JUIN-JUILLET-AOÛT 2013 #12
TEASING
À découvrir dans ce numéro...
« J’AI VU UN EXTRATERRESTRE » MARABOUT
BABOS
FLUNCH
GROLAND
DAFT PUNK
L E S C A R T E S P O S TA L E S D E L A H O N T E
ROSÉ PAMPLEMOUSSE SE BALADER À POIL
CAMPING SAU VAGE S Q U AT T E U R S
« C O N C L U R E U N P A C T E A V E C L E D É M O N »
ÉDITO VACANCES
Comme le disaient les regrettés TTC : « Nous, on part jamais en vacances, on est des fous. » Depuis le lancement de Bikini il y a maintenant plus de deux ans, nous avons décidé de suivre à la lettre ce principe. Non pas qu’on n’aime pas les vacances (si des gens ont une grande baraque et veulent nous inviter, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter), plutôt qu’on n’a pas vraiment le temps. L’été, pourtant, on pourrait se dire que c’est le moment idéal pour notre équipe. Un numéro qui court sur trois mois, une atmosphère plutôt propice au glandage, une méchante envie de rien foutre certains jours ensoleillés... Reste un facteur, disons LE facteur qui change radicalement l’équation : les festivals. Car, même si on peut affirmer avoir eu notre ration de musique cette saison, on se rend compte qu’aller en festival dépasse le simple cadre artistique. Un festoche, ce n’est pas qu’un line-up. C’est une ambiance, un contexte, un rythme à part que nous avons envie de vivre et de vous raconter. Sans doute ce qui nous donne la motivation de faire une croix sur une semaine en pension complète le cul sur le sable et la tête dans l’eau. À voir les premières réservations et ventes de billets, quelque chose nous dit que nous ne serons pas les seuls. Rendez-vous sur place ? La rédaction
SOMMAIRE 6 à 15 WTF : groupes scandinaves, rosé pamplemousse, coût d’un album, Trans estivales, artistes qui ont le même nom, les transferts ratés, Manu Chao, se balader à poil, corbeille... 16 à 27 Festivals : c’est party ! 28 à 31 Les cartes postales de la honte 32 & 33 La main de Dieu 34 à 41 La vérité est ailleurs 42 à 47 RDV : Madben, Allah-Las, Dead Sailors et Suuns 48 Vide ton sac... Thomas VDB 50 BIKINI recommande 4
juin-juillet-août 2013 #12
Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Benoît Tréhorel, Simon Doniol / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Photographe : Justin Bihan / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (Saint-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Étienne Cormier, Mickaël Le Cadre, Étienne Laroche, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2013.
WTF
QUEL SCANDINAVE ALLER VOIR ?
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AINSI PONT PONT PONT
DESTINATION LE NORD DE L’EUROPE POUR CES VACANCES 2013. LES FESTIVALS DE L’ÉTÉ PRENNENT UN COUP DE FRAIS EN ALLANT PIOCHER DES ARTISTES VENUS DU FROID. ET ÇA FAIT DU BIEN.
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Les 26 et 27 juillet à Malestroit se déroule la 23e édition d’Au Pont du Rock, le plus vieux festival d’été breton. Au programme, 24 groupes : du local (1969 Club, The Popopopops…), du national (Stupeflip, Wax Tailor, Carbon Airways …) et de l’international (Bellrays, Birth of Joy…).
THE HIVES
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CARHAIX POUR PAS UN ROND
Comme chaque année, les derniers billets pour les Charrues vont s’arracher. Pas de panique : Bikini a des places pour vous ! Deux sésames par jour sont à gagner sur notre Facebook.
TOUS DES SAUVAGES
à la barbare « On est toujours le sauvage de quelqu’un » : voilà comment on pourrait pitcher la nouvelle exposition de l’Abbaye de Daoulas. À travers 400 objets, insolites ou du quotidien, d’époque ou plus actuels, l’expo s’interroge sur le regard que l’on porte sur la différence. Car comme disait le philosophe Timothée Gustave : « Il faut cultiver la différence et non l’indifférence ! » 6
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Du garage rock avec des riffs addictifs et une voix nasillarde, joué par des Suédois en costards unis qui font les cons sur scène : la recette des Hives est tellement bien gaulée que ça fait une bonne décennie qu’ils l’appliquent sans jamais en changer. C’est la même chose avec les lasagnes maison de maman, il s’agirait pas de changer ne serait-ce qu’un ingrédient, ça pourrait tout niquer. Détail marrant : le chanteur fait penser à Jim Carrey. Idéal si vous aimez ? Le steak au poivre Quand et où ? Le 18 juillet aux Vieilles Charrues
JUNIP
RANGLEKLODS
Pensez-vous que David Bowie et Dave Gahan de Depeche Mode aient pu avoir une liaison ? Cela ne serait pas impossible tant Esben Andersen, plus connu sous le nom de Rangleklods, peut apparaître comme le fils caché de ces deux monstres de la pop. Le Danois, aujourd’hui installé à Berlin et auteur l’an passé de l’album Beekeeper, semble décider à suivre la voie de ces papas supposés : celle d’une électro-pop mélodique et aérienne, à l’image du titre Clouds. Idéal si vous aimez ? Les sushis Quand et où ? Le 19 juillet aux Vieilles Charrues
Comme son nom ne l’indique pas forcément, José Gonzalez est suédois. Très prisée par la pub, sa musique pourrait parfaitement illustrer une douce nuit passée dans le plus confortable des lits Ikea : du folk cotonneux qui fait des papillons dans les oreilles. Parallèlement à sa carrière solo, il fait revivre avec deux compères son projet de groupe, baptisé Junip (photo). Et bordel, qu’est-ce que c’est beau… Nick Drake n’est pas mort, les amis ! Idéal si vous aimez ? Le tofu Quand et où ? Le 17 août à La Route du Rock
Bikini
POURRA-T-ON ÉCHAPPER AU ROSÉ PAMP’ ?
APÉRO, BARBEUC OU FESTIVAL : CELA SERA COMPLIQUÉ DE PASSER À CÔTÉ DU VIN AROMATISÉ CET ÉTÉ. « Le rosé pamplemousse était au départ un apéritif maison du sud de la France », raconte Élodie Belfis du groupe viticole Picard. Et puis le marketing est passé par là. Dès 2009, Picard sort son premier rosé pamp’ puis, en 2010, crée la marque Arômes et Vins. Suivent le groupe Castel avec VeRy, Marie Brizard avec Fruits & Wine… Aujourd’hui, le marché explose. Il a déjà triplé en 2012, « et va encore doubler en 2013, anticipe Nelly Sancho, du marketing chez VeRy Pamp’. Il y a un pic l’été mais désormais on en vend toute l’année ». Chez Fruits & Wine, on mise même là-dessus : « Nous avons créé des vins qui peuvent se boire chaud : rouge spéculos et blanc pain d’épices. » Si le rosé pamplemousse reste la star, « de nouveaux parfums sont demandés par les consommateurs », s’accordent à dire les professionnels. Sont ainsi sortis le rosé framboise, le rosé fraise, le blanc citron, le blanc pêche… Des gammes qui squattent les têtes de gondoles des rayons liches. Et qui vont tenter l’incursion en festival : la marque VeRy sera présente aux Charrues pour la première fois cette année. I.J 7
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FAIRE UN ALBUM, COMBIEN ÇA COÛTE ? QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES DÉPENSES D’UN GROUPE DE NOTORIÉTÉ RÉGIONALE QUI VEUT SORTIR UN DISQUE ? EXEMPLE AVEC « TEN THOUSAND NIGHTS », PREMIER ALBUM DE BUMPKIN ISLAND, DONT LE COÛT S’ÉLÈVE À 10 000 EUROS.
1 000 € ENREGISTREMENT 10 % du budget. « Cela comprend les trois jours passés au studio. Ce qui est relativement peu pour un album de neuf morceaux, explique Vincent, le guitariste de Bumpkin Island. On y a enregistré les pistes de basses, batterie et guitares. » Les voix, trompettes et claviers ont de leur côté été enregistrés à la maison. « L’avantage du studio, c’est le matos mais, pour le prochain album, je pense qu’on fera davantage de choses nous-mêmes. Certaines prises faites chez nous nous plaisent plus que celles faites en studio. Sans doute une histoire d’intention au moment de l’enregistrement. »
3 600 € PRODUCTION 34 % du budget. Il s’agit là des étapes de mixage et de mastering. En clair : assembler toutes les pistes enregistrées et leur donner une homogénéité pour un résultat final optimal. « On a confié le mixage à l’Islandais Birgir Jón Birgisson, l’ un des ingénieurs du son du groupe Sigur Rós, poursuit Vincent. Cela nous intéressait de confier cette étape à une oreille totalement nouvelle, à quelqu’un qui ne nous connaissait pas. Il a bossé cinq jours dessus. Sur le dernier morceau qui fait vingt minutes par exemple, y a plus de 75 pistes différentes... »
300 € GRAPHISME 2 % du budget. « C’est une copine qui nous a fait l’artwork sur la pochette et le livret. On a essayé de valoriser comme on pouvait son travail, malgré notre budget serré. »
2 275 € FABRICATION 22 % du budget. Cela correspond au pressage des CD : 2 000 copies en tout. « C’est notre label (Les Disques Normal, ndlr) qui gère la relation avec le distributeur. On sera aussi bien présent dans le réseau indé que chez des gros, type Fnac. » Ce poste de dépense comprend aussi l’autorisation auprès de la SDRM (Société pour l’administration du Droit de Reproduction Mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs), branche de la Sacem, qui donne le droit de produire un disque. 8
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3 410 € PROMOTION 32 % du budget. On retrouve là toutes les dépenses liées à la communication. La quasi-totalité de ce budget est attribuée à la rémunération d’une attachée de presse, basée à Paris. « Cela représente une somme importante mais on aurait pu mettre le double, voire le triple pour la promo. Quand tu fais un album, le but c’est qu’il soit écouté par le maximum de personnes. Avec une attachée de presse, cela facilite les choses pour toucher les médias nationaux. »
NicoM / 18-55.org
POURQUOI Y A PAS DE TRANS L’ÉTÉ ?
