AVRIL-MAI 2016 #26
TEASING
À découvrir dans ce numéro... «À VENDRE REMORQUE DE FUMIER»
CANETTE COLD CASE
OBAMA ESCALADE
«PREMIÈRE PARTIE DE DANY BRILLANT»
RADIO BONHEUR
MANIFS SPERME
OUESSANT
BAGARRE
« PA S D E P R O B L È M E AV E C L E S F L I C S »
ÉDITO 5 ANS !
Il y a cinq ans sortait le tout premier numéro de Bikini. C’était en avril 2011. À cette époque, le monde ne ressemblait pas vraiment à celui d’aujourd’hui : DSK était toujours dans la course à la présidentielle, Steve Jobs et Amy Winehouse étaient encore en vie, Nolwenn Le Roy nous vrillait déjà les oreilles avec son album Bretonne sorti quelques semaines plus tôt, le PSG n’écrasait pas encore le championnat... Dans ce contexte qui nous semble aujourd’hui si lointain, Bikini s’apprêtait à faire son entrée dans le paysage médiatique breton, sans trop savoir où cela allait l’amener et le temps qu’il allait durer (monter un magazine papier en 2011 frôlait déjà l’inconscience). Au menu de ce numéro inaugural ? Un dossier sur la “plouc culture”, une enquête sur les toilettes publiques (bombe de pschitt-pschitt incluse) et une rencontre cosmique avec le représentant breton du mouvement raëlien : notre premier sommaire traduisait notre volonté de porter un regard différent sur l’actualité régionale. Vingt-cinq numéros plus tard, l’aventure continue. Bikini a grandi mais s’efforce de rester fidèle aux envies et aspirations qui ont motivé sa création. La confiance de nos annonceurs, le soutien de nos partenaires et la fidélité de nos lecteurs (<3) nous encouragent à garder le cap. Ce que nous ferons pour, espérons, vous donner à nouveau rendezvous dans cinq ans. La rédaction
SOMMAIRE 6 à 13 WTF : ciné-concerts, bières en canette, escalade, nouvelles salles, frères Bouroullec, lettres de motivation, stars bretonnes, corbeille... 14 à 25 La tentation de l’île 26 à 31 Il y a 10 ans... la lutte anti-CPE 32 & 33 Radio piiiii-rate 34 à 37 « On ne nous dit pô tout » 38 à 41 « J’ai donné mon sperme » 42 à 47 RDV : Bagarre, Marvin Jouno, Lost in the swell, Ropoporose, Thomas Howard Memorial 48 & 49 Les cold cases en Bretagne 50 BIKINI recommande 4
avril-mai 2016 #26
Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Brice Miclet, Louise Caillebotte / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Illustrateur : Étienne Laroche / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Mickaël Le Cadre, Étienne Cormier, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2016.
WTF
QUEL CINÉ-CONCERT ALLER VOIR ?
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VIENS VOIR LE DOCTEUR
PAS ASSEZ DE THUNES POUR VOUS FAIRE UNE SOIRÉE « FILM + CONCERT » ? NO PROBLEM : LES CINÉ-CONCERTS SONT LÀ ET RÉINVENTENT VOTRE FAÇON DE VOUS FAIRE UNE TOILE. VOTRE POP-CORN, SUCRÉ OU SALÉ ?
15 avril 1996 : Doc Gynéco débarque comme un ovni dans le rap français avec Première consultation. Vingt ans plus tard, le gazier est de retour sur scène. Au festival Insolent le 16 avril à Lorient et le 3 mai à L’Étage à Rennes.
Shepard Fairey
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HOPE HOPE HOPE !
Cette année, l’expo-phare du festival Art Rock honore l’illustrateur Shepard Fairey, fameux pour le portrait Hope d’Obama lors de sa campagne de 2008 et, dix ans plus tôt, pour le mouvement street art Obey Giant. Du 10 au 28 mai au musée de Saint-Brieuc.
GUITARES REBELLES
teshumara Les Touaregs ont connu la répression, le sang et l’exil. Du Mali jusqu’au Sahara central, naîtra la Teshumara, mouvement revendiquant l’existence de ce peuple nomade. Un affranchissement, raconté en musique par le groupe Tinariwen, à découvrir dans un docu projeté à la médiathèque de Baden le 14 avril. Suivi d’un débat organisé par l’Échonova. 6
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CHANTAGE
En 1929, Alfred Hitchcock sortait Chantage, le premier film parlant du cinéma britannique. Ce longmétrage raconte l’histoire du détective Weber en proie à un dilemme : arrêter sa fiancée auteure d’un crime ou la laisser libre par amour... Dans le cadre du festival Panoramic, ce thriller sera habillé musicalement par les Frères Paboeuf : Christian et Daniel, ex-Marquis de Sade. Idéal si vous lisez ? Le Nouveau Détective Quand et où ? Le 16 avril à La Passerelle à Saint-Brieuc
METROPOLIS
Le duo Actuel Remix s’attaque à l’un des classiques de la science-fiction : Metropolis de Fritz Lang, sorti en 1927 (photo). Une cité du troisième millénaire, des robots, des voitures volantes, le tout sur fond de lutte des classes : une fresque d’anticipation que les deux artistes sonorisent en mixant en live le répertoire de deux musiciens électro : Iannis Xenakis, pionnier du genre, et Richie Hawtin, valeur sûre de la techno minimale. Idéal si vous lisez ? Sciences et Vie Quand et où ? Le 20 mai au Théâtre de Cornouaille à Quimper
JOHNNY’S SCRAPBOOK
Ce biopic raconte l’histoire pas banale de Johnny Hudgins, surnommé le “Chaplin noir” dans les années 20. Tête d’affiche de spectacles de danse au Cotton Club et au Moulin Rouge, il fréquente les grands de l’époque : Joséphine Baker, Louis Armstrong, Duke Ellington… Un ciné-concert composé en direct par le musicien Guillaume Hazebrouck et le dessinateur Guillaume Carreau, dont les coups de crayon sont projetés sur écran géant. Idéal si vous lisez ? Télérama Quand et où ? Le 26 mai à la salle Brassens au Rheu
Bikini
BIÈRES BRETONNES : YES WE CAN
LES BRASSEURS DE LA RÉGION PRÉFÈRENT LES BOUTEILLES EN VERRE AUX CANETTES EN ALU. MAIS POURQUOI ? « On a étudié il y a deux ou trois ans la possibilité de passer à la canette », révèle Matthieu Breton, le patron de Coreff. Mais la réflexion n’a pas été très loin. « La machine coûte plus de deux millions d’euros ou alors il faut sous-traiter à un Nordiste. » Hors de question pour le Carhaisien qui ne souhaite pas délocaliser cette étape. Il y a quelques années, un brasseur breton a pourtant fait le choix de proposer une de ses bières en canette : la Celtika. « Mais nous l’arrêterons pour nous recentrer sur nos autres produits : Britt, Sant-Erwann et Dremmwel », annonce le dirigeant, François Quellec, de la Brasserie de Bretagne. Est-ce la fin de la canette ? « Non, la Britt blonde débarque en canette en avril. » Avec l’objectif de se faire une place dans les boulangeries et sandwicheries. Et pour François Quellec, la boîte en fer a bien changé. « Elles ont été relookées, elles sont moins pataudes », note celui qui n’a pas non plus peur de la mauvaise réputation que se traîne la canette (bière de clodos pour résumer). Quant à la qualité altérée dans le métal, le Finistérien est catégorique : « c’est une légende urbaine. Les grands brasseurs belges ne s’y risqueraient pas si c’était le cas. » I.J 7
WTF
POURQUOI L’ESCALADE SE DÉVELOPPE À BLOC PLUS FUN QUE LE FITNESS ET MOINS MONOTONE QUE LE RUNNING, L’ESCALADE INDOOR COMPTE DE PLUS EN PLUS D’ADEPTES. PLUSIEURS SALLES SONT EN COURS D’OUVERTURE DANS LA RÉGION. C’EST BON ÇA. Après Block’Out à Rennes, deux autres ouvertures se dessinent dans la région : à Rennes encore (Modjo en juin) et à Brest où l’enseigne The Roof projette de s’installer. Un développement étonnant ? Pas vraiment, répond Pour le boss de cette franchise qui, Thibaud des Aulnois, de chez Modjo. en plus de Rennes, est présente dans « Faut savoir que c’est le 4e sport onze autres villes françaises, le succès enseigné aujourd’hui dans les écoles. du bloc s’explique avant tout par son Beaucoup de mairies installent égaaspect ludique. « Grimper est quelque lement des murs municipaux. Tout chose d’assez naturel. Comme mar- cela participe au phénomène. On cher, courir ou sauter, je pense que constate du coup l’émergence d’une c’est ancré dans nos gènes. Et puis, “génération résine” : des jeunes de c’est quand même plus fun d’escalader moins de 25 ans qui, à la différence un mur que de soulever de la fonte de leurs aînés, ont toujours grimpé dans une salle de fitness. » en salle. » J.M DR
Des centaines de prises multicolores dispatchées sur des dizaines de parois. Ouverte depuis janvier à Rennes, la salle Block’Out propose sur 600 m2 grimpables près de 200 parcours à gravir. Un lieu spécialisé dans le “bloc”, un type d’escalade qui se caractérise par une faible hauteur (5 mètres max), une absence de matos et la possibilité d’exercer en solo. « Nous sommes sur une pratique plus libre et plus directe, ici pas besoin de corde ni de baudrier. En plus des grimpeurs habitués, nous attirons donc aussi un public néophyte », expose Emmanuel Charruau, fondateur de Block’Out.
Marynn Gallerne
BACK DANS LES BACS
Bonne nouvelle pour vos oreilles, moins pour votre porte-monnaie : de nombreuses sorties de disques de la part les groupes de la région. Parmi ces nouveautés, on a stabiloté : l’album de Mha (Le Lien) le second opus de Kaviar Special (#2), l’EP de Fuzeta (Pavilhão Chinês), l’album des Rennais de Our Name Is A Fake, le premier EP (Wind and Movement) du duo Colorado (photo) et l’album garage-psyché de Combomatix (Chinese songs for bad boys). Keep going !
« BALANCE MAN, CADENCE MAN » Plus que jamais, Complet’Mandingue continue à mettre en avant la culture et la musique ouestafricaine. Pour sa 19e édition, le festival accueille notamment les Maliens de Bamba Wassoulou Groove et leurs (efficaces) guitares psyché-blues. Les 15 et 16 avril à Saint-Brieuc. 8
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SALLES : À L’OUEST DU NOUVEAU
BIENTÔT DE FUTURS LIEUX À RENNES ET À LORIENT POUR LES CONCERTS. RÉCAP DES PROCHAINES OUVERTURES. En attendant l’inauguration prochaine de l’Antipode à Rennes et de La Manu à Morlaix (voir Bikini de septembre 2014), de nouvelles salles ont été confirmées dans la région.
LE LOCAL DU CLAPS Quatre associations rennaises (Legal Promotion, DanceHall Attitude, Bout’40 et BurninG DanceflooR) s’unissent pour ouvrir un nouveau lieu pluriculturel situé dans la zone sud-est. Le Local du Claps abrite un grand hall de 600m2 ouvert à toutes les esthétiques (musique, théâtre, danse...). « On devrait être fixé sur la programmation avant l’été », assure Benoît Valet, en charge du projet. Quand ? En septembre 2016
LE MANÈGE Le Manège, la salle lorientaise dédiée aux musiques actuelles, déménage l’an prochain et s’installe face à la mer, à la base des sous-marins (photo). Elle pourra accueillir un public de 500 personnes, contre 350 actuellement, ainsi que des studios de répétition. En bonus, l’association MAPL en charge des lieux ouvre une 2e salle à la jauge plus petite, un club de 180 places, principalement destiné aux artistes émergents. Quand ? En juin 2017 9
WTF
C’EST QUI LES FRÈRES BOUROULLEC ?
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CUI CUI, BOOM BOOM
RECONNUS INTERNATIONALEMENT, LES DEUX DESIGNERS VONT EXPOSER POUR LA PREMIÈRE FOIS EN BRETAGNE : OBJETS DU QUOTIDIEN, CLOISONS MODULAIRES, INSTALLATIONS... MAIS POURQUOI TOUT LE MONDE KIFFE CES DEUX FRANGINS ?
C’est désormais la tradition : pour la sixième année, le Théâtre de Poche à Hédé célèbre l’arrivée des beaux jours avec sa soirée Bienvenue Printemps. Cette nouvelle édition est consacrée à l’électro-freak avec des invités bien barrés : Maoupa Mazzocchetti, Pointe du Lac ou encore le bien nommé Cachette à Branlette… Y a moyen de bien suer. Le 23 avril.
Christophe Acker
ET DE 10 !
