JANVIER-FÉVRIER-MARS 2020 #45
TEASING
À découvrir dans ce numéro... «NEURO-MARKETING ET SURVEILLANCE MASSIVE»
TOUR EIFFEL
LIBAN
KAKAPO
«UN NANAR FILMÉ COMME UN SAGOUIN»
P R O L É TAT U R E
ODORICO
SINGES ERASMUS
FALUCHARDS
«UNE APPROCHE LIBERTAIRE DU SPORT»
ÉDITO
ÉTUDIANTS = PRÉCAIRES « Aujourd’hui, je vais commettre l’irréparable. » Le 26 novembre dernier, Anas K. s’immolait devant le Crous de Lyon. Gravement blessé (brulé à 90 %), l’étudiant de 22 ans, depuis placé en coma artificiel, avait justifié sur Facebook sa tentative de suicide quelques heures avant son geste désespéré. « Si je vise le bâtiment du Crous, ce n’est pas un hasard (…). Je n’avais pas de bourses, et même quand j’en avais, 450 € par mois, est-ce suffisant pour vivre ? », pouvaiton notamment lire. Un message qui aura replacé – durant quelques jours – la question de la précarité étudiante dans l’actualité. « Les difficultés financières des étudiants, on en parle un peu plus depuis quelques semaines, mais ça fait des années et des années qu’elles existent », nous confiait dernièrement une bénévole de l’épicerie gratuite de l’université Rennes 2 (lire page 29). Une initiative loin d’être anodine lorsqu’on sait que 17 % des étudiants rennais déclarent ne pas manger à leur faim (sondage Audiar 2018). Un indicateur alarmant qui vient s’ajouter à un tableau déjà loin d’être folichon. Comme en atteste l’enquête publiée en septembre par la FédéB (fédération des assos étudiantes de Bretagne occidentale) et la FAHB (fédération des assos étudiantes de Haute-Bretagne) sur le coût des études dans la région. Hors frais universitaires, les dépenses de la vie courante (logement, alimentation, transports, téléphone…) représentent en moyenne un total de 958 € par mois (soit 1,79 % de plus que l’an passé). Une somme conséquente pour de nombreux jeunes, boursiers ou non (un tiers des étudiants bretons le sont), et une situation qui nuit à la qualité de leurs études. Une précarité pouvant parfois conduire à des choix contraints et subis : selon une étude de l’association Le Mouvement du Nid révélée en novembre, 4 % des étudiants de l’université BretagneSud seraient prêts à se prostituer pour palier un manque d’argent. La rédaction
SOMMAIRE 6à9 10 à 29 30 à 35 36 à 41 42 à 47 48 & 49
WTF : Fruit, école d’e-sport, Liban... What the fac ?! Cours Forrest, cours ! Souriez, vous êtes reconnus RDV : Structures, Le Piano oriental, Reynz, JazzBox, Batlik... Les Horizons : « la tour Eiffel de Rennes »
50 BIKINI recommande 4
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Directeur de la publication et de la rédaction : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Brice Miclet, Isabelle Jaffré / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Consultant : Amar Nafa / Couverture : Gaëtan Heuzé / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos partenaires, nos lieux de diffusion, nos abonnés, Émilie Le Gall, Louis Marchand. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - 1 bis rue d’Ouessant BP 96241 - 35762 Saint-Grégoire cedex / Téléphone : 02 99 25 03 18 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2020.
WTF
QUEL FRUIT ALLER VOIR ?
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ROCK IS NOT DEAD
PLUSIEURS ARTISTES ARBORANT UN PATRONYME FRUITIER SONT DE PASSAGE DANS DES SALLES ET FESTIVALS DE LA RÉGION. UN PROGRAMME DÉTOX IDÉAL APRÈS LES EXCÈS DE MON CHÉRI.
Marta Bevacqua
Avant de fêter sa 30e édition estivale en août prochain, la Route du Rock organise la 15e édition de sa petite sœur, la collection hiver du festival, événement né en 2006 et qui se décline désormais sur trois villes : Saint-Malo, Rennes et Nantes. Au menu : Tindersticks, The Wants, Beak>, Sebadoh, Squid, LIFE… Du 27 février au 7 mars.
Musée de Bretagne-écomusée
MANGEZ DES POMMES
Agriculture, économie, biodiversité, environnement, gastronomie, arts… Depuis des siècles, la pomme façonne le paysage breton. Une histoire à croquer et à boire que nous retrace l’écomusée du pays de Rennes dans sa juteuse exposition Pom, pom, pommes. Jusqu’au 30 août.
FA SI LA CHANTER
piano En plus de son édition de Pentecôte, le festival Art Rock souhaite désormais ambiancer Saint-Brieuc toute l’année avec des événements « hors-saison ». La prochaine soirée est déclinée autour du piano, avec trois artistes féminines à l’affiche : Sarah McCoy, Nach et Jeanne Cherhal. À l’Hermione à Saint-Brieuc le 11 janvier. 6
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PAMPLEMOUSSE
Né à la Réunion en 2016, le trio Pamplemousse donne dans le noise punk tendu et véner d’inspiration nineties. Comme en témoigne son deuxième album High Strung, sorti au printemps 2019. Un rock aussi bouillant que le piton de la Fournaise qui devrait pas mal plaire aux fans de Fugazi, Sonic Youth ou encore Metz. Quand et où ? Le 24 janvier au festival du Schmoul à Bain-deBretagne
MONSIEUR FRAIZE
POMME
Nouvelle sensation de la scène folk, Pomme (photo) vient de sortir son deuxième album, Les Failles, co-réalisé avec Albin de la Simone. Un disque où la jeune femme de 23 ans, qui réside entre Paris et Montréal, chante ses chagrins d’amour, ses anxiétés chroniques (à l’image du titre d’ouverture) et ses revendications LGBT. Quand et où ? Le 7 mars au Grand Pré à Langueux, le 1er avril au 6PAR4 à Laval, le 2 avril au Vauban à Brest, le 4 avril à Mythos à Rennes
Adoubé par Éric Judor (qui produit son spectacle et qui l’a notamment fait jouer dans Problemos), Monsieur Fraize détonne dans le paysage relativement formaté de l’humour français. Pas de vannes en rafale ni de punchlines borderline, mais un personnage absurde, lunaire et naïf qui tranche avec les canons actuels du genre imposés par le stand-up. Littéralement, clownesque. Quand et où ? Le 14 février à l’Espace Beausoleil à Pont-Péan
WTF
BIENTÔT UN BAC +3 E-SPORT ? Déjà présente à Paris, Lyon et Lille, l’école XP, formation post-bac en e-sport, propriété du groupe privé Ionis (Epitech, Epita…), ouvre cinq nouveaux campus à la rentrée prochaine, dont Rennes. Il s’agira de la première école spécialisée en sports électroniques en BZH. « Elle n’a pas la prétention de former les e-sportifs en tant que tels mais l’entourage de cette activité en plein boom », prévient l’un des responsables du réseau d’écoles, Sébastien Leveque. Les formations proposées délivrent un diplôme certifié par l’État assuret-il. « Un bachelor de niveau +3 et un master à +5. L’entrée se fait au niveau
DR
ALORS QUE LES COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO NE CESSENT DE SE DÉVELOPPER, UNE ÉCOLE DE FORMATION SPÉCIALISÉE PRÉVOIT D’OUVRIR À RENNES À LA PROCHAINE RENTRÉE DE SEPTEMBRE. UNE PREMIÈRE EN BRETAGNE.
bac sur dossier et concours, avec une cinquantaine de places par nouveau campus. » À 7 500 € l’année (tout de même), on promet de former les jeunes au business des jeux vidéo : l’événementiel, le marketing, le management, la communication… Oubliez les cours avec consoles et manettes dans les salles de classe.
« Le monde de l’e-sport est petit à petit en train de se structurer, observe Aymeric Lesné, organisateur du Stunfest, festival de jeux vidéo organisé chaque printemps à Rennes. Il se développe d’une manière similaire à ce qu’on observe dans le domaine du sport classique : les champions se forment en club et ceux qui veulent bosser autour se forment dans des structures académiques. » Et à défaut d’une filière d’État reconnue équivalent à STAPS, seules les écoles privées type XP s’engouffrent pour l’instant dans ce filon aux cinq millions de spectateurs en ligne et deux millions de pratiquants en France. R.D
Élodie Grégoire
« PENSEZ PRINTEMPS LES AMIS ! »
Quelles sont les jeunes pousses qui iront défendre les couleurs de la Bretagne au Printemps de Bourges ? Réponse le 25 janvier à l’Antipode à Rennes avec les auditions des iNOUïS. Sur scène : Carambolage et son rock eighties, La Battue et sa pop délicate, Periods et son synth-punk, Reta et son rap tatoué, Reynz et son hip-hop littéraire, Rouge Gorge et ses chansons électroniques (photo). Entrée libre.
THE INITIALS B.B Gros espoir de la nouvelle scène française, Bandit Bandit revient en Bretagne en ce début d’année, après un passage aux Bars en Trans de Rennes en décembre. Le duo rock & pop est le 23 janvier au Vauban à Brest, le 24 au festival du Schmoul à Bainde-Bretagne et le 10 avril au Novomax à Quimper. 8
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Clément Legrand
EN ROUTE POUR BEYROUTH
CAP AU LEVANT ! L’ AGENDA CULTUREL BRETON SE MET À L’HEURE DU LIBAN. L A PREUVE PAR TROIS. TRAVELLING Le festival rennais Travelling consacre sa 31e édition au cinéma libanais. Un focus sur la capitale Beyrouth avec une foisonnante rétrospective (d’une quarantaine de films !) et les portraits des cinéastes Wissam Charaf, Danielle Arbid, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Quand ? Du 11 au 18 février à Rennes
WAJDI MOUAWAD Québécois d’origine libanaise, le dramaturge Wajdi Mouawad est passé maître dans l’art des grandes tragédies contemporaines. C’est le cas avec Tous des oiseaux, une pièce où le conflit israélo-palestinien vient briser les relations familiales et amoureuses d’Eitan, un jeune Allemand d’origine juive. Quand ? Les 12 et 13 février au Quartz à Brest
BACHAR MAR-KHALIFÉ Un pied en Europe, l’autre au MoyenOrient, le musicien franco-libanais Bachar Mar-Khalifé (photo) aime les croisements et multiplie les allers-retours entre classique, jazz, rock et musiques orientales traditionnelles. Avec Les Astres de l’Orient, il réaffirme son goût du mélange en conviant l’illustratrice Lamia Zadié pour un concert-dessiné. Quand ? Le 6 mars au Palais des Arts à Vannes 9
DOSSIER
WHAT THE FAC ?!
TROIS DES QUATRE UNIVERSITÉS BRETONNES FÊTENT LEURS 50 ANS. CURSUS, MILITANTISME, FÊTES, VOYAGES, TRÉSORS, CURIOSITÉS... VOICI TA FAC DE A À Z, ENTRE PETITES ET GRANDES HISTOIRES. 10
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DOSSIER
A... ANNIVERSAIRES Rennes 2 vient de fêter ses 50 ans, Rennes 1 les célèbre cette année, l’université de Bretagne-Occidentale (UBO) soufflera ses bougies l’an prochain… Pour les trois grandes facs bretonnes, c’est le temps des commémorations. Une histoire récente de l’enseignement supérieur que nous rembobine Daniel Le Couédic, professeur émérite à l’UBO et chercheur associé au Centre de recherche bretonne et celtique.
