fois c’est un schéma». Bref, nous sommes partis pour y aller pour la 3e fois. L’entrain, la conviction et le sentiment du devoir accompli plus ou moins entamé. Le 2 mars prochain prochain, on aura tous ce sentiment étrange, cette perplexité qui nous tient comme quand on est perdu en voiture et qu’on reprend - sans en avoir la certitude - le même rond-point qu’il y a 10 minutes. Oui. Trois fois c’est beaucoup, trois fois c’est trop. Mais rassurez-vous mes chers compatriotes. Trois fois ça ne sera toujours pas assez pour convaincre nos détracteurs qu’Israël est une démocratie. JANVIER 2020 MOSAIQUES 71


TORAH

La Parole,

racine de la réalité PAR LE RAV OURI CHERKI

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a signification originelle du concept de « parole » a été oubliée. Dans la culture moderne la parole est devenue un simple outil destiné à transmettre de l’information, à tel point que nous sommes convaincus qu’une balle de fusil peut blesser plus qu’une parole. En vérité, nous devons savoir que la parole est à la source de l’existence de la réalité : « Par la Parole de l’Eternel les cieux se sont formés et par le souffle de Sa bouche toutes leurs armées…Car Il a parlé et tout naquit, Il a ordonné et tout fut érigé… » (Psaume 33, 6-9). Ce qui génère la réalité toute entière est la volonté divine qui s’exprime par une Parole qui se concrétise progressivement

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jusqu’à ce qu’elle se dévoile à nous de manière concrète sous la forme du monde naturel. La Parole est donc à l’origine de la réalité et le fait que l’Homme possède la Parole constitue une intervention de Dieu dans la nature, qui accorde de ce fait à l’Homme une mission particulière. Par le passé, les gens pensaient que Dieu se trouvait dans le Ciel, et depuis Copernic et Galilée ils ont compris que ce n’est pas le cas. On pensait aussi à une époque que Dieu se trouvait sur terre, mais depuis que l’idolâtrie a disparu on a compris que ce n’était pas le cas. Dans ce cas, où est Dieu ? Le Maharal de Prague enseigne : « Dieu se trouve dans la Parole de l’Homme». Par conséquent, celui qui connaît le secret de la Parole pourra comprendre le secret de la réalité.


JUIFS D'AILLEURS

Curaçao :

l'antique communauté des Caraïbes

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a synagogue Mikve Israël-Emmanuel de Willemstad à Curaçao est la plus ancienne des Caraïbes toujours en activité. Elle a été bâtie en 1730 alors que les premiers Juifs s'établissent dans cette île des Petites Antilles dès le milieu du XVIIème siècle. Les Juifs de Curaçao viennent des les Pays-Bas, du Portugal et d'Espagne. Ils ont fui l'Inquisition. La

communauté fut longtemps la plus prospère d'Amérique du sud. Au début du XXème, elle reçoit le renfort de Juifs ashkénazes fuyant les persécutions en Europe. Aujourd'hui environ 350 Juifs vivent à Curaçao. Ils entretiennent une école juive et un centre culturel juif dont le musée contient notamment dix-huit rouleaux de la torah et un bain rituel datant du XVIIIème siècle.

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EMOTION

Voir Jérusalem et pleurer Des rescapés de la Shoah pour la première fois en Israël PAR AVRAHAM AZOULAY 74 MOSAIQUES JANVIER 2020


