Cinéma à lire mai 2015

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[ N°8 | MAI 2015 ] UNE PUBLICATION DE LA

L’AFFICHE DU MOIS L’Homme des hautes plaines Projeté lors de la Nuit des Studio, le 6 juin prochain, L’Homme des hautes plaines est le premier western réalisé par Clint Eastwood, après un premier film, Breezy, bluette sentimentale qui ne restera pas dans les annales du cinéma. Le film est sorti sur les écrans français le 23 août 1973 et son réalisateur a alors été catalogué d’héritier de l’extrême droite par une partie de la critique française. Qualifié de « conservateur américain new-look » par les moins virulents, certains allèrent jusqu’à le traiter de « fasciste » et même de « nazi ». Jean-Claude Guiguet, dans la Revue du cinéma, l’accusa de faire l’apologie du fascisme. À cause de sa violence et de ses idées, le film a été interdit aux moins de 13 ans à sa sortie. Le thème du héros vengeur, venu réparer une injustice en imposant sa loi par la peur, a maintes fois été utilisé au cinéma. Pour autant, ces autres films n’ont pas reçu l’accueil mitigé de L’Homme des hautes plaines. Par exemple, Le Mercenaire de minuit de Richard Wilson sorti en 1964, fut interprété comme une parabole contre le racisme et la violence. L’affiche française est de Landi mais il s’inspira largement de l’affiche américaine. Il l’a stylisée en

y accentuant de manière excessive les perspectives, procédé largement utilisé dans les années 70 (Inspecteur Harry, Magnum Force, etc.). Il n’y a qu’un personnage qui remplit, à lui tout seul, l’espace. Le titre et le nom de l’acteur sont inscrits en lettre, façon western, pour appuyer le style du film. La contre-plongée et la présence d’une arme dans chaque main accentue la toute puissance du personnage. Le camaïeu d’orange, qui rappelle les teintes d’un ciel embrasé, sert de fond au graphisme noir et blanc. Au premier coup d’œil, on sait que l’on verra un film où la présence de Clint Eastwood sera forte. Geoffrey Lewis, qui nous a quitté dernièrement, y tourna avec Clint Eastwood pour la première fois, avant de le retrouver régulièrement (Dur doux et dingue, Ça va cogner, Pink Cadillac etc.).


RENCONTRE

Patrick Laurent

L’écriture du scénario d’un film est une pratique mystérieuse. En quoi consiste-t-elle vraiment ? Quelles en sont les spécificités et en quoi diffèrent-elles de celles du roman. C’est ce que Patrick Laurent, lui-même scénariste depuis plus de 30 ans puis écrivain, nous dévoile lors d’une rencontre instructive et passionnante le 21 avril dans la bibliothèque. Un peu d’histoire... Au début du siècle, à la période du cinéma muet, le scénario est très mince (moins de 25 pages), seules les images comptent. Avec le parlant c’est l’arrivée du théâtre dans le cinéma, l’intrigue prend le pas. Seule l’histoire et les dialogues comptent. Le spectacle devient un divertissement qui doit être générateur de profit. À partir des années 30, à Hollywood le règne des scénaristes des grands studios est sans partage. Ils sont très nombreux (140 à la MGM, 110 à la Paramount). Leurs scénarios sont respectés à la lettre et les noms des réalisateurs sont peu connus. À l’arrivée en Europe du néo-réalisme et de la nouvelle vague, dans les années 60, les formes narratives du film se modifient. Ce sont les débuts du « cinéma d’auteur » en France où scénariste et réalisateur sont souvent la même personne. Cette expérience influencera le cinéma mondial. Qu’en est-il aujourd’hui ? La situation a peu changé. Deux types de films existent : les films de scénario où l’intrigue règne souverainement, la mise en scène en étant l’illustration, et les films d’auteur où l’écriture est essentielle, elle ouvre l’espace de l’imaginaire, ne manipule pas le spectateur, ce sont : Nuri Bilge Ceylan, Naomi Kawase, James Gray, Bruno Dumont, Bertrand Bonello, pour eux les rapports du scé-

nario et de la mise en scène ont volé en éclats. Même si l’influence de la nouvelle vague a été décisive, le scénario doit raconter une histoire, la liberté ne suffit pas, le fonds et la forme se mêlent, donnant au film un point de vue moral et esthétique. Il est donc temps de préciser ce qu’est un scénario et ce qui l’éloigne du roman. Le scénario développe des images, des mouvements, des émotions, c’est le royaume de l’incarnation. Il tient captif l’imaginaire, C’est une écriture contrainte par un budget, un temps, le marché des images. C’est pourquoi l’adaptation de textes littéraires est toujours un exercice périlleux et les écrivains font souvent de mauvais scénaristes, même si beaucoup d’entre eux pensent que leurs écrits pourraient faire de bons films (un peu par calcul.). Ils doivent tenir compte du coût du film, c’est une donnée incontournable. Au cinéma, on écrit pour le spectateur, dans un roman on écrit pour soi, dans la liberté, l’imagination, le goût de la langue. Le cinéma c’est l’écran, le roman ce sont des données pure