DÉMOCRATISATION DE L’ENSEIGNEMENT « Avant les années 1950, il n’existe qu’une seule université dans la région, celle de Rennes. Elle représente alors une académie gigantesque, couvrant sept départements de l’Ouest. Et puis, dans l’après-Guerre, les choses vont commencer à bouger. La Bretagne est à reconstruire et plusieurs villes réfléchissent à ce qui peut être mis en place. À Brest, il y avait un enseignement supérieur, mais uniquement voué à la Marine. Il fallait inventer un destin civil à la ville. Ce combat a notamment été porté par Yves Le Gallo, alors professeur dans un lycée brestois, et par le CELIB (Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons) qui vont pousser à la création d’un collège scientifique universitaire. Cela aboutira en 1958. L’essor démographique et la démocratisation de l’enseignement supérieur avaient en effet conduit le gouvernement à créer des collèges universitaires dans des villes de taille moyenne. Puis, en 1960, grâce au maire de l’époque Georges Lombard, suivra un collège littéraire universitaire. Ces collèges deviendront par la suite facultés, tout en dépendant toujours de l’université de Rennes. » 12
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MAI 68 « Quand arrivent les manifestations en 1968, une grande loi réformant l’enseignement supérieur va avoir lieu. Il s’agit de la loi Faure (votée à l’unanimité) qui va conduire à la suppression des facultés et la création de nouvelles universités. C’est le cas à Brest avec la naissance de l’université de Bretagne-Occidentale, juridiquement constituée en 1971. Dans la capitale bretonne, l’université est scindée en deux. Pourquoi ? En caricaturant un peu, on peut dire que ce sont pour des raisons idéologiques : la gauche à Rennes 2 (créée officiellement en 1969), la droite à Rennes 1 (en 1970). C’est toujours – à tort ou à raison – l’image de ces deux universités. Avant une possible future fusion ? Si le précédent projet a échoué, les discussions actuelles devraient logiquement aboutir. »
ET DANS LE MORBIHAN ? « Née en 1995, l’université Bretagne-Sud n’est pas le fruit d’un long processus, son origine est même plutôt mystérieuse. L’idée qui prévaut aujourd’hui, c’est que le Quimperlois Louis Le Pensec, alors ministre sous la présidence de Mitterrand, aurait laissé un mot elliptique au ministre de l’enseignement supérieur parlant d’une “université de Bretagne-Sud”, qui a été compris comme la volonté de Le Pensec d’en créer une… Même s’il faut reconnaître que, localement, beaucoup d’acteurs politiques et économiques plaidaient en sa faveur car ils savaient bien que cela pouvait contribuer au rayonnement et au dynamisme du territoire. »
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XIIIfromTokyo
Archives municipales de Brest - 1Fi00190
Raphaël Binet - Musée de Bretagne
Michalowski Sigismond - Musée de Bretagne
Archives municipales de Brest - 2Fi01735
DOSSIER
La genèse des facs bretonnes remonte à 1460. En cette moitié du 15e siècle, le pape Pie II signe une bulle pontificale (photo), actant la création d’une “université ducale” qui prend place à Nantes, dans un duché pas encore intégré au royaume de France. Quand la Bretagne perd son indépendance, la faculté de droit s’installe en 1735 à Rennes (où siège le Parlement). Un transfert qui ouvre la voie à ce qui deviendra, à la fin du 19e siècle, l’université de Rennes, réunifiant l’ensemble des facultés et des établissements d’enseignement supérieur de la ville.
C... CAMPUS Y avait quoi à la place des campus avant qu’ils ne soient construits ? La plupart des universités se sont installées sur des terrains agricoles ou des zones marécageuses. C’est le cas du campus Tohannic à Vannes, ainsi que de Beaulieu et de Villejean à Rennes (« ces sites ont été pensés dans un contexte de grande expansion de la ville », éclaire l’historien rennais Gilles Brohan). À Brest, le plateau du Bouguen (photo), où fut construit le campus scientifique en 1963, fait quant à lui partie des grands chapitres de l’histoire locale. « Après la libération en 1944, Brest est détruite. Pour loger la population, des habitations en préfabriqué vont alors fleurir dans plusieurs quartiers. On les appellera les baraques, retrace Alain Boulaire, historien brestois. La cité du Bouguen fut l’une des plus importantes : elle pouvait loger jusqu’à 5 000 per-
sonnes, principalement des ouvriers travaillant à la reconstruction de la ville. » Si les baraques ont par la suite été rasées, leurs anciens occupants en restent nostalgiques. « Ces quartiers ont vite acquis une réputation de convivialité et de solidarité. Ce qui était vrai, poursuit Alain Boulaire qui met également en avant le confort qu’offraient ces équipements. Ces maisons n’étaient pas très grandes, mais elles apparaissaient plus agréables et plus saines que la plupart des logements ouvriers d’avant-Guerre. »
Aux Anciens du Bouguen
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B... BULLE DU PAPE
D... DICTARIAT DU PROLÉTATURE
Pacoviande
« Vive la dictariat du prolétature » : tous les étudiants passés par Villejean jusqu’à il y a peu connaissent ce slogan mythique, graffé sur le bâtiment B. Si le message a aujourd’hui été à peu près complètement effacé par le temps, il a tenu bon pendant quatre décennies. Une inscription dont on a remonté l’origine… jusqu’à retrouver celui qui affirme l’avoir « commis » au printemps 1972. « L’après 68 était très politisé et différentes mouvances d’extrême-gauche s’affrontaient :
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trotskistes, maoïstes… », situe cet homme qui souhaite rester anonyme. Et pour cause, après avoir été étudiant à Villejean, il y a enseigné jusqu’à sa retraite il y a peu, sans jamais révéler son secret au grand jour. « Il y a prescription depuis longtemps, mais je ne souhaite pas vraiment m’en vanter… » À l’époque des faits, lui se range dans le camp de Guy Debord, auteur de La Société du spectacle, un essai prônant l’introduction de l’absurde en politique. « Avec des copains, nous
aimions prendre le contre-pied des slogans gauchistes, que nous estimions trop sérieux. C’est ainsi qu’est née cette inscription. » S’il ne se souvient plus précisément de la nuit où il l’a écrite, la manière dont il s’y est pris lui est restée : « Une fois sur la terrasse du bâtiment, il suffisait de se pencher par-dessus bord et de peindre les lettres à l’envers avec des petits rouleaux. » Et s’il réussit l’analyse de texte (« il interroge sur la soi-disante dictature du prolétariat, qui n’était en fait qu’un capitalisme d’État où les prolétaires n’avaient pas plus leur mot à dire que dans les démocraties bourgeoises »), il s’interroge toujours sur sa longévité : « Peut-être son aspect poétique lui a évité un coup de ravalement… »
DR
E... ERASMUS
Le programme d’échanges d’étudiants entre universités européennes a fêté ses 30 ans en 2017. En BZH, Brest et Rennes font partie des pionniers. À Rennes 2, les premiers à avoir essuyé les plâtres étaient 18, dont une majorité inscrite en langues étrangères appliquées (photo). « C’était en septembre 1988, se souvient Daniel Toudic, alors prof d’anglais et référent Erasmus sur le campus. On avait conclu un accord avec trois facs anglaises à Portsmouth, Bristol et Londres. On ne savait pas trop dans quoi on s’engageait mais il y avait une certaine excitation. Le sentiment européen était plus vivace qu’aujourd’hui… » Si l’idée d’une telle coopération apparaît dès les années 70, elle se concrétise la décennie suivante sous l’impulsion du commissaire européen Jacques Delors. « Hors de la Grande-Bretagne, les échanges se sont développés ensuite à Barcelone, puis à Mayence, poursuit le prof retraité. Le programme s’est également étendu à d’autres départements : histoire, géo, lettres, etc. » Les débuts ne furent pas simples pour autant : « C’était une époque sans Internet. Il fallait passer par le fax ou le courrier postal... Les différences académiques posaient aussi parfois problème… » Malgré ces embûches, Erasmus s’est vite développé. Au dernier décompte, plus de 4 millions d’étudiants européens ont passé au moins un semestre d’étude dans un autre pays de l’UE, à perfectionner une langue étrangère et – surtout – à s’enjailler dans des soirées vodka-Red Bull. 15
DOSSIER
F... FALUCHARDS À la terrasse de ce bar de la rue SaintGeorges, le groupe d’étudiants rennais ne passe pas inaperçu. Ce soir, c’est leur « apéral » hebdomadaire. Vissée sur chacune de leur tête, une faluche : un large béret de velours, agrémenté de rubans multicolores, de pin’s et d’écussons. Mais qu’est-ce que c’est que ce binz ? « La faluche est la coiffe que portent traditionnellement tous les étudiants de France. C’est d’ailleurs la seule condition pour la porter, il n’y a aucun autre critère, ni religieux ni politique, éclaire Simon, 26 ans, étudiant en ostéopathie, qui nous détaille l’ornement de sa faluche. Ici, il y a mes initiales. Le chiffre 11 indique que j’ai eu mon bac en 2011. Ce ruban bleu, c’est parce que j’étais dans une université publique. Cette chouette à deux têtes, c’est pour mon passage en classe prépa. Sans oublier les insignes plus perso : la lyre pour l’amour de la musique, la grappe de raisin quand t’aimes boire… » En tout, c’est près d’une quarantaine
d’éléments qui habillent sa coiffe. « Ce qui rend chaque faluche unique. En un coup d’œil, tu connais le parcours et les goûts de la personne. Ce qui permet de vite nouer le contact et d’engager la conversation sur tel ou tel sujet », poursuit Estève, 23 ans, étudiante en droit. Un folklore étudiant, datant de la fin du 19e siècle, qui a connu ses heures de gloire jusqu’aux années 1970. Depuis, le mouvement perdure bon gré mal gré en fonction des villes et des années. « Sur Rennes, nous sommes une centaine à porter la faluche. On en compte aussi à Saint-Brieuc et à Brest, où ça bouge pas mal. » Des étudiants qui se réunissent pour boire des coups : ne serait-ce finalement qu’une simple confrérie de la cuite ? « Non, c’est beaucoup plus que ça. Chacun a d’ailleurs sa propre motivation : faire perdurer une tradition, avoir un souvenir de sa vie étudiante, rencontrer des gens
d’autres filières qu’ils n’auraient pas connus autrement, faire la fête… » Une façon également de se constituer un réseau pour leur future vie professionnelle. « Mon boulot actuel au CHU, je l’ai eu comme ça. Un copain faluchard m’avait rencardé sur un
G... GRÈVES
François Melodia
« Rennes la rouge » : c’est ainsi qu’a fini par être surnommée Rennes 2. Qu’il s’agisse de protester contre la loi Devaquet en 86, les réformes Allègre en 98, le CPE en 2006 ou la loi LRU l’année suivante, Villejean a toujours été le théâtre d’A.G monstres, de blocages d’amphis et de spectaculaires manifs. « Rennes 2 est sur le podium en la matière avec Toulouse Le Mirail et Paris 8 », estime Hugo Melchior, membre du GERME (Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants). Depuis quelques années pourtant, les mouvements de grève s’y font plus rares 16
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au point qu’on peut s’interroger sur un phénomène de dépolitisation du lieu. « C’est le cas à Rennes mais ni plus ni moins qu’ailleurs, observe-t-il. La chute des syndicats traditionnels, l’UNEF en tête, est un puissant marqueur du phénomène. » À Villejean, le syndicat majoritaire est désormais l’Union Pirate, mouvement né il y a peu sous le nom d’Armée de Dumbledore. « Ses membres ont su se rendre populaires par une forte activité autour des questions de budget participatif et de lutte contre la précarité étudiante. Avec lui les élections syndicales ont retrouvé des taux de
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poste qui se libérait. Pour trouver des stages, ça peut aussi être utile, confie Joris, 25 ans Mais ce n’est pas pour cette raison qu’on décide de porter la faluche, c’est seulement plus tard qu’on découvre l’entraide et les opportunités que cela peut apporter. »
participation importants, ce qui laisse penser que l’université reste militante, mais moins concernée par des postures dogmatiques. » Logiques partisanes et réflexes idéologiques ont moins la cote en France et la population étudiante ne fait pas classe à part. « Cette évolution a néanmoins une grande limite, poursuit Hugo Melchior. Il est plus difficile de conclure une union syndicale capable de porter un mouvement massif comme ce fût le cas contre le CPE. Des syndicats comme l’UNEF et Solidaires avaient une force de frappe pour mener ces combats. Sans leur capacité à coordonner nationalement les luttes, difficile d’exister. » 17
DOSSIER
I... ÎLE
H... HÔTEL PASTEUR L’Hôtel Pasteur est l’un des édifices historiques de l’université de Rennes avant Villejean et Beaulieu. « Construit en 1888, il va abriter la faculté des sciences jusqu’à son déménagement en 1967. Un an plus tard, durant les événements de mai, des étudiants de la fac dentaire vont l’occuper pour protester contre l’exiguïté de leurs anciens locaux et vont obtenir satisfaction : ils s’y installent et les cours en dentaire vont y être donnés jusqu’en 2006 », détaille Gwenola Drillet, coordinatrice de ce lieu devenu depuis, à l’initiative de l’architecte Patrick Bouchain de l’Université Foraine, « un théâtre d’expérimentations artistiques, culturelles, professionnelles ou sportives » ouvert à tous. Un concept qui a tellement bien pris que la ville, propriétaire, a décidé de confier une partie des étages à cet « Hôtel à projets ». Actuellement en travaux, l’Hôtel Pasteur accueillera également à la prochaine rentrée une école maternelle, ainsi qu’un espace d’éducation au numérique.
