BIKINI JANVIER-FEVRIER-MARS 2019

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JANVIER-FÉVRIER-MARS 2019 #40



TEASING

À découvrir dans ce numéro...

«UN PETIT REMONTANT MAISON»

WA A C K I N G

CIDRE GÉNODIQUE SOUCOUPISTES

«SANS TRICHE ET SANS ESBROUFE» RÉALITÉ VIRTUELLE

GUILLOTINE

LOW TECH CAMPAGNE

«DU PORNO ÉTHIQUE ET FÉMINISTE»


ÉDITO

WHAT THE FAC ? On pourrait presque parler d’un vote historique : mi-décembre, après plusieurs semaines de mobilisation contre « les réformes anti-sociales » touchant les universités (Parcoursup, augmentation des frais de scolarité pour les étrangers…), les étudiants de Rennes 2 ont voté contre le blocage de leur établissement (60 % des suffrages, par voie électronique). Une annonce qui a pu surprendre tant la faculté a su cultiver et entretenir sa réputation rebelle et contestataire, lui assurant son surnom de « Rennes la rouge ». Une longue tradition qui puise sa source dès sa naissance en 1969, suite à la scission de l’université de Rennes, dans la foulée des événements de mai 68. Dans le genre mythe fondateur, difficile de faire mieux. Forte de son enseignement en sciences sociales, constitutif de sa conscience politique, Rennes 2, qui fête cette année ses 50 ans, verra son histoire marquée par les mobilisations. Contestation de la sélection à l’entrée, du plan U3M, de la réforme LMD, de la loi travail… Sans oublier bien sûr l’opposition contre le CPE en 2006 où Rennes accueillit la première coordination nationale étudiante. Suivront deux mois de blocage et des manifestations dont les souvenirs émeuvent encore ceux qui y ont participé. Les tags XXL « Vive la commune » et « Vive la dictariat du prolétature » sur le bâtiment B ont longtemps constitué les stigmates de ces protestations. Un héritage politique ébranlé par le vote de décembre dernier ? Si les étudiants ont effectivement opté pour une levée du blocus, de nouvelles AG sont au calendrier de janvier. Une nouvelle mobilisation en guise de cadeau d’anniversaire ne serait-il pas le plus bel hommage ? La rédaction

SOMMAIRE 6 à 11 12 à 21 22 à 27 28 à 31 32 à 35 36 à 39 40 à 47 48 & 49

WTF : groupes passés aux Trans, cinéma VR, décibels, cidre nature... Les bleds rock Le premier OVNI breton « La musique soigne mes légumes » « Porno et éthique » Le dernier exécuté public RDV : Rendez Vous, Quitter la Terre, You Vicious !, Marble Arch, Princess Madoki, Syndrome U... Un tour du monde écolo et bricolo

50 BIKINI recommande 4

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Directeur de la publication et de la rédaction : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Brice Miclet / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Consultant : Amar Nafa / Couverture : Samir Tlatli / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos partenaires, nos lieux de diffusion, nos abonnés, Michel Haloux, Émilie Le Gall, Louis Marchand. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - 1 bis rue d’Ouessant BP 96241 - 35762 Saint-Grégoire cedex / Téléphone : 02 99 25 03 18 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2019.



WTF

QUEL GROUPE DES TRANS (RE)VOIR ?

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QUEL CIRQUE !

SI VOUS AVEZ LOUPÉ LA DERNIÈRE ÉDITION DES TRANS MUSICALES, DOMMAGE POUR VOUS CAR IL Y AVAIT COMME TOUJOURS DE SACRÉES BONNES DÉCOUVERTES. LA PREUVE PAR TROIS AVEC CES GROUPES JOUANT LES PROLONGATIONS EN BZH.

Mert Gafuroglu

C’est déjà la septième édition du festival Ay-Roop qui fidèle à ses habitudes offre un joli focus sur le cirque contemporain. Au programme cette année : L’Homme Canon du poétique et kamikaze de Rémi Luchez ou encore l’onirique Intérieur Nuit de JeanBaptiste André. Du 14 au 30 mars à Rennes Métropole.

AB PRODUCTIONS

DR

BODEGA

Producteur hip-hop issu de la scène de Détroit, Apollo Brown est un disciple de DJ Premier délivrant un son à base de samples empruntant à la soul principalement. Accompagné pour cette tournée européenne par le rappeur Joell Ortiz, il fait halte à La Citrouille à Saint-Brieuc pour une date unique en BZH. Le 9 mars.

NATURE ET DÉCOUVERTES

man vs wild Walden ou la Vie dans les bois est un classique de la littérature américaine. Le metteur en scène David Gauchard s’en inspire pour signer Le Temps est la rivière où je m’en vais pêcher, poème visuel mis en musique en live par Thomas Poli et Laëtitia Shériff. Les 14 et 15 mars au Théâtre de Cornouaille. 6

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Un nom de scène ail et patchouli qui s’entend comme une chanson de Francis Cabrel mais c’est de Brooklyn que ce quintet mixte vient pourtant, s’inscrivant dans une prestigieuse lignée newyorkaise allant de Talking Heads à Parquet Courts et passant par Wire et LCD Soundsystem. Bodega (photo) joue debout et danse en même temps (la batteuse comprise) et a confirmé tout le bien qu’on en pensait en renversant le hall 3 du Parc Expo le dernier soir des Trans. Bougez bougez ! Quand et où ? Le 22 février à La Route du Rock Hiver à St-Malo

ATOEM

EUT

Si Google Trad a bon, Eut voudrait dire « coupé » en néerlandais, ce qui ne nous avance pas beaucoup mais au moins vous vous coucherez moins bête ce soir. Ce jeune groupe, né sur les bancs d’une école d’arts à Amsterdam, revisite la scène post-punk indie de la fin des 80’s/début des 90’s (ils étaient à peine nés) : Breeders, Lemonheads, Throwing Muses, Sleater-Kinney… On a connu pires références pour imposer ses ritournelles ultra addictives. Obladi oblada ! Quand et où ? Le 14 février à La Citrouille à Saint-Brieuc

Parmi les locaux invités à la dernière giga kermesse rennaise de fin d’année, coup de cœur pour Atoem, duo pratiquant une techno cosmique éthérée et très cinématographique, avec vrais instruments analogiques bricolés DIY. Les rejetons post-apocalyptiques de Jean-Michel Jarre et Hans Zimmer sont retenus pour l’audition Bretagne des Inouïs du Printemps de Bourges. Boum boum ! Quand et où ? Le 26 janvier à l’Antipode à Rennes



WTF

« L’EFFET WAOUH DE LA VR AU CINÉMA »

DR

Belle opé du festival Travelling qui, pour sa prochaine édition du 5 au 12 février, installe un cinéma en réalité virtuelle (VR) au TNB à Rennes. Équipés de casques, les spectateurs pourront se plonger dans trois documentaires à 360°. Parmi ceux-ci : Dans la peau de Thomas Pesquet, réalisé par le Rennais Pierre-Emmanuel Le Goff. Un film tourné dans l’espace (une première en VR !) par le spationaute français qui a suivi une formation de cinéaste avant de décoller. Une expérience immersive mais pas que. « Le point de vue subjectif, c’est la première attente d’un film VR. Mais dans notre film, nous avons

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LONGTEMPS CANTONNÉE À UNE UTILISATION UN PEU GEEK, LA RÉALITÉ VIRTUELLE SE DÉVELOPPE JOLIMENT ET MULTIPLIE LES APPLICATIONS : JEUX VIDÉO, SANTÉ… QUID DU CINÉMA ? LES CHOSES SEMBLENT ENFIN BOUGER !

également multiplié les points de vue objectifs pour développer une nouvelle narration. Cela permet d’élargir les possibilités cinématographiques de la VR », ambitionne Pierre-Emmanuel. De là à imaginer prochainement des films de fiction en réalité virtuelle ? « Pour cela il faut qu’un écosystème favorable se développe : équipement du grand public en casques, multiplication des canaux de diffusion

(salles de cinéma et VOD), catalogue d’œuvres suffisamment fourni… Les Gafa s’intéressent à la VR, ce qui constitue un indicateur. Nul doute que les gros studios vont la développer pour en faire plus que de simples outils promotionnels, projette le réalisateur breton. D’une manière générale, il faut éviter que la réalité virtuelle connaisse le même destin que les films en 3D. Prometteurs au début, puis décevants par la suite. Mais si la narration spécifique est prise en compte, si le casque est de qualité et la post-prod bien faite (pas d’effet de nausée…), dur de rivaliser avec “l’effet waouh” de la VR. »

Léo Mondon

JEUNES POUSSES

Les choses s’enchaînent pour Joanna (photo). Après sa première date lors du festival Maintenant, l’auteure de Séduction s’est hissée en finale régionale des Inouïs avec, à la clé, une possible programmation pour le Printemps de Bourges. La pop suave de la Rennaise se frottera aux prétendants Blutch, Atoem, Mohican et Di#se. Le 26 janvier à l’Antipode à Rennes.

C’EST DU BRUTAL Nouveau spectacle, c’est le nom on-ne-peut-plus explicite du dernier one-man-show de cet enflure de Pierre-Emmanuel Barré. La recette : de l’humour nitroglycérine alternant blagues scato et attaques au panzer sur la classe politique. L’anti-Gad Elmaleh est de retour chez lui en BZH le 18 janvier à Guipavas, le 19 janvier à Concarneau et le 22 février à Rennes. 8

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DR

LES DB DE LA DISCORDE

UN DÉCRET IMPOSE AUX FESTIVALS DE BAISSER LE SON. DIFFICILEMENT APPLICABLE SELON LES ORGANISATEURS. Le 7 août 2017, un décret “son” relatif à la prévention des risques imposait une série d’évolutions réglementaires théoriquement effective depuis octobre dernier. « Mais l’arrêté d’application est en attente car, en l’état, il est difficile voire impossible à mettre en œuvre », constate Eddy Pierres de Panoramas. La mesure impose de baisser le volume de 105 à 102 décibels (dB). « Mais ce n’est qu’une petite partie, déplore Béatrice Macé des Trans Musicales qui, pour sa dernière édition, a respecté ces 3 dB en moins. On nous impose aussi de limiter les basses fréquences à 118 dBC. On a fait une simulation dans la salle de l’Ubu : en croisant les deux limites, on tombe à 92 dB pour 118 dBC. Pour la restitution sonore ce n’est pas acceptable, surtout pour des musiques comme le dub ou le reggae. » Si certains festivals semblent prêts à faire des efforts (« Le décret sera appliqué en temps et en heure, même si les mesures sont très aléatoires en plein air, en fonction des conditions météo », fait savoir Chloé Berthou-Lis du Bout du Monde), une pétition a été lancée par les syndicats de la profession. « On réclame la réouverture d’une concertation entre les différents acteurs concernés et non pas seulement le ministère de la santé, seul organe consulté », précise Eddy Pierres. 9


WTF

« UN CIDRE SANS ESBROUFE ET SANS

1 2 0

« I SAY BOOM BOOM BOOM »

SI LES VINS NATURE SONT ACTUELLEMENT EN PLEIN BOOM, LE CIDRE N’EST PAS EXCLU DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS DÉFENDENT UNE DÉMARCHE VERTUEUSE, AUSSI BIEN C’EST QUOI DU CIDRE ?

Belle prog pour Priz Unique. Le rendez-vous électro de la Passerelle à Saint-Brieuc accueille Maud Geffray (du duo Scratch Massive) et, last but not least, l’un des papas de la techno française, Arnaud Rebotini, auréolé de son César de la meilleure B.O avec 120 battements par minute. Le 8 février.