Mammifères, c’est le nom du dixième album studio de Miossec, à paraître le 27 mai. Il succède à Ici-bas, ici même, qui date d’il y a deux ans, et sera défendu sur scène par le Brestôa à l’occasion d’une tournée qui s’attarde évidemment pas mal dans le coin. Le 15 avril à Guipel, le 16 à Glomel, le 17 à Cast, le 13 mai à Brasparts, le 14 à Arradon, le 3 juin à Lampaul-Plouarzel…
HORST TAPPERT
derrick L’inspecteur Derrick May, l’un des pères de la techno, est de passage en BZH pour deux dates. Le king de Détroit fera d’abord une halte à Rennes au 1988 Live Club le 2 avril, avant de s’arrêter à Brest à La Carène le 29 avril. 10
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Nés tous les deux à Quimper, Ronan et Erwan Bouroullec (respectivement 45 et 40 ans) ont fait leurs études séparément – Arts décoratifs de Paris pour l’un, école supérieure d’arts de Cergy-Pontoise pour l’autre – avant d’unir leurs force à la fin des années 1990. Alors âgés de la vingtaine, ils sont découverts par le fondateur de l’entreprise de design Cappellini. De cette rencontre naîtra une de leurs pièces phare : la Spring Chair, une deux frères. « Leur style est simple, chauffeuse allégée sur pieds en acier. soft, industriel et contemporain. La nature, le Japon et surtout le quoti« L’ AIR DU TEMPS » dien sont leurs grandes influences. » Au début des années 2000, les col- Et la Bretagne ? Les Bouroullec disent laborations avec de grands indus- ne pas s’inspirer particulièrement triels se multiplient : des luminaires de leur région natale, même si leur pour Kreo, la Vegetal Chair et du fameux lit-clos breton revisité est mobilier de bureau pour Vitra ou l’un de leurs premiers succès. plus récemment la télévision Sérif de Samsung. « Ils sentent ce dont le PREMIÈRE EXPOSITION BRETONNE marché a besoin, ils ont une capa- Les deux designers vont exposer pour cité incroyable à représenter l’air du la première fois leur travail en Bretemps », note Laurence Mauderli, tagne, à Rennes. Au programme : une historienne du design. Leur travail rétrospective sur le mobilier design, sur les espaces, notamment leurs ainsi qu’une exposition nommée diverses cloisons modulaires comme 17 screens, où ils montreront leurs Clouds pour l’entreprise Kvadrat, fait nouveaux systèmes de cloisons moduégalement leur réputation. « Quand laires au Frac Bretagne. Ils présenteon voit Twigs, une cloison faite de ront également aux Champs Libres branches en plastique assemblés pour leur premier travail sur l’urbanisme créer une sorte de rideau, on ne peut avec les Rêveries urbaines. Enfin, leur éprouver qu’un “wow” devant une Kiosque, un espace de détente et de telle délicatesse. » convivialité entièrement démontable, sera placé dans la cour intérieure du « STYLE SIMPLE » Parlement. Les travaux de designers comme Louise Caillebotte Jasper Morrisson, Jean Prouvé ou Charlotte Perriand ont nourri les Jusqu’au 28 août à Rennes
Belleville
LES FRÉRO DE LA DESIGNA
QUELLE STAR A UNE MAMIE BRETONNE ? TOUS LES CHEMINS MÈNENT PEUT-ÊTRE À ROME, MAIS TOUS LES ARBRES GÉNÉALOGIQUES SEMBLENT REMONTER VERS LA BRETAGNE. PETIT PANEL DES STARS INTERNATIONALES AUX ORIGINES BRETONNES. LA CLASSE À DAOULAS.
Chanteuse, actrice, féministe et... Bretonne ? Beyoncé Knowles aurait, selon l’association de généalogie “Racines et rameaux français en Acadie”, une arrière-arrière-arrièrearrière grand-mère d’origine belliloise. Cette dernière a été baptisée à Bangor et aurait vécu dix ans sur l’île au large du Morbihan, avant d’embarquer pour la Louisiane. Qui sait, la star voudra peut-être revenir sur les pas de ses ancêtres, et faire un feat avec Laurent Voulzy.
Dans une interview accordée à Femme actuelle en 2014, le chef des Expendables déclarait : « Je serais Breton, de Brest pour être encore plus précis. Je comprends mieux pourquoi j’adore les crêpes ! » Il n’en fallait pas plus pour réveiller le généalogiste qui sommeillait en André Fraval, maire de Trévoux. Il confirme que la grandmère finistérienne de l’acteur a émigré aux États-Unis en 1920. Le maire lui a même envoyé une invit’, espérant une visite. Toujours sans suite.
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MADONNA
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SYLVESTER STALLONE
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BEYONCÉ
Selon Hervé Teurnier, généalogiste amateur, l’auteure de Like a Virgin ferait partie de la longue lignée de Jean Riou. Originaire de Ploujean dans le Finistère, ce dernier a émigré sur le continent américain au 17e siècle. Il fut l’un des premiers habitants et seigneurs de la ville de Trois-Pistoles au Québec. Parmi sa grande descendance, on retrouverait également Céline Dion, Lynda Lemay et Isabelle Boulay. Mais ça fait moins rêver, il faut l’admettre. L.C
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LES LETTRES DE MOTIVATION : TOUJOURS UTILES ? OÙ EN EST LA TRADITION D’ACCOMPAGNER SON CV D’UNE LETTRE DE MOTIV’ ÉCRITE AVEC SOIN ? L’EXERCICE S’EST LARGEMENT DÉRINGARDISÉ. LA PREUVE : ON EN FAIT MÊME DES BOUQUINS ET DES PIÈCES COMIQUES. Un exercice de style qui a inspiré l’auteur Julien Prévieux. Dans un bouquin baptisé Lettres de non motivation, il a compilé ses réponses absurdes à des annonces de job (exemple : « Je jure que je n’ai rien fait de mal (…), je ne me drogue pas, j’aime les animaux (…), je ne comprends pas pourquoi vous voulez me punir aux travaux formoi (« ce que je peux apporter ») et cés », pour une offre d’administranous (« solliciter une rencontre »). teur base de données). Des missives Une quinzaine de lignes, des phrases adaptées au théâtre par le metteur claires, un final sobre à base de en scène Vincent Thomasset, qui “cordialement” et hop, la viande s’est emparé du sujet « à la fois pour est dans le torchon. faire marrer le public et l’amener à Et l’humour alors ? « Mieux vaut réfléchir sur notre rapport au monde éviter, recommande Fabrice Mazoir. du travail et le rôle qu’on se donne Un seul cas de réussite me vient en parfois pour faire bonne figure et tête : un candidat qui avait rempli décrocher le job ». sa lettre de “bla bla bla”, ça avait intrigué le recruteur au point de le Lettres de non motivation, convoquer en entretien. Ça reste les 28 et 29 avril néanmoins très risqué. » à La Passerelle à Saint-Brieuc
CORBEILLE Jain Un jour, on finira par nous révéler que Christine and the Queens n’est bien qu’un long sketch de Valérie Lemercier. Et que Jain, la dernière hype du moment, est un test d’exéprimentation auditive à l’échelle nationale. Visiblement non concluant, donc. À Rennes et Saint-Brieuc 12
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Yvan Le Bolloc’h Le Kendji breton revient sur scène en ce printemps avec un one-man-show musical intitulé Faut pas rester là. Jamais un spectacle n’aura si bien porté son nom. À Quiberon, Guipavas…
Bikini
« Dans l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sincères salutations. » Voici une formule de politesse bien old school que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Sachez-le : avant Internet, c’est par ce genre de phrase que s’achevait toute lettre manuscrite accompagnant le CV pour postuler à un emploi. « Aujourd’hui la norme c’est le mail de motivation, moins ampoulé », assure Fabrice Mazoir, chef de projet éditorial chez RégionsJob à Rennes. Néanmoins, pas question de le zapper. « Le CV en pièce jointe sans une ligne pour se justifier, c’est non. La différence entre deux candidats peut se faire sur cet effort de présentation. » Avec un plan classique en trois paragraphes : vous (« montrer qu’on a compris l’activité de l’entreprise »),
NOTRE ANTI-SÉLECTION DES SPECTACLES QUAND FRANCHISE ET MAUVAISE FOI NE FONT QU’UN
Le Grand Journal de Canal a fait venir l’ancien chroniqueur (humoriste vous dîtes ? ah, ok) de Vivement Dimanche. Efficace ? Pas vraiment, son enterrement n’a jamais paru si proche, tout le monde semblant n’attendre que cela. Mathieu Madénian Attention, on ne parle Pour booster ses au- pas là de Michel Drucker. diences déprimantes, À Pacé et Lorient
Louise Attaque « J’ai accepté par erreur (voix qui part en couilles) ton invitation. J’ai dû m’gourer dans l’heure (en méga-couilles), j’ai dû m’planter dans la saison (extinction imminente) » Nom de Zeus Marty, on est de retour en 1997. Un p’tit Passoã pour fêter ça ? À Saint-Brieuc
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« LES ÎLES SONT DES LABORATOIRES DONT IL Yann Tiersen cultive un rapport fort avec Ouessant. De ses souvenirs d’enfance à son installation il y a quelques années : le musicien nous confie les raisons de sa vie insulaire. Comment a commencé ton histoire avec Ouessant ? Ça a démarré quand j’étais gamin. Mon père est mort quand j’étais super jeune, j’avais sept ans. Mes parents ont vécu à Brest, où je suis né, et mes quasi seuls souvenirs que j’ai de mon père, c’est Ouessant. On n’avait pourtant pas d’attaches làbas mais on y allait régulièrement. Cette île est alors devenue un moyen pour me rappeler mon père. Ado, j’y retournais très souvent. Et aujourd’hui, tu y habites… En 1996, j’y ai composé l’album Le Phare. J’avais loué une maison pendant un mois. Et ça s’est super bien passé : j’arrivais à travailler facilement, les choses se faisaient avec naturel. Je m’y sentais bien, inconsciemment sans doute. J’y suis revenu quelques années plus tard pour la composition du disque Les Retrouvailles. Et lors de ce séjour, j’ai rencontré plein de gens, fait la connaissance de Ouessantins. Je m’y suis un peu trouvé une famille. Depuis, je n’ai plus bougé.
En tout, tu as composé combien d’albums à Ouessant ? Depuis Les Retrouvailles, tous. Une partie d’Infinity (son dernier album sorti en 2014, ndlr) a été composée aussi en Islande. Pas un hasard qu’il ait été commencé làbas. Je sortais d’une grosse tournée. Australie, USA… avant de finir par une date à Barcelone. Pour ce retour en Europe, on avait fait une pause
« L’Islande, c’est Ouessant avec Brest au milieu. C’est génial » 16
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de cinq jours en Islande. J’avais le sentiment de rentrer à la maison. L’Islande, c’est Ouessant avec Brest au milieu. C’était génial. Fin 2015, tu as sorti la vidéo de Porz Goret, tournée à Ouessant. Un morceau issu de Eusa, un livre de partitions que tu as écrites… Pour Eusa (Ouessant en breton, ndlr), j’ai écrit dix morceaux pour piano. L’idée, c’était de faire une sorte de carte. Chaque titre fait référence à un coin de l’île : Penn ar Roc’h, Kadoran, Yuzin… Tous ces lieux vont d’ailleurs constituer
FAUT S’INSPIRER » la base de mon prochain album. J’y ai fait des enregistrements : le bruit de la mer, le vent… Des sons que je vais trafiquer pour qu’ils génèrent des mélodies, des suites d’accords… Je les jouerai ensuite au piano et les enregistrerai en pleine nature dans un autre pays. Avec cette envie de faire voyager cette racine ouessantine et de la mettre en parallèle avec un autre lieu. Tu as toujours eu une attirance pour les îles ? Je ne sais pas trop… Je pense que c’est surtout le fruit de mon histoire. J’ai déjà essayé de poser mes valises ailleurs mais ça n’a pas marché. Et puis, ça correspond à mon mode de vie. Ça calque finalement assez bien avec l’histoire de Ouessant : j’ai un peu une vie de marin de commerce. La vie de tournée, partir longtemps avant de rentrer chez soi, ça s’en rapproche. Vivre sur une île, c’est facile ? Ça dépend de chacun. On pourrait se croire seul au monde mais, au contraire, on s’y sent très entouré. Pour moi, ce sont tout sauf des lieux où on est isolé. Il y a une grosse solidarité entre les gens. On vit dans une époque où c’est important de connaître son voisin. Et les îles constituent en ce sens des laboratoires. Tout y est possible. La société est si compliquée de nos jours, les choses sont tellement dures à mettre en marche pour tout et n’importe quoi… Sur une île, grâce à cette proximité entre les gens, les choses peuvent se faire plus simplement, plus directement. Il faudrait s’en inspirer.
