Yoann BOY - Mémoire Master 1 - L'éco conception est aussi affaire d'humanisme

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Yoann BOY Master 1 Architecture & Cultures Constructives

L’ÉCO-CONCEPTION EST AUSSI AFFAIRE D’HUMANISME Suivi de Mémoire par Hubert GUILLAUD Année universitaire 2014 - 2015 École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble


Illustration de couverture Les cinq pôles de contact et d’équilibre de l’habitat et de son environnement Source : OLIVA Jean Pierre, COURGEY Samuel, La conception bioclimatique, Mens, Terre Vivante, 2006. p.23


MEMBRES DU JURY ANNE MONIQUE BARDAGOT HUBERT GUILLAUD

L’ÉCO-CONCEPTION EST AUSSI AFFAIRE D’HUMANISME BOY Yoann

Master 1 Architecture & Cultures Constructive Suivi de Mémoire par Hubert GUILLAUD Année universitaire 2014 - 2015 École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble


ECO-CONCEPTION HOMME ENVIRONNEMENT CULTURE *

ÉTHIQUE

L’éco-conception est aussi affaire d’humanisme

À la vue des enjeux du 21ème siècle, tandis que le modèle de développement suivi depuis la fin de la seconde guerre mondiale montre ses limites, que la confiance dans les instances et leurs institutions se perd, qu’une crise multiple liée à la mutation des modes de vie de nos contemporains traverse les sociétés de part le globe, se pose la question du rôle de tout à chacun dans la marche du monde. Depuis plusieurs décennies déjà, sont mises en place des logiques de développement à l’échelle mondiale et à l’échelle locale. Le concept du développement durable a ouvert le champ à une nouvelle manière de penser le cadre bâti de nos quotidiens. En quoi l’avènement de ce nouveau concept participe-t-il à l’établissement d’un nouveau paradigme Homme – société – environnement. Après 40 années de réflexions sur le sujet quelles sont aujourd’hui les nouvelles manières de faire l’architecture ? Certains praticiens recentrent leurs productions sur l’usager, l’habitant, l’humain, ils reconsidèrent sa vie, son quotidien, son ordinaire. En prenant en compte la culture dans les processus d’éco-conception, certains architectes parviennent-ils à matérialiser des réponses à des aspirations à la fois écologiques et humanistes ?

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En tant que précepteurs du cadre bâti, les architectes se doivent, au regard de leur mission, de répondre à ces nouveaux enjeux. Alors que le réchauffement climatique suit son cours1, l’impact du secteur de la construction sur l’économie2, l’environnement3, la société4, les hommes5 est important. Alors que la prise de conscience de la finitude des ressources, des limitations de la planète et de l’échelle mondiale des enjeux à fait son chemin, naît un désir de renverser la tendance. Initié dans les années 706 et entériné par le Rapport Brundtland7 quelques années plus tard le concept de développement durable ou sustainable development, fait des émules. Représenté par un entremêlement de cercles représentant trois piliers, le concept de développement durable replace l’homme au centre du dispositif, le considérant comme l’acteur majeur de l’équilibre entre trois sphères – sociales, environnementale, économique – dans lesquelles il se meut, et qui ne peuvent plus s’opposer, mais doivent se concilier.(figure 1) Depuis lors, dans cette perspective, plusieurs rencontres internationales ont fixé des objectifs afin de contrecarrer les bouleversements liés aux dérèglements climatiques et aux changements profonds que connaissent les groupes humains sur la planète. Tandis que 120 Milliards de dollars ($US) seraient suffisants pour répondre aux besoins ­fondamentaux des plus démunis8, ce ne sont pas moins de 1 750 Milliards de dollars qui ont été investis dans les budgets de défense de part le monde en 20139. Les données le montrent, la question n’est pas budgétaire mais bien politique. La prise de conscience du changement de paradigme entre les hommes et leur environnement peine à prendre de la force. La notion de développement durable a encore du chemin à faire alors qu’elle est petit à petit détournée de ses objectifs premiers par des motivations à court terme, à des fins mercantiles.

Qu’en est il de la production du cadre bâti ?

1 Voir le 5ème rapport du Groupement International d’Experts pour le Climat, CORE WRITING TEAM, R.K. PACHAURI, L.A. MEYER, Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC, Geneva, 2014, 151 p. 2 Le Coût de la Construction ne cesse de croître depuis plus de 10 ans en Europe, voir les Statistiques de l’Indice de Cout de Construction (ICC) publié par Eurostat, Graphique : EU28 Quarterly construction cost and its components gross 2005-2014, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Construction_cost_index_overview [consulté le 30 mars 2015] 3 « Environ 50% de l’énergie globale est consommée dans le bâtiment. 50% des ressources en eau, 60% des matériaux produits sont destinés à la construction. 80% des territoires artificialisés le sont au profit de l’environnement bâti, au détriment de l’agriculture. 60% des produits du bois, 90% des feuillus abattus sont directement liés à la construction. Indirectement, 50% de la destruction des récifs coralliens et 25% de la destruction des forêts primaires sont attribué au logement et à la construction. » p. 324 GREESAN R., PRAVEENAA., A Feasible Study of Environment Vs Construction, International Journal of Engineering Research and Application, Vol. 3, Issue 6, Nov-Dec 2013, pp.324-329, 4 Selon un récent rapport des Nations Unies, « Globalement, plus de gens vivent en zones urbaines qu’en milieu rural, avec 54% de la population mondiale résidant en ville en 2014. En 1950, 30 % de la population mondiale était urbain alors que les projections pour 2050 annoncent que 66% de la population mondiale sera urbaine » .United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division World Urbanization Prospects: The 2014 Revision, Highlights ,Publication des Nation Unies, 2014 http://esa.un.org/unpd/wup/ [consulté le 06,04,2015] 5 Selon le 20e rapport annuel sur « L’État du mal-logement en France » par la fondation abbé Pierre, en France ce sont 3,5 millions de personnes qui sont privés de domicile personnel ou dans des conditions de logement très difficile, tandis que ce serait près de 10 millions de personnes qui seraient touchées par la crise du logement (situation de fragilité, précarité énergétique, situation d’impayé, demande de logement social en attente, situation de logement sans droits ni titre...) FONDATION ABBÉ PIERRE, Synthèse du 20e rapport sur l’état du mal-logement en France 2015 – les chiffres du mal-logement, L’artésienne, 2015. En ligne : http://www.fondation-abbe-pierre. fr/20e-reml [Consulté le 25 février 2015] 6 MEADOWS D., MEADOWS D., BEHRENS W.W. III, RANDERS J. (Trad. Par DELAUNAY Jeanine), Halte à la croissance ? - Enquête sur le Club de Rome et Rapport sur les limites à la croissance, Arthème Fayard, écologie, Paris, 1974 7 WORLD COMMISSION ON ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT, Our Common Future (Notre avenir à tous), Oxford, Oxford university press, 1987. 8 D’après les chiffres du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) repris par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), Atteindre les Objectif du Millénaire pour le Développement, Document de discussion En ligne : http://www.oecd.org/fr/dev/Document%20de%20Discussion%20Atteindre%20 les%20OMD.pdf 9 STOCKHOLM INTERNATIONAL PEACE RESEARCH INSTITUTE, SIPRI Year Book 2013, Oxford University Press, Oxford, 2014

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Figure 1. Les trois piliers du développement durable D’après VILLAIN Alain, conseiller scientifique au conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais.

En France les logiques actuelles de marché semblent se limiter aux deux piliers du développement durable que sont l’économie et l’environnement, l’écologie est devenue une logique marchande. Peut être est ce là une raison du faible avancement en matière de développement durable ? L’hégémonie de la production industrielle de notre environnement bâti et la qualité de ses réalisations, met en lumière un grave oubli des dimensions humaines dans les processus de conception. Une approche essentiellement technique et normative s’installe oubliant le caractère profondément humaniste des préceptes énoncés par le rapport Brundtland10. En réponse à un processus d’acculturation grandissant prônant la réponse unique et technique, en réponse à l’hégémonie technocratique émanant des sociétés occidentales, en écho aux volontés internationales, certains architectes, dans le monde et en France portent des valeurs nouvelles, à l’image des sociétés qui les entourent. Ils s’efforcent de les retranscrire dans leurs discours, leurs démarches et leurs réalisations. S’attachant à transcender la simple réponse technique en une mise en place matérielle d’une réalité complexe, des acteurs du cadre bâti esquissent et participent à la concrétisation d’un nouveau projet de société.

La question centrale de ce mémoire est la suivante : comment la prise en compte des dimensions humaines dans la démarche de conception accompagne l’établissement d’un nouveau paradigme homme – environnement – société ? Plus précisément, comment la prise en compte de la culture dans un processus d’éco-conception permet à certains architectes de matérialiser des réponses à des aspirations à la fois écologiques et humanistes ?