DR

NOM DE ZEUS !

Moins connu que Buster Keaton et Charlie Chaplin, Harold Lloyd fait pourtant partie des monstres sacrés du muet. Son film Safety Last ! constitue une œuvre culte du cinéma burlesque, marqué par la scène de l’homme suspendu aux aiguilles d’une horloge. Une comédie à (re)découvrir lors d’un ciné-concert de l’Orchestre Symphonique de Bretagne le 7 février à l’Opéra de Rennes.

KER SIGUR RÓS

ouessant Le jamais décevant Yann Tiersen revient avec un nouvel album, ALL, à paraître le 15 février. Onze ballades atmosphériques le composent, enregistrées dans son studio à Ouessant. Une musique insulaire qui évoque le meilleur de la scène islandaise. 10

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Cette question peut sembler bête, elle est pourtant centrale. Faites le test : allez au supermarché le plus proche, rendez-vous au rayon des cidres et auscultez les étiquettes. Sur la grande majorité d’entre elles, impossible de connaître la composition exacte tant les différentes dénominations entretiennent le flou. Sous l’appellation “cidre”, se cachent en réalité différentes boissons. Du point de vue de la législation, les fabricants ont l’obligation d’utiliser au minimum 50 % de jus de pommes dans leur production. Pour les 50 % restants, libre à eux : concentré, eau, sucre... Une souplesse dont se servent surtout les cidres industriels (plus de 80 % du marché français) où l’on retrouve les deux géants du secteur, Agrial (Loïc Raison, Kerisac...) et Celliers Associés (Val de Rance).

PUR JUS ET ZÉRO INTRANT Si les producteurs artisanaux et fermiers militent pour un cidre 100 % pur jus, certains ont décidé d’aller plus loin en proposant du “cidre nature”. Qu’est-ce que c’est ? « La définition est simple : que des pommes issues de l’agriculture biologique... Du verger à la bouteille, nous sommes dans le zéro intrant. Un cidre sans triche, sans esbroufe, sans artifice », tentent de résumer JeanBaptiste Rollo et Hélène Gibiat de la Ferme de Kermarzin, une cidrerie basée à Argol sur la presqu’île de Crozon. À la différence des autres cidres, aucune levure n’est ici ajoutée pour la fermentation (« il s’agit de

levures indigènes, présentes sur la peau de la pomme »), pas d’ajout de souffre ou de sulfite (« souvent utilisé comme conservateur ») et aucune gazéification au C02 n’est réalisée (« la prise de mousse se fait naturellement lors de la refermentation en bouteille »).

PRODUIT VIVANT En Bretagne, ils sont moins d’une dizaine de professionnels à s’être spécialisés dans le nature. Un mode de fabrication qui, selon tous, garantit une diversité des goûts. « Les cidres classiques, à cause de l’utilisation d’intrants, ont un goût plus standardisé. Les différences y sont lissées. D’un point de vue gustatif, cela perd donc de l’intérêt. Un cidre nature va quant à lui faire ressortir des caractéristiques qui lui sont propres : la variété des pommes, le terroir… », défend Cédric Le Bloas de la toute


TRICHE »

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DU PHÉNOMÈNE. FACE AUX GÉANTS INDUSTRIELS, POUR LA PLANTÈTE QUE POUR NOTRE GOSIER.

jeune Cidrerie du Léguer à Lannion. « D’une année à l’autre, nos cidres ne se ressemblent pas. C’est aussi l’intérêt de la chose, milite Kevin Guermeur, fondateur de Chistr Menez Hom. Comme pour le vin, on peut parler de millésime. Si la saison a été chaude ou froide, humide ou sèche, cela va participer à l’identité du cidre. » « La refermentation en bouteille offre également une finesse de bulles et permet à de nouveaux arômes de se développer », ajoute Nicolas Mazeau de la Cidrerie Rozavern à Telgruc qui, sur certaines cuvées, travaille sans ajout de levure ni sulfite. Jean-Baptiste et Hélène de la Ferme de Kermarzin embrayent : « Chez nous, aucune filtration n’est exercée durant la fabrication. Le cidre continue ainsi de travailler dans la bouteille. Ce qui va lui apporter une complexité aromatique. Plutôt que nature, nous aimons alors parler de cidre vivant. » J.M 11


DOSSIER

LES BLEDS ROCK

SUR LA CARTE DU ROCK EN BRETAGNE ? RENNES, BREST... MAIS PAS QUE ! À LA CAMPAGNE, DES CAFÉS-CONCERTS, STUDIOS ET COLLECTIFS SE FONT AUSSI ENTENDRE. 12

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DOSSIER

es lumières dans la nuit sont celles qui éclairent le bar-concert La Fontaine à Saint-Péran. C’est samedi soir de novembre et le temps exécrable donne envie de rapidement quitter le torticolis de petites routes pour trouver un refuge sûr. Quarante minutes depuis le centre-ville rennais et voici le troquet éclairé, avec Patrick Gouevy, le patron qui accueille. « Installe-toi, on attend encore un groupe pour les balances. Tu bois quoi ? » Un demi plus tard, les membres de Bellator arrivent, fatigués mais content, à destination. Les Angevins ont joué leur trash metal la veille au Mondo Bizarro à Rennes, le lendemain ils seront au Galion à Lorient. « C’est l’itinéraire classique, note Patrick en habitué. On est un peu au milieu de nulle part mais pile entre les deux ! » C’est une soirée métal qu’il orga-

nise en ce week-end automnal. Les Rennais d’Urban Blaster ouvrent avec un hardcore bien pulsé. Puis c’est au tour des trash-métalleux nantais d’Hellzeimer d’occuper la scène de La Fontaine, avant que Bellator ne clôture dans la même veine gros son/grosse voix. L’entrée est à 3 euros, une cinquantaine de personnes s’acquittent du tarif. « La recette va aux trois groupes, à minima ça leur paie les frais de route. Moi je me fais mon beurre sur la buvette », indique le boss des lieux. Le métal est un monde de passionnés, entre premiers rangs qui pogottent et mélomanes qui écoutent en dodelinant à l’arrièreplan.

raides. C’est une chance que ce lieu existe. J’y ai déjà joué trois ou quatre fois, avec des formations différentes. Le patron est cool et sait recevoir. » C’est en 1992 que Patrick s’est posé dans ce bled de 400 habitants. « J’avais 28 ans, je venais de trimer dans l’agroalimentaire chez Bridel, à côté. Avec des copains du coin on se tapait les allers-retours tous les week-ends pour aller voir la scène punk alternative à Rennes. Je me suis dit : et pourquoi pas importer ça ici ? » Originaire d’Iffendic dans ce même pays de Brocéliande, il reprend un vieux café-alimentation détenu « depuis 60 ans par la même bonne femme ! Elle avait 78 ans quand elle a pris sa retraite ». Patrick lâche son job alimentaire « Une chance que ça existe » et entreprend quelques travaux de « Tant qu’on peut jouer, et devant réaménagement dans son nouveau des connaisseurs, on est content, chez lui (il habite au-dessus avec assure le guitariste d’Hellzeimer, femme et enfants). « Un bar en un jeune maigre aux longs cheveux contreplaqué qui n’a pas bougé depuis, une scène en bois que j’ai fini par fixer et roule ma poule. » Après quatre ans à multiplier les concerts dans son rade (« OTH, Burning Heads, les Rats, Mass

« À Saint-Péran ou à Paris :

je vois pas la différence » 14

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Hysteria… »), il met le holà pendant douze ans sur les soirées. « J’avais quelques plaintes du voisinage, l’alcool entraînait parfois des débordements… Puis finalement en 2006, j’ai remis ça parce que ça me manquait, au rythme d’une soirée concert par semaine en moyenne et avec un vigile que je paie pour assurer la sécurité. Il s’emmerde le plus souvent mais ça me sécurise. »

« Faire vivre le rock » Le quinqua a fini de rembourser son emprunt il y a treize ans. « Maintenant je suis peinard jusqu’à ma retraite, pas trop en stress niveau finances. Je fais ce qui me plaît : ouvrir ma maison aux zicos, les vieux comme les jeunes. » La Fontaine peut accueillir jusqu’à 100 personnes, ils étaient plus du double lorsqu’il a programmé les Ramoneurs de Menhirs en 2014… « Parfois y a que 20 personnes ou même moins mais l’essentiel est de faire vivre le rock sous toutes ses formes. Que ce soit à Saint-Péran, Rennes ou Paris, je vois pas la différence. » La différence, c’est qu’originellement le rock est une affaire plutôt urbaine (lire l’interview page 20). Mais le courant 15


DOSSIER

Commun à Augan, L’Éprouvette à Saint-André-des-Eaux, le pub La Gamelle à Bréal-sous-Montfort, la ferme agri-culturelle de Trezenvy à Plougasnou… La liste est non-exhaustive. Ajoutons-y un autre exemple concret : le Lennon’s, bar situé dans la bourgade finistérienne de… Lennon, 800 âmes (un bled-rock au nom prédestiné). « Quand j’étais gamin il y a vingt ans, on y comptait encore vingt troquets. Aujourd’hui, on est le dernier, situe Nicolas Pronost, trentenaire et troisième de la géné« Il a fini d’équerre » ration familiale à occuper les lieux. Hors des circuits traditionnels de J’ai gardé l’esprit bar des sports diffusion de la musique, il existe mais en y ajoutant ma touche : une effectivement pas mal de lieux déco modernisée, une petite cave paumés où la flamme du rock est à vin et une ambiance plus rock. » vaillamment entretenue. Au Momo L’un des derniers concerts en date Club de Mauron (3 000 habitants), organisé sur place était celui de dans la cambrousse morbihannaise, Franz Ferdinand (!) a joué sa première date en France en 1997. Au Bacardi, les soirées punk ont longtemps animé la commune de Callac. Au Vieux-Bourg, 800 habitants, la première édition du festival Alternative Sound se tiendra en octobre avec une programmation punk et ska. Idem à Iffendic avec le Très Treez Bien Festival. Au Café de la Pente dans le village-musée de Rocheforten-Terre, on secoue l’image attrapetouristes de la petite cité. À Santec, Le Velvet est le repère de Loran des Ramoneurs (et ex des Bérus), ainsi que de tous les keupons du nordFinistère. Autres lieux marquants de la scène musicale : la ferme de Gwernandour à Brasparts, le Champ 16

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« Le tumulte de la ville » En octobre, ils étaient plus de 1 000 spectateurs à guincher devant la scène provisoirement montée en extérieur pour les deux soirs du festival Paotr Saout, organisé par une asso locale en partenariat avec le bar. Têtes d’affiche : les Madcaps, Sapin ou encore Krismenn et Alem. Gros carton et « top ambiance ». « Les gens sont juste demandeurs en fait, observe Nico. Ici t’as le sport, le bar et la musique comme activités de base : un bon triptyque pour faire la fête et c’est encore souvent le rock qui rameute le plus. »

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musical, s’il n’a jamais vraiment quitté les villes semble avoir pris durablement ses aises en campagne également. « Ce n’est pas le désert culturel que l’on croit, confirme la géographe Claire Delfosse, auteure d’une étude sur le sujet en 2011. Le milieu rural est confronté à un déficit d’équipements culturels traditionnels comme les Smac ou les MJC mais ses acteurs locaux compensent par de l’innovation, de l’inventivité voire de l’effervescence. »

Gérard Baste des Svinkels, le plus punk des rappeurs hexagonaux, pour 150 entrées payantes, au max de la capacité d’accueil. « Ah Gérard, c’est quelque chose… Il a fini d’équerre comme t’imagines bien. Le lendemain il filait à SaintJean-de-Luz, on lui a refilé un petit remontant maison au lever pour calmer les tremblements. »