© Réouven Fitoussi, Havaya Israelit

A 81 ans,j'ai fait ma Bar Mitsvah cela m'a coupé le souffle

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n novembre dernier, à l'initiative du FSJU, et en coopération avec l'Expérience Israélienne, près de 80 Juifs français rescapés de la Shoah ont visité Israël. Dès les premières heures du voyage ils se sont rendus au Kotel. Ce premier contact avec ces pierres millénaires a bouleversé les participants. Moment particulièrement fort : la célébration des bar et bat mitsva de membres du groupe. Pour la plupart éloignées de la vie juive, ces personnes ont renoué avec leurs racines. ''J'ai fait ma bar mitsva à 81 ans'', s'est ému un participant, ''cela m'a coupé le souffle. Sur le moment, je ne réalisais pas vraiment. En prononçant les prières en hébreu, j'ai ressenti quelque chose de très fort. Je l'ai vécu intensément. Je vais le raconter à mes enfants et petits-enfants. Ils ne voudront pas le croire ! C'est une renaissance spirituelle''. Roland Marx, un autre participant, a été baptisé protestant. Mais toute sa vie, il s'est senti juif. Il n'a pas pu contenir ses larmes devant le Kotel: "C'est la première fois que je viens en Israël, cela m'a pris aux tripes. Pendant la guerre, j'avais 3 ans. Pendant près de deux ans, j'ai été un enfant caché près de Lunéville. Mes parents étaient dans la Résistance. Etre là aujourd'hui, pour la première fois, est un symbole très fort.''

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PORTFOLIO

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Le retour de LA TRIBU PERDUE Dans le nord-est de l’Inde, près du Bangladesh, Bengladesh, des milliers de Juifs sont parvenus à maintenir une pratique du judaïsme durant 2700 ans. Les Bné Menashé, les enfants de Manassé, disent descendre de l’une des dix tribus perdues d’Israël. Et ils n’ont jamais renoncé à leur rêve : revenir sur la terre d’Israël. Textes et photos : Michal Fattal

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Un si long exil Les Bné Ménashé auraient été exilés par les Assyriens, huit siècles avant notre ère. La tradition orale de la communauté raconte que la tribu a erré à travers la Perse, l’Afghanistan, le Tibet et la Chine avant de s’établir en Inde. Durant leur exil, les Bné Ménashé ont perpétué le judaïsme de leurs ancêtres : le respect du shabbat, des lois alimentaires, des lois de pureté familiale et la célébration des principales fêtes

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Se convertir pour immigrer en Israël Au fil des siècles, les Bné Ménashé devinrent animistes. Puis, au XIXème siècle, des missionnaires chrétiens les ont convertis et leur ont enseigné la Bible. La communauté découvre alors d’où proviennent ses traditions ancestrales. 80 MOSAIQUES JANVIER 2020

Une partie d’entre eux décide de revenir au judaïsme. En 2005, le rabbinat d’Israël a officiellement considéré les Bné Ménashé comme une tribu perdue. Pour obtenir le droit d’immigrer en Israël, ils doivent entamer un processus de conversion.


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Des confins de l’Inde aux implantations de Judée-Samarie Ces dernières années, 3000 Bné Ménashé ont immigré en Israël. A chaque arrivée, les familles déjà sur place viennent accueillir les nouveaux venus. Ils sont répartis dans des centres d’intégration à travers le pays. Certains choisissent de s’installer dans les implantations de Judée-Samarie comme Kyriat Arba

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Le défi de l’intégration Une fois sur place, les Bné Menashé suivent le parcours d’intégration classique. Ils étudient l’hébreu et souvent apprennent un métier. L’écart de développement entre l’est de l’Inde et l’Etat d’Israël ne facilite par leur intégration, à l’instar des Juifs d’Ethiopie. JANVIER 2020 MOSAIQUES 87


LES DOUZE MOTS DE

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ENFANCE

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LES DOUZE MOTS

LE VOLLEY

DE

J’ai été capitaine de l’équipe de France

Un moment très exceptionnel dans ma vie parce qu’un moment de fraternité audelà du sport, un moment d’amitié avec des garçons qui m’entouraient qui étaient comme une seconde famille. J’ai vécu ça comme un instant sans calcul ou seul le plaisir était là. Il n’y avait plus d’arrière-pensées et pas d’angoisses à part celle de gagner ou perdre. Aujourd’hui on vit tous d’angoisse, d’inquiétudes permanentes pour nos enfants ce qui est assez logique dans le monde actuel.