« Tout sauf des lieux où on est isolé, on s’y sent très entouré » Tu connais bien les Monts d’Arrée pour y avoir passé une partie de ta jeunesse. Quelles similitudes vois-tu entre le centre-Bretagne et les îles ? Les Monts d’Arrée, ça remonte à mon enfance. On avait une maison à Plounéour-Ménez, dans le Finistère. On y allait tous les week-ends avec ma mère. J’étais seul, souvent dans la nature, mais ça m’a vachement construit. Avec Ouessant, c’est l’un des endroits les plus beaux dans la région. Ce sont des lieux durs mais pleins de vie. J’ai tendance à voir les Monts d’Arrée comme un endroit hyper dynamique en Bretagne. Un peu comme Détroit aux États-Unis (sourire). Il y a eu tellement de désertification, d’exode rural et de malheurs dans le centreBretagne que du coup les prix ne sont pas chers. Et aujourd’hui, on voit des gens qui n’ont pas trop de fric – des jeunes notamment – venir s’y installer. Il se passe alors à nouveau des trucs. À Ouessant, il pourrait y avoir le même phénomène mais le gros problème des îles, c’est le tourisme. Je ne crache pas dans la soupe mais cela a des répercussions. Les prix flambent à cause des résidences secondaires. Le tourisme, s’il est positif sur de nombreux aspects, peut être perçu comme une balle dans le pied. C’est un problème insoluble. Tu ne peux pas empêcher les gens de vendre cher leur maison sur l’île. Et tu ne peux malheureusement pas y faire
des opérations comme dans certains villages où le prix du m2 est à 1 €. À la différence du centre-Bretagne, c’est du coup très compliqué pour les jeunes de s’installer sur une île. La question de la jeunesse insulaire, tu y travailles désormais avec ton projet de centre culturel L’Escale. Comment tu t’es embarqué làdedans ? Comme ma maison est à Ouessant, je voulais trouver un lieu sur l’île pour installer mon studio. Je suis alors tombé sur L’Escale, une ancienne discothèque qui était à l’abandon depuis 1998. Ça me semblait l’endroit idéal. J’ai donc sauté le pas et l’ai rachetée. Un studio c’est bien, mais ça a ouvert la porte à d’autres choses : faire des salles de répétition pour les musiciens de l’île, mettre du matériel à disposition, organiser des concerts à l’année... Le mot qui se rapproche le plus, c’est MJC. Je sais que ce n’est pas super vendeur comme terme mais ça résume bien l’idée que je me fais de ce projet. On est encore au stade des travaux mais j’espère une ouverture l’an prochain. Si des jeunes de l’île souhaitent monter un groupe, il y aura désormais un lieu et des outils pour ceux qui veulent être aidés. Ce sera ensuite à eux d’inventer ce qu’on y fera. Recueilli par Julien Marchand 17
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BOULOT, POTES, SORTIES : ÊTRE JEUNES ET Ils s’appellent Marie, Stan, Julie, Sylvain et Timothée. Ils ont entre 23 et 36 ans et ont fait, il y a quelques années, le choix de l’insularité. Sein, Ouessant, Groix… au large du continent, ils se sont acclimatés à la vie îlienne et ont appris à jongler entre ses privilèges et ses désagréments.
JULIE, 36 ANS, GROIX Pour beaucoup, partir s’installer sur une île s’apparenterait presque à Koh-Lanta, la récompense de 100 000 euros en moins. Le dépaysement peut être grand, surtout lorsqu’on a toujours vécu dans une grande ville. C’est le cas de Julie. Il y a neuf ans, alors qu’elle n’avait que 25 ans, la jeune femme, originaire de Poissy en région parisienne, décide de tout envoyer péter pour s’installer à Groix et y ouvrir son magasin de vêtements faits main. « J’étais avec un homme qui ne supportait plus la vie parisienne, moi non plus d’ailleurs. Là-bas, tu as tellement de choses à faire que tu finis par ne plus rien faire… Et puis, tout prend une plombe à cause des transports. Pourquoi Groix ? J’avais l’habitude de venir en vacances sur l’île depuis toujours : mes parents y
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possédaient une maison. J’ai alors décidé de l’investir. » Aujourd’hui, la couturière l’avoue franchement : les premiers mois n’ont pas été des plus funky. « Les deux premiers hivers ont été horribles. Je m’étais séparée de mon copain, je n’avais pas beaucoup d’amis… » Depuis, les choses ont changé pour Julie qui s’est faite à la vie insulaire : elle s’est associée avec son amie Anne pour monter l’atelier La P’tite Fabric et a rencontré un nouveau jules avec qui elle a eu deux enfants. Alors, facile d’être maman quand on habite sur un rocher dans l’océan ? « Lorsque les enfants s’ennuient et qu’ils veulent aller à la piscine par exemple, on est obligé d’aller à Lorient. Ce qui ne prendrait qu’une heure sur le continent prend ici la journée à cause du bateau. » Et si l’absence de services, notamment médicaux, peut effrayer certains parents, la Groisillonne apparaît au contraire plutôt sereine. « En cas de pépin, on arrive plus vite à l’hôpital grâce à l’hélico que dans certains bleds. C’est plutôt rassurant au final. » Un mode de transport testé (et approuvé) par Julie pour ses deux accouchements.
1. BRÉHAT
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HABITANTS, TRANSPORTS... LES ÎLES EN CHIFFRES. 18
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C’est à la barrière de l’école primaire que l’on retrouve Timothée. Midi vient tout juste de sonner et les derniers élèves encore présents dans la cour partent déjeuner. Timothée, lui, restera manger sur place, dans son appart de fonction situé au-dessus des classes. Originaire de Locmaria-Plouzané, le garçon est depuis cinq ans instit’ sur l’île. « Quand j’ai été titularisé, il y avait un poste vacant à Ouessant. Je n’y avais aucune attache mais je me suis
2. BATZ
Superficie : 3,1 km Habitants : 404 Population estivale : près de 4 000 Part de résidences secondaires : 77,3 % Nombre de liaisons par jour : 8 en basse saison 15 en haute sison Durée de la traversée : 10 min 2
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TIMOTHÉE, 29 ANS, OUESSANT
3. OUESSANT
Superficie : 3,2 km Habitants : 506 Population estivale : environ 2 500 Part de résidences secondaires : 61,2 % Nombre de liaisons par jour : 8 en basse saison 21 en haute saison Durée de la traversée : 15 min 2
Superficie : 15,6 km2 Habitants : 893 Population estivale : envrion 3 500 Part de résidences secondaires : 48,8 % Nombre de liaisons par jour : 1 en basse saison (2 le week-end) 2 en haute saison Durée de la traversée : 1 h 15
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INSULAIRES
laissé tenter par cette affectation : il s’agissait d’une classe multi-niveaux, avec de petits effectifs. Et puis, la perspective de vivre dans un cadre atypique a fini par me convaincre. » Une décision qui étonna ses potes. « Ils me demandaient tous pourquoi j’allais m’enterrer là-bas. Ils pensaient que je me ferais chier, alors que pas du tout. J’ai même l’impression de faire plus de choses qu’à l’époque où j’habitais Brest. À Ouessant, je fais plus de sport, de pêche, de balades, de bateau… », explique
le jeune homme, ancien batteur du groupe de punk Trashington DC. Mais justement, ça te manque pas les concerts ? « Je retourne régulièrement sur le continent quand j’ai des dates avec ma nouvelle formation, Syndrome 81. Et puis, depuis trois ans, je fais partie de l’organisation du festival de l’Ilophone. Une façon de concilier Ouessant et musique. » Une implication qui lui a permis de parfaire son intégration. « Ce que je trouve cool ici, c’est qu’il est moins question de classes d’âge et de différence de génération entre les gens. J’ai l’impression que mes potes vont de 15 à 70 ans. Tout le monde se connaît. » Une proximité que Timothée assure bien vivre. « Comme dans tout petit patelin, les nouvelles vont vite, tout se sait. Mais j’y vois surtout une grande solidarité. Si un jour t’as une galère, tu passes un coup de fil et t’auras toujours du monde : ici on te laisse jamais dans la merde. »
secoué la Bretagne début février. Rafales à 140 km / h et vagues de 10 mètres : des conditions météo bien hardcore au large de la pointe du Raz qui leur ont valu quelques belles frayeurs. « C’était le déluge. On luttait corps et âmes contre la tempête, de jour comme de nuit. Notre parc fait 200 tables, il n’en restait que 5 debout. Heureusement, nous avons eu dès le lendemain l’aide des îliens. Dès 9 h, on avait sept personnes venues spontanément nous donner un coup de main. Sous le vent, la grêle, la pluie, à ramasser les huîtres dans l’eau. Au final, plus de peur que de mal. » Un épisode éprouvant qui ne leur a malgré tout pas fait regretter leur installation à Sein il y a maintenant une petite année. « Venir vivre ici a toujours été quelque chose d’assez naturel pour nous, explique Marie. D’abord, Stan y a des attaches par son grand-père, on connaissait donc bien les lieux. Puis, d’un point de vue professionnel, produire une huître MARIE ET STAN, 26 ET 23 ANS, SEIN qui soit estampillée “île de Sein”, L’hiver a été plutôt mouvementé avec cette qualité d’eau, était un pour Marie et Stanislas, les deux super argument de vente. Des parcs ostréiculteurs de l’île de Sein. La étaient disponibles, il n’y avait aucun raison ? La tempête Ulrika qui a concurrent sur place : on a donc sauté
4. MOLÈNE
5. SEIN
6. GROIX
7. BELLE-ÎLE
Superficie : 0,8 km2 Habitants : 186 Population estivale : entre 750 et 1 000 Part de résidences secondaires : 60,2 % Nombre de liaisons par jour : 1 en basse saison (2 le week-end) 2 en haute saison Durée de la traversée : 45 min
Superficie : 0,6 km2 Habitants : 203 Population estivale : entre 1 200 et 1 500 Part de résidences secondaires : 61,6 % Nombre de liaison par jour : 1 en basse saison 3 en haute saison Durée de la traversée : 1 h
Superficie : 14,1 km2 Habitants : 2 223 Population estivale : Environ 9 000 Part de résidences secondaires : 49 % Nombre de liaisons par jour : 4 en basse saison 6 en haute saison Durée de la traversée : 45 min
Superficie : 85,6 km2 Habitants : 5 270 Population estivale : envrion 30 000 Part de résidences secondaires : 56,9 % Nombre de liaisons par jour : 6 en basse saison 10 en haute saison Durée de la traversée : 45 min 19
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DOSSIER
le pas. » Si les premiers temps ont été difficiles (« faute de logement, nous avons vécu dans une ruine sans toit pendant deux mois. C’était rudimentaire : une tente, une douche solaire et un barbecue. Ça aurait pu être sympa mais il a fait un temps pourri : ça nous a flingué un ordi »), Stan et Marie s’y sont aujourd’hui fait une place. Le développement de leur boîte suit les objectifs et le mode de vie insulaire leur va bien. « Quand t’es pas fait pour la ville, tu te sens bien ici. OK il manque des services mais tu apprends à faire sans : à défaut de cinéma, on s’est installé un vidéo-projecteur ; pour les courses, on passe par Internet… Y a juste un truc qu’on profite de faire dès qu’on est sur le continent : un McDo ou un KFC… », sourit
le jeune couple qui, au-delà de son entreprise, s’investit désormais au quotidien sur Sein : Marie fait partie des pompiers et Stan a rejoint la SNSM. « Ça aide pour s’intégrer... On sait maintenant que la mairie n’attend plus qu’une chose : qu’on ait des enfants. Pour que l’école puisse continuer à vivre. Mais avec notre activité en plein développement, ce n’est pas encore à l’ordre du jour. »
SYLVAIN, 30 ANS, GROIX Travailler dans le cinéma et vivre sur une île de moins de 3 000 âmes, c’est possible. Si le challenge n’était pas gagné pour Sylvain (« mes amis me disaient que j’étais malade, que je ne trouverais du boulot qu’à Paris »), le jeune homme n’a pas eu les boules
de quitter la capitale pour tenter de faire son trou à Groix. « J’avais peur qu’on me prenne pour le parigot qui débarque pour vivre dans la résidence secondaire de sa famille, mais ça s’est très bien passé. Je trouve que les jeunes sont plutôt bien accueillis, sans doute parce qu’ils sont importants pour le futur de l’île. » D’abord intermittent du spectacle en tant qu’opérateur de prise de vue, Sylvain s’est rapidement vu proposer le poste de programmateur au Festival international du film insulaire de Groix. Un job qu’il s’apprête à quitter après cinq années bien remplies. « Je veux refaire de la réalisation : des documentaires et des clips. » Une nécessité pour Sylvain qui, sur l’île reconnaît-il, a perdu pas mal de son réseau. « En étant sur Groix, je me suis coupé d’une partie de la profession. Les gens ne m’appellent plus pour des tournages. C’est comme si je recommençais presque à zéro. » De là à quitter l’île ? S’il sait qu’il sera amené à bouger, le trentenaire, en couple depuis trois ans, souhaite faire de Groix son pied à terre. « Si un jour j’ai des enfants, je trouverais ça génial qu’ils grandissent sur une île. » Louise Caillebotte et Julien Marchand
8. HOUAT
9. HOËDIC
10. ARZ
11. ÎLE-AUX-MOINES
Superficie : 2,9 km2 Habitants : 249 Population estivale : environ 1 000 Part de résidences secondaires : 56,4 % Nombre de liaisons par jour : 2 en basse saison 4 en haute saison Durée de la traversée : 40 min
Superficie : 2,1 km2 Habitants : 121 Population estivale : environ 1 200 Part de résidences secondaires : 74,9 % Nombre de liaisons par jour : 2 en basse saison 4 en haute saison Durée de la traversée : 1 h
Superficie : 3,3 km2 Habitants : 246 Population estivale : entre 2 300 et 2 500 Part de résidences secondaires : 68,9 % Nombre de liaisons par jour : 12 en basse saison 15 en haute saison Durée de la traversée : 15 min
Superficie : 3,2 km2 Habitants : 619 Population estivale : entre 4 500 Part de résidences secondaires : 61,3 % Nombre de liaisons par jour : 23 en basse saison 30 en haute saison Durée de la traversée : 5 min
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avril-mai 2016 #26
« LE PROBLÈME DU LOGEMENT » Louis Brigand, géographe, professeur à l’Université de Bretagne occidentale
Les îles gagnent-elles des habitants ? On observe une stabilisation de la population. D’une manière générale, la démographie est meilleure que celle d’il y a vingt ans. Quelques îles bretonnes gagnent des habitants, c’est le cas de Belle-Île. D’autres voient, en revanche, leur population décliner, notamment les plus petites et les plus éloignées. Qu’en est-il des jeunes ? Il y en a peu parmi les nouveaux habitants. Et pour les îliens d’origine, le projet professionnel s’inscrit le plus souvent sur le continent. Certains reviennent mais rarement avant leurs 30 ans. D’autant plus que, globalement, les emplois proposés sur les îles sont relativement peu nombreux ou peu qualifiés. Pour les jeunes qui ont fait des études, c’est difficile d’y trouver un boulot. Mais il s’agit de choses qui peuvent évoluer. On observe des nouveaux emplois qui se créent sur les îles. Cela peut changer la donne pour l’avenir. Même si subsiste le problème du logement. C’est la principale problématique ? Trouver un logement est un chemin de croix mais il ne faut pas tomber dans le catastrophisme. Les communes îliennes sont de plus en plus attentives à cela et des logements sociaux ont été créés. Cela rejoint la question des résidents secondaires qui sont très nombreux et qui monopolisent beaucoup de bâtis. Ça peut être vu comme un problème mais il ne faut pas oublier que leur présence participe à la vie économique des îles. 21
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Vous galérez à trouver l’amour ? Relativisez et dites-vous qu’il y a plus poissards que vous. C’est le cas des célibataires insulaires. Nombre limité de prétendant(e)s, isolement, distance… en matière de rencards, les îliens doivent composer avec des contraintes que ne rencontrent pas les continentaux. Ce qu’a découvert Ronan, 36 ans, qui depuis quatre années habite l’île de Batz : « J’avais pas forcément conscience de cette problématique avant de m’y installer. J’ai eu quelques histoires avec des touristes et des saisonnières, mais maintenant j’aimerais bien me fixer et construire un truc avec une fille. » S’il n’a toujours pas trouvé chaussure à son pied sur l’île, il n’exclut pas aujourd’hui un retour sur le continent pour y rencontrer
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« PAS DE FILLES SUR TINDER »
quelqu’un. « J’ai même regardé sur Tinder s’il n’y avait pas des filles de Batz, malheureusement personne. Et sur Meetic, j’ai carrément lâché l’affaire… » Pauline, une Ouessantine de 30 ans, se souvient elle aussi de son rapide passage sur Adopte un Mec : « Il n’y avait qu’un seul homme à Ouessant… Un vieux en plus. J’ai vite laissé tomber. »
Car il est vrai que les sites de rencontres ne respirent pas vraiment l’opulence pour les insulaires. Ainsi, sur Meetic, on compte seulement 5 femmes à Belle-Île pour 24 hommes. Sur l’Île-aux-Moines, 14 profils masculins pour un seul féminin. Quant à Molène, Sein, Arz, Houat et Hoëdic, le constat est sans appel : zéro femme à l’horizon.
