TEASING
À découvrir dans ce numéro... « J E R O U L E À L’ H U I L E D E F R I T U R E »
STICKER GORILLAZ
PAILLARD
« A N A R C H I S T E D E D R O I T E »
NINTENDO DARK VADOR
MACGYVER
« E T G L O U E T G L O U E T G L O U »
ÉDITO
QUICK, LE KING DU BURGER Le monde de la restauration est fait de cycles. Alors que les enseignes de burgers “gourmets” se multiplient dans nos villes, à l’image de Rennes où les chaînes Big Fernand et Buffalo Burger ont déboulé dans un marché déjà saturé, les historiques du secteur observent, réfléchissent et contreattaquent. C’est ainsi que Burger King, revenu dans le game il y a trois ans (déjà à Brest, bientôt à Rennes), a annoncé vouloir racheter Quick et transformer ses 384 restaurants (14 bretons) en dealers de Whopper. Si la majorité des consommateurs de burgers valident cette future OPA, quelques affranchis de la junk food la regrettent. À juste titre. Car oui, n’en déplaise à ses nombreux détracteurs, Quick a tout du héros maudit, du génie incompris, de l’artiste mal-aimé. Un Macbeth du steak haché, un Œdipe de la frite, un Jean Valjean du nugget. Derrière son marketing dégueulasse (le Cauet burger…), ses sandwichs pas bons (le mec qui a inventé le Quick’N Toast, sérieux faut le punir) et son image cheapouille, les raisons d’aimer la chaîne née en Belgique sont multiples. Qu’elles soient économiques (seul véritable concurrent à McDo), créatives (un laboratoire capable de tester en live des trucs sortis de nulle part, à l’image du Dark Vador burger et son look all black) ou culturelles (en offrant la VHS de Hook et de Last Action Hero dans ses menus à la fin des nineties, Quick a sans le savoir rendu ses deux films culte pour les trentenaires), nous pouvons le dire : le Giant a tout d’un plat de résistance. La rédaction
SOMMAIRE 6 à 13 WTF : Londoniens, les 15 qui ont fait 2015, avis d’obsèques, étudiants et patrons, cybercafés, corbeille... 14 à 25 « A voté » 26 à 29 « Et on lui pèlera le jonc » 30 à 33 Les MacGyver de l’écologie 34 à 39 Et on fait tourner les manettes 40 à 47 RDV : Len Parrot, Vald, Antoine Besse, Éric Vigner, Hakan Günday, Débruit 48 & 49 Vide ton sac... Les découvertes archéologiques 50 BIKINI recommande 4
novembre-décembre 2015 #24
Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Brice Miclet, Jean-Marc Le Droff, Benoît Tréhorel / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Mickaël Le Cadre, Matthieu Noël, Étienne Cormier, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2015.
WTF
QUEL LONDONIEN ALLER VOIR ?
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MUSICIENS SANS FRONTIÈRES
LA CAPITALE ANGLAISE CONTINUE DE REVENDIQUER LE TITRE OFFICIEUX DE REINE DE LA MUSIQUE, AVEC CES DERNIERS TEMPS UNE ORIENTATION TRÈS ÉLECTRO. LA PREUVE PAR TROIS ARTISTES DE PASSAGE DANS LA RÉGION.
Laura Coulson
Festival des « musiques populaires du monde », NoBorder est devenu le rendez-vous world de la fin d’année en Bretagne. Pour sa 5e édition qui se tiendra du 10 au 13 décembre à Brest, il accueille notamment le musicien chinois Wang Li (virtuose de la flûte à calebasse) et le quatuor DakhaBrakha, ambassadeur d’un folklore ukrainien 2.0.
GEORGIA
DR
FAITES LE MUR
Nina Hagen a fêté cette année ses 60 ans, mais ne venez pas la chercher avec des activités du troisième âge. L’égérie punk de Berlin-Est continue de se produire régulièrement sur scène et sera dans le coin cet automne pour une date à Louvigné-du-Désert le 6 novembre. Du culte du culte du culte.
ACCUSÉ DE RÉCEPTION
timbré
Dans la foule de curiosités que constitue la prog’ des Trans, une grosse promesse : Postaal, duo franco-anglais qui a récemment collaboré avec The Shoes (Give It Away) et qui a sorti cet été un premier single bien excitant (Freedom). Le 2 décembre à l’Ubu à Rennes. 6
novembre-décembre 2015 #24
Ancienne espoir du foot anglais, Georgia Barnes (photo) a finalement décidé de se concentrer sur son autre passion, la musique, un univers qu’elle connaît bien via son daron Neil Barnes, moitié du groupe Leftfield, bien coté dans les nineties. GEoRGiA de son nom de scène mélange sonorités tribales – elle est batteuse à la base – et racines grime. Ça bute vraiment pas mal. Followers ? M.I.A, Björk, Kate Tempest Quand et où ? Le 3 décembre aux Trans Musicales à Rennes
EROL ALKAN
Producteur très recherché au milieu des années 2000 (Franz Ferdinand, Klaxons, The Long Blondes…), Erol Alkan est d’abord et avant tout un boss du DJing, excellent remixeur fan de rock (Tame Impala, Interpol...) et reconnu pour ses sets toujours hyper calés. Le voici donc en tête d’affiche de la nouvelle soirée Astroclub cet automne. Un vrai dandy, Erol (vous l’avez ?). Followers ? New Order, Chemical Brothers, 808 State Quand et où ? Le 7 novembre à La Carène à Brest
GORILLAZ SOUND SYSTEM
On ne va pas se mentir : c’est dans la version originale et au complet qu’on rêverait de voir Gorillaz. Mais en version sound system, ça s’annonce pas mal du tout quand même, à savoir le pendant électro adapté aux dancefloors. Donc en gros pour le dire encore plus simplement : une grosse partie des tubes du groupe londonien remixés façon DJ set, le tout plongé dans l’univers visuel du dessinateur Jamie Hewlett. Y a moyen que ce soit bien efficace. Followers ? Damon Albarn, De La Soul, Happy Mondays Quand et où ? Le 7 novembre au 1988 Club à Rennes
WTF
PERSONNALITÉS, RENDEZ-VOUS, ÉVÉNEMENTS... LES 15 MUSIQUE, THÉÂTRE, CINÉMA, FESTIVALS, MÉDIAS, ENTREPRISES : QUI A MARQUÉ L’ANNÉE ? AVANT L’ARRIVÉE DE 2016 DANS ON JETTE UN COUP D’ŒIL DANS LE RÉTRO POUR VOIR CEUX QUI ONT FAIT L’ACTU EN 2015. RÉVÉLATION, CONFIRMATION, TOP, FUZETA
CASHLESS
Richard Dumas
Les quatre Morbihannais et leur pop mélancolique sortent d’une année à fond les ballons : lauréat Ricard S.A Live, signature chez BMG, sortie d’un premier EP, un paquet de dates dans toute la France... Sans nul doute la révélation et le meilleur espoir breton actuel.
VIVEMENT LUNDI !
Plusieurs festivals sont passés Avec son film Tempête sur au paiement dématérialisé : anorak, la société de producCharrues, Interceltique, Roi tion rennaise a reçu en janvier Arthur, Route du Rock... Une tech- l’un des prix les plus cotés, celui du nologie dont on aurait désormais du meilleur court métrage d’animation mal à se passer (sécurité, rapidité). au festival de Sundance. Classe.
LES INDISCIPLINÉES La beauté est quelque chose de subjectif mais le visuel 2015 du festival Les Indisciplinées à Lorient remporte nos suffrages. Une affiche signée Synckop.
LA SCÈNE GARAGE Du Binic Folks Blues Festival à la foisonnante scène bretonne (Kaviar Special, Baston, Sapin, Madcaps...), on peut le dire : le rock garage cartonne en BZH.
BJÖRK Et le plus beau lapin de l’année est attribué à la chanteuse islandaise qui, dix jours avant La Route du Rock, a annulé sa venue.
YOANN GOURCUFF
Synckop
Viendra, viendra pas ? L’ancien joueur de Lyon a été le feuilleton de l’été au Stade Rennais. Pendant plusieurs semaines, Gourcuff a suscité rumeurs, convoitises et fausses annonces, avant de s’engager avec Rennes. Toujours pas remis de sa blessure, on parie que le garçon fera encore causer en 2016. 8
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MY HUMAN KIT Retenu pour la finale du Google impact challenge en octobre, le Rennais Nicolas Huchet n’a pas remporté le concours. Mais il a tout de même reçu un don de 200 000 € pour accélérer le développement de My Human Kit, son projet de fabrication de mains bioniques à coût réduit grâce à l’impression 3D.
THOMAS JOLLY Sensation 2014 avec sa pièce Henry VI (18 heures de spectacle !), le metteur en scène rennais Thomas Jolly a clos sa saga shakespearienne avec Richard III, présentée à la rentrée au TNB et saluée unanimement par la critique.
VINCENT BOLLORÉ Le milliardaire breton, désormais patron du groupe Canal Plus, squatte l’actualité médiatique depuis cet été. Passage des Guignols en crypté, déprogrammation de documentaires, dirigeants débarqués : une entrée fracassante pour celui qui semble vouloir devenir le fossoyeur de l’esprit Canal.
QUI ONT FAIT 2015 QUELQUES SEMAINES, FLOP : AND THE WINNER IS... CARLINGUE Dans le monde merveilleux des reporters de festivals, les deux gars de Carlingue Film sont les plus fendards. Allez mater leurs vidéos à Panoramas et aux Charrues.
CAPSULE Dans la catégorie précoce, les kids de Capsule (18 ans de moyenne d’âge) organisent un festival qui a de la gueule, chez eux, à Lamballe. Et c’est déjà la 2e édition.
STICKERS
Kamambarre
En 2015, Rennes a vu fleurir ces autocollants, signés d’un certain Kamambarre. Des portraits (Chirac, OSS...) accompagnés d’une légende à la con : efficace.
KANABEACH Le flop de l’année. Deux ans après avoir coulé, la marque de surfwear, née à Locmaria-Plouzané, a amorcé un come-back en mai depuis le Pays basque, sans que la mayonnaise ne prenne (départ d’associés et d’investisseurs, nouvelles collections qui tardent). Un projet mort-né ?
PIERRE-EMMANUEL BARRÉ On a beau chercher mais l’ancien chroniqueur de Canal Plus, aujourd’hui sur France Inter, reste le Breton le plus drôle. Et de loin. 9
WTF
ÉTUDIANTS ET (DÉJÀ) PATRONS
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2 PEOPLE 1 LAND
ATTENDRE LA FIN DE SES ÉTUDES POUR ENFIN CRÉER SA BOÎTE, C’EST FINI. INCUBATEURS, ACCOMPAGNEMENT, PROGRAMMES DÉDIÉS... LES AIDES ET STRUCTURES SE DÉVELOPPENT POUR TOUS CEUX QUI LANCENT LEUR PROJET.
Newcy
En prenant comme point de départ du conflit la création de l’État israélien en 1948, ça fait 67 ans que le Proche-Orient attend qu’un jour la paix revienne. Le documentaire Décris-Ravage apporte un éclairage novateur sur cette guerre entre deux peuples sur un même territoire, avec témoignages, extraits de théâtre et carto-chorégraphies. Les 26 et 27 novembre au Théâtre de Poche à Hédé.
Magali Bragard
ÉMANCIPATION MASCULINE
Échappé du groupe Yelle, le Morlaisien Tanguy Destable, aka Tepr, a dévoilé début octobre Half Below, son second EP chez Partyfine, le label de Yuksek. Une sortie accompagnée d’une mini-tournée qui passera notamment par le 1988 Live Club à Rennes le 17 décembre.
HAVE A BREAK
bboys Il est toujours bon de revenir à la source. Ce que propose Le Triangle à Rennes avec la projection du documentaire Bboys, une histoire du breakdance. Une série en neuf épisodes pour mieux comprendre une danse qui, aujourd’hui, dépasse les frontières du hip-hop. Le 30 novembre. Gratuit. 10
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Être étudiant et patron d’une start-up n’est pas simple mais, pour éviter de multiplier les galères, de nombreuses écoles et fac ont créé des incubateurs. Grâce à un programme du ministère de l’enseignement supérieur, il existe même un statut d’étudiant-entrepreneur qui permet de libérer des heures de cours et de bénéficier d’une formation spécifique pour créer sa boîte. En Bretagne, la dynamique est plutôt bonne avec des incubateurs dans les écoles de commerce de Brest et Rennes, dans des écoles d’ingénieurs comme Télécom Bretagne et même dans les universités grâce au programme Pépite.
PLUS DE CRÉDIBILITÉ « Depuis notre création en 2006, on a incubé 31 entreprises », se félicite David Mérieau, responsable de l’incubateur Produit en Bretagne - Brest Business School (ex-ESC de Brest). Se sont ainsi lancées des boîtes comme Zéro Gâchis, avec son appli pour éviter le gaspillage alimentaire. À Rennes, Newcy (photo) est hébergée depuis novembre 2014 chez Inno’Start, l’incubateur de l’ESC créé en 2013.
Un projet porté par cinq étudiants qui devrait se transformer en boîte. Leur idée : des gobelets réutilisables pour les machines à café. « Être dans l’incubateur nous a aidé à avoir de la crédibilité en allant voir des partenaires potentiels », explique Caroline Bettan, responsable com’ de Newcy.