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« Sport, bar et musique : un bon triptyque ici »


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Vincent Paulic

Sillonner la campagne bretonne permet de vite se rendre compte que le genre musical est un peu partout. À Loguivy-Plougras notamment, commune costarmoricaine de 1 000 habitants qui en a dernièrement recensé quatre de plus d’obédience franchement rock : Christophe et Marie Chavanon qui y ont aménagé dans une antique demeure en granit le studio d’enregistrement Kerwax (spécialisé dans l’analogique) ; et Marion Leclercq et Sophie Hazar qui ont ouvert dans un ancien bar-crêperie du bourg un disquaire-tattoo, baptisé Diskar Loar (“lune descendante” en breton). Tous les quatre sont originaires de Lyon, tous les quatre assurent se plaire en cambrousse. « Ici, on a trouvé notre port d’attache, constate Marion, artiste touche-à-tout (à l’origine du groupe Mütterlein notamment) et grande collectionneuse de vinyles qu’elle vend pour partie dans son magasin. Le tumulte de la ville ne manque pas, du moment qu’on y revient de temps en temps. Ici, c’est calme, tranquille,

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DOSSIER

« Apporter notre contribution »

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Baptiste Rocher

Jocelyn Barbier

Tomahawk est né de la rencontre entre les deux zigotos et Christian, un paysan local. « On s’est associé en créant une SCI et en lui proposant de racheter sa ferme au fur et à mesure. » Sur place, agriculture et culture sont mêlées en une sorte de coopérative culturo-agricole 2.0 : « Maraîchage, élevage de chèvres, brasserie pour un premier volet ; prestation de sonorisation, développement web, agence de booking et aides en tous genres aux musiciens pour un second, développe Jicé. On a compté jusqu’à onze salariés. Aujourd’hui on est un peu moins mais l’aventure tourne bien. »

« C’est à la campagne qu’on peut le mieux mener cette résistance » c’est un espace de création musicale plus propice. » Sophie la tatoueuse abonde : « Les gens prennent le temps pour trouver le dessin qui leur convient, ce n’est pas l’usine comme j’ai pu connaître dans mon ancienne vie. On ne gagne pas beaucoup d’argent c’est sûr mais on en dépense peu aussi. Tout descend d’un cran. » Les ex-Lyonnais ne regrettent pas leur choix. « Notre isolement est très relatif en fait, estime Marion. OK ici c’est peu peuplé mais la RN12 est proche et on a une gare TGV à quelques minutes. » Leur clientèle peut d’ailleurs venir de loin : Paris, Lyon, Nantes… « Quelques Loguiviens tout de même se sont fait tatouer et sont attentifs à ce qu’on fait, complète Sophie. Même si c’est vrai que la population locale reste 18

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globalement vieillissante et que les deux mondes se croisent plus qu’ils ne cohabitent. » Un risque de « culture hors-sol », importée par les néo-ruraux et n’ayant que peu d’impact sur le quotidien des locaux, contre lequel se bat le collectif Tomahawk à Querrien, 1 700 âmes. « Le grenier à blé de Quimperlé », présente Jicé Klotz son coordinateur. Issu de la scène punk hardcore des années 90, il est à l’origine de ce projet avec son ami Vincé, brasseur de la Couille de Loup et organisateur d’événements black métal. « On a trouvé notre équilibre ici mais attention, en s’imprégnant de la culture locale sans jamais la renier. Et ça prend du temps ! Je suis ici depuis 14 ans et maintenant je peux dire que je suis Querriennois et fier de l’être », poursuit-il.

Pour preuve, le festival Tomahawk, vaisseau amiral du collectif, a rameuté 15 500 personnes pour sa sixième édition en septembre. « Sans publicité, à un prix libre, avec uniquement des groupes locaux et des produits du terroir. Économie circulaire à fond ! Le collectif a toujours eu pour crédo de mener une guérilla culturelle contre le music business de masse et c’est encore à la campagne qu’on peut le mieux mener cette résistance. Ici, l’esprit du rock n’est pas travesti. » Avec, se réjouit-il, l’adhésion du voisinage. « Comme on dit dans le coin, y a les disoux et les faisoux. C’est en faisant qu’on a été adopté. On a monté notre lieu culturel (un vaste hangar faisant office de siège du collectif, de lieu de brassage et de salle multiculturelle, ndlr) avec la volonté d’apporter notre contribution au dynamisme en milieu rural. Je crois qu’on y arrive. Comme je le dis souvent, être dans le vent est une ambition de feuilles mortes. » Dans ce pays de binious et de vieilles


pierres, le mode de vie rock trouve un terreau plus fertile qu’on ne le pense. Retour en pays de Brocéliande pour la dernière étape de notre périple “notre région a du talent”. Maxent peut aussi candidater pour obtenir le label “bled rock” si ce dernier existait, la commune réunissant a priori tous les critères : 1 400 habitants et un renouveau culturel très marqué ces derniers temps. Entre autres jolies choses qui s’y passent : les ateliers de formation pour musiciens de l’asso Les Anguilles Production ; un nouveau lieu pluridisciplinaire dans le bourg baptisé Suzette ; le studio d’enregistrement L’Abri 101 ; et le Désert Festival organisé par Arthur Paichereau, ingé son et gérant du studio. Le soir de la visite sur place,

un ami musicien est venu lui rendre visite : Chris, ex des Chouettes et actuel membre du groupe Electric Nettles avec Arthur.

« La campagne a deux facettes » Dans ce lieu où est passé le meilleur de la scène garage BZH (notamment Kaviar Special ou Madcaps, encore eux), la discussion s’anime sur cette implantation du rock en milieu rural. « La campagne a deux facettes, un côté conservateur assez rigide mais c’est aussi le terrain d’une gauche braillarde et alternative, analyse Chris. En ville, la scène rock va avoir tendance à tourner en rond, elle a quelque chose de consanguin qui fait qu’elle ne séduit plus au-delà d’un public d’initiés et ne se réinvente plus. Il faut qu’elle respire ! »

Malgré l’affluence décevante de la dernière édition du Désert Festival organisée en mai dernier avec une affiche sous influence de la scène garage local (« On a pris un peu le bouillon mais c’est pas grave, ça fait partie du jeu, la météo a pas aidé… »), Arthur abonde et enchaîne : « Ici par nature c’est plus ouvert. Plus divers aussi. T’as les vieux rockeurs de la scène alternative qui ne s’y retrouvent plus dans le tumulte de la ville, les jeunes pour qui la vie urbaine est trop chère… On se mélange entre styles aussi, sans aucune frontière : les arts de rue, les plasticiens, le cirque… Prends les membres de La Loggia, asso qui organise le festival Arrête ton Cirque à Paimpont, tu trouveras pas plus punk qu’eux. »

Régis Delanoë

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DOSSIER

« LE ROCK EST UN MOUVEMENT URBAIN AUX Bikini

Christophe Brault, musicologue breton, conférencier et historien du rock

Historiquement, le rock est-il un courant musical des villes ou des champs ? C’est un mouvement clairement urbain aux racines rurales. Le rock est un mélange du country blanc des bouseux de l’Amérique profonde et du blues des descendants d’esclaves mais la “popote” a pris dans les villes : New York, Detroit, Chicago, Los Angeles… La raison est toute simple : c’est là et seulement là qu’étaient situés les premiers studios d’enregistrement et de répétition, les radios, les salles de concert… Quand bien même un artiste naissait en campagne, il fallait qu’il devienne citadin s’il voulait en vivre. Un exemple fameux : Elvis Presley, né à Tupelo dans un bled du Mississipi mais “adopté” par Nashville, la grande ville du coin de l’état voisin. En Angleterre c’est la même chose, le rock s’installe d’abord à Londres, puis à Liverpool, Manchester… Qu’en a-t-il été de son implantation en France ? Les pionniers sont à Paris bien sûr : au Golf-Drouot, le temple du rock, à partir de 1960. Dans les années qui suivent, chaque grande ville en région aura son clone de Johnny, lui-même clone d’Elvis. La campagne ne comprend rien à ce courant musical et le rock n’a d’ailleurs jamais été quelque 20

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chose de populaire en France. Dans le pays, c’est la chanson qui domine : hier Brel, Piaf, Montand, Aznavour, aujourd’hui le rap. On aime le texte et on a très longtemps vu le rock comme un courant exclusivement urbain et élitiste. Même quand le rock explose dans les pays anglo-saxons, dans les campagnes françaises on en est encore aux bals, aux kermesses et à l’accordéon.

ruraux comme Elixir en Bretagne (photo). Mais il serait exagéré néanmoins de considérer que ces néo-ruraux ont soudain converti les autochtones au rock. D’ailleurs, dès la décennie suivante, l’émergence des mouvements punk et new wave en France va clairement réinstaller le rock dans les cités : Rennes en Bretagne mais aussi bien sûr Paris, Toulouse ou Bordeaux.

Est-ce la raison pour laquelle le rock est lié à un style très urbain dans l’imaginaire populaire : blouson en cuir, chaîne, jean slim… L’imagerie urbaine est restée, même si dès les années 70 le rock a commencé à sortir des villes avec le mouvement hippie. Des jeunes citadins ont fui l’urbanisation et la pollution pour vivre une nouvelle vie. Ils amènent avec eux leur héritage musical qui conduit notamment à l’apparition des premiers festivals

Une dichotomie territoriale perduret-elle aujourd’hui ? Actuellement c’est bien plus flou et je ne crois pas qu’il soit pertinent d’opposer les deux territoires. J’aurais tendance à penser que le rock au sens large reste majoritairement urbain mais le punk par exemple, bien que clairement né dans les villes, semble aujourd’hui mieux s’épanouir dans les campagnes et y trouver un public plus large et enthousiaste.


Philippe Andrieu

RACINES RURALES »

Comment l’expliquer ? Dans un premier temps, il y a eu démocratisation du rock, notamment du temps de Jack Lang ministre de la Culture (de 1981 à 1986 puis 1988 à 1992, ndlr). Des nouveaux équipements performants sont construits, y compris dans les petites villes de campagne. La pratique comme l’écoute du rock est plus facile pour les jeunes ruraux. Les campagnes ont aussi leurs avantages : pression immobilière moindre, peu de nuisance sonore et un public peut-être plus réceptif qu’en ville, où la diversité de l’offre entraîne un certain snobisme. On peut aussi se dire que la campagne a moins de tentation pour les rockeurs et qu’ils peuvent ainsi plus se concentrer sur leur production musicale. Enfin, les musiques alternatives peuvent aussi correspondre aux modes de vie alternatifs de certains ruraux et néo-ruraux. Recueilli par R.D 21


DOSSIER

LE PREMIER OVNI BRETON IL Y A 40 ANS, LA PREMIÈRE SOUCOUPE VOLANTE DE BRETAGNE ÉTAIT OFFICIELLEMENT OBSERVÉE. UN CAS ENCORE INEXPLIQUÉ AUJOURD’HUI. 22