Si la mer paraissait peu agitée, il n’en était rien. C’est les cheveux trempés que nous débarquons sur l’île Bailleron, après un trajet d’une petite dizaine de minutes à fond les ballons sur un canot métallique. Situé dans le Golfe du Morbihan, ce rocher de six hectares fait partie, depuis 1959, du patrimoine de Rennes 1. « Bailleron appartenait auparavant à une famille d’industriels parisiens qui s’en servaient comme résidence secondaire. Avant qu’elle ne décide de s’en séparer », situe Lionel Allano, gestionnaire technique de l’île depuis 1989. L’université rennaise, qui ne possèdait pas de station de terrain, saute alors sur l’occas’ et débourse près de 150 000 francs pour l’acquérir. « Avec la construction du laboratoire en 1963 et la nomination de deux enseignants à temps plein, les premières recherches ont ainsi pu débuter. » Parmi les principaux objets d’études : la seiche et la palourde. « Les dernières thèses sur le sujet datent de 1996. Les travaux à l’année ont été stoppés sur l’île
suite au départ en retraite des deux enseignants et à la rupture du câble électrique qui nous oblige à utiliser un groupe électrogène », regrette Lionel qui, depuis, est donc le seul agent de l’université basé ici. Si la vocation première de l’ile s’est quelque peu érodée, le lieu continue toujours malgré tout sa mission de station biologique. « Excepté en hiver, Bailleron accueille régulièrement des étudiants et des chercheurs pour des stages ou des séminaires. Nous avons deux habitations pou-
J... JAJA
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K... KUNDERA
étudiants à ouvrir son propre bar (photo). Contrairement à l’INSA, celui-ci est réservé aux étudiants de l’établissement. « Des jeunes d’ailleurs tentent parfois d’y venir, en vain. Sans ça la direction nous tombe dessus. » Dommage, le bar est plutôt chouette et les soirées beer-pong ont l’air cool.
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Si l’alcool a officiellement disparu des milieux académiques par une loi de 1956, il existe une sorte de vide juridique d’antériorité concernant certaines assos étudiantes. Le cas le plus emblématique est celui du Foyer de l’INSA à Beaulieu. Cette amicale des élèves existe depuis 50 ans et dispose depuis tout ce temps d’un bar « ouvert six jours sur sept en période scolaire, présente son président Hugo Doucet. La licence 3 nous permet de vendre de l’alcool titrant à moins de 18°. » Autre école d’ingé, l’ECAM, située à Bruz, a elle aussi autorisé l’asso des
Si vous avez été étudiant à Rennes 2 entre 1975 et 1979, il y a une chance que vous ayez eu Milan Kundera comme professeur de littérature comparée. La classe. Le romancier tchèque multi-primé vient grossir les rangs des VIP ayant enseigné dans nos facs. Citons également à Rennes 2 : Mário Soares (prof d’histoire qui deviendra président du Portugal) ou encore Dominique Fernandez (prix Goncourt 1982). À Rennes 1 : Jacques Lucas (académicien). À l’UBO : plusieurs futurs ministres (Urvoas, Lebranchu…).
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vant loger une vingtaine de personnes. Au-delà du calme, ce sont les conditions de travail qu’ils viennent chercher : in situ, avec des outils qu’ils n’ont pas ailleurs. Je pense notamment à la salle humide du laboratoire qui dispose d’une arrivée d’eau de mer. Sans oublier les quatre hectares de concession maritime sur lesquels ils peuvent évoluer, vante Lionel qui espère un nouvel essor pour l’île. Pour cela, il faut de l’électricité à l’année. Abandonner le groupe électrogène et en faire une vitrine des énergies vertes serait, je trouve, une bonne idée. »
L... LOGO « Tout le monde croit que c’est une salamandre, alors que c’est un triton. » Avant de s’entretenir avec Typhaine LambartDiouf, chargée de com de Rennes 1, il faut avouer qu’on était aussi dans le faux. Pour comprendre le logo de l’université, il faut remonter aux années 1960 lorsque qu’une phalère est découverte lors de fouilles archéologiques dans le Finistère. Sur ce bijou celte : trois tritons, que choisira le chancelier de l’université pour représenter l’institution. Depuis 2005, seul un triton demeure sur ce sceau. 19
DOSSIER
M... MUSÉES Avec plus de 1,3 million de pièces recensées, les collections scientifiques de Rennes 1 sont l’une des plus belles de France. « Cela représente, environ, le fonds d’un muséum d’histoire naturelle en région », situe Marion Lemaire, la responsable des collections. Ce patrimoine est le fruit de l’histoire de l’université. En premier lieu, un héritage de la faculté des sciences créée en 1840. Une partie provient également de l’ancien muséum d’histoire naturelle de Rennes (détruit en 1944), ainsi que du cabinet de curiosités de Christophe-Paul de Robien datant du 18e siècle. Enfin, des achats pour les besoins de l’enseignement ou de la recherche peuvent également être effectués. « Les collections ont un intérêt muséal certain, mais il faut rappeler que certaines sont encore utiles aux chercheurs et aux étudiants. » Parmi ces collections, celle de zoologie est sans doute celle qui suscite un inlassable intérêt de la part de ses visiteurs. Et également des étudiants qui sont amenés à l’arpenter pour « apprendre à identifier les différentes espèces ». Et avec 150 000 animaux recensés, on peut dire qu’il y a du taf. Top 3 de cet étonnant bestiaire en compagnie de Gaëlle Richard, assistante de collection.
LE KAKAPO « Dans le monde, il n’en reste désormais plus que 150 individus. C’est treize fois moins que le grand panda, et pourtant personne n’en parle. Beaucoup de gens ne connaissent même pas l’existence de cette espèce. » Grand perroquet (il peut mesurer jusqu’à 60 centimètres et peser jusqu’à 3 kilos), terrestre (il ne vole pas malgré ses grandes ailes) et nocturne, le kakapo, originaire de Nouvelle-Zélande, fait aujourd’hui partie des animaux les plus menacés sur la planète. « L’introduction des rats et des hermines sur l’île par les Européens a eu un effet dévastateur sur cet animal, éclaire Gaëlle Richard qui compte un exemplaire naturalisé sur ses étagères. Les rongeurs se sont en effet mis à manger les œufs des oiseaux, ce qui a fait chuter leur population de façon spectaculaire. » 20
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LA DENT DE NARVAL « Non, ça ne vient pas d’une licorne », prévient d’emblée l’assitante de collection. Objet de nombreux fantasmes, cette pièce est en réalité la dent d’un cétacé, le narval. Une défense présente uniquement chez les mâles pouvant mesurer jusqu’à trois mètres. «Celle-ci date de 1740 et provient de la collection de Robien. À l’époque, c’était un peu le Graal à avoir dans son cabinet de curiosités. » Et pourquoi le narval a-t-il cette dent XXL ? Plusieurs théories existent : elle servirait aux mâles pour se battre ou, plus intéressant, elle aurait un rôle sensitif pour mieux appréhender le milieu extérieur, comme la salinité.
LA PATTE DE MOA
Jusqu’à atteindre un seuil critique : en mars 1994, on ne comptait plus que 47 kakapos. « Un plan de sauvegarde a alors été mis en place. Deux petites îles ont été dératisées et on a pu y transférer des individus. Malgré cela, un sérieux danger d’extinction perdure. »
Vous vous souvenez du “dabou” dans Là-haut, le film d’animation de Pixar ? Proche de l’autruche, le moa ressemble pas mal à cet oiseau géant. « C’est un animal qui, lui aussi, vivaient en NouvelleZélande. Mais quand les Maoris sont arrivés sur l’île au 10 e siècle, ils ont commencé à les chasser. En 1500, ils avaient tous disparu. » À Rennes 1, seule une patte demeure de cet espèce éteinte.
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LA COLLEC PSYCHO DE RENNES 2
C’est dans le bâtiment S, réservé aux départements de sciences sociales et de psychologie, que se trouve l’une des plus belles curiosités du campus de Villejean : un petit musée consacré à la psychologie expérimentale, exposant les outillages d’un pionnier du genre, le dénommé Benjamin Bourdon. « La fin du 19e siècle est une époque de profondes transformations des recherches en psychologie, l’Allemand Wilhelm Wundt étant le premier à étudier les comportements humains par des mesures quantifiables et mesurables, contextualise Christophe Quaireau, maître de conf’. Le Français Benjamin Bourdon est l’un de ses élèves et va fonder à Rennes le premier laboratoire universitaire de psychologie expérimentale. » Pour lui rendre hommage, certaines des plus belles pièces de son labo ont été exhumées des cartons et trônent désormais dans le hall du bâtiment. On y trouve par exemple un chronoscope de Hipp, permettant d’étudier les temps de réaction mentale, un stéréoscope qui imagine la vision 3D avant l’heure, un antique cylindre enregistreur (photo), une clé vocale, un diapason et même des céphalomètres pouvant mesurer les supposées “bosses du crâne” chères aux adeptes de la phrénologie (une pensée très très raciste, en gros). Un fatras d’appareils parfois loufoques que n’aurait pas renié le professeur Tournesol. 21
DOSSIER
comparé à d’autres navettes sur d’autres sites, c’est une fréquentation élevée »), l’étape 2 a été lancée en novembre dernier. « On passe de deux à quatre navettes. Avec deux principaux objectifs. De 1/ faire fonctionner en même temps deux modèles différents de véhicules pour tester leur interopérabilité. Et de 2/ augmenter la fréquences des passages. » Une condition indispensable pour inciter les usagers qui pourraient trouver ce dispositif gadget. « Le véhicule roule en moyenne à 8 km/h. C’est parfois plus rapide d’y aller à pied. Alors si on doit en plus l’attendre à un arrêt, cela n’encourage pas à la prendre », reconnaît Armel Guenneugues qui, à l’avenir, imagine également pouvoir mieux articuler les horaires avec ceux des autres moyens de transport, notamment la future seconde ligne de métro.
Kéolis Rennes
N... NAVETTE AUTONOME C’est l’une des curiosités de Beaulieu. À chaque fois qu’on la croise, toujours cette même seconde d’interrogation : « mais y’a pas de chauffeur ?! » Ben non justement. Depuis novembre 2018, c’est bien une navette autonome qui parcourt le campus de Rennes 1. Un trajet de 1,3 kilomètre où le minibus va être amené à croiser des voitures, des cyclistes et des piétons qui s’aventureraient sur la chaussée. « Plus la navette roule, plus elle apprend. Et plus elle apprend, plus elle est autonome », explique Armel Guenneugues, directeur marketing et innovation à Keolis Rennes, l’opérateur de transport qui chapeaute l’expérimentation. Après un bilan jugé satisfaisant de la phase 1 (« entre 100 et 300 usagers par jour : c’est peu par rapport à une ligne de bus classique, mais
Un test à Beaulieu avant de voir la navette débouler en centre-ville ? Pas pour tout de suite. « Au-delà des freins réglementaires sur la voie publique (l’expérimentation sur le campus est facilitée car il s’agit d’une zone privée, ndlr), il faut aussi voir l’intérêt que cela aurait. Un véhicule autonome n’a pas vocation à transporter des milliers de passagers, mais plutôt à venir en complément, sur de très petits trajets. Des réflexions sont menées sur un service à la demande, ainsi que sur d’autres sites. Le CHU de Rennes par exemple. »
O... ŒUVRES 1. LES TOILES DE MATHURIN MÉHEUT 2. LA CÉRAMIQUE HENRIOT
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Université Rennes 1
Parmi le patrimoine insoupçonné des universités, figurent des œuvres d’art, accumulées au fil du temps par des dons ou par des achats dans le cadre du 1% artistique. Parmi les plus notables de Rennes 1 : les toiles de Mathurin Méheut exposées au bâtiment de géologie. « Elles avaient été commandées en 1941 par le doyen de l’université, précise Marion Lemaire, la responsable des collections. Des peintures de grand format (2,08 mètres sur 4,95 mètres pour la plus imposante, ndlr) qui évoquent les paysages caractéristiques de la région, la flore, la faune préhistorique… Depuis 1990, ces 25 œuvres sont classées à l’inventaire des Monuments historiques. » 22
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Quelque peu cachée derrière le grand escalier du hall de la faculté des sciences à Brest : une gigantesque céramique murale qui orne les deux niveaux du bâtiment. Une réalisation que l’on doit aux ateliers Henriot à Quimper (les bols bretons, c’est eux), d’après un dessin d’Yves Trévédy, peintre rennais, grand prix de Rome en 1943.
