JANVIER-FÉVRIER-MARS 2017 #30
TEASING
À découvrir dans ce numéro...
«LES ABATS, C’EST ROCK’N’ROLL»
BLOCKHAUS KIG HA FARZ
WIKILEAKS
BUVETTE
«HARDCORE ET FLEUR BLEUE»
C H A R LY
ET LULU GOTHAM CITY CANTINE
FRANCE INTER
«LONGSKATE, TERROIR ET RÉGRESSION»
ÉDITO REVIVAL 2000
Trentenaire, c’est à toi que je m’adresse. Tes années collège te manquent ? Tu as un souvenir ému des CD gravés, des survets pression, du « Wazaaaaaa », du tchat Wanadoo (salon grand Ouest), du Festival Roblès, de la Trilogie du samedi sur M6 (Buffy <3) ou encore de la rivalité Blur-Oasis ? Ce spleen générationnel est tout à fait légitime : ce temps perdu, situé entre la fin des nineties et le début des années 2000, dépotait un max. Une nostalgie que semblent également partager les programmateurs de la région. À Landerneau tout d’abord où, après Garbage et Skunk Anansie l’an passé, Fête du Bruit a déjà annoncé deux premiers noms, symboles de nos années acné, pour l’édition 2017 : The Offspring et Marilyn Manson. Avec ses premiers artistes dévoilés en décembre, la prog’ des Charrues donne aussi envie de nous replonger dans nos playlists adolescentes. Sur Kérampuilh, on pourra ainsi réécouter en live Clandestino de Manu Chao (1998), Lambé de Matmatah (1998) ou le toujours efficace If I Ever Feel Better de Phoenix (2000). Port d’un t-shirt Fido Dido vivement conseillé. Côté hip-hop, la formule consacrée « le rap c’était mieux avant » pourra – enfin – être vérifiée sur la scène du Liberté le 31 mars avec la tournée de “L’Âge d’or du rap français”. Une sorte d’Âge tendre et tête de bois de la scène urbaine des nineties. Trente artistes sont à l’affiche, dont un paquet de mythiques comme Stomy Bugsy, Assassin, Passi, Bustaflex, Nèg’Marrons… Il ne manque plus que Charly et Lulu pour que le revival soit total. La rédaction
SOMMAIRE 6 à 11 14 à 25 26 à 31 32 à 35 36 à 41 42 à 47 48 & 49
WTF : échappées solo, lanceurs d’alertes bretons, consigne, e-sport, wifi dans les transports, chroniqueurs France Inter... Very bad tripes ? Le skate rural On a fait un film Sur la piste des nazis RDV : Mario Raulin, Buvette, Papooz, ComiXity, La Meute Souviens-toi... la salle de la Cité
50 BIKINI recommande 4
janvier-février-mars 2017 #30
Directeur de la publication : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Isabelle Jaffré, Brice Miclet, Jean-Marc Le Droff / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Couverture : Jean Jullien / Consultant : Amar Nafa / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos lieux de diffusion, la CCI de Rennes, Michel Haloux, Mickaël Le Cadre, Émilie Le Gall. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - Espace Performance Bât C1-C2, 35769 Saint-Grégoire / Téléphone : 02 99 23 74 46 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2017.
WTF
QUELLE ÉCHAPPÉE SOLO VOIR ?
12
THÉÂTRATHON
S’EXTIRPER DE SA FORMATION INITIALE POUR DÉFENDRE SON PROJET PERSO : TEMPORAIRES OU DÉFINITIVES, CES PARENTHÈSES SOLITAIRES VOIENT SOUVENT NAÎTRE DE JOLIS BÉBÉS. LA PREUVE PAR TROIS.
Le metteur en scène Julien Gosselin a décidé de s’attaquer à 2666, le roman-fleuve (plus de 1 000 pages) du Chilien Roberto Bolaño. Une histoire titanesque, épique qui va de l’Europe d’après-Guerre aux tumultes du Mexique contemporain. Au total, un spectacle de 12 heures en cinq parties, de 11 h du mat’ jusqu’à 23 h 30. Le samedi 7 janvier au Quartz à Brest.
PONE
DR
« HOUSTON, NO PROBLEM »
Un immanquable dans vos agendas. Apollo Brown, très coté rappeur de Détroit, est de passage dans l’Ouest. Il se produira avec son compatriote Skyzoo le 1er mars au festival HIP OPsession à Nantes et le 2 à l’Antipode dans le cadre du festival Urbaines à Rennes.
SYMPHONIE PUNK
anarchy
En seulement trois ans d’existence à la fin des 70’s, les Sex Pistols se sont imposés comme LA référence du punk. God Save the Queen, Anarchy in the UK… Des tubes réinterprétés par la contrebassiste Sarah Murcia et son orchestre rock-jazz. Le 16 mars au Théâtre de Lorient. 6
janvier-février-mars 2017 #30
En 2014, l’ancien DJ des Svinkels (photo) a décidé de quitter Birdy Nam Nam, groupe qu’il avait cofondé avec Crazy B, Need et Little Mike. Grand bien lui en a pris : Radiant, son premier album solo sorti l’automne dernier, défonce. Ici, aucun grigri de turntablism ni de tour de passe-passe aux platines, mais un “vrai” disque de producteur aux rythmiques lourdes et mélodies douces. La présence de Superpoze à la co-prod’ n’y est sans doute pas étrangère. Quand et où ? Le 20 janvier à La Nouvelle Vague à Saint-Malo et le 21 au 6PAR4 à Laval
TIM DARCY
LESNEU
« Pour toutes les filles qui ne savent plus quoi écouter pour pleurer un bon coup » : c’est ainsi que Lesneu définit son premier EP 5 titres dévoilé en octobre. Lesneu (comme Lesneuven, sa chère contrée), c’est Victor Gobbé, le chanteur de ces foufous de Slow Sliders. Ses chansons lo-fi (dont une en hommage à Griezmann) sont belles mais sacrément mélancoliques, c’est vrai. Pour cette nouvelle année, le protégé du label Beko va jouer sa première belle date à la maison. Quand et où ? Le 22 janvier au P’tit Minou à Brest dans le cadre d’Astropolis Hiver
Le groupe Ought est déjà venu dans le coin à l’occasion d’un fiévreux concert pour le festival de Binic en 2015. Son charismatique chanteur Tim Darcy s’accorde cette fois une échappée solitaire, au-devant du peloton, pour y défendre une esthétique plus apaisée que le post-rock qu’il pratique d’ordinaire avec ses copains de scène. Son premier album, Saturday Night (d’où est issu l’excellent premier extrait Tall Glass of Water), sort le 17 février chez Jagjaguwar (Bon Iver, Besnard Lakes, Angel Olsen, Dinosaur Jr…). Quand et où ? Le 23 février à l’Antipode à Rennes dans le cadre de La Route du Rock
WTF
QUI SONT LES LANCEURS D’ALERTE BRETONS ? WIKILEAKS, PLATEFORME RÉVÉLANT DES SCANDALES DE CORRUPTION OU ENCORE D’ESPIONNAGE, VIENT DE FÊTER SES DIX ANS. L’OCCASION DE REVENIR SUR LES PRINCIPAUX FAITS D’ARMES DES LANCEURS D’ALERTE DE LA RÉGION. LE MEDIATOR
LE COUVOIR DE SAINT-HERNIN
LA DÉPAKINE
En juin 2010, Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, publie Mediator 150 mg : combien de morts. Un ouvrage qui fait suite à deux années d’enquête où elle constate de nombreux cas de valvulopathies chez des patients traités par le benfluorex, principe actif du Mediator, médicament des laboratoires Servier. Sorti en novembre, le film La Fille de Brest revient sur ce scandale. Verdict ? La date du procès pénal n’est toujours pas fixée.
Durant l’été 2014, William, employé dans un couvoir de Saint-Hernin près de Carhaix, filme en caméra cachée plusieurs vidéos qui seront diffusées par L214, association de défense animale. On y voit des poussins jetés vivants dans des broyeuses, des oiseaux mis dans des sacs poubelle puis étouffés… Verdict ? En mars dernier, le couvoir est condamné à une amende de 19 000 euros pour l’étouffement de milliers de poussins.
Des enfants sujets à des troubles physiques et psychologiques. Leur point commun ? Leur mère épileptique s’était vu administrer de la Dépakine, y compris pendant les mois de grossesse, sans être informées des risques. Généticien à Vannes, Hubert Journel fait partie des premiers médecins à avoir sonné l’alarme. Verdict ? En décembre, plusieurs victimes ont formé une “action de groupe” contre Sanofi, laboratoire commercialisant la Dépakine, pour demander réparation.
Lise Gaudaire
GALETTES COMPLÈTES
Si vous avez eu droit à des étrennes, il y a matière à les dépenser chez le disquaire. Vous y trouverez de nouveaux albums sortis par des groupes locaux, comme celui de Bumpkin Island (photo), All was bright, dans les bacs le 3 février. De l’actu aussi pour Mnemotechnic, dont Weapons sort le 20 janvier. À signaler aussi qu’Isol, le premier opus de The Same Old Band, est déjà paru depuis fin 2016, tout comme Ayahuasca de The 1969 Club ou encore l’album éponyme de Monstromery.
SANS FILET Subito !¡, c’est le festival de théâtre d’impro organisé chaque début de printemps dans le Finistère. Un rendez-vous qui débute fort avec le mondial d’impro à l’Avel Vor à Plougastel-Daoulas les 24 et 25 mars. Idéal pour lancer les festivités (shows, workshops...) jusqu’au 8 avril à Brest. 8
janvier-février-mars 2017 #30
DR
LE RETOUR DE LA CONSIGNE ?
RETOURNER VOS BOCKS VIDES : C’EST LE GESTE ÉCOLO QUE SOUHAITE REMETTRE EN PLACE UNE ASSO BRETONNE. Abandonnée dans les années 80, la consigne pourrait bientôt faire son retour en Bretagne. L’asso Distro a été créée pour ça en 2015. « C’est un geste écoresponsable qu’il faut réhabiliter, estime son chargé de mission Patrick Créac’h. La région consomme 75 % de ce qu’elle produit en bière et cidre, il est donc parfaitement possible de remettre en place ce circuit court de retour des bouteilles chez le producteur. » Si Distro compte déjà une trentaine d’adhérents sur les 80 brasseries, microbrasseries et cidriers qui existent en Bretagne, la viabilité du projet est encore loin d’être acquise, admet l’un de ses membres, Matthieu Breton le boss de Coreff, qui annonce « trois principaux défis à relever : mettre en place un système de lavage commun, mutualiser la collecte et standardiser les bouteilles ». Pas de quoi décourager Patrick Créac’h, qui entend bien s’attaquer aux 15 000 tonnes de verre bennées chaque année par les Bretons dans les containers, convaincu par les résultats d’un récent sondage qui indiquait que trois quarts de la population étaient prêts à reprendre la démarche de ramener les bouteilles vides sur le lieu d’achat (qu’il s’agisse d’une cave ou d’un supermarché). « Un premier test expérimental devrait pouvoir être effectué au second semestre 2017 », promet-il. 9
WTF
UN VRAI CHAMPIONNAT DE FOOT SUR FIFA, C’EST POUR BIENTÔT ?