10 Voir l’approche théorique de la notion de développement durable dans la première partie du présent mémoire

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La prise de conscience environnementale replace l’homme dans son milieu et questionne les interactions qui en découlent. Elle réinterroge la production de notre environnement donc le positionnement des architectes. Promoteurs éventuels d’un nouveau paradigme, les professionnels du cadre bâti se doivent d’intégrer les dimensions humaines aux processus d’éco-conception. Certains d’entre eux, par leur intégration de la culture à leur démarche de projet sont reconnus pour la qualité de leur exercice. La prise de conscience du caractère ontologique de l’architecture, redonne du sens à la pratique, porteuse de nouvelles valeurs sociales et sociétales. Au delà de la simple performance technique, les changements qu’entraînent la démarche de développement durable parviennent-ils à apporter des qualités supplémentaires à l’architecture ? La première partie du propos s’attachera à établir un lien entre développement durable, culture et architecture. La définition et la contextualisation du concept de développement durable nous permettra de montrer les limites de celui-ci. En questionnant la place de la culture et des dimensions humaines dans la démarche d’éco-conception ce champ sémantique sera introduit dans celui de l’architecture. La deuxième partie de ce mémoire sera appuyée par divers ouvrages publiés de 1993 à 2014 et accompagnée de photos, documents techniques et schémas. Nous analyserons d’abord le travail de deux architectes reconnus pour leur intégration des dimensions humaines à leur processus de conception. Dans un premier temps seront décrits à analysés deux projets de Glenn Murcutt, architecte australien ayant reçu le prix Pritzker en 2002, distingué pour la qualité de son exercice à l’équilibre entre les hommes, leur culture et leur environnement. Dans un deuxième temps seront parcourus deux projets de Philippe Madec, architecte-urbaniste français ayant reçu le Global award for sustainable architecture en 2012 reconnu pour ses réalisations, son discours et son investissement aussi bien dans le secteur de la construction et de l’aménagement du territoire que dans la recherche qui y est associée en France et en Europe. Enfin, à la lumière de l’approche théorique et des orientations observées chez ces deux praticiens sera analysé un corpus de projets. Aux programmations et contextes variés, récemment livrés dans l’ouest de la France, ils constitueront la troisième partie du propos. Une approche critique des démarches et de la matérialisation de ces opérations permettra de montrer la portée et/ou les limites des productions. Au regard de la question posée nous tenterons d’ouvrir de nouvelles perspectives pour la production architecturale, à l’heure où les changements de pratiques et de comportements ne paraissent plus évidents mais deviennent urgents.

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INTRODUCTION

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PARTIE 1 DU DÉVELOPPEMENT DURABLE À LA DÉMARCHE ÉCO-RESPONSABLE

8

L’ÉCO-DÉVELOPPEMENT OU LE DÉVELOPPEMENT DURABLE,

NOTIONS ET HISTORIQUE

« ORGANIQUE, BIO-CLIMATIQUE, BIO-SOURCÉE », ORIGINES D’UNE NOUVELLE ARCHITECTURE

DES PRÉCEPTES HUMANISTES

AUX LOGIQUES MERCANTILES

BÂTIMENTS « VERTS »

TECHNIQUE ET PERFORMANCE COMME UNIQUE RÉPONSE

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16

17

POUR UNE PRISE EN COMPTE DE LA CULTURE

VERS UN NOUVEL HUMANISME ?

20

ÉTHIQUE ET ARCHITECTURE,

L’HOMME AU CŒUR DE LA PRATIQUE ÉCO-RESPONSABLE

22

PARTIE 2 ÉCO-CONCEPTION ET CULTURE, POUR UNE ARCHITECTURE ÉCO-RESPONSABLE GLENN MURCUTT,

« ARCHITECTURE SHOULD TOUCH THE EARTH LIGHTLY » GLENORIE, 1982-1983, TERRITOIRES DU NORD, 1992-1994,

MAISON BALL-EASTAWAY

MAISON MARIKA-ALDERTON

26 27 30

PHILIPPE MADEC

«L’INSTALLATION DE LA VIE PAR UNE MATIÈRE DISPOSÉE AVEC BIENVEILLANCE »

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PLOURIN LES MORLAIX, 1992-1994, SAINT CHRISTOL, 2006-2013,

20 LOGEMENTS ÉTUDIANTS

VIAVINO , PÔLE ŒNOTOURISTIQUE ®

34 35 39

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SOMMAIRE 47

TOUR DE BRETAGNE, MARS 2015 VERS UN RÉGIONALISME CRITIQUE ?

48

52

PARTIE 3

CORPUS BRETON

APPROCHE RÉGIONALISTE ?

EDEN SQUARE

CHANTEPIE, 2012, HAUVETTE & ASS., 87 LOGEMENTS,

QUARTIER DE LA MALADRERIE 56

62

66

LA ROCHE DERRIEN, 2014, RUBIN ARCHITECTES ET ATELIER DU LIEU, AMÉNAGEMENTS ET LOCAUX COMMUNAUX

HALLE DE LA MADELEINE

NANTES, 2010, IN SITU ARCHITECTURE & ENVIRONEMENT, TERTIARE

RETOUR CRITIQUE

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

73

ANNEXES

7


DU

PARTIE 1

DÉVELOPPEMENT

8

durable


À LA DÉMARCHE

ÉCO-RESPONSABLE Développement Durable, écologie, environnement, bio-, éco-, nombreux sont les préfixes et les termes entrés dans le champ lexical de la construction ces dernières années. Pas une heure de télévision sans y voir passer une publicité ventant les mérites de tel ou tel produit sain pour la planète, ou encore, pas un immeuble de logements construit par Bouygues immobilier qui ne soit pas labellisé BBC-Effinergie®11. Pourquoi un tel engouement pour cette question environnementale qui, en France, nous est posée au quotidien ? Le développement durable, qu’est ce ? D’où nous vient cette notion ? Énoncé dans les années 80, ce principe a amené petit à petit de nouvelles manières de penser, de voir le monde, d’interagir avec lui. A l’heure où le mot durable s’affiche sur tous les murs et se lit sur toutes les lèvres, qu’en est il vraiment ? Cette première partie, à travers une approche chronologique, tentera de faire l’historique du principe, sa naissance, son évolution, ses limites et ses rebondissements. Le choix de la présentation graphique permet de rassembler et situer les différentes étapes de la construction de cette pensée nouvelle. Énoncée en 1987, la définition du développement durable a pris et prend encore aujourd’hui de nombreuses voies. La préférence s’est portée sur des définitions officielles, basées sur des rapports et des documents fondateurs. Une sélection d’événements et de citations permet d’enrichir la signification. Nombreux sont les ouvrages qui traitent de cette question12, l’idée n’est pas de refaire un historique complet mais plutôt d’en souligner les points importants qui permettent de contextualiser la question posée par ce mémoire. Le choix a été fait de confronter les évolutions dans le cadre politico-économique d’une part et les avancées dans le champ de l’architecture d’autre part. En trois temps, cette approche théorique permettra de mettre en lumière le lien inhérent qui se tisse entre développement durable et production architecturale. 11 En 2013, 98% de logements livré par Bouygues-Immobiliers l’ont été sous le label BBC-Effinergie®, Source : http://www.bouygues-immobilier-corporate.com/engagements/pour-une-ville-durable-et-desirable [Consulté le 11,01,2015] 12 GAUZIN MULLER Dominique, Habiter écologique : quelles architectures pour une ville durable? Paris, Actes Sud, 2009 VIVIEN, Franck-Dominique, Le développement soutenable, la Découverte, Paris, 2005

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L’éco-développement ou le développement durable,

Notions et historique

Ce premier détour balise l’avènement de la notion. De ses prémices à son acceptation, le développement durable n’est pas né hier. Qui en est l’origine du concept et quels en sont les éléments déclencheurs ? L’approche générale renvoie au contexte politico-social. Elle établit le cheminement progressif de cette notion dans les instances internationales. Le parallèle est fait avec ce qu’il s’est passé en Europe et en France montrant les répercussions que les prises de position et les décisions ont pu avoir aux échelles nationales.

2000 1999

2008 2007

France, concernant l’aménagement et le développement durable du territoire, les premières orientations voient le jour avec la loi Voynet15 Prolongées par la loi SRU (2000).

Lois Grenelle I et II qui visent à concrétiser l’engagement national pour l’environnement1, 1

15 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (Aussi appelée LOADDT) à été présentée présentée par Dominique Voynet, alors ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement (gouvernement Jospin)

D’après le nom donné à la Loi, LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, Inscrite au Journal Officiel de la République Française, JORF n°0160 du 13 juillet 2010 page 12905, En ligne : http://www.legifrance.gouv.fr [Consulté le 6 avril 2015]

1997

« DÉTERMINÉS à promouvoir le progrès économique et social de leurs peuples, compte tenu du principe du développement durable et dans le cadre de l’achèvement du marché intérieur, et du renforcement de la cohésion et de la protection de l’environnement, et à mettre en œuvre des politiques assurant des progrès parallèles dans l’intégration économique et dans les autres domaines, » En France adoption en 1992 du plan d’action pour le XXIème siècle appelé « Agenda 21 »,

1992

7ème considérant de l’article 1er du traité d’Amsterdam

ETATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE, Traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’union européenne, les traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes, retranscription du Journal Officiel des Communautés Européennes, n° C 340 , 10 novembre 1997 En ligne : http://eur-lex.europa.eu

En Europe le traité de Maastricht, promeut la prise en compte de l’environnement. La notion de développement durable ne sera intégrée comme objectif politique majeur que lors de la rédaction du traité d’Amsterdam venant renforcer le précédent texte en 1997

1990

Prolongement et actes pris lors de la Conférence mondiale sur le Climat en 1990 pendant laquelle sont énoncés les principes de précaution et les objectifs d’un développement durable de la planète. En 1992 « Sommet de la Terre » de Rio de Janeiro. Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, c’est lors de ce rassemblement qu’est adopté le concept de développement durable, ainsi qu’un plan d’action pour le XXIème siècle.

