Avril 2010
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CA ! Les «CA» Caravelle - Castera - Caw Los Carpinteros - Capellan Cauvin - Les frères Capote Campbell - Castello - Castro
Carnevale : de l’art ou du cochon ?
Cadavre… antillais à la sauce chien !
Caprice Vigie-lance vigilante
Cancelier Résonances chromatiques
Cage-Florentiny Écrire, guérir, sourire
Caruge De l’île… au monde
FA N Z I N E C U LT U R E L D E L A C A R A Ï B E
SOMMAIRE 05
É DITO
10 20
C ARNAVAL
21
CADAVRE EXQUIS
22
PÔ-ÈM
24 31
P OR TFOLIO
32 34
35 38
06 09
LE BOUCHE À OREILLE
MOT À MAUX
F OCUS ON… C ARUGE
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Boucan
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siklòn Typo-Tempête
siklòn Made it last
B 1 SIKLÒN
SIKLÒN
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SIKLÒN
est une publication de l’agence Cambrefort 97130 Capesterre-Belle-Eau 05 90 88 98 06 >> 06 90 65 06 93 agence.siklon@gmail.com Directeur de publication : Cédric Francillette 05 90 88 98 06 agence.siklon@gmail.com
Consulting rédactionnel : Guylaine Masini
Siklòn
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Journalistes :
Guylaine Masini, Maxence Alavarna, Serena Laurent
Conception graphique :
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Iconographie :
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Merci de nous contacter au : 05 90 88 98 06 ou par mail agence.siklon@gmail.com
Remerciements aux artistes pour leur aimable participation 04
Boucan {Avril
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SIKLÒN
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ÉDITO
Quel boucan !
C
Cédric Francillette
Directeur de publication
ette année 2010, que je souhaite pleine de réussite à toutes et tous me permet aussi de vous annoncer la sortie d’un nouveau fanzine dédié à la création culturelle dans la caraïbe.
L’objectif de cette publication est double. Il s’agit tout d’abord de montrer la richesse artistique de la zone caraïbe : plasticiens, chorégraphes, paroliers, musiciens, designers, etc. n’ont rien à envier à leur congénères métropolitains. Ensuite Boucan – et c’est là son originalité – a vocation à générer de la créativité : nous demandons aux artistes invités, de nous proposer des inédits, nés ou non de collaboration. Libre à eux de nous étonner... Nous positionnant dans une mouvance ludique rejoignant le Dadaïsme, nous favorisons la création spontanée et la fraicheur des propos. D’ailleurs, nos artistes ne sont pas sélectionnés en fonction de l’actualité mais sur un mode syllabique arbitraire et absurde en soit. Ainsi, le premier numéro du fanzine est le numéro CA ! Seule exception à la règle, la chronique écrite par notre correspondante en métropole, grain de sable dans cette logique (ou comment saboter le système !...) Enfin, boucan est simplement une interface : il ne se veut pas exhaustif de cette formidable tour de Babel qu’est la caraïbe. Il espère pouvoir vous faire pénétrer au cœur de la création et vous faire partager notre amour de l’art. Ne subissons pas l’actualité, créons-la !
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BOUCHE À…
CAW MAGAZINE
Psycho Buildings Exhibition - Londres, 2008 (Hayward Gallery). Dépeint le moment d’une explosion.
« Originaire
© K. Castello
de la Jamaïque, Keisha Castello De la série des « Réalités hybrides » a l’âme Technique mixte, 2007 de la collectionneuse ou de l’entomologiste. Son bestiaire est composé d’éléments trouvés dans la nature tel que les insectes, les os, les coquillages et les feuilles. Présentés comme le seraient des spécimens historiques, ils ressemblent à des fossiles.
»
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De l’humour dans l’art ? Oui, c’est possible avec les «charpentiers» ! Initialement surnommés ainsi car ils ne travaillaient que le bois, le duo Valdès/Sanchez s’est transformé en de vrais designers/architectes. Leurs créations reflètent le contexte culturel dans lequel ils vivent, des reliques de la haute société aux principes utilitaristes de l’ère soviétique.
D
errière Los Carpinteros se cachent un duo d’artistes : Marco A. Castillo Valdès (1971) et Dagoberto Rodriguez Sanchez. (1969) tous deux sortis de l’Institut Supérieur des Arts de la Havane. Leur utilisation de l’ironie ludique et métaphore poétique se combine avec un travail d’orfèvre pour produire des objets qui permettent de redéfinir les frontières entre art et design. « Notre travail étudie les objets quotidiens et leurs fonctions. Beaucoup de nos pièces proviennent de la modification ou l’exagération de l’utilisation d’un meuble ou d’un autre élément que nous utilisons habituellement. Nous
avons découvert que, caché dans la fonctionnalité des choses que fabrique l’homme, se trouvent de nombreuses fissures qui trahissent ses pensées et son comportement. » http://www.loscarpinteros.net/
© Los carpinteros
Musée imaginaire
Constructiondestruction
© Los carpinteros
© CAW
Nouveau venu sur la toile, CAW magazine est un site en anglais consacré aux arts visuels caribéens. Vous y trouverez des articles, des actualités, un répertoires d’artistes et de galeries ainsi qu’un agenda des événements à venir. Le site se complète d’une version papier, pour les inconditionnels de la presse écrite. www.cawmagazine.com
© Los carpinteros
© CAW
Les arts visuels caribéens « online »
Estuche/Jewelry Case, 1999 - Bois
< Sofa caliente/Hot Sofa, 2001.
CHRONIQUE
La main tendue… C’est Anatole, 10 ans, qui m’a tendu ce petit livre avec un laconique : « Tu verras, c’est joli, et puis nous avons un ami en commun ! ». Vite reconnu entre deux autres poèmes, un clou et une araignée, Petit Pierrot l’ami qui sème à tous les vents...
L’
un des plus grands poètes contemporains de langue française, Georges Castera, prix Carbet de la Caraïbe 2006, propose ainsi aux plus jeunes lecteurs (mais les plus âgés d’entre eux s’y retrouveront !) d’aller à la rencontre de la langue française (et du monde) de très belle manière, entre les insectes, les rongeurs, les oiseaux, les eaux (fleuves et mers), les voyages, la rue... mais aussi à travers l’émotion et les plus tristes expériences de la vie : la douleur de la perte consolée par la justesse des mots pour le dire. Les mots prennent vie et couleur, s’incarnent, deviennent doux, les sons deviennent jeux et les images qui les soutiennent livrent à leur tour de nouvelles aventures. L’ouvrage est illustré par Mance Lanctôt, peintre, qui au-delà de l’illustration donne à
Guylaine MASINI
Photographe et chroniqueuse
poursuivre le poème par une nouvelle interprétation, de nouvelles découvertes. Résultat du dialogue entre une peintre québécoise et un poète haïtien, ce beau livre qui tient dans la poche (et peut s’emmener partout) permet de redécouvrir les mots, les sonorités, les formes de la langue pour s’offrir une délicieuse parenthèse. Une poésie sans frontière, tendre, ludique et universelle, à lire à haute voix !
…avec des vers en offrande
Le cœur sur la Main (broché) de Castera Georges, Édition Mémoire d’encrier, (février 2009) Collection : L’arbre du voyageur, 64 pages
MANCE LANCTÔT
@BV © Jacques Pharand
« J’essaie d’immortaliser des gens qui n’auraient jamais pensé se retrouver au coeur d’une œuvre. Le portrait a longtemps été réservé à une élite bourgeoise. Je le traite à l’inverse. Je tente d’enlever le côté mythique de l’atelier et d’ouvrir l’espace de création », indique-t-elle. Graphiste de profession, Mance Lanctôt collabore comme illustratrice aux éditions Mémoire d’encrier. Elle a notamment réalisé la couverture de Conte cruel, un recueil de l’écrivaine d’origine guadeloupéenne Maryse Condé.
L’AUTRE CASTRO
© H. Castro
Humberto Castro : l’homme est un loup pour l’homme Né à la Havane en 1957, il travaille aussi bien, la peinture, la gravure que la céramique ou les installations. Il réalise aussi des performances, critiques sociales de son pays de naissance. Il est l’un des membres des plus actifs d’un groupe cubain connu sous le nom de « génération des années 80 », très important dans le renouvellement esthétique et conceptuel de l’art cubain. En 1983, il fonde le groupe « Hexagon », qui a la particularité
d’intégrer la participation du public dans la réalisation des performances. Après avoir vécu à Paris, il est actuellement installé aux États-Unis. Il faut reconnaître au travail d’Humberto Castro une dimension artistique, théorique et sociologique. « je travaille la violence du point de vue de ce qu’elle peut être dans la vie quotidienne de l’homme est général, aujourd’hui, à partir de ce qu’est le stress, la musique, la mode. Pour moi, c’est une façon de voir à l’intérieur de l’homme, à travers des scènes banales. Souvent je fais appel à la mythologie, en transposant les épisodes d’une époque à l’autre. » http://www.humbertocastro.com
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…OREILLE
CAPELLAN À CUBA
HAÏTI À L’HONNEUR
L’art est un acte politique par essence
Mar Caribe, installation de Tony Capellan (1996).
Tony Capellan est né à Tamboril en République Dominicaine. Il étudie au département des arts de l’Université Autonome de Saint Domingue. Peintre et graveur, il s’est tourné vers l’installation, estimant que ce mode de représentation était le plus adapté au message social qu’il entendait faire passer, notamment sur les conditions d’existence précaires des habitants de l’île. Il travaille essentiellement par assemblage d’objets, de débris rejetés par la mer, comme ces tongs qu’il présente dans l’exposition « Kréyol Factory ». Cet assemblage illustre les conditions de vie précaire des habitants de son île, mais se réfère également aux boat people du monde entier.