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Elie Chouraqui

ANOUK AIMÉE

© Sylvie Castioni

Sans doute pour tout le monde une des plus belles périodes de la vie. On a la naïveté, la méconnaissance des choses qui nous font mal. Mon enfance c’était cette espèce d’insouciance sans autre désir que de me lever et me coucher de bonne humeur. J’ai grandi à Paris dans une famille très protectrice car j’étais le dernier.

C’est la première femme qui était pour moi la femme la plus importante dans ma vie affective et professionnelle c’est elle qui a eu confiance en moi et qui m’a donné confiance..Ecrire, faire un film alors que je n’avais que 23 ans… J’étais tout jeune elle m’a porté, elle m’a aidé. C’est sa confiance qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier et de démarrer dans ma vie professionnelle.

CLAUDE LELOUCH

Le frère, le père, l’ami, le copain c’est la rencontre que je souhaite à tout le monde. Quelqu’un qui remplit beaucoup de cases qui étaient vides. Il m’a fait un don extraordinaire : le don du cinéma. Quand je l’ai rencontré je ne savais pas comment on faisait un film… Une amitié qui dure depuis cinquante ans. 88 MOSAIQUES JANVIER 2020

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PAROLES ET MUSIQUES Mon premier grand succès cinématographique que je souhaite à tout le monde. Un film que j’ai fait dans les années 80 et qui est devenu culte. Les gens en parlent encore aujourd’hui avec émotions dans la voix car c’est un film qui a accompagné cette génération des années 80. Vous mesurez l’importance d’un film à combien il est important pour vous mais aussi pour les autres.


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LES MARMOTTES Avec Danielle Thompson on avait réinventé quelque chose qui avait disparu, c’est le film choral. On raconte une histoire d’un groupe d’hommes et de femmes comme si l’histoire était mélangée à l’infini, comme si elles étaient interdépendantes l’une de l’autre. Un film extrêmement émouvant car on a mis beaucoup de choses à nous. Un film également qui a marqué les cinéastes qui je vois enchainent les films choraux.

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JAFFA

J’adore l’endroit, il habite une poésie extraordinaire. Un endroit de paix où tout à coup Juifs et Musulmans vivent en harmonie même s’il y a quelques accrochages mais qui restent rares. Cette ville est belle. Je vais en Israël pour retrouver mon olivier pas pour vivre dans un building au bord de la mer. Jaffa est un lieu qui m’a tout de suite attiré quand je suis arrivé.

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LA FRANCE

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L'ALYA

C’est une aventure. J’ai toujours été quelqu’un qui prenait soin de tenter les choses, de voir ce qu’il y avait, ce qu’un mouvement pourrait avoir de passionnant. C’était indispensable pour moi de vivre ça, de voir comment je pouvais, dans ce qui est mon pays et en même temps un pays étranger, arriver à m’adapter. C’est assez neuf. Je suis au début de cette découverte, de cette aventure. Tous ceux qui ont fait l’Alya savent combien cela peut être un moment exaltant ou plus difficile. On rencontre une société à laquelle on n’est pas habitué, de nouvelles mœurs… Le tout c’est de voir si on peut s’y habituer alors que l’on n’y a pas grandi et que l’on n’a pas forcément les codes.

Fantastique opportunité. C’est toujours merveilleux pour un homme de mon âge de découvrir un nouveau métier. Cette chaine est remarquable, une sorte de tour de Babel. Un lieu qui est rare dans le monde voire unique. J’ai une grande liberté. Je rencontre les gens que j’ai envie de rencontrer. C’est un immense privilège.

Mon pays que j’aime comme j’aime Israël avec ses défauts et ses qualités à la fois. Comme une femme qu’on peut un peu détester mais au bout de cette détestation il y a l’amour. Cette terre extraordinaire est en danger pour des raisons économiques, sociales liées à la population, la religion. La France est toujours novatrice, elle invente son histoire au fil des siècles et elle est précurseur des évènements c’est-à-dire qu’elle est toujours la première à ressentir le plus de bonheur, à révolutionner le monde, la première à être abimée, violée, massacrée. La France et aussi sa forme de résilience extraordinaire et en cela elle est admirable.