PAS MAL DE FESTOCHES PROPOSENT DEUX ÉDITIONS À L’ANNÉE. PAS LE RENDEZ-VOUS RENNAIS. EXPLICATION. Collections été et hiver pour La Route du Rock et Astropolis, automne et printemps pour Insolent… Depuis quelques années, des festivals de la région ont décidé, en plus de leur place historique dans le calendrier, d’inscrire leur nom sur une autre saison. On peut donc légitimement se poser la question : pourquoi les Trans Musicales, l’un des festivals les plus cotés de France, ne développent-ils pas une édition estivale ? Pour Béatrice Macé, la co-directrice, plusieurs raisons apparaissent. La première tient en trois lettres : Ubu. « Dès 1992, on a eu la gestion de la salle de concert. Ça nous a permis d’avoir une activité à l’année et de disposer d’un outil supplémentaire pour s’exprimer. » Imaginons malgré tout : qu’est-ce qui serait possible et qu’est-ce qui serait impensable ? « Le fait de se délocaliser serait intéressant mais c’est déjà le cas avec les Trans à l’export. Faire une version best-of ? Quelle horreur ! Notre projet est basé sur la curiosité. » Reste le calendrier. « De mai à fin août : c’est compliqué. 70 % des festivals ont lieu l’été. Avec l’hiver, nous avons trouvé notre temporalité. » 9
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LE BORDEL DES GROUPES QUI ONT LE MÊME NOM Le groupe sensation de 2013 s’appelle Fauve et vient de Paris. Une découverte qui semble mettre tout le monde d’accord. Sauf un : Fauve, un artiste suisse, qui ne voit pas d’un bon œil l’éclosion de cette formation. « J’ai tenté de discuter avec eux pour qu’ils comprennent la nécessité de choisir un autre nom. Hélas, rien n’y a fait », nous explique le chanteur, déjà auteur de deux albums. Son deuxième opus, Clocks ’n’ clouds, se retrouve d’ailleurs sur la même page Deezer et Spotify que celle du Fauve français. Des télescopages de ce style sur les sites
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DES ARTISTES DIFFÉRENTS QUI PARTAGENT LE MÊME PATRONYME, C’EST BALLOT. ET CELA PEUT ÊTRE À L’ORIGINE DE QUELQUES COUACS ET CONFUSIONS, NOTAMMENT SUR LE NET.
de musique en ligne, il en existe d’autres : Granville et Assassin, notamment, voient ainsi leur profil complété par des albums qui ne sont pas les leurs. La palme revient à Assassin qui, sur sa page Deezer, cohabite avec quatre autres artistes. Les sites affirment prendre en compte le problème. « Ces erreurs sont corri-
gées par nos équipes quand elles s’en rendent compte, explique le service com de Spotify. Quelques fois, c’est le management des artistes qui nous fait remonter l’info. » Reste les homonymies marrantes. Comme le boys band latino Los Juveniles pouvant compliquer la potentielle carrière sud-américaine des Juveniles rennais. Ou encore une Adèle originaire du 22. « Pour un de mes spectacles, des Grenoblois avaient réservé des billets pensant qu’il s’agissait de la chanteuse anglaise. En concert à Loudéac pour 6 €, ça aurait dû faire tilt. »
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LE TEMPS DES GITANS
Rien que pour son ambiance à la cool, son site qui respire et la richesse de son espace restauration (des accras de morue putain !), le festival du Bout du Monde mérite. Musicalement, la prestation des furieux de Gypsy Sound System (photo) promet. La zique balkanique, ça tue. Du 2 au 4 août à Crozon.
FALLAIT PAS L’INVITER Comme depuis deux-trois ans, les sites web Sourdoreille et Fm-R ont épluché les affiches des 150 festivals français de l’été et ont repéré les artistes et groupes les plus programmés. Après Zebda, Shaka Ponk et Orelsan en 2012, les squatteurs 2013 se nomment Tryo (aïe), Wax Tailor et Asaf Avidan. 10
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OÙ FAIRE DU CAMPING SAUVAGE ?
ENVIE DE PARTIR À L’AVENTURE ET DE POSER LA TENTE N’IMPORTE OÙ ? QUELQUES RÈGLES S’IMPOSENT. Planter sa Quechua, entre deux étapes, en pleine nature, ça peut être tentant. Seul hic, c’est pas aussi simple. En France, dans les lieux publics, il est interdit de camper dans les bois et parcs classés comme réserves naturelles, sur les sites protégés, sur la plage, à moins de 500 mètres d’un monument historique… Mais existe-t-il des tolérances ? L’été arrivant, prenons le cas des nombreux spots de surf bretons quelque peu retirés où, près des dunes, il n’est pas rare de voir des gaziers pieuter entre deux journées de vagues. « C’est interdit sur les sites naturels donc pas de tolérance publique », affirme Didier Cadiou, gestionnaire des espaces naturels à la mairie de Crozon, quand on l’interroge notamment sur le spot prisé de la Palue situé sur la commune. « Pendant l’été, c’est tous les jours qu’on doit demander à des campeurs de quitter les lieux en les informant qu’ils peuvent être verbalisés. » La solution pour dormir près de la mer tout en évitant le camping payant ? La voiture où, sur une zone de stationnement, vous avez le droit de roupiller. Pour garder l’illusion, optez juste pour le toit ouvrant. 11
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TRANSFERTS : LE BEST-OF DES FLOPS LA SAISON 2012/2013 DE FOOT EST TERMINÉE. EN ATTENDANT LA REPRISE FIN JUILLET, LES CLUBS ENTRENT EN PÉRIODE DE TRANSFERTS. PAS TOUJOURS SYNONYMES DE BONNES AFFAIRES. LA PREUVE PAR TROIS.
Eté 2000, Pinault et le Stade Rennais ont un coup de chaud et claquent une thune énorme sur des SudAméricains qui ne valent pas un coup de cid’. Vander, Turdo, Cesar et surtout Severino Lucas (photo), un espoir brésilien mal dégrossi acheté contre la somme folle de 21 millions d’euros. Tous ces joueurs font flop. Les Bretons réalisent une saison moyenne, Pinault reprend ses esprits et se promet d’être plus méfiant. La pingrerie devient alors la deuxième spécialité du Stade Rennais après la galette-saucisse.
Le point commun entre l’En Avant Guingamp et un cochon ? Le talent pour dénicher les truffes. Sinon comment expliquer le recrutement en 1998 d’un Jean-Pierre Papin en pré-retraite, certainement plus porté sur l’apéro que sur les pralines et cahouètes qui avaient fait sa légende ? Le pire pour les supporters, c’est d’apprendre que leur club est passé à côté de grands joueurs : l’essai de Ribéry en 2002 jugé non concluant, tout comme celui de Valbuena (photo) avant son départ pour l’OM. Boulette.
CORBEILLE Ska-P 2001, triomphe de Ska-P aux Charrues : des milliers de jeunes défoncés au mauvais shit chantent Légalégalizassionne en rêvant d’un monde plus beau et d’un futur plus juste. Le temps ne leur a pas donné raison puisque depuis c’est la mierda : crise économique mondiale, AlQaïda, catastrophes naturelles en série, Zaz disque 12
d’or, les ch’tis à Vegas… Tous sauf un hasard. Bienvenido al planeta eskoria. À Brest
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LE BRAQUAGE
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LES RATÉS
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LES BIDES
Révélation du Mondial 86, le Paraguayen Cabanas est convoité un an plus tard par le Brest Armorique. Problème : le joueur appartient à l’America de Cali en Colombie, club financé par le puissant cartel des frères Rodriguez Orejuela. Le joueur étant retenu de force, François Yvinec, le président, se rend sur place mais il est arrêté par les autorités locales et suspecté de complicité avec la mafia. Après plusieurs semaines de surveillance, il s’enfuit avec sa recrue, qui ne sauvera pas Brest de la relégation. Taré mais drôle. R.D
NOTRE ANTI-SÉLECTION DES SPECTACLES QUAND FRANCHISE ET MAUVAISE FOI NE FONT QU’UN
l’automutilation : 5/ cheville foulée au footing ; 4/ orteil percuté contre un bas de porte ; 3/ brûlure indienne ; 2/ coinçage de Yosh Dub the Clash boules dans la braguette ; Un groupe hommage 1/ perforation du tympan qui rejoue les tubes des à un concert de Pierpoljak. Clash sur scène... Leave À Bénodet Joe Strummer alone ! À Malestroit Jean Floc’h Il y a deux Bretagne : celle Pierpoljak des touristes et celle des Classement perso de vrais gars. Dans le rap
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made in BZH, c’est pareil. D’un côté, celui de Jean Floc’h qui dans son premier album, sorti il y a peu, accumule les blagues éculées sur la région. De l’autre, le hip-hop de MC Circulaire qui décrit le quotidien white-trash de Centre-Bretons. On vous laisse deviner le camp qu’on a choisi. Dans les bacs La rédaction
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MANU CHAO EST-IL ÉTERNEL ?
PRÈS DE 35 ANS APRÈS SES DÉBUTS, L ’ANCIEN LEADER DE LA MANO FAIT TOUJOURS SOLD OUT. POURQUOI ? IL EST BON « C’est d’abord une machine à tubes », pose Véronique Mortaigne, auteur d’une biographie du bonhomme, avant de citer Clandestino et Me Gustas Tu. Et comme sur scène il est du genre généreux, forcément ça cartonne. Au Bout du Monde, on rappelle ainsi que « son passage en 2003 fait partie des concerts qui restent gravés dans les têtes ».
IL EST COOL Touché par le travail humanitaire accompli par l’asso Ingalan, El Chao a accepté d’être la tête d’affiche du festival Mamm Douar, quitte à jouer pour pas grand-chose. La boîte de prod’ Diogène, qui a joué les intermédiaires, précise que le chanteur « a appliqué des conditions tarifaires permettant de dégager des bénéfices malgré un prix du billet très bas ».
IL EST RARE Manu fait de chacune de ses apparitions un événement car « ce n’est pas un artiste qui enchaîne les festivals d’été ». Véronique Mortaigne fait remarquer qu’il « a le luxe de pouvoir refuser certaines sollicitations, notamment celles de Live Nation ». À Saint-Nolff le 29 juin (complet) 13
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PEUT-ON SE BALADER À POIL ?
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L’ AFRIQUE, C’EST CHEAK
EN STATION BALNÉAIRE, OÙ A-T-ON DROIT AU TORSE NU ET AU TOPLESS ? ON VOUS DONNE QUELQUES CONSEILS POUR SAVOIR QUOI PORTER ENTRE DEUX BAIGNADES. LES FEMEN LIKE THIS.
Avec le festival Percussions du Monde, qui fête cette année ses 10 ans d’existence, la patelin de Nostang (56) peut se targuer de rassembler le top de la musique africaine, avec aussi une touche de hip-hop qui va bien. Coup de cœur notamment pour le bluesman saharien Chaek, très prometteur. Les 12 et 13 juillet.
Marielle Bettembourg
CADEAU BONUS
Et de trois pour Bonus, le festival du Théâtre de Poche à Hédé ! Pour cette nouvelle édition qui se tiendra du 23 au 25 août, on retient le spectacle Talking Heads : une plongée dans le nord de l’Angleterre par le portrait de personnages atypiques. Côté musique, le concert de Camilla Sparksss devrait être sympatoche.
L’EXCLU
dandy Joli coup du festival Fête du Bruit qui a calé l’unique date bretonne des Dandy Warhols cet été. Si le groupe a quelques belles merdes dans sa discographie, elles font pas oublier le très bon 13 Tales from Urban Bohemia. Le 9 août à Landerneau. 14
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Un cas de figure très simple : c’est l’été, il fait beau, t’es sur la plage en simple calbute, quand soudain te prend l’envie d’aller t’acheter un double cône chez le glacier en ville. Peux-tu le faire sans enfiler un t-shirt ? La réponse est oui. « La seule loi encadrant la pratique est l’article 222-32 du Code Pénal, qui interdit l’exhibition sexuelle et punit jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende », explique Maître Colliou, avocat à Brest. Montrer ses pectoraux ou ses abdos ne pose donc pas de problème. Les seins des femmes, en revanche, si. « Car ce sont des organes considérés comme sexuels aux yeux de la loi. »
liberté de chacun, il faut que cet arrêté soit pour une durée précise et justifié d’une quelconque manière. Par l’organisation d’une manifestation populaire par exemple. » PLAGE ET RUE Dans le secteur, seule la mairie de Qu’en est-il alors de la pratique du Saint-Coulomb, près de Saint-Malo, topless sur la plage ? « Disons que avait tenté de légiférer en ce sens c’est toléré. De la même manière à l’été 2005. que sont tolérées les plages naturistes (il en existe une petite dizaine EN TERRASSE seulement en Bretagne, ndlr) s’il est Dernier point : les magasins et les bien précisé que le lieu n’est pas terrasses de café. « C’est le règlement accessible au regard du public. » intérieur qui prime », d’après le Donc résumons la chose : pour les juriste, avec la fameuse norme du hommes, le torse nu autorisé ; pour “tenue correcte exigée”. C’est aussi les femmes, topless toléré sur le une question d’hygiène, de respect sable, bikini accepté partout ail- des autres et de bon sens. Comme leurs. Vraiment partout ? « Dans celui de ne pas aller visiter un lieu l’espace public, oui, affirme Maitre de culte le poitrail à l’air. C’est pas Colliou. Il est néanmoins possible parce que Jésus sur sa croix est pour une commune de déposer un ainsi exhibé qu’il faut forcément arrêté municipal interdisant de se l’imiter. promener dans la rue en petite tenue. Mais pour que ça n’entrave pas la Régis Delanoë
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PECTORAUX OUI, SEINS NON
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FESTIVALS : C’EST PARTY !