« POURQUOI PAS MOI ? » Et la fac s’y met aussi grâce au programme Pépite, dont Karine Le Rudulier est la responsable Bretagne. « On a mis en place une promo l’année dernière de 17 étudiants-entrepreneurs. Notre rôle est celui de facilitateur : locaux, réseaux, conseils... » De quoi se mettre sur de bons rails. Pour David Mériau, « la dynamique entrepreneuriale se propage auprès des étudiants. Avec un incubateur au cœur du campus, des étudiants voient les autres créer leur entreprise et se disent : “pourquoi pas moi ?”. Je vois arriver des étudiants avec une première idée, puis une deuxième, une troisième… Le rôle de l’incubateur est de les faire aboutir quand il y a du potentiel. » Isabelle Jaffré
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LES SURNOMS DE LA MORT
UN SOBRIQUET, ON LE TRAÎNE TOUTE SA VIE. PAS QUESTION DONC DE L’OUBLIER UNE FOIS PASSÉ DE L’AUTRE CÔTÉ. Nous avons la douleur de vous faire part du décès de M. André Pouchin dit “Roudoudou”. De Georgette Caillé dite “Ma Dalton”. Ou encore de Jean-Claude Hendrycks dit “Coco Transistor”. Régulièrement, la presse quotidienne régionale voit fleurir des surnoms dans ses pages obsèques. Parfois touchants (Mamounette, Papi Genoux), souvent drôles (Le dindon, Le catcheur, Zizi), ils sont révélateurs de l’affection que la famille et les proches portent au défunt. En BZH, la pratique n’étonne plus, tant elle est devenue courante. Particulièrement dans les petites communes. Depuis plusieurs années, Sébastien, Centre-Breton de 35 ans, s’amuse à poster les plus insolites sur le web via sa page “Surnoms mortels” sur les réseaux sociaux. « Je dois en avoir un peu plus de 600. » Mais y a-t-il des limites ? « On accepte tout dans la mesure où le surnom est respectueux, indique un responsable avis de décès au Télégramme. Dans certains villages, la plupart des gens ne connaissaient la personne que par son surnom. » Le sobriquet permet aussi d’identifier le défunt parmi les innombrables Jean Le Guen ou Marie Le Gall. Adieu donc La Miche, Prof, Moustache et La Prout. Benoît Tréhorel 11
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CYBERCAFÉS : LOST IN CONNEXION ? INCONTOURNABLES AU DÉBUT DES ANNÉES 2000, CES ÉTABLISSEMENTS ONT POUR LA PLUPART DISPARU. POUR SURVIVRE, LES DERNIERS RÉSISTANTS ONT DÛ DIVERSIFIER LEURS ACTIVITÉS. EXEMPLE À BREST. SALON DE THÉ
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Difficile d’imaginer ou de se souvenir, mais avant d’avoir ses mails à dispo sur son téléphone 24 sur 24, il fallait aller au cybercafé. Des lieux oubliés, délaissés, où on payait de 1 à 6 € de l’heure pour “simplement” se connecter à Internet et glander sur Caramail, AIM ou sur un chat IRC. Une époque où on avait le temps d’aller pisser lorsqu’une image devait se charger. Depuis une dizaine d’années, leur nombre a chuté. La faute aux smartphones, à la 3G, aux accès wifi gratuits… « En 2006, il y avait 14 cybers à Brest, se souvient Laurent Le Gros, gérant d’Accescibles au centre-ville. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’une poignée. »
l’érosion de la clientèle, il a fallu se diversifier. » Chez Accescibles, jusqu’à 100 % des postes ont été un temps consacrés aux jeux en réseau. Lui aussi fan de jeux, Denys Jaffré a créé il y a moins d’un an L’antre des jeux, un cybercafé dans le quartier de Recouvrance. « L’idée c’est d’être équipé d’ordinateurs très JEUX EN RÉSEAU performants. Du matos qu’on n’a Lui s’est installé en 1999. Il a vu pas forcément chez soi et qui permet l’évolution de l’activité. « La bascule de tester tous les derniers jeux qui s’est faite mi-2008. Pour résister à sortent. »
CORBEILLE Youssoupha En juin dernier, le rappeur le plus zozotant de France (je chuis paché chez Choche !) enregistrait un renfort inattendu au sein de ses fans : Marion Maréchal-Le Pen qui, dans une interview, avouait être grande amatrice de ses disques. Jamais le dernier dans la déconne, le poète Kaaris se mêlait à l’histoire 12
D’autres ont fait un choix différent. Au C.com c@fé, à Brest et à Quimper, « on fait salon de thé/sandwicherie et on met aussi plusieurs ordis à disposition des clients », indique Louise Guyomarc’h, la patronne du snack qui reconnaît malgré tout que cela ne concerne plus aujourd’hui que « sept à huit personnes par jour, mais ça nous différencie ».
RÉPARATION Pour se diversifier, certains gérants de cybercafés se tournent quant à eux vers la réparation. Laurent Le Gros, suite à un ras-le-bol des jeux en réseau, s’est lancé sur ce créneau en 2010. Depuis 2013, c’est même son activité principale. Denys Jaffré, de L’antre des jeux, complète aussi son chiffre d’affaires avec cette prestation : « c’est 30 % de mon activité. » I.J
NOTRE ANTI-SÉLECTION DES SPECTACLES QUAND FRANCHISE ET MAUVAISE FOI NE FONT QU’UN
Jeff Panacloc Il est là le nouveau boss du ventriloquisme, spécialité du LOL qui consiste à enfiler une peluche par Michel Drucker La Grande Sophie l’arrière-train et à la faire L’oiseau de mauvais Septembre : annonce du parler façon inhalation augure des chanteurs de retour de Taratata sur d’hélium à partir de sons variété va se produire sur France 2. Octobre : nou- sortis du bide. Dégueuscène en 2016. La tournée vel album de La Grande lasse. Le dernier spectacle de son one-man-show Sophie. Jusqu’où ira cette de Tatayet, on est sûr que intitulé Michel Drucker… escalade de la violence ? c’était pas à la Fistinière? seul avec vous (un titre À Saint-Avé À Rennes en invitant la petite-fille de Jean-Marie à venir twerker dans un clip. À Rennes et Brest
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digne d’un épisode de Faites entrer l’accusé) démarre en janvier en... Bretagne. Dur. À Pacé
DOSSIER
« A VOTÉ »
GAUCHE, DROITE, PRÉSIDENTIELLE, MUNICIPALES... ON A TOUS UNE HISTOIRE AVEC LA POLITIQUE. DES SOUVENIRS DE MANIFS AUX COMBATS ACTUELS, ON A PLONGÉ DANS LES URNES. 14
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DOSSIER
Jean-Jacques Monnier, historien et auteur de l’ouvrage Le comportement politique des Bretons. En mars 2004, le conseil régional de Bretagne passait pour la toute première fois à gauche, après 18 années de présidence à droite... C’est une victoire qui aurait dû, en réalité, intervenir beaucoup plus tôt : depuis 1981, la majorité des députés bretons étaient de gauche. Une tendance qui, excepté en 1993, s’est confirmée et renforcée à chaque élection. Même quand la gauche recule au niveau français, elle se maintient ou continue de progresser au niveau régional. Lors des élections de 1998, la gauche bretonne a perdu la région en nombre de sièges, alors qu’elle l’emportait en nombre de voix. La faute à son manque d’unité.
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COMMENT LA BRETAGNE EST DEVENUE UNE
avec 59 %. C’était une union gauche plurielle. D’autant plus que Le Drian avait une vision politique qui allait au-delà de la gauche : il avait une image de rassembleur qui a attiré des électeurs centristes.
Ce n’était pas le cas de Josselin de Rohan, le président UMP sortant ? Ce qu’a réussi Jean-Yves Le Drian, La liste de Rohan en 2004 s’était alors tête de liste, en 2004 ? nettement droitisée, la part des On peut le dire. Lors du premier centristes avait beaucoup diminué. tour, il avait déjà introduit plusieurs On avait affaire à une droite trop personnalités qui ne venaient pas dure pour la moyenne bretonne. Les forcément du socialisme. Et en pré- Bretons sont pour une société du vision du second tour, l’idée d’une consensus et d’une certaine égalité. fusion avec la liste Verts-UDB était À chaque fois que la droite française déjà actée. Cette dernière ayant fait devient dure, peu sociale, on voit près de 10 %, ça a contribué à la l’érosion de l’électorat de droite victoire de Le Drian, qui fut large dans la région.
« On avait affaire à une droite trop dure pour les Bretons » 16
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Depuis les municipales de 1977, il y a une poussée continue de la gauche en Bretagne. Pourquoi ? Cela s’explique, en partie, par le rapport de force entre le centre et la droite. Dès la création du conseil régional en 1986, il aurait dû y avoir un leader centriste en Bretagne. À cette époque, les hommes politiques bretons d’envergure venaient du centre, Pierre Méhaignerie en tête. Le problème, c’est qu’avec la bipolarisation, le centrisme a laissé la place au RPR de l’époque, avant d’être écrasé par ces derniers. Dans une Bretagne plutôt centriste, le passage du centre au centre-gauche n’était alors pas difficile pour des électeurs qui s’estimaient mal représentés. Quelles ont été les étapes de cette bascule ? Le département des Côtes d’Armor, alors Côtes du Nord, a été le premier à passer à gauche en 1976. On peut
TERRE DE GAUCHE « Si la gauche perd, c’est qu’elle se sera battue elle-même » social et moderniste. D’un point de vue économique, le miracle que la Bretagne a connu des années 50 jusqu’aux années 80 a produit plus de salariés qu’avant dans l’industrie. Des salariés qui, pour rester au “pays”, acceptaient des emplois difficiles et mal payés, malgré un niveau d’instruction plutôt bon. Cela a fait naître une hausse de la syndicalisation et une volonté de justice sociale qui se sont traduites par de nombreux conflits sociaux. même dire qu’il a basculé tardivement à cause de René Pleven, un radical (centriste, ndlr), qui captait autour de lui la mouvance centregauche. Cela a maintenu les Côtes du Nord au centre, alors qu’en réalité on pouvait dire qu’elles étaient déjà à gauche. Suivront le Finistère en 1998 et l’Ille-et-Vilaine en 2004. Il n’y a guère que le Morbihan qui reste marqué à droite ou au centre.
Les aspirations régionalistes pèsentelles dans les votes ? En tant que force politique autonome, non. Mais cela demeure une composante du vote en Bretagne. Nous pouvons dire que la gauche a mieux collé à cette idée de régionalisation et de décentralisation que la droite. Ça a contribué au développement du vote à gauche, avec des hommes comme Louis Le Pensec, à la fois socialiste et régionaliste.
Au-delà du jeu politique, y a-t-il des raisons structurelles qui expliquent cette dynamique ? Le catholicisme breton, en tant que pratique religieuse, a reculé comme partout, mais la tradition démocrate-chrétienne a marqué les esprits. Du côté des syndicats, on a vu un passage à gauche du militantisme chrétien avec la CFTC devenant la CFDT, et avec l’importance que prenait la Jeunesse agricole catholique (JAC), un mouvement
Aux élections départementales en mars dernier, la droite a repris les Côtes d’Armor. Et dans le Finistère et l’Ille-et-Vilaine, cela a été serré, la gauche l’emportant de peu. Est-ce le signe d’une nouvelle dynamique à droite ? Non, les dernières départementales ont été un vote par division et abstention. Beaucoup d’électeurs de gauche ne se sont pas déplacés, déçus de leurs élus, face à un électorat de droite mobilisé. Cela explique
les résultats. Mais on ne peut pas dire que la Bretagne est en train de rebasculer à droite. Le fondement de la population bretonne, c’est toujours une majorité nette pour la gauche et le centre-gauche. En décembre, un revirement à droite de la région fait-il malgré tout partie des scénarios possibles ? Dans une élection, il y a toujours des éléments de contexte général qui peuvent jouer. Le plus important étant une nationalisation d’un scrutin régional : les électeurs peuvent voter contre le gouvernement. Marc Le Fur, la tête de liste des Républicains, présente malgré tout l’inconvénient d’être plus à droite que le bloc centriste. Il devra aussi composer avec le Front national, dont on peut imaginer une nouvelle poussée. Le Fur est donc obligé de faire le grand écart entre une partie de l’électorat qui le trouve trop conservateur et une partie qui estime qu’il ne l’est pas assez. Du côté de la gauche, il y a toujours le risque de l’abstention et de la dispersion. Avec Le Drian, les électeurs peuvent aussi être tentés de faire de ce scrutin un vote anti-Hollande. Pour les socialistes, un rassemblement avec leurs partenaires de gauche devrait tout de même leur permettre de passer à nouveau. Si la gauche perdait, c’est qu’elle se serait battue elle-même. Recueilli par Julien Marchand 17
DOSSIER
ÉLECTIONS RÉGIONALES 2015 : QUI, QUOI, OÙ, VOUS N’AVEZ ABSOLUMENT RIEN SUIVI DE CETTE CAMPAGNE ? PAS DE PANIQUE, VOICI NOTRE FICHE DE RATTRAPAGE POUR NE PAS ÊTRE LARGUÉ DANS CE SCRUTIN QUI SE DÉROULE LES 6 ET 13 DÉCEMBRE. (INFOGRAPHIE BOUCLÉE LE 16 OCTOBRE)
CHRISTIAN TROADEC Du genre grande gueule, le maire divers gauche de Carhaix renvoie dos à dos « PS et Sarkozystes » depuis le début de sa campagne, espérant réaliser de son côté le grand rassemblement des régionalistes. Jamais le dernier dans les bons coups, l’ancien bonnet rouge a ainsi réussi à convaincre l’UDB de le rejoindre autour de sa liste “Oui la Bretagne”. Une plateforme, ouverte aux « forces progressistes », que le boss du Kreiz Breizh veut « citoyenne et participative ». Ségolène Royal likes this.