3. OPUS INCERTUM DE JACQUES ZWOBADA Contemporaine de la création du campus Villejean, c’est la plus ancienne œuvre d’art de Rennes 2. Mosaïque de 230m² mêlant art abstrait et influences antiques, c’est aussi l’une des dernières de Zwobada (1900-1967), artiste surtout connu pour ses sculptures.
P... POLYCOPIÉS « Vous avez jusqu’à demain vendredi pour vous inscrire et recevoir les polys du semestre 2 : 24 € pour le tronc commun +2 € par spé supplémentaire », « Polycopiés prépa ENM 2019. Sans surlignages ni annotations. 200 € pour le tout »… Que ce soit sur Le Bon Coin ou sur Facebook, les annonces de ventes de cours ne manquent pas. Un phénomène solidement ancré dans la plupart des universités, particulièrement dans certaines filières (médecine, dentaire…), mais qui reste relativement tabou. Sollicitées, les corporations étudiantes de médecine et pharmacie de Rennes nous ont fait savoir qu’elles ne souhaitaient pas « communiquer avec la presse à ce sujet ». Car, bien que répandue, cette pratique flirte avec les limites de la légalité, notamment en matière de propriété intellectuelle. « À chaque annonce, nous prévenons les étudiants de possibles poursuites disciplinaires, fait savoir Typhaine Lambart-Diouf, directrice de la communication de Rennes 1. En l’absence de l’autorisation du professeur, il s’agit d’un délit de contrefaçon. » « C’est pour cette raison que nous ne procédons à aucune vente, mais à de simples échanges gratuits. Pour les étudiants qui souhaiteraient récupérer un cours, il leur suffit d’en faire la demande sur le groupe Facebook de leur promo », précise Axel Lefeuvre, président de la corpo de droit à Rennes 1. Une faculté où, il y a près de deux ans, un professeur avait fait parler de lui en vendant ses cours (10 € les 90 pages). Un procédé qui, s’il n’est pas illégal, avait choqué pas mal d’étudiants, ainsi que la direction qui l’avait rappelé à l’ordre. « Car contraire à la philosophie de l’université », rappelle Typhaine LambartDiouf pour qui la plateforme Moodle (où les professeurs peuvent mettre leurs ressources en ligne) permet d’éviter ce genre de commerce. 23
DOSSIER
R... RESTANY
Q... QINGDAO Les études à l’étranger ne se limitent pas qu’aux classiques Madrid, Londres ou Montréal. Des accords et programmes d’échanges avec des universités sur la planète permettent de viser des destinations un peu plus exotiques. Parmi celles-ci, citons pêle-mêle pour l’UBO : Qingdao en Chine, La Plata en Argentine, Ekaterinburg en Russie… Pour Rennes 1 : Taïwan, Sendaï au Japon, Talca au Chili… Pour Rennes 2 : Asuncion au Paraguay, Sancti Spiritus à Cuba, Valparaiso au Chili, La Paz au Pérou… Pour l’UBS : Terenggannu en Malaisie, Jakarta en Indonésie, Guadalajara au Mexique, Madras en Inde, Pékin en Chine…
Si Rennes 2 se concentre principalement sur le campus de Villejean, l’université est propriétaire d’une curiosité dans le quartier de la Bellangerais : les Archives nationales de la critique d’art (ACA), qui fêtent en ce début d’année leurs 30 ans d’existence. L’endroit se présente comme un fonds historique de documents liés à la critique d’art d’après-Seconde Guerre mondiale. « À cette époque, le métier de critique d’art a commencé à se professionnaliser avec l’apparition de revues spécialisées. Autant de documents que Jean-Marc Poinsot, historien de l’art à Rennes 2, a décidé de compiler en créant les ACA », éclaire Antje Kramer-Mallordy, l’actuelle
directrice des lieux. Si les arts sont pluriels, cette collection documentaire (consultable librement sur demande) se concentre essentiellement sur le domaine de la critique des arts contemporains sous toutes ses formes (peinture, sculpture, performances diverses et expérimentations numériques). Autrement dit, n’espérez pas y trouver les archives des Cahiers du Cinéma ni de Rock & Folk, mais plutôt les écrits de Michel Ragon ou encore de Pierre Restany (disparu en 2003), pape de la critique du nouveau réalisme. « Les archives le concernant sont exceptionnelles car il gardait tout : articles, correspondances et même ses lunettes (photo) que nous conservons précieusement ! »
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S... SINGES parlant”. « Ces primates encodent des messages compréhensibles par leurs semblables. Ils disposent d’une quinzaine de sons de base pour communiquer. Il peut s’agir de cris de contact ou de cris d’alarme. Si le mâle du harem détecte la présence d’un léopard par exemple, il prévient alors les femmes en prononçant “krak”. Et si c’est un aigle, “hok”. » Un répertoire limité que les singes ont su enrichir en développant des règles syntaxiques. « L’analyse de nos enregistrement nous a permis de Parmi ses effectifs, Rennes 1 compte la forêt de Brocéliande, l’éthologiste montrer qu’ils utilisaient le suffixe près de 30 000 étudiants, plus de Alban Lemasson (photo) étudie le “oo” pour généraliser leurs messages. 1 800 enseignants-chercheurs et… comportement de ces animaux. Ainsi, “krak-oo” et “hok-oo” alarune cinquantaine de primates. Des Parmi ses travaux les plus dingo : ment respectivement de tout danger singes de trois espèces différentes la communication vocale chez les terrestre et aérien, développe Alban (mone de Campbell, mangabey à col- mones de Campbell, une espèce arbo- qui s’est également penché sur la falier et singe de Brazza) qui peuplent ricole vivant à l’état sauvage dans çon dont les singes pouvaient adapter la station biologique de Paimpont. des forêts très denses visuellement leur façon de s’exprimer. S’il y a une Dans cette antenne nichée au cœur de et donc contrainte d’échanger en “se détermination génétique à l’échelle 24
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du répertoire, une plasticité vocale intervient par la suite. Nous avons observé que les femelles imitent la voix de leurs amies, et non celles de leurs ennemies. C’est une sorte de badge social, une façon de montrer ses affinités. Cela se rapproche de l’accommodation vocale chez l’homme : on ne parle pas de la même façon avec n’importe qui. » Un phénomène étudié chez les mones de Campbell, mais pas que. « Chez les bonobos par exemple, la copie vocale ne se fait pas selon les amitiés, mais selon la proximité d’âge. Et pour les macaques, on observe des différences en fonction de leur type de sociétés. Chez les macaques de Tonkean (une espèce tolérante), l’imitation se fait en fonction du groupe social. Et chez les macaques rhésus (une espèce despotique), c’est une question de hiérarchie : les femelle les plus dominées vont copier les plus dominantes. » 25
DOSSIER
Photos : CRBC et Bikini
T... TRÉSORS
Au dernier étage de l’UBO, c’est tout un pan de l’histoire de la région qui se cache derrière la porte du CRBC (centre de recherche bretonne et celtique). « Nous disposons de 68 000 ouvrages spécialisés sur la Bretagne et sur les pays celtiques, plus de 2000 revues, plus d’une centaine de fonds d’archives… », énumère Ronan Calvez, directeur du CRBC, qui définit le centre comme à la fois « un laboratoire de recherche universitaire et une bibliothèque ouverte à tous ». Une caverne d’Ali Baba de la culture breizhou qui, parmi ses belles pièces, compte des cartes anciennes de la région (comme celle de Hardy datant 1630, photo), les premières affiches de partis régionalistes et autonomistes (superbes trombines des can26
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didats !), des ouvrages rares comme Kryptadia, « des contes populaires scatologiques datant du 19e, écrits en plusieurs langues dont le breton. Il n’en existe que 175 exemplaires dans le monde et nous possédons la collection complète en 12 volumes ». Autre pépite : le fonds Pierre-Jakez Hélias comportant toutes les archives de l’auteur du Cheval d’orgueil. « On y trouve ses carnets et ses manuscrits, dont celui de la première version du poème Ar men du (photo). On y voit ses ratures, ses corrections et son écriture à la fois en français et breton. » Question super banco à présent (« Super-su-per ! ») : qu’est-ce qu’un incunable ? Ding dong ding DONG. La réponse était : un livre imprimé avant 1500. « Gutenberg ayant inventé l’imprimerie dans les années 1450, il
s’agit donc de la première génération des ouvrages non manuscrits », éclaire Caroline Chevallier, responsable du fonds ancien de la BU de Rennes 2, composé de 50 000 œuvres, dont un de ces incunables, signé de l’auteur Jean Pic de la Mirandole. « Un texte théologique de la fin de 15e, plus vieux document en notre possession. » Parmi les autres belles pièces de la collection, environ 800 œuvres du 16e siècle , dont un exceptionnel atlas du géographe Gérard Mercator. « Il s’agit d’une édition de 1619. L’œuvre surprend par sa modernité dans le dessin des continents et les couleurs vives. » Ce livre, comme le reste de la collection, est conservé dans une pièce sécurisée de la BU mais est parfois présenté au public lors d’expositions.
A. Amet
U... CITÉ U
Soyons honnête : le patrimoine architectural des universités bretonnes n’est globalement pas ouf mais il a l’excuse de la jeunesse. Qui sait, peut-être par exemple que le bâtiment du Paquebot du campus de Lanveur à Lorient, construit dans les nineties, finira-t-il par se bonifier avec le temps tel un Pauillac précieusement gardé au fond d’une cave. Pour admirer des trésors dès à présent, ce sont les cités universitaires du centre-ville de Rennes qu’il faut visiter, décorées par le célèbre mosaïste Isidore Odorico. « C’est l’un des maîtres de l’art déco, précise le conservateur du patrimoine Gilles Brohan. Réputé pour son travail à la piscine Saint-Georges et à l’Hôtel de Courcy (actuel siège du Conseil régional de Bretagne, ndlr), il a œuvré à l’agencement des parties communes de deux cités U : celle de la rue de Fougères, qui fait face à l’actuelle fac de droit, construite en 1932 (ce qui en fait la plus ancienne de la région, ndlr) et celle du boulevard de Sévigné (photo), érigée trois ans plus tard. » Originellement, la première était dévolue aux étudiantes et la seconde aux étudiants. « Dans les deux, on retrouve le travail caractéristique d’Odorico : des fresques colorées avec des motifs géométriques jouant sur les volumes. La qualité des mosaïques est telle que malgré les milliers d’étudiants qui les ont foulées depuis près de 90 ans, elles restent en très bon état. » 27
DOSSIER
C’est une profession qu’on n’imagine pas vraiment dans une fac : souffleur de verre. Rennes 1 en compte trois. Et l’UBO un, en la personne de Claude Calvarin (photo). Dans son labo, ce dernier façonne des instruments qui serviront en chimie, géologie… « Des pièces impossibles à trouver dans le commerce. Certaines demandent plusieurs jours de travail. Mon record est de quinze. Il fallait créer du vide entre deux parois, un truc assez fou », se marre Claude qui maîtrise les cuissons aussi bien que Philippe Etchebest : « le chalumeau monte à 1 300°, la température idéale pour travailler le verre. La pièce passe ensuite dans un four à 560° pendant trois heures. Ceci pour enlever les points de tension et avoir un instrument résistant. »
Depuis une dizaine d’années, le mégalo Elon Musk investit une partie de sa colossale fortune dans sa quête de l’espace pour tous. Des vols commerciaux qu’il espère rentable grâce au procédé du lanceur réutilisable, permettant à une fusée de décoller mais aussi d’atterrir à l’infini ou presque, comme le fond les avions. À leur modeste niveau, des étudiants de Beaulieu à Rennes travaillent aux aussi à la mise au point de cette technologie, via un programme d’études baptisé PERSEUS. « Le projet a été monté à l’initiative du Centre national d’études spatiales (CNES). 28
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W... WTF Qui a dit que les sujets de thèse étaient Il s’agit d’un mouvement qui abrite méga chiants ? La preuve avec ces énormément de profils différents. travaux aussi surprenants que coolos. Mais si on devait trouver une caractéristique commune, ce serait la LES BULLES DE SAVON recherche de vérité. » Lauréat du concours Sciences en court[s] en 2014, Louis Salkin, LE POLYSTYRÈNE DANS L’EAU alors en thèse à Rennes 1, a percé En 2017 à l’UBS, Mikaël Kedzierski le mystère des bulles de savon. Ses s’est attaqué à la question du vieillistravaux portaient sur « la création, sement du polystyrène dans l’eau. la stabilité et la rupture d’interfaces Une matière qui a la fâcheuse partifluides ». Une étude qui a ainsi per- cularité de se fragmenter en petites mis de comprendre « la vitesse mini- boules. En attendant une alternamale nécessaire à la formation des tive ? Les poissons l’espèrent. bulles de savon ». Des conclusions ludiques pouvant s’avérer précieuses LE DISCOURS DANS FRIENDS dans certains procédés industriels. « L’Analyse critique du langage dans Friends : messages manifestes et sousL’UFOLOGIE jacents dans la série télévisée ». Cette En 2017, Thomas Margout a soute- thèse soutenue en 2016 à Rennes 2 par nu une thèse à l’UBO sur le “soucou- Anna Gruszewska se présente comme pisme français”. « Ce n’est pas un « une analyse critique du discours travail de recherche sur les OVNI, centrée sur les conversation des permais plutôt sur les personnes qui les sonnages de la sitcom ». C’est sûr étudient, nous avait-il expliqué il y que c’est plus alléchant qu’une étude a quelques mois (lire Bikini n°40). de texte de L’Assommoir de Zola.