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PROCHE ORIENT

J’ai l’impression que les israéliens se donnent un mal fou pour être malheureux face à cette douceur de vivre le soleil, la mer…mais pas seulement je parle aussi des Irakiens, des Iraniens, des Libanais. Je pense à tous ces pays et je me dis que si un jour on arrive à créer l’Europe au ProcheOrient, les hommes se rendraient compte combien la paix est plus forte que la guerre.

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QU'EST CE QUI FAIT COURIR ELIE ?

La vie. J’aime la vie. De l’eau qui coule quand je suis assoiffé. Chaque jour je me révolte dès que j’ai le sentiment d’avoir gâché une journée. Je résumerai le plaisir de vivre avec cette chanson écrite par Maxime Leforestier et tirée de la comédie musicale SPARTACUS réalisée juste après les dix commandements :

Il m’a dit n’en veux pas à la vie, quitte-la sans rancune. Nous n’avons que la vie et nous n’en avons qu’une. Ces paroles sont très justes car la vie amène parfois de mauvaises surprises,peut nous faire du mal mais en même temps être tellement extraordinaire. JANVIER 2020 MOSAIQUES 89


PSYCHO

Des bienfaits

solitude de la

Georges Moustaki voit la solitude comme une compagne, une habitude, avec laquelle il n’est jamais seul. Et vous, aimez-vous la solitude ? La solitude est un des sentiments les mieux partagés. Tout le monde y a droit, toutes générations confondues, et ce tout au long de la vie. La solitude n’est pas l’apanage des séniors et ne correspond pas toujours à un isolement. En hébreu, être seul correspondrait à lihiot levad, alors que se sentir seul se dirait lihiot boded. PAR MARYSE ROTENBERG 90 MOSAIQUES JANVIER 2020

Peut-on parler de solitude chez les enfants, chez les ados ?

Certainement car si l’enfant ou l’ado éprouve un manque, par exemple le manque d’un meilleur ami qui le ferait se sentir unique, ou bien une timidité exacerbée, ou un mal-être, il peut s’installer dans une spirale qui risque de devenir pesante. Il pourrait alors assimiler ce sentiment à de l’abandon, au deuil, ce qui entraînerait détresse ou souffrance. Cependant pour lui aussi la solitude est un espace nécessaire qui restitue un temps de retrait, de vide même, pour mieux se régénérer.


Les bêtises de la vie comme le bonjour de la boulangère, c’est l’oxygène de l’âme. BORIS CYRULNIC

L'adulte comprend-t-il et discerne-t-il l'isolement de l'enfant ? La légitimité provient essentiellement du regard bienveillant de l’adulte proposant un dialogue. L’enfant cherche à être reconnu comme être pensant et questionnant le monde mais pour penser, il doit se sentir légitime et supporter de se séparer affectivement d’autrui. On peut lui proposer des moments de silence (seul ou accompagné dans ce silence) pour se ressourcer, se concentrer, et décompresser. L’enfant doit poser son attention sur son corps en train de respirer, et ce pendant 1 à 3 minutes, il n’y a pas d’ordres ou d’interdits… Juste respirer pour faire baisser le stress comme après une course. Cela peut paraître étonnant mais les enfants y adhèrent et ces moments de décompression sont déjà expérimentés à l’école primaire et peuvent être très utiles pendant l’adolescence. C’est un outil de rééquilibrage et d’apaisement. Parlons de la solitude chez l’adulte… Le problème se retrouve bien évidemment à l’âge adulte chez les célibataires, chez les

personnes divorcées ou veuves. On peut considérer ces solitudes comme traumatiques, parfois chroniques. C’est un sujet complexe qui peut à lui-seul faire l’objet d’un autre article.