NOTRE CHANCE L’INDÉPENDANCE
En 2004, l’Union démocratique bretonne s’était alliée avec le PS. En 2010 avec EELV. En 2015, c’est au tour de Christian Troadec de recevoir le soutien du parti autonomiste. Une union pas du goût de tous ses membres, huit d’entre eux se sont même prononcés en faveur de Le Drian en septembre. Dans le lot, des cadres du parti, comme Mona Bras ou Henri Gourmelen, le président du groupe UDB au conseil régional.
RENÉ LOUAIL Comme Scooby-Doo, c’est à bord d’un combi Volkswagen vert que René Louail, la tête de liste Europe Écologie Les Verts, est allé à la rencontre des électeurs pendant une dizaine de jours. De quoi assurer un aussi bon score que lors des régionales de 2010 (12,21 % au premier tour, 13,2 % au second) ? Si les écolos perdent l’UDB pour cette campagne, ils récupèrent Bretagne Écologie qui, en 2010, avait signé un accord avec Le Drian dès le premier tour. Reste à savoir si EELV fera cavalier seul s’il se maintient au 2e tour. Peu probable. « Nous ne ferons rien qui permette à la droite de reprendre la Bretagne », avance Louail.
Si c’était le big love cet été entre Christian Troadec et Yves Pelle (le président du Parti breton), les deux gaziers ont cassé à la rentrée. Un amour de vacances brisé suite à l’accord entre l’UDB et Troadec, Pelle jugeant alors le projet trop à gauche. C’est finalement avec le Vannetais Bertrand Deléon, de la liste “Notre Chance l’indépendance”, que la formation indépendantiste fera campagne.
RASSEMBLEMENT CITOYEN DE BRETAGNE Nouvelle planète de la nébuleuse extrême gauche, ce collectif qui se situe « entre le NPA et le Front de gauche » souhaite une « alternative écologique, sociale et solidaire ». On y retrouve d’anciens militants du Parti de gauche.
NPA ET BREIZHISTANCE Comme pour les européennes de 2014, la section régionale du Nouveau parti anticapitaliste s’associe avec la formation indépendantiste d’extrême gauche Breizhistance (ex-Emgann) pour créer la liste “Une Autre Bretagne est possible”. « Mouais », aurait réagi Pierre Gattaz. 18
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JEAN-YVES LE DRIAN Secret de polichinelle, sa désignation comme tête de liste socialiste a fait couler des litres d’encre depuis cet été. Ira, ira pas ? Briguera-t-il un 3e mandat de président de région ou restera-t-il à la défense ? C’est finalement à deux mois du 1er tour que Jean-Yves Le Drian a officialisé son retour. Tout sauf une surprise pour celui qui a multiplié les visites officielles en Bretagne (une cinquantaine ces trois dernières années) et qui, souvenons-nous, avait annoncé à son entrée au gouvernement en 2012 qu’il reviendrait sur ses terres pour y mener la bataille des régionales. Rien n’est en revanche tranché pour l’après-campagne. S’il est élu, le ministre préféré des Français (50 % d’opinions positives) devrait démissionner, comme lui impose la règle de non-cumul des mandats. À moins qu’il ne bénéficie d’un statut d’exception ?
FRONT DE GAUCHE Des discussions avaient été engagées entre EELV et le Front de gauche pour faire liste commune. En vain, les deux formations n’ayant pas trouvé de terrain d’entente concernant la posture à adopter avec le PS en vue du second tour. Le chef de file des rouges bretons sera donc le communiste Xavier Compain (photo). « On l’a appelé Compain… comme cochon »
LUTTE OUVRIÈRE Candidate lors des municipales à Rennes l’an passé, Valérie Hamon, conductrice de train, est la tête de liste bretonne de Lutte ouvrière. Tchou tchou !
COMMENT, POURQUOI ? Aussi douée que le Stade Rennais pour remporter des titres (battue aux régionales en 2010, aux municipales à Brest en 2014 et aux départementales dans le Finistère en 2015), Bernadette Malgorn, l’actuelle patronne de l’opposition à la région, n’est pas de la partie cette année, préférant se concentrer – déjà – sur la mairie brestoise en 2020. I believe I can winnnnn !
MARC LE FUR Face à un adversaire qui a tardé à se lancer, Marc Le Fur, tête de liste Les Républicains, a quant à lui choisi d’entrer en campagne hyper tôt (officiellement déclaré en janvier, à bloc sur le terrain depuis juin). Un moyen pour le député de la 3e circonscription des Côtes d’Armor de gagner en notoriété et de combler son retard sur Le Drian. Assurée dans le 22, sa popularité est moindre dans les autres départements, bien qu’il soit pas mal apparu dans les médias ces deux dernières années aux côtés de La Manif pour tous et des bonnets rouges. Réussissant, non sans difficultés, à faire une liste d’union avec les centristes, Le Fur a également axé une partie de son discours sur la position de Le Drian, indiquant que, lui, avait fait « le choix de la Bretagne».
JEAN-YVES DE CHAISEMARTIN Et le plus beau tacle de cette campagne est attribué à… Jean-Yves de Chaisemartin. Malgré l’accord entre son parti et Les Républicains, le maire UDI de Paimpol a appelé en septembre à la candidature de Le Drian pour « élever le débat », allant même jusqu’à citer l’émission Cauchemar en Cuisine pour désigner la préparation de la liste LR. Condamnée par l’UDI, cette attaque de Chaisemartin sur Le Fur n’a en réalité rien d’étonnant tant les deux hommes semblent ne pas se saquer, multipliant les désaccords sur le mariage pour tous, l’accueil des migrants et l’organisation territoriale. Mais t’avais dit qu’on ferait des Knacki :(
GILLES PENNELLE
Tout au long de sa campagne, Le Fur n’a cessé de draguer les régionalistes. Parmi ses propositions phare : la réunification de la Bretagne historique. Un point sur lequel l’Alliance fédéraliste bretonne, Breizh Europa – dont fait partie l’ancienne candidate à la mairie de Rennes Caroline Ollivro (photo) qui intègre la liste Le Fur – et le Parti fédéraliste européen semble avoir été séduits, jugeant comme un échec la politique socialiste en la matière.
LES CENTRISTES S’il y a de l’eau sur Mars, on sait aussi qu’il y en avait dans le gaz entre les centristes et Marc Le Fur. Malgré l’accord national entre l’UDI et Les Républicains, les négociations ont été rudes en Bretagne. Début septembre, une menace de sécession était même évoquée, l’UDI estimant insuffisante sa représentativité sur la liste Le Fur. Des tractations marquées par quelques couacs (l’épisode Chaisemartin, choix contestés, candidats qui démissionnent...), avant l’annonce début octobre d’une alliance entre LR, UDI et MoDem.
Comment résumer la campagne du chef de file frontiste en un mot ? Polémique. Premier épisode à la mi-septembre : le candidat utilise pour son site Internet une photo où il pose à côté de jeunes filles du cercle celtique d’Auray, accompagnée du slogan : « Pour défendre l’identité bretonne ». Problème : selon les danseuses, Gilles Pennelle n’a pas précisé son statut de candidat FN ni l’utilisation qui allait être faite du cliché. Suite aux menaces de plainte du cercle, la photo sera retirée fissa du site. Deuxième épisode, début octobre, à Sérent, un bled du Morbihan qui s’est dit favorable à l’accueil de 14 familles de migrants syriens dans une ancienne maison de retraite. Du pain béni pour Pennelle qui, dans les rues de la commune, a tenté de surfer sur une possible contestation des habitants pour faire grossir la polémique. Une « gesticulation », selon Pierrick Massiot, le président de région.
DEBOUT LA FRANCE Le parti du souveraino-gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, dont la liste bretonne sera menée par JeanJacques Foucher, a annoncé officiellement son objectif : faire au moins 7 % des voix.
UNION POPULAIRE RÉPUBLICAINE Parti souhaitant faire sortir la France de l’Union européenne, l’Union populaire républicaine (UPR) a désigné Jean-François Gourvenec comme tête de liste pour la Bretagne. Pas une première pour ce Quimpérois qui, lors des européennes de 2014, menait déjà la liste UPR pour la circonscription Ouest. Il avait obtenu 0,36 % des voix. On va pas se mentir : pour devenir président de région cette année, ça va être chaud. 19
DOSSIER
« MARIAGE HOMOSEXUEL, GPA, AVORTEMENT
i vous associez les mots “étudiants”, “manif” et “politique”, il y a de fortes chances pour que vous viennent en tête les images suivantes : un t-shirt du Che, une pancarte contre le racisme, des slogans anticapitalistes… L’imaginaire collectif est ainsi fait : le militantisme chez les jeunes nous apparaît “forcément” de gauche, progressiste, libertaire. Des aprioris tenaces face à une réalité plus contrastée. Au sein du paysage politique, une partie de la jeunesse a bel et bien viré conservatrice. Dernier état des lieux en date : les récents résultats électoraux qui ont vu le Front national obtenir ses meilleurs scores chez les moins de 35 ans (30 % ont voté FN lors des européennes de 2014). De quoi filer des convulsions aux mecs des Bérus, à qui on conseille de se mouiller la nuque en vue des prochaines régionales.
Au sein de cette famille de néo-réacs, une catégorie a émergé ces dernières années : les jeunes de La Manif pour tous (LMPT). Trois ans après leurs premiers rassemblements et malgré le vote de la loi Taubira, ces militants sont toujours là et « ne lâchent rien».
« En France, c’est le bordel » C’est à Saint-Pierre-Quiberon, dans le Morbihan, qu’on les a retrouvés pour leur université d’été organisée dans un camping de la presqu’île. En ce week-end de la mi-septembre, on compte une trentaine de jeunes sur les 250 membres et sympathisants qui se sont déplacés pour l’événement. L’occasion pour chacun de faire le point sur son engagement et de voir où se situe désormais le mouvement, loin des grandes manifs de 2013. « Ceux du début sont toujours là pour la plupart, mais il est vrai que nos actions sont moins régulières.
« S ’engager dans La Manif pour tous à 21 ans, c’est pas anodin » 20
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Pour tenir sur la durée, nous avons dû changer notre rythme pour ne pas s’épuiser et continuer à mobiliser », situe Marie-Gabrielle Gervais, la trentaine tout juste passée, et membre de LMPT Morbihan depuis sa création. Avec toujours la même envie. « Il ne faut pas se décourager face à un combat qui n’est pas perdu d’avance. D’autant plus que d’autres batailles nous attendent », promet la jeune femme, également militante au Parti chrétien démocrate. « La difficulté avec les jeunes, c’est l’engagement feu de paille : être extrêmement mobilisé pendant un moment, avant de passer à autre chose. On n’échappe pas à ce phénomène, reconnaît Albéric Dumont, 24 ans et déjà vice-président national de LMPT. Heureusement, une partie de nos militants gardent un œil sur l’actu et souhaitent toujours s’impliquer. » C’est le cas d’Éloi, Solène et Madeleine. Ils ont 17-18 ans et fêtent leur deuxième année au sein du collectif. Ce week-end, tous les trois font partie de l’équipe organisatrice. De l’accueil des militants à l’animation de tables
: J’AI 18 ANS ET JE SUIS RÉAC »
rondes, ils vivent leur première expérience en tant que « volontaires », tout en assistant à des conférences sur « la négation de la nature » dès 10 h du matin. Wow les gars, vous seriez pas mieux à faire la grasse mat’ ou à manger des Chocapic devant Big Bang Theory ? « Aujourd’hui en France, c’est le bordel : la famille est malmenée, il faut la protéger. C’est pour ça qu’on se bouge », répond Éloi, du genre borné et têtu (sic) lorsqu’on évoque avec lui différents modèles familiaux. « Un père, une mère. C’est tout. »
« Anarchiste de droite » Après avoir lutté contre l’instauration du mariage gay, c’est désormais l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels et la GPA qu’ils craignent. « Il est inconcevable qu’un enfant puisse être élevé par des personnes autres que ses parents. Certes, il peut exister des accidents de la vie, mais en aucun cas il faut les encourager et les organiser », argumente Albéric qui a appris à tenir de tels discours sans le moindre complexe.
« Ce n’est pas toujours évident de se faire traiter de facho » Cette étiquette réac, il s’en moque. « Quand tu t’engages à 21 ans dans LMPT, tu sais que c’est pas anodin et que cela va t’exposer. Il suffit de taper mon nom dans Google pour voir qui je suis... C’est comme ça que du jour au lendemain, certains ne me parlaient plus à la fac. Mais je ne regrette rien, je considère que je ne fais rien de mal », raconte cet étudiant, également passé par La Marche pour la vie, un collectif anti-avortement. « Mon côté vieille France ? Ah ah, oui ça va. J’ai eu une paire de Vans à 13 ans, je l’ai faite tôt ma crise d’ado… », balaie de son côté Gonzague de Chantérac, 26 ans, lui aussi membre de LMPT depuis les débuts et aujourd’hui coordinateur national de la communication numérique. Si ses deux parents le soutiennent dans son engagement (un père « anarchiste de droite » et une mère « catho classique, un peu réac avec l’âge »),
ce n’est pas tout à fait le cas pour Solène et Madeleine. « Mon père est favorable au mariage homo, ma mère est plus sceptique », indique Solène. « Moi c’est l’inverse, maman est pour », embraye Madeleine. Une différence de point de vue dure à vivre ? « Avec les parents, il n’y a pas de problème. C’est plus à l’école que c’est difficile. Se faire traiter d’homophobe, de facho, c’est pas toujours évident », précisent-elles en faisant référence aux tags anti-LMPT découverts la veille autour du camping. De quoi leur donner envie de laisser tomber pour ne plus s’en prendre plein la tronche ? Sur l’appel de leur présidente Ludovine de La Rochère qui promet de descendre à nouveau dans la rue en 2016, les jeunes de La Manif pour tous le jurent : « nous resterons jusqu’à l’abrogation ».