Coup de cœur pour cette artiste haïtienne qui vit au Canada. Marie-Hélène Cauvin, diplômée en art de l’Université Concordia en 1992 s’oriente vers l’art de la gravure à la Tyler School of Art de l’Université de Philadelphie, initiation suivie d’ un séjour de perfectionnement à Rome.
S
i la pratique de la peinture est assez répandue en Haïti, celle de la lithographie est moins courante. De rares artistes haïtiens en font. Marie- Helene Cauvin innove en nous proposant ses lithos. Avec Marie-Hélène Cauvin, l’art n’est pas décoratif, il n’est pas « confortable ». Fortement influencée par les expressionnistes, elle nous présente une vision ten-
CA-LÉÏDOSCOPE
Charles Campbell ou le motif « esclavage »
© C. Campbell
Venant de la Jamaïque, Charles Campbell a déjà beaucoup exposé en Amérique du Nord, dans la Caraïbe et en Maroon Meditation 2005 Europe. Il se nourrit huile/papier/toile de ses différents pays d’adoption (le Canada, le Royaume-Uni) et de ses racines jamaïcaines. « Pour l’instant, mon interêt s’oriente vers un travail sur la tension : la tension provoquée par l’utilisation chaotique et violente d’images placées dans le cadre de la répétition contrôlée d’un motif graphique ». Le travail de Campbell traite aussi de l’esclavage. Il parvient à transposer une période particulièrement traumatique et brutale sur un médium artistique tout en la rendant émouvante. http://www.charlescampbellart.com/ charles@charlescampbellart.com 08
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À RELIRE…
Choses dites à la vitesse d’une caresse… Georges Castera n’a pas choisi langue créole par préférence. Il a commencé à écrire en créole pour échapper à la censure de son pays d’origine (Haïti). Éxilé à New-York, il continue de publier en créole dans le cadre d’une organisation qui en valorisait son usage. Son écriture change suivant la langue qu’il utilise. Le français est plus spontané, ce n’est pas une langue qu’il a à défendre. En créole, il se fait plus polémique. Il y a dans
La nef des fous (1995) huile sur toile
La Tatouée (2000) gouache et fusain
due et angoissée du monde. Ses créations sont de l’ordre du surgissement : elle fait monter à la surface du tableau des personnages hantés par les thèmes de la violence, la mort, le dédoublement et l’érotisme. (voir notamment ses portraits d’esprits recouverts de peinture). Une palette colorée très réduite - l’ocre rouge, le rouge, le vert, le jaune et le noir sont des couleurs naturelles– accentue son lien avec le primitivisme. http://ppcauvin.cyberglobe.net/ ppcauvin@hotmail.com
l’œuvre de Castera un goût pour la transgression et la rupture, l’envie de dénoncer notre société inégalitaire. Dans « Le trou du souffleur » il tente de déculpabiliser l’érotisme. « J’ai essayé de donner au corps sa dignité, car il a été trop longtemps conspué, dévalorisé par des siècles de monothéisme. Je parle du corps féminin qui a été mis de côté comme quelque chose de dangereux, de diabolique. Je suis partisan de la joie, de la jouissance. L’homme qui fait l’amour est heureux. » Il y aborde aussi le rapport de la vie à la mort. Pas de place pour la nostalgie ou la culture de l’exil dans la poésie de Castera... En savoir + Georges Castera rejoint l’équipe des Éditions Mémoire en 1999 où il est directeur littéraire. Avec Castera, Rodney Saint-Éloi fonde la revue semestrielle d’art et de littérature Boutures.
© Œuvres M.-H. Cauvin
© DR
Le théâtre de l’intime
L’Art : une histoire de famille Né à Pinar del Rio en 1977, Yoan Capote vie et travaille à la Havane. De 1991 à 1995, il fit ses études à l’Institut Supérieur d’Art, puis y fut professeur d’arts visuels de 2001 à 2003. Il reçut différents prix (Prix Unesco) et bourses pour son travail. Yoan travaille en collaboration avec son frère Ivan (1973).
Y
oan Capote comprend et interprète la réalité par une communion intime entre l’objet et l’être humain, entre l’individu et la technologie. Il nous confronte à la nostalgie de l’expérience physique dans un monde de plus en plus numérique... Dans le travail Iván Capote, il y a un mélange de poésie et de rationalité. Au-delà de faire appel au niveau de la perception, son art provoque aussi une réaction intellectuelle et critique. L’austérité de la ligne, la simplicité des matériaux, utilisation de formes géométriques soigneusement étudiés sont constantes dans son esthétique. yoancapote@hotmail.com artcapote@yahoo.com
«Bon plan…» www.theglobalcaribbean.org/
www.artsvisuelscaribeens.com/
CARAVELLE
Deux bateaux hantent l’imaginaire antillais : le bateau négrier et la caravelle. Caravelle c’est justement ce nom qu’avait choisi un collectif d’intellectuels, disciple d’Aimé Césaire au lycée Schoelcher à Fort-de-France. Fille de la revue « Tropique » Caravelle parut de mai 1944 à mars 1945. Elle souhaitait rendre sa dignité à l’héritage nègre en se tournant vers l’Afrique. « Ce que nous voulons, c’est un art, une poésie qui soient nôtres. Nous ne voulons pas une poésie d’assimilés, car nous ne sommes pas des assimilés. »
Carnevale : de l’art ou du cochon?
Parade littoral à Kourou : membre de la troupe « Natural Tribal » basant la confection de ses costumes sur le recyclage de déchets et d’éléments naturels.
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CARNAVAL
Art de la rue par excellence et tradition, le carnaval s’invite dans nos pages. Mais que vient faire ici cet événement populofolklorico-festif ? Il ne s’agit pas pour nous d’aborder ce qui a déjà été relevé au niveau sociologique mais d’apporter un éclairage synthétique et ludique sur ces journées de liesse tout en répondant à la question suivante : pourquoi le carnaval n’est-il pas considéré comme un Art avec un grand « A » ? Photographies : Ronan Liétar
D
émaré démaré ! démaré vidé-a et laissez vous entraîner par ces devinettes pas si anodines...
Si j’étais un animal, je serais… un caméléon
Peindre son propre corps fait partie d’une des pratiques artistiques les plus anciennes. Longtemps réalisé à partir de pigments naturels d’origine végétale, minérale et animale, le body painting peut servir à montrer ou à cacher l’individu. Appliquer des couleurs sur son corps permet d’affirmer son identité, l’appartenance à son groupe et d’une manière générale de se situer par rapport à son entourage. Dans le cadre du carnaval, nous sommes face à trois problématiques possibles : - Assimilation : la peinture du corps permet l’assimilation au mass (groupe carnavalesque). S’agit-il alors des prémisses d’une identité à conquérir ? Peut-être... - Transformation : certaines peintures corporelles « camouflent » l’individu et facilite son intégration à l’environnement : il change de nature, perd son côté humain et de-
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CARNAVAL
Kourou : membre de « Natural Tribal » faisant de la musique en soufflant dans un coquillage.
Les sons du carnaval La musique des défilés est produite à partir d’objets de récupération divers (bouteilles, bidons de viande salée en plastique de taille différente frappés avec un bâton à l’extrémité rembourrée de tissu et de caoutchouc, calebasse pour le « chacha » garnie de graines de réglisse, bois-bambou, conques de lambi, etc), de sifflets, le Tiyobanbou (tuyau de bambou), Siyak Tanbouras (tambour plat et rond). • Les groupes à cuivre utilisent des instruments fabriqués de manière artisanale (exemples : caisses claires,
>> vient, plante, animal ou objet...
- Déclaration : le corps identité devient un corps-discours (voir le travail de Fela Anikulapo Kuti et Voukoum) : le corps sert alors de support pour communiquer, pour dénoncer, pour affirmer un propos.
… ou un arthropode en pleine mue !
Plaire, choquer ou s’effacer : le masque est l’autre élément important du carnaval. Il ne se réduit pas à l’accessoire car est l’individu mais aussi l’ensemble de sa tenue. Prenons plus particulièrement l’exemple du carnaval antillais. Il se compose de trois types de costumes : - le costume spectacle : il présente le carnaval sous son jour féérique. Les tenues sont scintillantes et les 12
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gros tambours en plastique, conques de lambi, chachas, etc). • Les groupes à peau, groupes traditionnels indépendants utilisent de petits tambours couverts de peau d’animal, (ex. cabri), des fouets et d’autres instruments traditionnels. • Les groupes de synthétiseurs quant à eux, existent depuis dix ans. En plus des instruments traditionnels, ils ont recours aux instruments plus modernes (ex.synthétiseurs, basses, micros…).
thèmes abordés n’ont pas vraiment de rapport avec l’histoire antillaise. C’est le côté récréatif et touristique du carnaval. - le costume artistique : on est encore dans la séduction tout en faisant référence à des faits de société ou des problèmes culturels. C’est une mise en scène attractive du patrimoine. - le costume contestataire : son but est de choquer, de provoquer le public. Il utilise des éléments naturels (végétaux, terres, cornes, sucre de canne...) fortement ancré dans l’histoire guadeloupéenne. Voukoum a largement exploité les masques de nudité : les hommes ne portent qu’un cache-sexe tandis leur corps est enduit d’huile, de roucou, de si>> rop de batterie ou de terre.