Et chez les séniors ? Chez les séniors, la solitude se manifeste différemment. L’allongement de la durée de vie ne correspond pas toujours à une qualité de vie. La perte du conjoint, la dissolution familiale ou la distance géographique avec la famille sont autant de facteurs de solitude. Par ailleurs, des problèmes physiques peuvent apparaitre, tels que la perte progressive d’autonomie, des problèmes auditifs ou visuels qui poussent les séniors à rentrer dans leur bulle ou à se renfermer sur euxmêmes, n’osant pas toujours demander de l’aide et déranger. De même, des problèmes économiques ou une baisse du niveau de vie entrainent l’isolement et la raréfaction des sorties et des contacts. Que disent les grands spécialistes ? D’après Boris Cyrulnic, il existe une biologie de la solitude. Trois semaines d’isolement verbal peuvent donner lieu à

une atrophie cérébrale. L’acte de parole est une stimulation cérébrale et empêche la défaillance de l’âge. Les bêtises de la vie comme le bonjour de la boulangère, faire ses courses tous les jours, c’est l’oxygène de l’âme. Il suffit d’ailleurs de se promener dans des marchés ou des supermarchés pour croiser un grand nombre de personnes âgées.

Sommes-nous suffisamment à l'écoute ? Chez les séniors, ce qui est important, c’est leur histoire, à condition qu’on leur donne la parole. Les moadonim (clubs pour personnes âgées) en Israël et les nouvelles maisons de retraite font la part belle à la rencontre et à la communication, ainsi qu’aux jeux comme le scrabble ou le bridge. Il faudrait à notre échelle adopter des gestes comme appeler ou rendre visite, et donner de son temps d’une façon ou une autre. Une émission israélienne en plusieurs volets intitulée' shmonim ve arba' « 8o et 4 », (jeu de mots pour une rencontre entre octogénaires et enfants de 4 ans.), a remporté un vif succès. Elle proposait des activités intergénérationnelles et chacun était surpris du plaisir de ces échanges. Elle déclenchait même chez le téléspectateur une empathie voire une projection. La solitude est un processus qui nous fait passer d’une situation de dépendance à une situation de responsabilité et de liberté. La solitude serait donc en quelque sorte notre maturité.

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LES RECETTES DU MOIS

Les beignets de Rivkounette

Préparation Mettre tous les ingrédients dans le bol du mixer. Pétrir la pâte 1/4 d'heure à vitesse moyenne (ne pas raccourcir le temps). Laisser lever 1h 1/2 et toutes les 1/2 heures rabaisser la pâte.

Ingrédients

(pour 25 beignets environ)

500 gr de farine 1 c. soupe de levure de bière sèche 1 oeuf 1 c. soupe de sucre 2 c. soupe d'arak ou rhum 1/2 c. café de sel 1 c. soupe d'huile 2 verres d'eau tiède 92 MOSAIQUES JANVIER 2020

Faire chauffer une grande marmite avec de l'huile et quelques morceaux de carottes (qui éviteront que l'huile ne noircisse) jusqu'à 160 degrés. Mouiller les mains et prendre une boule de pâte, former un trou dans le centre et déposer dans l'huile. Faire frire des 2 côtés tout en conservant la température de l'huile. Déposer sur un plateau recouvert de papier absorbant.

Avant de servir. Rouler dans le sucre ou le miel. Hanouka sameah !


Crème caramel au beurre salé

de Guila

Ingrédients

400 grammes de sucre 200 grammes de beurre salé 500 grammes de crème fraîche liquide 32 % à 38 %

Préparation Faire un caramel avec le sucre (à petit feu, attention de ne pas le brûler). Mettez le beurre à fondre sur le caramel en remuant, rajoutez la crème fraîche et mélangez constamment, il ne doit pas rester de caramel solide. La consistance de la crème dépendra du temps de mélange sur le feu, plus la cuisson se prolonge plus la crème sera épaisse.