Julien Marchand 21
DOSSIER
Bikini
TRÉMARGAT : LA POLITIQUE AUTREMENT
La carte politique nationale, c’est du rose, du bleu, un peu de rouge et d’orange, de plus en plus de noir. Au milieu de ce tableau, on trouve de rares tâches vertes. Mais où ça ? Au niveau du bourg de Trémargat par exemple, municipalité bretonne qui vote le plus massivement écolo. À la dernière présidentielle, Eva Joly avait recueilli 30 % des suffrages au premier tour, dix fois plus qu’à l’échelle du pays. Mélenchon y était arrivé deuxième, Hollande troisième. Du vert teinté de rouge, c’est la palette de couleurs présente à chaque suffrage depuis une vingtaine d’années. Un phénomène qui prend racine dans l’histoire récente de ce coin paumé du sud-ouest des Côtes d’Armor. « Ici la tradition est agricole mais la terre est pauvre. Dans les années 60, les paysans incitaient leurs enfants à partir. La décennie suivante, une nouvelle génération non issue du milieu – c’est mon cas – s’est installée dans ces fermes dont plus personne ne voulait, avec la volonté d’aller à rebours de l’agriculture productiviste tout en implantant un modèle de citoyenneté basé sur la solidarité, le vivre ensemble et le respect d’un 22
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environnement préservé. C’est un pendant breton de la mouvance Larzac. » Ainsi cause Yvette Clément, quinqua éleveuse de brebis, « désignée » maire de la commune comme elle l’explique : « On a institué le principe de mairie tournante, ce qui veut dire qu’on ne peut pas faire plus d’un mandat. Avant chaque élection, on organise une réunion publique pour faire le bilan de l’exercice en cours, puis une seconde pour lister les nouveaux projets. À la troisième, on voit qui pourrait s’y coller (rires). Je me suis dévouée en partie pour réparer une anomalie car il n’y avait jamais eu de femme en poste. »
« Hippies » Le courant écolo a pris le pouvoir à la régulière lors des élections de 1995 et il n’a plus jamais été remis en cause depuis. « Si on a pu passer pour des hippies à notre arrivée, les locaux se sont aperçus qu’on était des bosseurs avec une forte envie de dynamiser le village. D’ailleurs, la population augmente de nouveau et pourrait repasser la barre des 200 habitants, 50 de plus qu’il y a vingt ans. C’est tout sauf de l’utopie. En fait, c’est normal. »
À Trémargat, il est normal par exemple que les habitants se soient occupés eux-mêmes du réaménagement du bourg par le biais d’un chantier participatif (« de 120 000 euros, la facture est passée à 12 000 euros »). Normal que sur les 136 votants, près d’un tiers soit actif au conseil municipal et dans les comités consultatifs. Normal que la plupart des administrés soient bénévoles au sein d’une des nombreuses assos du village. Normal de voir les habitants se réunir chaque fin de journée dans le café associatif et faire leurs emplettes dans l’épicerie attenante au troquet. Une boutique où l’on vend des produits bio et locaux, tenue ce jour-là par Vincent, qui synthétise l’état d’esprit du coin par une anecdote : « L’autre jour, un panneau STOP dans le bourg s’est retrouvé par terre. Vous croyez qu’on a joint la mairie pour qu’elle fasse venir les services compétents ? Ben non, Bernard est arrivé avec son fer à souder, il a réparé et hop, c’était bon. Allez pas me dire que tout ça, c’est seulement applicable à l’échelle d’un village. C’est du bon sens. Chacun fait sa part et tout le monde est content. » Régis Delanoë
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AFFICHES ÉLECTORALES : COPIER-COLLER ?
Mais bordel, pourquoi un tel manque d’originalité dans ces affiches qui, pourtant, pourraient aider les candidats à se démarquer de leurs adversaires ?
RÈGLE N°1 : PLAIRE À TOUT LE MONDE « Dur d’être original quand on veut toucher un public ultra-large, avance d’emblée une graphiste qui a bossé sur deux campagnes dans le 56. Du coup, les affiches se ressemblent toutes. » Côté photographe aussi, l’exercice peut être délicat. « On ne sait pas toujours quel sera le format final, le fond utilisé... Alors on fait au mieux », confie ce vieux de la vieille qui a tiré le portrait de candidats de tous bords.
RÈGLE N°2 : RESPECTER LA LOI Des obligations légales entrent aussi en jeu : « Le format, le fond qui ne doit pas être blanc, et la combinaison des couleurs bleu, blanc et rouge qui est proscrite », note un graphiste briochin.
RÈGLE N°3 : SUIVRE LA CHARTE « Et puis, il y a la charte graphique définie au niveau national par le parti, puis déclinée localement pour chaque candidat. » Reste les accessoires pour ceux qui veulent à tout prix sortir du lot. Comme Malgorn qui, lors des municipales brestoises de 2014, a arboré une écharpe bleue sur tous ses supports de com’. Idem pour Le Drian qui, pour les régionales de 2004, ne posait qu’avec son ciré jaune. Jean-Marc Le Droff 23
DOSSIER
QUAND LA JEUNESSE EMMERDAIT LE FRONT Comme pour le 11 septembre, on se souvient tous où on était quand on a découvert les résultats du premier tour de la présidentielle 2002. Flashback : 21 avril, 20 h pétantes, sur notre écran de télé, le visage de Jean-Marie Le Pen apparaît à côté de celui de Jacques Chirac. Stupeur générale. Jospin est éliminé, balayant l’optique d’un second tour RPR-PS que la logique aurait voulu. « Énorme surprise », commente à chaud un Pujadas à la coiffure déjà bien chelou. Même réaction sur les différents plateaux télé où journalistes, politiques et experts semblent tous sonnés. Certains tirent la tronche, d’autres renvoient la faute à leurs adversaires. Très vite, une expression va naître et devenir le leitmotiv de cet entre-deux-tours : « le sursaut républicain ».
« Tout le monde flippait » Un sursaut qui va se traduire par une importante vague de mobilisation dans toute la France et dans une Bretagne particulièrement investie. Amorcés dès le soir même des résultats à Rennes et Brest, des rassemblements citoyens vont se multiplier dans toute la région. En première ligne, les lycéens et étudiants pour qui il s’agit pour la plupart de leur « première grosse manif politique ». C’était le cas de David, alors au lycée à Châteaulin dans le Finistère. « Ça a été un choc cette élection. À l’annonce des résultats, je me sou-
viens avoir envoyé un texto à ma copine de l’époque pour lui dire que j’allais quitter le pays si jamais Le Pen gagnait... Le lendemain, dans la cour, ça ne parlait que de ça. Tout le monde flippait mais personne ne se posait de question : il fallait manifester contre le FN, point. C’était plutôt rassurant. » Une ferveur qui va gagner l’ensemble des universités et des lycées de la région, qu’ils soient publics ou privés (« J’étais en première à l’Institution à Saint-Malo, réputée très stricte, nous avions dû faire le mur pour aller manifester. Je me suis retrouvée dans les premiers rangs à inciter les autres à scander “Le Pen t’es foutu, les lycées sont dans la rue !”. Pour l’originalité on repassera, mais je suis très fière de l’avoir fait », se souvient aujourd’hui Marion). Au plus fort de leur mobilisation, les manifs rassemblent des milliers de personnes : 9 000 à Brest, 8 000
« On ne pensait plus aux cours, on était focalisé sur les manifs » 24
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à Rennes, 7 000 à Quimper, 6 000 à Lorient, 5 000 à Saint-Brieuc… Des cortèges aux pancartes et slogans tout droit sortis d’un catalogue Goéland : « Le Pen de mort », « 1933-2002 », « Non au F-Haine »… Sans oublier la fameuse une de Libération scotchée sur de nombreux t-shirts : un « NON » sur fond noir avec la tête de Le Pen en bas de page.
« Ça a été une cassure » Une mobilisation quasi quotidienne qui va rythmer l’entre-deux-tours. « Pendant ces jours, on n’a plus du tout pensé aux cours, on était focalisé là-dessus, se remémore Adélaïde, alors étudiante à Villejean. C’est dans ces moments que tu te sens citoyen. » Même souvenir d’engagement pour Pierre, également à l’université à cette époque. « Un mouvement populaire de cette taille, c’était du jamais vu pour moi. Je trouvais ça beau. On sent l’émotion à fleur de peau chez chacun. C’est dans ces rares moments, comme en janvier dernier, que tu arrives presque à ressentir physiquement ce que ça veut dire de faire partie d’une même nation ».
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NATIONAL
Si pour Pierre cette élection a été un tournant dans son engagement (il est devenu militant PS), d’autres ont quant à eux tourné le dos à la politique. « Cet épisode Le Pen a été une cassure pour moi car, à force de faire uniquement des “votes utiles”, je ne vais plus voter aujourd’hui, déplore Adélaïde qui, en cas de qualification de Marine Le Pen pour le second tour en 2017, imagine une mobilisation moindre. Il y aura des manifs mais cela ne provoquera pas la même émotion qu’en 2002, tant cela semble inéluctable. » Même son de cloche pour David. « Le contexte est tout autre. À l’époque, Le Pen était considéré comme le Mal. Entre Noir Désir, les Bérus et Saez, les artistes chantaient aussi contre le FN. C’est plus trop le cas actuellement. » Un constat que Pierre applique également aux 18-25 ans actuels. « Beaucoup d’entre eux se situent désormais à l’extrême-droite sans gêne. La principale différence entre la jeunesse de 2002 et celle d’aujourd’hui ? Le rejet de l’Europe. Je suis de la dernière génération où l’Europe était plutôt vue de manière positive. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et cela fait forcément le jeu du FN. » J.M et R.D 25
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ON LES CHANTE DANS LES REPAS BIEN ARROSÉS OU DANS LES SOIRÉES ÉTUDIANTES. LES CHANSONS PAILLARDES, TOUT LE MONDE EN CONNAÎT. « LE CURÉ DE CAMARET », « LA DIGUE DU CUL »... DES CLASSIQUES QUI FONT PARTIE DE NOTRE RÉPERTOIRE. ommençons cet article par une question simple mais essentielle : une chanson paillarde, bon sang de bonsoir, qu’est-ce que c’est ? Pour Yvon Étienne, chanteur et membre des Goristes, les critères ne sont pas bien compliqués : « Une chansons paillarde, c’est forcément localisé entre les genoux et le nombril. Quand on a envie de dire “merde”, on le dit. Une chanson coquine comme Le Zizi de Pierre Perret, ça fonctionne 26
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avec des images. Ce n’est pas le cas dans le répertoire paillard. » En septembre dernier, ce grand barbu a sorti chez Coop Breizh un recueil de chansons intitulé Chansons bretonnes (très) salées. « Les gens ne connaissent pas bien les paroles des chansons paillardes. Souvent, ils ne les reprennent que partiellement, ne chantant que le refrain. On trouvait ça dommage. » Pour cet album, il a fait appel à ses potes Jean-Paul Ferre, Bob Simon, Tri Yann ou encore Gilles Servat
et a accouché de quatorze titres composés de reprises et de nouveaux morceaux. Parmi ceux-ci : Le gendarme de Redon (« Faut payer la rançon / Cent écus pour ta pine, autant pour chaque rouston »), Jean-François de Nantes (« La plus belle servante, l’emmène dans sa soupente / Et Jean-François qui bande, les couilles frémissantes »), Le curé de Camaret (« Le curé de Camaret a un troupeau de vaches / Et comme il a pas d’taureau, c’est lui qui s’tape tout l’boulot »)…
Lourdaud direz-vous ? Oui, mais pas que. Il y a tout de même un héritage, une histoire française derrière ces chants parfois graveleux. Cela fait partie de notre patrimoine culturel. Une envie de chanter des trucs salaces qui, d’ailleurs, concerne aussi un paquet de comptines. Il court, il court le furet est une contrepèterie. Au Clair de la Lune est truffé de messages sexuels. Nous n’irons plus au bois raconte en fait la fermeture des bordels sous Louis XIV. Vous y repenserez la prochaine fois avant de les entonner à vos petits neveux…
« Se donner du courage » La Bretagne, comme d’autres régions de France, a été très propice au développement du répertoire. La harpiste Elsa Ribis a même rédigé un mémoire il y a quelques années sur le sujet. « Elles ont été très véhiculées par les milieux historiquement masculins, les marins notamment. » Pour partir à Terre-Neuve pendant trois ou quatre mois sans voir un jupon, il fallait bien se remonter le moral avec 27
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les moyens du bord. Pour éviter de perdre la boule, ces chansons constituaient un défouloir. « Il y a une différence entre la manière dont on les chantait dans les milieux marins et les milieux ruraux. Les chansons des marins étaient assez dégueulasses, et servaient à se donner du courage. Celles des ruraux étaient plus reprises dans les foires, les mariages, chantées par les sonneurs... », précise Elsa Ribis qui avoue avoir pas mal galéré dans son travail de collecte : « Clairement, les chansons, on ne les trouve pas facilement. Elles sont peu écrites, peu répertoriées. J’ai dû aller à la rencontre des chanteurs pour recouper les paroles. »
« Emmerder le clergé » « Nous, on chantait ça à l’armée, quand la solitude se faisait ressentir, poursuit Jean Baron, célèbre sonneur breton qui a collaboré au disque d’Yvon Étienne. Les carabins aussi en sont friands, parce qu’ils vivaient des choses tellement dures la journée qu’il leur fallait un exutoire. » Des chants qui ont su exister malgré un clergé attentif, dans une Bretagne au fort ancrage catholique. En guise de pied de nez aux curés, certains chanteurs s’amusaient à changer quelques mots dans les chansons traditionnelles et les cantiques religieux, afin d’y glisser des sous-entendus grivois. « C’est le cas de la chanson Kanomp Nouel (Chantons Noël en breton, ndlr) dont les couplets ont été modifiés pour emmerder le clergé. »
Mais attribuer à ces chansons une rébellion contre l’Église comme seule origine serait embellir l’histoire. Pour Yvon Étienne, la raison première est on ne peut plus simple : la déconne. « Quand on est gamin, on rigole en les écoutant, en les chantant. C’est fait pour se marrer. C’est vrai que ça ne fait pas dans la dentelle, mais bon, ça fait aussi partie du vocabulaire. »
« Satan m’habite » Un répertoire fait de paroles simples, de jeux mots faciles, que tout le monde peut chanter. Un constat qui a poussé l’association Les Déferlantes, basée à Camaret dans le Finistère, à monter le Festival de la chanson paillarde qui, depuis trois éditions, se tient au mois de juin.