13
NOUVEAU FESTIVAL
POUR GARNIR L’ARMOIRE À TROPHÉES, LES CLUBS DE FOOT PEUVENT DÉSORMAIS CRÉER UNE SECTION « SPORTIFS EN MANETTE ». LES ÉQUIPES BRETONNES S’Y INTÉRESSENT. CARRÉ, TRIANGLE, ROND, ET C’EST LE BUUUUT !
Pas d’hibernation pour les gaziers du festival Visions. Après leur édition à Plougonvelin cet été, ils lancent Treize, un nouveau rendez-vous résolument électro. Dans les à-côtés : un tournoi de Motus et des ateliers kig ha farz. À Rennes du 12 au 14 janvier.
Midi Deux
DR
18 X B2B X 3 = 1988
Tu veux rencontrer les DJ les plus chauds de ta région ? Envoie “Collective Session” au 19 88 ! Le temps d’une soirée, la fine fleur des collectifs électro bretons (Midi Deux, Decilab, Silent Kraft...) présente 18 de ses meilleurs éléments pour des rencontres en B2B dans trois salles ! Le 13 janvier au 1988 Live Club à Rennes.
BZH - AFRICA
cameroun Quand cinq danseurs hip-hop rennais sont accueillis par la compagnie Sn9pers Cr3w basée au Cameroun, ça donne RennesYaoundé Danse Connexion, un projet d’échanges chorégraphiques mêlant break dance, funk style et waacking. Youpla, ça va chauffer dans les bermudas. Le 17 février au Triangle à Rennes. 10
janvier-février-mars 2017 #30
« Le e-sport, on s’y intéresse, reconnaît Thibault Carfantan, chargé de mission à l’En Avant de Guingamp. En tout cas on prend la chose au sérieux en communiquant pas mal sur notre participation à la e-Ligue 1 », ce championnat virtuel de FIFA 17 organisé depuis cet hiver par la Ligue de foot sur PS4 et Xbox. À l’EAG, des joueurs pros se sont même inscrits (Coco, Blas, Ikoko), une opération relayée par la formation costarmoricaine qui « va mettre en avant les finalistes en les faisant jouer depuis un canapé installé sur la pelouse en avant-match de l’équipe première ». À Lorient aussi, on indique vouloir faire une place à la discipline, avec des parties retransmises dans la fanzone ouverte à chaque rencontre à domicile. Néanmoins, aucun des trois clubs interrogés (Guingamp, Lorient, Rennes) n’envisage de recruter – et rémunérer – un vrai joueur pro de e-sport, comme le fait Nantes notamment avec le dénommé Aquino, champion du monde FIFA 2011.
Globalement d’ailleurs, l’implication des clubs bretons reste cantonnée au foot avec FIFA. S’agissant des jeux qui n’ont rien à voir (League of Legends, Counter Strike…), qui représentent la majeure partie du e-sport, Fabrice Bocquet, directeur général de Lorient, est dubitatif. « Les investissements sont trop conséquents pour se lancer », justifie-t-il, même s’il n’abandonne pas totalement l’idée pour « viser une cible jeune qui est parfois difficile à fidéliser ». Au Stade Rennais, on se montre plus évasif encore (« Il y a des échanges et une réflexion mais rien d’abouti à ce jour »), tandis qu’à Guingamp on assure qu’il n’est « pas question de se lancer dans des jeux trop éloignés du foot, qui plus est en engageant des mercenaires qui ne connaissent rien à l’EAG et qu’on paierait simplement pour porter le maillot du club dans les compétitions de e-sport », comme le font désormais des concurrents comme le PSG, Lyon ou Monaco. RD
WTF
INTERNET DANS LES TRANSPORTS, ÇA EN EST OÙ ? WIFI, 3G, 4G… LES CHOSES BOUGENT CONCERNANT LA CONNEXION DE NOS APPAREILS MOBILES PENDANT NOS TRAJETS DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN. TGV, MÉTRO, TRAM, BUS… ON FAIT LE POINT. de santé liés aux ondes (Rennes Métropole annonce de son côté que la réglementation sera respectée). Côté routes, à l’image des “bus Macron” (Ouibus, Flixbus…) tous équipés de wifi à bord, les cars IllePour les portions jusqu’à Brest et noo, mis en service par le Conseil Quimper, nous souhaitons que les département d’Ille-et-Vilaine, s’y opérateurs téléphoniques jouent le mettent aussi. Depuis fin novembre, jeu pour capter à minima la 3G. » le programme Divertinoo (wifi + appli Cette dernière fera par ailleurs son mobile) est à l’essai sur deux lignes entrée dans le métro rennais. À partir du réseau. de juin, les usagers pourront en effet Enfin, dans le tram brestois, le wifi continuer à utiliser leur téléphone n’est pour l’instant pas dans les sans coupure. Une avancée tech- tuyaux, l’expérimentation menée nologique qui fait tiquer certains en 2014 n’ayant pas été jugée satisspécialistes craignant des risques faisante, indique la Bibus. DR
Arlésienne de la SNCF pendant de nombreuses années, la question du wifi dans les TGV avance désormais à fond la caisse. D’ici la fin 2017, 80 % des voyageurs devraient pouvoir bénéficier (gratuitement) de ce service, en test depuis la mi-décembre sur la ligne Paris-Lyon. Et par chez nous ? C’est à partir de juillet que certains TGV seront équipés de wifi à bord au départ et à destination de la Bretagne. « Par ailleurs, des balises 4G sont actuellement installées le long de l’infrastructure ferroviaire entre Rennes et Le Mans, fait également savoir Thierry Quéré, directeur de projet TGV Bretagne.
Jean-Christophe Bordier
CIRCUS MAXIMUS
Fans de cirque contemporain, sortez vos agendas. À Quimper tout d’abord, le festival Circonova, organisé par le Théâtre de Cornouaille, propose du 13 janvier au 10 février seize spectacles. Il accueille notamment les acrobates et musiciens du Nouveau cirque du Vietman ou encore la pièce Ose de Chloé Moglia, tout en apesanteur (photo). Enfin, à Rennes, le festival Ay Roop qui se tient du 17 mars au 1er avril, recevra la compagnie franco-catalane Baro d’Evel Cirk pour son spectacle Bestias. Une première en Bretagne.
SORTEZ LES BOUGIES À BREST 2007-2017 : La Carène, la salle de musiques actuelles située au port de commerce, a 10 ans. Pour fêter ça, elle organise une grosse nouba du 14 au 18 mars où seront présents François & the Atlas Mountains, Paradis, Her, Laetitia Shériff... 12
janvier-février-mars 2017 #30
DR
QUEL CHRONIQUEUR DE FRANCE INTER VOIR SUR SCÈNE ?
POUR METTRE ENFIN UN VISAGE SUR LES HUMORISTES DE LA RADIO DU SERVICE PUBLIC. NICOLE FERRONI La chroniqueuse du mercredi de la matinale tourne comme une malade depuis presque quatre ans avec son spectacle L’œuf, la poule ou Nicole. Une question existentielle à laquelle cette ancienne prof de biologie tente de répondre sans éluder la cruciale question des nuggets. C’est quand ? Le 9 mars au centre culturel de Liffré
FRANÇOIS MOREL Dans le poste chaque vendredi matin, l’ancien Deschiens (« et Jeannie Longo, c’est pas une femme ? ») est un habitué des scènes bretonnes. En ce début d’année, il revient avec son spectacle Hyacinthe et Rose, pièce adaptée d’un de ses livres sorti en 2010. C’est quand ? Du 31 janvier au 2 février au Quartz à Brest
ALEX VIZOREK Le Belge (photo), qu’on retrouve chaque aprem auprès de Charline Vanhoenacker dans “Si tu écoutes, j’annule tout”, est l’auteur d’un spectacle plutôt malin : une vraie fausse conférence intello-lol sur l’histoire de l’art. Pour apprendre en s’amusant, comme dirait Adibou. C’est quand ? Le 18 mars au Confluent à Montfort-sur-Meu 13
DOSSIER
VERY BAD TRIPES ?
CERVELLE, FOIE, ROGNONS, LANGUE... POPULAIRES HIER, LES ABATS FONT DÉSORMAIS PARTIE DES ALIMENTS MAL-AIMÉS DANS NOS CUISINES. MAIS LA CONTRE-ATTAQUE S’ORGANISE. 14
janvier-février-mars 2017 #30
Bikini
u hit-parade des plats hivernaux, figurent tout en haut les mets fromagers : raclette, tartiflette, fondue (« et un gage pour celui qui perd son morceau de pain, tout nu dans l’escalier ! »). Arrivent ensuite quelques classiques de la gastronomie française, du type pot-au-feu, bourguignon ou blanquette (« elle est bonne »). Et puis il y a les démodés, les oubliés, les dénigrés, qui attendent tranquillement de prendre leur revanche : les abats. Prenons la tête de veau par exemple, ce gueuleton old school qui a quasi totalement disparu de nos cuisines. Il faut dire que le produit en lui-même est difficile à dénicher. Il ne se vend pas dans les supermarchés et n’est proposé que dans les meilleures boucheries. Se procurer une tête est aussi compliqué que d’acheter de la bonne weed, le risque de se faire gauler en moins. C’est par du bouche à oreille dans le milieu de la restauration que nous sommes parvenus à en récupérer une pour une soirée bouffe un peu spéciale. C’est Vincent, 33 ans, qui est notre pourvoyeur et l’homme en cuisine pour la préparer. « Elle vient de Rungis. J’ai un collègue qui en chope de temps en temps par cinq ou six, elles trouvent direct preneur. » Chez qui ? « Des amateurs de tête, faut pas croire, y en a plein. Quand t’as com15
DOSSIER
« tranches de tête » de la taille et de l’épaisseur d’une part de Viennetta. Après cette aventure culinaire réussie, c’est vrai qu’on a vite envie de repartir en quête de ces mets complètement passés de mode mais qui font pourtant partie intégrante de notre culture. On s’est donc mis en quête de restos qui en proposent et c’est ainsi qu’on a débarqué à La Tête de Goinfre à Lannion. À la carte de cet établissement à la déco rustique mais conviviale : de la tête de veau mais aussi une poêlée de ris d’agneau, des « Ah ah, alternatif ! » rognons de veau entiers et, en plat On essaie d’imaginer, puis vite d’ou- du jour, du museau vinaigrette en blier en passant à table pour goûter entrée, suivi d’une langue de bœuf. Le la chose. Gustativement, le résultat truculent patron Bernard Durillon, est surprenant, très fondant (« ça qui a repris cet ancien bar il y a onze a cuit longtemps, c’est pour ça que ans, est plutôt fier du créneau qu’il a tu sens pas les bouts de cartilage », emprunté et qu’il qualifie lui-même gloups…), relevé par la sauce gri- de « cuisine franchouillarde ». biche – une sorte de mayo avec des « On est une auberge à l’ancienne, morceaux d’œufs durs, de cornichons les employés des bureaux voisins ont et de câpres – qui accompagne ces remplacé les voyageurs d’hier, pourmencé à en goûter t’as envie que d’une chose : en reprendre », tease-t-il tout en déballant le matos : une sorte de rôti marron clair ne ressemblant pas à l’idée qu’on se fait d’une tête. « Ah oui si t’attendais à voir du persil sortir des oreilles t’as de quoi être déçu, rigole Vincent. Elle est préparée et précuite, c’est pour ça qu’elle a réduit et perdu sa forme originale. Mais tu vois, là, c’est le museau », indique-t-il en pointant du doigt une zone plus sombre sur le morceau.