« Touloulou » (femme parée-masquée) au dancing Polina à l’occasion du bal des diablesses. Tout le monde en rouge et or !
À chaque numéro, Boucan invite des artistes à proposer des inédits. C’est au tour de Stéphanie Melyon-Reinette (aka Nèfta Poetry) de nous faire partager son expérience du carnaval…
« Carne Aval, Carnaval » « Carne » prononcé à l’espagnol, pour rappeler la chair. « Aval ». Ce mot renvoie au « côté vers lequel coule un cours d’eau ». Est-ce à dire que le « carnaval » renvoie, selon moi, à la chair. Oui je le crois. La chair, matière qui compose nos corps. Oui, je crois que le corps est l’instrument de ce rituel auquel, nous Guadeloupéens nous soumettons annuellement avec frénésie, enthousiasme et méticulosité. Je sais le soin et la minutie avec lesquels les carnavaliers bâtissent leurs costumes. Avec quelle joie ils recherchent les objets et apparats qui vont orner leurs accoutrements. Le corps donc est porteur d’un message… C’est une missive politique. Bien sur, je parle ici du carnaval qui m’interpelle et m’envoûte aujourd’hui. Il y a deux types de carnaval : la parade et le MAS. Je me rappelle avoir participé au premier durant mon enfance. C’était presque une obligation à l’école primaire. Comme nos parents aimaient nous voir déguiser ! Je me souviens de deux carnavals. Le premier, j’étais habillée en « doudou », un jupon et un corsage brodés, une jupe madras et un foulard vert. Tèt’ la té maré bien sur. J’avais une coiffe traditionnelle à une pointe (je ne sais plus ce que cela signifie d’ailleurs). Le second dont je garde un souvenir, je devais avoir 10 ans et j’étais habillée en chinoise. Pas en geisha non. Chinoise ! Une robe de soie bleue. Ma maman s’est surpassée. Le carnaval jusque là n’était pas ma tasse de thé car je n’en connaissais que cet aspect lisse qui ne m’intéressait guère. Mais si on me demande quel est mon meilleur souvenir carnavalesque et bien je dirais simplement que je n’ai jamais aimé le déguisement. Je suis comme ça franche. Je n’aime pas changer de peau. Je n’aime pas la mascarade ou le simulacre. Je n’aime pas faire semblant. La magnificence de la parade ne m’a jamais attirée. Aucune tentation. Je crois que c’est pour cela que le MAS m’a séduite. Le MAS est authentique. Le MAS est revendication. Mon meilleur souvenir tient en ma (re)découverte du MAS. Adolescence. Je me souviens que quelques-unes de mes cousines et de mes tantes aimaient courir le mas. Mercredi des Cendres. Tout’ moun ka kouri an nwa é blan. Je ne saisissais pas la démarche, ni l’intérêt de la chose. Et l’effervescence des foules m’avait souvent rebutée. La sueur. La promiscuité. Après maturation, comme un fruit mûr qui enfin tire le meilleur du soleil et exhale des odeurs d’aldutie, je découvre VIM, le Very Important Mas par le biais de ma Patou et de sa famille. Le MAS est une famille. C’est un héritage. Un legs. En 2004, V.I.M. naît en Guadeloupe à Lauricisque. Local du groupe. Tout le monde se prépare. Entraide. Partage. Joie palpable. Bonne humeur. Osmose. Des corps chrysalides. Transformation. Filiation. Histoire. Racines. Le déchoukaj de l’irrésolution et de l’irraison, de l’ire, de la colère, qui sont nés de notre incomplétude.
Alors aux couleurs de VIM – des franges bleu, ocre et rouge – les Mas se réunissent devant le local pour former une colonne (vertébrale) compacte, forte et si exhaustive dans ses intentions. La colonne s’ébranle. L’énergie que les Ti Mas recueillent comme une absolution de toute inhibition est un enchantement et un encouragement pour la pérennité de notre patrimoine. J’ai aimé la constance du pas martelant le sol, des voix à l’unisson qui chantent et revendiquent. J’ai aimé le marronnage. La dissidence. Les corps porteur d’un message civique : nous sommes, alors soyons. Yo té pou nou sé. J’ai aimé ces corps en mouvance, tremblant, en transe. La sueur qui coule le long de leur visage, de leur dos… La transe de ces corps nourri par les tambours à peau, ces cœurs sonores pulsant la vie du Mas. La détermination. Les Masaï VIM fiers, rouges, telles des flammes vivaces et flamboyantes. Les VIMeuses faisant de leurs charmes une fierté, une arme de commandement et de requête. Moi, femme, solide, robuste, charnelle, je suis la I de mon histoire. Enfin, j’ai aimé le lignage, le lyannaj… Akiyo sé papa Mas. La reconnaissance De sa qualité d’héritier. Le Mas est chair… et esprit. Mas sé chè é lespwi… Voilà mon meilleur souvenir du carnaval.
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Boucan
© S. Melyon-Reinette (aka Nèfta Poetry)
VIM. Very Important Mas. Je cite : « Entendez par là, VIM ou ”Very Important Mas” se veut ”Volontairement Impliqué Mas” pour des ”Vayan Inisyé Mas” dans le but de ”Voyé (monté) Identité Mas” ». La démarche m’a plu. À moi en quête d’identité nègre. En pleine phase de réappropriation de nos histoires.
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Le « Léonard de Vinci » du carnaval
© DR
CARNAVAL
Entre théâtre de rue et tradition carnavalesque, Joby Bernabé nous a proposé en 2007 son spectacle événement « Mayétètpiépoutèt », grande fresque carnavalesque réunissant 300 personnages burlesques et structures géantes. Le premier volet de la création « Prologue » regroupant une cinquantaine de personnages et le « chienfer » bénéficia d’un fort retentissement à la fois populaire et médiatique.
Negs Marrons à la parade de Cayenne
>> Dans le cas du costume contestatai-
re, « le corps entier peut être transformé, modifié avec des artifices vestimentaires ou l’utilisation de feuillages naturels. » (voir le travail remarquable de Stéphanie Mulot). Le carnavalier n’est plus une personne, mais un esprit incarné, un corps habité (le corps-performance), et c’est pour cette raison qu’il effraie. Il rappelle la figure du Nègre Marron, noir en fuite qui s’est affranchi des chaînes de l’esclavage, roi des Mornes, qui « déboule » en ville (lieu symbole des bourgeois) pour réclamer son dû.
Si j’étais un jouet, je serais une toupie
Homme déguisé en femme à la parade de Cayenne.
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Tel le derviche tourneur, le carnaval, étourdit, hypnotise et électrise. Le corps, le temps et l’espace constituent généralement les matériaux de base de l’art performance. Ce corps, dont l’identité a été gommée par le masque devient l’instrument du mouvement. Or qu’observet-on lors des déboulés ? Des carnavaliers, comme pris par l’esprit du Mas, dans un état proche de la transe. La transe résulte de moyens techniques particuliers : musique percussive, échauffement collectif, utilisation de breuvages alcoolisés ou de drogues. Les déboulés peuvent durer plusieurs heures et c’est particulièrement éprouvant pour
Grande parade de Kourou
les carnavaliers portant des instruments : c’est un marathon pendant lequel on teste la résistance du corps. Il faut aller au-delà de ses limites, ne pas faiblir pour rester dans la course. Comme la performance, le carnaval est éphémère, il laisse peu d’objets derrière lui et il est dirigé vers le corps social.
Si j’étais un exercice créatif, je serais l’autoportrait
« Regarde-moi, j’existe » semble nous dire le peuple antillais à travers son carnaval. Ou plus simplement n’est-il pas possible de citer la célèbre phrase de Claude LéviStrauss « Il fallait être peint pour être homme ». Les revendications politique et identitaire sont très présentes dans le carnaval. Le recours à l’origine africaine sert de ciment communautaire dans cette société qui peine à se définir, l’âme partagée entre ses multiples origines. Akiyo, groupe de musique illustre bien l’ambivalence de ce positionnement. Né en 1978, pendant l’époque de revendication indépendantiste, Akiyo décide de moderniser le carnaval guadeloupéen et d’éliminer les costumes en satin-paillettes et les bidons en plastique qui servent à l’époque d’instruments aux carnavaliers. Ils les remplacent alors par des masques et des tambours tradition-
Et si… le carnaval était ? Qu’en dites-vous M. Cancelier ? 1. Si le carnaval était un animal, lequel serait-il ? Un cheval, plein d’entrain, de vitalité et infatigable, toutes les qualités d’un carnavalier. 2. Si le carnaval était un jouet/jeu, lequel serait-il ? Le jeu du gendarme et du voleur car il faut avoir énormément d’endurance. C’est aussi la liberté et le plaisir de la transgression de la loi. On peut dans le carnaval être qui on veut. 3. Si le carnaval était un exercice créatif, lequel serait-il ? Les arts plastiques car le carnaval est très visuel quant aux décors et aux costumes, il a besoin des talents de créateurs peintres, sculpteurs, stylstes etc… 4. Si le carnaval était un élément naturel, lequel serait-il ? Un cyclone force 5 pour l’énergie qui se dégage de cet événement populaire. 5. Si le carnaval était une boisson, laquelle serait-il ? Une boisson pétillante comme toutes celles et ceux qui y participent chaque année.
nels à peaux. Ce groupe n’a cessé de dénoncer grâce à sa musique, la répression, le malaise social, le colonialisme, les guerres et les essais nucléaires. Dans la continuité de cet engagement, Akiyo est à l’origine de la formation du LKP lors de la grève générale des Antilles françaises de 2009, aux côtés de l’UGTG d’Élie Domota. Durant les séances de négociations nocturnes, des dizaines de percussionnistes jouaient du gwo-ka autour des bâtiments.