ALLONS-NOUS EN FESTIVAL SEULEMENT POUR LES CONCERTS ET LES SPECTACLES ? NON ! CAMPING, APÉRO, COULISSES ET TEUF... PLONGÉE DANS LES À-CÔTÉS DE CES RENDEZ-VOUS. 16
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Mathieu Ezan
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e 2007 à 2011, le magazine Paplar a couvert une vingtaine de festivals de musique où il réalisait une édition quotidienne distribuée gratuitement. Sylvain Chantal, Gregg Bréhin et Jérome Taudon, ses trois membres fondateurs, reviennent pour nous sur ces années faites d’interviews à la volée, d’artistes taquinés et de bouclages Vous avez aussi bossé avec Les Franarrosés. cos, Art Rock, Astropolis... c’était quoi le deal avec les festoches ? Comment est né Paplar ? Sylvain : Ils nous payaient la bouffe, Sylvain : On était à La Route du l’hébergement et un bureau. En Rock, tous un peu alcoolisés, et y contrepartie, on s’engageait à avait sur la table une feuille de chou réaliser un journal du festival. On en noir et blanc qui racontait le festi- n’avait pas de deal financier avec val. Les photos étaient dégueulasses, les organisateurs (le modèle écoc’était truffé de fautes d’orthographe, nomique du magazine reposait sur la maquette était moche. On s’est la publicité, ndlr), ça nous laissait dit qu’il fallait faire la même chose donc une liberté totale, on pouvait mais en clean. À ce moment-là, Jean- dire ce qu’on voulait. Louis Brossard (des Trans Musicales, ndlr) passe et on lui demande s’il est Y avait une recette particulière OK qu’on lui fasse un journal sur sa concernant le choix des sujets ? prochaine édition. Il nous répond Jérome : On n’était marié ni avec “banco” de suite. Cinq minutes un festival ni avec un label. Pour après avoir eu l’idée, on avait déjà nos papiers, on fonctionnait aux un premier client. coups de cœur et à la rencontre.
Paplar
Paplar
« C’EST LE PIRE FESTIVAL CÔTÉ PROG MAIS
« On s’est fait virer des Charrues à coups de pompes dans le cul » 18
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Y a d’ailleurs plein d’artistes avec qui on s’est marré dont on n’aimait pas du tout la musique. Qui par exemple ? Sylvain : Christophe Mali de Tryo entre autres. Sa musique est insupportable, pourtant on l’a trouvé cool et il nous a fait des éditos. On a bien rigolé avec lui. Vu de l’extérieur, vous aviez un côté un peu branleur… Gregg : Oui parce qu’on faisait n’importe quoi : on faisait les cons, on piquait des bouteilles dans les loges… On était branleur dans notre attitude car on voulait s’amuser. Sylvain : Mais on n’a jamais failli à notre mission ! Même si on bouclait le magazine sur les coups de 5 h en étant bourrés, tous les matins à 10 h tu nous voyais sillonner la ville avec un caddie rempli de Paplar pour la diffusion.
ON S’Y EST TOUJOURS BIEN MARRÉ » Sylvain : Pour le coup, on le trouvait trop alcoolisé. On faisait un journal qui était destiné à être lu et, neuf fois sur dix, t’avais un mec bourré qui le jetait tout de suite par terre... On s’est d’ailleurs fait virer des Charrues à coups de pompes dans le cul. Pourquoi ? On avait fait un article sur la hausse du prix des bouteilles de Lillet au bar VIP. Le premier jour : 12 euros. Le lendemain, on y retourne : 25 euros. On a donc écrit un billet d’humeur, qu’ils n’ont pas du tout apprécié. On s’est fait courser par le patron du bar qui voulait s’expliquer avec nous.
Paplar
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Vous gardez des souvenirs particuliers avec des artistes ? Gregg : On a tissé des liens assez Jérome : C’était un boulot super aussi une tireuse à bière dans le bu- forts avec certains groupes : The physique. Quand tu fais le trio de reau. Tout le monde venait boire des Dø, Naïve New Beaters, The Bewitchoc Eurockéennes/Francos/Vieilles coups avec nous, même les groupes ched Hands, Moriarty, Is Tropical… Charrues, ça fait 12 bouclages en qui se faisaient chier. On les retrouvait sur beaucoup de 14 jours. Faut les faire. festivals, on est devenu potes avec Et parmi les festivals bretons, votre certains. En quatre années de Paplar, s’il préféré ? Jérome : The Dø, par exemple, on ne fallait retenir qu’un festival, ça Sylvain : La Route du Rock, car on les a croisés huit fois en 2008. serait lequel ? s’entendait bien avec l’équipe et, Sylvain : La fin de Paplar correspond Gregg : Les Eurocks pour sa pro- musicalement, c’était notre came. aussi à ces cycles de tournée. Au grammation, top. On y a passé des super moments. bout de quatre ans, on savait qu’on Jérome : On est tous d’accord Avec Christophe Salengro, le pré- allait retrouver les mêmes artistes en pour dire que les Francofolies de sident de Groland, notamment. Je festivals. On se demandait ce qu’on La Rochelle est musicalement le pire me souviens de le voir venir nous allait pouvoir raconter de nouveau. festival qu’on n’ait jamais fait. Mais apporter huit bières qu’il tenait à Au-delà de l’aspect financier et de au niveau de l’ambiance, de l’alcool bout de doigts, sous la pluie, dans la fatigue, c’est aussi ce qui nous a et de la plage, c’était génial. On s’y la boue, pour qu’on finisse notre poussés à arrêter. est toujours beaucoup amusé. Les bouclage. La gentillesse du gars ! Gregg : Mais comme tous les grands pots Ricard, par exemple, étaient groupes de rock, on fera un jour magiques. On avait fait copains- Et le festival le plus nul ? notre retour sur une date unique ! copine avec une des serveuses. À Gregg : En termes d’ambiance, je chaque fois, y avait une quarantaine dirais les Vieilles Charrues. C’est Recueilli par de verres sur notre table… un festival hors-norme, on ne s’y Julien Marchand Sylvain : Vu qu’on était en parte- retrouvait pas. On ne se reconnaissait nariat avec Kronenbourg, on avait pas dans le public… Archives sur www.paplar.com 19
DOSSIER
JEUX DE MOTS, RAMUCHO !
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Les matins de festivals sont généralement bien rodés. Réveil bouche pâteuse, café (double !) et ouverture du canard local pour revivre la journée de la veille et voir ce qui s’est dit sur tel ou tel concert. Des comptes-rendus qui, neuf fois sur dix, n’échappent pas à une règle : les jeux de mots dans les titres. Dans cet exercice, les journalistes du Télégramme ne sont généralement pas les derniers, quitte à en faire des caisses. Dans le tas – forcément – à boire et à manger : « Django Django : Reinhardt jeter », « Bloc Party : à bloc, pardi ! », « Rover ne manque pas de coffre », « Sting loving you », « Stuck in the sound : ça envoie du stuck ! », avait-on lu dans leur pages aux Charrues l’an passé. « L’idée, c’est de faire pêchu sans s’interdire un peu de légèreté, explique Thierry Dilasser, journaliste du quotidien et habitué des festoches. Si le titre nous fait marrer, tout en étant référencé, c’est le bon. » Si ses titres sont généralement moins
portés sur la déconne, Ouest-France est aussi de la partie. « Cette liberté de ton se prête à ce type d’événements, estime Laurent Frétigné, ancien chef de rédaction à Carhaix, aujourd’hui rattaché au site web. Sur le Net par contre, on a tendance à faire des titres plus informatifs, question de référencement… » Trouver un bon titre n’est cependant pas toujours facile. Surtout quand t’en as plein les pattes et que le journal est sur le point de partir aux rotatives. Thierry se souvient : « On m’a souvent raconté un bouclage chaud aux Charrues. En une, il y avait une photo de foule prise d’un hélico. Bashung était venu ce jour-là. Une journée où il avait beaucoup plu. Tout était prêt, mais pas de titre. Ça urgeait. Le mec aux manettes allait se résoudre à envoyer un truc moyen et là, petit miracle, un collègue se pointe dans son dos et propose un “Vertige de labour”. Là, t’arrêtes de te poser des questions, tu boucles et tu payes un coup au gars. »
L’image de l’inconditionnel festivalier qui revient chaque année est fausse ? Il y a un effet d’optique Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS et auteur sur eux car ils sont les plus de l’ouvrage Les Publics de festivals, répond. visibles : ils ont les codes, le Vous avez étudié le public sur Dans ce cas, c’est souvent langage, le look. L’image du une quarantaine de festivals. la tête d’affiche qui en est à festivalier qui vient de loin, Quelle est la première raison l’origine. Et contrairement qui est là tous les ans et qui qui le pousse à s’y rendre ? à l’idée reçue, cette part y passe plusieurs jours est La programmation reste de « nouveau public » est une idée reçue qu’on trimballe l’élément majeur. 40 % du importante : sur un festival tous un peu. Pourtant, il ne public ne vient que pour comme les Eurockéennes par représente pas la majorité. un seul spectacle, celui qui exemple, 36 % des festivaliers Toujours aux Eurocks, ceux détermine sa venue. Cela est le sont pour la première fois. qu’on considère comme les bien sûr encore plus fort chez Le public festivalier est un piliers (venus 5 fois ou plus) ceux qui se rendent pour la public ayant un taux de ne représentent que 20 % première fois à un festival. renouvellement important. des spectateurs.
POURQUOI ALLONS-NOUS EN FESTIVAL ?
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Qu’est-ce qui fait qu’on retourne en festival ? Ce qu’on constate, c’est que les festivaliers réguliers sont attachés au lieu, à la qualité d’écoute, à l’ambiance , à la convivialité, à la décoration... Cela participe à leur retour. En allant à tel ou tel festival, ils savent qu’ils pourront retrouver telle ou telle chose. Ce sont d’ailleurs des aspects sur lesquels les festivals travaillent pour lutter contre la standardisation de ce type d’événements. Un festival, ce n’est donc pas que sa programmation.