X... SPACE X
Si le but de PERSEUS est surtout d’attirer la nouvelle génération vers les métiers du spatial (« un secteur moins inaccessible qu’on ne le croit et avec de forts débouchés futurs », assure l’encadrant), le contenu de la formation est concret, avec la mise au point de ce lanceur réuti250 étudiants en France sont concer- lisable similaire à celui de SpaceX, nés, dont une quinzaine sur ce cam- sur lequel l’équipe planche depuis pus, éclaire leur coordinateur local trois ans. « On est actuellement Sylvain Pernon. Ce sont des jeunes en phase d’expérimentation sur de niveau L2 à M2 issus des filières un modèle réduit mais l’idée est physiques, électroniques, mécaniques de réussir un test avec une fusée et mathématiques. Ils sont volon- de 5 mètres de haut et de 400 kilos taires, le travail se faisant en dehors au décollage à l’horizon 2021. » des heures de cours. » Vers l’infini et au-delà. Bikini
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V... VERRE
Y... YANN D’ALLOCINÉ Parmi les très rares films ayant pour décor les facs bretonnes : le thriller fantastique Brocéliande dont l’intrigue se situe à Villejean (même s’il n’y a pas été tourné). Un nanar de 2002 qui fait partie des pires films sur Allociné avec seulement 1,1 de moyenne de la part du public. Des spectateurs excédés à l’image de Yann, pour qui ce longmétrage est « filmé comme un sagouin et brossé à la truelle ».
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Z... ZÉRO EURO
« Bonsoir ! Alors, dans ce frigo, tu peux prendre quatre yaourts ou deux yaourts et un fromage. Et ici, c’est deux bananes et un légume. » Comme tous les lundis soir, Nolwen et Hélène font le service à l’épicerie gratuite de Rennes 2. Un projet né en janvier 2019 qui permet de redistribuer aux étudiants des invendus de supermarchés. « À chaque distribution, il y a une moyenne de 200 personnes. C’est ouvert à tous et sans condition de ressources », expliquent les deux jeunes femmes qui précisent toucher à la fois des étudiants précaires et ceux sensibilisés contre le gaspillage. Après un an d’activité, l’épicerie gratuite fait des émules (des projets se montent dans d’autres facs, dont Rennes 1) et pense à son avenir. « On aimerait créer un poste. Le travail cumulé de la cinquantaine de bénévoles représente 2,8 équivalents temps plein. Avoir un premier salarié serait une première étape, d’ici fin 2020 espérons. » Julien Marchand et Régis Delanoë 29
DOSSIER
COURS FORREST, COURS !
TOUJOURS PLUS LOIN PLUS FORT PLUS VITE, JUSQU’AU BOUT DE L’EXTRÊME LIMITE : LA GRANDE TENDANCE SPORTIVE DU MOMENT EST À L’ÉPREUVE D’ENDURANCE XXL OÙ SES PARTICIPANTS S’INFLIGENT DES HEURES D’EFFORT. MAIS POURQUOI ? ’est un peu comme une roue de hamster, et le hamster c’est moi ! » Début décembre à Plœren, près de Vannes, s’est disputé ce qui se fait de plus extrême en matière de course à pied, en tout cas au niveau de l’absurdité du concept : une épreuve de 24 heures, durant laquelle les participants courent en rond sur un circuit de 1 km, le but étant de parcourir la plus grande distance. Départ à midi le samedi, arrivée à midi le lendemain. Entre ces deux horaires, libre aux coureurs de faire comme ils l’entendent entre courir, se ravitailler, se reposer. Tels 30
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des délinquants en sursis, ils arborent un bracelet-capteur au mollet qui permet aux organisateurs de compter le nombre de tours parcourus par chacun. « J’ai dans l’idée d’y aller sur un rythme de 6 km de course pour 1 km de récupération en marchant, poursuit Damien Grimaud, originaire de Châteaubourg et qui participe à son deuxième 24 h, après Rennes en 2015 (épreuve aujourd’hui disparue). Pour le dodo, on verra bien avec les sensations du moment. » Guilleret et enthousiaste après quelques kilomètres, on le retrouve une vingtaine d’heures plus tard le lendemain matin, dans la souffrance
totale. « J’ai toute la jambe gauche contractée, on s’est pris des seaux d’eau vers 5 h, ça m’a tué… » En plus de son tutu rose et ses collants achetés dans un magasin de farces et attrapes, le trentenaire arbore désormais un méchant masque à la figure, mais il finit tout de même par boucler ses derniers tours en boîtant, parcourant un total de 138 km, 12 de moins qu’il y a quatre ans à Rennes. Venu en famille avec sa femme et ses filles, il retrouve pourtant le sourire sitôt la torture achevée. « Finir, c’est la récompense. Je vois la course comme un ascenseur émotionnel, il se passe plein de choses dans ta tête et dans
ton corps, chaque fois c’est une grande aventure. » Sur le parcours, on voit quand même quelques flaques de vomi, preuve que la douleur des participants a souvent précédé le plaisir d’en finir. « Ouais, j’en ai vu dégobiller, mais moi j’ai plutôt apprécié l’expérience !, témoigne un autre participant, Albéric Verdon, 36 ans, de Cesson-Sévigné et qui boucle ses premiers 24 h en 133,8 km. Je m’attendais à m’emmerder mais, en fait, c’est pas si rébarbatif et ça a des avantages : tes proches sont pas loin pour t’encourager et c’est facile de se poser si t’as un coup de mou… J’ai même été prendre une douche chaude quand il s’est mis à drâcher au petit matin. C’est une autre approche de la course, finalement moins stress. »
« Addiction chimique » Damien et Albéric font désormais partie de la petite communauté des circadiens, comme on appelle les coureurs d’ultrafond qui réussissent à courir pendant une journée entière. Un monde à part de gros toc-tocs du running, plutôt âgés (nos deux larrons étaient parmi les plus jeunes de la centaine de participants), aux performances extrêmes scrutées avec un mélange d’admiration et d’appréhension par Christophe Guégan, médecin du sport à Brest. « Il est scientifiquement prouvé que les efforts sportifs répétés de longue durée provoquent une addiction. En situation d’endurance, le corps produit en quantité anormale la dopamine, une molécule du plaisir qui n’est pas liée à la récompense mais à la quête de cette récompense. En clair, plus l’effort est long et plus le taux de dopamine est élevé. C’est une addiction chimique, comme avec les drogues ou l’alcool. » Et ça porte même un nom, poursuit son homologue rennais Karl Chaory : « On appelle ça la bigorexie (ou sportoolisme, ndlr), qui est la dépendance au sport. On peut comparer la pratique sportive à un médicament : c’est bon pour la 31
DOSSIER
santé si vous respectez la notice, sinon il y a risque de surdose. » Il préconise de ne pas dépasser les 12 heures de sport par semaine. « Au-delà c’est dangereux. » Christophe Guégan estime même que « 7 à 8 heures, sur un rythme de trois séances par semaine, suffisent amplement pour un sportif amateur ». Arnaud Guilloux explose allègrement ces recommandations, avec des entraînement pouvant atteindre les 35 heures par semaine avant une grande course. Il faut dire que le Brestois de 31 ans est l’un des meilleurs triathlètes longue distance de France, qualifié pour les prochains championnats du monde d’Ironman à Hawaï (bien qu’amateur). « Mais de telles charges ne viennent pas comme ça non plus, il faut que le corps s’habitue. » Gamin, il a débuté par la natation, a goûté à l’athlé à l’adolescence avant de se lancer dans la compétition cycliste, et c’est tout naturellement qu’il a
combiné les trois pour pratiquer cette discipline de gros bourrins qui consiste à enchaîner 3,8 km de nage, 180 km de cyclisme et un marathon. « Tu te fais mal, c’est sûr, à tel point que tu ne peux pas te fixer comme objectif d’en faire plus de deux par an mais sportivement c’est un sommet. C’est ce qui me plaît. »
« Les émotions d’une vie » À 23 ans, Bénédicte Perron est elle aussi spécialiste de l’Ironman et a déjà participé à celui d’Hawaï, ainsi qu’au Norseman, une fameuse épreuve dans les fjords norvégiens. « Les triathlons longue distance sont certes dures physiquement mais ils sont moins obsédants sur le chrono que les épreuves de sprint », avancet-elle comme argument. Tous les sportifs pratiquant l’endurance XXL interrogés trouvent, quel que soit leur niveau, de bonnes raisons d’aller courir, nager ou pédaler, par
tous les temps et tant pis s’il faut rogner sur les autres loisirs de base type l’apéro ou loquer devant Netflix. « On peut parler d’addiction, oui, mais de bonne addiction !, plaide ainsi le Morbihannais Pierre Le Tortorec, 11e du dernier Grand Raid de la Diagonale des Fous à La Réunion (166 km, 9 611 m de dénivelé positif). Je sais pas, ça me vide la tête et
« UNE APPROCHE LIBERTAIRE DU SPORT »
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Romain Rochedy, docteur en sociologie du sport à Rennes. Comment expliquer l’engouement actuel pour les épreuves sportives longue distance ? Les origines sont à trouver dans l’après-Mai 68 : on sort des carcans traditionnels pour une quête de liberté, en quittant le stade ou la salle de sport. Le trail et le triathlon par exemple sont à ranger dans la caté32
gorie des sports de pleine nature, avec l’escalade, le surf ou le VTT. C’est une approche libertaire du sport, renforcée en plus ces dernières années par la crise écologique et la quête d’activités en milieu naturel. Qui sont les pratiquants ? Des études ont montré qu’ils appartenaient à une catégorie sociale plutôt aisée. C’est fidèle à la logique de distinction chère à Pierre Bourdieu : les classes dominantes créent
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un sport, les dominés cherchent à se l’approprier pour changer de catégorie sociale, ce qui pousse les dominants à faire évoluer la pratique. L’allongement des distances participent de cet élitisme. Y a-t-il une limite à cet allongement des distances ? La limite physique paraît sans cesse repoussée, à tel point qu’elle paraît presque infinie. La limite mentale aussi paraît floue, surtout chez les pratiquants les plus engagés.
Au final la limite qui s’impose est surtout sociale, avec comme critère principal le temps : si l’on n’est pas pro, on ne peut pas indéfiniment rogner sur ses activités familiales et professionnelles pour courir, nager ou faire du vélo. Et l’on se rend compte une fois encore pourquoi l’activité est plutôt réservée aux CSP+ : c’est prouvé que les cadres, libéraux et indépendants peuvent consacrer plus de temps à leurs loisirs que les classes populaires.