« C’est vulgaire certes,
mais ce n’est pas malsain » 28
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Et fait salle comble en promettant au public son lot de jurons pour l’année. « C’est vulgaire certes, mais pas malsain, prévient Benoît Ricq, membre de l’asso. Le festival est multi-générationnel, mais on doit tout de même interdire l’entrée aux moins de 18 ans à cause des textes. On doit aussi occuper un lieu clos pour préserver les oreilles chastes. » Un genre qui a toujours plu à Stéphane Corbin. Originaire de Vitré, ce chanteur a fait partie du duo Les Bi-Textuel jusqu’en 2010. Le temps de sortir quatre albums et d’écrire 51 chansons originales dont les très explicites Tout cul mérite son dû, Les couilles du roi, Tendu comme un slip d’étudiant en droit (<3), Satan m’habite, Harry tripoteur et sa braguette magique… « Mais on ne parlait pas que de cul, on causait aussi de la vie en général », tient à préciser Stéphane qui, lors de ses concerts dans les bars de la région,
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LE RAP PAILLARD ?
avait repéré que le genre plaisait autant aux filles qu’aux gars malgré des paroles parfois sexistes. « Beaucoup de chansons paillardes ont été interprétées par des femmes. C’était le cas de La Grosse bite à Dudule. » On pense aussi bien sûr à Colette Renard et à Ses Nuits d’une demoiselle en 1963 : « Que c’est bon d’être demoiselle car le soir dans mon petit lit (…) Je me fais sucer la friandise, je me fais caresser le gardon, je me fais empeser la chemise, je me fais picorer le bonbon. »
(« Ah, fous-moi donc ta bite dans le cul, et qu’on en finisse / Ah, fousmoi donc ta bite dans le cul et qu’on n’en parle plus »). Depuis, elles tournent dans toute la France avec une devise : « On nous appelle les Galant’IN. On est sept nanas très coquines. Mesdames faudra nous remercier, vos hommes on va vous les chauffer ! » Le festival de Camaret a bien pensé les faire venir, mais leur succès les rend difficile à programmer. En attendant, le festoche mise avant tout sur sa scène ouverte, encou« 400 chansons par cœur » rageant les spectateurs à prendre Cinquante ans plus tard, les héri- le micro une fois la tête d’affiche tières les plus notables se nomment passée. Benoît Ricq se souvient : les Galant’IN. Composé de sept « On a un festivalier régulier qui femmes entre 35 et 65 ans origi- doit connaître environ 400 chansons naires du Médoc, ce groupe s’est fait par cœur. Il aide les autres quand remarquer en 2012 dans l’émission ils ont un trou de mémoire. » Un La France a un incroyable talent patrimoine définitivement oral. sur M6. Devant le jury, elles avaient interprété Oh mon berger fidèle Brice Miclet
« Dans la tête des gens, Girlfriend, c’est “Paye ta chatte !”. C’est devenu une chanson paillarde. Et ça, c’est dégueulasse… Je regrette d’avoir fait ce titre. Nous on l’a fait avec des références – Détroit, afrofuturisme… – et un 42e degré, qui fait que c’était marrant pour nous. Mais il a été bien interprété par seulement trois personnes sur terre ce morceau. Pour les gens, c’est du Patrick Sébastien. » Dans une interview fleuve au site l’Abécédaire du Son, Teki Latex (photo), membre émérite du groupe de rap TTC, parle de la réception du morceau phare de la formation : Girlfriend. Et visiblement, le côté chanson paillarde, ça le branche moyen. Le fait est qu’il n’est pas tout à fait le seul à voir un de ses titres considéré ou reçu comme tel par le public. Orelsan et son titre Saint-Valentin, sur lequel on ne compte plus les ados, toutes bagues dentaires dehors, récitant la punchline « Suce ma bite pour la Saint-Valentin ». Ou encore Vald et son dernier hit Selfie. Si le rappeur d’Aulnay (lire par ailleurs page 42) s’en fout pas mal que les gens prennent juste la chose à la rigolade, Teki Latex et Orelsan, eux, ont souffert de cette incompréhension. Un phénomène particulièrement notable dans le rap français depuis Le Ministère A.M.E.R (Brigitte Femme De Flic), Doc Gyneco (Vanessa), Sultan (Ce Soir Je Te Ken) ou encore Les Sages Poètes De La Rue (Chatte Casseur). Des exemples semblables, il y en a des tas. Et si au fond, les rappeurs étaient les dignes héritiers des chansons paillardes ? Faciles à retenir, parlant de sexe explicitement, très référencés... Leurs textes remplissent tous les critères. 29
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ÉOLIENNE DOMESTIQUE, INSTALLATION THERMIQUE, MOTEUR À HUILE DE FRITURE... ALORS QU’APPROCHE À PARIS LA COP 21, LES PLUS BRICOLEURS DES ÉCOLOS SONT DÉJÀ AU TAQUET POUR DONNER L’EXEMPLE DES SYSTÈMES D DE DEMAIN. ttention c’est une étape délicate : la réunion des trois pales. Un déséquilibre d’un millimètre et l’éolienne perd en efficacité. Il me faut trois volontaires pour mesurer les écarts ! » Nous ne sommes pas dans une usine d’Alstom ni chez Areva Wind, branche du géant français de l’énergie spécialisée dans la fabrication de ces moulins à vent 2.0, mais à Belle-Île, sous une serre qui fait office d’atelier à 30
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l’occasion d’un stage de fabrication d’éoliennes domestiques. Le donneur d’ordre se nomme Laurent, membre de l’asso Tripalium, coorganisatrice d’un événement qui a réuni début octobre une quinzaine de personnes pendant cinq jours. « C’est le troisième stage de ce type qu’on met en place en Bretagne depuis 2013, présente-t-il. L’idée, c’est de construire le modèle Piggott. » Du nom de l’inventeur anglais Hugh Piggott qui a imaginé
dans les années 70 une éolienne en bois à fabriquer de A à Z à partir de matériaux de récupération, pour une empreinte écolo quasi nulle et un coût minime. « On peut s’en tirer à 350 euros le modèle le plus petit avec des pales d’un diamètre de 1,20 m et 1 500 euros pour 4,20 m d’envergure. » Dans le premier cas, l’éolienne peut produire une moyenne de 200 watts d’électricité, dans le second cas dix fois plus.
« Avec 200 watts, on peut fournir l’électricité de base d’un petit habitat type caravane. Dans le cas de l’éolienne à 2 kilowatts, ça rend autonome une maison, à condition de ne pas chauffer inutilement ou d’éviter les plaques électriques. Le but premier de ce stage d’ailleurs, c’est de faire un travail de prévention pour faire prendre conscience des bienfaits du consommer moins. » Un discours de décroissance qui passe bien auprès de la quinzaine d’apprentis bricoleurs qui, il faut bien le dire, baignent déjà dans ce milieu écolo friendly. C’est le cas de Cédric, jeune Francilien de passage dans la région pour l’occasion. « C’est pile le stage que je cherchais pour développer mes connaissances en la matière. J’ai acquis un terrain il y a quelques temps et y ai déjà bricolé un récupérateur d’eau de pluie. Maintenant l’éolienne Piggott va me permettre de produire mon électricité. » C’est l’avant-dernier jour du stage et une éolienne est en phase de finition. Les pales ont été sculptées à partir de planches de résineux (« faut bien travailler les angles pour que le vent pénètre »). Idem pour le safran, tandis que les tubes sont en métal soudé. Ne reste plus qu’à mouler dans de la résine le rotor et le stentor qui, mis à proximité, avec bobines de cuivre d’un côté et aimants de l’autre, produiront l’électricité qui peut ensuite être consommée directement ou être reliée au réseau EDF pour réduire sa facture. « Ce stage permet de passer à l’action sur du concret qui touche la vie quotidienne, estime Valérie, une des salariées d’Al’Terre Breizh, l’autre asso coorganisatrice. Les questions énergétiques sont au cœur de nos préoccupations avec la biodiversité et l’alimentation. Consommer moins, c’est un état d’esprit. » 31
PAPIER
« Je récupère de l’huile dans un kebab ou un resto chinois » Un argumentaire qui trouve son illustration sur le lieu même du stage à Belle-Île, chez Catherine et Brigitte. « C’est ce qu’on appelle un écolieu, présentent-elles, avec un jardin en permaculture (sans engrais ni aide mécanique, ndlr), un récupérateur d’eau de pluie, de la phytoépuration (traitement par le biais de plantes et de microorganismes), un chauffe-eau solaire, des toilettes sèches et une marmite norvégienne pour la cuisine (un système de cuisson autonome). » Un mode de vie qui leur permet de vivre « avec 150 euros de dépenses par mois » et de faire le moins de mal possible à la nature, ce qui est le but premier. Ce genre d’initiatives et d’inventions trouvent un écho grandissant dans les médias, à mesure qu’approche la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21), qui aura lieu du 30 no-
vembre au 11 décembre à Paris. Exemple avec la création d’un jeune ingénieur finlandais qui est parvenu à concevoir une douche capable de récupérer l’eau en temps réel pour éviter son gaspillage. Dit comme ça, ça a l’air dégueu mais l’eau est évidemment “nettoyée” avant réutilisation. Son prototype, baptisé “Showerloop”, a été présenté dans le cadre du POC 21 (pour Proof of Concept), un collectif qui s’est réuni dans les Yvelines en amont de la COP 21 pour promouvoir les solu- open source, c’est-à-dire en accès tions résilientes en matière de tran- libre sur le Net. Le manuel Piggott sition environnementale. l’est aussi d’ailleurs. « En matière d’énergie, l’éolienne reste encore « Tu pollues dix fois moins » le meilleur moyen d’en produire Ces éco-hackers ont aussi planché artisanalement », précise Catherine. sur la conception d’un groupe élec- Problème : il faut avoir un terrain trogène « propre » ou encore d’un plutôt en hauteur et pas trop abrité filtre antibactérien permettant de par les arbres, ce qui n’est évidemrendre n’importe quelle eau potable ment pas le cas partout. « Sinon quasi instantanément. Tout est en il y a le photovoltaïque mais c’est
« ON N’A JAMAIS EU SI CHAUD EN BRETAGNE » Bikini
Vincent Dubreuil, climatologue à l’Université de Rennes 2. Le réchauffement climatique s’observe-t-il en Bretagne ? Les données concernant la température moyenne à la surface de la terre montrent une hausse de 0,8 à 0,9 degré sur le dernier siècle, avec une accélération observée sur les continents des hautes latitudes de l’hémisphère nord. La Bretagne est dans ce cas : le climat s’y réchauffe un peu plus vite que la moyenne, de l’ordre de 1 degré. 32
C’est anormal ? On n’a jamais eu aussi chaud dans la région aujourd’hui que depuis deux siècles. Les conclusions du GIEC sont formelles : les températures relevées en France depuis le siècle dernier n’ont pas d’équivalents. Avec quelles conséquences ? Le niveau moyen des mers observé à Brest augmente de 2 à 3 millimètres par an,
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un phénomène qui devrait se poursuivre pour atteindre une hausse globale de 20 à 60 centimètres d’ici la fin du siècle. Dit comme ça ce n’est pas forcément très spectaculaire mais ça joue sur l’intensité des événements météorologiques exceptionnels type tempêtes, qui risquent du coup de faire plus de dégâts. Certains territoires comme l’île de Sein sont-ils menacés ? Oui, plusieurs dizaines de centimètres de hausse du niveau de la mer en quelques décennies, ça peut effectivement être une menace,
avec une accélération rapide des processus d’érosion. D’autres régions ont-elles plus de souci à se faire que nous ? La préoccupation est plus forte dans le sud-est avec une baisse globale des précipitations et, en même temps, des phénomènes pluvieux d’une forte intensité et dont la fréquence augmente. Ici on n’est pas prêt de connaître des crues telles qu’on l’a par exemple connu à Vaison-la-Romaine avec 300 millimètres de pluie en quatre heures. Le climat océanique breton joue en notre faveur.