Yves Quéré
Quel est le premier homme à avoir posé le pied sur la Lune ? Facile, c’est Neil Armstrong. Quel est le premier festivalier à avoir déboulé aux Charrues déguisé ? Alors ça, mystère… Mais les organisateurs ont vite repéré cette tendance au cours de la décennie 2000. Ce côté « tribu » est idéal pour se trouver sur l’immensité du site de Kérampuilh : des schtroumpfs, des cyclistes, des Borat… Le succès est tel que le concept a été récupéré par le festival en 2008 pour « jouer avec le public et donner une identité à l’édition ». Le premier thème retenu fut les pirates, avant les extraterrestres, le far-west, les super-héros l’an dernier et le village gaulois cette année. Si c’est aux Charrues qu’on voit le plus de guignolos à suer sous une combi pour faire marrer la foule, on en voit aussi épisodiquement ailleurs. Notamment dans les rendez-vous électro où le public jeune est bien présent. Connue pour son déguisement d’ours, Lucile ne fait plus une édition des Trans ou d’Astropolis sans sa combinaison en fourrure marron. « C’est cool, on vient souvent me faire des câlins », se marre-t-elle, concédant quand même quelques inconvénients : « En été, c’est vraiment chaud. En plus, ma tenue ramasse pas mal de brûlures de clopes et d’éclaboussures de bière. Et puis pour aller aux toilettes, c’est pas facile hein ! » Ce qui lui fait un point commun avec Neil Armstrong. 21
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Que les choses soient bien claires : un festival de musique, à la base, c’est fait pour écouter de la musique. Mais un peu de la même manière qu’on peut passer une semaine de vacances à Djerba en restant le cul vissé à sa serviette sans jamais voir la casbah, on peut passer un week-end de festoche sans jamais assister à un seul concert, ni même jamais aller sur le site. C’est très con ? Oui, mais c’est possible. Et ça se fait. Quel intérêt alors ? Profiter de l’ambiance du camping et enchaîner les apéros avec les potos et les voisins de Quechua. Et ça, les organisateurs l’ont bien compris. Exemple aux Charrues, où on s’est dit que si certains ne prennent pas la peine d’aller sur le site, alors c’est le site qui viendra à eux. « Depuis 2011, on a installé un village camping, explique Claire Malard, de l’orga. Il accueille des animations en tous genres, des rencontres avec des artistes, un stand Jeunes Charrues, un espace restauration, des bars, etc. » De quoi largement survivre trois ou quatre jours sans quitter sa tente des yeux et profiter des moments de fun qui ont lieu de jour comme de nuit : glissades sur une bâche mouillée, lancer de godasses, air guitare… Autre stratégie au festival Interceltique, où on a bien intégré le fait qu’une grande partie des festivaliers présents à Lorient viennent pour l’atmosphère festive des rues sans vouloir dépenser une thune dans les
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« J’AI PAS VU UN SEUL CONCERT DU WEEK-
concerts. « Nous organisons donc des spectacles extérieurs gratuits, qui sont intégrés à la programmation officielle », fait remarquer le directeur, Lisardo Lombardia. Plus de la moitié des animations qui ont lieu pendant la huitaine sont ainsi en accès libre.
L’Interceltique, un cas à part ? Clairement oui. S’il est impossible d’avoir une estimation précise des pseudo-festivaliers qui viennent aux abords d’un site de concerts sans jamais y pénétrer, le phénomène reste relativement mineur ailleurs. Au festival du Bout du Monde par exemple, la configuration du site Quatre jours dans le jardin – isolé du bourg de Crozon – ne En 2012, le festival a dénombré permet pas de créer un “off” digne 650 000 visiteurs sur la période, pour de ce nom. 100 000 entrées payantes. Le gratos Cas un peu différent chez les esthètes rassemble donc bien plus de monde de La Route du Rock, où il y a bien que le payant. Avec, pour ceux qui le bourg de Châteauneuf-d’Ille-ets’en contentent, peu voire pas du Vilaine à proximité du Fort de Sainttout de concerts vus mais la certitude Père, mais « aucun festivalier ne de pouvoir boire des coups dans s’y attarde une fois que la musique une grosse ambiance. commence sur le site », constate le gérant du Cancaven, le bistrot de la rue principale. Là-bas, les concerts, c’est sacré. « Du matin jusque 18 h par contre, c’est blindé. C’est mon plus gros week-end de l’année. »
« Jusqu’à la fermeture du bar à 3 h, ça ne désemplit pas » 22
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Retour à Carhaix, où le centre, situé à une poignée de minutes à pied du site de Kérampuilh, profite aussi à bloc de l’apport des festivaliers. « Jusqu’à la fermeture à 3 h, ça ne désemplit pas », se réjouit Erwann, du troquet O P’tit Bar. Pour lui aussi, c’est pendant le week-end du festival qu’il réalise son meilleur chiffre. Certains viendraient donc à Carhaix sans billet, avec juste l’idée de se la coller au milieu de la foule des festivaliers ? D’après le tavernier, « il y en a qui le font, oui ». « La patronne du bar L’Escapade m’a raconté qu’une fois, elle avait loué son jardin à un groupe qui avait le forfait 4 jours, ajoute Dominique Morvan, journaliste à la rédac’ carhaisienne du Télégramme. Mais ils s’étaient sentis tellement bien dans ce jardin qu’ils n’étaient pas allés sur le site une seule fois du week-end ! » Régis Delanoë 23
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« J’ai éventuellement une ou deux histoires marrantes en navette à te raconter. J’essaie de les reconstituer clairement dans ma tête. Car qui dit navette de festival, dit bourré, dit souvenirs flous. » Collecter des témoignages pour ce sujet n’aura pas été chose aisée. Non pas qu’on ait fait les feignasses pour dégoter des témoins, plutôt que ces derniers ont eu un peu de mal à remettre les anecdotes dans le bon sens. Des bus blindés, une alcoolémie certaine, des mecs décidés à célébrer dignement leur début (ou fin) de soirée… Des ingrédients suffisants pour transformer le trajet entre le centre-ville et le site (et vice versa) en joyeux bordel. Un boxon qui, depuis plusieurs années, s’exprime aux Trans Musicales, à Astropolis, aux Charrues ou encore au Bout du Monde. « Ah, j’ai notamment en souvenir une navette d’Astro qui a fini en djembé géant pour le retour au petit matin. C’était en 2011 je crois, après un set 24
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de Laurent Garnier qui avait clôturé le festoche, se rappelle Étienne, un habitué du rendez-vous brestois. Dans le bus, un pote qui entendait encore des tambours dans sa tête avait commencé à taper sur une vitre, puis au fur et à mesure, tout le monde s’y est mis. Tous ces gens en communion totale dans le bus qui tremblait de partout. Une fois arrivés, une bonne partie des gars de la navette ont fêté ça autour d’un godet. Sauf le chauffeur qui avait un peu flippé. »
« Ils m’ont dit de faire gaffe » Les chauffeurs, parlons-en un peu. « Il s’agit de conducteurs volontaires Ils ne reçoivent pas de formation spécifique, juste quelques consignes pratiques », informe Vincent Leost du service communication de Kéolis Brest qui, depuis 2004, travaille sur ce partenariat avec l’équipe d’Astropolis. C’est aussi en 2004 que les navettes entre le parc-expo et le centre-ville de Rennes ont vu
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Basile et son jetable
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NAVETTES : LES CONVOIS DE L’EXTRÊME
le jour. L’année où les Trans Musicales se sont installées en dehors de la ville. Un dispositif qui a tout de suite bien fonctionné, devenant aujourd’hui incontournable : lors de l’édition 2012, de 19 h 30 à 7 h 30, un départ se faisait toutes les cinq minutes depuis l’esplanade de Gaulle. De plus, depuis 2011, cinq nouveaux trajets desservent les communes de la métropole rennaise sans passer par le centre. Une nouveauté dont le photographe Basile, du blog Basile et son jetable, a fait les frais, choppant une navette n’allant pas du tout dans le bon sens. « Je me suis réveillé, avec un marteau piqueur dans la tête, chez quelqu’un que je ne connaissais pas, sans savoir comment j’étais arrivé. Je n’étais pas à Rennes mais à Pacé, à dix bornes de là. C’est seulement en retrouvant mes potes plus tard à Sainte-Anne qu’ils m’ont dit de faire gaffe aux différentes navettes. C’est là que j’ai compris. »
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T’auras beau jouer les coquets, tu sais qu’au retour de La Route du Rock, tes fringues seront dégueulasses, rapport au microclimat qui sévit souvent à Saint-Malo. Et généralement, tes fringues seront aussi souillées de stickers avec des mots d’humour trash à tendance cul-picole et jeux de mots à la con. Du genre : « Opération Corned Bifle », « Cointreau n’en faut », « Ferme ta gueule t’auras chaud aux dents »… Les auteurs de ces mots doux s’appellent Les Gérards. « À la base, on est des potes qui se donnent rendezvous tous les ans au festival. En 2006, on a commencé à compiler sur des autocollants quelques blagues potaches et des répliques de film qui nous faisaient marrer », explique l’un d’eux, Julien. Les organisateurs adorent et encouragent la bande à développer le concept à tel point que, lors de l’édition 2012, 5 000 stickers ont été distribués, avec 300 expressions différentes. Leurs critères de sélection ? « Faut juste que ça nous fasse marrer en évitant la moquerie. » Le public d’hipsters de La Route du Rock est particulièrement adapté à une démarche que Julien reconnaît être difficilement applicable sur des festivals plus familiaux. « Je m’imagine mal sticker “Ma bite sur ton épaule” à une maman aux Charrues par exemple… » 25
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FESTIVALIERS : LES SEPT FAMILLES LElleAreprésente KID certainement la festivalière idéale. Présente en festoche pour la première ou deuxième fois, elle est enthousiaste, bon public, venue autant pour la musique (tu la mets devant Martin Solveig ou les Black Keys, elle est autant à bloc) que pour l’ambiance. À propos d’ambiance, deux écoles : la soft pour les festivals familiaux, un chouille plus alcoolisée pour les rendez-vous électro (Astropolis, Panoramas). Souvent au premier rang et adepte du cœur avec les doigts. Son accessoire ? Le t-shirt officiel du festival ou la casquette Télégramme estampillée Charrues ou Bout du Monde Sa phrase ? « ♥♥♥ en festivaaaaaal ! ♥♥♥ » Festivals préférés ? Tous
L’ ACCREDITÉ
Le journaliste ou le professionnel de la musique n’a pas payé son entrée en festival depuis très, très longtemps. Venu officiellement pour travailler, il n’oublie cependant pas que le festival est un lieu de tentations et n’est pas le dernier pour profiter de l’ambiance. Passant autant – plus ? – de temps backstage que devant les concerts, il a appris à gérer la relation taf/teuf et affirme mieux travailler avec quelques bières ou pastis dans le ventre. Son accessoire ? Son pass autour du cou. Sa phrase ? « Il est ouvert jusqu’à quelle heure le bar VIP ? » Festivals préférés ? La Route du Rock, Astropolis, Charrues