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je sens que mon corps a besoin que je l’utilise. » « Moi je sais que ça va presque au-delà du sport désormais, enchaîne Julien Frenoy, 21 ans, étudiant lannionnais et benjamin de l’épreuve réunionnaise l’an dernier. C’est devenu un mode de vie : grâce au running je mange mieux, je me suis rapproché de la nature et je suis moins attaché aux choses matérielles. » Les jumelles finistériennes Jeanne et Julia Courtois, 28 ans et déjà trois Ironman à leur actif, jouent de leur complicité pour se motiver à se dépasser. « L’expérience humaine que tu vis dans ce genre d’épreuve est incomparable avec d’autres sports, parce que c’est à la fois très intime – tu vas chercher loin en toi – et une communion, philosophent-elles. Tout paraît décuplé, l’euphorie comme la souffrance. En un jour de course tu peux vivre les émotions de toute une vie. » Depuis Concarneau où il est installé, le jeune skippeur professionnel Stan Thuret prépare la Transat Anglaise 2020. Le bateau est en peaufinage sous le hangar et le bonhomme travaille sa condition physique. Alors lui aussi court, roule, nage comme un maboul et prend le temps de réfléchir à ce qui explique qu’autant de gens font pareil. « En fait je crois qu’on est dans une société où les 33
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le héros de sa propre vie » gens se font pas mal ch... dans leur vie, avance-t-il très sérieusement. Elle manque de mordant, d’excitation, alors ils vont la trouver en allant se défouler, et ils y prennent goût. » D’autant que ce sont des sports qui ne nécessitent pas de ballon, de terrain aux lignes délimitées, de coéquipiers ni même un dossard. « C’est le sport de la liberté totale, si un jour ça te prend tu peux mettre tes chaussures et faire une Forrest Gump. » Ce qu’il a fait cet été en inventant la TransFinistère, un Ironman à travers le département avec en plus une partie voile entre Beg-Meil et Roscoff. « Chacun peut devenir le héros de sa propre vie avec les sports de nature. Tu te fais des exploits, tu testes ta résistance physique. » La soif de nature et l’envie de repousser ses limites bousculent ainsi les carcans des sports traditionnels. Ancien bon coureur du peloton régional, Alexandre Le Roux est adepte depuis quelques années du bikepacking, une pratique qui consiste à rouler pendant des jours en autonomie. L’été dernier, le trentenaire a participé pour la troisième année de suite à l’épreuve reine du genre, la Transcontinental Race, qui consiste à traverser l’Europe sans assistance, d’un point A à un point B. La dernière édition ralliait Brest, où il habite, depuis la Bulgarie, et a eu la particularité d’être remportée par une femme (lire ci-contre). Capable de rouler 400 bornes par jour, Alexandre concède lui aussi qu’il peut s’agir d’une drogue dure et (un peu) dangereuse. « On dépense 7 à 10 000 calories par jour pendant 34
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plus de dix jours (contre 2 500 en journée normale, ndlr), je perds 7 kilos à chaque fois et je mets toujours des semaines voire des mois à m’en remettre mais… Ce sont des moments extraordinaires à vivre. Tout paraît un peu fade après, alors le réflexe est de se réinscrire pour y regoûter. » Sixième de l’épreuve l’an passé, quatrième en 2018, il hésite à remettre le couvert, d’autant que la prochaine édition démarre de Brest…
« Notre Everest à nous » 2020 sera l’année du grand défi d’un autre sportif XXL du coin : Thibaud Collet, pompier professionnel de 32 ans, originaire de Dinard et qui va tenter la traversée de la Manche à la nage. « Le Graal de la natation longue distance, notre
Everest à nous », présente-t-il par une froide matinée de décembre, alors qu’il s’apprête à aller faire quelques longueurs par une eau à 12 degrés sans combinaison (gla-gla). « L’accoutumance au froid est un paramètre essentiel de la réussite de la traversée. Ça, les méduses et la résistance physique bien sûr. » Entre Douvres et Calais, c’est 34 km en ligne droite à parcourir, pour une durée moyenne de 13 heures de nage pour ceux qui réussissent. « 400 personnes font la tentative chaque année, pour 80 % d’échec. J’ai déjà fait des 2025 bornes de nage mais au-delà c’est une vraie inconnue. Je suis conscient de la difficulté du truc mais c’est un exploit qui mérite d’être tenté. » Et lorsqu’on lui demande pourquoi il entend se farcir pareil supplice dans une eau frisquette au milieu d’une flotte de paquebots, sa réponse est la suivante : « Pourquoi ? Mais enfin pourquoi pas ? » Régis Delanoë
Photos : Bikini et DR
« Chacun peut devenir
Transcontinental
ENDURANCE ET PERFORMANCE : GIRL POWER ?
L’été dernier se disputait la Transcontinental, épreuve cycliste traversant l’Europe depuis la Bulgarie jusqu’en Bretagne. Une épreuve d’endurance remportée par une femme, l’Allemande Fiona Kolbinger (photo) qui, pour sa première participation, a fini devant tous les concurrents masculins. Une surprise ? Pas tant que ça pour le médecin du sport brestois Christophe Guégan : « C’est le résultat le plus spectaculaire en date mais pas le premier du genre. Les femmes sont par exemple en passe de devenir majoritaires parmi les nageurs ayant traversé la Manche. » Une explication ? « Le corps féminin métabolise mieux les graisses que son homologue masculin. Sur des efforts longs, c’est un avantage indéniable car la puissance musculaire naturellement plus forte chez les hommes entre moins en ligne de compte », avance Christophe Guégan. L’universitaire rennais Hassane Zouhal abonde et ajoute une donnée au raisonnement : « La prédisposition des femmes à mieux résister au stress et à la douleur. Et oui ! C’est scientifiquement prouvé, elles ont un seuil de souffrance globalement supérieur. Plus l’épreuve sportive est longue et plus les écarts de niveau diminuent voire s’inversent. Je note d’ailleurs que les femmes dominent les hommes sur la première épreuve d’endurance qui ait jamais existé dans l’histoire de l’humanité : l’espérance de vie. » 35
DOSSIER
DEPUIS QUELQUES MOIS, LA RECONNAISSANCE FACIALE S’INVITE DANS LE DÉBAT PUBLIC. CONTRÔLE, FICHAGE ET SURVEILLANCE, MAIS AUSSI USAGES MÉDICAUX ET SERVICES DU QUOTIDIEN… DES USAGES VARIÉS POUR UNE TECHNOLOGIE AU DOUBLE VISAGE. l n’y a désormais plus une semaine sans qu’elle ne fasse parler d’elle. En l’espace de quelques mois, la reconnaissance faciale s’est imposée comme la nouvelle technologie fétiche de nombreux politiques et industriels. Que ce soit sur la voie publique (comme à Nice lors du dernier carnaval ou encore à Londres), dans des établissements scolaires (deux lycées de Marseille et – à nouveau – Nice avaient émis le souhait d’installer ce dispositif) ou, de façon plus inquiétante, à l’échelle d’une région ou d’un pays (à l’image de la Chine qui utiliserait cet outil pour traquer 36
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les Ouïghours) : la reconnaissance faciale s’installe discrètement mais assurément dans nos vies. Un outil qui, en France, pourrait bien prendre une nouvelle dimension tant le gouvernement n’a pas caché sa volonté de multiplier les expérimentations. Tout d’abord pour des missions de sécurité, mais également pour des services censés nous faciliter le quotidien. En Bretagne, plusieurs acteurs travaillent déjà à bloc dessus. Parmi les sociétés leader sur le marché, on trouve Ariadnext, basée à CessonSévigné près de Rennes. Fondée en 2010, l’entreprise a développé une
solution permettant d’identifier une personne à distance grâce à la reconnaissance faciale (l’utilisateur se photographie ou se filme, et son visage est comparé avec la photo de sa pièce d’identité). Un programme dispo sur la plateforme France Connect, faisant d’Ariadnext l’un des six fournisseurs officiels d’identité numérique. « France Connect est un portail lancé en 2016 qui permet de garantir à de nombreuses autorités administratives (impôts, Sécu…, ndlr) et à des opérateurs privés (banques et jeux en ligne par exemple, ndlr) que c’est bien vous qui accédez au service »,
explique Marc Norlain, co-fondateur d’Ariadnext, pour qui « certains usages sur le Net requièrent plus de sécurité. L’identité numérique par la reconnaissance faciale s’avère alors un bon outil ». Un outil qui a évolué et qui s’est perfectionné depuis ses balbutiements dans les années 70. « Jusque dans les années 2000, il existait des programmes basés sur des séries de points sur le visage. Mais depuis, nous sommes davantage sur des technologies à base de “deep learning”, poursuit Marc Norlain. Pour faire simple, dans l’apprentissage profond, on éduque un réseau à reconnaître des objets et on le spécialise dans la reconnaissance de visages. On lui montre deux portraits et on lui dit si c’est oui ou non la même personne. L’opération est répétée des centaines de milliers de fois. Ainsi entraîné, le programme peut alors dire par lui-même si deux visages correspondent. L’avantage de cette solution, c’est qu’elle ne stocke pas la tête de l’usager dans une base de données. À chaque utilisation, le système refait la comparaison. »
« Analyse des émotions » Une technologie d’apprentissage profond sur laquelle se basent également les travaux de l’équipe FAST (Facial analysis, synthesis & tracking), qui regroupe des chercheurs de Centrale Supélec Rennes, dont fait partie Renaud Séguier. « Au-delà de la simple identification, le deep learning permet de travailler sur l’analyse des émotions. Nous arrivons à détecter les microexpressions (un pincement de lèvre, un plissement de la peau…) qui sont facteurs d’énormément d’informations sur l’état de la personne. » Une application qui trouve actuellement sa place dans plusieurs expérimentations médicales. « Un programme de recherche est notamment mené dans un service de réanimation. On travaille sur un système permettant de savoir quand les gens sortiront du coma. Une caméra 37
DOSSIER
« Usage volontaire et consenti » Même topo pour le boss d’Ariadnext pour qui un grand débat public doit avoir lieu afin de légiférer. « Mais un vrai débat, objectif, qui ne soit pas confisqué par des lobbys industriels et des géants français du secteur comme Thales ou Idemia. Personnellement, je considère que la banalisation de la reconnaissance faciale n’est pas une chose souhaitable. Je fais une distinction très nette entre, d’un côté, l’usage volontaire, consenti et éclairé pour accéder à un service ponctuel et, de l’autre côté, la mise en place d’une surveillance de masse automatique et permanente. Surtout qu’il faut toujours avoir en tête qu’un retour en arrière n’est pas toujours possible : une fois installées, certaines technologies sont compliquées à enlever. » Une dérive que craint le Rennais Xavier Coadic, fondateur du fablab Le Biome, consultant web et contributeur au projet Technopolice. « Quand on se balade dans la rue, personne n’a donné son consentement à se faire filmer. C’est pourtant le cas. Les caméras publiques et privées quadrillent la plupart des grandes villes. Et – sans devenir parano – si un jour on ajoute un système de reconnais-
« Sa banalisation n’est pas
une chose souhaitable » 38
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« Tout dépend en fait des domaines dans lesquels vous choisissez de travailler, estime le responsable de l’équipe FAST. Nous concernant, on s’est dit dès le départ qu’on ne voulait pas travailler dans des secteurs “nauséabonds” : on ne veut pas développer des outils de neuromarketing ou de surveillance massive de la population. »
Ariadnext
scrute les mouvements du visage et, selon les expressions, détecte le futur réveil. Une alarme avertit alors le personnel soignant. L’intérêt, c’est d’être là quand le patient se réveille pour éviter qu’il se désintube tout seul et se blesse. » Autre support imaginé par l’équipe FAST : un miroir à destination des militaires atteints de stress posttraumatique. « Une image légèrement plus positive de la personne est renvoyée en temps réel. Nous sommes sur une boucle de rétroaction : quand les gens se voient légèrement plus souriants, ils simulent alors cette expression, ce qui a un impact sur leur cerveau. C’est un phénomène totalement inné et inconscient. Le but du jeu est ici de désancrer leur mémoire négative et de les faire se sentir mieux, poursuit Renaud Séguier, également co-fondateur de Dynamixyz, spécialisée dans la “motion capture facial”. Cette startup fait principalement du transfert d’expressions sur des avatars 3D. On a démarré sur ce créneau ludique, avant de se tourner vers d’autres milieux, automobile notamment. » Ici, une caméra braquée sur le conducteur permet de détecter la direction de son regard et son émotion. « S’il apparaît distrait, fatigué ou énervé, il est alors averti pour qu’il se ressaisisse et termine son trajet sans danger. » Prévention routière, usages médicaux et sécurisation de son identité en ligne : les applications mises en place par Renaud Séguier et Marc Norlain semblent à première vue tout sauf concernées par les polémiques actuelles sur la reconnaissance faciale.
sance faciale à la vidéosurveillance, cela devient 1984 et Big Brother. » Dans le viseur de Xavier Coadic, la “smart city” (soit le fait de rendre la ville plus efficace grâce aux nouvelles technologies) que mettent en avant certaines municipalités. « Sous prétexte de nous rendre un service, tous nos déplacements et nos usages peuvent être pistés dans une ville dite connectée. Et la reconnaissance faciale peut être un de ses outils. » Un concept débattu fin novembre à Rennes lors de l’European Cyber Week qui réunissait de nombreux acteurs de la cyber-défense, dont la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). « Il y a beaucoup de fantasmes sur la reconnaissance faciale. C’est une technologie qui reste aujourd’hui peu répandue en France. Si elle devait un jour se généraliser, cela débuterait sans doute dans les aéroports, comme aux États-Unis. Des caméras sur certaines portes d’accès peuvent être utiles pour s’assurer de l’identité des voyageurs, estime un agent de la DRSD (qui tient à rester anonyme) avec qui on a pu échanger en aparté.