« Tripes et queue de bœuf : mes clients en raffolent » 16
janvier-février-mars 2017 #30
suit-il. Ce qui est marrant, c’est que c’est tellement pas à la mode que ça l’est devenu d’une certaine manière. Tiens, l’autre jour un jeune habitué m’a dit “ce qu’on aime chez toi Bernard c’est que c’est alternatif !” Ah ah, alternatif, on pouvait pas me faire plus beau compliment. » Ce midi-là, les quatre grosses langues préparées par Cyril le cuistot partiront vite, avec une clientèle très demandeuse de cette cuisine mijotée, devenue atypique à l’heure de la viande hachée qui représente à elle seule 50 % (!) des ventes carnées en France.
« Les abats, c’est rock’n’roll » « Ce n’est pas dans l’air du temps parce que ça ne correspond plus trop à nos modes de vie. Les grandes tablées, cuisiner la veille pour le lendemain, rester des heures à tables : ça se fait moins. Mais ce n’est pas pour autant que c’est condamné à disparaître, assure Patrick Rambourg, historien de la gastronomie. La cuisine c’est un peu comme les vêtements : ce qui n’est pas à la mode aujourd’hui peut le redevenir demain. Prenez les abats : c’était la nourriture du tiers état au
Photos : Bikini
Moyen-Âge avant qu’ils s’invitent à la table des bourgeois aux dix-neuvième siècle. » Tantôt décriés pour leur goût prononcé ou leur apparence peu ragoûtante, les abats se font de plus en plus rares sur nos tables mais restent malgré tout dans le game, maintenus sous respiration artificielle par des amateurs tels que Vincent et des restos comme La Tête de Goinfre ou encore L’Arsouille à Rennes. Chris Gauchet, à la tête de ce fameux bistrot-bar, est formel : la popote de vieux a de l’avenir. « Des tripes, de la queue de bœuf, de la joue de veau… Mes clients en raffolent, y compris les plus jeunes. Qu’est-ce que vous croyez qu’ils viennent chercher ici ? De l’originalité finalement. La génération du hamburger finit par en avoir marre qu’on leur serve toujours la même chose. Moi si j’avais à faire un hamburger, j’y remplacerais le steak par de la fraise de veau par exemple. Passé le blocage psychologique où tu te dis que tu bouffes de l’intestin, tu te rends compte que c’est hyper bon en fait. Les abats, c’est rock’n’roll ! » Un discours qui plaît forcément à Alain Martinez, de la confédération natio17
DOSSIER
« Vivre avec des animaux, c’est accepter d’en tuer » nale de la triperie française (oui ça existe), organisatrice chaque année en novembre du mois des produits tripiers. Une opération nommée “Road Tripes”, dont L’Arsouille est partenaire, tout comme vingt autres restaurants en Bretagne. Selon lui, c’est surtout la crise de la vache folle qui a failli faire disparaître ce patrimoine des assiettes. « Il y a eu une très grande méfiance vis-à-vis de la traçabilité sanitaire de ces produits. On estime que le marché a baissé de 80 % en l’espace de quelques années. Les tripiers spécialisés ont quasi tous mis la clé sous la porte, d’où les difficultés d’approvisionnement aujourd’hui. Il faut redonner confiance au consommateur et lui présenter les bons arguments. Prenez le foie de veau par exemple : non seulement c’est pas cher (autour de 9 euros le kilo en moyenne, ndlr) mais c’est plein de protéines, de vitamines, de fer. OK les abats ce n’est pas consensuel, ça semble un peu désuet mais c’est ancré dans notre culture gastronomique, quoi qu’on en pense. » Il n’empêche que les fans de ces morceaux old school doivent également composer avec un discours anti-viande qui s’est installé depuis quelques années dans la société. Si la consommation de bidoche augmente au niveau mondial, tirée par les pays émergents, elle baisse de manière continue en France depuis les années 1980. Porté par les vegans, le refus de tout produit issu de l’exploitation animale ne semble jamais avoir eu autant 18
janvier-février-mars 2017 #30
d’adeptes, faisant du végétarisme un point incontournable dès que tu commences à parler bouffe. Faites le test : on a tous autour de nous une copine ou un pote qui s’est décidé à ne plus consommer de produit animal pour des raisons d’abord éthiques. Le tremblement de terre qui a secoué la filière avec le scandale de la vache folle a connu bien des répliques depuis. Du scandale Spanghero (souvenez-vous, le cheval dans les lasagnes en 2013) au nitrite de sodium dans le jambon qui favoriserait certains cancers (dénoncé par Cash Investigation en septembre dernier, big up Élise), en passant par les désormais inévitables vidéos choc de l’association L214 dans des abattoirs (lire Bikini n° 21, avril 2015) : les motifs pour laisser tomber la barbaque semblent aujourd’hui légion (3 % de la population française aurait sauté le pas. Aux USA ou en Allemagne, l’estimation est à 10 %). De quoi limite te faire culpabiliser quand tu commandes un steak tartare au resto.
« Valoriser les chutes » Alors, faut-il continuer à manger de la viande ou bien définitivement, faire une croix dessus ? Pour Jocelyne Porcher, ancienne salariée dans une porcherie industrielle en Bretagne et aujourd’hui sociologue à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), la question est un peu plus compliquée que cela. « Le problème n’est pas de savoir si on doit consommer de la viande ou pas. La véritable interrogation est la suivante : veut-on vivre avec les animaux ? Car
il faut prendre conscience que ce qui nous relie aux animaux domestiqués, c’est un lien de travail. Et dans le cas des animaux de ferme, une des conséquences de cette relation, c’est la consommation de viande. Vouloir vivre avec des vaches ou des cochons, c’est accepter d’en tuer. Une fois cette idée actée, ça permet de les considérer comme des individus qui s’investissent, définir les meilleures conditions les concernant et penser à leur sortie », développe l’auteure de l’ouvrage Manifeste pour une mort digne des animaux pour qui la problématique actuelle réside dans « la violence et le non-sens complet » des systèmes industriels. Dans ce contexte, s’assumer comme un viandard n’est donc pas toujours évident. « Quand tu vois certaines images, la façon dont les animaux sont traités, y a de quoi faire des cauchemars. C’est normal que les gens soient dégoûtés », reconnaît le Brestois Andriy Maximov, gérant de Meat Couture, une boucherie nouvelle
génération (mur en briques, viandes sous vitrine, chambre de maturation à la vue de tous, musique jazzy… pour un peu on se croirait à Manhattan), où les clients peuvent à la fois faire leurs achats et déjeuner sur place sur le billot central. Face à cette situation, ce garçon de 32 ans défend le statut de carnivore éthique. De 1/ « sélectionner des bêtes qui ont été bien traitées, sans stress, nourries sans saloperie et correctement tuées ». De 2/ « diminuer les quantités. Manger 350 grammes de viande en un repas, ce n’est pas l’idéal. Il m’arrive de servir des morceaux plus petits que ceux demandés par le client. Ça peut paraître bizarre pour un boucher de dire ça, hein ? ». De 3/ « valoriser les chutes », abats en tête mais aussi parfois des morceaux plus étonnants, comme ces couennes de cochon qu’Andriy fait frire pour les rendre croustillantes et – soudainement – appétissantes. De quoi rendre à nouveau la viande « cool ».
Photos : Bikini
Régis Delanoë et Julien Marchand
19
DOSSIER
« LES ABATS SUBLIMENT LES GOÛTS » Olivier Marie, journaliste culinaire, fondateur du site Goûts d’Ouest et auteur de l’ouvrage Chefs Bretons, paru fin 2016.
DR
un truc qu’on retrouve dans le Sud. Après, il est vrai qu’on voit de moins en moins de pieds de cochon par exemple… Peut-être dans des auberges à la campagne, et encore… Par contre, la cervelle, je n’en vois plus du tout. À tel point que je me Est-ce que c’est compliqué de demande si on a encore le droit trouver des abats dans les restos d’en faire en restauration (ndlr : la aujourd’hui ? cervelle n’a jamais été interdite, à la Dans les restaurants gastronomiques différence notamment de la fraise de ou étoilés, on trouve très souvent veau – suite au scandale de la vache du ris de veau. C’est quasiment un folle en 2001 – qui depuis 2015 est incontournable. On retrouve égale- de nouveau autorisée). ment ce produit dans beaucoup de brasseries haut-de-gamme, comme C’est bon la cervelle ? Le Galopin à Rennes qui propose Petit, j’en mangeais tout le temps, une assiette où il mixe ris de veau et sur des toasts avec du jus du citron. rognons. En dehors du ris de veau, C’est super bon mais je pense qu’il qui est quand même assez onéreux, y a un blocage psychologique pour la tête de veau et les tripes sont pré- beaucoup de gens. Pour en prosentes dans pas mal de bistrots. Ça poser aujourd’hui, faudrait peutfait partie de la cuisine française, il être la retravailler. L’escaloper par est donc normal qu’on les retrouve exemple pour casser le visuel qui sur de nombreuses cartes. peut rebuter.
utilisent des abats pour valoriser des produits plus nobles. Ce que fait Olivier Bellin, chef deux étoiles des Glazicks à Plomodiern : il propose notamment un homard avec un voile de tête de cochon. Ça signe sa cuisine. Travailler le paysan avec le bourgeois : c’est l’essence même de la gastronomie bretonne. Et il y a un véritable intérêt gustatif. Les Mais n’y a-t-il pas des plats en voie Plus globalement, produits tripiers abats, grâce à leur gras, permettent de disparition ? Je n’ai jamais vu de et cuisine gastronomique sont-ils de sublimer les goûts. Mais il faut cervelle ou de testicules sur le menu antinomiques ? de la créativité pour bien marier ces d’un resto par exemple… Pas du tout, bien au contraire. En saveurs. C’est le boulot d’un chef Les testicules de taureau, c’est plus Bretagne, on trouve des chefs qui de savoir conjuguer cela.