Conseils Mettre dans un pot et garder au réfrigérateur, la crème prend encore de la consistance dans le réfrigérateur, une délicieuse crème !!! Cette crème peut servir à farcir des crêpes, des choux que vous pourrez farcir de crème pâtissière et sous le chapeau du chou une couche de crème caramel au beurre salé, un vrai délice, les gaufres et sans oublier bien sur les beignets de Hanoucca !

JANVIER 2020 MOSAIQUES 93


LES BONNES TABLES

94 MOSAIQUES JANVIER 2020


La cuisine israélienne

© Olivia Schmoll

règne à Paris

Trouver du houmous ou des falafels n’a jamais été difficile à Paris, avec les nombreux restaurants libanais ou syriens installés de longue date dans la capitale. Mais désormais, il est également facile de se régaler de shakshoukas, borekas, sabihs ou autres schnitzels. Ces quatre dernières années, près d’une vingtaine de restaurants israéliens ont ouvert leurs portes à Paris.

M

ercredi, aux alentours de midi, la pression monte rue des Jeûneurs. Habitués, travailleurs et passants se pressent pour pouvoir s’asseoir dans ce restaurant à la devanture jaune poussin. La file devant le comptoir « à emporter » s’allonge. Mais, c’est avec une rapidité sans pareille que Omri, 22 ans, coupe les baguettes de pain, avant de les garnir de bœuf confit pour le Bakar, d’avocat pour le Laly ou de poulet pané pour le fameux sandwich au schnitzel, la spécialité du mercredi chez Salatim. A l’intérieur, les chanteurs Omer Adam et Itay Levi donnent le ton. L’ambiance y est conviviale, le tutoiement la norme. La cuisine et la salle ne font qu’un dans ce petit restaurant de 30 m2. Les cuisiniers sont français, finlandais, roumains ou israéliens. On y parle toutes les langues, dont l’hébreu, la langue maternelle de Yariv Berreby, chef et propriétaire du restaurant. « La cuisine israélienne fait passer un message de plaisir, d’abondance sur les tables. Salatim reprend les codes des cantines que l’on retrouve partout à Tel Aviv. Ça manquait à Paris. On peut y manger sur le pouce tout au long de la journée, partager des petites assiettes, un peu comme à la maison », explique le chef, arrivé en France à 18 ans pour étudier la cuisine dans la célèbre école Ferrandi. JANVIER 2020 MOSAIQUES 95


Yariv Berreby n’est pas le seul à avoir voulu importer la cuisine israélienne à Paris. Ima, Yafo, Doron, Salon Marais, Levantine, Shouk, Miznon, Tavline, Chiche… Depuis 2016, une vingtaine de restaurants aux noms évocateurs ont ouvert leurs portes dans tous les arrondissements de la capitale. Tous proposent des plats typiques, parfois revisités. Sandwich au pastrami chez Chiche, patates douces au four accompagnées de labneh chez Salon Marais, shakshouka chez Doron… On retrouve aussi dans ces cuisines méditerranéennes toutes sortes d’épices et d’herbes, dont la plus connue, le zahatar, vient relever les viandes, les poissons et les assiettes de légumes. À quelques pas de Salatim, dans le 2e arrondissement, le célèbre chef israélien Assaf Granit vient d’inaugurer son nouveau restaurant parisien : Shabour. Déjà propriétaire de Balagan, dans le 1er arrondissement, adresse branchée où de forts accents israéliens résonnent en cuisine, il continue de s’implanter à Paris. À la carte, du poulpe à la harissa, du filet mignon au caviar d’aubergine, des plats français agrémentés d’une touche levantine. Ici, comme dans la plupart des nouvelles cantines israéliennes, la casherout n’est pas respectée, on y sert des fruits de mer, voire du porc. Un restaurant haut de gamme, pour un ticket moyen à 50-60€. Mais malgré ses prix élevés, Shabour, comme son grand frère Balagan, sont complets des mois à l’avance. Une ambiance "telavivit", des petits plats à partager, des prix souvent raisonnables… ces adresses séduisent de plus en plus les Parisiens. À une époque où les produits d’origine animale sont boudés et le végétarisme prôné, la cuisine israélienne, qui offre souvent des assiettes de légumes, des desserts au lait d’amande ou de soja pour convenir à ceux désirant manger casher, correspond parfaitement à ces nouvelles tendances alimentaires. 96 MOSAIQUES JANVIER 2020