LE CONNECTÉ H24 Le gars juste devant toi qui passe son temps à essayer de prendre des photos, c’est lui. De un, c’est chiant. De deux, c’est flou. Facebook, Twitter, Instagram, Vine... Il semble d’abord être venu pour live-tweeter l’événement plutôt que de le vivre. Son petit plaisir ? Un RT par le compte officiel du festival ou par le groupe qu’il vient de mentionner. Son accessoire ? Son smartphone Sa phrase ? « ’tain, j’ai presque plus de batterie » Festivals préférés ? Astropolis, La Route du Rock 26
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LE BOURRÉ Le pichet accroché à la ceinture, on le voit déambuler torse poil ou déguisé entre le bar 8 et le bar 10. Mais son premier point d’attache reste le camping où il a toutes ses réserves et tous ses copains d’apéro. Pour lui, un festival reste surtout l’occasion d’une fête XXL. Les concerts ? Pas avant 18 h, le temps de faire chauffer le moteur. Son accessoire ? Des Pom’Potes Sa phrase ? « Pô pô lô pôpôpô pôôô !!! » Festival préféré ? Charrues
LELa NOSTALGIQUE plupart des festoches essaient toujours d’avoir un ancien grand nom du rock : Deep Purple, Robert Plant, Scorpions, Lou Reed… Avec 30 ans de plus, moins de cheveux mais plus de bide, les fans de la première heure sont là, nostalgiques de leur premier roulage de pelles sur Wind of Change. Son accessoire ? Le t-shirt collector de la tournée 82 Sa phrase ? « Ça c’est du rock » Festival préféré ? Charrues, Au Pont du Rock
LAnciens A BABOS habitués des premiers festivals qu’a connus la région dans les 70’s et 80’s (Elixir, Tamaris, Pop Music…), les quadras et quinquas à l’âme bab’ se rappellent au bon souvenir des “Woodstock bretons” le temps d’un week-end. Son accessoire ? Un pantalon sarouel patchwork Sa phrase ? « T’as pas des feuilles ? » Festivals préférés ? Le Bout du Monde, Les Percussions du Monde
BOBONNE, DARON ET FISTON En vacances dans le coin ou régionaux de l’étape, les familles représentent une part non négligeable du public, présentes autant pour la musique que pour la sortie. Reste plus qu’à mettre tout le monde d’accord et à se décider sur la scène entre madame qui veut écouter de la variet’, monsieur du rock et Kévin du rap. Leur accessoire ? Les bouchons d’oreille Leur phrase ? « Trois cocas s’il vous plaît » Festivals préférés ? Interceltique, Bout du Monde, Charrues Illustrations : Étienne Laroche 27
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LES CARTES POSTALES DE LA HONTE
ELLES SONT MOCHES, KITSCH ET DE MAUVAIS GOÛT. CET ÉTÉ POURTANT, VOUS N’ALLEZ PAS LEUR ÉCHAPPER... ENQUÊTE SUR CES IMAGES CARTONNÉES FAITES DE PETITS CHATS, DE FESSES À L’AIR ET DE BLAGUES DE CUL. ise en situation : vous êtes en vacances, sans stress, sans radio-réveil, sans autre préoccupation que de choisir entre le bermuda uni ou le bermuda à fleurs pour aller passer la journée à la plage. En clair, vous glandez. Quand soudain, il vous vient à l’esprit que, quand même, ce serait sympa d’envoyer de vos nouvelles aux parents. Aux grandsparents aussi tant qu’on y est. Et puis tiens, pourquoi ne pas aussi penser aux copains et aux collègues restés au boulot ? À l’époque des smartphones et d’Internet, il est étonnant de constater que la carte postale n’est finalement pas tombée en désuétude. Chaque année en France, il s’en écoule près de 400 millions. C’est à peine moins qu’il y a dix ans. D’après les études réalisées par le principal syndicat des cartophiles, l’UPCP, chaque Français
en achète en moyenne six à sept au cours de ses vacances. « C’est un phénomène historiquement moins important que chez nos voisins anglais ou allemands, qui peuvent facilement en envoyer une trentaine, mais ça reste une tradition bien ancrée », constate son président, Bernard Bouvet. Pour le géographe Gilles Fumey, la clé du succès de la carte postale, c’est « la simplicité du geste » qu’elle induit et son coût dérisoire : 40 centimes la carte de base. À ce prix, plus celui d’un timbre, vous signifiez au destinataire qu’au moins l’espace de quelques minutes pendant que vous étiez à faignanter, vous avez pensé à lui. C’est flatteur et symboliquement plus fort que d’envoyer un simple SMS, même en n’ayant pas à écrire grand-chose de plus que quelques banalités au dos de la carte. « Un petit bonjour de Carnac pour vous
dire qu’il fait beau et qu’on passe de chouettes moments », bla, bla, bla. Évidemment qu’on ne va pas dire que le temps est dégueulasse et qu’on s’emmerde à bloc : le texte est généralement stéréotypé, comme la photo qui l’accompagne. Comme le disait l’écrivain humoriste Pierre Daninos, « la carte postale est la représentation idéale des lieux, destinée à impressionner le destinataire en faisant mentir l’expéditeur ». L’éditeur breton Bertrand Stoll, de la maison d’Art Jack, reconnaît que les paysages sont « retravaillés par les graphistes, pour apporter plus de lumière au cliché et gommer les imperfections ». C’est la fameuse image d’Épinal, où tous les clichés d’une région visitée doivent apparaître sur quelques centimètres carrés de carton : les champs de lavande en Provence, les maisons à colombages d’Alsace, les volets bleus en Bretagne… 29
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« Mais le top de nos ventes, ce sont les vues composées », constate Bertrand Stoll. La mosaïque de petites photos permet de faire encore plus exhaustif. Et pourquoi pas commencer à y ajouter un peu de fantaisie. « Les petits chats, ça fonctionne très bien, reconnaît Patrick Le Goubey, des éditions du même nom. On est là dans la correspondance entre grandsparents et petits-enfants. » Car évidemment, on n’envoie pas la même carte postale selon qu’on s’adresse à mamie ou à un copain. « Plus l’intimité est importante, plus il est facile de prendre du recul par rapport à l’image, analyse le sociologue Nicolas Hossard. Envoyer une carte coquine à une vieille tante par exemple, c’est non. » Entre amis en revanche, ça fonctionne, surtout chez les ados ou les jeunes adultes. « Le second degré kitsch permet de garder la face à un âge où il importe
plus de paraître drôle que mièvre. » Le kitsch, vous l’aurez compris, c’est la carte grivoise, plus ou moins érotique (plutôt plus que moins) et plus ou moins réussie graphiquement (plutôt moins que plus). Des réalisations communément appelées « cartes postales de la honte ».
« Sortez vos merguez » Les messages y sont souvent graveleux, du genre « chaud le barbecue, sortez vos merguez », ou « quand y a de la moule, on a la frite », avec des photos de meufs topless et de mecs au regard lubrique. « Le premier intérêt de cette carte, c’est que ça dispense d’avoir à écrire un texte long, le thème de la photo ou du dessin faisant office de message », estime Gilles Fumey. Mais de même qu’une bonne punchline se démode très vite, la carte “fantaisie” comme on l’appelle
« Le genre à finir au-dessus de la machine à café au bureau » 30
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dans le milieu ne vieillit pas très bien. « Il faut renouveler le stock tous les deux ou trois ans, alors que la carte paysage a un côté plus intemporel », fait remarquer le boss d’Art Jack, pour qui « la Bretagne est relativement épargnée (sic) par ce type de cartes de mauvais goût, ça fonctionne plus sur la côte d’Azur ». Jos, une maison d’édition concurrente dans la région, a carrément décidé d’en arrêter l’impression depuis une vingtaine d’années. « Le sexy c’est pas trop notre truc, ça peut nuire à l’image de prestige qu’on souhaite se donner », justifie son responsable Stéphane Montiel. De son côté, la maison Le Goubey s’est au contraire infiltrée dans cette niche de l’humoristique et l’assume à fond. Et pour cause : ça représente 20 % de son chiffre d’affaires en cartophilie. « La carte grivoise, c’est la carte du mois d’août pour une clientèle disons… de camping » présente Patrick Le Goubey pour qui des tétons qui pointent et un message
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bien bourrin, y a pas mieux. C’est aussi typique de l’échange de nouvelles entre collègues de travail, « le genre à finir épinglée au-dessus de la photocopieuse ou à côté de la machine à café », d’après Gilles Fumey. Rien de tel pour égayer une journée de travail en plein été que de recevoir une carte bien grasse avec une blonde en string (« Ah, ah, ce bon vieux Michel ! »). Un jour de semaine lors des vacances de Pâques à Perros-Guirec, on est les seuls acheteurs au magasin de souvenirs Ty Boutik. Le gérant nous signale que sur les « 10 000 cartes écoulées chaque été », il vend surtout du paysage. « De la cochonne ? J’en refourgue 500, max. » À Ploumanac’h pareil, le succès reste relatif. Interrogée, la patronne d’une carterie indique que les clichés qu’on vient de lui acheter sont « surtout là pour faire marrer les copains. Ou pour le pervers, enfin je dis pas ça pour vous », avant de nous tendre le sachet. En fait, la honte des cartes postales de la honte, c’est surtout pour celui qui les achète. Régis Delanoë 31
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LA MAIN DE DIEU LES FUTURS CURÉS DE FRANCE SE SONT RÉUNIS DERNIÈREMENT DANS LA RÉGION POUR UN TOURNOI DE FOOT INTER-SÉMINAIRES. L’OCCASION DE SE DEMANDER COMMENT CES HOMMES DE FOI CONCILIENT SPORT ET RELIGION. ne tireuse à bière, des mecs en short qui attendent sur le bord du terrain, des tacles foireux, des frappes direct dans les buissons… En cet après-midi d’avril, nous sommes bien à un tournoi de foot amateur. À un détail près : les joueurs portent des maillots floqués “Messie” ou des sweats à capuche “Jésus addict” et les arbitres arborent des croix autour du cou. Pour la septième année consécutive, se tient le tournoi national inter32
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séminaires. En clair, une journée de foot entre les futurs curés du pays. L’édition 2013 a lieu à SaintGrégoire, à quelques bornes de Rennes. 150 apprentis prêtres ont fait le déplacement et s’affronteront au sein de quinze équipes différentes. Aux commandes de l’événement : le séminaire Saint-Yves de Rennes, emmené par Nicolas Esnault. Trois mois de préparation, deux heures d’entraînement hebdomadaire. Et quelques regrets : « Par rapport à l’an dernier, notre équipe
est un peu moins forte je trouve. On a perdu trois bons joueurs qui sont devenus prêtres. » Bon, ça reste un bon cru quand même, non ? « Je dirais qu’on a une équipe bonne… au sens charitable. » Ah. Sur le terrain, dans un magma de relances hasardeuses et de contreattaques loupées, on relève toutefois quelques miracles. Comme ce coup franc au 20 mètres, façon Platoche. Platoche d’aujourd’hui, s’entend. Ou encore ce coup de tête planant à la Basile Boli, sans les larmes. Bilan
en DH (division d’honneur), le repère : Stevenson, ancien gardien reconverti milieu de terrain, signe pour deux saisons. Son ordination, en juin dernier, et sa nomination à 40 kilomètres de là, l’obligent à changer de club. Depuis septembre, il fait les beaux dimanches de l’AS Dirinon, près de Landerneau.