SERT-ON ENCORE DE LA LANGUE DE BŒUF À LA CANTINE ? Plateau, assiette, couverts, trois tonnes de pain, des plaquettes de beurre, les œufs mimosa en entrée et… horreur, langue de bœuf en plat principal. Les gamins des années 90 et d’avant se souviennent tous de ce trauma de la mi-journée, les jours où le cuistot avait craqué son slip et préparé un truc tout dégueu : de la langue, donc, mais aussi du foie 20
janvier-février-mars 2017 #30
de veau ou du boudin. Les enfants de 2017 sont-ils épargnés par ces audaces culinaires ? « Disons que rien ne l’interdit mais ça n’est plus trop à la mode », observe Nadège Noisette, adjointe aux approvisionnements à la mairie de Rennes, qui n’a répertorié aucune langue de bœuf au menu des cantines de l’agglo depuis le début de l’année scolaire. La raison ? « On
s’adapte aux goûts et les aliments sont aujourd’hui très réglementés au niveau sanitaire et nutritionnel. » À Brest, où Sodexo gère la restauration scolaire, Thierry Velly, chef de service de la politique éducative locale, assure qu’il peut y avoir « de temps en temps » de la langue, même si ça tend effectivement à se raréfier, tandis que les abats (rognons, etc.)
DR
Après le retour des légumes anciens au début des années 2000, peut-on imaginer un come-back grand public des abats ? Je pense que oui. Et je l’espère. Le problème, c’est qu’on a oublié comment ça se cuisinait. On peut s’arrêter devant un étal avec des oreilles de cochon mais on ne sait plus comment les préparer. C’est de cette façon que ces morceaux peuvent tomber dans l’oubli. C’est une question d’éducation et de culture culinaire. Recueilli par J.M ont carrément disparu. Il confirme les justifications de son homologue rennaise : « Ce sont des produits difficiles à tracer au niveau sanitaire, et la sécurité alimentaire est devenue un tel enjeu qu’il n’y a plus de prise de risque. Sans oublier qu’il faut lutter contre le gaspillage et que ce combat est difficile à combiner avec l’apprentissage du goût. » Avec une Mousline et trois litres de sauce, elle se mangeait bien pourtant cette langue, rétrospectivement… 21
DOSSIER
L’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), gros lobby de la bidoche réunissant les différents acteurs du secteur, a pas mal fait jaser à la fin d’année 2016. La raison ? Une opération menée dans 1 500 écoles primaires partout en France, organisée depuis octobre et qui se tient jusqu’en février, pour « sensibiliser les enfants à une consommation de qualité » et « valoriser les écoles servant de la viande française de bœuf et de veau dans leurs restaurants ». Le tout, à l’aide d’un animateur et d’un kit ludique comprenant un magazine (Le Journal des Jolipré) expliquant « la vie à la ferme », des posters géants et même des tatouages en décalcomanie arborant des slogans « décalés », comme « avec le bœuf, c’est la teuf » ou « parce que je le veau bien ». De quoi faire criser quelques parents d’élèves et associations (réunissant 100 000 signatures sur deux pétitions en ligne) dénonçant « une propagande » et « une opération marketing » des professionnels de la viande. 22
janvier-février-mars 2017 #30
Du côté du comité breton, on balaie ces accusations, précisant au passage qu’aucune animation scolaire ne s’est pour l’instant tenue dans la région. « Et aucune n’est programmée dans les semaines à venir, indique Thierry Duval, éleveur bovin à Guilliers dans le Morbihan et président de l’Interbev Bretagne. Cependant, il nous arrive d’intervenir dans les écoles à titre personnel et non sous l’étiquette de l’Interbev. Il s’agit alors là d’une simple présentation de nos métiers, comme les boulangers ou les pompiers peuvent être amenés à le faire auprès des élèves dans leur découverte du monde du travail. »
« Derrière un steak haché... » Au-delà de sa mission interne de « respect des accords interprofessionnels entre les différentes familles », l’Interbev Bretagne, qui représente 25 000 professionnels (de l’élevage à la vente, en passant par l’abattage), assure également un travail d’information du grand public. Indispensable selon Thierry Duval, surtout dans le contexte actuel d’une baisse continue de la consommation de viande. Si la
Bikini
Interbev
Interbev
« AVEC LE BŒUF, C’EST LA TEUF »
communication nationale est gérée par la direction générale (la pub où anges et démons mangent du bœuf, c’est eux), la promotion locale n’est pas négligée. Auprès des consommateurs (« chaque été, nous avons un animateur qui parcourt les grandes et moyennes surfaces pour promouvoir le veau : comment le cuisiner, comment l’accompagner… »), mais également auprès des élus et des collectivités. De là à parler d’un travail de lobbyiste, tel Remy Danton dans House of Cards ? « Non », réfute Thierry Duval pour qui l’Interbev, à la différence d’un syndicat, n’a pas pour vocation de demander des comptes aux politiques. « Nous travaillons par contre en collaboration avec les collectivités pour ce qui concerne les infrastructures notamment : on peut par exemple leur demander la construction d’un abattoir public. Mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas au contact des élus. Notre mission est de les rencontrer, les informer des évolutions de nos métiers et leur rappeler notre rôle actif sur le territoire : derrière un steak haché, il y a toute une filière. »
DR
ÇA SE MANGE LES GENCIVES DE PORC ?
C’est un scandale ! Alors qu’on nous serine depuis tout petit que “tout est bon dans le cochon”, il y a en fait une nuance à apporter. Les pieds, si, la cervelle aussi, mais les gencives, non. En tout cas c’est une affirmation à ne pas balancer à un boucher. « Ah ah, non, je ne peux pas vous servir de gencives car ça ne se mange pas monsieur », en rigole encore le préposé au rayon viande du Super U Sarah Bernhard de Rennes. On s’est permis d’insister : vraiment ? « Oui vraiment, j’en ai jamais vendu, en plus de vingt ans de carrière. » Le coup est rude. Le plat préféré de Simon Jérémi dans La Cité de la Peur, à qui Alain Chabat réserve une table « chez Laplo, les meilleures gencives du littoral », ne serait que fiction aux dires des professionnels. « Les gencives, ça ne se cuisine pas et ne se sert pas en tant que telles. On reçoit les têtes entières, avec mâchoires, museau… Mais c’est pour en faire des terrines », fait aussi savoir Corentin Kerdoncuff, de la boucherie Saint-Hélier à Rennes, qui tient quand même à nuancer sa réponse : « Cela dit, j’ai eu une fois un apprenti qui m’avait “travaillé” les gencives à part en les faisant bouillir très longtemps, jusqu’à les caraméliser, pour donner plus de goût à son pâté de tête. » Simon est content. Passons maintenant à la question suivante : c’est qui le plus fort, l’hippopotame ou l’éléphant ? 23
DOSSIER
La nourriture est un thème très présent dans tes illustrations. Pourquoi ? Beaucoup de mon travail se base sur l’observation des modes de vie. Les habitudes alimentaires font partie de nos quotidiens. D’autant plus aujourd’hui avec la mondialisation, le développement des différentes modes alimentaires, l’obsession photographique… On nage dans un melting-pot de cultures culinaires qui constitue une bonne source d’inspiration. Je suis extrêmement friand de restaurants, à Londres ou pendant mes voyages, pour voir comment les diverses cultures approchent les arts de la table.
Et la viande ? C’est un aliment que je trouve difficile à dessiner et, le plus souvent, c’est l’animal encore vivant qu’on représente. Dans les livres pour enfants, quand on parle de viande, c’est une vache qui apparaît dans la plupart des cas. Sans doute parce qu’il s’agit de quelque chose de mort. Dessiner Quels sont les aliments les plus l’animal encore vivant fait moins polémique, de prime abord en tout esthétiques ? Sûrement les fruits et les légumes. cas. Il y a un rapport à l’organique Parce qu’ils ont des formes ico- qui n’est pas aussi séduisant qu’avec niques. L’aliment en lui-même un fruit. suffit. Ce sont déjà des symboles et des logotypes. Il y a un bouquin Quelles sont les tendances culinaires que j’aime beaucoup, c’est celui actuelles sur lesquelles tu as aimé de l’illustratrice Soledad Bravi travailler ? qui s’appelle Fruits et légumes. Je Il y a évidemment eu le foodstragram trouve les dessins vraiment super et le foodporn, toute cette tendance beaux, super graphiques. Il y a une à prendre en photo ses aliments. notion de beauté dans l’aliment J’aime bien aussi le contraste entre que l’on retrouve dans l’histoire les attitudes culinaires traditionde l’art. nelles et modernes. Le sempiternel 24
janvier-février-mars 2017 #30
Illustrations : Jean Jullien
Originaire de Nantes, aujourd’hui installé à Londres, l’illustrateur Jean Jullien (qui a effectué ses études de graphisme à Quimper) adore dessiner la bouffe. Aussi bien pour des expos que pour des restos ou des marques. Mais nom d’une pipe, pourquoi ?
DR
« LA VIANDE EST DIFFICILE À DESSINER »
conflit entre junk food et cuisine gastronomique voulait dire quelque chose quand j’étais petit. Les choses ont changé depuis. C’est quelque chose que j’ai appris avec Julien Pham (ancien rédacteur en chef du magazine culturel culinaire Fricote, ndlr) quand on a commencé à travailler sur l’exposition Petit Appétit. Quand j’étais plus jeune, l’idée de nouveauté était associée à l’ailleurs. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : la cuisine traditionnelle française se réinvente. Je trouve ça intéressant. Et c’est quoi ton plat préféré ? J’en ai quelques favoris, préparés par ma mère, comme le hachis parmentier, les lasagnes, la raclette… Ce que j’appelle la cuisine jaune : des plats avec beaucoup de patates ou de fromage. Sinon, j’aime beaucoup la cuisine japonaise pour sa finesse et sa méticulosité.
PAPIER
LE SKATE RURAL
NI SKATEPARK NI BOWL URBAIN : CES ADEPTES DE LA PLANCHE À ROULETTES ONT CHOISI LES PETITES ROUTES DE CAMPAGNE. UN TERRAIN DE JEU AUX NOMBREUSES POSSIBILITÉS.