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » WORLD COMMISSION ON ENVIRONMENT AND DEVELOPMENT, Our Common Future (Notre avenir à tous), Oxford, Oxford university press, 1987.

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1987


1968

Naissance du club de Rome13 (1968) et parution du rapport Meadows (1972), The limits to growth (Halte à la croissance ?) c’est la fin des trente glorieuses. Première sonnette d’alarme, ce rapport fait état des limitations de la planète et de nos ressources. Les visions sont catastrophistes, si les logiques de développement liées à la croissance économique, à la société de consommation de masse et la course à l’abondance matérielle se poursuit. En 1973, le premier choc pétrolier appuie le discours tenu par les membres du Club de Rome. Dans un même temps, Ignacy Sachs, socioéconomiste français travaille sur le principe d’éco-développement.*

1972

13 Créer en 1968, le Club de Rome est un groupe de réflexion (Think Tank) rassemblant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels, préoccupés par les problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu’en développement.

*« Un développement conciliant la protection des ressources naturelles et de l’environnement, la lutte contre le changement climatique et le progrès socio-économique, au travers d’une économie au service des Hommes. » SACHS Ignacy, Création du premier poste de ministre Initiation à l’éco-développement, Privat, Toulouse, 1981 p. 21. délégué à l’écologie, chargé de la protection de la nature et de l’environnement attribué à Robert Poujade.

1971

1972

Le premier rassemblement international sur l’environnement sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, le Premier Sommet de la Terre se déroule à Stockholm. René Dubos, agronome, biologiste et écologue français est rapporteur, à l’occasion il rendra célèbre la maxime « Penser Globalement, agir localement »14 Dubos René, Nous n’avons qu’une Terre, ONU, Stockholm, 1972 14 Aujourd’hui

reconnue comme slogan du mouvement international du développement durable cette maxime a d’abord été lancée par Jacques Ellul (1912 - 1994), professeur d’histoire du droit, sociologue, théologien protestant et penseur libertaire français. ELLUL Jacques, Penser globalement, agir localement. Chroniques journalistiques, Pyrémonde / Princi Negue, Monein, France, 2007.

1974 Première conférence mondiale sur le Climat

René Dumont est le premier candidat écologiste à la présidentielle en France.

1979

« Il se peut que le développement économique fondé sur l’abondance industrielle soit un bienfait pour nous et pour ceux qui pourront en bénéficier dans un proche avenir ; il n’en est pas moins opposé à l’intérêt de l’espèce humaine dans son ensemble. » GEORGESCU-ROEGEN N., La décroissance. Entropie – Ecologie – Economie, ; Editions Sang de la Terre, 2006, (1ère éd. 1979)

Création de la Commission des Nations Unies 1983 pour l’environnement et le développement (CNUED)

1986, « Le développement est un processus global, économique, social, culturel et politique, 1986 qui vise à améliorer sans cesse le bien être de l’ensemble de la population et de tous les individus, sur la base de leur participation active, libre et significative au développement et au partage équitable des bienfaits qui en découlent. » Extrait de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement. (CNUED)

Mise en place par la CNUED 4 ans plus tôt, publication du rapport Brundtland, 1987 Our Common Futur, qui tente de définir un programme de coopération internationale et pluridisciplinaire sur les problèmes environnementaux.

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Bien qu’exhaustive, cette approche énumérative et chronologique met en évidence plusieurs choses : • Le concept de développement durable naît d’une prise de conscience récente et progressive. • L’évolution de la définition suit le contexte environnemental, politique et social international, cette évolution fait écho à des volontés essentiellement politiques. • La définition du développement durable implique un nouveau rapport entre les hommes et leur bien commun qu’est la terre, elle accompagne les principes de pérennité et d’égalité. Cette conception demande une réponse globale de tous les acteurs du développement • Il existe un lien étroit entre la prise en compte de la dimension environnementale et le souci d’un développement équitable et durable (économique, social, politique et culturel) • Élaboré dans les plus hautes instances le principe du développement durable se repose sur des solutions locales. L’universalité des problématiques auxquelles il renvoie s’appuie sur une multitude de contextes et de solutions, il promeut des interactions Global/Local. • Tout à chacun est concerné à son échelle et est, au travers de son action, un acteur du développement durable.

Qu’en est-il de la prise en compte de ce concept dans la production architecturale ? L’approche par la production architecturale permet de faire entrer en résonance les prises de consciences internationales et les avancées théoriques dans le domaine de l’architecture. De F.L. Whright aux expériences menées par le GEA, de l’avant développement durable à l’après, des États-Unis à la France, cette approche tentera de montrer l’étendu des évolutions qui ont eu lieu dans la production de notre cadre bâti. Les influences de certains praticiens dans l’évolution des modes de projections et les enseignements tirés de leurs pratiques nous éclairent. Il apparaît en effet que les questions soulevées par le développement durable font écho à des réflexions menées aussi par des acteurs de la construction.

« Organique, bio-climatique, bio-sourcée »

Origines d’une nouvelle architecture

Avant la formulation de la notion de développement durable, plusieurs architectes conscients et investis dans le monde qui les entoure, prônent des démarches qui renvoient à ce principe. Le choix a été fait de mettre en avant le travail de quatre praticiens, pionniers de part leurs engagements.

Franck Lloyd Wright (1867-1959) Inventeur de l’architecture organique aux États Unis. Prônant une nouvelle relation entre les hommes et la nature, il conçoit la maison comme un organisme vivant. L’architecture devient l’interaction entre l’esprit du lieu, la matière et les besoins des habitants. Il enseignera l’architecture toute sa vie. Durant sa carrière il ne dessinera pas moins de 700 projets, influençant grandement la production architecturale et ce jusqu’en Europe. Il est intéressant d’étudier FLW son copus de projet permet d’appréhender l’évolution de l’«american way of life»

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Extrait, coupe bioclimatique, F.L. WRIGHT, Solar Hemicycle, Herbert Jacob’s House II, Middleton, Winconsin, USA, 1943-1948


Alvar Aalto (1898-1976) Pionnier de l’architecture organique en Europe. Il défend une approche environnementale, comme Wright dont il s’inspire, il s’appui sur le Genius Loci. Son architecture témoigne d’une prise en compte sensible du contexte dans lequel elle s’implante. De plus, il plaide en faveur d’une approche sociale et humaniste de la production architecturale,

Extérieur, Photographie A. AALTO Robin Middleton, Columbia University, MCID collection, Villa Maeira, Noormarkku, Finlande, 1938-39

Place de Gourna, Photographie Auteur inconnu, WHC-unesco.org H. FATHY Nouveau village de Gourna, Gourna, Egypte, 1948

« Si nous faisons fi de l’homme dans notre travail, artistique ou technologique, comment protéger les petits hommes dans notre monde moderne mécanisé ? » Discours prononcé à l’occasion de sa réception à l’Académie de Finlande, 3 janvier 1955

Hassan Fathy (1900-1989) Défenseur de la qualité architecturale pour tous. Il publie Construire avec le Peuple16, suite à son expérience dans le village de Gourna en Egypte (1948). Outre les questions sociales, il prend en compte l’environnement naturel (ici le désert) et apporte des réponses architecturales à la fois économes et adaptées au climat (environnement naturel) pour ce faire il recourt à des solutions vernaculaires (Voûtes, coupoles, patio le tout en briques de terre crue). « Que la frayeur face à l’ampleur du problème ne nous empêche pas de rendre nos solutions humaines. » Extrait de « Etablissement ruraux dans les pays en voie de développement », Conférence Habitat I, Vancouver, 1976

16 FATHY Hassan, Construire avec le peuple: Histoire d’un village d’Egypte : Gourna, Actes Sud/Bibliothèque arabe,‎ Sète,1999, 5e éd., 213 p.

André Ravéreau (1919 - ) Recherches autour du M’zab, l’architecture traditionnelle des mozabites, musulmans ibadites vivant dans le sud de l’Algérie basant sur le respect des traditions techniques et culturelles locales, pour Ravéreau il faut « s’intéresser au lieu, aux traditions, au climat, pour inscrire le projet d’architecture dans l’épaisseur d’une culture, privilégiant l’enracinement dans le site. » BAUDOUÏ Rémi, André Ravéreau, L’atelier du désert, Parenthèse, Paris, 2003.