Si j’étais un élément naturel, je serais un volcan
Au loin, on l’entend arriver sa ru-
meur gonfle et rebondit sur les murs de la ville qui l’encercle. L’écho se transmet et alors entre bruit et musique, le carnaval trouve ses sons. Sound-system, caisse claire et tambours gwo ka, il fait office de DJ. Il scratch, il mixe, et recrache la composition musicale tel un volcan sa lave. Coulées de sons, coulées de roches en fusion : énergies non canalisées, et cependant perpétuelle apparition et disparition, croissance et déchéance de la vie et de la mort. « Et c’est au son de cette ensorcelante musique que toute cette foule masquée, hommes, femmes et enfants, parcourent la ville, toute pleine >>
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Boucan
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CARNAVAL Ronan Liétar, photographe freelance Grâce à sa formation à l’EFET (école de photographie, Paris) et à une pratique régulière de la photo, Ronan Liétar a pu s’imposer à la fois comme photographe indépendant et comme correspondant de Reuters. Sa soif de découverte l’a mené à Barcelone, puis à Dakar. Actuellement installé en Guyane, il couvre les domaines suivants : presse, événementiel, publicité, mode, architecture, corporate, édition, multimédia, etc. Contact : www.ronanlietar.com contact@ronanlietar.com
Brésilienne lors de la grande parade de Kourou
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des rayons d’un magnifique soleil, animés, surchauffés, faisant un vacarme qui vous pénètre, s’abandonnant à des extravagances sans malice, enfantines presque, grisés tous de joie délirante. » Eugène Simoneau (dans La Plume – Paris 1889) à propos du carnaval de Saint Pierre à la Martinique.
Si j’étais une boisson, je serais le Punch Vaval Ingrédients (pour 12 personnes, soit 20 verres de 20 cl pleins) : - 1⁄2 l. de limonade blanche - 1⁄2 l. de jus d’orange - 1⁄2 l. de jus d’ananas - 1/4 l. de sirop de sucre de canne - le jus d’un citron vert - zestes d’orange et de citron vert - 1 l. de rhum blanc - glace pilée ou glaçons Préparation : 10 mn Verser tous les ingrédients dans un grand saladier. Mélanger et laisser au frais pendant 1 heure. Avant de servir, ajouter de la glace pilée ou des glaçons. « Anciennement nommé Capoline, puis désigné sous le terme de bwa-bwa, Vaval est représenté sous la forme d’un mannequin confectionné à l’aide de vieux vêtements rembourrés, affublé d’organes sexuels hypertrophiés et porté soit dans un cercueil, soit au bout d’une perche au dessus de la foule.» L. Collomb 16
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Mercredi des cendres. C’est un jour bien triste. « VAVAL PA KITÉ NOU ! » (Vaval ne nous quitte pas !) : brûlé après un immense enterrement appelé «vidé», ses cendres seront dispersées au vent. Tous les participants sont vêtus de noir et de blanc, visages couverts de cendres ou de farine.
Pour quelles raisons le carnaval n’est-il pas un art ?
Il semblerait que le carnaval mette systématiquement en avant son côté éphémère, farce à la commedia del arte qui n’aurait d’autre objectif que de libérer les tensions nerveuses ou psychologiques d’un groupe social. Il ne se revendique pas comme art et n’est pas fait par des artistes. Or il suffit de remonter à Marcel Duchamp et ses ready-made pour savoir que le positionnement est fondamental dans la reconnaissance artistique d’un projet. Défilé de « Natural Tribal » à Cayenne
On assiste cependant depuis quelques années à un changement dans la manière d’appréhender cette fête populaire. Pour preuve, l’exposition « Kréyol factory» à La Villette à Paris, a consacré quasiment une salle au carnaval des antilles françaises : vidéos de déboulés et présentation de costumes. Quand il entre au musée par la grande porte, le carnaval meure un peu mais est sanctifié. Autre raison peut-être : le carnaval est une création collective, or le marché de l’art exige une paternité nominative. L’exercice artistique de nos jours est devenu très solitaire, bien qu’il y ait des résistances d’artistes qui relancent le concept de « collectif ». Si nous cheminons vers un art de la collaboration, le carnaval aura plus d’atouts pour gagner ses lettres de noblesse. La démarche carnavalesque n’est-elle pas (tout comme l’Art) d’accepter l’infinie des combinaisons multiples ?
EXTRAIT
La frénésie des corps À la question : « Écrivains, racontez-moi votre souvenir de carnaval… » Suzanne Dracius m’explique qu’elle s’adonne plus volontiers à la fiction qu’à l’autofiction ou l’autobiographie. Elle nous propose donc ce texte sur les aventures carnavalesques, non pas de sa propre personne, mais de l’une de ses créatures romanesques. Très filmique, nous avons refusé qu’elle effectue des coupes qui auraient inévitablement dénaturées le récit. Bon carnaval !
Suzanne DRACIUS Exaltant métissage et marronnage littéraire, Suzanne Dracius danse au son de sa mémoire scandée par les échos de l’Histoire. Son œuvre s’inscrit dans l’interrogation d’une France multi-ethnique de toutes les solitudes. • Pour en savoir plus : http://www.suzannedracius.com/
Dès le samedi gras, et peut-être même avant, les masques ont envahi la ville. On est déguisé partout, ceint de bandeaux dorés et saupoudrés de paillettes jusqu’aux guichets des bureaux de poste. Des squelettes filiformes cliquettent et trépignent d’impatience, un policier d’opérette siffle à grand bruit une pétulante panthère charnue qui traverse la rue en lissant ses moustaches et en faisant tourner sa queue poilue sous l’appendice nasal, cartonneux et intéressé, d’un extraterrestre verdâtre, un Martien, semble-t-il, flanqué d’un Vénusien hideux aux antennes en folie. En dépit d’une réflexion désobligeante : « C’est pas maintenant qu’il faut prendre la pilule, il fallait y penser avant ! » Enryck s’est montré adorable ces derniers temps, du moins à peu près digne de l’inconditionnelle idolâtrie de Rehvana, et surexcité par l’approche du carnaval. « Je vais rencontrer Chabin à la rue Lamartine, et puis je retourne te chercher. Tu seras prête ? Prends de quoi dormir à Fort-de-France, n’oublie pas ta pilule, et donne à Man Cidalise tout ce qu’il faut pour …
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EXTRAIT … la petite. On ne va pas remonter au Vert-Pré : tu vas voir ça ! Il va falloir avoir la forme : quatre jours de vidés et de zouks non-stop, avant d’enterrer Vaval ! » Il a fallu transporter chez la voisine tout le nécessaire du bébé, emballer tous les déguisements, penser à tout ; il a fallu se plaquer sur la face des arabesques de carnaval, il a fallu maquiller les joues grasses du chabin, essayer, peine perdue, de le grimer en papillon, enduire de rouge à lèvres tapageur sa lippe baveuse et molle comme une limace repue. Il avait fallu tout cela, et quelques chiquenaudes d’Enryck, pour que Rehvana se retrouve au beau milieu du boulevard Général-de-Gaulle dans la cohue tonitruante, sous les hurlements rivaux de dizaines de haut-parleurs juchés sur des camions diffusant les cadences à la mode sous les braillements de la foule s’égosillant à tue-tête : « Eh, Damizo, eh ya !... Pa lévé lanmen asou krapo !... Papillon, volez ! C’est volé nou ka volé !» puis soudain seule, emportée par le flot de monstres et de masques, dans une ruelle adjacente à la Levée, les narines irritées par les gaz lacrymogènes, cadeau d’un mauvais plaisant aussitôt furieusement lynché par une meute de travestis grimaçants, les yeux brûlants de farine, Enryck perdu, disparu dans l’hydre dansante, retrouvé, plusieurs heures après, sur le capot tordu d’une guimbarde antédiluvienne badigeonnée de jurons cabalistiques croulant sous des grappes de jeunes gens déchaînés ricanants et hurleurs. Et pourtant elle avait goûté, le lundi gras, l’invite, bras grands ouverts, du vieillard inconnu qui l’avait gentiment conviée à un pas de danse exécuté sans façon en plein mitan de la rue sous l’oeil mouillé d’un violoneux d’un autre âge, et répondu, tout émue, à l’appel des tambouyeurs se démenant sur le gros ka, noble tambour d’esclaves. Mais au son des tambours Enryck se frotte à un soi-disant dandy outrageusement efféminé, jaboté, chapeauté, cravaté, avance au rythme du gros ka, les mains dessinant l’ensellure d’une créature bise aux hanches rondes, près d’un grand nègre du plus beau noir aux interminables faux cils papillotants, un haut nègre moudongue enjupaillé qui titube et se tord les pieds sur ses talons aiguilles, sa main ne cessant de relever sa robe et d’exhiber son porte-jarretelles que pour lisser, avec une mimique obscène, son ventre de femme enceinte sur le point d’accoucher, ou remonter par en dessous, d’un geste provocant, la paume en forme de présentoir, un énorme sein