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Mais pour l’espace public, vu la qualité des caméras actuelles, cela serait plus compliqué à mettre en place. Dans tous les cas, la reconnaissance faciale n’est qu’un outil parmi tant d’autres pour identifier une personne. » Dans un contexte d’expérimentation, la position de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) est guettée par les professionnels du secteur. À l’image d’Orange qui, malgré ses travaux sur un miroir connecté utilisant la reconnaissance faciale, n’a pas souhaité nous accueillir dans ses laboratoires rennais et lannionnais, car « en attente des recommandations définitives de la CNIL sur le sujet ». Une institution plébiscitée et vantée par Marc Norlain. « La CNIL dit oui à la biométrie mais quand son usage est proportionné aux problèmes qu’on souhaite résoudre. Cela me semble la bonne position. La reconnaissance faciale ne doit pas être rejetée d’un bloc car elle peut être pratique et efficace. Mais son utilisation doit être extrêmement contrôlée. La condition sine qua non pour que cette technologie soit acceptée par le grand public. » Julien Marchand 39
DOSSIER
Une œuvre qui prend place au sein de l’exposition Contrôle+Z actuellement visible au centre d’art Gwinzegal à Guingamp. Webcam, Google street, lunettes connectées, vidéosurveillance… Des nouveaux outils redéfinissant les contours de nos libertés individuelles qu’ont questionnés onze photographes contemporains. Tantôt de façon alarmiste (comme la Néerlandaise
« RÉDUIRE LA SURFACE D’ATTAQUE » « Internet n’est plus un simple outil, il représente désormais nos vies, aussi bien professionnelle que personnelle. À partir de là, les libertés numériques deviennent une extension de notre liberté tout court », pose Damien Belvèze, du comité d’organisation du Festival des Libertés numériques. Cet hiver, ce rendez-vous fêtera sa 3e édition avec, comme thème directeur, le partage. « L’idée, c’est de donner des clés de réflexion et des outils pour apprendre à utiliser de façon sûre les nouvelles technologies. Comment mieux partager l’information ? Comment mieux partager ses données en les anony40
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Esther Hovers qui s’interroge sur un système de vidéosurveillance capable de détecter des comportements qu’il jugerait suspects), tantôt avec humour (à l’image de l’Américain Jeff Guess qui a réalisé ses photos de mariage en se faisant flasher par un radar). Malin. Jusqu’au 23 février à Gwinzegal à Guingamp
« DANS LES ANGLES MORTS »
misant ? Comment mieux partager des licences libres ?, énumère Damien qui observe une prise de conscience grandissante du public. Globalement, les gens savent qu’ils sont vulnérables sur le Net. S’en rendre compte est déjà une bonne chose. Lors d’ateliers, conférences et tables rondes, le festival va essayer de leur apprendre à réduire leur surface d’attaque et, ainsi, à protéger leur vie privée. Parmi les premières choses simples : la gestion de ses mots de passe, l’utilisation des réseaux sociaux, le chiffrement de ses mails… »
Nous sommes en 2040. Dans une France envahie par les nouvelles technologies et les outils de contrôle, des êtres mystérieux parviennent à évoluer « dans les angles morts ». Ce pitch, c’est celui des Furtifs, le dernier roman d’Alain Damasio. Le maître français de la SF est l’un des invités du festival Jardin d’hiver.
Du 1er au 16 février à Rennes et en Bretagne
Du 7 au 9 février aux Champs Libres à Rennes
Adrien Barbier
48 visages numérisés, détourés et posés sur un fond noir. Cette série de portraits (parmi lesquels on retrouve notamment celui de Yekaterina Samutsevich, membre des Pussy Riot) est le fruit d’un logiciel de reconnaissance faciale développé à Moscou et utilisé pour des programmes de surveillance de l’espace public et de contrôle aux frontières. Un système tellement perfectionné qu’il réussit à générer un avatar 3D de toute personne filmée, quelles que soient la position de son corps, l’inclinaison de son visage ou la direction de son regard. Une technologie digne de 1984 (elle est présentée comme particulièrement efficace pour photographier les personnes qui ne le souhaitent pas) qu’ont détournée les artistes Adam Broomberg et Olivier Chanarin pour cette installation baptisée Spirit is a bone. Une sorte de taxonomie 2.0 de la Russie d’aujourd’hui.
Broomberg & Chanarin
FILMÉ ET TRANSFORMÉ EN AVATAR 3D
DR
RDV
NOUVELLE VAGUE
LES GARÇONS DE STRUCTURES DÉBOULENT AVEC DES SYNTHÉS BOURDONNANTS ET UN CHANT SPECTRAL QUE N’AURAIENT PAS RENIÉ JOY DIVISION OU ENCORE THE HORRORS. BRRRRR, FAIT FROID NON ? es critiques rock s’étant jusqu’à présent penchés sur le cas Structures ont toutes un peu paresseusement décidé de ranger le groupe dans la case “post punk”. Une terminologie habile, suffisamment explicite pour savoir de quoi on parle vaguement, mais encore assez vague pour laisser libre cours à l’imagination du mélomane découvrant la musique de ces vingtenaires originaires d’Amiens et exilés à Paris. Entendre par là qu’ils pratiquent un son brut, limite indus, lorgnant pas mal vers l’Angleterre thatchérienne des eighties, avec synthés qui tourbillonnent et incantations vocales du chanteur Pierre qui donne 42
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l’impression de résonner dans un hangar humide. On pense à The Horrors, These New Puritans, The KVB ou à l’inévitable référence Joy Division. « C’est toujours un peu réducteur d’être classé dans tel ou tel courant, alors on a décidé de créer le nôtre : la rough wave. » Littéralement la vague agitée, cousine de la cold wave ou de la dark wave qui, elles, figurent bel et bien dans les dicos du rock. N’y voyez-là aucune prétention de la part d’Adrien, guitariste et porte-parole du groupe, seulement l’envie de se singulariser pour un quatuor qui a déjà cumulé plus de 100 dates depuis ses débuts en 2017 (dont un passage remarqué sur la
scène iNOUïS des jeunes talents au dernier Printemps de Bourges et une récente date au Trabendo à Paris partagée avec The Psychotic Monks) et qui a sorti un premier EP autoproduit l’an dernier. Un CV qui va continuer de s’étoffer en 2020 avec « un premier vrai album à paraître en mars chez Deaf Rock (label de Crocodiles et Last Train, ndlr) et déjà pas mal de concerts bookés », ainsi que des festivals, comme Art Rock où le groupe s’annonce pour le printemps prochain. Régis Delanoë Le 7 mars à l’Hydrophone à Lorient Le 18 avril à La Carène à Brest
Zeina Abirached
UN QUART TON
L’EXCELLENTE BANDE DESSINÉE LE PIANO ORIENTAL A DÉSORMAIS SON ADAPTATION THÉÂTRALE. Le piano est l’instrument occidental par excellence. Il n’est d’ailleurs que très peu utilisé dans les pays arabes, et pour cause : il ne permet pas de jouer le quart de ton, cet intervalle (équivalent à la moitié d’un demi-ton) si répandu dans les musiques orientales. Voilà pour le petit cours théorique. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’à Beyrouth dans les années 1960, un musicien un peu fou nommé Abdallah Chahine a créé un piano qui pouvait justement jouer ces fameux quarts de ton. Conçu en un seul exemplaire, l’instrument est tombé dans l’oubli. Jusqu’à ce que l’arrière-petite-fille de son concepteur, Zeina Abirached, autrice de bande dessinée, ne se décide à retracer l’histoire de cet objet dans son premier ouvrage. Le Piano Oriental a été un carton lors de sa publication en 2015. À travers cette histoire folle, c’est celle du multilinguisme qui apparaît en filigrane. « Le problème, c’est qu’il m’était impossible de faire entendre ce piano autrement que par mes dessins, raconte Zeina Abirached. Alors, lorsqu’un facteur de piano belge m’a expliqué qu’il se lançait dans la confection d’un exemplaire basé sur l’original, l’envie d’en faire un spectacle est né. » Une version théâtrale du Piano Oriental où la musique jouée par le pianiste Stéphane Tsapis se mêle en direct à la lecture et au dessin du roman graphique. Brice Miclet Le 12 février au festival Travelling à Rennes 43
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SINGIN’ IN THE REYNZ Brest n’est pas vraiment connue pour sa scène rap. Mais depuis quelques temps, de jeunes artistes commencent à faire de la grisaille une source d’inspiration intarissable pour leur flow. Reynz, 22 ans, en fait partie. Tout juste vainqueur du tremplin régional Buzz Booster après une finale remportée à domicile à La Carène, il a toutes les cartes en main pour faire parler de lui en cette nouvelle année. « Brest est ce qui m’inspire le plus, elle fait partie de mon identité, confesset-il. Il y a ce côté maussade, il y a la pluie, ce truc qu’on a tout le temps
au-dessus de la tête… Cette ville est poétique, c’est une gueule cassée. Elle est belle parce qu’elle est abîmée, parce qu’elle est moche. » Cet amour fou pour sa ville transparaît tout au long de sa jeune carrière, que ce soit dans l’un de ses plus vieux titres disponibles, Fornique la maréchaussée, ou sur un premier EP, Olympique Poésie, sorti en 2019, et sur lequel il conte ses escapades sur les plages de Saint-Lunaire dans le 35, son attirance pour les Italiennes (les meufs, pas les voitures) et pour Les Aristochats. Avec une inspiration évidente du collectif 75e Session,
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VA-T-ON ENFIN VOIR LES RAPPEURS BRESTOIS SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE ? AVEC REYNZ, TOUS LES ESPOIRS SONT PERMIS. EN CE DÉBUT 2020, LE JEUNE GARÇON TOURNE À FOND LES BALLONS.