Des disciplines interdites ?
sportif : la communauté Saint-Martin s’impose 2 à 0 en finale contre Paris. Bilan médical : deux belles entorses et pas mal de bleus. Parmi les arbitres à officier ce jour-là, Stevenson Montignard, 28 ans, prêtre à Landerneau, dans le Finistère, depuis un an. L’ancien séminariste contemple ce footballchampagne avec amusement. Il y a quelques années encore, Stevenson aurait pu embrasser une carrière de footballeur professionnel en Haïti d’où il est originaire. Mais des blessures à répétition et un « appel de Dieu » ont mis fin à ses rêves. À 21 ans, il entre au séminaire, mais ne sort pas complètement du foot. « Le supérieur acceptait que je joue dans un club de 3e division pas très loin. » En 2008, il débarque à Rennes pour finir son cursus. Un stage en paroisse le conduit à Morlaix. Le Sporting Club Morlaisien, qui évolue alors
Stevenson fait partie des rares prêtres à pratiquer le football en club. En Bretagne, ils se comptent sur les doigts d’une main. Le père Laurent Le Meilleur, 42 ans, curé de Langueux, dans les Côtes d’Armor, en est. Aujourd’hui milieu défensif de l’équipe loisir de l’US Langueux, Laurent a longtemps terrassé les défenses de 1re et 2e divisions de district par sa vitesse et sa patte gauche. « Quand je jouais à Lannion, un journaliste d’Ouest-France avait d’ailleurs titré “L’Abbé a foi en son pied gauche”. Ce qui n’était pas faux... » Aujourd’hui, le père Le Meilleur a délaissé l’équipe senior, et joue désormais le vendredi soir. « C’est très difficile d’être au match à 13 h le dimanche quand la messe termine à 12 h. Surtout au printemps quand t’as des baptêmes à célébrer derrière. » Un motif qui a également poussé le père Gaël Sachet de Vitré à mettre fin à sa “carrière” en district. « Quand on joue à l’extérieur, c’est pire ! Avec le temps de route une fois la messe terminée, t’es jamais à l’heure... » Bien sûr, dans un club, un curé ne passe pas inaperçu. Ça intrigue. « Au début, note le père Montignard, il y a une petite distance avec certains joueurs. Mais j’ai toujours été bien accueilli. On ne m’a jamais
manqué de respect. » Même constat chez le père Le Meilleur. « Je n’ai jamais eu de remarques déplacées. Bon, certains aiment bien faire des blagues, comme “Ah tiens, j’ai fait une p’tite soutane au curé”. » Quid des après matchs ? « Oui, ça m’arrive de participer à quelques soirées du club », indique Laurent. Idem pour Stevenson. « Il m’arrive d’être invité chez les uns ou chez les autres. Je m’intéresse à leur vie. Et vice versa. » Tous avouent quand même sécher la virée en boîte. Reste une question : quel regard porte l’église sur la pratique sportive ? L’encourage-t-elle ? Interditelle certaines disciplines ? « Je fais du viet vo dao, un sport de combat vietnamien, nous apprend Nicolas Esnault, séminariste à Rennes. J’ai bien sûr demandé l’autorisation avant, et on me l’a donnée. C’est plus une question d’emploi du temps que de sport en lui-même. » Le père supérieur de Nicolas poursuit : « À ma connaissance, il n’y a pas de liste de sports interdits. ll y a un principe de discernement, très général : que la discipline pratiquée reste du sport, en procurant le bien-être de la personne, ou des personnes si c’est un sport collectif. » Sur le terrain, nos footballeurs-curés tentent donc de concilier sport et religion. Au fait, certains se sont-ils déjà pris des cartons rouges ? « Quand je joue, je suis à fond. Par moment, j’oublie que je suis prêtre », avoue Stevenson qui affiche quelques cartons jaunes au compteur. À la différence du père Le Meilleur, toujours loyal semble-t-il : « En vingt ans, je n’ai jamais pris un carton. Et ça, tu peux l’écrire dans ton article ! » C’est fait. Benoît Tréhorel 33
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LA VÉRITÉ EST AILLEURS OVNI, MARABOUT, EXORCISME, TÉLÉPORTATION... LES PHÉNOMÈNES PARANORMAUX INTRIGUENT. NOUS AVONS RENCONTRÉ SES PASSIONNÉS ET ADEPTES. 34
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otre recherche de la vie extraterrestre ne commencera pas par l’interview d’un astronaute à la retraite ou par un reportage dans les labos de la Nasa. Non. Notre enquête débutera dans un lieu inédit qui nous réservera bien des révélations. Un endroit où tout est possible, à commencer par les légumes à volonté : le Flunch. Celui de Brest dans la zone Kergaradec pour être plus précis. C’est là que nous avons rendez-vous avec les membres de l’association “Vigie Ovni 29” qui, tous les deux mois, s’y réunissent pour « un repas ufologique ». En ce samedi soir, ils sont cinq. Il y a un ancien gendarme, une aide-soignante, un retraité… Tous âgés de la quarantaine et plus.
Si j’ai de mon côté choisi la formule entrée-plat-dessert avec une assiette de taboulé, une galette complète et une part de tarte au citron, Gilles, le secrétaire de l’asso, a quant à lui opté pour un plateau froid : piémontaise et assiette de charcuterie.
« Un reptilien » Ce grand gaillard à l’allure de bucheron et à la barbe druidique est l’un des membres les plus actifs. « Je consacre toutes mes journées aux ovni. Je ne fais que ça », raconte cet ancien technicien en tour de contrôle qui, depuis les années 70, se passionne pour la question ufologique. « Quand on est dedans, c’est dur d’en sortir. Il y a toujours de nouvelles choses, de nouveaux témoignages… »
« Un petit ovni d’environ
20 cm sorti d’un menhir » 36
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Après plus de quarante années de documentation, d’enquête et d’observation, Gilles n’a plus le moindre doute sur une quelconque existence alien. « J’ai bien sûr aperçu plusieurs soucoupes volantes, des objets n’obéissant pas à une physique conventionnelle, des engins en vol stationnaire capables de s’envoler et de disparaître en moins d’une seconde, raconte-t-il avant de sortir son classeur de photos. Ça, c’est un petit ovni d’environ 20 cm sorti d’un menhir. Et c’est pas un montage ! J’ai juste retouché la luminosité sur l’ordinateur pour qu’on le voie mieux. » Avec Anne, sa femme, il affirme avoir vécu des expériences à ce jour inexpliquées mais d’origine extraterrestre. Comme cette histoire arrivée en 1975. « On venait de faire Orléans-Brest en voiture. Mais en regardant nos montres à l’arrivée, on s’est rendu compte qu’on avait fait le trajet en quatre heures, alors
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que d’habitude on mettait près de six heures ! On se souvient d’avoir passé Rennes et Guingamp, mais pas Saint-Brieuc. Juste le souvenir d’un grand flash. Si nous avons été téléportés ou enlevés par des extraterrestres ? Sans doute. » À l’origine des repas ufologiques brestois : Thierry Larquet, un retraité de la SNCF, qui traque lui aussi les soucoupes. « En tout, j’en ai vu une dizaine. Pour certaines, j’ai même des photos. » Mais son principal fait d’arme reste cette soirée de 2007 à Saint-Renan dans le Finistère. « J’étais en observation près du menhir de Kerloas, un site très actif, le menhir devant servir de balise pour les ovni. Là, j’ai senti une présence. À une dizaine de mètres de moi, il y avait une entité en train de traverser le champ. Un grand lézard de deux mètres de haut. Ce qu’on appelle un reptilien. Je pense qu’il ne m’a pas vu. Depuis, je ne retourne plus là-bas, trop dangereux… »
« Là, j’ai senti la présence d’une entité extraterrestre » Un excentrique ce Thierry, pensezvous ? Certainement. Il a cependant fait partie pendant quelques temps de l’équipe des IPN (Intervenants Premier Niveau) du Geipan. Le Geipan ? Le Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés, un organisme du très officiel Cnes (Centre national d’études spatiales). Sa mission est d’expliquer tout ce qui peut paraître étrange dans le ciel.
deux problèmes sont apparus : le manque de sollicitations de notre part (seule une quarantaine d’IPN ont été appelés pour des enquêtes, ndlr) et la confiance limitée que l’on pouvait avoir envers ces personnes que nous connaissions mal. » Depuis l’année dernière, cette organisation a donc changé, réduisant le nombre d’IPN à 18 (dont deux en Bretagne), tous retenus après un exercice. Les bonnes qualités d’un enquêteur-ufologue ? « Il faut mettre « C’est pour bientôt » de côté ses croyances, rester objectif « Pour mieux couvrir le territoire, on au moment de l’enquête, être un avait commencé à travailler avec des simple collecteur d’informations », ufologues privés en 2008, explique répond Xavier Passot pour qui les Xavier Passot, responsable du Gei- sceptiques sur la question extraterpan. À cette époque, nous avions restre sont les plus intéressants car 100 IPN, scientifiques ou non, sélec- « ils vont plus loin dans la recherche tionnés uniquement sur CV. Mais de l’explication ». 37
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Pour le responsable des repas ufologiques brestois, qui n’avait pas postulé pour les nouveaux IPN, il n’y a plus d’incertitude. « Au départ, j’étais sceptique. Mais aujourd’hui, impossible de l’être avec tout ce que nous collectons sur le terrain ou sur Internet. » Comme la plupart de ses homologues, Thierry passe énormément de temps sur le Net. « On y trouve beaucoup de choses fausses mais aussi toute la vérité », estime Gilles. Les plus acharnés rendent compte de leurs enquêtes sur des forums spécialisés. C’est le cas de Claude, une Morbihannaise de 63 ans, membre du forum OvniUfologie.com. « Ce qui m’intéresse, c’est d’étudier les observations. C’est comme une énigme à résoudre. Ça peut être un effet météorologique, un astre et pourquoi pas une soucoupe. Je me considère plus dans la recherche que dans la croyance. » Auteur de l’ouvrage Les Ovni du Cnes et collaborateur du Laboratoire de zététique à l’Université de Nice, Éric Maillot jette un regard froid sur ces ufologues amateurs.
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OVNI BRETONS APRÈS ENQUÊTE DU GEIPAN, QUINZE CAS DE PHÉNOMÈNES AÉROSPATIAUX RESTENT NON IDENTIFIÉS EN BRETAGNE. EN VOICI TROIS. 38
« Le manque d’infos, le mythe soucoupique, l’influence de la SF, l’envie de croire expliquent leur engouement. Même sur un phénomène inexpliqué, rien ne leur permet d’affirmer qu’il s’agit d’extraterrestres. Pourtant, ils le font... » « Quelqu’un qui voit quelque chose qu’il considère comme étrange peut avoir un choc émotif et basculer dans la croyance, poursuit le patron du Geipan. Quand on lui explique qu’il s’agissait d’un phénomène banal, comme le passage de la station ISS ou une lanterne thaïlandaise, il se peut alors qu’il conteste nos conclusions. » Pas de quoi faire douter nos ufologues convaincus pour qui la vérité sur les aliens n’est qu’une question de temps. « Avec toutes les preuves que nous avons, c’est pour bientôt, affirme Gilles. Le contact extraterrestre a certainement déjà eu lieu avec les personnes prêtes à les accueillir. S’il faut avoir peur ? Bien sûr que non. Nous pouvons vivre en paix avec eux. » Julien Marchand
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ÉTABLES-SUR-MER DOL-DE-BRETAGNE
Le 22 novembre 1981, à 8 h, une boule de couleur rouge en vol stationnaire est observée par plusieurs témoins au-dessus d’un terrain d’aviation, avant de disparaître brusquement. Ce matin-là, deux gendarmes aperçoivent une deuxième boule lumineuse au même endroit. Le contrôle aérien confirme la présence radar mais ne peut expliquer l’origine du phénomène.