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de chiffon ballottant plus bas que l’autre. Chabin, pour ne pas être en reste, sort de sous son jupon et agite au nez des spectateurs massés sur les trottoirs une serviette périodique agressivement tachée de sang de cochon. Pourtant elle y avait pris part et s’en était amusée, de ces mariages burlesques, boudinée, malgré sa minceur, dans l’étroit costume de premier communiant du père d’Enryck un peu dévoré par les mites et puant de naphtaline, mais ils formaient, avec Enryck dans sa robe violette à volants, un si beau couple, un si parfait mariage de carnaval... Elle a accueilli de bonne grâce les menaces pour de rire des diables rouges, les tintements des grelots, les débonnaires coups de fourche et les mains gluantes de mélasse des magnifiques « nègres-gros-sirop » surgissant de nulle part en escadrilles de dix ou douze : mais il faut voir la débandade ! Oui, il faut voir comme cette poignée de superbes corps fortement musclés entièrement enduits de graisse noire fait fuir la foule, lorsque, jaillis d’on ne sait où, ils foncent brusquement sur elle, immenses corps nus sculpturaux vêtus d’un simple short usé de la couleur gros-sirop ou d’un cache-sexe à l’antique, compagnons volcaniques d’un Spartacus d’obsidienne. Rehvana accepte en souriant leurs gesticulations de plus en plus rapprochées, leurs mains tendues en avant comme s’ils voulaient la salir, tacher de gros-sirop sa majestueuse grandrobe de bal sortie intacte d’une malle centenaire, avec son fin jupon plissé sous le riche tissu damassé ; elle rajuste, sur ses macarons, la « chaudière » qui tangue dangereusement sur sa tête, elle rit encore de sa peur. En fait ils ne l’ont même pas touchée, les géants gros-sirop. Leurs larges charpentes, solides et de toute beauté, leurs grands corps luisants de graisse noire – où seules tranchent, dans toute cette noirceur, leurs rangées de dents éclatantes que découvre un rire olympien – sont allés effrayer, plus loin, une troupe de marchandes d’autrefois portant en équilibre sur le sommet de leur tête un plateau de vannerie caraïbe regorgeant de fruits colorés, de gousses de vanille, de gingembre... Elles ont reculé sans rien perdre, dans la plus parfaite dignité, creusant, autour de Rehvana, un cercle nu de plein soleil aveuglant où Enryck s’est volatilisé. Elle se blesse en vain les yeux à scruter les groupes alentour, des chars se précipitent lentement en vrillant ses oreilles : « Papillon, …
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… volé, c’est volé ou ka volé ! » Elle se rend compte qu’elle a très mal aux pieds, le cuir racorni de l’étroit soulier d’antan lui taraude la chair par endroits, elle étouffe sous ce lourd damas, et la chaudière, renforcée à l’intérieur de carton dur, la chaudière en déséquilibre lui scie le front. Au soir de ce mardi gras, Rehvana regagne seule, à travers la bousculade et les rues régulières qui se coupent imperturbablement à angle droit, sur les trottoirs défoncés d’une Fort-de-France hystérique, la maison près de la Savane ; elle a beau tenter de se retrancher à l’abri des jalousies, essayer de fermer les yeux, se boucher les oreilles pour trouver le sommeil, l’oubli de cette frénésie, là, au-dehors, et des pétards et des chants et du carnaval autour d’elle, la folie baroque de la ville s’est infiltrée en elle, la dévore sous les rires et la submerge toute. Au dernier matin, noir et blanc, ivre de défoulement, de ses conquêtes, de sa nuit blanche, le visage enfariné, les yeux cernés et assombris de khôl, Enryck tambourinait devant la porte, la secouait pour l’emmener enterrer Vaval, l’air insoucieux, dégagé, soigneusement vêtu de pied en cap d’une livrée mi-noire mi-blanche, une chaussure noire à un pied, une basket blanche à l’autre. Rehvana n’a pas demandé quelle délicieuse menotte experte et féminine avait étalé la farine sur la figure de son amant et savamment manié le crayon noir ; puis, comme elle mettait trop de temps à se composer une mine digne de l’enterrement du bwa-bwa, Chabin, qui arrivait toujours à point, suggéra qu’elle pourrait peut-être les rejoindre plus tard. Elle a senti qu’Enryck en était comme allégé ; elle n’a jamais parachevé son déguisement de mercredi des Cendres, et les larmes de Pierrot ne furent qu’ébauchées sur sa joue. Des cris plus aigus, vers le soir, lui apprirent qu’on brûlait, quelque part dans la ville, le mannequin de chiffon et de bois, le roi éphémère du carnaval, mais ni Enryck ni Chabin ne repassa rue Lamartine avant de se rendre au grand zouk clôturant cette période de liesse. Le lendemain après-midi, ce fut Chabin, délégué par Enryck, sans message ni explications, qui se chargea de la reconduire à Vert-Pré. Epuisé sans doute par ses débordements carnavalesques, le gros lubrique se montra alors avec elle d’une gentillesse sans mélange. Extrait de " L’autre qui danse ", éd. Seghers 1989 ; rééd. Éditions du Rocher, 2007. Sincères remerciements à Suzanne Dracius pour nous avoir envoyé ce texte.
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© Suzanne Dracius 2010
EXTRAIT
TYPO-SITION Cadavre Exquis : jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes.
L’enveloppe du temps le Trou de
éduque
Madame Coco*
Sujet : N. Cage-Florentini Verbe : K. Cancelier Lieu : A. Caprice * « tou a man koko » pôt a lanfè ans bètran
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BOAT
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Un inédit proposé par Alain Caprice, quand l’art est conscience et vigilance…
Xxxxxxxxxx Avec dans la tête un essaim de rêves Accrochés à la charnière de l’océan et du désert Un soleil crépusculaire Illumine le chant de vagues inaudibles D’une fine ligne qui s’étire comme le fil de la vie Nuit noire L’incessant clapotis des flots qui lèchent Le flanc gonflé d’épave repue d’ombres entassées Tapies Saturées d’eaux saumâtres D’effluves de poissons morts et relents de pétrole Les mains Fermement posées dessus les bouches d’enfants Tuer le son Témoin de présence clandestine Dans le lointain Des lucioles vagabondes dansent sur air de flamenco Espoir d’El Dorado Imaginaire En désintéressement de soi Pour les générations futures Même si le risque à encourir et payer est celui de l’ultime : LA MORT ! Tout au bout du voyage Naufrage! A la surface des eaux Flottent Ventre en l’air Gonflés D’étranges poissons noyés A repaître les squales négrophages Aussi étranges que les fruits des arbres d’Alabama Espoir déçu En rivières de sang et de larmes anonymes Quelque part Autre lieu Autre mer Identique scénarion La longue attente de la nuit Le rêve de Miami…
Alain Phoébé CAPRICE Peintre-poète et photographe caribéen né en Martinique voilà déjà soixante ans et guadeloupéen d’adoption depuis plus de trente ans. Imprégné profondément par la culture de sa Caraïbe, il crée au rythme de son imagination, de son environnement culturel, sans aucune contrainte, ne s’inscrivant dans aucun courant pictural déjà existant. Les thèmes traités, sa large palette de couleurs, sa graphie précise et incisive font de lui un créateur hors du commun.
© Alain Phoébé Caprice - 01/02/2008
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Résonances
chromatiques On s’était donné rendez-vous dans un petit café-boulangerie à Jarry. J’étais un peu nerveuse mais le dialogue s’est tout de suite fait cordial. Je me suis laissée porter par les talents de conteur de Klodi Cancelier. En route pour un voyage dans le temps avec un personnage « haut en couleur »...
La maison séculaire, technique mixte sur coffret bois, 40 x 40 cm
Difé, infographie sur support métallique 24
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PORTFOLIO
Le gwo ka : danse et musique des lewoz
Afrikawa III, peinture acrylique
C
hemise colorée, un peu distrait – parce qu’il a 100 idées à la seconde – Klodi s’assoit et m’adresse un sourire. Sa parole se délie, se déploie... Pour notre première rencontre, je le laisse mener le jeu... Klodi oscille : il se balance tel un funanbule entre son impulsivité sympathique et une émotivité à fleur de peau.
Les années « solaires »
De son enfance, il garde un souvenir lumineux. « Nous étions férus de natation, toujours prêts à faire des longueurs et ce de l’Anse Canot jusqu’à l’ilet Gosier. À l’époque nous avions environ sept ans seulement, évidemment lorsque j’y repense maintenant, c’était de la folie. » Son père travaillant beaucoup (il était comptable), et sa mère partie depuis 7h30 pour se rendre à son travail à Pointe-à-Pitre pensaient qu’ils jouaient sur la plage !. Ce furent des années d’épanouissement et de liberté. En plus de la natation, discipline dans laquelle il a été champion dans toutes les catégories, Klodi pratiquait aussi le football et le basket.
Taiawak, peinture acrylique
Il aurait pu développer une carrière de sportif de haut niveau, c’était sans compter un imprévu.
Une prison corporelle
À l’âge de 17 ans, il dut se remettre en question pour des raisons de santé. « Je fus pris de vertiges, j’avais l’impression d’être tout le temps ivre. » Difficile lorsqu’on est adolescent de tout arrêter du jour au lendemain. « Mais je n’avais pas le choix : j’ai commencé des traitements médicamenteux. Mais personne ne pouvait diagnostiquer mon problème. » Certaines vocations artistiques naissent de frustrations, de destins contrariés. Pour Klodi Cancelier, il n’en est rien. Certes, ce fut rageant de renoncer à la pratique sportive, mais l’art était déjà sa motivation et c’est ce qui le conduira en France hexagonale.