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ous sommes le dimanche 18 mars 1979. Il est 21 h passées lorsque Noëllie R. roule sur la voie-express entre Morlaix et Brest. En cette fin de week-end, cette second-maître à la base aéronavale de Landivisiau raccompagne sa sœur, étudiante dans la cité du Ponant. Il fait déjà nuit, le temps est nuageux et c’est une pluie soutenue qui vient heurter le pare-brise de sa Renault 4L. Mais rien qui ne vienne gêner sa conduite : la route est calme et le trafic fluide. Avant que le trajet ne prenne un virage pour le moins inattendu. Alors que le véhicule passe à hauteur du lieu-dit de Kervourig, sur la commune de Guipavas, Noëllie observe alors un engin volant à trois mètres au-dessus de la chaussée. « Un objet de couleur grise, en forme de fusée, déclare-t-elle dans le procès-verbal de gendarmerie dressé deux jours plus tard. Il était silencieux et stationnaire. Aucune source lumineuse ne semblait s’en dégager. » Pour une taille qu’elle évalue à trois mètres de longueur. Une observation partagée par sa sœur : « Il avait plutôt la forme d’un poisson, c’est-à-dire que les deux extrémités étaient pointues, en forme d’ogive. Je n’ai pas vu de hublots ou d’autres ouvertures. Il n’était pas horizontal mais légèrement incliné. Il n’y avait ni bruit ni odeur ni chaleur. » Une apparition surprenante, mais pas de quoi effrayer les deux femmes. « J’étais subjuguée par cette présence insolite et pourtant à aucun moment je n’ai eu vraiment peur », fait savoir Noëllie qui conduira sa sœur jusqu’à

Brest avant de prendre le chemin du retour… et de recroiser un nouvel engin volant. « Il était 21 h 45 lorsque je suis arrivée à peu près au même endroit. Et soudain, j’ai vu comme une grande aile plate. Cet objet de couleur grise, immobile et sans lumière ressemblait à un treillis métallique. Comme un gros grillage. Il s’est immobilisé à trois ou quatre mètres devant moi. Très impressionnée, j’ai appuyé à fond sur l’accélérateur de ma voiture et je suis passée dessous, raconte-t-elle aux gendarmes avant de leur préciser. C’est sur les instances pressantes de mes collègues de travail que je suis me présentée aujourd’hui. Je continue à ne pas croire aux soucoupes volantes et, pourtant, je suis sincère dans ma déclaration. Ce soir du 18 mars 1979, j’ai été témoin d’un phénomène curieux. » Ce phénomène curieux, le très sérieux Geipan (Groupe d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, une des antennes

« Un objet de couleur grise en forme de fusée... » 24

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du CNRS) continue de le considérer comme inexpliqué. En France, sur les 2 751 cas de PAN (Phénomène aérospatial non identifié) dénombrés par ce service, 150 demeurent à ce jour des mystères. C’est le cas de Guipavas, plus ancien objet volant non identifié recensé en Bretagne.

« Des explications concrètes » Quarante ans après cet épisode, le lieu-dit de Kervourig affiche un calme total, seulement rythmé par le bruit des voitures sur la RN12 et par le ballet des avions qui viennent se poser à l’aéroport de Brest à seulement deux kilomètres. À la recherche du moindre indice extraterrestre (sait-on jamais...), on fait le tour des lieux et on arpente les petits chemins, avant de tomber sur François et Yvonne Abgrall, attablés à l’intérieur de leur véranda. « Un OVNI à Kervourig ? Ça ne nous dit rien… Nous sommes arrivés ici en 1980, mais une histoire pareille on nous l’aurait racontée je pense !, répond François, mi-étonné mi-amusé, en nous guidant chez sa voisine Jeannette, une des doyennes du hameau. Si y a eu une soucoupe dans le coin, elle le saura. »


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Agricultrice à la retraite, cette petite dame est la mémoire des lieux. « Je suis installée dans cette maison depuis 1956… Et c’est la première fois que j’entends parler d’un OVNI ici. À l’époque, aucun gendarme n’est venu me voir pour me poser des questions à ce sujet. Parmi les événements marquants, je ne vois que la réalisation de la voie-express : un sacré chantier ! Ainsi que la construction du petit pont enjambant la RN12 : mes vaches l’empruntaient pour aller dans le champ de l’autre côté de la route… » Une modification de la voirie qui a tout de suite fait tilt chez Thibaut. Ufologue amateur et astronome éclairé, ce facteur de 36 ans qui se considère comme un enquêteur sceptique (« je ne cherche pas à voir des soucoupes volantes, mais plutôt à trouver des explications concrètes ») a pas mal creusé le cas de Guipavas. « Le fait que cette observation reste inexpliquée par le Geipan m’a donné envie de m’y intéresser. C’est là que j’ai commencé à me plonger dans des documents d’archives. » Il ausculte alors le procès-verbal de gendarmerie qu’il tente de décrypter. « Les forces de l’ordre avaient rayé les différentes indications de lieux, mais certaines étaient mal effacées. C’est 25


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comme ça que j’ai réussi à localiser plus ou moins la zone d’observation. Ce qui a constitué le point de départ de mon enquête, rembobine l’ufologue qui s’enthousiasme des outils disponibles librement sur le web. Aujourd’hui, il y a tout un tas d’applications techniques qui permettent d’expliquer la plupart des cas : les cartes du ciel, les données météo, les itinéraires d’avions, les passages satellitaires… C’est une base de données incroyable. » En comparant les photos aériennes d’archives (disponibles sur le site de l’IGN) avec le croquis réalisé à l’époque par la témoin, il pointe alors Kervourig sur la carte et ne tarde pas à s’intéresser à une passerelle en construction. « Sur un des clichés, on voit un pont en cours de réalisation : le tablier est déjà en place au-dessus de la voie-express mais il n’est alors raccordé à aucune route. »

De quoi envisager une première hypothèse : la soucoupe volante observée par Noëllie serait en réalité un camion bétonnière. « Les formes concordent : une espèce d’obus avec deux cônes à chaque extrémité, la taille, l’inclinaison… On peut imaginer que cet engin de construction soit resté stationné sur le chantier durant le week-end. C’est impossible d’être sûr à 100 % mais c’est une piste qui se tient. Plus qu’un vaisseau alien en tout cas… »

« Des objets protéiformes » Une démonstration à laquelle ne croit pas du tout Claude. Membre du forum OVNI-ufologie.com, cette Lorientaise tient depuis plusieurs années une carte complète des objets volants aperçus en Bretagne. « À ce jour, j’en suis à 370 recensés. Uniquement des cas non identifiés, présente-t-elle avant d’enchaîner sur Guipavas. Certains prétendent qu’il s’agit simplement

DR

« UNE RECHERCHE DE VÉRITÉ CHEZ LES SOUCOUPISTES » Thomas Margout a soutenu une thèse sur le “soucoupisme français” à l’université de Brest en 2017. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire une thèse sur l’ufologie ? Ayant grandi avec des œuvres de sciencefiction, j’ai toujours eu un intérêt pour les soucoupes volantes. Cependant, je n’en avais qu’une vision amateur. Je partais donc avec un regard très neuf. Si la question a été creusée par 26

quelques universitaires dans les pays anglo-saxons, cela est moins le cas en France. Ce n’est pas considéré comme un sujet très sérieux. Quel était votre champ d’étude ? Mon travail de recherche s’étale de 1945 à 2012 et se penche sur les observations en France. Mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas les OVNI mais plutôt les personnes qui les étudient. Peut-on dresser un portraitrobot de l’ufologue ? Non car c’est un mouvement qui abrite énormé-

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ment de profils différents. On y retrouve toutes les classes sociales, toutes les origines. Mais si on devait trouver une caractéristique commune, cela serait la recherche de vérité, aussi bien chez les croyants que chez les sceptiques. Quand naît ce mouvement en France ? Difficile de donner une date exacte, mais on peut relever l’année 1946. À cette époque, il y a tout un contexte qui favorise cette éclosion : les observations commencent à être prises au sérieux, des groupes de

recherche se forment… Cette première génération croit aux OVNI. Et les suivantes ? Dans la génération qui suit à partir de 1977, on voit apparaître des ufologues animés par le scepticisme. On y trouve des érudits, comme des astronomes. La troisième génération, des années 90 aux années 2000, est celle qui a été influencée par la culture populaire. Enfin, la génération actuelle a totalement intégré tous ces éléments : elle n’a pas besoin d’étudier le phénomène pour y croire.


d’une bétonnière. Pourquoi pas, mais je n’y crois pas. Comment expliquer que l’objet ait changé d’aspect lors des deux apparitions : la témoin affirme avoir vu un engin avec une forme d’aile lors du trajet retour, alors que cela ressemblait à une ogive à l’aller. » Pas de quoi étonner cette ufologue. « De nombreux témoins d’OVNI évoquent des objets protéiformes. Cela me rappelle le cas de Saint-Derrien dans le NordFinistère. Une personne assurait avoir vu une boule lumineuse sortir des nuages, descendre à la verticale et s’immobiliser au-dessus d’une prairie. Avant de prendre l’apparence d’un cylindre de couleur métallique. L’objet serait resté dans cette position pendant plus de deux heures, puis aurait repris sa forme initiale pour redécoller et disparaître dans le ciel. L’OVNI de Guipavas s’est peut-être lui aussi transformé avant de s’envoler. » Julien Marchand Les ufologues sont-ils nombreux ? Cela varie en fonction des régions et dépend énormément des personnes qui animent cette communauté. Le mouvement est très actif dans le sud de la France, ainsi qu’en Bretagne. Je pense notamment aux repas ufologiques qui se tiennent dans le Finistère. Peut-on parler de religion ? Chez les soucoupistes croyants, cela s’en rapproche. Il y a une notion forte de communauté, avec une importance pour les rites initiatiques : une observation constitue souvent le point de départ. J’ai aussi été frappé par les sensations décrites par les témoins d’apparitions rapprochées. Les personnes se disent pénétrées par des halos de lumière, avec un sentiment de bien-être. Des propos que tiennent également celles et ceux qui prétendent avoir vu la Vierge Marie. 27


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DES PLANTATIONS QUI GUÉRISSENT EN « ÉCOUTANT » DES MÉLODIES DE PIANO. LA TECHNIQUE PEUT SEMBLER ZINZIN, ELLE EST POURTANT UTILISÉE PAR UNE POIGNÉE D’AGRICULTEURS BRETONS. UN PROCÉDÉ QUI INTRIGUE AUTANT QU’IL DIVISE. ’est un cube d’une trentaine de centimètres de hauteur, de couleur blanche, avec quatre gros haut-parleurs sur les côtés. L’objet ne paie pas de mine, mais hors de question pour Gwénaël Floch (photo) de s’en séparer. Depuis près d’un an, ce maraîcher bio de Maure-deBretagne, en Ille-et-Vilaine, a installé ce drôle de boîtier au milieu de ses 4 600 m2 de cultures. « Trois fois par jour, il diffuse des mélodies. Une dizaine de minutes à chaque fois », précise l’agriculture en nous 28

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faisant écouter un extrait. Ce n’est ni Mozart ni Aya Nakamura, mais une série de notes de piano jouées de façon désarticulée. Do-sol-faaaaami-rééééé… Quelque part entre Erik Satie et la musique de Rencontre du troisième type (« tou-tou-tou-toutouuuuuuuu »). « C’est bizarre hein ?, se marre Gwénaël. Il ne faut pas chercher le dernier tube à la mode, ce sont simplement des notes pures qui forment une sorte de combinaison. » Un signal « clair et distinct » qui selon l’agriculteur de 45 ans agirait sur ses légumes.