Bikini Bikini
compliqué à concevoir soi-même. Il faut souder les cellules les unes aux autres, pour le coup faut être vraiment bricoleur. » Bricoleur, Gilles l’est. Écolo, assurément aussi. Et volontaire, même s’il reconnaît effectivement qu’il est difficile voire impossible de jouer les MacGyver s’agissant du photovoltaïque. « Il faut acheter, ça ne s’improvise pas », assure cet ancien d’Alcatel, membre du GIEC (Groupe d’initiative éco-citoyenne, un clin d’œil au vrai GIEC), asso militante basée au sud de Rennes. Entre l’éolienne très artisanale et le photovoltaïque, il a trouvé l’intermédiaire : « Des panneaux solaires thermiques, qui s’installent et s’entretiennent facilement chez soi. Ce système couplé à un poêle à granulés permet une quasi autonomie énergétique. Ces moyens de réduire son empreinte écologique sont encore largement inexplorés par le grand public car il y a le lobbying des grands groupes. Heureusement, les initiatives se multiplient. » Autre exemple à Plounéour-Ménez, dans le Finistère, où Laurent Balta-
« Je me suis fait arrêter par les douanes, l’odeur m’a piégé » zar a lancé son entreprise baptisée Éco-l’eau. « J’ai conçu un petit kit permettant d’injecter de la vapeur d’eau dans l’air dégagé par le moteur, ce qui a pour effet d’apporter un meilleur couple et donc de moins consommer. » Un fonctionnement appelé “système Pantone” (du nom de son inventeur), qui coûte 500 euros avec pose et permet une économie de carburant de 20 %. « Et c’est 100 % légal. La preuve, j’ai des agents d’assurance parmi les milliers de clients que j’ai équipés depuis cinq ans. » Plus à l’arrache, toujours dans le domaine automobile, il existe aussi la méthode de l’ajout d’huile de friture dans le diesel. Une légende ? Que nenni. « Je le fais de temps en temps quand j’arrive à récupérer de l’huile dans un kebab ou un resto chinois », témoigne Marcel, prénom d’emprunt pour ce Rennais qui préfère rester anonyme « parce qu’il y
a une ambiguïté : c’est autorisé par le droit européen mais pas par le français. Je me suis fait arrêter une fois par les douanes, l’odeur m’a piégé… Il a fallu que je leur sorte l’extrait de loi de l’UE pour éviter l’amende de 50 euros. » Gare quand même à ne pas jouer aux apprentis sorciers, le procédé nécessite de bien filtrer l’huile (« perso j’utilise un vieux jean »), de bien respecter le dosage (« je me limite à 20 %, même si a priori ça pose aucun problème de pousser jusqu’à 50 % ») et d’avoir un modèle ancien (« avant 2000 c’est bien, y a moins d’électronique ; et pas de HDI »). « Tu pollues dix fois moins car les rejets de CO2 sont diminués. Ça va pas sauver la planète mais c’est bon pour la conscience. » Un geste pour la nature vaut bien de sentir un peu la frite au volant. Régis Delanoë 33
DOSSIER
ET ON FAIT TOURNER LES MANETTES À L’OCCASION DES 30 ANS DE LA NES ET DES 20 ANS DE LA PS1, PLUSIEURS ARTISTES ET PERSONNALITÉS NOUS CONFIENT LEURS SOUVENIRS DE JEUX VIDÉO. PLAYER ONE, PRESS START. 34
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MARIE, THE 1969 CLUB
DOUCHKA
Pikachu de l’électro Première console ? PlayStation 1. Premier jeu ? Le premier Gran Turismo (photo), où graphismes d’époque rimaient avec pixels... Meilleur jeu ? Resident Evil 2 ou Metal Gear Solid 1. J’ai fini ces deux jeux une dizaine de fois. Gameplay incroyable, scénarios redoutables, B.O sublimes… Héros préféré ? Solid Snake de Metal Gear. Rien que pour toutes les insultes que j’ai pu apprendre grâce à lui dans ma jeunesse. Le jeu que tu n’as jamais réussi à finir ? Pokemon. J’avais la version rouge sur Game Boy Color. Je n’ai jamais réussi à tous les attraper et il fallait en échanger certains avec tes potes pour les faire évoluer, comme ce sacré Gravalanch.
KRISMENN
Bomberman du rap breton Première console ? Ma mère n’en voulait pas à la maison, alors je jouais chez les copains. Premier jeu ? Prince of Persia. Meilleur jeu ? Zelda. Héros préféré ? Chun-Li dans Street Fighter 2, première combattante féminine. Musique de jeu préférée ? Mario, quand il entre dans les tunnels. Meilleur jeu entre potes ? Street Fighter. Le 18 décembre à l’Espace Glenmor à Carhaix
Musique de jeu préférée ? La B.O de Tony Hawk Pro Skater 2 avec Public Enemy, Anthrax, Rage Against the Machine… Meilleur jeu pour jouer entre potes ? Worms World Party. Les parties sont courtes et drôles. Et aujourd’hui ? Je ne joue plus vraiment mais, une à deux fois par an, je ressors la PlayStation.
Princesse Peach du rock stoner Première console ? Une Sega récupérée dans la chambre de mon parrain. Premier jeu ? Alex Kidd forcément puisqu’il était livré avec. Meilleur jeu ? Crash Team Racing. J’avais débloqué le personnage bleu complément zinzin. Le 17 décembre au 1988 à Rennes Héros préféré ? Lara Croft. et le 19 décembre à Capsule à Lamballe Le jeu que tu n’as jamais réussi à finir ? Silent Hill. Et aujourd’hui ? Je n’y joue plus depuis bien des années.
ROMAIN DANZÉ
BRUCE GRANNEC
Boss de fin à Fifa 2014 Première console ? Game Boy. Meilleur jeu ? Zelda : A Link to the Past. Le jeu que j’ai fini le plus de fois dans ma vie. Le jeu que tu n’as jamais réussi à finir ? Metroid sur Nes. Les jeux étaient très durs à l’époque. Meilleur jeu entre potes ? Fifa ou Street Fighter. Le plaisir y est immédiat. Ça chambre un peu, ça met de l’ambiance. Et aujourd’hui ? Mis à part Fifa bien sûr, pas mal de blockbusters : Uncharted, Batman, Metal Gear...
Link du Stade Rennais Première console ? La Nes. Premier jeu ? Super Mario Bros. Meilleur jeu ? Fifa, que j’ai découvert sur Mega Drive. J’achète le nouveau tous les ans. Le jeu que tu n’as jamais réussi à finir ? Le jeu sans fin qui rend accro, c’est Football Manager. Je suis un gros fan depuis l’époque où ça s’appelait Championship Manager. Si j’ai fait gagner Rennes ? Ah ah ! Plein de fois ouais, en trichant un peu ! Musique de jeu préférée ? Le générique des jeux EA Sports, « tsineugame », c’est magique. Meilleur jeu entre potes ? Mario Kart sur Nintendo DS. À une époque dans l’équipe, on y jouait beaucoup dans l’avion lors des déplacements, on peut connecter jusqu’à huit joueurs. 35
DOSSIER
TOTORRO
Tortues ninja du post-rock Première console ? Une Game Boy transparente, un bel objet même si on n’y voyait pas grand chose. Meilleur jeu ? Zelda : Ocarina of Time sur N64. La première fois que je jouais à un jeu en 3D avec autant de liberté. L’univers était immense.
ÉDITH PRESLEY
Lara Croft DJette Première console ? La Nes. Cadeau de la mère pour la fratrie. Premier jeu ? Super Mario Bros. Avec mes frangins, on achetait même des magazines pour avoir des tuyaux. Il fallait le finir ! Meilleur jeu ? Tetris sur Game Boy. J’y ai passé un temps dingue. Ce sont des sorciers ceux qui ont créé ce jeu je pense.
LES GÉRARDS
Héros préféré ? Solid Snake dans Metal Gear Solid. Il me fait penser à Stallone. Du côté des héroïnes, Lara Croft, mais c’est pas super original. Globalement ça manque de filles dans les jeux vidéo... c’est comme dans le rock finalement. Et aujourd’hui ? J’hésite à me prendre une 3DS pour me lancer dans le dernier Pokemon mais j’ai peur de le regretter.
Lapins crétins du stickers Première console ? Game Boy. Premier jeu ? Super Mario Land. Meilleur jeu ? Monkey Island ou comment passer six mois à trouver comment ouvrir cette foutue tête de singe. Héros préféré ? Mr. Nutz : il casse des noisettes avec sa queue. Le jeu que tu n’as jamais réussi à Le 4 décembre finir ? Tomb Raider parce qu’il aux Trans Musicales de Rennes est difficile de rester concentré. Musique de jeu préférée ? Le thème Bubble Bobble (photo). Meilleur jeu entre potes ? Héros préféré ? Sonic, parce qu’il Age Of Empires II ressemble à un punk ! pour le plaisir d’envoyer 50 curés Meilleur jeu entre potes ? dans le village de Gérard. Just Dance sur Wii. De bons fous rires quand tu mets ça en fiesta à 3 h du mat. Un des seuls moments où tu peux sélectionner Beyonce sans te faire chambrer : je dis oui.
MENTHOL
Mario et Luigi de la cold-pop Première console ? La Nes ! Pour le Noël de mes 9 ans. Premier jeu ? Duck Hunt : c’était fou de tirer sur la télé avec un pistolet. Meilleur jeu ? Konami Hyper Soccer. J’étais accro. Je démarrais des tournois de foot le matin et les finissais le soir. J’en avais des brûlures au pouce gauche. Héros préféré ? Batman, le seul 36
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héros bien dark sans super pouvoir. J’adorais le jeu dont l’univers était super proche du premier film de Tim Burton. Le jeu que tu n’as jamais fini ? Maniac Mansion. Il m’a toujours manqué le code pour ouvrir une porte, frustration ultime. Meilleur jeu entre potes ? Super Spike V’Ball, un jeu de beach volley. Avec des copains,
on faisait des tournois. Maxi jouissance quand on smashait suffisamment fort pour faire apparaître le fameux “KABOOM !”. Et aujourd’hui ? Je ne joue presque plus à la console. À défaut j’ai installé quelques émulations de vieux jeux sur mon iPhone, comme le jeu d’arcade NBA Jam. Le 13 novembre à L’Antipode à Rennes et le 19 décembre à Capsule à Lamballe
GÉRARD BASTE
Donkey Kong du rap golri Première console ? Une vieille des années 70 avec Pong dessus. Premier jeu ? En salles d’arcade : Shinobi, Karate Champ... Meilleur jeu ? Shenmue, un jeu où un jeune Jap’ recherche les meurtriers de son père. L’ambiance banlieue japonaise des années 80, ça me rend fou ! Je le refais tous les deux ans, comme un pèlerinage à Yokosuka. Héros préféré ? J’ai un peu honte mais c’est Lara Croft. Musique de jeu préférée ? Sans hésitation Zelda, et plus précisément Ocarina of Time (photo). J’ai souvenir de m’endormir sur l’écran, avec la mélodie qui tourne en boucle. Et aujourd’hui ? Je joue toujours énormément : Assassin’s Creed, GTA... Le retrogaming ? Je déteste. En tout cas, rien avant la N64. C’est comme si on te proposait d’être puceau à nouveau ! Je joue aussi beaucoup avec mon téléphone à des “point & click”, type objets cachés. Mon péché mignon pour les transports en commun. Mais aujourd’hui, la majeure partie de mon temps consiste à torcher tous les jeux vidéo Lego avec mon fils qui a presque 5 ans et qui s’appelle… Mario !
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DOSSIER
THE LAST MORNING SOUNDTRACK
Flappy Bird de la pop-folk Première console ? Mega Drive. Premier jeu ? Mega Games, une compil offerte avec la console qui comprenait un horrible jeu de foot avec une vue du dessus. Meilleur jeu ? Aladdin. Musique de jeu préférée ? Celle de Tony Hawk Pro Skater 2.
KAVIAR SPECIAL
Dragon Quest Heroes du garage Meilleur jeu ? Metal Gear Solid. Le meilleur gameplay de l’histoire ! Le pire moment c’est à la fin du 3, Snake Eater, le combat contre ton mentor où on te dit d’appuyer sur un bouton pour le tuer ! T’as envie de chialer. Héros préféré ? Le mec de Final Fantasy 8. J’ai oublié son nom mais il a une ÉPÉE FUSIL ! J’en ai voulu une pendant longtemps. Musique de jeu préférée ? Rock Band Beatles. Meilleur jeu entre potes ? Fifa, pour foutre des branlées. Et aujourd’hui ? Ça reste un des meilleurs moyens de se détendre. J’aimerais retrouver une PS1 avec Fifa 2000 et Worms Armageddon, là ce serait l’éclate. Le 20 novembre à L’Échonova à Saint-Avé, le 28 novembre à La Nouvelle Vague à Saint-Malo et le 4 décembre aux Trans Musicales 38
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JESSICA 93
Et aujourd’hui ? J’ai téléchargé il y a quelques mois un émulateur de jeux rétro. C’était à l’époque où j’enregistrais mon dernier album. J’ai perdu beaucoup, beaucoup de temps. Alors j’ai tout désinstallé… et j’ai terminé mon disque.