Il reçoit en 1980 le Prix Aga Khan pour le Centre de Santé de Mopti, au Mali.

Principe de protection solaire, Croquis André Ravéreau, Droits : AGDP Centre de Santé, Mopti, Mali, 1970-1974

« Si j’ai un conseil à donner aux jeunes architectes c’est de s’attaquer à la pollution et à tout ce qui détruit notre mode de vie. J’ai cru satisfaire un milieu physique par mon architecture mais ce dernier disparaît. Cette nature à qui j’ai tout dédié, il faut la préserver, c’est la leçon de ma vie. » Conférence donnée dans le cadre de l’exposition Alter Architecture, Ici, ailleurs et autrement, organisée par le Civa, à Bruxelles le 19 janvier 2006

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Tandis que dans les plus hautes instances se définit le principe de développement durable, renaît en marge des grands courant d’architecture, l’architecture dite bioclimatique. Pour Jean Pierre Oliva et Samuel Courgey17 « Concernant la problématique thermique, cette approche systémique de l’habitat, qui consiste à créer une enveloppe bâtie « vivant avec le climat », inspirée de l’approche des anciens, s’est développée depuis les années 1970 sous le nom de bioclimatisme » (p.23)« Le premier objectif de l’architecture bioclimatique consiste à rechercher une adéquation entre : •

La conception et la construction de l’enveloppe habitée

Le climat et l’environnement dans lequel l’habitat s’implante

Les modes et rythmes de vie des habitants. » p.33

Aux États Unis le mouvement de contre-culture est en rupture radicale avec la construction conventionnelle. Ce mouvement s’inspire des œuvres « organiques » de l’architecte F.L. Wright. La nouvelle génération systématise la mise en œuvre de ressources locales traditionnelles pour les matériaux et recours aux énergies naturelles au premier rang desquels, le solaire. Cette « contre-culture » de l’habitat préside à la naissance de nombreuses maisons alternatives, la plupart auto-construites, le plus souvent avec des moyens restreints et pour qui l’autonomie d’énergie n’en est pas moins un manifeste d’autonomie politique18. La crise pétrolière de 1973 ne fera qu’amplifier ce mouvement et se multiplier les expériences, qui sont reprises en Europe dès les années 70 et le début des années 80. Le livre de David Wright19 sera traduit en français en 1979, en allemand en 1980, en italien en 1981 et en espagnol en 1983 montrant le vif intérêt porté par l’Europe au bioclimatisme.

Coupe bioclimatique, croquis D. WRIGHT, Karren Terry House, Nouveau Mexique, USA, 1978

En France, le concept peine à sortir des milieux alternatifs. Chez les architectes, on observe un retour à l’utilisation des matériaux bio-sourcés, tel que le bois. Pierre Lajus est un des pionniers français de l’industrialisation de l’habitat par la préfabrication d’éléments en bois. Il sera plus tard (dans les années 80) adjoint de l’architecture au ministère de l’équipement, ce qui lui permettra d’impulser des programmes expérimentaux stimulant la construction avec ce matériau renouvelable. Roland Schweitzer, marqué par une forte influence de l’architecture traditionnelle japonaise organise en 1979 au centre George Pompidou l’exposition « maison de bois », il fera connaître en France les avantages d’une structure poteaux-poutres en bois. C’est la même année que sera créé le laboratoire de recherche Craterre à l’École d’Architecture de Grenoble, spécialisé dans la construction en terre crue. 17 OLIVA Jean Pierre, COURGEY Samuel, La conception bioclimatique, Mens, Terre Vivante,2006. 18 MANIAQUE Caroline, Go West, des Architectes au pays de la Contre Culture, Conférence donnée le 06 Novembre 2014 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. 19 WRIGHT David, Natural Solar Architecture: A Passive Primer, Van Nostrand, Rheinhold, 1978.

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De premières réalisations en France peinent à se faire entendre bien qu’elles explorent les voies empruntées par les pionniers du bio-climatisme •

Les initiatives du GEA (Groupement d’Études Architecturales) lancé en 1969. Lauréat du concours PAN (Programme architecture Nouvelle) ils réaliseront un milliers de logement dont un îlot au domaine de la Terre. A partir des années 70, ils travaillent essentiellement en Corse dans des sites remarquables. Voir les maisons de Ciapilli (débutées en 1969-1970)

En 1985 est livré Le domaine de la terre à Isle D’abeau. Le projet est impulsé par le laboratoire Craterre, la commune de l’Isle d’Abeau et le bailleur public Opac38. Au cœur de l’initiative de ville nouvelle située à 30Km de Lyon c’est un véritable quartier expérimental qui voit le jour, explorant des voies de construction alternatives pour le logement social. Ce sont 85 logements qui seront réalisés par 10 équipes d’architectes, en déclinant le matériaux terre sous toutes ses formes.

Grand programme de logements bioclimatiques lancé par l’office public HLM de la Drôme, Entre 1987 et 1993 ce sont plus de 300 logements qui seront construits en suivant les préceptes de l’architecture dite bioclimatique.

Après l’avènement du concept de Développement Durable, on voit l’émergence dans le monde et en France de pratiques de l’architecture et de l’urbanisme prenant en compte la dimension environnementale. L’éco-conception a ses pionniers et ses disciples, ils participent activement à l’élaboration de cette nouvelle approche. Intégrant au mieux les préceptes du rapport Brundland, cherchant l’équilibre dans les trois sphères du schéma du développement durable, les exemples d’une nouvelle architecture voient le jour et sont amenés peu à peu sur la scène architecturale internationale. •

Glenn MURCUTT, architecte australien, adepte de la simplicité et admirateur du « génie de la nature ». Son exercice en Australie, aussi bien pour de riches commanditaires que pour les aborigènes est aujourd’hui mondialement reconnu. Visionnaire, il formulera son approche de l’architecture « Aujourd’hui je n’imagine pour le futur aucune autre perspective souhaitable qu’une forme de vie écologique, dans laquelle l’architecture reviendrait à l’idée initiale du fonctionnalisme dérivé de la biologie et se ré-enracinerait son substrat culturel et régional ; on pourrait l’appeler fonctionnalisme écologique. »

Glenn Murcutt, « Metaphorical to Ecological Functionalism », The architectural Review, Conférence, 5e symposium Alvar Aalto à Jyväskylä 1991, juin 1993

Son approche environnementale et culturelle se traduit dans la technique, l’emploi des matériaux, la forme architecturale, l’implantation des bâtiments. Véritable pionnier d’une architecture écologique et éthique, nous reviendrons plus en détails sur sa pratique dans la deuxième partie de ce mémoire. •

En Europe, deux programmes marqueront les esprits. Ce sont les premiers éco-quartiers. L’un en Angleterre (Îlot BEDzed dans le sud de Londres), et l’autre en Allemagne (Quartier Vauban à Freiburg) serviront d’exemple et de terrain d’expérimentation. Ils se basent tous deux sur une approche thermique de l’habitat mais ne s’y limitent pas, déployant à l’échelle du quartier une approche environnementale globale : gestion de l’eau, des déchets, des mobilités, etc... Il défendent tout deux l’idée d’un nouveau vivre-ensemble.

Dans le Vorarlberg en Autriche, la re-dynamisation du territoire mise sur sa filière constructive. Autour de matériaux bio-sourcés (principalement le bois), c’est un terrain d’expérimentation architectural à l’échelle d’une région qui se met en place. Il influencera profondément la production architecturale française. Dominique GauzinMüller20 participe activement à la démocratisation de cette nouvelle dynamique et travail à répandre les enseignements tirés de cette expérience.

20 GAUZIN-MÜLLER Dominique, L’architecture écologique du Vorarlberg, Un modèle social, économique

et culturel, Le moniteur, Paris, 2009.

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Loin d’être exhaustif ce tour d’horizon des pratiques liées au concept de développement durable nous permet de tirer des leçon de chacun des cas mis à l’étude. À eux tous, ils montrent des aptitudes à répondre aux enjeux et visions posés par le développement durable. Cette sélection met en avant le cheminement de ces nouvelles idées dans le champ de l’architecture. Alors que certains courants étaient pionniers dans leur manière d’instaurer un nouveau rapport homme – société – environnement, il apparaît qu’en France, la réelle prise en compte des dimensions environnementales reste tardive et timide. En effet, nos voisins européens semblent avoir fait de plus grandes avancées tant sur les plans conceptuel et constructif que dans l’élaboration d’un cadre réglementaire adapté à ces nouvelles pratiques. Se dévoile un glissement progressif dans les modes de conception, nous le verrons ensuite, la prise en compte des logiques de développement durable tend à bouleverser radicalement les modes production du cadre bâti. L’hégémonie industrielle du secteur de la construction, en France, brouille les cartes, peut être est-ce là un frein aux nouvelles pratiques ? C’est ce point qu’aborde la partie suivante.