BAGNOLE, PICOLE... C’EST COMMENT LA VIE SANS FLIC ?
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« Oh t’emmerde pas à mettre ta ceinture, ici personne la met tu sais… » Si un jour vous montez en voiture avec un Ouessantin, il y a de fortes chances pour qu’il vous donne ce conseil (sic). Si cette recommandation nous a au début interpellés, on s’y est plié, respect des traditions oblige. Car sans policier ni gendarme à l’année, les habitants
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de l’île avouent cultiver un rapport particulier avec la répression routière. « C’est sûr qu’il y a une certaine liberté, confie Mélanie (prénom modifié), la trentaine, installée à Ouessant depuis quelques mois. Ça veut pas dire qu’on roule n’importe comment, mais si un jour la voiture termine dans le fossé, c’est pas avec les flics qu’on aura des problèmes… » Si seulement deux îles bretonnes comptent des gendarmes 365 jours par an – les brigades territoriales autonomes du Palais (Belle-Île) et de Groix –, les autres localités en voient uniquement débarquer l’été pour des postes saisonniers face à l’afflux de population.
Les îles, une nouvelle “no go zone” pour les capitaines de soirée et autres Sam ? En septembre, les policiers municipaux (à Bréhat, à l’Île-aux-Moines, au Palais) et gardechampêtre (à Ouessant) prennent pourtant le relais. En vain ? Si Delphine Picault, la garde-champêtre ouessantine, assure les missions de police rurale et peut verbaliser, elle affirme jouer avant tout la carte du dialogue et de la prévention. Et pour le port de la ceinture ? « C’est une mauvaise habitude que je n’arrive pas à faire changer hélas, reconnaît-elle, impuissante. En revanche, quand je vois quelqu’un en cyclo sans casque, je lui fais toujours un petit rappel à l’ordre. »
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Pas de voisin relou, un calme absolu et une vue sur mer à 360° : nom d’une pipe, et si on s’achetait une île privée ? Si Boëdic dans le Golfe du Morbihan a trouvé preneur en mars 2015, trois autres îles bretonnes restent sur le marché : le fort de Keragan (photo) près de Plœmeur, l’île d’Er dans le Trégor ainsi que l’île Lavrec à l’est de Bréhat. D’après l’agence Demeures du Littoral à Perros-Guirec, Er est en vente pour 2 288 000 € et Keragan coûterait un peu plus de 1 500 000 €. Selon France Châteaux à Lorient, Lavrec monterait quant à elle à plus de deux millions. Pas donné ? Selon les agents immobiliers, le prix ne constitue pourtant pas le principal frein à l’achat. Parmi les clients intéressés, on peut trouver « un industriel fortuné qui veut se faire plaisir ou un artiste qui a réussi et qui adore la nature », indique Roselyne Bothorel, directrice de Demeures du Littoral. Principal problème malgré tout : la vétusté des lieux. « La plupart des îles n’ont pas de réseau d’eau courante, rappelle Peter Bros de France Châteaux. Sur Lavrec, il faut également rénover la maison car elle n’est pas habitable actuellement. » « Le fort de Keragan est en vente depuis 2014 et il y a déjà eu plus de sept visites, ajoute Bruno De La Brosse de l’agence Peterson à Vannes. Mais le souci, c’est qu’il est répertorié “monument de France”. Les acheteurs ne peuvent donc pas l’aménager comme ils le veulent. » Pour l’installation d’une piscine avec toboggan géant, on repassera. 23
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POURQUOI LES ÎLES ONT LA COTE AU CINÉ ?
Blague sur la météo et sur l’absence de technologie moderne pour les comédies, ambiance huis-clos pour les policiers, ou “retour chez maman” pour les drames : les îles bretonnes semblent attiser l’imagination des réalisateurs français. Depuis les années 1960, sur près de 400 films, téléfilms et séries tournés en Bretagne, 41 ont été réalisés au large des côtes bretonnes. Et entre L’Équipier ou plus récemment Les Seigneurs, on constate un certain schéma narratif constant. « On retrouve souvent un sentiment communautaire très fort, indique Nolwenn Blanchard, co-auteure du livre La Bretagne au cinéma sorti l’an passé. Les personnages insulaires forment toujours un groupe très soudé, avec une grande méfiance envers les personnages extérieurs qui s’installent dans leur village. » Ces films utilisent dans de nombreux cas l’histoire du rite initiatique et de l’acceptation du groupe comme intrigue principale. Dans Les Seigneurs par exemple, des joueurs de foot bling-bling doivent revenir à un mode de vie simple, oublier les artifices des stars pour se mêler « aux vrais gens » afin d’être 24
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acceptés et accueillis à bras ouverts par les habitants de Molène. Dans un autre genre, c’est aussi le cas de L’Équipier, avec Sandrine Bonnaire et Philippe Torreton, qui raconte l’histoire d’un homme qui débarque sur Ouessant pour devenir gardien de phare. « En plus d’être étranger, il prend un travail très important sur l’île. Il doit prouver qu’il est vaillant, qu’il est aussi têtu que les Bretons pour appartenir à la grande famille de l’île. » On peut y voir une certaine condescendance et un jeu sur les clichés : Nolwenn Blanchard reconnaît que « ces idées reçues sont un peu exagérées, mais tout de même empruntées à une base réelle. La solidarité sur les îles est une réalité ».
nelles. » Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les films tournés sur les îles ne sont pas les seuls à nous faire croire que les Bretons ne connaissent pas la 4G. « On le remarque aussi dans les films tournés dans la campagne bretonne. Sur les îles, cela renforce simplement la vision des habitants repliés sur eux-mêmes, mais ce n’est pas systématique. » Avec la sortie le 13 avril prochain de Marie et les naufragés, film tourné à Groix avec Éric Cantona et Pierre Rochefort, c’est le côté romantique des îles qui est ici utilisé. En fuyant l’amour de deux hommes, Marie vient chercher l’introspection au milieu de l’Atlantique. De même pour Louise et sa mère dans le film Mauvaise Fille (avec Izïa Higelin et Carole Bouquet) qui s’isolent sur l’île Météo, techno, solo de Houat pour renouer une relation Les conditions climatiques difficiles de complicité en des temps difficiles. donnent aussi une autre dimension à Au cinéma, l’île prendrait presque l’histoire. « Les blagues sur la pluie, des airs de retraite thérapeutique où on peut passer dessus rapidement : ça les personnages prennent le temps revient à chaque fois ! Mais à Oues- de repenser à eux, de faire le point sant par exemple, on a un décor de « contre vents et marées » comme le bout du monde, qui subit les tempêtes résument si finement (sic) de nomet marées. Les réalisateurs peuvent breux synopsis. donc mettre leurs personnages face à des conditions difficiles et exceptionLouise Caillebotte
DOSSIER
IL Y A 10 ANS... LA LUTTE ANTI-CPE
FACS BLOQUÉES, AG MONSTRES, MANIFS À GOGO ET RÊVES DE FLINGUER LE SYSTÈME : LES MOUVEMENTS CONTRE LE “CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE” FÊTENT LEURS 10 ANS ET RESTENT ENCORE AUJOURD’HUI UNE RÉFÉRENCE AU SEIN DU MILITANTISME ÉTUDIANT. n matin je me pointe à l’IUT, je vois trois ou quatre mecs essayant de bloquer l’accès d’une salle de cours. “Qu’est-ce que vous branlez ?”, je leur demande. Ils m’expliquent que c’est rapport au CPE, qu’il faut agir pour empêcher la loi de passer. D’autres arrivent et on décide de se réunir dans un amphi, une soixantaine pour discuter des enjeux et de la marche à suivre. On a fini par voter le blocage. » 26
avril-mai 2016 #26
Le 7 février 2006, l’IUT de Lannion devient le premier établissement de France à intenter une action de protestation contre le projet de loi dit « pour l’égalité des chances ». Mickaël est alors étudiant en journalisme dans le Trégor et se souvient s’être embarqué dans une aventure pas banale qui a duré trois mois. « J’étais surtout actif à la radio de l’IUT, on a fait un truc comme 50 heures de prise d’antenne la première semaine. On a bloqué la
gare de Plouaret-Trégor, l’axe du TGV Brest-Paris, je te raconte pas le bordel… On s’est aussi pointé à l’aéroport en escaladant les murs. C’est hyper grisant à vivre et formateur aussi pour ta conscience politique car c’était un bouillonnement permanent d’idées. » Dans le package de ce projet de loi controversé, un point fait surtout tiquer : l’instauration du contrat première embauche (CPE), sorte de CDI réservé aux moins de 26 ans
comprenant une période de consolidation de deux ans suite à la période d’essai, avec rupture possible sans motif. Pour le premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin, la mesure doit inciter à l’embauche des jeunes actifs, dont près d’un quart est au chômage.