Dark Knight du shoegaze Première console ? Master System de Sega. Je l’ai eue vers mes 12-13 ans après avoir fait chier ma mère comme pas possible. Meilleur jeu ? Super Probotector Le 11 novembre sur Super Nes. J’ai passé des aprèsaux Indisciplinées à Port-Louis midis entières à sauver la planète et 13 décembre à L’Antipode à Rennes de l’invasion extraterrestre. Ce jeu avait un gameplay à deux qui était mortel : un pouvait foncer dans le tas tandis que l’autre restait en arrière pour le couvrir. SETH Musique de jeu préférée ? J’aime GUEKO beaucoup certains thèmes de Street Fighter, celui de Guile par exemple. Je peux l’écouter trois Duke Nukem du rap forain heures d’affilée sans problème. Première console ? La Game Boy, Meilleur jeu entre potes ? pour mon entrée au collège. Je garde un bon souvenir Premier jeu ? Tetris. Toujours hanté de GoldenEye sur N64. C’était par sa musique de psychopathe. les prémices de Call of Duty et Meilleur jeu ? Resident Evil 1. ça permettait de jouer à quatre Je suis fan de zombies… sur le même écran. On se tapait Le jeu que tu n’as jamais fini ? des barres pas possibles là-dessus. J’ai toujours réussi à finir mes Et aujourd’hui ? En plus de mes jeux. Du level easy au mode hard. anciennes consoles, j’ai une PS3. Musique de jeu préférée ? Je ne suis pas réac, je ne suis pas Celle de Castlevania. Elle me fait du genre à dire que c’était mieux penser à un film d’horreur. avant. En ce moment, j’essaie Meilleur jeu entre potes ? de débloquer toutes les armes On s’éclate bien avec Mario Kart. sur Battlefield 4 (photo). Parties courtes donc plus facile d’essuyer une défaite… Et aujourd’hui ? J’ai toutes les consoles, de la Wii à la dernière PlayStation. Je te cache pas aussi que Candy Crush m’aide bien lors de mes longs vols réguliers entre Paris et Phuket. Mais ça, ne le dis à personne... Professeur punchline, sortie le 6 novembre
JEU D’ARCADE : GAME OVER ?
Vous vous souvenez dans Retour vers le futur II quand Marty, alors en 2015, essaie d’impressionner deux gamins sur une borne d’arcade ? Il se prenait un méchant bide face à ces deux morveux insensibles au charme du Wild Gunman. La prédiction du réalisateur Robert Zemeckis était donc vraie : dans les années 2000, tout le monde s’en tape globalement des jeux d’arcade. « Disons plutôt que le public a changé, tempère Pierre Hénin, patron de la salle Luna Park à Carnac où il dispose d’une cinquantaine de bornes. Nos clients sont composés à 90 % de familles qui viennent chercher un moment de loisir. Nous n’avons plus affaire à un public de gamers comme c’était le cas dans les années 80. » La faute aux consoles de salon qui ont permis d’avoir à domicile des bécanes ultra-performantes. Résultat : en Bretagne, on ne compte plus qu’une poignée de salles (hors bowlings et cinémas qui disposent parfois de bornes). Pour Johan Langlais, de Level Up à Saint-Cast-LeGuildo, les bornes seules ne suffisent même plus. « On est obligé d’avoir des consoles nouvelle génération et les dernières sorties pour attirer du monde. » Ce qui ne démotive pas le boss du Luna Park qui souhaite s’inspirer de concepts ricains, « comme Dave & Buster’s, une chaîne de salles où on peut jouer, manger, boire et regarder des matchs. Pour satisfaire tous les membres d’une famille. Ou plus branché, Barcade : une chaîne de bars 100 % arcade qui ne servent que des bières de microbrasseries. » 39
RDV
PLAISIR SALUTAIRE DÉJÀ VU DANS LES GROUPES RHUM FOR PAULINE ET PÉGASE, LE NANTAIS ROMAIN LALLEMENT DÉBARQUE CETTE ANNÉE AVEC SON PROJET PERSO LEN PARROT. UNE VIRÉE EN SOLO CATHARTIQUE POUR UNE ÉCHAPPÉE « FROIDE ET ÉPURÉE ». a tête du garçon ne nous était pas étrangère. Repéré au sein du groupe nantais Rhum For Pauline (qu’il a cofondé en 2007 et dont il est toujours membre) et sur scène au côté de son pote Pégase, Romain Lallement fait désormais partie des visages connus des zikos de l’ouest. Après avoir été toujours bien entouré, voilà qu’il déboule aujourd’hui pour une échappée en solo sous le nom de Len Parrot. « Ce projet perso est né en 2012 suite au départ d’un des gars de Rhum For Pauline avec qui j’avais monté le groupe. Cet épisode 40
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m’a pas mal perturbé. Cela a aussi coïncidé avec une période où Rhum For Pauline opérait un virage artistique. J’avais donc besoin de faire le point. » Une transition, « une remise à plat » que Romain va vivre sur les routes lors de la tournée de Pégase qu’il intègre comme claviériste. Une aventure qu’il partage avec Émile et Thibaud, ses acolytes de Rhum For Pauline. « Ça nous a fait du bien de nous retrouver sur scène pour jouer les morceaux de quelqu’un d’autre. Ça nous a permis d’éviter le clash tout en prenant plaisir à travailler ensemble. »
Une tournée dense (« en 2014, on a dû faire pas loin de 40 dates ») qui l’a empêché de trop gamberger avant, enfin, de se remettre en selle. « Quand j’ai recommencé à écrire dans mon coin, c’était quelque chose de cathartique, mon écriture était thérapeutique. Je le faisais sans filet, sans barrière. » Naissent alors de nouveaux textes, de nouvelles mélodies, de nouvelles esthétiques qui constituent la genèse de Len Parrot. Une orientation nouvelle pour Romain qui évoque « un groove froid et épuré », une pop indé minimaliste, influencée par
Broadcast, Stereolab et Baxter Dury à qui il fera un clin d’œil au moment de choisir son nom de scène. « J’ai énormément écouté son premier album Len Parrot’s Memorial Lift. Un disque dépressif, froid, en voix de tête. Il vient de nulle part et ne ressemble en rien à ses autres opus. » Une mélancolie, une nostalgie que l’on retrouve sur son EP Aquoibonisme, sorti début 2015, et dont on vous conseille les titres Les Yeux en cavale et Inner Place pour vous faire une idée. Un disque qu’il défendra sur scène cet automne, également marqué par la sortie du premier album de Rhum For Pauline, avec qui Romain a retrouvé l’envie. En attendant une émancipation totale de Len Parrot ? Bien au contraire. « Être corps et âme à Rhum For Pauline a failli me causer un passage à vide. Avoir un projet parallèle me permet de continuer l’aventure avec sérénité. » Julien Marchand Le 12 novembre à L’Ubu à Rennes, le 15 novembre aux Indisciplinées à Port-Louis, le 5 décembre aux Trans Musicales de Rennes 41
RDV
VOYAGE EN ABSURDIE AVEC SES TITRES « BONJOUR » ET « SELFIE », VALD EST EN TRAIN DE RATISSER LARGE CÔTÉ RAP. DANS UN DÉLIRE DÉCALÉ, TRASH, MAIS EXTRÊMEMENT MALIN, SON ALBUM EST BIEN PARTI POUR ÊTRE UN DES GROS CARTONS DE LA FIN D’ANNÉE.
Libitum
e prenez pas Vald pour un rigolo. Certes, ses textes font sourire, mais le bonhomme est loin de l’image qu’il renvoie parfois. Acerbe, lunaire et vif d’esprit, un peu comme ce titre, Bonjour, qui l’a révélé avant l’été. On se marre, mais ça n’a rien à voir avec du rap golri se défend l’intéressé. « Je fais des sons bizarres mais j’ai aussi plein de prods bien lourdes. J’ose espérer que le public a vu les autres morceaux. C’est pas compliqué : c’est dans la colonne de droite sur YouTube », glisse le garçon un brin taquin. Son album NQNT2, sorti le mois dernier, a bénéficié du teasing parfait. Le carton de Bonjour, a été suivi d’un joli buzz autour du morceau Selfie. Un titre qui raconte l’histoire de cette fille câline en public, bien cochonne en privé. Vald en a tiré trois clips : un soft où un couple (composé des pornstars Nikita Bellucci et Ian Scott) se promène dans la rue, un moins soft, puis carrément un porno publié sur Pornhub. De quoi assurer le service après-vente sur les réseaux sociaux. À montrer dans toutes les écoles de com’. 42
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En évoquant Selfie, le rappeur originaire d’Aulnay dans le 93 raconte : « Je voulais que ça marche, mais ça reste surprenant le succès de ce morceau. À la base, c’est une idée à la con… Je voulais faire criser tout le monde, faire croire que j’étais devenu une souille de l’industrie. Mais tout le monde a dit que c’était génial », se marre ce garçon de 23 ans, aux faux airs de Seth Gueko. Vald passe aussi parfois pour un rappeur intello, un incompris. Lorsqu’on écoute ses autres titres, on se dit qu’il l’a bien cherché : dans ses textes, c’est l’absurde qui prime. « Ça vient de mon refus de la réalité. Je refuse de me battre et d’y vivre. Il y a trop de questions : qu’estce qu’on fout là ? Pourquoi ? Y a quelqu’un derrière tout ça ? Pourquoi on continue ? Pourquoi on est obligé de faire de l’argent ? Tout ceci est très bizarre quand on y pense. » Ah oui, Vald est aussi un peu perché. Brice Miclet Le 20 novembre à L’Antipode à Rennes
Antoine Besse
LE SKATE RURAL
LE RÉAL ANTOINE BESSE A SUIVI UNE BANDE DE JEUNES RIDERS À LA CAMPAGNE. RAFRAÎCHISSANT. Non, les vidéos de skate ne se résument pas qu’à des enchaînements de tricks dans des spots parfaitement lisses. Entre routes boueuses, corps de ferme et sousbois humides, la planche à roulettes s’est aussi fait une place à la campagne. Une réalité méconnue mise en lumière par le réalisateur Antoine Besse qui, l’an passé, a sorti le court métrage Le Skate moderne. Un film, mi-docu mi-fiction, qui raconte le quotidien de jeunes skaters hardcore en Dordogne. « On parle tout le temps de cultures urbaines mais jamais de la façon dont elles s’exportent. Cela m’intéressait de montrer un phénomène que beaucoup ignorent. Avec le maximum d’authenticité. Je suis originaire du coin, ce sont des potes : ils n’ont pas hésité à se livrer », explique le réalisateur de 25 ans qui – forcément – cite La Vie moderne de Raymond Depardon comme référence. « Il a sublimé la campagne. » Une veine poursuivie par Antoine en conjuguant esthétique léchée et aspérités du cru. Une démarche et un état d’esprit que le garçon a de nouveau défendus dans Courbes, un documentaire de 52 minutes. Le pitch ? Deux générations de surfeurs perdus dans les Landes, amoureux de leurs planches et de leur liberté. Le 12 novembre au Festival européen du film court de Brest 43
JJ Weiss
A. Fonteray
Jean-Louis Fernandez
A. Fonteray
RDV
INSTALLÉ À LORIENT, LE CENTRE DRAMATIQUE DE BRETAGNE S’APPRÊTE À FÊTER SES 20 ANS. UN ANNIVERSAIRE QUI MARQUE ÉGALEMENT LA DERNIÈRE SAISON DE SON DIRECTEUR ÉRIC VIGNER. L’OCCASION D’UN REWIND. NOM DE ZEUS ! uand vous êtes arrivé en 1996 au Centre dramatique de Bretagne (CDDB), comment se portait le théâtre lorientais ? Il s’agissait d’un centre dramatique régional. Il y avait peu de public, peu de budget : nous étions loin du Théâtre de Lorient tel qu’on le connaît aujourd’hui. La politique artistique que j’ai mise en place, c’était de découvrir, de produire et d’accompagner les artistes de demain. On en a fait un outil pour la création. Cela a été la colonne vertébrale pendant ces vingt ans : produire des premiers textes et des premières mises en scène. Et ainsi nourrir le réseau du théâtre fran44
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çais. Que Lorient soit une sorte de pépinière. En tout, nous avons créé plus de 70 pièces : Brancusi contre États-Unis, Le Colonel des Zouaves, Où boivent les vaches… Est-ce que Lorient était une ville de théâtre il y a vingt ans ? Non. Le rayonnement du Quai Ouest – avant de s’appeler le CDDB – n’avait pas vocation à dépasser les frontières de la Bretagne. Aujourd’hui, cela est différent. C’est devenu en 2002 un centre dramatique national et Lorient existe sur la carte. C’est une belle réussite d’être identifié comme un endroit créatif, moderne, tourné vers la création contemporaine. On est quand même dans une “petite”
ville de 60 000 habitants, loin de Paris, mais on a su développer le projet qu’on avait imaginé. Quelles ont été les dates clés de ce développement ? Il y a eu plusieurs étapes. La dernière, parmi les plus importantes, a été d’unir le théâtre municipal et le centre dramatique national en 2011. Et donc d’avoir une seule programmation avec, à l’année, 50 spectacles et 150 représentations. Nous essayons d’être les plus exigeants sur la qualité des créations proposées et des artistes invités. Vigilants sur l’éclectisme aussi : il n’y a pas un théâtre mais plusieurs et il faut prendre le meilleur dans chaque catégorie.