© PHOTOS - Olivia Schmoll

LES BONNES TABLES

LES BOULANGERIES LEVANTINES Après les restaurants israéliens, c’est aujourd’hui au tour des boulangeries levantines de se faire une place à Paris. A côté des boutiques traditionnelles du Marais, de nouvelles échoppes apparaissent. Des hallot et des pitot, des produits accessibles à tous qui concurrencent les baguettes classiques. Un mélange des deux cultures se retrouvent chez MaMi, dans le 10e arrondissement, avec un pain de campagne labneh-halloumi. Yariv Berreby vient lui aussi d’ouvrir une boulangerierestaurant, Maafim, dans le 2e arrondissement. En plus de fournir en hallot et pitot son premier restaurant Salatim, cette seconde adresse propose aux amateurs de sucré des cakes au citron, des babkas façon pain perdu ou encore des bourekas. Et avec hannoucah qui approche, ces nouvelles boulangeries feront pour sûr la part belle aux incontournables beignets dans leurs vitrines.


JEUX SUDOKU

La règle Le but du jeu est de remplir ces cases avec des chiffres allant de 1 à 9 en veillant toujours à ce qu'un même chiffre ne figure qu'une seule fois par colonne, une seule fois par ligne, et une seule fois par carré de neuf cases. À vous de jouer !

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JANVIER 2020 MOSAIQUES 97


AIR DU TEMPS

On s'était dit rendez-vous à Hanouka Parfois le cours de notre vie a besoin d’être complètement bouleversé et réorienté, pour nous ramener au bon endroit. PAR AVRAHAM AZOULAY

L'

'existence vient nous bousculer quand nous devenons trop statiques, quand nous rentrons dans la spirale de l’habitude, de la facilité, dans cette zone de confort trop rassurante. En Israël, la réalité ambiante est tellement surprenante de dynamisme qu’elle nous fait parfois peur. Regardez juste ces troisièmes élections en un an. De quoi prendre un abonnement, non ? La vie nous impose de prendre des décisions, douloureuses parfois, souvent cruelles ou injustes, à nos yeux. Or, tout ce que nous recevons comme message, que nous ne comprenons souvent pas, n'a pas pour but de nous faire tomber. Au contraire, dès que nous commençons à sortir du brouillard sur notre route sinueuse, tout là-haut sur la montagne, nous apercevons alors les nuages, et soudain comme par miracle, le ciel, bleu, d’un bleu tellement pur, qu’il nous donne soudain l’espoir que tout est encore possible. Et comme par miracle tout vous sourit, et vous pouvez redescendre paisiblement.

98 MOSAIQUES JANVIER 2020

En sortant ce premier numéro de Mosaïques, nous apercevons déjà le ciel. Au loin ce bleu qui nous sourit, celui de l’espoir, que vous, lecteurs, allez apprécier ce travail intense accompli. A travers ces pages que vous venez de parcourir, nous venons de réaliser un rêve ! Grâce à Stéphane Amar, entouré de toute cette équipe gagnante de journalistes et essayistes professionnels, juifs et non juifs, d'ici et de làbas, ainsi que d’une équipe artistique design hors pair, nous avons travaillé avec acharnement et passion pour créer un nouvel univers de rêve, pour transmettre des messages éclairants, d’information, d’émotion, de couleurs, réunis dans un même magazine. On s’était dit rendez-vous à Hanouka, nous voilà ! Un petit miracle sucré que vous allez pouvoir savourer sur un bon fauteuil à la lumière chaleureuse de vos bougies. Votre avis nous intéresse, vos réflexions et critiques constructives nous permettront d’évoluer et de grandir, ensemble ! Hannouka Sameah’ !


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