26
janvier-février-mars 2017 #30
27
Bikini
PAPIER
lle devrait normalement être à la fac en cours de russe. Mais en cette matinée d’automne, Tao Astier, 23 ans, a décidé de sécher l’université pour un programme plus funky : faire du skate face à l’océan. On est à l’extrême sud-ouest du Finistère, à deux coups de volant de la pointe de la Torche, et la journée s’annonce plutôt belle : le soleil se lève, le ciel est bleu et le vent porte le bruit des vagues de la plage voisine. Le genre de moment qui donne envie de rouler vitres grand ouvertes dans la Xantia. Sur sa planche, Tao pourtant grimace. « J’ai vachement mal au genou depuis hier. Je me suis perdue dans le centre-Finistère, J’ai dû rouler plus que prévu, une vingtaine de bornes. Aujourd’hui, je les sens… », lâchet-elle en glissant tranquillement sur une petite route en direction des
dunes. La fatigue aussi s’accumule. Cela fait désormais plusieurs jours que la Rennaise skate à travers la campagne bretonne. Camlez, Huelgoat, Carnoët, Douarnenez et Tréguennec constituent les étapes d’un périple qu’elle mène avec Mehdi Rondeleux et Adrien Bourguignon, deux réalisateurs qui la suivent en camping-car.
parcours, en résonnance avec celui de Tao qui a pas mal bourlingué », développe Mehdi. Un premier test grandeur nature avant un voyage plus périlleux au printemps prochain. « Je vais faire Rennes/Saint-Pétersbourg en skate, avec un passage dans les trois pays baltes. L’itinéraire est déjà plus ou moins tracé : on a ciblé les voies vertes et les petites routes. En tout, « En tout, 3 000 kilomètres » cela représente 3 000 kilomètres. Si « On réalise une web-série sur je peux le faire ? Sur une moyenne ce “BZH tour” (disponible sur de 30 kilomètres par jour pendant la plateforme Kubweb, ndlr). Le trois mois, c’est réalisable », calcule skate est un excellent prétexte pour Tao, ambitieuse, qui sera de nouveau aller à la rencontre de différentes filmée par Mehdi et Adrien pour personnes : de Rémy Sardat, pion- un documentaire long format. Un nier du skate en France, à Ronan voyage qui n’est pas sans rappeler Chatain, fondateur de l’École de les expéditions du “globeskater” surf de Bretagne, en passant par Romain Bessière, un Normand de Sylvain Bouder, créateur du Couvent 29 ans, qui depuis une dizaine années alternatif. Tous nous expliquent leur parcourt le monde sur sa planche (Italie, Sénégal, USA…). Pour Tao, ce ne sera pas le premier road trip transfrontalier. « Il y a quelques années, j’étais partie d’Amsterdam en vélo pour rega-
« Je vais aller de Rennes à Saint-Pétersbourg en skate » 28
janvier-février-mars 2017 #30
Photos : Bikini
gner la France. Ça m’avait pris quatre jours. Depuis, je suis passée au skate. Pourquoi ? Je trouve que ça permet d’avoir la bonne vitesse, le bon rythme. Tu as le temps de profiter du paysage. T’es debout, tu domines, avec cette impression d’être en lévitation dans les descentes », décrit la jeune femme dont le skate cruiser (« pas vraiment adapté pour de la distance. Il aurait mieux fallu un longboard… ») se chauffe actuellement la gomme sur les routes départementales. Un terrain, loin des skateparks et des bowls citadins, où la planche à roulettes s’est développée. « Les gens que j’ai croisés jusqu’à présent étaient quand même surpris de tomber sur moi, raconte Tao. En pleine campagne, tu t’attends moins à tomber sur quelqu’un en skate… » Un constat que partage également l’équipe de l’association RIDE, rencontrée lors d’une session de freeride en plein dans la cambrousse de Dolo dans les Côtes d’Armor. Aujourd’hui, ils sont trois gaziers, Erwan, Benoît et Louis, à avoir investi une route méga pentue à l’écart du bourg. 29
PAPIER
« Notre devise ? Longskate, terroir et régression » « Ce qui nous intéresse surtout ici, c’est le virage en aiguille. Ça vaut pas les routes de montagne c’est sûr, mais on fait avec. Ça nous permet de travailler nos freinages », expliquent les garçons dont la devise annonce la couleur : longskate, terroir et régression. Régression ? « Disons qu’on se prend pas au sérieux. Prochainement, on va par exemple organiser un biathlon breton : tours en skate et tirs au palet. »
30
janvier-février-mars 2017 #30
Antoine Besse
Marion Gervais
Julien Marchand
Marion Gervais
sur des cartes Michelin. « On a aussi nos spots secrets, qu’on essaie de garder pour nous. Notamment un du côté de Saint-Germain-sur-Ille, au nord de Rennes. » Un cadre champêtre qu’avait filmé Antoine Besse dans Le Skate moderne en 2014. Un court métrage, mi-docu mi-fiction, qui raconte le quotidien de jeunes skateurs en Dordogne, entre corps de ferme et sous-bois humides. « On parle tout le temps de cultures urbaines mais jamais de la façon dont « Spots secrets » elle s’exporte. Cela m’intéressait de En cet après-midi, après avoir nettoyé montrer un phénomène que beaula chaussée des feuilles mortes (« j’ai coup ignorent », nous expliquait le toujours un balai dans ma voiture », réalisateur lors de la sortie de son film. avoue Louis), ils multiplieront les Une volonté également défendue par descentes à toute berzingue, entre les Marion Gervais, auteure du film La passages de tracteurs et de marcheurs Belle Vie sorti l’an passé, qui faisait venus ramasser des châtaignes. On suite à la web-série La Bande du est loin de l’image d’Épinal du skate et de l’ambiance Tony Hawk’s Pro Skater sur Playstation. « Les routes sont parfois dégueulasses avec la boue, mais c’est quand même plus agréable de rouler à côté d’une forêt que près d’un bloc de béton ou d’une voie express, confie Erwan qui a découvert la descente en longboard lors de ses études à Rennes. On faisait ça rue Gambetta, entre le Thabor et les quais, de nuit pour avoir la chaussée rien que pour nous. J’ai fait ensuite un peu de street, un peu de skatepark, mais ça m’a vite saoulé car trop centré sur la technique. Et puis, tu n’y retrouves pas l’adrénaline que procure la vitesse. » Depuis, la bande a écumé pas mal de routes de la région. Avec à la clé, une poignée de localités épinglées
skatepark. Pour ce documentaire (dispo en replay fin janvier sur Kubweb), la vidéaste a suivi une bande de jeunes ados accros à leur planche à Saint-Suliac, village au sud de Saint-Malo. « Si ça s’était passé à Rennes, ça n’aurait pas rendu pareil. Là, ils sont retirés du monde, leur skatepark est pourri : ça humanise le truc et recentre le film sur eux », analyse Marion qui voit le skate comme « un outil d’affirmation. Pour eux ce n’est pas juste du sport, c’est quelque chose de plus grand : être libre, aller où on veut. » À quelques semaines de son départ pour la Russie, Tao acquiesce : « Il y a un côté initiatique qu’on ne retrouve pas dans d’autres disciplines. Quand j’explique mon projet aux gens curieux, ils trouvent ça fou, mais la plupart sont ravis que de nos jours on puisse encore se lancer dans une aventure pareille. »
ON A FAIT UN FILM RÉALISER UN FILM EN UN WEEK-END : TEL EST LE DÉFI QUE SE LANCENT CHAQUE ANNÉE DES MILLIERS DE PARTICIPANTS DANS LE MONDE, NOTAMMENT À BREST ET RENNES. ON A TENTÉ L’AVENTURE. « EEEEEEET… ACTION ! » e défi s’appelle “The 48 Hour Film Project”. Créé en 2001 aux États-Unis, il est organisé dans centtrente villes dans le monde, dont douze en France et deux bretonnes depuis 2016 : Brest et Rennes. L’idée ? Monter un film avec comme principale contrainte le temps : vous avez deux jours pile-poil entre le top départ et le rendu du film, lequel doit durer entre 4 et 7 minutes. Pour Rennes, rendez-vous avait été donné le vendredi 4 novembre dernier à 19 h pétantes. Les équipes qui s’étaient préalablement inscrites 32
janvier-février-mars 2017 #30
– contre 90 euros, sans aucune limite du nombre de membres par team – se sont toutes retrouvées à l’accueil du cinéma Cinéville. Étaient attribués un thème par tirage au sort pour chaque équipe, ainsi que des contraintes imposées pour tous : un personnage à insérer dans le film (dans le cas de Rennes, un dénommé Paul Jacquemin, cycliste), un accessoire (une grille de mots croisés) et une ligne de dialogue (« Je crois que tu rêves »). Nous concernant, le tirage au sort a plutôt bien fait les choses en nous offrant comme défi de réaliser un film
d’horreur. Malgré l’effectif concis ce jour-là de l’équipe Bikini (constituée de… deux membres), nous avions décidé de relever le challenge avec une organisation bien définie : écriture du scénario le vendredi soir (au pub, les pintes aidant bien à trouver l’inspiration), tournage le samedi et montage le dimanche. Un planning suivi par la plupart des autres équipes, notamment par “Scén’Art”, une bande de six étudiants rencontrée le dimanche soir au moment du rendu des copies. « C’était crevant mais bien marrant, souffle Anthony, étudiant en cinéma à
Bikini
PAPIER
Rennes comme ses amis, tous âgés entre 19 et 24 ans. On a déjà relevé des défis de ce genre. Ça nous fait de l’exercice et il y a un côté ludique. » Problème : leur thème à eux, film mystérieux, les a moyennement inspirés et le rendu final n’a pas convaincu le jury. Pour cette première session des 48 h à Rennes, c’est l’équipe “OMG Your Eyes” qui a triomphé en recevant la palme du meilleur film. Une surprise pour le duo de réalisateurs, Violette et Paul, âgés respectivement de 17 et 20 ans, membres du collectif de jeunes cinéastes rennais Black Sheep. Leur film de famille, tel que le tirage au sort l’avait décidé, a fait l’unanimité, avec un humour vraiment bien foutu (un jeune homme qui a honte de sa famille décide de faire un casting pour s’en inventer une autre et la présenter à sa petite amie).