« Il ciblait la jeunesse » Très vite, les critiques fusent de la part des opposants : ce contrat faciliterait les licenciements abusifs avec, pour conséquence, une hausse de la précarité. « Il y a vite eu consensus contre ce projet », se remémore Maëlle Jaouannet, alors présidente de l’UNEF à Rennes. La raison ? « Il ciblait clairement la jeunesse, c’était simple à expliquer et à comprendre, beaucoup plus que les mouvements étudiants précédents, notamment ceux contre le projet de loi Ferry concernant l’autonomie des universités. » Dans la foulée de Lannion, Rennes 2 est également bloquée lors d’une AG à l’amphi Châteaubriand. « En quelques jours, les cours ont cessé dans des dizaines de facs partout en France, rappelle Maëlle. On a appelé ça la “ola des universités”. » La première coordination nationale étudiante a lieu à Rennes le 18 février. Le 7 mars, 39 universités sont en blocage. Dans certains établissements comme à Lannion, la fermeture administrative est décidée pour éviter tout débordement. Pour les autres, le vote est effectué à l’issue des AG. « Tous les deux ou trois jours, il fallait revoter la levée ou non du barrage filtrant. C’était au comité de grève de juger quel camp levait le plus de mains, sur une moyenne de 500 participants à l’AG », se rappelle Sylvain Dubreuil, à l’époque président de l’UNEF Brest. Au fil des semaines, la tension finit par monter d’un cran. « Il a surtout fallu faire face à l’opposition de l’UNI (principal 27
Daniel Vaulot
François Melodia
DOSSIER
syndicat étudiant de droite, ndlr), qui gueulait en estimant que ce vote n’était pas démocratique. Alors on en a organisé un à bulletin secret. C’était quitte ou double mais c’est finalement passé en faveur de la reconduction de la grève. »
Anti-blocage À Rennes, alors que les manifs dans le centre-ville se multiplient, de même que les opérations coup de poing (envahissement de la gare, barrages routiers…), rassemblant largement au-delà du cercle des étudiants et lycéens, des mouvements antiblocage de facs naissent (SOS Facs Bloquées, Halte au Blocage…). Leurs représentants se font de plus en plus entendre lors des AG, surfant sur un discours de flippe du type « avec vos conneries, les examens vont être annulés et l’année étudiante avec ». Entre pro et anti, la direction se trouve dans une position inconfortable, en premier lieu le
président de Rennes 2, Marc Gontard. « J’étais contre le CPE donc plutôt favorable à la protestation. En revanche, je m’opposais à la manière, précise l’ancien boss de Villejean. Tant que les syndicats légitimes comme l’UNEF et SUD dominaient le comité de grève, ça allait. Mais ils ont vite été débordés par des groupes autonomes et anar, certains extérieurs au campus, qui ont pris le contrôle et installé un squat dans le hall B, avec beaucoup de dégradations. » Il y en aurait eu, calcule-t-il, pour « 100 000 euros de réparation. Je recevais aussi quotidiennement des mails insultants des deux bords : certains m’accusaient de traîtrise car je m’exprimais pour la reprise des cours quand d’autres me reprochaient au contraire de ne pas en faire assez. » Le 18 mars, une journée nationale de manifestation réunit entre 500 000 et 1,5 millions de personnes dans toute la France : 30 000 à Rennes,
« Une prise en main de la jeunesse pour son avenir » 28
avril-mai 2016 #26
15 000 à Brest, 9 000 à Saint-Brieuc, 8 000 à Lorient… La loi est promulguée le 31 mars mais le président Chirac intervient à la télé pour demander une modification des clauses qui posent problème. Finalement, le 10 avril, soit plus de deux mois après les premiers blocages, Villepin annonce que « les conditions ne sont pas réunies » pour que le CPE s’applique. En clair, le projet de loi est enterré.
« J’en ai pleuré » Victoire ? « Oui, estime Sylvain Dubreuil, dont la fac brestoise a vite levé le blocage suite à cette annonce. Que les étudiants et les lycéens fassent plier un gouvernement, c’est rare. Il faut retenir cette prise en main de la jeunesse pour son avenir. » Pour Étienne en revanche, alors en licence d’Histoire et militant SUD à Rennes, « il y a eu une petite frustration de pas être allé au-delà de l’abrogation. On avait quand même créé un truc pas loin d’être plus fort que Mai 68 : plus rassembleur et plus varié. » À Villejean d’ailleurs, le déblocage
Daniel Vaulot Unef Brest
Unef Brest
tarde, rappelle Gontard. « Il a fallu une dizaine de jours de négociations, les dernières AG étaient clairement manipulées avec plein de personnes extérieures à Rennes 2 qui venaient garnir les troupes des pro-blocage : squatteurs, chômeurs, étudiants de Rennes 1… » À Lannion, d’où le mouvement était parti, la fin de la grève est également difficile. « J’en ai pleuré, se souvient Julie, alors étudiante à l’IUT. C’était un vrai désarroi de retrouver la vie normale après cette parenthèse humainement si forte, à penser citoyenneté et vivre ensemble au quotidien. Beaucoup d’entre nous auraient aimé que le mouvement provoque une vraie prise de conscience collective et puisse venir corriger certains maux de cette société, mais c’était peut-être un peu trop rêver… Il a vite fallu se remettre dans le bain pour réussir les examens de fin d’année qui sont vite arrivés. » Des examens que son collègue lannionais Mickaël a d’ailleurs manqué. « Ouais, les manifs anti-CPE m’ont coûté une année scolaire. Mais ça valait le coup, qu’est-ce qu’on s’est marré… » Régis Delanoë 29
DOSSIER
Sur les tableaux d’affichage des facs bretonnes, au milieu des annonces de job, de sous-location et de covoiturage, quelques affiches militantes essaient toujours de se faire une place. Dessins à main levée, écriture rouge sang et aplats de couleurs, ces visuels attirent l’œil pour la bonne cause : syndicats et collectifs étudiants utilisent encore la force de l’image pour défendre leurs idées. Si les affiches contestataires envahissent peut-être plus facilement aujourd’hui votre mur Facebook que celui de votre fac, elles continuent d’exister tant bien que mal. « La production d’affiches a dû baisser par rapport aux années 1970, qui étaient des années d’effervescence. Les mobilisations politiques de grande ampleur sont moindres de nos jours, et les réseaux sociaux ont pris le relais, constate Anne-Marie Sauvage, conservateur d’affiches à la Bibliothèque nationale de France. Mais le papier existe toujours bel et 30
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bien, et est loin d’être éradiqué ! » Une exposition est d’ailleurs consacrée à ce type d’affiches au festival Itinéraires Graphiques actuellement à Lorient. Intitulée 68Mai08, elle regroupe une trentaine de créations de graphistes belges autour du thème de la contestation. Parmi ceux-ci, Teresa Sdralevich qui met son engagement à contribution dans ses créations. « Depuis mes débuts, je me sers du graphisme comme une arme », explique l’artiste. La cause des femmes, la guerre et les droits de l’Homme font partie de ses combats.
toujours vivante, mais aujourd’hui on a davantage carte blanche dans la création », se réjouit Teresa. Les thèmes ne sont également plus les mêmes aujourd’hui. Si le droit des femmes et la lutte contre le pouvoir politique dominant étaient déjà présents dans les contestations des années 1970, le combat environnemental a maintenant une plus grande place. « Notre vue de l’esprit a évolué. La politique est toujours récurrente, mais elle côtoie d’autres causes. Je pense notamment au mouvement de Notre-Dame-des-Landes qui mêle politique et écologie. » Avec leurs De nouvelles causes tracts et stickers jaunes et rouges, Et si l’héritage graphique de Mai 68 illustrés d’un avion noir, les oppoest toujours présent, il n’est plus for- sants au projet d’aéroport ont réussi à cément prédominant. « Je connais imposer une identité visuelle comme un artiste qui crée des visuels pour symbole de leur lutte. En attendant un syndicat et qui utilise des couleurs l’affiche pour le référendum ? très douces, comme le vert et le rose, pointe Anne-Marie Sauvage. On sort Louise Caillebotte du code rouge et noir. » « La forme de l’affiche n’a pas beaucoup changé, Itinéraires Graphiques l’alchimie entre les mots et l’image est jusqu’au 14 mai à Lorient
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Teresa Sdralevich
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LES IDÉAUX SE TAPENT TOUJOURS L’AFFICHE
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SYNDICATS ÉTUDIANTS : ET AUJOURD’HUI ?
En ce début de printemps, le projet de loi travail porté par Myriam El Khomri a réveillé les syndicats étudiants qui, depuis quelques temps, semblaient moins séduire les jeunes. Vraiment ? Oui, confirme Lara Bakech, membre du bureau national de l’UNEF et étudiante à Brest. « La génération actuelle est marquée par une résignation plus forte que la précédente et une défiance envers les institutions syndicales et politiques. Le discours “voter ou manifester, ça ne sert à rien” est très présent. ». Autre conséquence, en plus des fortes abstentions aux élections syndicales étudiantes (80 à 85 % en moyenne constatés lors des derniers scrutins rennais) : la montée du corporatisme sur fond d’anti-establishment. De quoi faire déprimer Clément Gautier, secrétaire fédéral Solidaires à Rennes 2 : « On a clairement un problème de légitimité, les étudiants ne nous identifient plus comme des défenseurs de leurs droits. » Un état de fait qui inquiète le sociologue rennais Christophe Moreau : « La majorité des jeunes militent d’abord pour eux et cherchent à constituer un cercle sécurisant autour de leur famille et de leurs amis avant de penser collectif et société. C’est la dominante du moment des pays libéraux et c’est même une stratégie des pouvoirs publics : en détricotant les systèmes de protection, on pousse aux réflexes individualistes. » 31
PAPIER
RADIO PIIIII-RATE
SEIZE ANS QUE RADIO BONHEUR S’EST TAPÉE L’INCRUSTE SUR LES ONDES BRETONNES ET CARTONNE À BASE DE STANDARDS D’ACCORDÉON, DE CHANSONS PAILLARDES ET D’ANNONCES MATRIMONIALES POUR TROISIÈME ÂGE. UN OVNI RADIOPHONIQUE.
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Imagine : tu fais dodo, t’as mal réglé ton radio-réveil et voilà qu’il se déclenche sur le tube de René Grolier, La Java des flageolets : « Elle réchauffe l’atmosphère, dégourdit les militaires. Tous ceux qui aiment les fayots *prout* pour cette java crient bravo. » Sonné par cette saillie sonore qui vient de violer tes oreilles, tu n’as plus le réflexe d’éteindre le poste. S’enchaînent alors un Sardou (« Le Co-né-ma-RAAAA ! »), Les Neiges du Kilimandjaro (« Elles te feront un blanc manteau, où tu pourras dormir, dormir, dormir ! »), une reprise à l’accordéon d’Amazing Grace par Silvère Burlot et le dernier des Glochos, Les Patates nouvelles. Arrive enfin le générique : « Radio Bonheur, c’est mieux que le chou-fleur ! » Panique pas, t’es juste tombé sur la radio number one des seniors du nord-Bretagne. À déguster avec langues de chat et biscuits à la cuillère trempés dans un verre de Monbazillac. Seize ans qu’elle diffuse depuis Pléneuf-Val-André, son QG. C’est là que nous sommes allés le temps d’une journée, plonger dans les entrailles de la bête hertzienne à la rencontre de son 32
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fondateur Dominique Le Boudec, un quinqua fada de ce média depuis un bail. « En 81, c’est la libération des ondes. Je monte des premières radios amateurs en parallèle d’un boulot aux PTT. Puis finalement, je décide de m’y consacrer à 100 % en lançant Radio Bonheur en 2000. » L’idée est rétrospectivement maline : se lancer dans la “niche” du troisième âge. « Un tiers de la population et ça va en augmentant. Or, il n’y avait pas de radio qui leur est spécialement consacrée. » Même pas France Bleu, Nostalgie ou RTL ? « Non, ce sont des radios pour adultes, pas pour seniors (sic). Ils veulent des chansons qu’ils comprennent, d’où la programmation 100 % française, un déroulé linéaire et des infos adaptées. » Une journée continue d’écoute permet de saisir la simplicité et l’efficacité de la grille proposée par Radio Bonheur : une grosse majorité de musique (« des standards avec 20 % d’accordéon »), quelques bulletins d’infos répétés à intervalles réguliers (« les routes abimées, les manifs agricoles… ce qui intéresse le public, hors les obsèques »), des agendas ( « le club des Lilas de Pléboulle
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organise son concours de boules »), des annonces classiques (« à céder cause décès Citroën Berlingo », « à vendre remorque de fumier », « recherche pour saillie bélier dans le secteur de Callac »), des matrimoniales (« homme 72 ans, physique agréable, désire rencontrer une femme pour rompre la solitude, voire plus si affinités »), un horoscope, la météo, des dédicaces (« Lucienne de Saint-Brandan, qui fête ses 80 printemps aujourd’hui, de la part de Daniel son fils aimant ») et des jeux concours pour gagner t-shirts, casquettes et autres babioles à l’effigie de la radio. Ne pas non plus oublier les longues plages de pub « car on est une radio commerciale mais indépendante, la seule du genre en France », flatte le boss, qui fait aussi des ronds avec la cotisation des assos pour diffuser leurs annonces à l’antenne. La SARL tourne pleine balle, en comité restreint : quatre salariés, plus des occasionnels. Radio Bonheur a déménagé il y a quelques années mais est restée dans son fief de Pléneuf, désormais installée dans des locaux avec espace boutique et deux studios d’enregistrement. Dans les chiottes, il y a même une douche en cas d’heures supp’. Car niveau boulot, Dominique est un gros taré. « Je dois bosser dans les 70 heures par semaine », calcule-t-il. De 8 h du matin à parfois tard dans la nuit les soirs de match de Guingamp, il assure les enregistrements, la sélection des morceaux, la conception des jingles… Ici, tout est fait maison. « Et si y a une antenne qui tombe, je prends mon harnais et j’y vais. J’ai mon permis pylône. » Un guedin on vous dit, du genre aussi à avoir les dents qui rayent le parquet. Après avoir étendu son rayon d’émission sur les Côtes d’Armor et une partie
du Finistère via le rachat de Radio Canal Centre, il a profité d’une procédure de renouvellement de fréquence pour choper celle qui permettait à l’historique radio associative Sing Sing d’émettre à Saint-Malo.