Des préceptes humanistes

Aux logiques mercantiles « Le développement durable : un accélé­rateur de croissance pour les entreprises »

Slogan de L’université d’été du MEDEF en 2009

Tandis que les pratiques « vertes » essaiment de par le monde, alors que « durable » devient un mot à la mode, ce second point s’attardera sur les limites du concept de développement durable. Formulé il y a 40 ans, il a suivi de nombreuses voies et se retranscrit en autant de manières. Cependant la définition du rapport Brundtland montre certains manquements, les termes et leur cadrage sémantique laissent une part de flou. Nombreux sont ceux qui en dénonceront les limites. Déjà dans les années 80, René Dumont, ancien candidat écologiste à la présidentielle en France, disait du développement durable, « le développement durable est en soi une contradiction, car on ne peut pas se développer sans consommer davantage de biens et d’énergie ». La caractère par trop consensuel de l’expression « développement durable » laisse perplexe. Le paradoxe de l’énoncé fait réagir alors que, dans les années 50, Jacques Ellul annonçait avant même le rapport Brundland, « On ne peut concevoir un développement infini dans un monde fini ». La conversion observée ces dernière années de nombreux acteurs laisse supposer une dérive dans l’interprétation et l’acceptation des préceptes énoncés par Harlem Gro Brundland. Comme le montre la citation en début de cette sous partie, tout le monde aujourd’hui fait du développement durable sa nouvelle philosophie. Les entreprises et l’industrie n’ont pas perdu de temps pour faire de ces termes les leurs. Se cachant derrière une apparente volonté de faire mieux, certains acteurs dépréciés pour leurs pratiques plus que douteuses et leur impact environnemental avéré, n’hésitent plus aujourd’hui à adopter une image durable et environnementalement responsable. Dénoncées, qualifiées de GreenWashing21, ces pratiques montrent que l’on assiste à un glissement progressif, d’une volonté humaniste vers une logique purement mercantile. 21 Pour le français il faudrait préférer : Ecoblanchiment : n.m. Opération de relations publiques menée par une organisation, une entreprise pour masquer ses activités polluantes et tenter de présenter un caractère écoresponsable. Blanchiment est employé ici par extension du sens d’« action de donner une existence légale à quelque chose dont l’origine est illicite ». Source : Office Québecois de la langue française. En ligne : http://www. gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8365406 Voir le Prix Pinocchio, organisés par les Amis de la Terre France, en partenariat avec le CRID et Peuples Solidaires. Ce prix à pour but d’illustrer et de dénoncer les impacts négatifs de certaines entreprises multinationales, en totale contradiction avec le concept de développement durable qu’elles utilisent abondamment. Campagne se déroulant chaque année, plus d’informations à l’adresse http://www.prix-pinocchio.org/

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Il est important de se rendre compte que l’utilisation du concept revêt aujourd’hui plus de la forme que du fond. Cette dérive, Arne NAESS, en fait état dans son ouvrage fondateur, Ecologie, communauté et style de vie. Défenseur d’un engagement complet des individus et des sociétés dans une philosophie centrée sur la nature : l’écosophie, il dénonce l’écologie superficielle imposée par les plus puissants. « Selon une croyance largement partagée au sein des cercles influents des pays industrialisés, la technique est censée pouvoir apporter un solution aux problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Par conséquent, nulle prise de conscience individuelle n’est requise, et pas davantage une modification du système économique. Cette croyance est l’un des piliers du mouvement écologique superficiel. » NAESS Arne, Ecologie, communauté et style de vie, Dehors, Thonon-les-bains, 2013 Pour la seconde édition française du titre original : Ecology, community and lifestyle, Cambridge University Press, Cambridge, 1989. p.164

Il fait ici référence à ce que dénonçait aussi André Gorz (1923-2007) philosophe français. Dans son article, Leur écologie et la notre, paru en 2010. Il démontre que le modèle capitaliste s’accapare la question environnementale. Source du désordre le modèle de développement actuel n’hésite pas à faire de l’écologie, d’une part une source de profit et d’autre part un moyen de contrôle. « Le pouvoir central renforcera son contrôle sur la société : des technocrates calculeront des normes “ optimales” de dépollution et de production, édicteront des réglementations, […] et l’Etat n’assoira plus son pouvoir que sur la puissance de ses appareils. »22 « Protéger l’environnement » devient la règle, le mot d’ordre à suivre. Labels, certifications et autres normes servent de référentiels communs à tous les acteurs de ce développement durable. L’écologie devient une stratégie de marketing, le développement durable un banal cadre normatif. Il suffit de regarder la définition de l’Agence Française de Normalisation pour observer cette perte de sens, « l’écoconception consiste à intégrer l’environnement dès la conception d’un produit ou service, et lors de toutes les étapes de son cycle de vie.»23 Il n’est plus question ici des hommes, de leur bien-être, de la bienveillance à l’égard des autres et du monde. « Que voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et, par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? »24 Demande André Gorz. Il est temps de faire un choix car pendant ce temps « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »25

Bâtiments «verts»

Technique et performance comme unique réponse L’éco-conception devient-elle la nouvelle manière de produire l’architecture ? Les pouvoirs publics mettent en place des réglementations, conscients de l’impact du secteur du bâtiment sur l’environnement. Des mesures sont prises pour limiter l’étalement urbain, les consommations d’énergies primaires, les émissions de gaz à effet de serre, la production de déchets etc... L’objectif étant de limiter l’empreinte écologique du secteur de la construction d’une part et du parc bâti d’autre part. 22 GORZ André, « leur écologie et la nôtre », Le Monde diplomatique, n°673, avril 2010, p. 28 23 DURANTHON Georges, GRISEL Laurent, (AFNOR) Pratiquer l’éco-conception – Lignes directrices, Paris, Ed. AFNOR, Septembre 2001. 128 pages. 24 GORZ André, « leur écologie et la nôtre », Le Monde diplomatique, n°673, avril 2010, p. 28 25 CHIRAC Jacques, « Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la situation critique de l’environnement planétaire et les propositions de la France pour un développement durable », Assemblée plénière du sommet mondial pour le développement durable, Johannesburg, le 2 septembre 2002. http://discours.vie-publique.fr/notices/027000247.html

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En France, alors que la première réglementation thermique est mise en place dès 1974, après le premier choc pétrolier, il faudra attendre une trentaine d’années pour voir le cadre réglementaire évoluer en faveur de modes de conception plus respectueux de l’environnement. Alors qu’il est urgent de mettre en place de nouvelles pratiques, ce n’est qu’en 2007 et 2008, que les premières décisions entrent en vigueur, promulguées par les lois Grenelle I & II26. La première réglementation environnementale importante en France reprend à son actif la réglementation thermique et intègre, en particulier pour le secteur du bâtiment, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, un cadre normatif donnant lieu à une certification : la Haute Qualité Environnementale, communément appelée HQE. D’abord les réglementations thermiques (RT 74 à RT 2012, actuellement en vigueur), qui « ont pour but de fixer une limite maximale à la consommation énergétique des bâtiments neufs pour le chauffage, la ventilation, la climatisation, la production d’eau chaude sanitaire et l’éclairage ».27 Elles indiquent les performances qu’un bâtiment doit atteindre. Après une série de mesures et d’évaluations, le bâtiment se doit d’entrer dans certains critères attestant de son faible impact écologique. En France, la réglementation a évoluée très vite modifiant les manières de concevoir le logement, les pratiques constructives, bouleversant les techniques et modifiant les savoirs-faire. Les architectes et le secteur du bâtiment ont eu du mal à se faire à cette évolution, alors que la prochaine réglementation prévoit d’atteindre des performances plus élevées encore pour la production de bâtiments neufs28. Et la HQE ? La Haute Qualité Environnemental est un concept environnemental français. Né de l’association du même nom, c’est, lors de son entrée en vigueur une marque déposée et une certification délivrée par l’AFNOR. Cette réglementation propose non pas des normes mais des « objectifs à atteindre » ses 14 « cibles » peuvent être intégrées dans les offres d’architecture et d’ingénierie visant ainsi à améliorer la conception ou la rénovation des bâtiments et des villes, en limitant le plus possible leur empreinte écologique. Alors membre de l’association HQE depuis sa création en 1996, l’ordre des architectes quitte la table des négociations en 2005 dénonçant qu’« aujourd’hui, on observe que l’Association HQE confisque et préempte une large partie du débat sur le développement durable en ciblant son action sur le volet environnemental, ignorant ainsi les aspects culturels, sociaux et dans une moindre mesure, économiques, qui conditionnent désormais la fabrication de tout espace à vivre. »29. Les textes de la HQE font référence à un art de bâtir environnemental, on ne trouve pas une seule fois le mot « architecture » dans les 14 « cibles ». Dans le premier dossier publié en novembre 1997 par l’association HQE, il est écrit que « seule les questions de pérennité, de sécurité, de confort psychosociologique, de confort spatial et de confort d’activité en sont exclues »30, il évident alors que la HQE ne s’inscrit pas dans une logique d’architecture mais bien dans une logique de production de bâtiments. Si les architectes s’en tiennent à cela, la profession se risque à un recul de la pensée architecturale vers une réponse purement technique. Conscients de ces lacunes et forts d’une culture du projet riche en enseignements, les architectes, en quittant l’association, ont décidé de se positionner en tant qu’acteurs du développement durable. « S’appuyer sur des valeurs et des bonnes pratiques plutôt que sur des critères techniques est ce qui nous singularise et nous légitime en tant qu’architectes du développement durable. »31 26 Fait référence à LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, Inscrite au Journal Officiel de la République Française, JORF n°0160 du 13 juillet 2010 page 12905, En ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/ 27 Article 2 du décret no 2000-1153 du 29 novembre 2000. 28 Voir la page « RT 2020 : Quelles différences avec la RT 2012 » sur le site officiel de la réglementation thermique française https://www.rt-2012.com/dossiers/rt2012/reglementation-thermique/demarches/rt-2020-quelles-differences-avecla-rt-2012/ 29 GENET Patrice, Président de la commission « Développement durable », Conseil National de l’Ordre des Architectes « L’Ordre des architectes quitte l’association HQE : Quelques explications (avril 2005) » Disponible sur le site de l’ordre des architectes : http://www.architectes.org/ [consulté le 22,12,2014 ] 30 Association HQE, Définition des cibles de la qualité environnementale des bâtiments, Dossier n°1, nov. 1997, p. 15 31 GENET Patrice, Président de la commission « Développement durable », Conseil National de l’Ordre des Architectes « L’Ordre des architectes quitte l’association HQE : Quelques explications (avril 2005) »