« La musique a une action sur les plantations, aussi bien pour les aider à combattre les maladies que pour stimuler leur croissance. » Ce procédé aux promesses un peu folles a un nom : la génodique. Une technique commercialisée par la société parisienne Genodics qui s’appuie sur les travaux de Joël Sternheimer, un chercheur indépendant en physique quantique. Depuis une vingtaine d’années, ce dernier défend le concept de “protéodie”, soit la mélodie des protéines. Pour faire simple : les chaînes d’acides


animés qui composent les protéines de chaque plante réagiraient à différentes ondes et vibrations sonores. Dès lors, il suffirait de trouver la bonne suite de notes pour activer telle ou telle action. Dingo. « Cela peut paraître ésotérique ou spirituel, mais il faut aller au-delà de cette première impression. Dans mon cas, cela a permis de faire face au virus CMV (cucumber mosaic virus) en 2017, rembobine Gwénaël. C’était juste avant l’été : tous mes concombres étaient touchés. En quelques semaines, 800 plants sont morts et le virus a commencé à partir sur les courgettes. De quoi craindre le pire. Étant en bio, j’avais peu ou pas de solution. Le site de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique, ndlr) ne recense aucun moyen d’empêcher le développement du CMV. Il fallait donc trouver une alternative car je savais que le purin d’ortie ne suffirait pas à résoudre durablement le problème. »

« Un effet immédiat » Le maraîcher se souvient alors d’un article de presse lu quelque temps auparavant. « Ça parlait d’un producteur de courgettes dans le sud de la France qui avait réussi à soigner ses plantations grâce à la musique. Je l’ai appelé et il m’a expliqué le principe. Au départ, j’étais sceptique mais, vu ma situation, j’ai eu envie de tenter le coup. » En mars 2018, le boîtier de Genodics est alors installé au cœur de ses serres et les premières mélodies sont diffusées. « Ça a eu un effet immédiat. Le virus reste présent mais il est circonscrit et n’empêche pas le développement de la plante : on le voit qui reste tout petit au niveau des feuilles. Parallèlement, cela a également permis de stimuler la croissance des autres cultures : tomates, aubergines, haricots… J’ai pu ainsi obtenir le rendement espéré, chose que 29


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j’aurais eu du mal à imaginer sans. » Trop beau pour être vrai ? Cette interrogation, Arnaud Daligault l’a aussi eue. « Je suis du genre terre à terre, à chercher des explications pour chaque chose. Pour autant, cette approche sensible du vivant m’a toujours parlé. Je travaille en biodynamie (un système de production plus poussé que l’agriculture biologique qui se base sur le calendrier lunaire et la régénération naturelle des sols, ndlr), alors quand Gwénaël m’a parlé de la génodique, j’ai eu envie d’en savoir plus », retrace ce producteur de légumes bio basé à Montreuil-le-Gast, à vingt bornes au nord de Rennes. Avant de s’équiper et d’installer la fameuse bécane au milieu de ses quatre hectares. « L’élément déclencheur a été l’interdiction des huiles

Un point que met également en avant Jean-Michel Mangenot, pionnier du procédé en Bretagne. « Cela fait cinq ans que je l’utilise. Aujourd’hui, je ne me vois pas faire sans. Je ne suis pas en bio car j’utilise de l’engrais chimique pour fertiliser mes sols mais, grâce à la musique, je ne pulvérise aucun pesticide ni cochonnerie sur mes légumes », indique l’agriculteur de Bréal-sous-Montfort qui, en tout, a disposé cinq boîtiers sur son exploitation de 11 hectares. « Cela me permet aussi de limiter les lâchers d’auxiliaires, comme les coccinelles et les guêpes auxquelles on peut avoir recours pour la protection des plantes, ajoute Arnaud. Ce qui est intéressant d’un point de vue économique : les auxiliaires me coûtent près de 3 000 euros chaque essentielles pour traiter les maladies année, alors que la prestation Gecryptogamiques, comme le mildiou nodics me revient à 1 200 euros par exemple. Sans cette solution, il par an, après l’installation initiale fallait que j’en trouve une autre. » à 2 000 euros. S’il est pleinement Parmi les mélodies actuellement efficace, je serais gagnant. » diffusées chez Arnaud, une musique pour favoriser la photosynthèse ou Dans les élevages aussi encore une autre pour contrer la En Bretagne, ces trois maraîchers prolifération du botrytis (un cham- sont les seuls à utiliser cette technique pignon qui touche les salades). qui peine à percer auprès des autres « L’objectif, c’est de travailler sur producteurs. « Elle est méconnue. la santé des plantes et de favoriser Dans les écoles ou dans les chambres leurs conditions pour qu’elles se d’agriculture, on n’en parle pas. Et développent de façon optimale. Et pour ceux qui la connaissent, c’est pour l’instant, force est de constater clivant : soit il y a une curiosité soit que ça marche, affirme le maraîcher un rejet total », indique Jean-Michel. de 41 ans, par ailleurs président Si Genodics a pour l’instant réussi à du Groupement des agriculteurs convaincre quelques maraîchers, elle biologiques d’Ille-et-Vilaine. La tente aussi de séduire les éleveurs. génodique est intéressante car on Dans son catalogue, la protéodie est dans le zéro intrant : aucune est également proposée pour « la matière active n’est utilisée. » prévention de maladies dans les élevages porcins », « l’amélioration de la qualité du lait des vaches », « la réduction de l’agitation chez les chevreaux »… Installée dans les Côtes d’Armor, une éleveuse de porcs

« Il faudrait que la recherche publique s’y intéresse » 30

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(qui souhaite rester anonyme) s’apprête à sauter le pas. Prochainement, des mélodies seront diffusées trois fois par jour à ses cochons. « Deux actions seront ciblées : la baisse du stress animal et la robustesse à certaines maladies », précise-t-elle avec l’espoir de ne plus avoir à utiliser d’antibiotiques. Dans un contexte où l’impact de l’agriculture sur l’environnement (et sur notre santé) est pointé du doigt, la génodique a tout pour s’imposer tant elle apparaît comme la solution miracle. Seul problème et non des moindres : aucune étude scientifique sérieuse n’a jamais confirmé l’efficacité de ce procédé considéré comme une pseudoscience par ses (nombreux) détracteurs. « Aucun chercheur de l’unité ne travaille sur cette thématique », fait savoir Maria Manzanares-Dauleux de l’IGEPP

(Institut de génétique, environnement et protection des plantes), une des antennes de l’Inra-Bretagne. Alors, arnaque ? « Il faudrait que la recherche publique s’y intéresse. Cela permettrait de vérifier si la protéodie est une théorie juste ou si elle n’a aucun fondement. Mais pourquoi ne le fait-elle pas ? », s’interroge Gwénaël qui, étude ou pas, y croit désormais dur comme fer. Arnaud est quant à lui plus mesuré. « Pour moi, la génodique c’est encore tout frais. Peut-être que ça marche parce que je suis dans un mode de production que je veux le plus vertueux possible. Reviens d’ici un ou deux ans et là je pourrais te donner mon véritable avis. À tous les coups, le boîtier sera dans un carton et il ne faudra plus m’en parler. » Julien Marchand

EFFICACE SUR LES HUMAINS ? Admettons que la génodique fonctionne sur les plantes et les animaux, peutelle également s’appliquer aux êtres humains ? Serait-il possible de se soigner grâce à la musique ? S’il est évident que certaines chansons peuvent nous détendre et d’autres nous motiver (The Final Countdown pour ma part), leur prêter des pouvoirs de guérison est une autre histoire. Chez les défenseurs de la protéodie, le sujet est tabou. Parmi les personnes interrogées, rares sont celles qui ont souhaité aborder le sujet. « Le problème, c’est qu’on peut être accusé d’exercice illégal de la médecine, avertit un agriculteur breton. Pourtant, je suis convaincu que cela est efficace sur les Hommes. Une preuve ? J’ai eu un souci à la jambe il y a quelque temps. Pour guérir plus rapidement, j’ai écouté des mélodies pour stimuler la production de collagène. Et ça a marché. »

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INTERVIEW

FACE AUX STÉRÉOTYPES DU PORNO MAINSTREAM, LA SCÈNE ALTERNATIVE RÉSISTE. PARMI SES ACTIVISTES : OLYMPE DE G. INSTALLÉE À LAMBALLE, LA RÉALISATRICE ET PERFORMEUSE DÉFEND UN X ÉTHIQUE, FÉMINISTE ET INCLUSIF. vant de te lancer comme performeuse et réalisatrice, quel était ton rapport au X ? J’ai découvert le porno quand j’avais 19-20 ans. Je venais de rencontrer un garçon qui avait dix années de plus que moi. Il me parlait de pratiques que je ne connaissais pas. Pour me renseigner, j’ai donc regardé beaucoup de X. Ce n’était pas une consommation très excitante, mais plutôt du visionnage de curiosité. J’étais dans une démarche d’éducation sexuelle pour savoir comment faire telle ou telle chose. Je ne dirais pas que le porno est le meilleur outil pour apprendre, même si c’est mieux que rien.

Greg Pouy

Comment jugeais-tu le X à cette époque ? Je n’étais pas du tout dans une posture critique. J’en regardais car je voulais me conformer à ce qu’une femme était censée savoir faire. J’étais intriguée par cette sexualité qui pouvait s’exciter de tout. Mon regard distancié sur le porno est venu plus tard, après plusieurs années sans en visionner. J’y ai alors vu des injonctions sur la 32

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façon dont je devais gérer mon corps. Lorsque j’ai décidé de revendiquer ma sexualité en tant que femme, le cinéma m’a alors semblé le moyen d’expression qui me correspondait le mieux : réaliser des films était déjà mon métier (elle travaille dans la publicité, ndlr) et les idées me venaient naturellement. Ton premier film, The Bitchhiker, est sorti en 2016. Trois autres ont vu le jour depuis. À quoi voulais-tu que ton porno ressemble ? Je souhaitais apporter ma sensibilité personnelle. Ça m’a poussée à réfléchir aux choses que je trouve sensuelles et qui m’excitent. Ce sont des questions qu’on ne se pose pas assez. On n’intellectualise finalement pas tant que ça ce qui nous plaît. J’ai donc commencé à recenser tout ce que je voulais voir dans un film. En tant que femme hétéro, je voulais notamment montrer davantage le corps des hommes. Je trouve ça chouette de voir des corps de femmes érotisés et sublimés, mais la majorité des films mainstream ne tourne qu’autour de ça. Et puis, comme le porno a pu avoir sur moi un rôle d’éducation, j’avais aussi envie que mes films aient cette vocation-là. Ouvrir les esprits en filmant des pratiques sous-représentées dans le X, comme le pegging par exemple. Je pense qu’il est également important de montrer les vrais gestes. Dans la plupart des productions mainstream, la mise en scène est avant tout faite pour la caméra. Le trait est forcé. Cela me semble plus intéressant de montrer des attitudes et des actes qu’on pratique intimement. Juste du plaisir honnête. Histoire d’éduquer un peu le public sur ce que les femmes peuvent aimer. Le porno mainstream est également critiqué sur l’uniformisation des corps... En faisant du X alternatif et féministe, il est évident que je voulais plus de diversité et d’inclusivité. Concernant les femmes 33


INTERVIEW

notamment : taille, morphologie, couleur de peau… Je souhaitais montrer une variété de physiques et les déconnecter des clichés auxquels on les associe. Dans le porno, être une femme ronde ou un homme noir par exemple est souvent rattaché à tel comportement ou telle pratique. Quelle est ta définition d’une pornographie éthique ? Je vois deux axes principaux. D’abord, les valeurs qu’on retrouve à l’écran. En tant que réalisatrice, j’estime que j’ai une responsabilité dans ce que je montre. Je pense à la question du consentement par exemple. Puis, second point : la façon dont le film a été fait. Il faut que les gens soient respectés, non contraints et bien payés. Cette question de l’argent est centrale. Quand t’es passé par le porno, tu es stigmatisé à vie derrière. Il faut donc être rémunéré correctement. Vertu et business ne sont pas incompatibles : Erika Lust (la plus célèbre des réalisatrices et productrices de X féministe, ndlr) arrive à faire de l’argent avec un modèle qui ne compromet pas un certain nombre de valeurs.

qui travaille correctement. Dans le porno, c’est pareil. Si tu aimes ce que font des réalisateurs indépendants et la philosophie qu’ils portent, soutiensles en achetant leurs vidéos. Mais toi justement, t’en vis ? Pas du tout. Déjà, j’ai un métier qui me paie bien donc ça n’a jamais été ma motivation première. Quand j’ai commencé, je ne voulais pas mélanger sexe et argent. Mon cachet de performeuse pour mon premier film, je l’ai reversé à Amnesty International. C’est important pour moi de montrer que le porno peut être autre chose qu’une machine à fric. Que ça peut être quelque chose de bien. Depuis que j’ai monté ma structure, c’est quelque peu différent : je donne toujours la moitié des mes bénéfices à Amnesty et je réinjecte l’autre moitié pour financer mes futurs projets.