Le 22 mars 1990, à 5 h 40, deux distributeurs de journaux observent, séparément et à plusieurs reprises, un engin volant à basse altitude. L’un d’eux est survolé par ce disque orangé. Un bruissement d’air est perceptible. Sur les hauteurs d’Établessur-Mer, d’étranges lueurs intenses seront par la suite aperçues. L’enquête de gendarmerie ne donnera rien.
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Le 11 février 2000, à 3 h 45, un ouvrier en route pour son travail observe à une trentaine de mètres du sol un objet allongé ayant la forme d’un réacteur d’avion. Il est entouré de flammes et laisse une traînée jaune. L’engin se déplace lentement sans faire le moindre bruit. Puis, en une seconde, s’envole. Lors de l’investigation, aucun trafic aérien ne sera identifié.
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ON A ÉTÉ VOIR UN MARABOUT
On a tous déjà reçu dans notre boîte aux lettres la pub d’un marabout. Un bout de papier de la taille d’une carte de visite nous présentant les services d’un « grand voyant médium ». Un « professeur » capable de résoudre « amour, chance aux jeux, désenvoutement, impuissance, permis de conduire… » Celui de notre quartier s’appelle Professeur Mata, porte une grande tunique bleue et a accepté de nous recevoir pour une demande spéciale : forcer le destin de groupes de musique. Le rendez-vous est pris dans son « cabinet » (un T2 un peu pourri en fait). On s’assoit sur un tapis et on lui précise nos souhaits : que Daft Punk soit programmé en BZH et que l’album des Juveniles remporte une Victoire de la musique. « Ah ça, je sais faire », assure-t-il d’emblée, avant de dessiner le contour de notre main sur une feuille et de gribouiller des trucs dedans. Après quelques minutes de prière et le règlement de cette consultation à 20 €, Professeur Mata apparaît confiant. Et nous promet un concert des auteurs de Get Lucky entre le 15 et le 30 juillet (tiens tiens les Charrues...) et une « grande carrière » pour le duo rennais. « Pour cela, il me faudra travailler pendant cinq jours sur les photos, prévient-il, consciencieux. De votre côté, il faudra vous appliquer un produit que je commanderai spécialement d’Afrique. Ça coûte 770 euros mais ça marche. Rappelez-moi demain. » 39
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« UNE FAUSSE IDÉE DE L’EXORCISME » Le Père Henri Verger est l’un des cinq prêtres exorcistes du diocèse de Rennes. Pacte avec le démon, possession maléfique et prières de libération : il balance tout.
Et alors, l’exorcisme, c’est comme vous l’aviez imaginé ? On se fait une fausse idée de l’exorcisme. Les films et la télé nous montrent des choses pas du tout sérieuses. Moi, je ne reçois pas de C’est-à-dire ? Comment agit-il ? gens qui se roulent par terre ou qui Il le fait de trois façons. Par la poshurlent à tout va. session : c’est la forme la plus grave et la moins fréquente. Il faut avoir Qui vient vous voir ? conclu un pacte avec le démon. Des gens de tous milieux. Des Le démon étant un esprit, il peut gendarmes, des chefs d’entreprise, prendre le corps d’un autre pour des romanichels… 70 % sont des faire le mal autour de lui. Puis, il y femmes. Les femmes disent plus a l’oppression : cette forme arrive facilement ce qu’elles ressentent. souvent. Elle touche les gens qui La plupart des gens que je reçois sont attaqués dans leur corps ou sont mal dans leur peau. dans leurs biens. Prenez le cas de Marthe Robin. Le diable l’agressait, Il faut être croyant pour vous voir ? elle était littéralement jetée du lit. Si la personne n’a pas un minimum Enfin, il y a l’obsession : là, c’est de foi, elle ne peut pas entrer dans sur les idées. Par exemple, les gens ma prière. Elle ne peut pas faire obsédés par le feu ou par le sexe et confiance à Dieu. Les gens athés qui ne peuvent se contenir. vont plutôt chez des magnétiseurs. Et la sorcellerie ? Les gens vous parlent du diable ? On en parle beaucoup, donc ça doit Oui. Moi j’en parle très peu. Le exister. Je me souviens d’un fermier diable, je ne l’ai jamais vu. Mais qui m’avait contacté parce que ses je le vois à l’œuvre dans les actes vaches ne faisaient plus de veaux. Le malveillants des gens. vétérinaire avait tout essayé, mais 40
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Comment devient-on exorciste ? C’est l’évêque de Rennes qui m’a proposé de le devenir en 2008. Ça m’a un peu surpris. J’avais 75 ans, et jusque-là, je n’avais été que prêtre en paroisse. Je n’ai ni don ni pouvoir. Mais je sais quand quelqu’un est possédé ou pas, ça se voit.
rien n’y faisait. J’y suis allé, j’ai prié, j’ai béni l’étable. Trois mois plus tard, tout était rentré dans l’ordre. Vous recevez beaucoup de gens ? Pas mal, oui. Je prends deux rendezvous par jour. Donc, ça fait à peu près dix personnes par semaine. Je prie avec eux, parfois j’impose les mains sur eux. Il existe des prières spéciales pour les prêtres exorcistes, des prières de libération. Vous résolvez tous les cas qui se présentent ? Certains me demandent : « Vous croyez que ça va marcher ? ». Je rigole et réponds : « Ah je ne sais pas ! C’est Dieu qui décide et qui agit. » Je ne me pose pas la question de savoir si la prière sera exaucée. Elle le sera ! Ce n’est pas mon travail, c’est celui de Dieu. Recueilli par Benoît Tréhorel
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C’est presque un réflexe. Écouter des passionnés de paranormal raconter une histoire totalement folle fait sourire. D’où notre question : le surnaturel at-il un potentiel comique ? Oui. Vous me direz, c’est pas une découverte. Le thème a déjà été utilisé dans des vidéos aujourd’hui collector. L’une des plus célèbres : La Soucoupe et le perroquet. Cet épisode de Strip-Tease mettait en lumière un vieux garçon et sa mère en train de fabriquer une soucoupe dans le jardin. Et nous expliquer avec sincérité comment ce « merdier » allait décoller. « Pa-ra-nor-malement ! Il commande les moteurs par le mental, penchant sa main à droite ou à gauche. » Dernièrement, le “paranormalol” a de nouveau été porté à l’écran avec le vrai-faux doc’ d’Action Discrète pour la fin du monde. Les quatre foufous s’étaient rendus à Bugarach et, faute d’activité surnaturelle, l’avaient euxmêmes créée. Lutin géant bidon, crop-circle fait à la main et ovni en couscoussière. Très, très marrant. Sur le Net, face à la pléthore de montages photo et vidéo, Parano Magazine fait office de soupape en créant des fausses couvertures détournant les codes paranormaux ou conspirationnistes. On apprend ainsi que Gad Elmaleh serait sataniste ou que des Palestiniens auraient infiltré le IIIe Reich. Malheureusement pas de preuve car, comme le dit le magazine, « si nous n’avons pas de preuve, c’est qu’ils sont très forts ». 41
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TERRE PROMISE
PREMIÈRE SIGNATURE DU LABEL D’ASTROPOLIS ET INVITÉ RÉGULIER DES PRINCIPAUX FESTIVALS DE LA RÉGION, LE LILLOIS MADBEN A RÉUSSI À SE FAIRE UN NOM EN BRETAGNE. EN ATTENDANT L’ALBUM QUI EST DÉJÀ DANS LES TUYAUX.
i vous êtes un habitué des festivals ou attentif aux différentes affiches, il y a un nom que vous avez sans doute repéré plusieurs fois. Celui de Madben. Astropolis été et hiver, Trans Musicales, Panoramas… « Ouais, c’est vrai que j’ai connu une année plutôt bien remplie, confirme ce garçon de 32 ans. Notamment dans l’Ouest et en Bretagne, le coin de France où j’ai eu le plus de dates. » Un hasard cette accointance avec la région ? Pas vraiment à vrai dire. Depuis l’été 2012, le DJ d’origine lilloise, passé par Orléans et aujourd’hui basé à Paris, est la première signature du label créé par Astropolis. « Si j’ai été surpris d’être appelé ? Oui, car je ne m’attendais pas forcément à être le premier nom, je ne suis pas vraiment le plus bankable… Cela faisait plus d’un an en fait que j’étais en contact avec Gildas (l’un des organisateurs d’Astro, ndlr). Il 42
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avait entendu un de mes morceaux qui a eu la chance d’être joué par Laurent Garnier. On s’est tout de suite bien entendu. » Ce morceau, c’est Promise Land. Un titre basé sur le sample d’un discours de Ted Kennedy, un homme politique américain démocrate. « La voix du mec me plaisait. Je ne l’ai d’ailleurs pas modifiée, elle est brut de pomme. Je trouve qu’elle rend le morceau efficace, facilement identifiable, tout en restant dansant. » Une production qui figure sur le premier maxi d’Astropolis Records. « Pour We Want To Rave On, le morceau d’ouverture, je me suis imprégné de Keroual et de l’ambiance festival. » Un environnement qu’il a découvert sur le tard. « Étant originaire du Nord, j’avais davantage la culture des teufs et des grands clubs techno. J’allais souvent en Belgique. À la fin des années 90, c’est là que j’y ai vu Jeff Mills, Dave Clark…
J’ai tout de suite accroché à cette musique. » Aujourd’hui familier des festivals, Madben (Benjamin de son vrai nom) avoue y avoir pris goût. « C’est une ambiance à part. Les personnes se lâchent plus vite. Cela m’a aussi permis d’être découvert par un public qui n’était pas le mien à la base. » Après une année 2012 à fond la caisse où il a décidé de se consacrer à 100 % à la musique (et de lâcher son poste de cadre à la Fnac), Madben espère passer la seconde les prochains mois. Dans les cartons : un maxi, quelques remix, mais surtout un album en préparation. « J’ai déjà cinq-six morceaux de prêts. J’espère avoir terminé la maquette pour la fin de l’été. À partir de là, on pourra commencer à toquer à de nouvelles portes. » Julien Marchand Le 8 juin à la Nuit Étudiante de St-Brieuc Le 6 juillet à Astropolis
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DOUCEUR DE VIVRE UNE FLEUR DANS LES CHEVEUX, DES LUNETTES À VERRES FUMÉS, UNE TUNIQUE EN LIN COLORÉE, DES PIEDS SALES ET UNE CHAISE LONGUE FACE À L’OCÉAN : AYÉ, T’ES À LA COOL, PARÉ POUR ÉCOUTER ALLAH-LAS. uand j’étais étudiant à la fac de Saint-Brieuc au début des années 2000, j’avais fait chier le disquaire de l’époque, LP Records, pour me procurer le mythique coffret Nuggets, réunissant des raretés de pop psyché et de rock garage américain des sixties. Un son qui me fascinait mais l’objet était en rupture de stock et, la mort dans l’âme, j’avais dû faire le deuil de ma lubie. Jusqu’à ce que je découvre récemment Allah-Las et leur premier album éponyme, sorti en fin d’année dernière. Folie : ce groupe de jeunes trentenaires joue exactement comme ses aînés d’un demi-siècle plus tôt. Mais vraiment tout pareil. Comme si les quatre membres 44