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MAGAZINES

ment mentales. Au cinéma, il faut trouver des situations pour incarner des pensées, l’espace et le temps sont construits artificiellement pour retenir le spectateur. À l’aide d’un ensemble de techniques, le scénariste fait tenir une vie en 2 heures pour que le temps fictif du film s’impose comme le temps réel. Le film de fiction l’a emporté sur les autres types de films (documentaire, historique, scientifique) c’est la loi du marché. Le rendement émotionnel assure l’efficacité du spectacle et les règles scénaristiques l’optimisent. Elles sont à leur comble dans les séries télévisées ou le formatage narratif est souvent la norme. Le scénario est un état passager, transitoire, fantôme mais il doit être précis, technique. Même les dialogues sont différents de ceux des romans car ils sont incarnés, l’image les montre elle aussi, Être scénariste c’est une frustration absolue. La littérature n’y a aucune part, C’est un déchirement entre contrainte et excitation. Ainsi le scénariste est plus proche du réalisateur que de l’écrivain. La soirée se poursuit avec la projection de Sunset Boulevard de Billy Wilder, scénariste et metteur en scène pour un film montrant la vie d’un jeune scénariste du temps de la suprématie des studios américains à Hollywood dans les années 50. Un bel exemple.

Cinémas d’Amérique Latine

En 1991, un collectif d’associations de solidarité avec l’Amérique latine décide de créer l’ARCALT Association des Rencontres Cinémas d’Amérique Latine de Toulouse. Depuis lors, cette rencontre a lieu chaque mois de mars à Toulouse. Forum de discussion, son objectif est d’aider, de défendre et de faire connaître en France les cinémas d’Amérique latine. C’est une démarche militante de soutien. Puis, en mars 1992, l’ARCALT fonde une revue annuelle intitulée Cinémas d’Amérique Latine unique en Europe. La revue est éditée en version trilingue à partir de 1997, espagnol-français ou portugais-français, en format 21x29 et sur papier glacé. Le numéro 23 est paru fin mars 2015. La vingtaine de pays concernée a vu le jour au 19ème siècle sur les débris des empires espagnol et portugais, eux-mêmes bâtis sur l’anéantissement brutal et fulgurant des sociétés précolombiennes au 16ème. La présence VIDÉO EN POCHE de communautés indigènes, le passé colonial Nouveau dans notre catalogue* profondément inégalitaire, les guerres d’indépendance du 19ème, les guérillas marxistes, •Frances Ha de Noah Baumbach les dictatures militaires de la seconde partie *La bibliothèque des Studio dispose du catalogue Vidéo du 20ème siècle, autant d’étapes singulières en poche, qui vous propose un choix de films trop rares qui forment l’héritage culturel du monde latisur les écrans (fictions, documentaires, films d’animation). Le principe : contre 5 euros, vous repartez avec le no-américain. film sur votre clé USB - liste des films disponibles : www. Comment décrire la revue ? Unicité pour les videoenpoche.info/index.php raisons décrites ci-dessus, diversité car les

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Cinémas d’Amérique Latine | suite images des films nationaux sont un immense kaléidoscope à l’échelle d’un continent, résistance pour exister et se faire connaître hors du continent et ne pas être écrasé par la toute-puissance du grand voisin du Nord. « Nous qui ne sommes pas Hollywood », amère remarque d’un cinéaste, glanée au hasard d’un article. Les articles de la revue abordent le cinéma latino sous ses multiples facettes : - films sortis dans l’année écoulée - entretiens avec des réalisateurs jeunes ou confirmés, - rétrospective de l’œuvre et l’influence d’un réalisateur disparu - thématiques d’un cinéma national et un panorama des œuvres de ses réalisateurs - article s’intéressant à la situation « existentielle » présente ou passée d’un cinéma national. Les mots «renaissance», «renouveau», «mort temporaire», «cinéma neuf», «retour du cinéma», «reprise du cinéma», «signes de vie», «stagnation» témoignent d’états instables comme l’ont été trop souvent les sociétés en question ! - documentaires, les courts-métrages et le cinéma d’animation - description des politiques de soutien volontaristes mises en place par les gouvernements (Mexique, Cuba, Chili...), les écoles, l’enseignement du cinéma - dossier thématique sur les personnages historiques et héros mythiques des guerres de

libération du 19ème, l’homme noir dans le cinéma brésilien, la présence croissante de femmes réalisateurs, l’émergence d’un cinéma transgenre, l’adolescence, Che Guevara... - les nouvelles technologies, l’actualité cinématographique multiforme d’une ou plusieurs productions nationales Les pays et les peuples de l’Amérique latine sont à la recherche d’une conscience collective qui plonge ses racines dans un passé souvent tragique. Dans leur grande variété, les articles nous montrent comment le cinéma latino véhicule l’imaginaire, le réel mais aussi les aspirations du continent. La revue s’attache à promouvoir l’idée que le cinéma est un élément-clé du développement et qu’il doit engager un débat avec la société. Elle n’est donc pas dénuée d’une charge utopique. Vitrine des cultures cinématographiques du Nouveau Monde, souhaitons que la revue issue des Rencontres de Toulouse continue à nous informer sur les parutions récentes et à contribuer au développement et la présence sur la scène internationale de ces cinémas latino-américains.

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Le cinéma à lire | n°8 mai 2015 2 rue des Ursulines, 37000 Tours | http://biblistudio.wordpress.com


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