Le financement dans le X alternatif, c’est compliqué ? Quand je produis un film, ça coûte en moyenne 15 000 euros. Un budget nécessaire pour avoir une équipe technique conséquente, du bon matériel et rémunérer tout le monde conveQuelles questions doit se poser un nablement. Une somme qui n’est pas spectateur pour concilier consom- toujours facile à rassembler. Après mation de porno et éthique ? mon premier film réalisé pour Erika Déjà, si tu te retrouves sur une inter- Lust, j’ai été voir Dorcel : ils étaient face payante, tu es en bonne voie. Sur d’accord pour que je tourne un film les “tubes”, tu ne peux savoir si le mais seulement pour 4 000 euros. contenu a été volé, piraté et quelle J’ai répondu que ça allait être un est son origine. C’est un peu comme peu compliqué… En France, peu pour la bouffe. Si tu veux bien manger, de boîtes de production se donnent il vaut mieux aller acheter quelque les moyens de produire du porno chose à ton petit producteur local éthique et ambitieux créativement.

« Le porno audio permet d’être dans une vraie inclusivité » 34

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Tu as récemment lancé Voxxx, une plateforme de podcasts porno à destination des femmes. Comment as-tu découvert le X audio ? Il y a quelque temps, je me suis rendu compte qu’un son intime me faisait plus d’effet qu’une mauvaise photo de cul. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler sur Chambre 206, un projet de porno audio. C’était passionnant à concevoir. Tout était pensé selon la façon dont on allait percevoir les sons des corps, des vêtements, des voix… On était dans une exploration un peu geek avec des gros plans sonores, comme des crissements de poils ou même une simple caresse. Des choses qu’on n’entend jamais dans un film porno. J’ai par la suite produit une autre série pour le site Audible (la plateforme de livres audio d’Amazon, ndlr), avant de développer Voxxx.org il y a quelques mois. Un podcast à destination des femmes où elles peuvent écouter des séances de masturbation guidée : tu as une voix qui te dit de faire ci, de faire ça… En tant que fille, j’ai l’impression d’avoir grandi avec un tabou autour de la masturbation. J’avais donc envie


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d’entendre d’autres femmes raconter leurs propres techniques et – tout simplement – aborder le sujet. Que trouves-tu dans l’audio que les films ne permettent pas ? Une pornographie sans image permet de faire travailler l’imagination et, par conséquent, d’être dans une vraie inclusivité et diversité. Tu n’imposes pas un type de corps : chaque auditeur est libre de s’imaginer ce qu’il veut. Penses-tu que le porno éthique puisse influencer le X mainstream ? Certains membres de la scène alternative dénoncent le fait que le féminisme devienne un argument marketing dans le porno. Mais moi ça ne me dérange pas. Il faut que le X alternatif “infuse” les autres types de productions. Ça peut trouver un écho chez de nombreuses personnes et, ainsi, avoir un effet dans la société. Depuis quelques années, il y a plein de notions dont on parle de plus en plus : les genres, le consentement… Des questions qui sont au cœur du porno alternatif. Recueilli par Julien Marchand 35


Étienne Laroche

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IL Y A 80 ANS, POUR LA DERNIÈRE FOIS EN BRETAGNE, LA LAME D’UNE GUILLOTINE TOMBAIT SUR LE COU D’UN HOMME, EN PUBLIC DEVANT LA PRISON DE RENNES. MAURICE PILORGE DEVIENDRA « LE CONDAMNÉ À MORT » DU POÈTE JEAN GENET. ous êtes peut-être pressé, moi pas ! » Le jour n’est pas levé en ce 4 février 1939 quand le condamné Maurice Pilorge se voit reprocher par son bourreau Jules-Henri Desfourneaux de traîner à boire la dernière faveur qui lui a été accordée : un verre de lait chaud enrichi d’une lichette de rhum. Repoussant l’heure imminente de sa mort, il sirote le breuvage sous les 36

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yeux du directeur, du médecin-chef et de l’aumônier de la prison, de l’avocat général du procès aux assises qui l’a condamné à la peine capitale, du juge d’instruction, de deux greffiers et de son avocat Gustave Bourdon. Une ultime cibiche lui est allumée tandis que les deux battants de la grande porte principale de la prison Jacques-Cartier de Rennes s’ouvrent en grinçant. Pieds et poings liés, Pilorge est poussé hors du bâtiment

par les aides du bourreau. « C’est alors que le public aperçut de loin la silhouette presque enfantine (…) de l’assassin moqueur ne crachant la dernière cigarette qu’au pied de la bascule », rapporte François Sentein dans sa biographie de Pilorge L’assassin et son bourreau. L’attraction du jour est allongée sur le billot, très vite Desfourneaux actionne le mécanisme libérant la lame. La décapitation est nette. Il est


6 h 46 très précisément quand Maurice Pilorge, 24 ans, est expié. Il est le dernier exécuté public de Bretagne. Quelques mois plus tard, le 24 juin, le président du Conseil Édouard Daladier promulgue un décret-loi supprimant la publicité des exécutions. Il faudra atteindre 1981, l’arrivée de Mitterrand au pouvoir et le “mic drop” de Badinter au parloir pour qu’enfin on cesse de tuer des hommes en France suite à une décision de justice.

« Une friandise morbide » « Historiquement, la guillotine était le fruit d’une avancée sociale, expose Emmanuel Taïeb, universitaire auteur de La Guillotine au secret. Elle avait mis fin à la pratique du supplice : tout le monde était égal devant un couperet, pauvres comme riches, endurants à la souffrance ou pas. » Symbole de la Révolution, elle est longtemps utilisée de jour et en place publique, les jours de marché par exemple. « Au 19e siècle, quelques rares voix commencent à se faire entendre concernant l’immoralité de la pratique, mais une majorité considère que c’est positif de montrer l’exécution à de jeunes enfants : ça a une valeur d’éducation. » Dès 1870 néanmoins, la guillotine n’est plus hissée sur un échafaud mais posée à même le sol pour éviter que trop de monde n’assiste aux mises à mort. « C’est une friandise morbide qui reste tout de même longtemps populaire, constate Annick Le Douget, auteure de Crimes et Justice en Bretagne et qui a notamment travaillé sur la vingtaine d’exécutions publiques ayant eu lieu en Bretagne sous la Troisième République. En 1892, la mise à mort de Julien Communal à Rennes va attirer 10 000 personnes. » Deux autres mesures vont finir par circonscrire les foules : le déplacement des lieux d’exécution à la porte des prisons et les horaires de plus en plus dissuasifs. 37


PAPIER

Aucun décompte ne permet de connaître le nombre de personnes assistant à la fin de la courte vie de Maurice Pilorge. Le quotidien L’Ouest-Éclair, dans son compterendu du lendemain titré « Pilorge a subi le châtiment suprême, Justice est faite ! », évoque un public repoussé par des barrages à 100 mètres de la guillotine. Le journaliste parle d’une « ville endormie dans un épais manteau de brouillard ». Autant dire que les rares à la curiosité perverse ayant fait le déplacement ne devaient pas voir grand-chose. Dans sa biographie, François Sentein évoque aussi l’intervention de gendarmes pour déloger quelques petits malins s’étant hissé sur un échafaudage de chantier pour tenter de mieux voir le “spectacle”. Mais comment ce garçon de 24 ans en est-il arrivé là ? Né à Saint-Malo le 19 mai 1914, Pilorge bascule tôt dans la petite délinquance. Enfant, il martyrise poules et lapins du voisinage. À 13 ans, il est condamné pour détérioration de biens publics.

Adolescent, il séjourne dans un patronage, puis en maison de correction et en prison pour mineurs. Sa réputation d’ingérable le poursuit jusqu’en Afrique, où le jeune homme passe une partie de son service militaire à partir de l’été 1936. De retour en France, il finit par déserter deux ans plus tard et entame une brève mais intense cavale. De Normandie, il file à Paris où ses habitudes sont du côté de Pigalle, et enfin Dinard à partir du 26 juillet 1938. Le fuyard s’installe à l’hôtel Le Pavillon Vert et s’adonne pendant plusieurs nuits à une série de cambriolages chez des particuliers de la côte.

Dans la nuit du 4 au 5 août, Pilorge est aperçu au comptoir du Brighton en compagnie d’un voyageur mexicain, Nestor Escudero, lui aussi jugé peu recommandable. Les deux hommes se connaissaient-ils ? Certains articles d’époque affirment qu’ils avaient sympathisé peu avant, François Sentein pense l’inverse et le procès qui suit ne permettra pas de trancher. Toujours est-il qu’on voit les deux larrons au petit matin entrer dans la chambre d’Escudero à l’hôtel Émeraude-Plage, puis en ressortir peu après, passablement agités. « Au voleur ! Au voleur ! », crie le Mexicain. Le gardien de nuit les invite à quitter les lieux et

PILORGE, LE « CONDAMNÉ À MORT » DE JEAN GENET Si Maurice Pilorge, dernier homme guillotiné en public en Bretagne il y a tout juste 80 ans, est passé à postérité, c’est en raison d’un autre délinquant juvénile de l’entre-deuxguerres : le poète Jean Genet. Alors qu’il est interné à la prison de Fresnes en 1942, il écrit clandestinement son premier poème publié et celui qui restera le plus célèbre, Le Condamné à mort, qui 38

débute par la dédicace suivante : « À la mémoire de Maurice Pilorge, assassin de 20 ans. » S’en suit une déclaration érotico-carcérale qui laisse penser à une histoire d’amour passée entre les deux. Mais pour Albert Dichy, biographe de Genet, ce n’est que pure spéculation. « La réalité de la rencontre de Genet et de Pilorge paraît hautement improbable,

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affirme-t-il. Il faut lire la rencontre décrite dans le poème comme la métaphore d’un accompagnement par la pensée. » En clair : un fantasme. Si les deux ont fréquenté durant leur adolescence tourmentée d’identiques établissements pour jeunes désœuvrés, rien n’indique qu’ils y aient été en même temps, Genet étant plus âgé de quatre ans que Pilorge.

Et tandis que ce dernier était incarcéré à Rennes en attendant d’être exécuté, le poète était emprisonné à Brest pour une toute autre affaire. D’ailleurs, Genet se trompe de lieu comme de date lorsqu’il reprécise, en conclusion du Condamné à mort, qu’il le dédie « à la mémoire de (son) ami Maurice Pilorge (…), exécuté le 17 mars 1939 à Saint-Brieux (sic) ».


une courte bagarre a lieu sur un trottoir tout proche. Escudero revient jusqu’au hall en titubant, la gorge tranchée. Des témoins reconnaissent Pilorge comme l’agresseur et les gendarmes l’arrêtent dans la foulée. La lame de rasoir qui a servi au meurtre est retrouvée, ainsi que de l’argent dérobé à son comparse.