Quelle a été la relation avec Rennes et le TNB ? Nous n’avons pas eu beaucoup d’échanges avec le Théâtre national de Bretagne (TNB). Il y a eu une sorte d’absence de représentation du travail du centre dramatique national pendant vingt ans. Sauf dernièrement avec ma pièce Tristan, mais c’était unique. Nous avons une présence à Paris, ainsi que sur le territoire national et international, mais pas à Rennes. En Bretagne, nous avons en revanche des liens réguliers avec Brest, Quimper et Saint-Brieuc. À Lorient et Rennes, les choix artistiques n’ont pas été les mêmes. L’actuel directeur du TNB n’a pas œuvré dans la même direction, n’a pas travaillé à l’avenir et au renouvellement des générations. Il s’agit de deux politiques différentes. Au cours de son développement, le CDDB a-t-il joué un rôle de locomotive pour la pratique amateur à Lorient ? Il y a une très ancienne tradition du théâtre amateur en Bretagne. Je ne pense donc pas que le CDDB a été moteur pour la pratique amateur qui était déjà tout à fait établie. En revanche, il a un rôle sur les actions en direction de la jeunesse et du théâtre scolaire, cela fait partie de ses missions. Notre travail de terrain est d’apporter le théâtre aux jeunes générations et, par cet art, leur faire accéder à la littérature, à la philosophie, à une façon de penser afin de devenir des citoyens responsables. Le théâtre est un complément de l’école car il permet d’éduquer les consciences. C’est pour ça que c’est de l’argent public. Recueilli par Julien Marchand Vingt ans après l’avoir créée, Éric Vigner remonte L’Illusion Comique du 9 au 14 décembre au Théâtre de Lorient 45
RDV
TÉMOIN DE PASSAGES LE CHAOS EN SYRIE, LA FOLLE PERCÉE DES TARÉS DE DAESH, L’AFFLUX SANS PRÉCÉDENT DE RÉFUGIÉS… DEPUIS ISTANBUL, HAKAN GÜNDAY ASSISTE AUX PREMIÈRES LOGES À CES PHÉNOMÈNES. ET ESSAIE DE LES COMPRENDRE.
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Ces mouvements de population dont il traite en filigrane dans ses écrits seraient si irrémédiables qu’il est, selon lui, vain d’essayer de les contenir. « Les frontières ne veulent plus dire grand-chose. Un grand pays comme la Syrie a disparu en quelques années », situe-t-il, avant de réagir sur les événements récents : « Mettre des murs en croyant se protéger est illusoire. La planète est une maison qui brûle. Vous croyez que vous enfermer dans votre chambre
va vous sauver ? Et puis, l’Occident est grandement responsable du chaos actuel, c’est donc à lui prioritairement de s’occuper des victimes, accueillir, mieux partager les richesses… Rester inactif ne fait que retarder les choses. Si ce n’est pas nous qui le ferons, ce seront nos enfants ou nos petits enfants. » R.D Le 7 novembre aux Champs Libres à Rennes dans le cadre d’Un Automne littéraire
DR
vec huit livres parus en quinze ans de carrière, Hakan Günday, 38 ans, est l’une des figures actuelles de la littérature turque. Trois de ses bouquins sont déjà parus en France aux éditions Galaade : D’un Extrême à l’autre, Ziyan et Encore. Sorti cette année, cet ouvrage nous plonge au cœur d’un réseau de trafic de clandestins. Terriblement d’actualité. Son inspiration majeure ? Les mouvements actuels, massifs et violents de population auxquels il assiste depuis chez lui à Istanbul, comme si la mondialisation sauvage des produits, constatée depuis quelques décennies, avait précédé celle des hommes ces derniers temps. « En l’espace de deux ans et demi, la Turquie a accueilli 2,5 millions de Syriens, pose-t-il. Vous vous rendez compte de ce que ça représente ? Au début, il y a eu des réactions parfois violentes des Turcs par rapport à cette situation mais il faut prendre la problématique telle qu’elle est : ces gens n’ont plus de pays, il faut bien qu’ils aillent quelque part. Et d’ailleurs ici, la population s’aperçoit qu’ils essaient de recommencer leur vie le plus vite possible, de trouver un travail, de scolariser les enfants… Alors c’est mieux accepté. »
Steyt Pena
MIGRANT MUSICAL
LES MUSICIENS MÉCONNUS EN FRANCE MAIS HEUREUX À L’ÉTRANGER SONT LÉGION. EXEMPLE AVEC DÉBRUIT. Les cas de ces artistes qui cartonnent plus à l’étranger que dans leur propre pays ont toujours ponctué l’histoire musicale française. Dans ce club des groupes bons à l’export, aux côtés de Phoenix, Tahiti 80 et M83, figure Xavier Thomas. Un producteur électro de 34 ans originaire de Carhaix qui, sous le patronyme de Débruit, a lui aussi appris que nul n’est prophète en son pays. « Quand mon EP est sorti en 2009, on était en pleine période french électro clubbing. Ma musique pouvant sembler plus expérimentale, ça n’a pas trop tilté. Heureusement, ça a mieux accroché aux USA et en Allemagne... » Sur son CV cette année, de jolies dates (Dour, Sonar) ainsi que la sortie d’Outside The Line, un disque de « cold wave africaine ». Un voyage de plus pour cet ambassadeur de l’électro-world qui, pour sa prochaine destination, met le cap vers la Turquie. Début janvier, il sortira un nouvel album enregistré à Istanbul. « Il y a là-bas une tradition de la musique psychédélique qui m’a beaucoup attiré. » Un projet qu’il espère enfin défendre en France ? « Si cela me frustrait au début, je ne me pose plus la question. Ma musique est instrumentale, il n’y a pas de raison qu’elle soit liée à un territoire. » Le 18 décembre à l’Espace Glenmor à Carhaix 47
VTS
LES DECOUVERTES ARCHEOLOGIQUES CES DERNIERS TEMPS, LES CHANTIERS ARCHÉOLOGIQUES DANS LA RÉGION ONT PERMIS DE DÉCELER DE SACRÉS TRÉSORS. MAISONS VIEILLES DE 6 000 ANS, MONNAIE ANGLAISE ET CORPS MOMIFIÉ : MICHEL BAILLIEU DE L’INRAP (INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES) REVIENT SUR LES DÉCOUVERTES RÉCENTES DANS LE SOL BRETON.
CARHAIX : UNE CITÉ ANTIQUE Qu’a-t-on découvert ? Il a fallu une quinzaine d’années de recherche pour révéler les contours de Vorgium, la cité antique qui existe aujourd’hui sous le nom de Carhaix. Achevés il y a peu, les travaux « ont permis de déduire que Vorgium a été une cité prospère entre sa mise en place vers - 10 avant JC et le début du 4e siècle ». La raison du succès ? « Les ressources naturelles alentours avec des minerais d’or et d’étain notamment. » En quoi c’est exceptionnel ? D’après les archéologues, Carhaix/Vorgium aurait été la plus grande ville bretonne de l’époque gallo-romaine.
« Pour le confirmer, il faudrait trouver le théâtre antique, car c’était à l’époque un lieu pour accueillir un maximum de population. » Certaines
estimations laissent néanmoins penser que la ville, du temps de sa splendeur, aurait compté entre 5 000 et 20 000 habitants.
LANNION : UN HABITAT DU NÉOLITHIQUE
Laurent Juhel, Inrap
Qu’a-t-on découvert ? Un habitat groupé du Néolithique moyen, estimé entre 4200 et 4000 ans avant JC. « C’est la période d’installation des premiers agriculteurs. Les constructions étant en bois, ce qu’il en reste est le négatif de ces installations : trous de poteaux, fosses de rejet… On a aussi trouvé des objets 48
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du quotidien : céramique, meules, silex… » En quoi c’est exceptionnel ? « Il s’agit du site néolithique le plus à l’ouest jamais trouvé en France. On va donc pouvoir comparer avec les habitats de ce type découverts ailleurs pour voir s’il y avait ou pas déjà une culture commune. »
RENNES : UN ANCIEN HÔPITAL
Hervé Paitier, Inrap
Qu’a-t-on découvert ? Entamées lors de la construction de la première ligne du métro, les fouilles de la place SainteAnne se sont poursuivies avec le projet de seconde ligne pour confirmer la présence sur place d’un hôpital médiéval du 14e, 15e siècle. « Ce chantier a permis de travailler sur une partie de la nécropole de l’hôpital, avec les restes de plus d’une centaine de corps retrouvés. Avec les conditions d’hygiène de l’époque, il fallait enterrer les morts au plus vite. »
En quoi c’est exceptionnel ? « Ces corps vont pouvoir être comparés avec ceux de la même époque découverts encore plus récemment dans le couvent des Jacobins voisin. Ainsi, les historiens vont pouvoir mener une étude sociologique sur les modes de vie de l’époque. » Étant entendu que les cadavres de la place Saint-Anne sont ceux des « petites gens » quand ceux du couvent sont issus de l’aristocratie et de la bourgeoisie de la ville.
BREST : DES PIÈCES ANGLAISES DU 14E SIECLE pouvoir le mettre en lien directement avec une activité économique, comme c’est le cas ici. « De plus, la céramique contenait des pièces anglaises du 14e siècle (à l’effigie d’Edouard III), ce qui intrigue les historiens. Elles peuvent renvoyer à la Guerre de Cent ans qui fait rage à l’époque et concerner le passage dans la région d’une troupe militaire anglaise, mais ça reste une hypothèse. »
Sandrine Lalain, Inrap
Qu’a-t-on découvert ? Des fouilles menées l’an dernier au lieu-dit Spernot-Messioual à Brest ont révélé une importante zone artisanale qui aurait été active entre le 14e et le 16e siècle. « Parmi les objets découverts, il y avait une céramique contenant une centaine de pièces de monnaie. » En quoi c’est exceptionnel ? Si la découverte d’un dépôt monétaire est assez fréquente, il est plus rare de
Rozenn Colleter, Inrap
RENNES : DES SARCOPHAGES Qu’a-t-on découvert ? Cinq sarcophages en plomb du 17e siècle ont été déterrés sur les lieux du futur centre des congrès, au niveau de la place Sainte-Anne. À l’intérieur, on a pu identifier une personne : « Louise de Quengo, une notable enterrée avec le cœur de son mari embaumé dans une pièce de bronze en forme de cœur. » En quoi c’est exceptionnel ? Le sarcophage ayant été tout ce temps hermétiquement fermé, c’est dans un état de momie que Louise de Quengo a été retrouvée. « Son corps comme ses habits sont dans un état exceptionnel pour l’époque. Il n’y a pas d’autres équivalents en dehors des corps qu’on peut découvrir en Sibérie avec la conservation par le froid. » Une découverte jugée « d’intérêt national ». 49
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AGENDA
Jason McDonald
Marc Coudrais
DR
Raphael Neal
RECOMMANDE
BAGARRE
BOIRE
7 PLEASURES
ALBERT HAMMOND JR
Joli merdier que ce groupe protéiforme dont il est impossible de décrire le style. Techno ? Oui. Chanson française ? Oui. Pop ? Oui. Hip-Hop ? Oui. « De la musique de club », résume sobrement le quintet signé sur le label Entreprise (Grand Blanc…). Pour vous faire une idée, écoutez leur efficace et entêtant single Le Gouffre.
Et glou, et glou, et glou. Depuis la mi-octobre et jusqu’au printemps prochain, le Musée de Bretagne à Rennes propose une expo au titre explicite : Boire. Avec une large déclinaison des thèmes proposés : l’approche scientifique, médicale, historique, sociologique et plaisir aussi, évidemment.
À la prog’ du festival Mettre en Scène, une bonne grosse curiosité : la première représentation en France de 7 Pleasures de la Danoise Mette Ingvartsen. Le pitch : douze interprètes évoluent nus et questionnent le spectateur sur le rapport au corps et au contact physique. Pour public averti.
Il paraît que les Strokes vont encore se reformer. Sauf qu’avec ces cocos-là, difficile d’en être sûr. Mieux vaut donc se concentrer sur l’échappée solo du plus talentueux de la bande : Albert Hammond Jr, auteur cet été d’un troisième album tout mignon qu’il vient présenter au festival automnal lorientais.
AGORIA
MARION MOTIN
H-BURNS
SCHLAASSS
Cofondateur du label InFiné, le DJ et producteur lyonnais Agoria fait partie des figures incontestées de la scène électro française. En attendant la sortie de son prochain album calé pour l’an prochain, le garçon fait une halte dans la région dans le cadre du festival Culture Bar-Bars.
La chorégraphe, qui a bossé avec Madonna, Stromae et Christine and the Queens (personne n’est parfait, non ?), propose une version exclusive de la pièce In The Middle. Une création imaginée avec les Swaggers, un crew 100 % meufs, défenseur d’un hip-hop 2.0 loin des codes du genre.
Grosse actu pour le très bon Renaud Brustlein qui a dévoilé il y a quelques semaines le premier album de son nouveau projet, 51 Black Super (revival grunge nineties), tout en continuant à tourner sous le patronyme de H-Burns. Fans de rock indé ricain, c’est votre homme.
Derrière ce patronyme pas très heureux, se cache un duo stéphanois, sorte d’hybride entre Die Antwoord et Stupeflip. Une jolie pioche de la part des Bars en Trans qui, pour son édition 2015, invite également Bon Voyage Organisation, We Are Match, Gordon, Mazarin...
Au TNB à Rennes Du 12 au 14 novembre
Aux Indisciplinées à Lorient Le 14 novembre
Au 1988 Live Club à Rennes Le 28 novembre
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DR
Aux Champs Libres à Rennes Jusqu’au 30 avril
DR
À La Carène à Brest Le 21 novembre
Au Triangle à Rennes Les 4 et 5 décembre
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Le 4 novembre au Vauban à Brest Le 7 novembre aux Sons d’Automne
Dans les troquets de Rennes Du 3 au 5 décembre