Pour mieux comprendre la démarche plastique de Klodi Cancelier, il est important de se replonger dans son passé. Parallèlement à sa pratique du dessin, Klodi s’initie au gwo ka vers l’âge de dix ans, grâce à un maître ka renommé : Artème Bwaban (au Gosier). Il est aussi très proche de Charly ChomereauLamotte (un de ses amis d’enfance) avec lequel il jouait au tanbouyé sur des caisses de morue rue Alexandre Isaac à Pointe-à-Pitre. Grâce à Henri Delos - autre maître ka il apprendra notamment les subtilités du rythme Lewoz. D’abord Boula (musicien rythmique) il passe rapidement Makè (marqueur). Le marqueur se doit de suivre et d’accompagner le danseur y compris dans ses provocations musicales. N’est pas marqueur qui veut ; et Klodi a été (avec Miguel Lara), l’un des premiers marqueurs métis de l’histoire du gwo ka (gwo ka, misik a vié neg ! disait-on). Vers 17-18 ans, il intègre la « Brisquante » dirigée par Mme Adline (Vélo, marqueur attitré de l’époque étant alors absent du groupe). Il est pressenti pour partir à l’Exposition Universelle de 1967 au Canada, mais il ne pourra pas faire partie du voyage ne pouvant honorer sa participation aux frais. Il est sollicité en 1973 par le guitariste Gérard Lockel, inventeur du Gwo ka Modèn et travaillera avec lui pendant huit ans comme boula (Ben Locatin - dont il salue la mémoire - étant alors le makè ). Souvenir émouvant également de Christen avec qui il a pu jouer à cette époque. Klodi a aussi innové en passant de la position assise sur le tambour à la position assise sur une chaise, chose impensable à cette époque. En peinture, il a gardé plusieurs réflexes de sa formation de marqueur : - le marqueur se fait son schéma mental ce qui lui permet de jouer rapidement et d’anticiper les gestes du danseur. - il y a un va-et-vient entre le marqueur et le danseur, une dynamique, un dialogue que Klodi revit face sa toile. Pour plus d’information : http://www.gwoka.org/ http://svr1.cg971.fr/lameca/dossiers/ gwoka/sommair.html
Adieu foulards, adieu madras...
Très motivé en dépit de ses problèmes de santé, il décida de venir poursuivre ses études en France et plus exactement aux Beaux-Arts de Rennes. Années intéressantes mais difficiles d’une part à cause de la persistance des vertiges et d’autre >>
Klodi jouant au gwo ka
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PORTFOLIO
poque, faire la classe « Àenl’écréole était à la fois
un acte politique et une revendication identitaire
» Quintessence 2, peinture acrylique
>> part à cause de mai 1968, qui per-
tubera la vie universitaire en général. Finalement, il reviendra en Guadeloupe avant d’avoir fini son cycle. Brève parenthèse dont il se souvient avec regret : « ces vertiges auront vraiment pourri une partie de ma vie, il m’aura fallu des dizaines d’années pour trouver un traitement adéquat et arriver à contrôler les crises. »
Terre, peinture acrylique
Un métier de raison
Au moment de décider de son orientation professionnelle, Klodi peut-être par hasard, peut-être par instinct, se tourna vers l’enseignement. Dès le départ, on lui confia des adolescents difficiles. Après quatre ans, il postula pour un emploi d’instituteur, le profil correspondant plus à ses aspirations. Après trente ans de dévouement, il en parle encore avec émotion. « J’avais des classes d’enfants difficiles et en plus je n’étais pas encore titulaire des postes que j’occupais. J’étais un maître atypique, mais “ mes enfants ” l’étaient aussi. À l’époque, je faisais la classe en créole, ce qui >> 26
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Quintessence 3, peinture acrylique
œuvrant pour la défense d’une esthétique caribéenne contemporaine, et la promotion des arts plastiques guadeloupéens dans la caraïbe et dans le Monde.
1991 : - Création
à Pointe-à-Pitre.
avec des plasticiens du Festival Caribéen d’Arts Plastiques « INDIGO » dont il sera le directeur artistique. - Première exposition Fibressence
1967 : Formation à l’École
1992 : Biennale
des Beaux-Arts de Rennes.
de Saint Domingue
1988 : Création
1993 : Carib’Art Curaçao
Klodi CANCELIER 1945 : Naissance
du Groupe KOUKARA (Koulè Karayib). Une douzaine d’artistes composent le groupe,
1995 : Salon International d’art Contemporain de Strasbourg
1996 : - Biennale de Saint Domingue - Exposition à la Maison de la Culture de Montréal
1998 : « Africobra Transafrican Art » (Musée d’Art d’Orlando) Nombreuses expositions en Guadeloupe et dans la caraïbe (Saint Domingue, Haïti, Martinique, Trinidad, Puerto Rico...)
1998 : Exposition personnelle « Échos de nos mémoires »
2005-2006 : Artenim 2008 : « Rhizomes » Exposition papier avec Lucien Léogane (Galerie Pôle d’art - Gosier) Il vit et travaille en Guadeloupe.
Afrikawa IV, peinture acrylique
INTERVIEW
Klodi Cancelier, votre nom a été le premier que l’on m’ait donné lorsque j’ai pris contact avec les artistes locaux. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Je sais que j’ai la reconnaissance et le respect des artistes (en particulier celui de la jeune génération), mais cela me surprend quand même. Je n’ai pas de stratégie médiatique et j’expose peu en Guadeloupe. D’ailleurs, j’ai quasiment arrêté d’exposer ici : on me retrouve plutôt en dehors de la caraïbe. Le public trouve mon œuvre un peu trop inaccessible : il est vrai que l’utilisation de symboles compliquent la compréhension de mes tableaux. Mais il y a aussi peut-être une autre raison : certaines personnes me disent que mes tableaux provoquent chez elles des émotions très intenses. Tout comme la sensation de vertige, ils attirent et font peur car pour la majorité des gens qui en font l’acquisition ce sont des tableaux «habités». Quelles sont vos influences ? Très jeune, j’ai été particulièrement attiré par l’imaginaire foisonnant de Dali, ensuite par les expérimentations de Max Ersnt, et par l’utilisation de la couleur chez Pierre Soulages et Yves Klein. Mais je ne peux pas parler d’influences véritables. Il faut savoir aussi que notre génération n’a eu de contact direct avec les œuvres de ces artistes que lorsqu’elle a poursuivi ses études en France. Nous ne connaissions que les reproductions dans les livres. Si on aborde plus particulièrement la région caraïbe,
comme nous tous j’admire l’œuvre de Wifrido Lam, Télémaque et aussi mes amis Louis Laouchez, Serge Hélénon ainsi que Lucien Léogane et Michèle Chomereau-Lamotte. Parmi la jeune génération, je suis captivé par la puissance spirituelle que dégage l’œuvre de Karine Gabon que j’ai découvert alors qu’elle était encore étudiante et par la singularité du travail d’Hébert Édau. Je ne peux pas ne pas parler également d’Alex Boucaud qui n’arrête pas de me surprendre par la qualité de ses réalisations, au service d’une imagination plus que débordante. D’où vient cette attirance pour l’art ? Mon père était très bon en dessin et ma sœur a fait les Beaux-Arts. Par ailleurs, je dessinais et je jouais de la musique avec un de mes amis, Charly Chomereau-Lamotte. Le quartier où j’habitais regorgeait de créateurs (Baltazar, Lockel, Descieux, Maryse Condé, Greg Germain, Lucien Léogane, Christian Gebert, Mas a Saint-Jean, la famille Fanfant, la famille Benoît, la famille Gengoul, la famille Juraver, Alain Jean-Marie etc.) J’ai commencé à m’initier à la peinture à l’huile avec un artiste français qui avait son atelier dans le quartier. J’étais toujours là quand ma sœur Simone - passionnée elle aussi - faisait de la peinture. Comment naît, chez vous, l’idée d’un nouveau tableau ? En fait, je suis un gros rêveur… Je vis avec le tableau en permanence : il m’accompagne. Méditation, peinture acrylique
Awakaïno, peinture acrylique
Et vos thèmes de prédilection ? Je suis fasciné par l’Afrique et notamment par les masques. Depuis trente ans, je travaille sur la thématique du syncrétisme afro-amérindien, en utilisant des symboles et des signes. Le nom Cancelier vient de Belgique (près de Sainte Anne), et j’ai pu retrouver Marine, nom de mon ancêtre esclave (Matricule 700) qui a reçu son nom de son maître. Mes héritages sont donc multiples : africain et indien (de la Caraïbe). Commencez-vous par la couleur ou par le dessin ? Je suis foncièrement coloriste. Lors de la création d’un tableau, je n’utilise pas de documents iconographiques. Je ne prépare pas la toile par un dessin préliminaire. Ma pratique picturale est basée sur une élaboration mentale qui peut durer deux, trois voire six mois. Lorsque le tableau est « mentalement » achevé je peux le transcrire facilement sur la toile car au bout de trente ans de pratique je ne suis plus freiné par la technique. Je travaille dans l’immédiateté de la seconde. Le tableau peut être élaboré en une journée. Le vocabulaire est déjà là. Il est vrai que certains signes apparaissent tout de suite, puis d’autres sont rajoutés ultérieurement. Mais dans tous les cas, je sais exactement à quel moment le tableau est fini. Avez-vous un format de prédilection ? Je suis attiré par les très grands formats, mais pour des raisons de stockage, ce n’est pas toujours facile de les mettre en œuvre. Lorsque je suis face à un grand