« Un tas de boue » Un choix du CSA discutable – et toujours discuté, l’affaire ayant été portée devant le Conseil d’État – qui rend bien vénère Yann Heligoin, fondateur de Sing Sing. « Radio Bonheur ? Un tas de boue, attaquet-il. C’est un déni de pluralité. Si les gens veulent s’abrutir en écoutant La Danse des canards c’est leur problème mais on doit leur donner le choix. » Dans la radiosphère locale, c’est peu dire que la favorite des plus de 60 ans suscite mépris voire dégoût. « Je lui reproche surtout de catégoriser une partie de la population. C’est une radio vieille France. J’y ai déjà entendu des annonces du type “cherche femme, même de couleur”, c’est scandaleux », s’insurge Oncle Marcus de Radio Activ’, qui émet autour de Saint-Brieuc.
Face à ces attaques, Dominique Le Boudec affiche l’argument qui flingue tout débat : les chiffres d’audience. « On est troisième radio dans les Côtes d’Armor derrière France Inter et RTL. 12,1 % de part d’audience, avec la plus grande durée d’écoute moyenne par auditeur : 200 minutes par jour ! Dans certains foyers, on fait partie de la famille. Si on était si mauvais, vous pensez que les gens nous écouteraient ? » Un discours qui ne tient ni pour Yann ni pour Marcus : « Ce n’est pas parce qu’on s’adresse aux personnes âgées qu’on doit les abrutir avec le pire de la variété. Elles méritent mieux que ça. C’est comme avec les jeunes qui écoutent du Booba ou du Maître Gims à longueur de journée sur Skyrock en pensant que c’est ça le rap. » En attendant, Radio Bonheur poursuit son expansion. Dominique dévoile son plan de bataille : « Prochain objectif : Lorient. Et à moyen terme, l’ensemble de la Bretagne. » Du sang, du labeur, des larmes et de l’accordéon. Régis Delanoë 33
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DANS LE MONDE DU SPECTACLE, IL EXISTE UNE CATÉGORIE À PART : L’IMITATION. UN STYLE HUMORISTIQUE PAS TOUJOURS AU TOP DE LA HYPE MAIS QUI, MINE DE RIEN, SE RÉINVENTE.
ain collée à l’oreille pour faire Nelson Monfort (« eh oui Pa-Trick ! »), fiches jaunes tendues bien devant lui avec des « je suis ? je suis ? » en hommage à Julien Lepers et un « je rêve d’une banque » torché rapidos pour imiter Gad Elmaleh : pour son début de spectacle, Philippe Chatain enchaîne les classiques avec facilité. Quand soudain, il disparaît quelques secondes en coulisses pour réapparaitre avec un plaid rouge vif sur le dos et une perruque mal coiffée. C’est pas forcément évident au début mais les « on ne nous dit pô tout » enchaînés toutes les trois 34
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phrases permettent de saisir qu’il s’agit bien là d’une imitation d’Anne Roumanoff. Suivront Hollande (« bouyour mon pétit, aheu »), Dany Boon (« hein biloute »), Johnny (lunettes noires, guitare en plastique), Bruel (jappement de chien), Ruquier (« ma nouvelle émission On s’est tous essayé a-uh a-uh a-uh ») et même un Élie Kakou ressuscité (« faut rigoler ! »), avant un Stromae final pour remercier l’audience (« fô-ô-ôrmida-bleuh ! »). Vingt ans que Philippe Chatain se bidonne à enchaîner les voix des autres (« une bonne cinquantaine par spectacle sur un catalogue de pas loin de 200 »). Ce soir-là, c’était
à l’invitation du comité des fêtes de Brie, petite commune proche de Janzé en Ille-et-Vilaine. Ils étaient une centaine à assister au spectacle qui a duré une bonne heure et baptisé Chatain fait ce qu’il lui plaît. Imitateur professionnel depuis 1995, ce Morbihannais enchaîne les spectacles un peu partout en France, « quatre par mois en moyenne ». L’imitation, il fait ça depuis tout gamin dans les seventies, racontet-il en sortie de scène. « Giscard en premier, puis Tino Rossi. Des voix que je ne fais plus aujourd’hui parce que faut vivre avec son temps. J’ai viré Alice Sapritch aussi, c’est con je la tenais bien. Les derniers ajouts ?
Jean-Paul Rouve dans Les Tuches et François Damiens. Je travaille Kev’ Adams aussi mais je l’ai pas encore invité sur scène, comme j’aime à dire… » Philippe Chatain dit bien kiffer son métier de saltimbanque « à la croisée des genres, entre humour, théâtre et performance vocale ». En Bretagne, les imitateurs gagnant leur vie à gigoter de la corde vocale se comptent sur les doigts d’une main. Parmi les concurrents de Chatain, il y a Fabrice Le Roch, lui aussi arrivé dans le game au cœur des années 90, une époque où décolle en France ce genre artistique. « La décennie avant il y avait Thierry Le Luron et basta, rembobine le Loudéacien. Puis, il y a 35
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« Tu dis “ma couille”,
avec Hanouna sur Europe 1 et la scène avec son premier one-manshow qui fait le plein à Paris : le natif de Plaintel dans les Côtes d’Armor a un calendrier démentiel. « Faut elles n’accueillent en revanche que en plus que je trouve le temps pour le très haut du panier des as de la m’entraîner et trouver des noucaricature vocale, à l’image de Lau- velles voix. Je me sers beaucoup du rent Gerra qui se produit fin mai Zapping pour ça. J’essaie aussi d’inà Lorient et à Rennes. Quant aux nover dans un genre qui a peut-être cabarets et cafés-théâtres du coin, besoin d’être dépoussiéré. » les imitateurs locaux y sont rares, pour ne pas dire absents. Comme Yann Barthès, Booba... le confirme Laurent Marcouyau, Ce serait ringardisée, l’imitation ? patron du Bacchus à Rennes, qui « Non mais quand tu vois le public n’en a jamais programmés. de Gerra, y a pas beaucoup de Pour tenter de percer au-delà des jeunes, constate le trentenaire. Je salles des fêtes de la région et des fais en sorte de les amener à mon soirées privées, il faut donc obli- spectacle par le choix des voix. Les gatoirement monter à la capitale. Aznavour, Chirac, ça ne parle pas Un pari tenté dans les nineties par aux nouvelles générations. » Lui le Malouin Patrick Adler. « À la fait dans le Yann Barthès, Booba, base j’étais professeur de lettres, pas destiné à être imitateur sauf qu’à l’époque j’étais le seul mec à chanter avec une voix de femme : Sanson, Barbara, Bonnie Tyler… L’émission La Classe me repère, ça a tout de suite marché, j’ai plus quitté le milieu depuis. » Un peu quand même. « Non mais ça va, rassure-t-il, je fais une soixantaine de galas par an, c’est très bien comme ça. La notoriété, je m’en fous... J’ai fait le Zénith avec Hélène Ségara, la première partie de Dany Brillant à l’Olympia, je peux mourir tranquille. À 58 ans, je fais attention d’ailleurs à pas faire le spectacle de trop. Je me vois pas continuer à faire Vanessa Paradis jusqu’à mes 65 ans. » S’il compte bientôt passer la main, Adler peut se rassurer : la relève est assurée avec Marc-Antoine Le Bret, le jeune imitateur qui monte. Télé sur Canal et chez Ruquier, radio
eu Yves Lecoq, le succès des Guignols, Patrick Sébastien, Laurent Gerra, Nicolas Canteloup… » Loin des paillettes, Le Roch a commencé la discipline pour les copains et la famille, en parallèle d’un métier de commercial. « J’ai vite trouvé la voix de Fernandel. Michel Serrault aussi, un jour où j’étais enrhumé. Aujourd’hui j’en tiens une centaine. Parfois il suffit d’un gimmick. Depardieu, tu dis “ma couille”, tout le monde comprend. “Veux-tu m’épouser ?”, hop j’ai fait Domenech, facile. » Moins facile quand même, le fait d’enchaîner ces voix pendant une heure de spectacle. « Celle de Garou par exemple, ça arrache de la faire, je la tiens pas trois minutes. Le Pen, pareil. » Fabrice Le Roch sévit principalement dans le 22 et le 35, facturant ses soirées entre 400 et 1 000 euros. « C’est une vie sympa. Y a du boulot bien sûr pour travailler ses voix mais j’aime bien faire marrer les gens. Il faut bien, surtout aujourd’hui… »
« Dépoussiérer le genre » Le plus gros de la clientèle des imitateurs aujourd’hui serait les comités d’entreprise. « On est amené à intervenir à l’issue de séminaires, explique Philippe Chatain. Les mecs viennent de se taper une grosse AG, ils ont besoin de se détendre… Les assurances, la banque, ça fonctionne bien. » Sûr que son sketch avec Gad Elmaleh doit cartonner avec ce public. Pour ce qui est des vraies scènes de spectacles de la région, 36
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Cyrille George Jerusalmi
tout le monde comprend »
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Matthieu Delormeau… « J’ai aussi décidé d’inclure dans mon spectacle une partie stand-up où je blague avec ma voix, parce qu’enchaîner les imitations ça peut saouler sur la durée. » Mixer imitations et sketchs classiques, une alternative originale aux spectacles habituels mi-imitations mi-chansons des Chatain, Le Roch, Adler et de toute la vieille garde. Et caricaturer pour dénoncer, voire militer, en utilisant ses cordes vocales comme le font les dessinateurs de presse avec leur coup de crayon ? « La similitude est intéressante mais elle ne tient pas au-delà d’un sketch, estime Fabrice Le Roch. Le public se lasserait, on est sur scène pour faire du divertissement, pas à une tribune politique. Je ne suis pas Stéphane Guillon. » Il l’imite pourtant très bien. Régis Delanoë
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DEPUIS LE DÉBUT 2016, IL N’EST PLUS NÉCESSAIRE D’ÊTRE PARENT POUR DEVENIR DONNEUR DE GAMÈTES. UN ASSOUPLISSEMENT DE LA LÉGISLATION FACE AU NOMBRE CROISSANT DE COUPLES DEMANDEURS. LA NAISSANCE DU FAP SOLIDAIRE ? et article a débuté par les révélations d’un ami lors d’un dîner. « J’ai déjà donné mon sperme… tu le savais pas ? », me glissait-il, comme pour réveiller le journaliste légèrement endormi par quelques vodka-Schweppes bien dosées. Une confidence qui attisa tout de suite ma curiosité et mon envie d’en 38
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savoir plus sur les conditions d’une pratique plutôt méconnue au final. En couple depuis plus de dix ans et père d’une petite fille, celui qu’on appellera David (l’anonymat est un des fondamentaux du don) a poussé pour la première fois les portes du Cecos (Centre d’étude et de conservation des œufs et du
sperme humains) de Rennes il y a quelques années. Par « envie de rendre service, avance-t-il. Personne dans mes proches n’avait de problèmes de fertilité mais, avec ma femme, on s’est toujours dit qu’on apprécierait d’avoir accès au don si jamais on était dans cette situation. D’où l’envie de filer un coup de main ». C’est le cas de le dire.