Sa tête dans du formol Le « jeune dévoyé », comme il est qualifié dans L’Ouest-Éclair, est incarcéré à Saint-Malo, puis à Rennes suite à une tentative d’évasion. Deux jours de procès vont suffire à le juger. Le 16 novembre 1938, vingt ans de travaux forcés lui sont d’abord infligés pour la série de cambriolages. Le lendemain, le jury suit les réquisitions de l’avocat général Gillot et condamne à mort, ne trouvant aucune circonstance atténuante à un Pilorge arborant tout du long du procès « le sourire aux lèvres et les yeux pétillants de malice » (L’Ouest-Éclair). Son seul axe de défense : Escudero lui aurait fait des avances sexuelles qu’il n’aurait pas supportées. « C’était du suicide de sa part, estime Annick Le Douget. Il a tout fait pour avoir la peine maximale alors qu’elle était réservée surtout aux récidivistes et aux tueurs d’enfants. Un expert-psychiatre l’a jugé responsable de ses actes mais on peut en douter tant son comportement, comme du reste sa vie, a été une folie. » Une folie qui prend fin le 4 février dans la brume d’un matin d’hiver. Sa famille n’ayant pas réclamé son corps (nous avons vérifié auprès de la douzaine de Pilorge recensés dans les Pages Blanches en région malouine, aucun n’a de Maurice pour aïeul de près ou de loin), il est enterré le jour même au cimetière de l’Est à Rennes. Quant à sa tête, elle a été confiée à la faculté de médecine et a flotté dans du formol, aux yeux des étudiants, pendant des années avant de disparaître. Régis Delanoë 39


RDV

EN TERRAIN CONNU LES PARISIENS DE RENDEZ VOUS ÉCRASENT TOUT AVEC LEUR PREMIER ALBUM, LE CONVAINCANT « SUPERIOR STATE » SORTI À L’AUTOMNE 2018, QUI LES INSTALLE EN TÊTE DE GONDOLE D’UN SON POST-PUNK À CONTRE-COURANT DES TENDANCES.

Pierre-Ange Carlotti

ap, hip-hop, électropop : telle est l’actuelle sainte trinité des musiques en France. Dans ce contexte, il faut une sacrée dose de rien-à-foutisme pour se présenter en 2019 en blouson cuir avec un projet post-punk à défendre corps et âme, contre vents et marées. « C’est sûr qu’on n’est pas nombreux en ce moment à jouer de ce style musical, sourit Elliot, guitariste de RENDEZ VOUS (sans le tiret et avec les majuscules, c’est important). Mais en même temps ça nous va très bien. De toute façon on s’en fout un peu des styles, non ? On a des potes dans la scène rock actuelle – Bryan’s Magic Tears, Villejuif Underground… – mais d’une manière générale elle est clairement en perte de vitesse et… on s’y fait un peu chier quoi. Il se passe bien plus de choses en rap ou en électro et c’est cool. On ne se construit pas du tout en opposition par rapport à ça. C’est juste qu’en matière de rock, on est en terrain connu. » Le groupe est né il y a cinq ans à Paris à l’initiative de Francis (chant, basse) et d’Elliot, rejoints rapidement par Maxime (synthés, machines) et Simon (guitare), puis plus récemment par Guillaume (batterie). « Avec Francis, on s’est vite trouvé sur un style musical commun, 40

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qui lorgne globalement sur cette ligne post-punk et new wave qu’on suit encore aujourd’hui, poursuit Elliot. Après, on écoute aussi pas mal de black metal bien vénère ou de trucs de la scène hardcore et noise américaine : un groupe comme Uniform et tout ce que sort en gros le label Sacred Bones » C’est en Angleterre néanmoins que RENDEZ VOUS a enregistré son premier album, Superior State, qui fait suite à deux premiers EP sortis précédemment. Mixé dans une ancienne église réaménagée en studio à Leeds par le réputé Matt Peel, façonneur du son des Eagulls, il s’en dégage une atmosphère vaporeuse eighties bien caractéristique. « Il était à donf sur la reverb, on a été obligé de le calmer pour que ça ne sonne pas trop anglais quand même, rigole le guitariste de 28 ans (les âges du groupe s’échelonnant de 23 à 32 ans). On apprécie de garder notre style sans singer personne. » Un credo qui leur réussit plutôt bien : Superior State s’avère franchement convaincant et a d’ailleurs reçu des critiques élogieuses depuis sa sortie en octobre. Au rythme actuel de quatre dates par semaine en moyenne, en France mais aussi un peu partout en Europe et jusqu’en Russie pour deux dates cet hiver, RENDEZ VOUS devrait bientôt passer la barre des 200 concerts joués depuis les débuts dans « des garages, des squats, des bars avec zéro public, ça forge un gros mental ». Les quatre devenus cinq ont eu raison de persévérer : ils seront à l’affiche du Printemps de Bourges au printemps et peut-être des prochaines Eurockéennes de Belfort. La classe à Dallas. Régis Delanoë Le 2 mars à La Carène à Brest, le 28 mars au festival Un Des Sens à Rennes 41


Alexandre Morel / Jeanne Quattropani

RDV

DANS LA PIÈCE « QUITTER LA TERRE », L’AUTEUR ET METTEUR EN SCÈNE JOËL MAILLARD IMAGINE LE DESTIN D’HOMMES ENVOYÉS DANS L’ESPACE, LE TEMPS QUE LA PLANÈTE SOIT DE NOUVEAU HABITABLE. ENTRE L’ARCHE DE NOÉ ET WALL-E. ’humanité va disparaître. Si cette perspective n’étonne plus vraiment personne (coucou le dérèglement climatique !), Joël Maillard a décidé d’en faire le point de départ de sa pièce Quitter la Terre. Un « sauvequi-peut cosmique » où, pour assurer la continuité de l’espèce, des hommes et des femmes sont temporairement envoyés en orbite. « Ils sont confinés dans un vaisseau spatial en attendant que les humains restés au sol disparaissent totalement – mais de façon douce, l’hu42

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manité étant rendue stérile – et que la Terre ait eu le temps de se régénérer suite au désastre écologique », pitche l’auteur et metteur en scène de la compagnie suisse SNAUT, inspiré par des œuvres comme la trilogie Rama du romancier Arthur C. Clarke ou encore Interstellar de Christopher Nolan. Un scénario aux accents (presque) prémonitoires. « Nous sommes tous au courant de l’état de notre planète et nous partageons tous la même inquiétude, mais plutôt que de parler frontalement et sérieuse-

ment des problématiques, on joue plutôt ici la carte de l’exagération, voire du grotesque, pour donner à réfléchir, développe l’auteur pour qui la mise en scène de la SF au théâtre est tout sauf une contrainte. Nous n’avons pas le pouvoir immersif du cinéma, il nous faut jouer avec la pauvreté de nos moyens. Parfois deux-trois effets vidéo avec un rétroprojecteur suffisent à faire croire qu’on est dans l’espace. » Les 1er et 2 février au Théâtre de Poche à Hédé


Jérôme Sevrette

SORTIS DU FRIGO

DEUX EX DE LA SCÈNE RENNAISE RALLUMENT LA CHAUDIÈRE AVEC LE PROJET ÉLECTRO-ROCK YOU VICIOUS ! 2010 : après une décennie d’activité, trois EP et deux albums, le groupe rennais Frigo décide de remiser tout le matos au placard et de reprendre une vie normale. « On avait 30 ans, un boulot stable, une routine qui finissait par peser… Fallait passer à autre chose », justifie le chanteur Max Balquier. Il remet pourtant ça depuis qu’il a fondé en 2016 un nouveau groupe baptisé You Vicious ! (avec le point d’exclamation). « L’envie de refaire de la musique est finalement revenue, d’abord pour moi puis finalement en duo avec Bren (exbatteur de Frigo lui aussi, ndlr) qui a redonné une touche rock à un projet plutôt orienté électro au début. » Le résultat : un électro-rock qui tabasse et évoque d’emblée une scène eighties qui ne s’est jamais démodée : Depeche Mode, The Cure… « Nos sources d’inspiration sont à trouver du côté de trucs plus récents comme The Rapture, M83, Nasser ou Mogwai, complète Max. La longue pause qu’on s’est accordée nous permet de revenir avec pas mal de fraîcheur, sans lorgner vers le passé. » Sans perdre de temps, un premier album éponyme est sorti sur Manic Depression, label parisien d’ascendance cold wave et shoegaze. Le 21 mars au 1988 Club à Rennes, le 22 à Bouge ton Cube à Lauzach et le 23 au Novomax à Quimper 43


RDV

« BEDROOM POP » DÉBUT 2019 SONNE LE RÉVEIL DE MARBLE ARCH, PROJET PERSO D’UN ANCIEN MEMBRE DE MARIA FALSE : YANN LE RAZAVET. AU PROGRAMME : UN DEUXIÈME ALBUM ET UNE BELLE DATE POUR L’ACCOMPAGNER. MÉGA TEUF ! Comment est né Marble Arch ? Ça a commencé en solo complet. L’idée était simplement de retravailler des démos de morceaux non utilisés avec Maria False. Je me suis dit que c’était con de les perdre, alors autant les diffuser, d’abord sur Internet. Puis finalement ça a donné un premier album The Bloom of Division (sorti chez Le Turc Mécanique, label de Balladur notamment, ndlr). C’était plus un accident qu’autre chose.

que le précédent et donc moins lo-fi au sens premier du terme ! Mais ça reste un peu dans l’esprit bedroom pop, dans le sens où je compose toujours essentiellement chez moi.

ration des Popopopop’s, Glassberries, Wankin’ Noodles… Il y a dix ans, le rock d’inspiration anglaise tournait bien, c’est moins le cas aujourd’hui. Mais officiellement Maria False existe toujours, même Tu es désormais basé à Paris. Que si dans les faits le dernier concert gardes-tu des années rennaises et de remonte à il y a deux ans. Je crois Maria False ? qu’on a du mal à se dire que c’est Beaucoup de supers souvenirs. peut-être fini… Ça va faire quatre ans que je suis Le 22 février à Paris maintenant mais je reste à La Route du Rock Hiver Breton à fond. Je suis de la généà Saint-Malo (Nouvelle Vague)

Près de quatre ans se sont écoulés entre ces deux albums. Le style at-il évolué ? On reste dans une veine dreampop assez vaporeuse et contemplative, qui tend vers le shoegaze et la noise pop. Disons qu’il est moins bricolé 44

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Yohan Burel

Aujourd’hui c’est un vrai groupe ? Oui, le line up a pas mal changé mais désormais on s’est stabilisé à cinq, avec toute une chouette structure pour encadrer ça : manager, bookeur… Je suis pas mal lié à l’équipe du Point Ephémère à Paris. C’est un peu plus ambitieux et c’est ce qui a permis d’aboutir à la prochaine sortie en mars d’un second album beaucoup mieux structuré : Children of The Slump (sur les labels Géographie et Differ-Ant, ndlr).