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La loi Grenelle II renforce cette position. En effet il n’y est jamais question de culture ni même d’architecture. La seule phrase de loi Grenelle II où se trouve l’adjectif « architectural » avance que l’État « encouragera la réalisation par des agglomérations volontaires des programmes globaux d’innovation énergétique, architecturale, paysagère et sociale, en continuité avec le bâti existant, qui intégreront dans leurs objectifs la préservation et la rénovation du patrimoine existant, le développement des transports en commun et des modes de déplacement économes en énergie, la prise en compte des enjeux économiques et sociaux, la réduction de la consommation d’espace et a réalisation de plusieurs éco-quartiers. »32 Là encore l’architecture, le social, le paysage sont perçus comme des instruments d’innovation technique au même titre que l’énergie. Qu’en est il alors de l’architecture ? Face à ces réponses purement techniques, aux cadres normatifs, aux labels et autres certifications, le développement durable apparaît comme une nouvelle contrainte dans la manière de concevoir alors qu’il devrait en être tout autrement. Les dernières évolutions du cadre réglementaire en France le montrent, la préoccupation n’est pas tant de faire du développement durable une série d’actions dirigées vers une fin mais plutôt une série de moyens mis en œuvre et d’objectifs à atteindre. Pour quelle vision à long terme ? « Les ingrédients essentiels d’une technocratie sont réunis lorsque l’individu et les organisations dans lesquelles l’individu agit se préoccupent plus des moyens que des fins, ou se préoccupent plus des fins subordonnées et secondaires (par exemple construire des immeubles) que des fins premières et fondamentales (telles qu’édifier un espace du chez-soi). »33 Cette approche permet de mieux comprendre pourquoi les démarches de développement durable tardent à voir le jour. Tandis que la progression des nouvelles certifications bât son plein34, l’impact du parc existant est passé sous silence. Au delà des 43% d’énergie finale consommée par le logement et le tertiaire c’est la facture énergétique des ménages en France qui ne cesse de s’alourdir. Selon le rapport de le Fondation Abbé Pierre sur le mal logement, en 2013 ce sont 5,1 millions de ménages qui sont en situation de précarité énergétique. La seule prise en compte de la technique de suffit pas. Il faut changer les habitudes, les modes de vie. L’actuel glissement du concept de développement durable vers des fins subordonnées à l’hégémonie d’un système qui se refuse à ces changements laisse imaginer le pire. « Dans les pays industrialisés, la technique est guidée par des considérations économiques bornées […] Notre impuissance face au « développement » technique est un mythe – un mythe très utile à tous ceux qui mettent sur le marché des technologies nouvelles et très coûteuses. Les nouvelles technologies sont introduites sans aucune prise en compte de la société considérée comme un tout. »35

Alors que le développement durable montre ses limites, il n’en a pas moins marqué les esprits et fait évoluer les mentalités. Comment contrecarrer cette main mise sur notre quotidien, comment reprendre le pouvoir, renverser la tendance, comment engager la transition écologique ? Nombreux sont les acteurs investis dans la réflexion, qui cherchent d’autres voies. Plusieurs d’entre eux revendiquent un attachement à la culture, aux hommes, à l’habitant. Cette priorité redonne du sens à la pratique architecturale. Le rôle des architectes, précepteurs du cadre bâti mais aussi garants du 32 Extrait de l’article 7 de la loi : LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (1) disponible en ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/ 33 NAESS Arne, Ecologie, communauté et style de vie, Dehors, Thonon-les-bains, 2013 Pour la seconde édition française du titre original : Ecology, community and lifestyle, Cambridge University Press, Cambridge, 1989 pp. 165-166 34 1 356 opérations ont été certifiées NF HQE™ Bâtiments Tertiaires Neuf ou Rénovation en France, en 2013 représentant près de 16,4 millions de m² certifiés. Source : http://www.certivea.fr/certifications/certification-nf-hqebatiments-tertiaires-neuf-ou-renovation [Consulté le 05,04,2015] 35 NAESS Arne, Ecologie, communauté et style de vie, Dehors, Thonon-les-bains, 2013 Pour la seconde édition française du titre original : Ecology, community and lifestyle, Cambridge University Press, Cambridge, 1989 p 163.

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développement durable devient crucial. Il revient aux praticiens de « Créer un habitat accessible et viable dans une démarche culturelle partagée qui favorise les solidarités, qui soit économe en ressources tout au long de son cycle de vie et qui s’intègre dans l’environnement tout en étant « dans son temps » [...] »36. Pour reprendre les propos de Philippe Madec, « revendiquer la culture, c’est refuser l’hégémonie des réponses techniques à la crise environnementale. Mais ce n’est pas le refus de la technique, c’est juste le refus de l’hégémonie et c’est aussi garantir la part sociale des projets. »37

Pour une prise en compte de la culture

Édicté dans les plus hautes instances le principe du développement durable tel qu’énoncé par le rapport Brundtland est souhaité comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. ». Il a été montré que ses préceptes humanistes ont été oubliés, laissant libre cours à des interprétations technicistes et mercantiles. Or à la lecture des textes, des définitions et au regard du monde qui nous entoure, il semblerait qu’il en soit tout autre. Alors Président de république française, Jacques Chirac proclamait dans le cadre du sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg en 2002 « Le développement durable n’est pas seulement une question technique ou économique. C’est une réponse à la crise écologique et sociale mondiale. C’est une vision éthique, qui nous interpelle sur les droits et les devoirs de l’Homme face à la nature et à la création. »38 Le développement durable est l’affaire de tous. La prise de conscience que les sociétés et groupes humains, soient de part le monde liés à un avenir commun, doit amener des modifications dans les comportements. « C’est la survie même de l’humanité […] qui nous condamne à réintroduire le souci écologique au cœur de la préoccupation sociale, politique, culturelle et spirituelle de la vie humaine. ». La prise en compte environnementale est porteuse de ces changements. Comment faire alors pour que le concept du développement durable soit accepté du plus grand nombre ? Sur quelles valeurs peut être basée cette réintroduction de l’écologie ? Quel est le médium qui peut permettre dans une si grande diversité de contextes, de partager une vision du monde commune ? Selon Jacques Chirac toujours, « [..] la culture s’imposera peu à peu comme le quatrième pilier du développement durable aux côtés de l’économie, de l’environnement et de la préoccupation sociale. »39 Il est d’abord question de savoir ce qu’est la culture. D’après la définition du dictionnaire de l’académie française, un des sens donné au terme renvoie à : La fructification des dons naturels permettant à l’homme de s’élever au-dessus de sa condition initiale et d’accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur. A.− Ensemble des moyens mis en œuvre par l’homme pour augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit, notamment le jugement et le goût. 1. Travail assidu et méthodique (collectif ou individuel) qui tend à élever un être humain au-dessus de l’état de nature, à développer ses qualités, à pallier ses manques, à favoriser l’éclosion harmonieuse de sa personnalité.40 36 GENET Patrice, Président de la commission « Développement durable », Conseil National de l’Ordre des Architectes « L’Ordre des architectes quitte l’association HQE : Quelques explications (avril 2005) » Disponible sur le site de l’ordre des architectes : http://www.architectes.org/ [consulté le 22,12,2014 ] 37 MADEC Philippe, « Oser le spécifique, la bienveillance, les cultures », Les rendez-vous du Global Award for sustainable architecture, 10 décembre 2013, Cité Chaillot. Conférence disponible en ligne : http://webtv.citechaillot. fr/video/philippe-madec 38 Intervention de M. Jacques CHIRAC Président de la République lors de la table ronde “Biodiversité, diversité culturelle et éthique” à l’occasion du Sommet mondial du développement durable, Disponible en ligne : http://www.jacqueschirac-asso.fr/archives-elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/ discours_et_declarations/2002/septembre/fi001946.html 39 Ibid. 40 Définitions lexicographiques et étymologiques issues du Trésor de la langue française informatisé, site du Centre national de ressources textuelles et lexicales, http://www.cnrtl.fr/