« Le plus difficile ? Le son » « C’est absolument génial d’avoir gagné, commente Paul, qui représentera Rennes à Seattle lors de la grande finale internationale du 48 Hour Film Project en mars. On est la preuve qu’on peut faire du ciné “do it yourself” avec beaucoup de passion, de bonnes idées, de la bonne volonté et pas forcément beaucoup de moyens. » C’est aussi le bilan qu’en font Ronan et Olivier qui, avec Silencio, ont remporté le concours brestois. Si le premier est déjà intermittent du spectacle, le second, étudiant, rêve de le devenir. « Ce 48 h est un excellent exercice, soulignent-ils. Les contraintes imposées t’obligent à travailler en équipe et à improviser. Là par exemple, on avait pour thème le film muet, alors on a décidé d’en jouer en faisant porter un casque antibruit à notre héroïne. » Selon eux, faire un film est un savant mélange de techniques à assimiler et de bonnes idées dans le choix du scénario, des dialogues ou des angles de vue. « L’un ne va pas sans l’autre. Tu peux être un super technicien 33
mais si tu n’as pas un peu de génie ou d’inspiration le résultat sera fade. Et à l’inverse, on ne peut pas s’improviser cinéaste en étant parfaitement amateur. » Anthony, de la team Scén’Art à Rennes, le reconnaît également, « on a beau être des passionnés avec plein d’envie, il nous reste encore pas mal de boulot avant de réaliser un film propre techniquement. Le plus difficile ? Le travail sur le son incontestablement ». Un constat partagé par Olivier Dussausse, le responsable du 48 Hour Film Project en France. « La qualité d’image est souvent là désormais car le matériel le permet : beaucoup filment au réflex et s’en sortent très bien. Même un iPhone peut faire l’affaire. L’enfant pauvre de ce cinéma amateur, c’est le son. » Il nécessite un équipement minimum en matière de micros et de perches, sans oublier le travail sur la musique , un défi comme le 48 h imposant de composer la sienne. « Le niveau des participants est très varié mais globalement il s’améliore, constate Olivier Dussausse. Beaucoup de jeunes sont aujourd’hui habitués à filmer et à se filmer. Regardez tous ces Youtubeurs, ils scénarisent leur vidéo, font du montage, intègrent sans presque le savoir des codes du ciné, sans compter les tutoriels et making-offs des films et séries TV qui existent désormais sur le web. On a très vite fait de se dire “et après tout, pourquoi pas moi ?” » Pour celles et ceux qui ne passent pas par une école ou un cursus ciné, des ateliers thématiques (la mise en scène,
Bikini
PAPIER
le script, l’éclairage, le montage…) sont organisés ponctuellement par certaines asso de la région. C’est le cas par exemple de Clair Obscur à Rennes, dont la prochaine édition de son festival Travelling se tient du 7 au 14 février, ou de Côte Ouest à Brest, organisateur du festival du Film Court. Son programmateur, Arthur Lemasson, constate aussi ce phénomène de démocratisation du cinéma. « Une suite logique se met en place : il y a les ateliers, des défis comme le 48 h, puis les courts métrages, qui restent considérés comme un tremplin vers le long métrage et la série télé. »
« C’est du bricolé » Un Graal qu’a déjà atteint les très jeunes membres du studio Kertoon à Ploërmel. Ils sont soixante-dix à avoir collaboré de près ou de loin à la réalisation de quatre long métrages en dix ans d’existence de cette asso animée par Roger Malo, ancien
« Le cinéma est à la portée de tous, à condition de s’entraîner » 34
janvier-février-mars 2017 #30
monteur pour Canal Plus. « Du CE1 à la terminale, tous les gamins qui le souhaitent peuvent participer aux ateliers qu’on organise les soirs après l’école, le mercredi après-midi et pendant les vacances, explique-t-il. On a récemment fait l’acquisition d’une caméra 4k, on a des perches, une station de montage, des plateaux de tournage… C’est du bricolé mais ça passionne les gosses. Ça leur donne le goût de faire leur propre cinéma à partir de ce qu’ils ont envie de raconter. » Le dernier film des studios Kertoon, L’Impasse, traite ainsi du thème du harcèlement. Il existe aussi des ateliers plus adaptés aux adultes, comme par exemple les workshops du Groupe Ouest. Ce “film lab” implanté depuis dix ans à Plounéour-Trez, dans le Finistère, organise toute l’année des semaines de formation sur le thème du scénario. « Pour une majorité, il s’agit de personnes qui travaillent déjà dans le monde du spectacle mais qui cherchent à se réorienter vers la profession de scénariste, explique Maina La Gars, l’une des responsables de cet institut qui a notamment vu passer dans ses rangs Houda Benyamina, l’auteure
Kertoon
du film Divines, Caméra d’Or au dernier festival de Cannes. Le travail en groupe permet une certaine émulation : on échange avec des scénaristes pros, on peaufine son projet afin de lui donner un coup de boost. Le ciné est à portée de tous, à condition de travailler, de s’entraîner, de tenter, quitte à échouer. » Un conseil qui nous concerne directement puisque la team Bikini engagée dans le défi 48 Hour Film Project a finalement décidé de ne pas rendre son film au jury. Ce n’est pas tant le scénario qui nous a posé problème, on était même plutôt fier de cette histoire d’homme assassiné sauvagement chez lui par celui qu’il croit être son ami (horreur !). Nous avons en revanche été vite confrontés à nos limites concernant le matériel à disposition (un micro premier prix acheté le matin même du tournage pour accompagner le réflex nous servant habituellement pour nos photos de reportage) et notre inexpérience concernant le jeu d’acteur. Nous l’avons quand même monté en respectant les contraintes imposées, tout en comprenant assez vite qu’il n’avait pas forcément le niveau pour concourir. Pour Cannes et les César, on attendra. Régis Delanoë 35
DOSSIER
SUR LA PISTE DES NAZIS
BUNKERS, SOUTERRAINS, ABRIS... LES VESTIGES DE L’OCCUPATION ALLEMANDE SONT LÉGION EN BRETAGNE. LE PLUS SOUVENT À L’ABANDON, ILS CONTINUENT CEPENDANT D’ÊTRE EXPLORÉS. 36
janvier-février-mars 2017 #30
Bikini
ous sommes au cœur de la ville de Brest, à quelques pas de l’église Saint-Martin. Niché au croisement de deux petites rues, un petit collectif de quatre étages se dresse face à nous. Murs blancs, volets en PVC et jardinières accrochées aux balcons : le genre d’immeuble comme il en regorge des centaines dans nos villes. Derrière les hortensias de la cour centrale, se cache pourtant un lieu dont on ne pourrait supposer l’existence : un blockhaus souterrain oublié. À l’abri des regards et des passants, dissimulé sous une dalle de béton, cet ancien bunker allemand fait figure de trésor historique pour tous ceux qui ont eu l’occasion d’y pénétrer. C’est le cas de Pierre (prénom modifié), membre de “Bas-fonds de Brest”, un crew d’urbex. « Il s’agit d’un endroit que je ne connaissais pas et dont j’ai eu l’écho un peu par hasard, rembobine-t-il. À quoi ça ressemble ? Quand tu soulèves la dalle, tu as un petit escalier qui mène à l’entrée, équipée d’une meurtrière. T’évites quelques débris, des déchets et, surtout, un gros trou où vaut mieux pas tomber. La porte blindée est toujours là et, derrière, ce sont une dizaine de pièces que tu peux visiter. Le truc le plus impressionnant ? Sans hésiter, la fresque de l’aigle nazi avec sa croix gammée qui trône toujours dans la pièce centrale. » Une peinture du IIIe Reich, en plein centre-ville, toujours présente plus de 70 ans après la libération : plutôt dingo, non ? 37
Des vestiges de la Seconde Guerre mondiale, il en existe encore dans la région. Bases sous-marines, batteries d’artillerie, stations radars, galeries souterraines, blockhaus… Tous ces éléments constituaient le socle du mur de l’Atlantique, ce système de fortifications bâti par l’Allemagne nazie, à partir de 1942 le long de la côte occidentale de l’Europe. Son but ? Contrer tout débarquement sur le continent par les Alliés et protéger les troupes en cas d’attaques aériennes.
tous ces sites. La plupart sont en état de délabrement ou de dégradation, seule une poignée affichent un bon état de conservation. À ces stigmates de l’occupation, certains historiens, professionnels ou amateurs éclairés, consacrent l’essentiel de leurs recherches. Les étudier, les recenser, les découvrir, les visiter, les explorer… Ces passionnés se définissent comme des “bunker-archéologues”, sortes d’Indiana Jones modernes. C’est le cas de Johann Steinebach, un Brestois de 38 ans passionné par la Seconde Bunker-archéologues Guerre mondiale. Pas de quête du Avec ses 2 400 km de littoral, la Bre- Saint Graal ou de l’arche perdue, tagne a vu fleurir un paquet de ces mais une chasse aux blockhaus qu’il édifices. Un chantier alors titanesque. mène depuis qu’il est ado. « Quand Dans la région, cette ligne de défense j’allais à la plage des Blancs Sablons s’articulait autour de Saint-Malo, au Conquet étant petit, ce n’était pas Brest et Lorient, zones portuaires la baignade qui m’intéressait mais stratégiques aménagées en forteresses plutôt les blocs de béton disséminés. sur les ordres de Hitler. Il ne reste C’est comme ça que j’ai commencé à plus aujourd’hui qu’un aperçu de visiter mes premiers bunkers, avant de
« Des fresques éclatantes comme au premier jour » 38
janvier-février-mars 2017 #30
Guillaume Lécuillier
DR
Guillaume Lécuillier - Service de l’inventaire du patrimoine
DOSSIER
m’y mettre plus sérieusement quelques années plus tard avec Hervé, un collègue également passionné par ces constructions. »
Une tranchée dans le jardin Les deux compères se fixent alors un objectif : établir une carte de l’ensemble des blockhaus du NordFinistère. « Des plus petits aux plus gros, on en a en tout compté plus de 500 pour Brest et ses abords. Personnellement j’en ai visité plus de la moitié. » Des virées sur le terrain toujours précédées d’un travail de documentation. « Le mieux, c’est de pouvoir consulter des vues aériennes d’époque. Je pense notamment à des photos prises par un bombardier en septembre 1944 qui sont d’une qualité extraordinaire. Cela permet de repérer les positions, même s’il y a aussi une part d’interprétation : certains bunkers étaient dissimulés sous des filets de camouflage ou alors carrément enterrés. Une fois toutes les infos en poche, direction le terrain qu’on balaie rue par rue, porte par porte, jusqu’à retrouver le bon emplacement. »
LES VESTIGES DU MUR DE L’ATLANTIQUE Bikini
De Saint-Malo à Lorient, panorama (non exhaustif) des édifices allemands.
POINTE DU GROUIN Situé à Cancale, ce site abrite plusieurs blockhaus, dont une casemate toujours équipée d’un canon de 50 mm.
Cela peut être sur l’espace public (« souvent au milieu des ronces ») ou bien, plus souvent, sur des terrains privés. « Dans ce cas, c’est souvent la chasse aux propriétaires pour avoir leur autorisation. Mais ils sont d’accord la plupart du temps. Une fois, des gens nous ont même autorisés à creuser une tranchée dans leur jardin afin de pouvoir accéder à l’entrée d’un blockhaus enseveli. Eux-mêmes étaient très curieux d’en savoir plus, se souvient Johann pour qui pénétrer dans un bunker offre toujours beaucoup de sensations. On touche à des lieux qui ont joué dans l’Histoire, ce n’est pas rien. Et puis, il y a une part d’excitation car on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Les découvertes sont parfois surprenantes. Je suis personnellement toujours fasciné par les fresques, peintures et marquages toujours présents sur les murs. »
scènes de la vie quotidienne, caricatures, fenêtres en trompe l’œil, portraits de femmes… « Voir ces fresques presque aussi éclatantes qu’au premier jour, c’est très impressionnant, confirme Jean-Mars Bourlès qui, il y a quelques années, a exploré et photographié les différents abris de la forteresse de Lezongar, sur la commune d’Esquibien dans le Sud-Finistère. Il s’agit du dernier bastion allemand dans le département. D’un point de vue historique, ça me semblait donc important de conserver des traces de ce passé. » Un site d’exception malheureusement abimé depuis : « En 2014, quelqu’un a recouvert les murs avec de la peinture blanche », se désole Jean-Marc pour qui ce genre de témoignages permettaient de mieux imaginer la vie des hommes. Pour les passionnés du mur de l’Atlantique, certains vestiges restent heureusement à l’abri des Un blockhaus sous un collège dégradations. Parmi les plus fameux, Slogans militaires, consignes tech- le blockhaus de Keranroux, situé niques, maximes politiques, propa- sous un collège, dans les quartiers gande nazie, mais pas que. Beaucoup ouest de Brest. Un bunker bien gardé de dessins artistiques aussi : paysages, puisque l’entrée se fait uniquement
Guillaume Lécuillier
Bikini
CITÉ D’ALETH Pendant l’occupation, les Allemands s’emparent de l’ancienne forteresse malouine. Ils y construisent 1300 mètres de souterrains reliant les batteries antiaériennes et les postes de protection.