Pablo Rodriguez

WAACKING QUEEN

POSES EGO TRIP, RACINES DISCO ET CULTURE CLUB : LE WAACKING A TOUT POUR CARTONNER. Que les choses soient claires : le waacking, ce n’est ni du voguing ni de la danse hip-hop ni du smurf. Née dans les clubs gays de Los Angeles durant les seventies, cette danse popularisée par l’émission américaine Soul Train est progressivement en train de gagner ses lettres de noblesse en France. Et parmi les fers de lance, on trouve la Parisienne Princess Madoki. « Le waacking regroupe quatre éléments centraux, détaille la danseuse de 33 ans. Les “arms control”, qui sont les mouvements de bras les plus caractéristiques ; le “posing”, qui consiste à faire des poses au milieu de sa danse ; le “punking”, qui correspond à l’aspect théâtral ; et les “funky steps”, qui donnent au waacking son côté groovy. » En début d’année 2018, Princess Madoki est même choisie pour figurer dans le clip du morceau Apeshit de Beyoncé et Jay Z. Le couple se la raconte dans le Louvre, tandis que la danseuse claque un solo à la quatrième minute. « Ils cherchaient quelque chose de différent, une danse un peu hybride. Le chorégraphe de Beyoncé, avec qui je travaille aussi, leur a parlé de moi, et ils m’ont fait venir », raconte celle pour qui le waacking représente un moyen d’affirmer et revendiquer sa féminité. L’école Queen B. Brice Miclet Bal Waack le 10 mars à L’Étage à Rennes 45


RDV

DÉMOCRATIE 2.0 FINI LES ÉLECTIONS, PLACE À UNE PUCE INFORMATIQUE IMPLANTÉE DANS NOTRE CERVEAU. OBJECTIF : LÉGIFÉRER EN TEMPS RÉEL SELON L’AVIS DE LA MAJORITÉ. UNE PERSPECTIVE IMAGINÉE PAR JULIEN GUYOMARD DANS « SYNDROME U ».

Photos : Jean-Louis Fernandez

u’on le soutienne ou qu’on le fustige, le mouvement des Gilets Jaunes a eu le mérite de remettre sur la table la question de la représentativité politique. Face à une crise des partis, les aspirations d’une démocratie directe et participative ont trouvé une place grandissante chez les manifestants. Si cette revendication peut sembler légitime, reste sa mise en place. Comment alors procéder ? Référendums d’initiative populaire, sondages d’opinion ou votes Facebook ? Et si cela passait par l’implantation dans notre cerveau d’une puce informatique chargée de recueillir quotidiennement nos avis ? Une idée, simple mais radicale, imaginée par Julien Guyomard dans la pièce Syndrome U. « Ce dispositif permet ainsi à l’administration de légiférer en temps réel en fonction de l’opinion majoritaire. Tout le monde se soumet sans sourciller à cet outil, partant du principe que la majorité a raison », explique l’auteur et metteur en scène de la compagnie Scena Nostra. Et si c’était finalement la solution pour assurer une consultation exhaustive de la population et légitimer toutes décisions politiques ? « Il est clair que l’idée pourrait paraître bonne sur le papier, mais 46

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ce genre de système a ses dangers. Le plus important, c’est paradoxalement une dépolitisation des citoyens : pourquoi s’intéresser à la politique puisque l’on est obligé de suivre la pensée majoritaire ? Cela tue tout débat d’idées, toute variété de points de vue, toute vision à long terme, expose Julien qui a suivi le mouvement des Gilets Jaunes avec attention. J’avais écrit ma pièce avant ces événements (c’est une création 2017, ndlr), mais j’y vois forcément des échos. Cela s’inscrit selon moi dans un phénomène général où les figures politiques telles qu’on les connaît disparaissent et où celles qui émergent ont des parcours originaux. » Une pièce d’anticipation que le metteur en scène n’a surtout pas voulue anxiogène. « Attention, c’est une pièce drôle ! Je ne suis pas là pour faire peur aux gens en imaginant une société où l’autorité est confiée à un dispositif technologique. On a travaillé volontairement l’absurdité totale du système pour que les personnages, tous des anti-héros, soient amenés à se poser des questions qui souvent les dépassent. Avec ce but final de s’interroger sur l’engagement individuel pour le collectif. » J.M Les 31 janvier et 1er février au CDDB à Lorient



VTS

UN TOUR DU MONDE ECOLO ET BRICOLO BASÉE À CONCARNEAU, LA JEUNE ASSOCIATION “GOLD OF BENGAL” MULTIPLIE LES PROJETS DE PROMOTION DU LOW TECH ET DE SES APPLICATIONS CONCRÈTES AU QUOTIDIEN. ÉNERGIE, DÉPLACEMENT, CONFORT : PETIT TUTO POUR UN VOYAGE DÉBROUILLARD ET ÉCONOME.

SE NOURRIR

DO IT YOURSELF & GREEN « Le low tech, c’est le développement de solutions simples et pratiques pour pallier aux besoins de base. En clair : faire mieux avec moins. Une démarche basée sur l’utilité, l’accessibilité pour tous et le respect de l’environnement », présente Pierre-Alain Lévêque, jeune ingénieur de l’asso Gold of Bengal. Fondée fin 2013 à Concarneau, cette structure se veut « un laboratoire de promotion du low tech ». Une éloge de la sobriété et du do it yourself qui s’articule autour de deux axes principaux : le développement du site Internet LowTechLab.org (« une sorte de Wikipédia ayant pour ambition de recenser toutes les initiatives à travers le monde et de mettre ces technologies à disposition de tout le monde en open source ») et un tour du monde actuellement en cours, avec à la barre le fondateur de l’asso Corentin de Chatelperron. Sur son catamaran de 45 pieds baptisé “Nomade des Mers”, il teste en condition réelle ces innovations low tech. En voici quleques-unes. 48

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Le Nomade des Mers dispose de son petit potager hors-sol que Corentin cultive en hydroponie, selon des techniques apprises en escale au Cap Vert. Il a également mis au point un bioréacteur de spiruline lui permettant de disposer à foison de cette microalgue riche en protéines, en vitamines et en fer. Pour la cuisson, un cuiseur domestique économe s’avère « très facile à fabriquer, avec une base en

boîte de conserve, précise PierreAlain. Quelques euros suffisent pour un rendement très intéressant, avec des granules de bois pour combustible ».

SE CHAUFFER

S’ÉCLAIRER

« Transformer le rayonnement solaire en chaleur est assez simple et peu onéreux, assure Pierre-Alain. On a mis au point un capteur air chaud de 2 m² à base d’ardoises permettant de réchauffer de 6 degrés une pièce de 15 m² l’hiver ! » Coût total de ce chauffage solaire : 200 euros. Le Nomade des Mers dispose également d’un chauffe-eau solaire basé sur la même technologie « sans électronique et donc facile à fabriquer ».

S’agissant de la production d’électricité pour s’éclairer notamment, la force du vent reste la technologie low tech la plus commune. « Là encore, le DIY est de mise. Au cours de son périple, Corentin a déniché au Sénégal un système de micro-éolienne fonctionnant avec un petit moteur d’imprimante. » Dix euros et une journée de fabrication lui auront suffi pour concevoir cette girouette permettant d’allumer des LED, de recharger un portable ou d’actionner une petite pompe.


SE LAVER

Si quelques bains de mer peuvent faire l’affaire sur un tour du monde, comment se laver au quotidien façon low tech chez soi ? « Par la fabrication d’une douche à recyclage, répond Pierre-Alain. Se laver représente 40 % de sa consommation d’eau totale. Des systèmes très simples permettent de dévier vers un chauffe-eau les eaux grises (les eaux usées domestiques faiblement polluées type eau de lave-linge, ndlr) ou eaux de pluie, nettoyées par un système de phytoépuration. » Un premier prototype à 150 euros est à l’étude permettant de diviser par sept la consommation, « mais il reste à perfectionner, l’eau ressortant trop savonneuse après filtration ».

SE DÉPLACER

Photos : Gold of Bangal

Gold of Bengal s’appelle ainsi car l’asso a d’abord cherché un moyen de revaloriser la fibre de jute, majoritairement fabriquée au Bangladesh. « C’est une matière très résistante qui peut parfaitement remplacer la fibre de verre des coques de bateaux », assure Pierre-Alain. Avant de prendre le large avec Nomade des Mers, Corentin a d’ailleurs testé avec succès un voilier avec une base en fibre de jute. « Quentin, autre membre de l’asso, est actuellement à Madagascar pour fabriquer une voiture avec ce même composant économe. Son projet pour les mois à venir : remonter l’Afrique avec pour tester sa fiabilité. » Vroum vrouuuum ! R.D

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Patrick Berger

RECOMMANDE

URBAINES

COSMOS 1969

LONGUEUR D’ONDES

TUNNG

Pour sa 10e édition, le festival de cultures urbaines sort la sulfateuse et dégaine une prog bien bien fat entre concerts, danse et arts graphiques : l’ancien 1995 Alpha Wann (photo) qui viendra défendre son flamboyant premier album UMLA, le régional Di#ese, le Parisien Lord Esperanza, une expo de WAR, la battle Block Party…

Le 21 juillet 1969, Neil Armstrong posait le pied sur la lune. Cette même année, les synthés Minimoog et Synthi EMS VCS3 révolutionnaient les studios. Imaginée par Thierry Balasse, cette odyssée sonore et spatiale réunit les deux : Beatles, Bowie et Pink Floyd accompagnent les envolées de la circassienne Chloé Moglia.

Claude Askolovitch, Jean Lebrun, Perrine Kervran, Christophe Hondelatte… Les habitués de France Inter, France « Q » ou RTL auront reconnu les voix de leurs programmes préférés. Le festival Longueur d’Ondes fait la part belle à la radio avec débats et conférences sur le mode de journalisme préféré des Français.

Oh la belle date que voilà ! La seule dans l’Ouest en ce début d’année pour les trop rares Tunng, auteurs il y a plus de dix ans d’un tube imparable : Bullets. Comme Nada Surf avec Popular et les Breeders avec Cannonball, il faut aller au-delà car toute la discographie de ce groupe de folktronica mérite.

À Brest (Quartz, Vauban...) Du 28 janvier au 3 février

À L’Échonova à Saint-Avé Le 14 mars

DR

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Roberto Frankenberg

Le 9 janvier à Quimper, le 12 à Brest et le 15 à Lorient

François Goize

À Rennes (Antipode, Triangle…) Du 20 février au 10 mars

ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ

JARDINS D’HIVER

TRAVELLING

VAUDOU GAME

Ne trouvant pas la carte du magasin à la caisse d’un supermarché, un homme est contraint à une fuite absurde et médiatique. Cette épopée lol, qui a fait de Fabcaro une star de la BD, a désormais son adaptation théâtrale. Incontournable (et aucun lien avec Enrico Macias).

Du beau monde débarque aux Champs Libres pour la nouvelle édition du festival littéraire Jardins d’Hiver. François Bégaudeau (photo), Maylis de Kerangal, Andreï Makine, Tahar Ben Jelloun ou encore Frànçois Atlas se croiseront lors de conférences, rencontres et siestes musicales.

Déjà la 30e édition du festival de cinéma Travelling. Pour cet anniversaire, le rendez-vous rennais s’offre un panorama des “villes-monde” : Londres, Tokyo, Hong Kong, New York, Singapour… Des escales cinématographiques passant par District 9, Her (photo), Lost in Translation...

Révélé aux Trans Musicales en 2014, le groupe afro-funk Vaudou Game a depuis confirmé l’espoir né en lui au festival rennais. Impossible d’être passé à côté de son dernier titre Tata fatiguée et impossible de le louper sur scène tant il tourne à bloc. Good game !

Du 26 fév. au 2 mars à Rennes (TNB) et le 23 mars au Th. de Poche (Hédé)

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Aux Champs Libres à Rennes Du 1er au 3 février

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À Rennes Métropole Du 5 au 12 février

Le 25 janvier à St-Brieuc, le 22 mars à Châteaulin, le 23 mars à St-Malo…




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