Une démarche spontanée qui, selon le Cecos de Rennes (le seul en Bretagne et l’un des 25 centres en France), reste « largement » minoritaire. « La grande majorité des donneurs ont été sensibilisés par un membre de leur entourage : un frère, un cousin, un copain…, expose Celia Ravel, la cheffe de service du Cecos rennais, qui tient à rappeler qu’il ne peut y avoir de don destiné à tel ou tel couple. L’attribution est gérée nationalement en fonction des critères physiques. Et non en fonction des connaissances ou préférences de chacun. »
« Pas un business » En France en 2013, ce sont en tout 268 hommes (25 à Rennes en 2014) et 456 femmes (51 à Rennes en 2014) qui ont effectué un don de spermatozoïdes et d’ovocytes. Des chiffres en augmentation par rapport aux années précédentes mais qui révèlent toujours une pénurie de donneurs (il en faudrait 300 chez les hommes et 900 chez les femmes). Le docteur Ravel précise : « On ne peut pas parler de pénurie mais plutôt d’une insuffisance de l’offre par rapport aux besoins. La subtilité est importante car le terme de pénurie a tendance à renvoyer à une notion de business que nous rejetons. Elle ne correspond pas du tout à la démarche qui est avant tout altruiste et désintéressée. » Car si d’autres pays (USA, GrandeBretagne…) ont fait le choix de la rémunération, la France reste ferme sur ce point. « Cela serait néfaste. Les donneurs n’y verraient qu’un intérêt lucratif…. » Un peu comme dans le film québécois Starbuck (ou Fonzy, le remake français avec José Garcia) où le personnage principal effectue 693 dons contre 24 000 dollars et se découvre géniteur de 533 enfants. 39
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« En France, le don de gamètes est basé sur un triptyque jusqu’à présent jamais remis en question : volontariat, anonymat et gratuité. Pour la rémunération, on ne peut jamais dire jamais mais, actuellement, ce n’est pas dans les tuyaux (sic). » À défaut de contrepartie financière, David, notre donneur anonyme, estime quant à lui qu’un allégement des formalités pourrait inciter les bonnes volontés. Car avant de voir ses spermatozoïdes (sous forme de “paillettes”) congelés à -196° dans de l’azote liquide, le jeune homme a dû faire face à de nombreuses étapes. « Faut savoir que c’est assez lourd comme parcours. En tout, cela dure six mois... Faut limite avoir la foi. En plus des différentes rendez-vous pour le recueil du sperme, tu as des entretiens avec plusieurs médecins : généticien, psychologue... À chaque fois, ça te bloque une à deux heures. Sans compter le temps
de route. Je peux comprendre ceux qui trouvent ça hyper contraignant et décourageant. » Une procédure pour le moins complète que Celia Ravel juge nécessaire pour « un strict respect sanitaire ». Car au-delà des tests
sérologiques (VIH, hépatites…), une étude génétique est également réalisée afin de s’assurer qu’aucune pathologie ne soit transmise au futur bébé. « Donner son sperme n’est pas un acte anodin, ni d’un point de vue médical ni d’un point de
EN MARGE DU CECOS, DES DONS « ARTISANAUX ET SAUVAGES » Pour les femmes seules ou les couples lesbiens, impossible de passer par un Cecos, ouvert seulement aux couples hétérosexuels. Pour elles, plusieurs options se présentent alors, comme l’adoption (compliqué pour un célibataire) ou l’insémination artificielle à l’étranger (Belgique ou Espagne le plus souvent). Costarmoricaine de 41 ans et célibataire endurcie, Claire, qui a « toujours eu envie d’être maman », a choisi une autre solution : le recours à un don dit sauvage, en vue d’une insémination artisanale (la femme s’injecte elle-même le sperme 40
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dans le vagin à l’aide d’une seringue, méthode illégale en France) ou naturelle (suite à un rapport). « J’étais contre l’idée de faire un enfant dans le dos de quelqu’un et je trouvais délicat de demander ce “service” à un ami. C’est pour ça que je me suis inscrite sur un forum spécialisé afin de trouver un donneur. » Après avoir échangé avec tous types de profil (« j’ai observé trois catégories : des salauds qui sont là juste pour coucher, des hommes mariés qui trompent leur femme en se donnant bonne conscience et des
hommes en quête d’une coparentalité »), elle estime avoir aujourd’hui trouvé le bon : un homme marié de 40 ans « qui accepterait de rencontrer l’enfant si ce dernier le désire, tout en sachant qu’il ne pourra le reconnaître, car simple géniteur à mes yeux ». S’il est impossible de chiffrer le nombre de femmes ayant recours à ces dons (sur les sites, les annonces bretonnes se comptent en dizaines), toutes n’y trouvent pas leur bonheur. C’est le cas de Patricia, 32 ans, originaire du Trégor. « Le problème avec les inséminations artisanales,
c’est l’absence de contrôle médical : MST, antécédents génétiques, situation personnelle… On est obligé de faire confiance au donneur à 100 %. Ça ne me rassurait pas. » La jeune femme a donc décidé de se tourner vers une clinique privée belge. « La première insémination coûte 1 500 €, puis 500 les suivantes jusqu’à réussite. C’est deux fois plus cher qu’en Espagne mais la Belgique offre plus de garanties : des tests sur le donneur et la possibilité de choisir ses caractéristiques physiques. »
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vue humain », justifie la cheffe, bien qu’elle reconnaisse les délais parfois longs pour les couples demandeurs : entre six mois et deux ans. Malgré ces difficultés et ces temps d’attente, ce sont tout de même 1 267 enfants qui sont nés suite à un don de spermatozoïdes et d’ovocytes en France en 2013. Pour augmenter ce nombre et tenter de pallier le manque de volontaires, les Cecos ont connu en ce début d’année une petite révolution : l’ouverture de leurs conditions de recrutement. Jusqu’alors cantonné aux personnes déjà parents, le don de gamètes est désormais possible par des hommes et des femmes toujours sans enfant. S’il est encore trop tôt pour savoir si cet élargissement se traduira positivement (« nous aurons les premiers résultats seulement dans un an, en comparant avec les années précédentes »), la boss de l’antenne bretonne espère constater l’arrivée de futurs donneurs. « C’est une bonne chose, cela pourrait notamment augmenter le nombre de démarches spontanées. » Et ainsi ouvrir une nouvelle ère : celle du fap utile et solidaire. 41
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REPÉRÉS L’AN PASSÉ AVEC LEUR EP « MUSIQUE DE CLUB », CES CINQ PARISIENS FORMENT UN GROUPE BIZARROÏDE OÙ INFLUENCES ET SONORITÉS GICLENT DE TOUS LES CÔTÉS. AVEC EFFICACITÉ, SANS JAMAIS SE DISPERSER : BAGARRE FRAPPE JUSTE. etit jeu : essayez de définir en un minimum de mots le style du groupe Bagarre. Après l’écoute de son EP, Musique de Club, sorti à la rentrée 2015, il y a de fortes chances pour que vous vous retrouviez dans l’embarras. De l’électro au hip-hop, en passant par la pop, la trap et le spoken-word, le tout chanté en français : impossible de limiter la musique des cinq Parisiens à une 42
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seule esthétique. Et si l’on pouvait craindre un pot-pourri bordélique, que nenni. Le résultat donne une réelle impression d’unité : incisive, tribale, nerveuse et entêtante. Les intéressés, eux, s’en cognent un peu gentiment. « Aujourd’hui, tout est perméable. Toutes les musiques sont hybrides, même si ce terme veut tout et rien dire », avancent-ils d’emblée. Master Clap, Emma, La Bête, Thom Loup et Cyril revendiquent pleinement
en revanche le côté protéiforme de leur projet initié il y a maintenant deux ans. Emma développe : « Je parlerais plutôt d’une logique de playlist dans la mesure où chacun avait envie d’apporter quelque chose de perso. Pour la réalisation de l’EP, c’est d’ailleurs comme ça qu’on a fonctionné pour savoir dans quelles directions on voulait aller : on avait ouvert une playlist partagée sur Spotify où chacun y mettait tout ce qui lui plaisait. »
Raphael Neal
Un style bigarré qui leur permet de choper des plateaux partagés pour le moins variés. Dans leurs récentes dates : J.C. Satàn, Yanis, Odezenne, Bon Voyage Organisation (<3), We Are Match ou encore Flavien Berger. « Dans les choses plus étonnantes, pour ne pas dire bizarres, un freak show était programmé juste avant nous lors d’un concert en Suisse... » Signé sur le label Entreprise (grâce à Grand Blanc qui l’avait invité lors d’une carte blanche), Bagarre planche actuellement sur de nouveaux morceaux. L’album, c’est pour bientôt les cocos ? « Pas du tout, coupentils. On bosse dessus mais ce n’est pas un Graal pour nous. On ne s’est fixé aucune date. On préfère pour l’instant produire des morceaux à un rythme régulier pour les poster sur Soundcloud et YouTube. » À l’image de Musique de Club, dont les cinq titres ont tous été clipés, chacun mettant en scène un membre du collectif. Un pour tous, tous pour un. J.M Le 14 mai à Art Rock à Saint-Brieuc 43
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CHANTEUR « VF » APRÈS DIX ANNÉES PASSÉES SUR DES TOURNAGES DE FILMS, MARVIN JOUNO S’AVENTURE AUJOURD’HUI DANS LA CHANSON ET SORT SON PREMIER ALBUM. LE NATIF DE SAINT-BRIEUC N’EN OUBLIE PAS POUR AUTANT LE CINÉMA. LOIN DE LÀ.
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ce garçon de 32 ans qui, plus jeune, ne s’imaginait pas vraiment évoluer dans ce milieu. C’est grâce à une option cinéma au lycée que je suis tombé amoureux de ce média. Un média au carrefour des arts. » Une pluridisciplinarité qui va conduire Marvin Jouno (qui n’est pas de fils de Gérard… vous l’avez ?) à composer ses premiers textes et compos. « Le cinéma est une entreprise collective, j’avais un besoin d’expression personnelle. » Des chansons « en VF » aux résonances “biolaysques” et
au format pop revendiqué. Comme sur le single Quitte à me quitter. « Les couplets, le refrain… C’est un cadre peut-être scolaire mais j’aime son efficacité. » En attendant un prochain retour par la case ciné ? Pas pour toute de suite, affirme l’intéressé. « Mon disque m’a déjà permis de faire un film. J’en espère d’autres. Comme le cinéma, la musique est un art transmédias. Quand j’écris une chanson, j’ai déjà le clip en tête. » J.M Le 21 avril à Mythos à Rennes
Elise Toide
l existe plusieurs façons de célébrer la sortie d’un album : un coffret collector avec photos inédites, un concert privé dans un lieu secret, un vinyle en édition limitée… Pour son premier disque Intérieur Nuit, sorti à la mi-mars, Marvin Jouno a quant à lui décidé de convier le public… au cinéma. « J’aimais bien l’idée d’inviter les gens à “voir” mon album. Intérieur Nuit, c’est aussi un film. Nous avons déstructuré la tracklist pour construire un scénario et une histoire. Le résultat ? Un film musical, sans dialogues, qui comme l’album dure 45 minutes. Ce travail de mise en image m’intéressait, avec cette envie de ne pas tomber dans l’imagerie clip dont les ressorts esthétisants et les gimmicks me fatiguent. » Pas un hasard pour ce garçon, né à Saint-Brieuc et aujourd’hui installé à Paris, qui a travaillé pendant près de dix ans dans le monde du cinéma. « J’étais chef décorateur. J’ai surtout collaboré pour des films indépendants ou des petites productions (parmi les plus notables, Survivre avec les loups ou Gigola avec Lou Doillon, ndlr). Un métier découvert par hasard lors d’un stage, plus intéressant qu’il n’en a l’air : on participe pleinement au travail de mise en scène, explique
Ronan Gladu
SALUT ÇA FARTE ?
TROIS POTES FINISTÉRIENS DINGUES DE SURF FONT PARTAGER LEURS AVENTURES SUR LE NET. TIP TOP. En 2008, Ronan Gladu s’était fait connaître avec Barravel, docu court bien péchu sur le surf en BZH. Trois ans plus tard, le réal décide de partir en trip, sur une île déserte de l’océan Indien, avec ses deux potes dingues de vagues, Nono et Ewen. L’expérience vire en méga galère mais il en tire une impressionnante web-série en dix épisodes, baptisée Des Iles Usions. Des pérégrinations à qui il donnera une suite. Le projet se nomme Lost in the swell et a connu trois saisons. « La première a consisté à tester grandeur nature entre les îles bretonnes un bateau prototype du navigateur Roland Jourdain. La seconde a été consacrée au voyage dans les îles Salomon (Océanie) avec le même bateau. Puis la dernière en date, mise sur le web il y a quelques semaines, nous a permis d’essayer sur les plages d’Aquitaine des fatbikes, des vélos à gros pneus faits habituellement pour rouler sur la neige. » Prochain objectif : « continuer avec les fatbikes mais en quittant l’Hexagone, direction l’Afrique de l’Ouest cet été, pour une quatrième saison qui devrait être mise en ligne d’ici la fin d’année. » En attendant, les précédentes sont en ligne et s’avèrent très addictives, à base de sessions surf, de trip à la Robinson Crusoé, de petits bobos et de bonnes marrades les pieds dans le sable. 45
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LEUR FAMILLE HABITE DANS LE LOIR-ET-CHER UN FRÈRE, UNE SOEUR, UN GROUPE DE ROCK TENDANCE NOISE BRICOLÉ À GROS RENFORTS DE PÉDALES ET DE BOUCLES : DITES BONJOUR À ROPOPOROSE, DUO PRÉCOCE QUI A DÉJÀ UNE CENTAINE DE CONCERTS DANS LES PATTES.