BASE SOUS-MARINE DE BREST Il s’agit du plus gros bunker de la région : 332 mètres de long sur 192 mètres de large, avec une dalle de toit dépassant les 6 mètres d’épaisseur.
POINTE DU PORTZIC La batterie de Portzic, dominant la rade de Brest, est composée de dix casemates. Des fresques murales de propagande (dont un aigle à croix gammée) y sont toujours visibles.
BASE SOUS-MARINE DE LORIENT Construite sur la presqu’île de Keroman, dans la rade de Lorient, elle est constituée de trois blocs (KI, KII et KIII) et reste le plus vaste complexe de réparation pour sous-marins édifié par les Allemands en France.
BATTERIE DU FORT DU TALUD Elle avait pour fonction de défendre le port de Lorient. Son énorme tourelle blindée domine toujours les lieux.
SOUTERRAINS DE SOYE Creusé à Plœmeur, ce réseau descend à plus de 35 mètres sous terre. Il pouvait abriter jusqu’à 1 500 hommes. Reconvertis en champignonnière en 1994, ces souterrains sont aujourd’hui à l’abandon. 39
DOSSIER
depuis une porte située au sein de l’établissement scolaire. Une localisation sécurisée et des visites exclusivement sur rendez-vous qui lui permettent de faire partie, selon de nombreux spécialistes, des dix abris allemands les mieux conservés en France. « Le collège a été construit sur le bunker en 1973, retrace un agent de l’établissement qui nous l’a fait découvrir après avoir traversé le vide sanitaire. Le blockhaus fait environ 20 mètres de long sur 10 mètres de large, avec des parois de 2 mètres d’épaisseur. Il était considéré comme indestructible, à l’épreuve des bombes, ce qui a été le cas pendant le bombardement de Brest. Il était également étanche au gaz et possédait un système capable de “recycler” l’air intérieur. » Ventilateurs, filtres, poêle, tubulaires des lits superposés : du matériel
d’époque encore sur place qui a échappé au vol, à la casse ou au démontage, comme cela fut le cas dans de nombreux édifices à la libération. Une pratique qui continue aujourd’hui. « Le terme pillage est toujours fâcheux, mais beaucoup de bunker-archéologues sont aussi des
collectionneurs et aiment récupérer certains objets qu’ils trouvent sur place, reconnaît Johann Steinebach. Cela pose plus globalement la question de la préservation : que faisons-nous des blockhaus et doiton les classer comme monuments historiques ? »
« CASQUES, ARMES, COSTUMES : JE COLLECTIONNE LES OBJETS NAZIS » C’est une véritable caverne d’Ali Baba. Ce collectionneur privé des Côtes d’Armor (qui tient à rester anonyme, « par discrétion et sécurité ») ne sait lui-même pas précisément le nombre d’objets qui peuplent son sous-sol aménagé en musée. « C’est mon fils, passionné par 39-45, qui m’a transmis le virus il y a une vingtaine d’années. On a commencé par des objets américains, avant de compléter notre collection avec une partie allemande. » Drapeaux, casques, vestes, armes, bagues, chaussures, briquets, vaisselle (« dont 40
une assiette retrouvée dans le bunker personnel de Hitler »), papiers d’identité, photos… L’inventaire est sans fin. « Tout est authentique, indique l’homme de 66 ans dont la plus belle pièce est un costume complet et en excellent état d’un pilote de chasse de la Luftwaffe. De ses insignes à son brassard, il ne lui manque absolument rien. J’ai même ses chaussettes ! Comment j’ai récupéré cet uniforme ? Un monsieur qui connaissait mon fils le lui a donné. Il devait aller en maison de retraite et ne savait pas quoi faire de ce
janvier-février-mars 2017 #30
costume qu’il avait retrouvé chez lui dans sa grange à la fin de la guerre… » Si légalement il n’est pas interdit de vendre et d’acheter des objets nazis (seule leur exposition l’est), peu de chances cependant de retrouver ce genre d’articles à Super U. « Beaucoup de pièces ont été achetées en marge de reconstitutions historiques auxquelles je participe en Normandie. Mais une bonne partie nous a été offerte. À une certaine époque, cela ne valait rien et beaucoup de gens n’avaient qu’une envie : s’en débarrasser. »
Photos : Bikini
Si certaines associations se mobilisent localement (à l’image du Gerfaut 29 qui a notamment réussi à convaincre Brest Métropole Aménagement de ne pas détruire un blockhaus, rue de la fontaine Margot, qui présentait des fresques et calligraphies, lors de travaux en 2014), la Direction régionale des affaires culturelles avoue qu’il n’existe pas de politique globale en la matière. « Il n’y a pas d’actions de préservation spécifiques du mur de l’Atlantique, regrette Henry Masson, chef de la Conservation régionale des monuments historiques. Mais cela peut se faire lors de campagnes de conservation de sites fortifiés – de Vauban par exemple – où apparaissent des installations allemandes. Le problème, c’est que ces édifices restent mal perçus et mal appropriés par la population, ainsi que par les élus, car liés au mauvais souvenir de l’occupation. D’autres régions sont plus actives sur ce point. Je pense notamment à la Normandie qui, grâce à l’histoire du débarquement, est “naturellement” sensibilisée. Pour la Bretagne, cela prend plus de temps pour convaincre de l’intérêt patrimonial de ces lieux. » Julien Marchand 41
RDV
« HARDCORE ET FLEUR BLEUE » MARIO RAULIN, COFONDATEUR DU SITE MUSICAL SOURDOREILLE, SORT UN DOCU SUR L’ANGE NOIR DE LA TECHNO HARDCORE, MANU LE MALIN. UN FILM QUI REVIENT SUR L’HISTOIRE D’UN ARTISTE UNIQUE ET FIDÈLE AU FESTIVAL ASTROPOLIS. omment as-tu rencontré Manu Le Malin, ce personnage complexe de la scène électro ? C’était en 2011 à Astropolis. Je fréquente beaucoup le festival, et Manu côtoie cette grande famille depuis ses débuts, il y a 23 ans. Au départ, c’était assez étrange. C’est quelqu’un qu’on reconnaît dans la rue, qui a une gueule, j’étais un peu impressionné pour être honnête. D’Astropolis en Astropolis, je l’ai découvert. 42
janvier-février-mars 2017 #30
Dans ce documentaire, que voulaistu mettre en avant ? Je me suis dit qu’il fallait raconter cette histoire particulière que Manu entretient avec Astropolis, dans ce lieu qu’est le château de Keriolet (là où avait lieu le festival de 1997 à 2011 et où se déroule désormais la Spring depuis 2007 à chaque printemps, ndlr). Cette relation est très forte. Il n’est pas seulement programmé tous les ans à Astro, il est aussi programmateur de la scène Mekanik.
Qu’a-t-il de si fascinant ? D’abord, il joue une musique inhabituelle : du hardcore assez extrême, de la techno dans ce qu’elle a de plus rapide et de plus violent. C’est la tête de proue de ce mouvement en France depuis 20 ans. Et puis c’est un des plus grands techniciens que j’ai vu aux platines. Il a une manière de mixer qui met la taule à tout le monde, quelque chose de corporelle. Ça c’est pour le palmarès musical. Ensuite, il y a le personnage. C’est quelqu’un d’entier, qui paraît brutal, mystérieux,
David Barthélémy
alors que derrière, il y a des convictions, des idées. Il est assez romantique, par exemple, très fleur bleue. Comment décrire l’impact de Manu Le Malin sur la scène électronique ? Il faut le ranger aux côtés de Laurent Garnier. En fait, il y a deux Manu Le Malin : le Manu Le Malin hardcore, qui est le meilleur, respecté par le créateur du genre Lenny Dee. Et depuis environ dix ans, il s’affirme de plus en plus sous son pseudo The Driver, qui est un alias techno. Il sait créer des ambiances que peu de DJ savent faire. A-t-il été difficile à convaincre pour faire ce documentaire ? Franchement, au début, je n’y croyais pas trop. Il n’a pas l’habitude des projecteurs, ce n’est pas Nina Kraviz... Ce qui l’a convaincu, c’est le fait que l’on parle de lui, mais aussi d’Astropolis. Recueilli par Brice Miclet Sous le donjon de Manu Le Malin : le 20 janvier au cinéma Les Studios à Brest dans le cadre d’Astropolis 43
RDV
DÉBIT DE BEAUX SONS DERRIÈRE LA POP SYNTHÉTIQUE DE BUVETTE, SE CACHE CÉDRIC STREULI. UN SUISSE AUX CHEVEUX LONGS QUI AIME LA BATTERIE, LES VOYAGES ET LES DISQUES QUE LUI RAMÈNE SON PÈRE. POUR SÛR, UN HOMME DE GOÛT.
Agathe Zaerpour
uand on a eu Cédric Streuli au téléphone, il était sur le point de décoller pour l’Inde. « Je vais rejoindre mon père qui est en vadrouille là-bas. Il est en plein périple entre le Laos, le Népal et l’Inde. » Une destination loin d’être inconnue pour ce Suisse de 30 ans qui a choisi le (superbe) pseudonyme de Buvette comme nom de scène. « C’est en Inde que j’ai fini d’enregistrer mon deuxième album Palapa Lupita. Là du coup, je pense que je vais de nouveau en profiter pour travailler sur quelques démos. Enfin, c’est d’abord pour passer les fêtes avec mon père que j’y vais. » La musique et son paternel : deux éléments intrinsèquement liés qui ont forgé son oreille quand il était gamin. « Je ne viens pas d’une famille de musiciens. Chez moi, personne ne joue d’un instrument mais il y a toujours eu de la musique, notamment grâce à mon père qui voyageait pas mal et qui ramenait plein de disques et de cassettes. Du rock des années 60 et 70, du psyché, des musiques du monde… » De quoi détourner l’ado des terrains de foot pour le garage des parents 44
janvier-février-mars 2017 #30
où il fonde avec des potes un premier groupe à 14 ans. « C’est là que j’ai commencé à faire de la batterie. Pourquoi cet instrument ? J’ai toujours été sensible à la rythmique. Et puis, le batteur est un personnage que j’ai toujours bien aimé. Il est dans le fond de la scène, on ne le voit pas trop mais il est indispensable. » Un rôle qu’il tiendra par la suite au sein du groupe de rock parisien The Mondrians, avant de se consacrer à 100 % à Buvette, son projet solo fait de boîtes à rythmes et de synthés. Trois albums, entre pop eighties et electronica, naîtront de cette émancipation, dont Elasticity sorti l’an passé chez Pan European, écurie de Koudlam et de Flavien Berger avec qui apparaît une certaine convergence artistique. Des artistes oniriques, perchés, haut dans le ciel comme Thomas Pesquet. « Pan European, ce n’est pas un label où les dix artistes font la même musique mais on peut dire qu’on partage tous un but commun : offrir des portions de rêve à nos auditeurs. » J.M Le 24 février à La Route du Rock à Saint-Malo (La Nouvelle Vague)
DR
PÉPOUZE PAPOOZ
INTERVIEW FISSA AVEC ARMAND, MOITIÉ BLONDE DU DUO LE PLUS POSAY DE L’INDIE-FOLK. C’est né comment, Papooz ? Au début, Ulysse et moi avions le projet avec d’autres copains parisiens de monter un fanzine. Il n’a jamais vu le jour mais tous les deux on a pris l’habitude de se retrouver pour bidouiller un peu de musique. C’est devenu une sorte de garage band, qu’on a appelé Papooz. On a enregistré un EP à l’arrache, très lo-fi un peu à la Moldy Peaches, dans la chambre d’Ulysse avec les moyens du bord. Rien de sérieux. Quand est-ce que ça l’est devenu ? En juin 2016, on a sorti un premier album, Green Juice. Pour le coup on a soigné son enregistrement. On avait avec nous nos potes qui nous accompagnent sur scène pour y apporter un son live, un peu dans l’esprit de ce qui se faisait dans les années 70. C’est l’époque qui nous anime : de l’indie-folk léger mais travaillé, à l’image du single Ann Wants to Dance qui a bien marché. Quels projets pour 2017 ? Continuer à jouer un maximum. Récemment on a été invité pour deux dates au Japon, mortel. On estime la durée de vie de Green Juice à un an donc on devrait vite se pencher sur son successeur. De nouveaux morceaux sont là. Le 3 mars au Manège à Lorient 45
RDV
GOTHAM vs METROPOLIS
CETTE ANNÉE, TRAVELLING, LE FESTIVAL RENNAIS DE CINÉ, EXPLORE LES CONTOURS DES VILLES DE DEUX SUPER-HÉROS, BATMAN ET SUPERMAN. DES UNIVERS EN PLEINE MUTATION.
