«Les amis de Dionysos» Écrit par M’barek Housni
Un café littéraire pas comme les autres !
L’idée a germé un jour autour d’un pot. Dans un café, la nuit. Des gens de lettres et d’arts se réunissent généralement le soir venu et parlent, se complètent et complètent leur infos et leur entendement en parlant littérature et art, un peu partout au centre ville à Casablanca. En dehors de tout cadre associatif ni préparation préalable. Il y a toujours un sujet, des sujets intéressants, des noms en vue qu’on décortique ou à qui on érige un piédestal. Un livre par-ci, un film par-là, une expo tout près. On s’est dit : pourquoi ne pas se réunir une fois par mois autour d’un nom et dire ce qu’on a l’habitude de dire mais en y mettant de l’ordre, en y pensant, en l’écrivant. Faire des témoignages écrits et les lire autour d’un nom à qui il faut rendre hommage. Un créateur vivant, et en sa présence effective. Donner à la nuit casablancaise le cachet de l’époque actuelle, lui insuffler cet air culturel qui lui fait tant défaut. Ça s’est fait grâce aux efforts conjugués et enthousiastes du grand poète Mohammed Aaniba Lahmri et du poète et critique d’art Boujemâa Achefri. Deux oiseaux nocturnes de la vieille école mais dans les pieds sont ancrés dans l’eau vive du monde bouillant de modernité, notamment via l’écriture. De ce fait dernier, bien significatif et influent, ils ont créé et entretenu un vrai rendez-vous de la célébration de la création par le mot révélateur et recherché, la joie du compagnonnage culturel, l’écoute attentive, le partage généreux, la bonne humeur sous la houlette de Dionysos, ce maitre des céans fêtardes depuis les éternelles assises olympiennes. Ça se passe dans l’un des lieux les plus mythiques de Casablanca, Boulevard Mohammed V, un café naguère fréquenté, dixit le peintre Ahmed Jarid, par les célèbres écrivains tels Antoine de Saint-Exupéry dont l’avion au temps de l’aéropostale faisait escale tout près, Albert Camus qui y retrouvait son Alger, Edith Piaf qui respirait le même air que son boxeur de champion le casablancais Marcel Cerdan, le grand ciseleur de mots qu’était le poète René Char, et bien d’autres. Ce même café avait vu la naissance de l’une des belles et éphémères expériences poétiques comme la revue «Eaux vives» et la création de la maison de la poésie au Maroc. L’un des rares cafés d’un Casablanca d’antan, celle qui a respiré trop tôt l’air du monde nouveau, celui de la liberté et l’engagement dans le progrès porté par la culture avant tout.
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«Les amis de Dionysos» Écrit par M’barek Housni
Au Café Restaurant «Petit poucet », cet air souffle encore, têtu et accroché à l’architecture, dans un vide chargé de souvenirs et de douce présence qui attend qu’on la peuple de mots évocateurs, de poésie et de musique le temps d’un soir élu. Voilà que ça se fait mensuellement quand un nom perce et lorsqu’on se met d’accord sur lui presque spontanément, mais sans prise de tête ni tracas administratifs, ni préparation de paperasses autres que celles où sont écrits les témoignages, les poèmes, les textes illuminés ; des écrits dictés par le cœur et le fidèle devoir à l’amitié désintéressée que seule la reconnaissance guide. Un artiste, un homme de lettres, participent autant qu’une expérience personnelle vécue à la confection du moi de tout un chacun. Ils partagent avec nous, comme avec le monde leur imaginaire et leur écriture. La nuit, le lieu, le mot et des noms honorés, ré-illustrés. Le nouvelliste pionnier Ahmed Bouzfour, le chanteur jilaliste My Asphahani, le chorégraphe de talent Lahcen Zinoun, le grand poète Aaniba Lhamri, le théâtre du soleil avec le romancier Youssef Fadel, le musicien Saïd Chraïbi, Le critique de cinéma feu Mohammed Soukri, le poète des sens Boujemàa Achefri, le fin poète Mohammed Bentalha… Des chants, des livres, des évocations artistiques, qu’une foule d’aficionados de plus en plus nombreux venait admirer. Le plus important est que tout cela finit bien étalé sur les pages d’un supplément culturel casablancais, dans un livre, ou dans les réseaux sociaux, une belle manière d’éterniser la création, faire ce que pas mal d’instituions bien subventionnées ne peuvent faire … ou ne veulent pas.. Casablanca, le berceau de la culture du Maroc moderne, vivra encore avec un tel café littéraire, à condition que l’Art et le Livre soient entretenus pas tous en ces temps où des ombres inquiétantes ne cessent de rôder.
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