Hugo Bernatas
endôme, sous-préfecture du Loir-et-Cher. Un ancien duché dirigé un temps par le père d’Henri IV, un château classé aux monuments historiques, de jolies maisons médiévales… « Non mais cherche pas, c’est mort comme ville. Quand t’es jeune il y a rien à faire. Mais attends, on est Vendômois et fiers de l’être ! » Romain est la moitié du groupe Ropoporose. L’autre moitié, c’est sa petite sœur Pauline, qu’il surnomme “Popo”. “Ro”, “Popo” : vous avez l’explication de ce nom rigolo. Les deux zozos sont jeunes, respectivement 23 et 18 ans. Ils n’en sont pourtant pas à leurs débuts. L’histoire commence à l’occasion de l’édition 2012 des Rockomotives, le festival automnal bien coté de Vendôme. L’asso organisatrice sollicite ce groupe local naissant qu’il veut promouvoir. Romain : « À l’époque, on avait 14 et 19 ans. On essayait des reprises du groupe Girls, pas plus de deux morceaux qu’on reprenait mal d’ailleurs. L’invitation nous a filé un coup de pression, on avait quatre mois pour composer et se préparer. » 46
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Le tremplin fonctionne. Depuis, les deux gamins enchaînent. Plus d’une centaine de concerts, à roder un style entre noise et math rock, avec le recours massif aux boucles de guitare pour se démultiplier sur scène. Pauline est au manche et au chant, Romain à la batterie. « On est même allé au Québec. Là, on revient d’une tournée en Suisse, Italie, Slovénie, détaille le duo, de passage à Rennes début mars à l’occasion de festival Les Embellies (concert de qualitay). On a aussi sorti un album, avec l’aide précieuse de Lionel Laquerrière du groupe ESB (le projet électro-krautrock de Yann Tiersen, ndlr), qui est lui aussi de Vendôme. » Un deuxième album devrait sortir d’ici la fin de l’année, promettentils. Romain : « On est à fond dans le truc. J’ai eu mon master donc ça va je suis peinard. Popo, elle est plus dans la merde avec seulement son bac ! » « Oh ça va, réplique la frangine, j’ai commencé la fac mais pour ce que j’en faisais valait mieux arrêter et se concentrer sur Ropoporose. » C’était ça ou rentrer s’emmerder à Vendôme. R.D Le 9 avril au Novomax à Quimper Le 15 juillet aux Vieilles Charrues
Julien Banes
PRESQUE FLOYD
THOMAS HOWARD MEMORIAL FAIT SON COME-BACK AVEC UN CONCERT FILMÉ AU LAC DE GUERLÉDAN. Grosse actu pour Thomas Howard Memorial, créé en 2010 et qui s’était montré assez discret jusqu’alors avec la sortie de deux EP. En ce printemps 2016, le groupe guingampais de postrock emmené par Yann (par ailleurs membre des Craftmen Club) sort son premier album studio, In Lake, dans une ambiance apocalyptique renforcée par sa version live, tournée sur le lac asséché de Guerlédan. Une captation hyper ambitieuse et très référencée, reconnaît Yann : « C’est clairement dans l’esprit du live à Pompéi des Pink Floyd. Ça a nécessité plus de six mois de préparation pour réunir le matos, obtenir les autorisations, notamment pour survoler la zone avec un drone… » Filmé en une nuit par le réalisateur Nicolas Charles, le groupe a joué en intégralité le nouvel album. « C’était très intense, compliqué à mettre en œuvre mais le résultat mérite. Faire de la musique c’est bien mais l’accompagnement esthétique compte aussi. Faut tenter des trucs un peu fous. Pour te dire, avant qu’on ait l’idée du lac, j’avais même demandé à la mairie de Paris si on pouvait pas faire le live sous l’Arc de Triomphe... » Le 8 avril à Plouha, le 14 au Vauban à Brest, le 15 au Galion à Lorient, le 15 mai au off d’Art Rock à St-Brieuc… 47
VTS
LES COLD CASES EN BRETAGNE ASSASSINATS, DISPARITIONS, MORTS INEXPLIQUÉES... PLUSIEURS ENQUÊTES CRIMINELLES N’ONT JAMAIS ÉTÉ RÉSOLUES DANS LA RÉGION. SI DES PISTES ONT ÉTÉ ÉVOQUÉES, AUCUNE PREUVE N’A PU ÊTRE APPORTÉE. SANS COUPABLE, CES AFFAIRES SONT AUJOURD’HUI CLASSÉES.
Etienne Laroche
1882 : LE PENDU-CRUCIFIÉ DE HENGOUAT
1986 : LE TUEUR DE TOURISTES Ce qu’il s’est passé ? À Lanvallay, près de Dinan, Lorraine Glasby et Paul Bellion, deux jeunes britanniques, sont retrouvés morts, ligotés et bâillonnés dans un champ. Tous deux ont été tués d’un coup de fusil en pleine tête. Quelles pistes ? Les décharges publiques ont été passées au peigne fin, la Rance a également été draguée à la recherche d’éléments. En vain. Avant que dix ans plus tard l’affaire ne connaisse un tournant grâce au témoignage d’un détenu de la prison de Toul, en Meurtheet-Moselle. Un ancien compagnon de cellule lui aurait confessé être l’auteur de ce double meurtre. Verdict ? Aucun élément n’est venu étayer cette piste. Si tout laisse à penser que le détenu fabulait, la disparition d’un des scellés (contenant des traces ADN) au palais de justice de Dinan n’a pas non plus aidé les enquêteurs. En octobre 2006, un non-lieu a été prononcé. 48
avril-mai 2016 #26
Ce qu’il s’est passé ? Le 2 septembre 1882, à Hengouat dans les Côtes d’Armor, le corps de Philippe Omnès, un paysan de 25 ans, est découvert au petit matin. Un meurtre à la mise en scène macabre : bras en croix pendus et attachés aux brancards d’une charrette, les deux pieds ballottant dans le vide. Selon les premières constations, le jeune cultivateur est mort par strangulation, étranglé à mains nues. Quelles pistes ? Très vite, deux principaux suspects sont désignés : Marguerite Omnès, la sœur du défunt, et son mari Yves-Marie Le Guillou. Le mobile ? Un héritage. Verdict ? Un temps suspecté en raison de traces de fer à cheval retrouvées à proximité du corps, le couple est acquitté aux assises de Saint-Brieuc le 16 avril 1883, faute de preuves suffisantes. 134 ans plus tard, le meurtre de Philppe Omnès reste, aux yeux de la justice, toujours sans coupable.
1984 : UN CORPS SANS TÊTE Ce qu’il s’est passé ? Il est 11 h, le dimanche 5 août 1984 à Sérent dans le Morbihan, lorsqu’un couple d’agriculteurs découvre, au bord d’un champ, un corps atrocement mutilé. La dépouille n’a ni tête ni jambes ni bras. Non sans difficulté, le médecin légiste détermine le sexe et l’âge de la victime : une femme entre 18 et 35 ans dont l’identité reste à ce jour encore inconnue. Quelles pistes ? Face aux efforts des meurtriers pour rendre l’identification impossible, un règlement de compte entre « gens du milieu » est imaginé. Sans suite, faute d’éléments. Verdict ? Le dossier ayant été refermé, le mystère reste toujours entier.
1969 : UNE COMBUSTION SPONTANÉE ?
Etienne Laroche
Ce qu’il s’est passé ? Installé à Plouagat dans les Côtes d’Armor, Théophile Le Houerff, 81 ans, reçoit régulièrement la visite de sa voisine. Mais en ce 17 décembre 1969, en franchissant la porte, la femme est tout de suite prise à la gorge par une épaisse fumée. Avant la terrible découverte : le corps carbonisé du vieillard. Son corps est méconnaissable, seuls les bras et les jambes sont épargnés. Quelles pistes ? Si la cheminée à proximité du corps laisse penser à un accident malheureux, aucun élément ne permet de le confirmer. Les causes « paraissent inexpliquées, sinon inexplicables », écrivait Le Télégramme dans son édition du 26 janvier 1970. Un phénomène surnaturel ? L’hypothèse d’une combustion spontanée fut même avancée. Verdict ? Aucune conclusion définitive n’a pu être tirée.
1999 : LA DISPARITION DU DOCTEUR GODARD ramassée sur la plage de Saint-Jacut, des ossements du médecin sont découverts au large de Roscoff… Mais aucun corps n’a jamais été retrouvé. Quelles pistes ? Le mystère demeure, même si un scénario probable émerge : le docteur aurait assassiné sa femme (une information judiciaire pour homicide volontaire, avec mandat d’arrêt international, fut ouverte). Aurait-il ensuite tué ses enfants avant de se suicider ? Ce que présupposent de nombreux proches du dossier. Verdict ? En septembre 2002, un non-lieu est rendu, « faute de charge ».
Etienne Laroche
Ce qu’il s’est passé ? En septembre 1999, le docteur Yves Godard, originaire du Calvados, disparaît, ainsi que sa femme Marie-France et ses deux enfants, Camille et Marius. Très vite, la piste s’oriente vers Saint-Malo où, quelques jours plus tôt, le père et ses enfants ont loué un voilier. Alors que des traces de sang appartenant à l’épouse sont constatées au domicile familial, de multiples rebondissements viennent ponctuer les mois et années qui suivent : le crâne de Camille est remonté par des pêcheurs en baie de Saint-Brieuc, la carte bancaire d’Yves Godard est
CLASSER UNE AFFAIRE, COMMENT ÇA MARCHE ? QUELS SONT LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION ?
Pour un crime (meurtre, viol, séquestration…), le délai de prescription dite d’action publique est de dix ans révolus, à partir de la commission de l’infraction, rappellent Aurore Stephan et Léa Rousseau, doctorantes en droit pénal à l’Université de Rennes 1 (Institut d’études judiciaires). Ce délai est néanmoins interrompu pendant l’instruction, et un nouveau délai commence à courir à partir de la fin du dernier
acte d’enquête. Une fois les dix ans passés, l’auteur du crime ne peut plus être inquiété, même si tout indique qu’il est coupable. QUI DÉCIDE DE CLASSER UNE AFFAIRE CRIMINELLE ?
Le juge d’instruction. POUR QUELLES RAISONS CLASSE-T-ON UNE AFFAIRE ?
Lorsque l’auteur du crime est resté inconnu, qu’il n’y a pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen, ou que le juge estime qu’il n’y a pas d’in-
fraction. Une ordonnance de non-lieu, qui clôt l’instruction, est alors rendue. ET EN CAS DE DISPARITION ?
« Une personne peut avoir disparu parce qu’elle est effectivement séquestrée ou morte. Mais elle peut aussi avoir décidé de partir sans prévenir personne. » Dans le cas d’un majeur qui n’est pas sous tutelle, la disparition est considérée comme inquiétante selon les circonstances (traces de lutte, lettre de suicide, menaces…). Pour
les mineurs, elle est toujours jugée inquiétante et des dispositifs d’appel à témoins peuvent être mis en place. QUELLES SONT LES CONDITIONS POUR RELANCER L’INSTRUCTION ?
Le non-lieu n’est pas définitif. Si de nouveaux éléments (témoignages, indices...) ou moyens techniques apparaissent et peuvent éclaircir une affaire, le juge d’instruction peut accepter de rouvrir l’instruction si le délai de prescription n’est pas passé. 49
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SUBITO !¡
La punk-pop ricaine tient la forme ces temps-ci avec les Wavves, Fidlar et autres Skaters. Les darons du genre restent néanmoins encore les Black Lips, actifs depuis plus de 15 ans à poursuivre l’héritage cool des Kinks. Leur passage dans le coin est rare alors mieux vaut en profiter avec cette date unique.
Un nouveau festoche voit le jour à Rennes, wouhou ! Et pour cette édition inaugurale, c’est la crème de l’électro internationale qui déboule en BZH : DVS1, Blawan, Len Faki (photo), DJ Pierre, Detroit Swindle… Le festival investira aussi le centre-ville pour des expos, DJ sets et pique-niques électroniques.
En attendant de retrouver quelques-unes de ses têtes d’affiche au festival de Binic cet été, le label Beast Records organise sa boum printanière. La soirée s’appelle “Beast or not to be ”, avec au programme du garage rock, forcément, et du bon : Go!Zilla (photo), Kaviar Special, Dirty Deep, Hummingbird….
Le théâtre d’impro tient désormais son rendez-vous incontournable avec le festival Subito !¡, dont c’est la huitième édition cette année. L’occasion de voir sur scène les meilleurs spécialistes de la discipline et de s’y essayer via des workshops. Impec pour les amateurs du Time’s Up et de Dixit.
À l’Ubu à Rennes Le 29 avril
À Brest Du 1er au 16 avril
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M. Domage
Au 88 Club et MusikHall à Rennes Du 12 au 15 mai
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À l’Echonova à Saint-Avé Le 26 mai
CORPS DIPLOMATIQUE
AGITATO
PEER GYNT
STUNFEST
Le pitch de ce spectacle bien barré ? Plutôt que la célèbre plaque en or fixée sur la sonde spatiale Pionner 10, une troupe d’acteurs est envoyée dans l’espace pour raconter l’histoire de l’humanité en cas de rencontre extraterrestre. Nous venons en paix.
Point d’orgue de la saison du Triangle, Agitato revient pour cinq jours de danse, aussi bien sur scène que dans la rue. Au menu : la pièce Compact de Jann Gallois ou encore Stéréoscopia de Vincent Dupont, un étonnant “double solo” hypnotique (photo).
Classique norvégien, la pièce de théâtre Peer Gynt raconte l’histoire d’un jeune homme en quête de gloire, de femmes et d’argent. Une fuite en avant revisitée par la metteure en scène Irina Brook (aidée par Iggy Pop) qui fait de cette épopée un conte rock’n’roll.
Le 12e festival international des cultures vidéo-ludiques de Rennes a la programmation bourrée comme un étudiant le jeudi soir : tournois de jeux de baston à gogo, démos, concerts, ateliers, conférences… Des manettes et des joysticks partout partout. Banzaï !
Au Quartz à Brest Les 11 et 12 mai
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avril-mai 2016 #26
Au Triangle à Rennes Du 1er au 5 juin
Au Théâtre de Lorient Les 11 et 12 mai
Au Liberté à Rennes Du 20 au 22 mai