dont le défunt Népal était l’un des membres les plus éminents. « Ses paroles et son univers sont très codés. Il avait son propre langage, presque sa propre langue. » À Reynz désormais d’inventer la sienne. Brice Miclet Le 25 janvier à l’Antipode à Rennes, le 21 février à l’Hydrophone à Lorient, le 7 mars à Urbaines à Rennes, le 11 avril à Bonjour Minuit à St-Brieuc, le 17 avril à L’Echonova à St-Avé…
DR
AH-AH-AH
Amateurs de blagues, galéjades et autres marrades (Que fait une fraise sur un cheval ? Réponse : tagada, tagada), ce début d’année est pour vous, avec une flopée d’humoristes à l’affiche. Quatre d’entre eux ont notre préférence dans l’agenda à venir : le British Paul Taylor (le 5 mars au Ponant à Pacé, photo), l’impeccable Haroun (le 7 février aux Arcs à Quéven et le 19 mars au Liberté à Rennes), le fantasque Alex Lutz (les 25 et 26 mars au Théâtre de Cornouaille à Quimper) et bien sûr le toujours sémillant Chris Esquerre (le 24 janvier au Pôle Sud à Chartres-deBretagne). 44
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Gaël Kerbaol
LA BOÎTE DE JAZZ
GRÂCE À DE PETITES MAQUETTES, JAZZBOX EXPLORE LES ÉMOTIONS PROCURÉES PAR CETTE MUSIQUE. Chicago, Paris, New York… Dans l’exposition JazzBox, la scénographe Cécile Léna rend hommage à huit villes, huit lieux étroitement liés à cette musique. Pas en retraçant l’histoire du genre, mais plutôt en concevant de petites maquettes disposées dans des sortes d’isoloirs individuels. Elles représentent l’entrée d’un bar, un vieux cinéma ou encore un salon. « Pendant trois minutes, la maquette s’anime d’une bande-son orientée sur le jazz. Il y a un espacetemps qui se déroule devant vous. » Cette vision du jazz mêle l’imaginaire et le vécu de l’artiste, mais aussi l’expertise de Philippe Méziat, journaliste musical spécialisé, qui a choisi les extraits sonores audibles. Tout se mêle. Par exemple, la maquette de la ville de Tokyo représente un hôtel de luxe bercé par un morceau du saxophoniste français Barney Wilen, que Cécile Léna a pu rencontrer il y a plusieurs années. Lorsque l’on sait que l’un des disques majeurs du musicien est un live donné à Tokyo en 1991 à la fin de sa vie, cela fait sens. « Il fallait que l’on mette les États-Unis à l’honneur, mais aussi l’Afrique avec l’Éthopie notamment et la musique de Mulatu Astatke, ajoute la scénographe. Casablanca, c’est une référence au grand film américain du même nom, dont la scène la plus célèbre est celle où l’acteur Dooley Wilson chante As Time Goes By. » B.M Jusqu’au 26 janvier au Théâtre de Lorient 45
RDV
L’AMER BATLIK
ARTISTE INDÉPENDANT À LA TÊTE DE SON PROPRE LABEL, BATLIK A SORTI À L’AUTOMNE DERNIER « L’ART DE LA DÉFAITE ». UN ALBUM INSPIRÉ PAR L’ŒUVRE DU PHILOSOPHE EMIL CIORAN.
Toine
« La musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur. » Cette phrase, Batlik l’a toujours attribuée à son grand-père, s’y rattachant lorsque le doute artistique s’installait. Jusqu’à il y a trois ans. Alors qu’il feuillette un livre d’Emil Cioran, il s’aperçoit que sa maxime favorite est en fait l’œuvre du poète et philosophe roumain, décédé à Paris en 1995. « Ça a déconstruit pas mal de choses en moi, se souvient le garçon installé en Seine-Saint-Denis. D’où l’idée de rebondir sur l’œuvre de Cioran, morceau par morceau. » Le résultat, c’est L’Art de la défaite, sorti à l’automne dernier (chez À brûle
pourpoint, le label qu’il a fondé) et porté par le single Avalanches. Un album où il s’inspire donc des obsessions et du personnage de Cioran. « La première chose qui m’a plu chez lui, c’est son caractère distancié, ironique, raconte Batlik. J’ai toujours eu du mal avec la philosophie car il y a souvent un système à suivre, des règles. Mais pas chez lui. » Très organique, cet album voit aussi le chanteur (et guitariste) s’orienter vers des sonorités plus aventureuses, des rythmiques inattendues et des chœurs insaisissables… B.M Le 13 mars au Vauban à Brest
Prisma Laval
DOUBLE DOSE DE CIRQUE
Temps fort hivernal du Théâtre de Cornouaille, le festival Circonova revient pour une 9e édition du 10 janvier au 6 février. Quatre semaines de cirque contemporain et quatorze spectacles à l’affiche, dont l’aérien L’Oiseau-Lignes de Chloé Moglia, le magique Paradoxe de Georges du prestidigitateur Yann Frisch ou encore le catchy Borderless Extract de Seb et Blanca. À Rennes et dans le 35, c’est le toujours défricheur festival Ay-Roop qui remet la gomme du 19 au 29 mars. Au programme notamment : les spectacles Vol d’usage de la Compagnie Quotidienne, Abaque du Cirque Sans Noms ou encore Le Bruit des loups (photo), la nouvelle création de l’onirique Étienne Saglio au TNB. 46
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FOCUS
LES HORIZONS LA TOUR EIFFEL DE RENNES LE PLUS CÉLÈBRE IMMEUBLE RENNAIS FÊTE SES 50 ANS EN 2020. UN DEMI-SIÈCLE QUE CET ÉDIFICE IMAGINÉ PAR L’ARCHITECTE GEORGES MAILLOLS S’EST IMPOSÉ COMME UN EMBLÈME DU PAYSAGE URBAIN.
Si le patrimoine architectural fait aujourd’hui partie des atouts rennais, cela n’a pas toujours été le cas. « Jusque dans les années 1950, Rennes était une ville où l’on trouvait de nombreux quartiers insalubres avec un habitat déplorable. Henri Fréville, alors maire (entre 1953 et 1977, ndlr) décide donc de mettre en place un plan d’ampleur visant à éradiquer ces ilots d’insalubrité. Et c’est porté par cette volonté politique qu’il fait notamment appel à l’architecte Georges Maillols pour mener à bien la reconstruction de la ville », situe Jean-Yves Andrieux, professeur d’histoire de l’art et auteur en 2013 d’un large ouvrage sur les nombreuses réalisations de Maillols. Parmi celles-ci : Les Horizons, édifice érigé en 1970 rue de Brest, qui constitue selon Gilles Brohan, animateur du patrimoine à l’office de tourisme de Rennes, « la partie la plus visible de ce plan de requalification urbaine ». Avec cet immeuble, l’objectif est clair : loger un millier de personnes. Chose faite avec 480 appartements (de 42 ou 54 m2) répartis sur 30 étages.
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Créations Artistiques Heurtier / Musée de Bretagne
SYMBOLE D’UNE VOLONTÉ POLITIQUE
PRÉFABRIQUÉ
Valdosilasol
L’immeuble marque aussi le succès de l’industrialisation de la construction, « limitant ainsi les délais et facilitant le chantier ». Pour la façade (réalisée en béton de ciment blanc, d’oxyde de titane, ainsi que de quartz et marbre blanc concassés) plus de 700 panneaux de taille unique, conçus par “La Rennaise de Préfabrication”, permettent de maintenir la cadence et de voir pousser un étage tous les six jours en moyenne.
« PLUS HAUUUT, OUI PLUS HAUUUUT »
« GÉOMÉTRIE SINGULIÈRE » « Sous Louis XIV, on a fait du Louis XIV, de l’Empire sous l’Empire. Aujourd’hui, au 20e siècle, on fait de l’architecture du 20e siècle », affirmait haut et fort Maillols. Avec ses lignes caractéristiques, l’immeuble de la rue de Brest entre dans cette catégorie. Sa forme elliptique et ses façades évoquent un épi de maïs (l’architecte s’est sur ce point inspiré des tours jumelles Marina City à Chicago). Le style des Horizons tranche. « Cette
Bastien Milanese
« Vu le site, il n’y avait pas trente-six solutions : il fallait monter ! » C’est ainsi que Georges Maillols justifia la hauteur de son édifice. Une tour de 99,5 mètres, une seconde de 96 mètres, toute les deux reliées par un noyau central renfermant les circulations verticales (ascenseurs, escaliers). La construction fait alors partie des tout premiers immeubles de grande hauteur (IGH) à usage d’habitation dans le pays. « À cette époque, il n’y avait pas de normes concernant les IGH. C’est la réalisation des Horizons et le travail de Maillols qui ont permis d’en définir », éclaire Jean-Yves Andrieux. Si d’autres gratte-ciel ont vu le jour depuis dans la capitale bretonne (la Tour de l’Éperon en 1975 au Colombier notamment), Les Horizons (que Maillols avait un temps imaginé à 60 étages, avant de se raviser pour des questions techniques) reste à ce jour le plus haut bâtiment rennais. géométrie singulière, c’est ce que j’aime particulièrement, confesse Jean-Yves Andrieux. Elle montre que Maillols s’est parfaitement inscrit dans son époque et qu’il a été marqué par l’esthétisme de ces années-là. On pense bien sûr à Vasarely. » Même topo pour Gilles Brohan pour qui l’immeuble représente « un pur produit des Trente Glorieuses ». Si plusieurs édifices rennais de Maillols peuvent paraître aujourd’hui un poil démodés (comme la Barre Saint-Just
ou le restaurant universitaire L’Étoile sur le campus Beaulieu), il n’en est rien pour Les Horizons. « Il s’est toujours bien fondu et inséré dans le paysage rennais. C’est une de ses forces, estime Jean-Yves Andrieux. Si les tours ont été réhabilitées il y a vingt ans pour des normes de sécurité, son look n’a pas été modifié. Aujourd’hui, c’est devenu l’immeuble le plus reconnaissable de la ville, pour ne pas dire son emblème. C’est la tour Eiffel de Rennes. » J.M 49
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Figurable incontournable du street art rennais, WAR investit le centre d’art Les 3 CHA. Avec Grandeur Nature !, le peintre change de terrain et investit l’intérieur d’une chapelle pour une installation gigantesque et immersive aux matériaux bruts. Une ode à la nature, surprenante et fascinante.
La radio est le média préféré des Français, même pendant les grèves avec la chouette playlist Radio France (sauf les enchaînements Cali-Mickey 3D). Le festival Longueur d’Ondes lui consacre son rendez-vous annuel, avec comme d’hab’ du beau monde côté invités : Mathieu Vidard (photo), Bruno Duvic, Inès Léraud…
Nouveau rendez-vous dans l’agenda rennais : le festival Waterproof concocté par Le Triangle et le collectif FAIR-E. Deux semaines de rendezvous chorégraphiques avec notamment Queen Blood d’Ousmane Sy (photo), Eighteen de Thierry Micouin ou – plus lol – un marathon de la danse à l’Ubu.
« Et ça fait bim, bam, boum ! » Astro remet le couvert pour une nouvelle édition hivernale. Parmi les invités : DJ Pierre (photo), Folamour, Moxie… En plus des concerts, des conf’ qui dépotent comme “Décoloniser le dancefloor” ou une table ronde contre les agressions sexuelles en milieu festif.
C. Crénel
À Brest (Carène, Vauban…) Du 11 au 16 février
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À Rennes (Triangle, TNB…) Du 28 janvier au 13 février
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Au Quartz à Brest Du 4 au 9 février
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Aux 3 CHA à Châteaugiron Du 25 janvier au 13 mars
INSIDE STANLEY KUBRICK
LE SCHMOUL
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Après avoir revisité l’univers d’Ennio Morricone, le groupe jazz rock Festen s’attaque à la musique de dix films du génial Stanley Kubrick : Orange Mécanique, Shining, Lolita… En plus du concert, un focus sur le réalisateur est également proposé au cinéma Quai Dupleix.
Pour démarrer l’année sur de bons rails (coucou Philippe Martinez), rien de tel qu’un petit week-end zic-mu. Et ça tombe bien, le festival du Schmoul en propose un beau, avec à l’affiche It It Anita, MNNQNS (photo), Lysistrata, Guadal Tejaz, Malik Djoudi…
Solidement ancré à l’agenda, le meilleur festival rennais de hip-hop ne déçoit jamais, capable de rassembler avec le même plaisir puristes et newbies. Pour sa 11e édition, Dooinit verra notamment défiler la Sud-Africaine Dope Saint Jude (photo), Illa J, Sa-Roc, DJ Deheb...
Qu’obtient-on en mélangeant musique trad’ et actuelles ? Des sonorités envoûtantes, spécialité du label Pagans. Une soirée carte blanche lui est consacrée, avec la fine fleur de son catalogue : les Gascons d’Artús, les Auvergnants de Super Parquet (photo) et les Occitans de Cocanha.
Au Théâtre de Cornouaille à Quimper Le 27 mars
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À Bain-de-Bretagne Les 24 et 25 janvier
janvier-février-mars 2020 #45
À Rennes métropole Du 25 mars au 5 avril
À Bonjour Minuit à Saint-Brieuc Le 29 février