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Paul Ricoeur, philosophe français s’est intéressé aux caractères de l’homme et à leurs expressions. Dans Histoire et Vérités, publié en 1955, il défend le concept de noyau Éthico-mythique : selon lui, chaque peuple est un “récit” singulier (-mythe) qui charrie des valeurs (éthico-). Il renvoie là au principe de « diversité culturelle » énoncé par l’UNESCO. Il n’existe pas UNE culture, mais bien une multitude d’expression de celle-ci. « La culture prend des formes diverses à travers le temps et l’espace. Cette diversité s’incarne dans l’originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l’humanité. [...], elle constitue le patrimoine commun de l’humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures.»41. Il apparaît alors que derrière l’universel se cache le spécifique. La différence fonde l’universel, « Voilà l’étonnant: l’humanité ne s’est pas constituée dans un seul style culturel, mais a “ pris “ dans des figures historiques cohérentes, closes: les cultures. »42 Pour Ricoeur, la culture est le propre de l’humanité, elle se compose de « figures historiques cohérentes ». Pour l’humanité, c’est l’idiosyncrasie, le particulier qui est la valeur universel. Comment instaurer un nouveau paradigme individu – société – environnement ? Le développement durable peut en être le vecteur. Celui-ci doit, pour y parvenir, non pas « replacer l’homme au cœur du dispositif » mais faire que chacun replace ce dispositif au cœur de sa pratique et de sa réflexion, au cœur de sa culture. Si en France le développement durable peine à prendre racine, c’est parce que la culture en est le liant oublié. Il faut réinvestir la culture dans l’histoire que nous vivons, une histoire marquée par le développement durable. Réinvestir la culture c’est réinvestir les hommes, les individus, les Autres43 Le développement durable est l’affaire de tous. Tout à chacun est en mesure d’agir et se doit de participer à son élaboration. « Les mutations du monde appellent à l’élaboration d’un nouvel humanisme, qui ne soit pas seulement théorique mais pratique, qui ne soit pas uniquement porté vers la recherche des valeurs – ce qu’il doit être aussi – mais orienté vers la mise en œuvre de programmes concrets, avec des résultats tangibles. »44 Les changements de modes de vie, de pensées, de faire, induits montrent bien que la prise en compte de la culture pour un « développement durable » semble incontournable. Nombreux sont ceux qui adhèrent à cette vision. Dans les plus hautes instances l’on considère que cette prise en compte amène des changements radicaux dans la manière de penser et mettre en œuvre le développement durable. La culture, par sa richesse, ouvre de nombreuses voies pour l’établissement d’un nouveau paradigme. Alors que le capitalisme prône la rationalisation, cultivons la différence. La diversité des cultures doit apporter la diversité des réponses. La maxime « Penser global, agir local », prend alors tout son sens. « Chaque culture est une clé de compréhension du monde. Ne nous avisons pas d’en supprimer. Ce serait une erreur de penser que l’uniformité facilite la compréhension : elle ne fait que taire les divergences. Nous avons gaspillé les ressources naturelles, ne dilapidons pas celles de l’esprit. L’éducation, les sciences, la culture, la communication sont les piliers de la construction d’une communauté humaine unie, les fondements d’un développement pérenne de l’humanité. Il n’y a pas d’investissement plus sage que celui qui consiste à les remettre au cœur du développement. C’est l’enjeu politique du siècle à venir, et la condition d’édification de la paix. »45 Les valeurs pour êtres admises doivent être comprises, voilà une piste pour l’éco-conception.

41 Article 1, Déclaration Universelle de l’UNECO sur la diversité culturelle, UNESCO, Paris, 2002, 42 RICOEUR Paul, Histoire et Vérité, Seuil, Paris, 1964 (3e. édition) 43 Voir la définition donnée par F.H Jourda (renvoi à la note 51) 44 BOKOVA Irina, Un nouvel humanisme pour le XXIème siècle, Secteur des Relations extérieures et de l’Information du public de l’UNESCO, UNESCO, Paris, Octobre 2010. 45 Ibid.

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Ethique et architecture

L’homme au cœur de la pratique éco-responsable «Si l’architecte doit jouer un rôle au XXIème siècle, dans un monde complexe, conscient des contraintes environnementales et des différences culturelles, un monde où la technique continuera néanmoins à s’étendre à l’échelle de la planète, il doit méditer sur des stratégies propres à révéler la capacité de sa discipline à concrétiser une intentionnalité éthique» PELLETIER L., PEREZ GOMEZ A, Architecture, éthique et technologie, Mac-Gill/Queens Press, Montréal, 1994

Qu’est ce que l’éthique ? Éthique : Du grec ηθική [επιστήμη], « la science morale », de ήθος (« ethos ») « lieu de vie ; habitude, mœurs ; caractère, état de l’âme, disposition psychique » et du latin ethicus, la morale46. C’est une discipline philosophique pratique et normative (qui relève de l’action et de la règle). Elle se donne pour objectif de déterminer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure. Si par éthique, l’on entend un comportement motivé par ne pas nuire aux autres et pour leur apporter les éléments qui contribueront à leur bien être, nous pouvons dire de cette notion qu’elle relève de l’altruisme. Pour Françoise-Hélène Jourda, si l’on devait retenir un mot concernant le développement durable ce serait « les Autres ». Selon elle « C’est en reconnaissant les Autres, leur existence, leurs besoins, que s’élabore cette nouvelle forme de pensée qui doit à présent nourrir nos réflexions de concepteurs et d’acteurs en général du cadre bâti. » Elle entend par Autres « […] L’ensemble de ceux qui vivent sur notre planète qu’ils soient nos contemporains ou qu’ils constituent les générations futures. »47 Elle rejoint là le propos de Philippe Madec, «Ni thème, ni concept, ni symbole, ni image, l’homme est l’être et la raison d’être de l’architecture.»48 C’est alors que se révèle la relation intrinsèque entre éthique et architecture. Si l’on considère l’acte d’architecture comme action d’installer la vie des autres, alors disposer la matière « a à voir avec l’existence la plus profonde de l’homme »49. L’architecture enchâssée dans l’éthique repose sur un fond ontologique, elle participe à la condition humaine, être en tant qu’être : être au monde, être aux autres. Les architectes et tous les acteurs de l’établissement humain se doivent d’intégrer cette dimension éthique à leur processus de conception. Il apparaît alors que l’architecture devient un des outils du nouveau projet humaniste porté par un développement durable intégrant la culture. Aux praticiens de se positionner et d’engager la puissance de l’architecture dans ce nouveau projet de société. L’architecture se doit d’être entièrement reconsidérée, confrontée aux enjeux de ce siècle nouveau. Comme énoncé précédemment, les logiques de développement durable se doivent d’intégrer la culture (dans son sens d’acceptation le plus large), alors les processus d’éco-conception prennent une dimension humaniste. Si les projeteurs sont les représentants des utilisateurs alors « les produits d’une telle conception (bâtiments et autres environnements physiques) doivent s’appuyer sur une compréhension des caractéristiques humaines, s’adapter à elle et les servir. »50 46 Définitions lexicographiques et étymologiques issues du Trésor de la langue française informatisé, site du Centre national de ressources textuelles et lexicales, http://www.cnrtl.fr/ 47 L’ensemble des citations de F.-H. Jourda sont extraites de JOURDA Françoise-Hélène, Les 101 mots du développement durable à l’usage de tous, Paris, Archibooks + Sautereau, 2011. 48 MADEC Philippe, Exist, entretien avec Jean François Pousse, Paris, Jean Michel Place, 2000, p. 62 49 MADEC Philippe, « Urbanité et générosité, Aménagement urbain et patrimoine », conférence dans le cadre des Journées de l’Institut Régional du Patrimoine, Plourin-lès-Morlaix, mai 1996. 50 RAPOPORT Amos, Culture, architecture et design, Infolio, Lausanne, 2003 p. 9

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Amos Rapoport (1929), chercheur, pionnier de la psychologie architecturale, a étudié et enseigné tout au long de sa carrière les relations entre environnement bâti et comportement humain. Sa perspective d’analyse anthropologique l’a confronté à l’habitation aux quatre coins du monde, tel qu’elle est influencée par les valeurs humaines. Dans un ouvrage paru en français en 2003, Culture, architecture et Design51, il développe une vision très large du concept de culture qui lui sert de base à ses études sur le bâti. Il défend l’idée que « les projets doivent répondre à la « culture », c’est à dire s’adapter à la spécificité de chaque culture. » Cependant selon lui le concept de culture est inopérant par son excès d’abstraction. La culture n’est pas une « chose », personne ne verra jamais la culture mais seulement son résultat et les éléments qui la constituent. Comment alors relier la culture et la production de l’environnement bâti ? Selon l’auteur il faut décomposer les concepts de culture et d’environnement sa théorie « repose sur l’idée que des éléments ou des composantes spécifiques de l’environnement, correspondent ou sont favorables a certaines composantes culturelles « de base ». Il résume ces interactions sous la forme d’un diagramme. C’est cette illustration qui a servi à l’élaboration de la grille d’analyse appliquées aux projets présentés dans ce mémoire.