DR
DR
Batman ou Superman ? Il est de ces questions existentielles qui divisent le monde en deux catégories. Pour réunir les fans des deux plus célèbres superhéros de DC Comics, Travelling a eu la bonne idée de proposer ComiXity, temps fort consacré aux deux villes imaginaires dans lesquelles évoluent les deux personnages, respectivement Gotham City et Metropolis. « Plus que de simples décors, ces deux cités sont devenues de véritables personnages dont les contours dessinent une humeur, un contexte, un fantasme », éclaire Anne Le Hénaff, responsable artistique du festoche.
Une sélection de sept projections a été réalisée pour montrer l’évolution de la perception de la ville dans l’univers des super-héros. « Il y a le premier dessin animé Batman, sorti en pleine Seconde Guerre mondiale et qui montre une Amérique flamboyante, construisant l’imaginaire de la ville US majestueuse et mythique, le Gotham pop et joyeux du film Batman de 1967, jusqu’à la trilogie Dark Knight, sombre et torturée, de Christopher Nolan. » R.D Dans le cadre de Travelling à Rennes du 7 au 14 février
DR
LA MEUTE : JEUNES LOUPS
Ils sont tous âgés de 14 ou 13 ans et affichent des scores sur YouTube qui feraient baver un paquet de groupes plus expérimentés. Avec plus de 150 000 vues pour leur premier morceau Pépélé (qui veut dire tranquille en lingala, une langue du Congo), les huit gars de La Meute et leur afro-trap ont fait une entrée remarquée dans la scène hip-hop rennaise. De leur maison de quartier à Villejean, où ils ont grandi et qu’ils souhaitent représenter « positivement », à leur futur passage à l’Antipode dans le cadre du festival Urbaines, les garçons franchissent joliment les étapes, en attendant la sortie de leur mixtape avant l’été, « en mode pépélé ». Le 18 février à l’Antipode à Rennes 46
janvier-février-mars 2017 #30
SOUVIENS-TOI... LA CITE FERMÉE DEPUIS LE PRINTEMPS DERNIER, LA CITÉ À RENNES DEVRAIT ROUVRIR SES PORTES EN CE DÉBUT D’ANNÉE. TOUR À TOUR SALLE DE RÉUNIONS SYNDICALES, DE MEETINGS, DE THÉÂTRE, DE CONCERT ET MÊME DE CINÉMA, SON HISTOIRE EST RICHE DEPUIS SON INAUGURATION EN 1925.
DE LA BOURSE DU TRAVAIL À LA MAISON DU PEUPLE À la fin du 19e siècle, les bourses du travail servaient de lieu d’accueil où la classe ouvrière pouvait venir consulter les offres d’emploi, s’informer sur le droit du travail mais aussi assister aux pièces des troupes de théâtre syndicales. C’est sur ce fonctionnement et cette base – débattre et divertir, travail et culture – que va naître la bourse du travail rennaise en 1893. Il faudra attendre l’année 1925 pour qu’elle dispose d’une véritable salle, baptisée Maison du peuple, érigée rue Saint-Louis à Rennes selon les plans de l’architecte Emmanuel Le Ray (la piscine Saint-Georges et
LE BERCEAU DES TRANS
Archives de Rennes - 10 Fi 48
l’immeuble des Galeries Lafayette, c’est également lui). Un lieu que le maire Jean Janvier, qui avait décidé sa construction en 1919, a qualifié de « pratique, sans luxe mais élégant et confortable ».
C’est aussi bien sûr une salle de concert. Si elle a toujours ponctuellement accueilli des artistes jusque dans les années 70, c’est à partir de 1979 et la première édition des Rencontres Transmusicales qu’elle va devenir « le cœur culturel de Rennes », comme le qualifie le conférencier rock Christophe Brault. « Toute la scène locale va y faire ses débuts : Daho, Marquis de Sade, Les Nus… C’est là aussi que la légende des Trans va naître, avec des concerts mythiques comme celui des Bérus lors de l’édition 1986.»
LUTTES SYNDICALES, MEETINGS POLITIQUES… ET CINÉMA Dans le bouillonnement syndical des années 30, la Maison du peuple, qui ne sera baptisée “salle de la Cité” qu’en 1965, devient vite trop petite. Un prolongement, détruit récemment, est édifié et accueillera le siège de la CGT locale jusqu’en 2012. Le lieu n’accueille pas que des réunions mais aussi des meetings politiques, du 48
janvier-février-mars 2017 #30
théâtre et toutes sortes d’événements d’assos rennaises : séances d’hypnose, concours de culturistes ou plus classiquement les arbres de Noël. Jusqu’en 1962, c’est aussi un cinéma, d’abord nommé Le Celtic puis La Bandera à partir de 1942, spécialisé dans les œuvres militantes et d’art et d’essai évidemment…
DR
VTS
D. Levasseur
UNE RÉHABILITATION ET UNE RÉOUVERTURE
Dans les années 90, jusqu’à 40 concerts par an sont organisés (dont quelques mythiques : Björk, Beck, IAM, Suicide, la Mano Negra, Death in Vegas…), une activité qui a réduit progressivement à mesure que la municipalité – qui est propriétaire des lieux – subit des plaintes pour nuisance sonore. « Entreprendre des travaux complets de modernisation coûterait affreusement cher, reconnaît l’actuel adjoint à la culture Benoît Careil. Pour l’instant on est contraint de limiter les concerts de musique amplifiée à un par mois au plus. » Des soirées qui n’ont d’ailleurs même plus eu lieu ces derniers mois, la faute à la réhabilitation de la salle après son occupation du printemps par des manifestants hostiles à la loi Travail. « Elle doit rouvrir en janvier, assure Benoît Careil. La Cité reste une salle municipale très bon marché pour les assos rennaises (250 euros/jour la location, ndlr) et un monument du patrimoine culturel local. On ne l’abandonnera pas. » Une étude serait en cours pour un retapage du hall, du balcon et des coulisses, pour un aboutissement « d’ici trois ans ». 49
F facebook.com/bikinimag
t @bikinimagazine
AGENDA
DR
Flavien Prioreau
Julien Falsimagne
Adrian Cassignol
RECOMMANDE
NORMA
LONGUEUR D’ONDES
OMAR SOULEYMAN
MUSIC ACT
Vue à la dernière édition des Bars en Trans en décembre, la Toulousaine réhabilite le bon vieux blues-rock US de derrière les fagots auquel elle ajoute des accents grunge et un phrasé rap. À l’image de l’efficace single Girl in the City. Fans de PJ Harvey, allez y jeter une oreille, ça devrait vous plaire.
Résiste ! Prouve que tu existes ! À l’heure du web, la radio est un média qui se porte bien et qui a même droit à son festival annuel. Au programme de cette 14e édition, des noms qui claquent (François Morel...) et une table ronde sur l’investigation, avec les darons Fabrice Lhomme et Gérard Davet (photo).
Pour la prochaine édition d’Astropolis Hiver, direction le Moyen-Orient avec le superbe Omar Souleyman. Un artiste électro syrien qui s’est fait connaître du grand public en 2013 grâce à son entêtant tube Warni Warni. La dabka revisitée de l’ancien chanteur de mariage à l’éternel turban est une belle curiosité.
À chaque semestre, ce cycle imaginé par l’Échonova s’interroge sur les liens entre la musique et la société. Pour ce début d’année, Music Act se consacre aux femmes dans les musiques actuelles. Au menu : débats, concerts et documentaires, comme Twenty Feet from Stardom qui s’intéresse à la vie des choristes (photo). À L’Echonova à Saint-Avé Jusqu’en juin
DR
Julien Mignot
Au Quartz à Brest Le 21 janvier
Cédric Vincensini
À Brest Du 31 janvier au 5 février
DR
Au Schmoul à Bain-de-Bretagne Le 27 janvier
FRUSTRATION
BARTLEBY
LES ALIENS
LES 10 ANS D’INFINÉ
Avec Empire of Shame sorti en 2016 sur Born Bad Records, le groupe Frustration est bel et bien back in business. Un très bon album de cold wave d’influence mancunienne qu’il s’agit maintenant de défendre sur scène. « Ça c’est du rock ! », comme dirait Eddy le Quartier.
Le spectacle de marionnettes Bartleby, une histoire de Wall Street est issu d’une nouvelle de Herman Melville. Le pitch ? Un scribe décide d’envoyer bouler les ordres qu’on lui donne. Une « tragicomédie rock’n’roll » pour enfants, jeunes parents et grands frangins.
Dans une petite ville des USA, deux amateurs de thé aux champignons hallucinogènes se questionnent sur le sens de la vie et le mythe du rêve américain. Une pièce de la compagnie Public Aléa qui, au fil des réflexions illuminées, se transforme en ode naïve à l’anticonformisme.
À l’occasion de son dixième anniversaire, l’élégant et exigeant label électro fondé par le Lyonnais Agoria organise une petite sauterie à l’Ubu. Parmi les invités : Parakat (le nouveau projet de Cubenx) ou encore Gordon (photo), à l’affiche des dernières Trans.
À La Carène à Brest Le 13 janvier
50
À La Passerelle à Saint-Brieuc Les 31 janvier et 1er février
janvier-février-mars 2017 #30
Au Théâtre de Poche à Hédé Les 9 et 10 mars
À l’Ubu à Rennes Le 11 mars