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avaient avalé cette foutue compilation que je cherchais désespérément pour en retranscrire une sorte de synthèse idéale : guitares vintage, voix pincée, bruit des vagues en fond sonore, clips kaléidoscope. Allah-Las est une Delorean à quatre potes, qui se sont connus pour trois d’entre eux au bahut à Los Angeles. « Avec Spencer et Matthews, on a ensuite bossé chez un disquaire fameux de la ville, où on a fait connaissance de Pedrum, explique le chanteur Miles. On s’est trouvé des goûts musicaux communs et c’est comme ça qu’on a commencé à jammer. » Il faudra attendre 2012, quatre ans après les débuts, pour que sorte cet étonnant premier album, héritage revendiqué et parfaitement
exécuté de quelques formations de l’époque flower power. « Les Beach Boys, Love, Rain Parade… Ces artistes ont su rendre la Californie romantique et on se sent évidemment connecté à eux. » Un pompage qui peut presque agacer quand on voit leur dégaine de hippies poussée à la caricature. Une accusation dont ils se défendent : « On ne fait pas exprès de sonner rétro ni de s’habiller en conséquence, c’est juste ce qu’on aime. » Avant quand même de placer qu’en marge de leur concert en Bretagne cet été, ils aimeraient avoir l’opportunité de « surfer quelques vagues ». Régis Delanoë Le 16 août à La Route du Rock
Mathieu Ezan
SAILORS IS NOT DEAD
QUALIFIÉS SURPRISE DES JEUNES CHARRUES, LES VANNETAIS DE DEAD SAILORS JOUENT LA GAGNE. On ferait de la musique “emo”, on ne s’en vanterait pas, tant ce style évoque d’emblée des saloperies musicales genre Good Charlotte, chantées avec une mine d’ado boudeur, la vie c’est trop de la merde quoi. Mais avec les Vannetais de Dead Sailors, qui disent faire du emo, ça passe bien. Le son fait plus crade, avec un chant limite hurlé qui évoque des groupes du style Mars Volta ou At The Drive-In. « Ce sont nos références », confirme Geoffrey le guitariste, qui cite aussi le post-rock instrumental d’Explosions In The Sky. « On aime jouer avec les ambiances », fait remarquer l’ancien membre des Furs, ex-groupe morbihannais qui a splitté en 2011. Dead Sailors, c’est 20 ans de moyenne d’âge, un premier EP sorti en septembre dernier, un second en préparation et une méchante rangée d’incisives pour rayer le parquet. « Ce tremplin des Charrues, on y va avec une grosse envie et rien à perdre, vu qu’on s’est qualifié alors qu’on devait même pas participer. » La bande a effectivement été repêchée suite à un forfait de dernière minute. Veni, vidi, vici : la jeunesse est insolente et va débouler en méchant outsider. Aux Vieilles Charrues 45
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L’ÉTOILE NOIRE
APRÈS UN PREMIER PASSAGE RÉUSSI À LA ROUTE DU ROCK EN 2011, LE ROCK SOMBRE ET PUISSANT DES QUATRE GARÇONS DE SUUNS REVIENT CET ÉTÉ POUR DEUX DATES EN BRETAGNE. ATTENTION AU COUP DE BAMBOU. e compte-rendu Bikini du passage de Suuns à La Route du Rock en 2011 est du genre concis, mais il dit l’essentiel : c’était bien. « On prend du plaisir, avait-on écrit. C’est peut-être totalement pompé sur Clinic, au moins les Montréalais assurent niveau rock expérimental bien rythmique. » Vérification faite, le doc Word a été enregistré à 3 h 30 du matin, ce qui peut expliquer la brièveté du commentaire… Le groupe concerné, lui, se rappelle en revanche très bien de cette soirée passée à Saint-Malo, où il est encore programmé cet été, quelques semaines après une première date en Bretagne à Carhaix. « Surtout qu’en plus on passait avant Aphex Twin, qui clôturait la soirée. C’était fou, tellement puissant ! » Nous par contre, d’après notre doc Word, on n’avait pas tellement aimé la prestation du DJ britannique. On avait trouvé ça un peu trop fou justement… Mais bon c’est pas grave vu que cet article ne lui est pas dédié. C’est de Suuns dont on va parler. 46
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Et Suuns par contre, pas de souci, on aime. Pour achever de nous convaincre, on a écouté et réécouté les deux albums des Québécois anglophones, Zeroes QC, paru en 2010, et surtout Images du Futur. Un bien étrange objet salué par la critique cet hiver, à la fois macabre et dansant, vénère et langoureux. « On n’a pas nécessairement besoin de beaucoup forcer le trait en studio pour qu’apparaisse le côté sombre de notre musique, il est là, naturellement. Il ne s’explique pas », élude Joseph Yarmush, l’un des gars de la bande. Globalement, le quatuor n’est pas très bavard sorti de scène et peine dans l’exercice de l’autodéfinition. « Noise, krautrock… Ce n’est pas à nous de nous ranger dans un style, de dire qu’on touche à l’électro ou autre, c’est au public de se faire son opinion, sans a priori. C’est possible que notre son ne soit pas forcément accessible de prime abord car ce n’est pas un format pop classique. Mais à la limite, on considère qu’une bonne musique doit nécessairement
impliquer de faire un certain effort pour l’écouter, sinon ça ne vaut pas la peine. » La démarche artistique est exigeante et a de quoi surprendre venant d’une scène musicale montréalaise surtout connue pour les envolées baroques et limite féériques d’Arcade Fire. Concrètement dans un parc d’attraction, Arcade Fire serait l’aquasplash quand Suuns ferait office de train fantôme, qu’on découvre pour se foutre les jetons et qui devient vite addictif une fois qu’on l’a testé. Joseph Yarmush apprécie le compliment : « On a mis beaucoup de temps à trouver notre son et il continue toujours d’évoluer. À l’époque de Zeroes QC, on avait dû mettre toutes nos chansons de l’époque pour obtenir un album. Images du Futur nous apparaît comme plus réfléchi et plus homogène. Il se tient mieux. Non ? » Si, si mon gars, carrément. Régis Delanoë Le 19 juillet aux Vieilles Charrues Le 17 août à La Route du Rock
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« L’un des meilleurs concerts que j’ai pu voir en festoche ? Je dirais celui des Flaming Lips, au Austin City Limits justement, devant 30 000 personnes. Je ne suis pourtant pas un gros fan du groupe à la base, je ne l’écoutais quasiment pas sur CD avant. Depuis, à chaque fois que je le vois en concert, je me dis que c’est le meilleur groupe du monde. Y a des ballons géants, des confettis dans tous les sens : on est vraiment entre le concert de pop et le goûter d’anniversaire géant. »
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« En tant que comédien, je me souviens particulièrement de mon passage aux Charrues en 2007. Les premiers soirs, j’étais programmé à l’espace des arts de la rue où je faisais mon spectacle sur le rock. Ça se passait bien. Puis, le troisième jour, on me propose de jouer sur une des scènes, entre Oxmo Puccino et Keny Arkana (photo) : j’ai découvert la solitude. Dès la première syllabe, les jeunes dans le public ont commencé à me faire des doigts : ils attendaient du rap, ils ont eu VDB... »
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« Parmi les festivals qui m’ont troué le cul, il y a le Austin City Limits aux États-Unis. J’y suis allé en 2006 pour un reportage pour Rock & Folk. Y avait une putain d’affiche : Flaming Lips, le mec des White Stripes, Kings of Leon, Ben Kweller… Je me souviens aussi qu’à mon arrivée, l’un des organisateurs m’avait filé un gros sachet d’herbe, normal… Parmi les festivals français, j’aime bien Rock en Seine : ça sent la reprise et la rentrée des classes des gens qui bossent dans la musique. »
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ACTUELLEMENT SUR SCÈNE AVEC SON SPECTACLE «THOMAS VDB CHANTE LES DAFT PUNK », L’ANCIEN JOURNALISTE ROCK REVIENT POUR NOUS SUR SES SOUVENIRS DE FESTIVALS.
« Avant de me lancer dans mon spectacle sur les Daft Punk, je ne savais pas du tout qu’ils préparaient leur retour ! Si je trouve qu’ils en font trop pour leur promo ? Un teaser de dix secondes et un morceau avant l’album : on ne peut pas dire que ce soit beaucoup. C’est le public qui en fait des tonnes, aussi bien sur le disque que sur leur éventuelle programmation en festival. C’est la 1re fois qu’ils sortent un album où Internet est si avancé : ils ont appliqué le diction “less is more” et ont su anticiper les réactions. »
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RECOMMANDE
EXTENSION SAUVAGE
!!!
LES BLOCKBUSTERS
LES CONCERTS GRATOS
Pour sa 2e édition, ce festival de danse contemporaine réinvestit le Château de la Ballue (et son jardin géométrique assez dingo). On y verra notamment la chorégraphe rennaise Julia Cima pour son projet Danse Hors-Cadre, ainsi que le DJ Jeff Mills pour une création inédite avec le vidéaste Jacques Perconte.
N’est stupide que la stupidité, disait Forrest Gump. N’empêche qu’appeler son groupe !!! (prononcez Chk Chk Chk) c’est quand même bien bien con. Mais l’essentiel est ailleurs : musicalement, ce mélange d’électro, de funk et de punk bute comme rarement. Attention, grosse machine à danser.
Soyons honnêtes : ça arrive qu’en Bretagne il pleuve même en été. Dans ce cas, le plan de secours c’est les salles obscures, avec la fête du ciné début juillet et plein de blockbusters à l’affiche : le dernier Shyamalan, World War Z, Superman Man of Steel (photo), Kick Ass II, Wolverine, Les Stagiaires…
Ce message est pour vous amis galériens aux portemonnaie légers : pas obligé de casquer pour voir des concerts. Parmi les rendezvous gratuits de l’été, on a repéré Mermonte aux Tombées de la Nuit, le Binic Folk Blues Festival (avec Thee Oh Sees), Von Pariahs (photo) à Lorient et le festival Transrythm à Plérin.
LA SCÈNE GRALL Elle est petite, pas très belle, quand il fait chaud elle pue la sueur. Elle vit à l’écart de ses deux grandes sœurs. Pourtant, c’est elle qu’on aime aux Charrues : la scène Xavier Grall et sa prog indé. Au programme cette année, BRNS (photo), La Femme, Yan Wagner, Superpoze... Aux Vieilles Charrues Du 19 au 21 juillet
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Au ciné Quand il pleut
Partout en Bretagne Tout l’été
LE SPORT PIEDS NUS
PACHANGA BOYS
L’été, c’est la période des matchs de plage entre potes, sur le sable ou dans la flotte : foot, volley, boules, palets, raquettes, frisbee, jokari… L’éventail est large pour niquer sa race aux copains et faire le beau. « C’est la piquette Jack ! T’es mauvaiiiiis ! ».
Composé du Mexicain Rebolledo et de l’Allemand Superpitcher, ce duo de DJ du label Kompakt se définit comme les prêtres de la « nouvelle église hippie ». Une religion aux hymnes électro-psychédéliques faisant communier corps et esprit. Pour les siècles des siècles.
Sur la plage Quand il fait soleil
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À Astropolis à Brest Le 6 juillet
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À La Route du Rock Le 15 août
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À Bazouges-La-Pérouse et Combourg Du 28 au 30 juin
LES FÊTES AU VILLAGE Andouille, crabe, morue, coco, langoustine, saucisse, coquille, moule… Chaque week-end d’été charrie son lot de fêtes au village en tous genres. Chaque fois, le principe est le même : célébrer la bouffe locale en écoutant de la musique pourrie. C’est frais, on kiffe. Dans les patelins Tout l’été