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«
Comme l’archéologue rencontre dans les strates les étapes de l’âge de l’homme, ainsi Cancelier a structuré ses pièces. Mais il n’y a pas un ordre précis. Le mélange et la superposition sont le siège de la mémoire fondatrice du syncrétisme culturel, espace de l’imaginaire en perpétuelle découverte où l’artiste jette les bases de sa poétique visuelle. Yolanda Wood Pujol
»
format, la gestuelle prend le pas sur la toile et alors mon corps participe entièrement à l’élaboration du tableau. Cela me rapproche de mon ancienne pratique du gwo ka. Pourquoi ne pas avoir présenté vos sculptures sur votre site internet ? Ce travail n’a été qu’une parenthèse dans mon évolution artistique (il en va de même pour le théâtre et la photo). Pour l’instant, la peinture a pris le dessus, mais je ne me ferme pas les portes de la sculpture. Vous utilisez aussi la palette graphique sur ordinateur : s’agit-il juste d’un changement de support ? Mon intérêt pour la palette graphique vient de sa rapidité d’éxécution (pas besoin d’attendre que la peinture sèche !). C’est un nouveau support d’investigation à ne pas négliger et que je continue d’explorer avec beaucoup de plaisir. Pouvez-vous nous parler de votre rapport au temps et à l’espace dans vos toiles ? Il n’y a pas de perspectives, tout est « à plat » et en même temps on a un sentiment de profondeur… Les personnages et les signes que je peins surgissent pour parler de notre humanité caribéenne. « C’est le son métaphorique d’un temps ”autre“ qui revient de loin jusqu’ici et jusqu’à aujourd’hui. L’écho répète la voix silencieuse d’une mémoire syncrétique que le spectateur pourra entendre, même s’il ne sait pas d’où elle vient et où elle est » (Yolanda Wood Poujol Critique d’art - Cuba) Le tableau fonctionne par strates comme un palimpseste. Le jeu des contrastes et des valeurs produisent cet effet de profondeur. J’appelle les signes pour qu’ils émergent à la surface du tableau. « Il
s’agit d’une intégration consciente des éléments qui recomposent les codes de l’iconographie de l’origine, les mythes et l’émotion créatrice » (Y. Wood Poujol). Peut-on parler de mémoire, d’histoire ou de primitivité en ce qui concerne votre peinture ? Oui, d’ailleurs ma dernière expo s’appelait « Échos de nos mémoires ». Il y a une certaine primitivité dans le sens de «premier» dans mon œuvre mais pas de primitivisme. Ma peinture a aussi une dimension spirituelle fondamentale. Est-ce que votre œuvre est politique ? Absolument ! j’y revendique mon identité caribéenne. Nous sommes encore et toujours dans la problématique de l’accceptation de soi tel que l’on est pour pouvoir amener les autres aussi à nous accepter. Depuis les années Beaux-Arts je suis entré en résistance en suivant cette voie. Je n’ai jamais accepté d’être formaté d’après un modèle « occidentalo-centré ». Nous sommes toutes les humanités. Nous en avons toutes les richesses. Nous avons un énorme potentiel de créativité qui ne peut qu’exploser dans les années à venir. Avec Léogane, vous avez inventé le concept de « fibressence », pouvezvous nous en dire plus ? Le but était de donner du sens à la fibre. Que la fibre soit un élément identitaire fort. Mon rapport au support a beaucoup évolué et évolue toujours : 1. travail sur une toile industrielle (fibre
préparée et domptée), puis 2. collages de fibre végétale sur la toile 3. préparation du support en lui-même en réalisant du papier à base de fibres. La fibre devient elle-même medium. 4. et enfin en projet : passer du bas-relief créé par les collages à des réalisations papier/fibre en trois dimentions, mais ma devise étant « festina lente », je laisse le temps au temps… C’est une invitation à explorer une autre écriture plastique qui entre en résonnance avec les fondements essentiels de la nature humaine. Quelle stratégie mettez-vous en place lorsque votre travail commence à être répétitif ? Je n’ai jamais l’impression d’être « enfermé » dans un style car je suis continuellemnt en recherche. Mon œuvre est une histoire en devenir. C’est un scénario dynamique qui ne souffre pas de redondance. Je n’ai aucun souci quant au répétitif puisque je n’applique aucune « recette ». Il y a juste la maîtrise d’une technique au service de mon imaginaire. Vous avez fondé le groupe Koukara Koulè Karayib, pouvez-vous nous en dire plus ? C’est une association qui regroupe des artistes plasticiens, notamment Lucien Léogane et Marie-José Limouza. Nous avons beaucoup collaboré avec le groupe Fwomajé (Martinique). Notre but était de mettre en avant le métissage de notre culture et d’apporter notre vision d’artistes caribéens au monde. Le groupe est actuellement en sommeil. Lisez-vous la presse artistique ? Pas vraiment, mais je me tiens quand même au courant de l’évolution du marché de l’art sur internet.
Rituel 2, peinture acrylique
Quel sont vos projets actuels ? J’étais présent place de la victoire à Pointe-àPitre, pour vendre une toile au profit de Haïti lors du grand rassemblement fin janvier 2010. Je viens de participer à une exposition collective au centre culturel Rémi Nainsouta, lors de la présentation de « l’Anthologie de la peinture en Guadeloupe ». Ma prochaine exposition sera collective avec Alex Boucaud et Lucien Léogane au mois d’avril. Ensuite, direction New York avec les mêmes plus Karine Gabon, au dernier trimestre de 2010. En projet également, d’autres interventions pour Haiti, notamment avec la Galerie Pôle d’Art du Gosier (avril).
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Boucan
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PORTFOLIO Trans 1 120 x 70 cm Technique mixte (Papier, bois)
Maîtresse de cérémonie, 100 x 100 cm - Technique mixte sur bois, fibres de chanvre, fibres de dictame, terre, tulle, corail
«
Le recours à la fibre est une manière de dire une identité, de traduire l’être caribéen. Elle est dotée d’un sens qui exprime leur attachement aux profondeurs des traditions de leur espace culturel. La fibre est aussi considérée comme un intermédiaire entre le visible et l’invisible, symbole de la vie dans ses dimensions matérielle et spirituelle. Dominique Berthet
»
Composition 18, 40 x 40 cm - papiers chanvre, gravure
>> n’était pas permis par l’académie.
MC 3, Technique mixte (papier, fibres de coco) 30
Boucan {Avril
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Composition 6, 40 x 40 cm - Fibres de coco, papier chanvre
Par ailleurs, je ne suivais pas le programme de l’académie : aussi j’étais systématiquement sanctionné par l’inspecteur. » Klodi commençait sa journée de classe par une heure de jardinage avec les enfants. « Ma priorité était d’instaurer un dialogue – dialogue qui avait été rompu entre les enfants et l’éducation. Un enfant dit “ mauvais ” en réalité subit une situation qui ne lui permet pas de décoller. Il faut enquêter, s’intéresser à l’enfant pour pouvoir découvrir d’où vient le problème. » Après avoir gagné leur confiance, Klodi pouvait envisager d’avancer avec eux, « Le plus important était, je crois, l’amour que l’on se portait mutuellement. C’était le véritable moteur de leur évolution. » Nombre d’enfants le remercie encore aujourd’hui de leur avoir permis de pouvoir s’en sortir.
MC2 - 100 x 100 cm - (papier fibres de chanvre, fibres de coco)
Composition n° 6, 40 x 40 cm - Technique mixte (papier, fibres, roches) 2008
Pli 1, 70 x 40 cm - papier fibres de chanvre, fibres de coco, bambou
Le mot de la fin
Contact : klodicancelier@wanadoo.fr Tél. : 0690 40 99 19 http://cancelier.ifrance.com Artawak - http://www.artawak.net
© Toutes les photos de l’article : K. Cancelier
Théâtre, sculpture, infographie, gwo ka, organisation d’événements (Festival Indigo, Carnaval - voir notre dossier spécial), peinture : décidemment Klodi Cancelier ne s’arrête jamais. Toujours en mouvement, il s’occupe aussi du site internet Artawak (créé en 1998) œuvrant pour la promotion des artistes caribéens. « Je souhaite que ce site soit ouvert à la critique, pour ouvrir le débat au niveau de l’art contemporain caribéen, développer des idées et dépasser les barrières géographiques des îles. » Gageons, qu’un jour, il puisse avoir la place qui lui revient dans l’histoire de la culture antillaise.
Trans 3 - 120 x 70 cm - Technique mixte (papier fibres diverses, bois)
Homme debout - 70 x 40 cm papier fibres dictame, coco, bambou, roche
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guérir, sourire
Écrire,
En dépit de son investissement humanitaire en Haiti et d’un emploi du temps très chargé, Nicole Cage-Florentiny a répondu présente à la sollicitation de Boucan. En quelques phrases, elle nous dévoile sa problématique, nous livre un texte inédit et propose aux lecteurs un workshop poétique.
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MOT À MAUX
1.
J’ai vu dans votre parcours que vous aviez fait des études assez diversifiées : espagnol, journalisme, histoire : que vous apporte la richesse de ces expériences au niveau de la création même ? À quoi s’ajoute psychothérapie, développement personnel… Malgré le caractère apparemment « désordonné » de mon parcours, se dessine un lien ; tous ces éléments relèvent en effet des sciences humaines. Ils traduisent tous mon intérêt pour la « matière humaine ». L’homme et son Histoire, ses histoires de vie, son actualité, les méandres de sa psyché, etc…
© Jean-Guy Cauvert
2. Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré ? Et ceux que vous aimez actuellement ? La liste sera loin d’être exhaustive car ma passion pour la lecture m’a amenée très tôt à dévorer tout ce qui me tombait sous la main. Et le fait de découvrir de nouveaux auteurs ne fait pas reculer en mon cœur ceux dont l’écri-
ture a nourri la mienne. Balzac, Zola, Rousseau, Baudelaire, Rimbaud entre autre… Je pourrais aussi citer : Nicolás Guillen, Henri Michaux, Assia Djebar, Marie Cardinal, Talisma Nasreen, Tahar Ben Jelloun, Amin Maalouf ainsi que Toni Morrison, Milan Kundera, Édouard Glissant, Frankétienne, Georges Castera, Suzanne Césaire. Et, source éternelle, Aimé Césaire… 3. Quels sont vos thèmes de prédilection ? Dire les femmes… La Femme… La dire pour elle-même, par effet miroir. La dire aussi aux hommes, tenter de leur enseigner qui nous sommes vraiment… Pour une pacification de la relation homme-femme. Dire aussi ma terre d’îles heurtées… 4. D’où vient ce besoin d’écrire ? Il est antique. Il prend sa source dans les premières heures de l’enfance, une fois la lecture maîtrisée. Lire, puis écrire comme fenêtre ouverte sur le rêve, aux berges d’un quotidien âpre, sous le manteau de la pauvreté. 5. Dans quelles conditions écrivezvous (lieu, objet, présence) et quelle est votre technique d’écriture ? : Je ne m’astreins à un rythme « carré » que si j’ai une commande précise et datée. Sinon, oui, j’écris essentiellement au gré de l’inspiration ; ce qui ne m’empêche toutefois pas de concevoir un projet littéraire et de le mener à son terme au nom d’une exigence personnelle. L’écriture est mon espace de liberté. Je peux écrire n’importe où : près de la mer, depuis mon lit, attablée devant l’ordinateur, dans les aéroports, >> dans l’avion, en pleine réunion…
ATTENTION ! ESPACE DE CIRCULATION CRÉATIVE !
Créer des images
© Philippe Bourgade
1. Grâce aux comparaisons Par exemple : « Il est rapide comme le vent. Il est rusé tel un singe. » Un objet ou un être sont comparés à un autre objet ou à un autre être, et la comparaison est introduite par : ainsi… que, aussi… que, autant… que, comme, semblable, tel, etc.
2. Workshop proposé Trouve des comparaisons avec : - les flèches de canne à sucre - la frondaison d’un arbre - le toit pointu d’une maison ENVOYEZ-NOUS VOS PROPOSITIONS POÉTIQUES À L’ADRESSE SUIVANTE : frederique.francillette@gmail.com LES MEILLEURES SERONT PUBLIÉES
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Boucan
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MOT À MAUX Inédit de Nicole Cage-Florentiny
Lettre ouverte à Anthony Phelps
>> 6. En 1996 vous avez reçu le prix
Casa de las Americas pour « Arcen-ciel, l’espoir », y a-t-il un avant et un après ce prix reconnu ? Oui, car grâce à ce prix, j’ai d’abord pu tenir entre mes mains tremblantes mon premier livre édité, mon premier recueil de poèmes : émotion ! Puis il m’a ouvert les portes de l’Amérique Latine puis du reste du monde, par ricochet. C’est grâce à lui que, j’ai été invitée à mes premiers festivals internationaux de poésie et que je suis éditée en Amérique Latine, en espagnol ou en bilingue (espagnol/français). 7. Vous vous intéressez aussi à la valeur thérapeutique de la création littéraire. Pouvez-vous nous en dire plus ? Mettant en connexion ma formation 34
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de psychothérapeute et mon métier d’écrivaine, j’ai mis au point une méthode de mieux-être par l’écriture automatique. Il s’agit, grâce, entre autres, à des outils comme la relaxation guidée ou l’hypnose ericksonienne, de permettre aux personnes qui le désirent de visiter des territoires intérieurs jusque-là méconnus et d’y puiser ressources et confiance pour faire face au présent et se projeter avec plus de sérénité dans l’avenir. 8. Quels sont vos projets actuels (signature, publication, collaboration...) ? J’attends la sortie prochaine d’un travail de collaboration artistique avec le plasticien martiniquais Hervé Beuze, dans le cadre du projet « Horizons insulaires » mené par les Îles Canaries et le
© Philippe Bourgade
Pour toi je saurai être eau t’emporter dans l’impétueux de mon courant perte-souffle rélé-anmwé rélé-soukou ralé-mennen-vini manman-dlo te conviant à te perdre pour te mieux retrouver hagard et purifié aux berges d’une folie d’eaux et puis soudainement rivière apaisée accueillir tes larmes et toutes les eaux à sourdre de ton corps rendu à mon amour puis de nouveau geyser en explosion d’eaux vives et puis coulée de lave à incendier ton âme et, Monsieur Phelps, je veux, oui, je veux cueillir l’instant où la chrysalide de l’aube se fait matin-papillon je ne suis qu’impatience, je n’ai su qu’ainsi, monsieur Phelps, monsieur Phelps en moi brûlent mille feux et je ne peux laisser au temps un temps que je n’ai pas d’état d’urgence en urgence d’être j’ai peur monsieur Phelps, que la litanie des trop tard ne crucifie l’espoir tant de renoncements tant de redditions tant de rêves en linceul d’impossibles Dîtes, dîtes à l’homme que j’aime que le temps jamais n’a su m’attendre dîtes-lui que je déclare l’état d’extrême urgence d’aimer, et d’être aimée dîtes-lui que tant de fois furent brisées mes ailes que j’ai pu oublier leur force en plein vol vers l’entier soleil de son regard celui-là qui m’enveloppe de sa douceur ambrée dites-lui aussi, monsieur Phelps que ce nuage qui plane au ciel de son regard mon amour tremblant rêve de le transmuter en fine coulée d’or dites-lui s’il vous plaît!
passionné Nilo Palenzuela. Ses images accompagnent (davantage qu’elles n’illustrent) une nouvelle que j’ai écrite en y développant le thème de l’insularité et qui s’intitule Entre îles. J’en profite pour remercier Ernest Pépin qui m’a chaudement recommandée aux promoteurs de ce projet. Un exemple de solidarité entre écrivains, une solidarité qui a trop peu court !
De l’île… au monde
FOCUS
« J’observe l’usage du corps dans la sociétémonde. » C’est ainsi que Mickaël Caruge définit en quelques mots sa pratique artistique. Immergé dans une société (antillaise) baignée de remord, de repli sur elle-même, en quête perpétuelle de son essence, il s’agit pour lui d’analyser les identités - et non l’identitaire - les nouveaux comportements infantiles, les nouvelles éducations, avec des corps revêtant des couleurs, des apparences et des caractéristiques sociales hybrides.
Adult child, 60 x 40 cm, acrylique sur toile, 2009
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FOCUS Installation, « Thank you Marianne » Matériaux mixtes, 3 x 4 x 3 m, 2010 Les installations, de Mickaël Caruge, sont déployées autour des questions économiques, sociétales et de régie d’une colonie de peuplement.
Caisson, biberons, bois, laque, matériaux mixtes détail de l’installation
« la douleur est comme le riz dans un dépôt. Si chaque jour on en prend un panier, à la fin il n’y en a plus. » proverbe africain
…À propos de cette installation, Mickaël Caruge explique : « La Martinique d’aujourd’hui est de signes, d’échanges, de traces et d’apparats. Le pays s’étiole aux quatre vents, métisse ses entrailles, il nourrit sa Patrie : la France… Il est moulé à l’image du monde actuel où l’on veut tout, tout de suite ». Les deux cannes à pêche reliées aux objets présentés sur le mur semblent capturer un ensemble de biens matériels qui se révèlent être les attributs du corps : « un corps social » piégé dans le réseau de ses artifices. Extrait du texte de : Sophie Ravion D’ingianni, Historienne d’art, AICA SUD
Peintures acrylique, 200 x 80 cm, 2009 détail de l’installation
Hameçons, talons, matériaux mixtes, détail de l’installation
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Caisson, cannes à pêche, raphia, matériaux mixtes, détail de l’installation
Meeting, acrylique sur toile, 100 x 50 cm, 2009, Martinique
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FOCUS
Reconquista, 90 x 70 cm, acrylique sur toile, 2009
Christiane Vallejo, 2,05 x 2,08 m, acrylique sur toile, 2009
Mickaël Caruge, artiste plasticien
A.cesaire, 90 x 30 cm, acrylique sur toile, 2010 38
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- Né le 20 Aout 1982 à Trinité - Plasticien diplômé de l’IRAV et ESAC de Tarbes - Directeur galerie JL Michau, Paris 1, Palais Royal - Agent artistique, commissaire d’exposition Expositions : - Lumen campus, Centre culturel ATRIUM - Mars 2010 - Souffle d’art, exposition collective, Chanteclerc - Jan./Fév. 2010 - Double jeux, Centre culturel ATRIUM, Fort-de-France - Janvier 09 - Thank you Marianne, installation in situ, École d’art, Fort de France - Oct. 2009 - RESF, Galerie « La main qui parle », Paris 20e- Mai 2008 Dix artistes contre les discriminations envers les sans-papiers - Luminescence des corps, Centre culturel « Samboura », Prêcheur - Mai 2006 150 œuvres pour la commémoration de nos 150 morts de maracaïbo. http://mickaelcaruge.blogspot.com http://www.flickr.com/photos/9750573@N02/ lion200882@hotmail.com