Bien qu’il soit difficile de rattacher directement le concept de « culture » à la production de l’habitat, Rapoport balise les mécanismes entre environnement et comportements humains. Il éclaire le concepteur, l’invitant à « passer du design pour sa propre culture à une compréhension et une conception pour les cultures des utilisateurs et fonder le projet sur la recherche en écologie humaine, en anthropologie et autres domaines pertinents. De tels changements devraient transformer l’architecture et le projet afin que ces disciplines fassent ce qu’elles prétendent faire : créer des environnements meilleurs, c’est à dire plus à même d’apporter un soutien aux individus. »52 Il rejoint là l’hypothèse de ce mémoire, de dire que les concepteurs doivent se préoccuper avant tout des fins premières et fondamentales53, de dire que l’éco-conception est aussi affaire d’humanisme. 51 RAPOPORT Amos, Culture, architecture et design, Infolio, Lausanne, 2003 p. 9 52 Ibid. p. 155 53 Voir la citation d’Arne NAESS à la page 19 Partie 2-2, Bâtiments « verts » : technique et performance comme unique réponse

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Cette première partie théorique a mené le propos, des prémices de la prise en compte environnementale à aujourd’hui et a tenté de montrer que l’évolution de la pensée rend essentiel de faire de même dans l’acte de projection architecturale. Des praticiens le faisaient avant l’heure, tels Fathy qui mobilisait l’intérêt du peuple ou encore Raveréau qui, à son époque, avait déjà mené des recherches sur l’habitat vernaculaire, sur ce que Rapoport a appelé : anthropologie architecturale. Il est possible de proposer une alternative à la production de masse de l’habitat qui détruit la diversité des modes de vie, des rapports à l’environnement54. Des praticiens, aujourd’hui conscients de la dimension humaniste du projet architectural proposent de nouvelles voies pour concevoir. A l’image des conseils de Rapoport, ils contextualisent leurs démarches de projet, à la fois environnementalement mais aussi humainement, deux composantes qui semblent à présent étroitement liées. L’avènement du développement durable a amené de nouvelles pratiques mais semble avoir oublié la culture. Bien qu’il soit difficile d’appréhender le concept, comme le dit Philippe Madec dans un de ses retour d’expérience, « les acteurs de l’établissement humain le savent, une belle idée n’est jamais réalisée si elle n’est pas faite par ceux qui la vivront »55. Si le développement durable doit entraîner des changements de comportements alors il doit s’appuyer aussi sur la culture et changer les modes de conception. Sortie des logiques rationalistes de l’éco-conception, l’architecture renoue avec sa vision politique Le propos va maintenant aborder sa dimension pratique. Des architectes proposent, pour répondre aux enjeux posés par le développement durable, un habitat ancré dans son territoire et sa culture. Ils parviennent à faire la synthèse entre la sauvegarde de l’environnement et les richesses de l’Autre et de la Diversité. Dominique Gauzin Müller parle d’architecture éco-responsable. «Cet habitat se fonde sur une équilibre entre l’homme et son milieu, entre tradition et modernité, entre «low-tech» et «high-tech» [...] dans un état d’esprit qui recentre les champs du possible, dans un souci de sobriété.»56 Cette nouvelle approche du projet englobe aussi bien l’architecture, l’urbanisme que l’aménagement du territoire. Elles se base sur les éléments fondamentaux que sont le site, la matière, l’énergie et les usages. Associée à Marie-Hélène Contal pour l’exposition, «habiter écologique, quelles architectures pour une ville durable» les deux architectes proposent plusieurs critères pour mettre en lumière la démarche «éco-responsable», à savoir, «la démarche et les influence de l’architectes, la prise en compte du site et de son territoire, les matériaux et les techniques mises en oeuvre, les énergies et ambiances et enfin l’humain et ses usages.»57 Cette nouvelle approche tente de créer de nouveaux liens entre ces multiples critères dans une démarche « holistique », globale et pluridisciplinaire. Renvoyant au renouveau éthique de l’architecture écologique, se positionnant contre lhégémonie de la technique Dominique Gauzin Müller défend « Pour être réaliste et efficace, il me paraît plus important de préserver une vision globale que de viser la perfection pour une minorité d’éléments constitutifs du bâti. »58 Certains architectes y parviennent ils ? C’est ce que tentera de montrer la deuxième partie du propos.

54 «Au stade avancé de la production de masse, une société produit sa propre destruction. La nature est dénaturée. L’homme déraciné, castré dans sa créativité, est verrouillé dans sa capsule individuelle. La collectivité est régie par le jeu combine d’une polarisation exacerbée et d’une spécialisation à outrance. » p. 11 ILLITCH Ivan, La Convivialité, Seuil, Paris, 2003 55 MADEC Philippe, « Oser le spécifique, la bienveillance, les cultures », Les rendez-vous du Global Award for sustainable architecture, 10 décembre 2013, Cité Chaillot. Conférence disponible en ligne : http://webtv.citechaillot. fr/video/philippe-madec 56 GAUZIN MULLER Dominique, «Quelles architectures pour une ville durable ?», GAUZIN MULLER Dominique, Habiter écologique : quelles architectures pour une ville durable? Paris, Actes Sud, 2009 p. 21 57 CONTAL Marie-Hélène, GAUZIN MULLER Dominique, «critères éco-responsable ?», GAUZIN MULLER Dominique, Habiter écologique : quelles architectures pour une ville durable? Paris, Actes Sud, 2009 pp. 56-57 58 GAUZIN MULLER Dominique, « L’architecture responsable : quatre piliers et une infinité de solutions », Accent/ Eternit, n°3, Janvier 2015

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ET

culture

POUR

PARTIE 2

ECO-CONCEPTION

UNE ARCHITECTURE

ECO-RESPONSABLE


GLENN MURCUTT 26

« Architecture should touch the earth lightly » 59

59 Glenn MURCUTT est un architecte australien né en 1936. Constructeur depuis le début des années 70, il à été décoré du prix Pritzker en 2002. Il grandit en contact de la nature. Fils d’un père vouant un culte au travail et promoteur, Murcutt se retrouve très tôt plongé dans le domaine de l’architecture. A la fin de ses études, il vit plusieurs expériences dans des cabinets australiens et londoniens, lui permettant de faire ses premières armes et de voyager. Il s’installe en tant qu’architecte en 1969 et a construit essentiellement des maisons individuelles60 mais aussi quelques bâtiments publics61. Il donne, depuis de nombreuses années, des conférences, mène des workshops et des studios dans des universités australiennes et américaines.

Son exercice est reconnu pour ses qualités d’intégration à l’environnement. Sensibles au lieu, ses bâtiments deviennent « machine à vivre le paysage » inspiré du génie de la nature. Technicien, Il saisit la subtilité de l’utilisation artisanale de matériaux préfabriqués et utilise ce principe dans ses bâtiments. Spirituel, d’influences diverses et tourné vers la culture aborigène62, il s’adonne au métissage de ses influences entre modernisme, passé colonial et primitivisme. Partisan de la simplicité, prédicateur d’un retour à une esthétique de la nécessité, Murcutt défend une approche éco-responsable de l’architecture. Pour autant, l’Homme, son histoire et sa culture restent au centre de sa pratique. Le choix s’est porté sur deux projets de l’architecte, le premier, la maison Ball-Eastaway construite en 1982-1983 au nord de Sydney pour un couple d’artistes peintres New-Yorkais et le second, la maison Marika-Alderton construite entre 1992 et 1994 dans les territoires du nord de l’Australie, pour une communauté aborigène. L’analyse de ces deux maisons, construites à dix années d’intervalle pour des clients totalement différents dans des climats dissemblables, s’attachera à mettre en lumière la capacité de l’architecture de Glenn Murcutt à s’adapter aux conditions locales quelles soient climatiques ou culturelles. 59 «L’architecture doit toucher la terre légèrement» repris d’une expression aborigène que Murcutt à fait sienne «touch the earth lightly». DREW Philip, Touch This Earth Lightly: Glenn Murcutt in His Own Words, Duffy & Snellgrove, Brisbane, 2000 60 Plus de 500 depuis le début de sa carrière (en 2002). Tous ces bâtiments sont construits sur le sol australien. 61 Musée d’art et d’histoire locale, Kempsey. Centre de désintoxication alcoolique pour les Aborigènes, Bennelongs Haven. Centre d’information « bowali », kakadu National Park. Centre d’art et école Arthur Boyd, « Riversdale ». 62 (Larousse) Se dit en particulier des ethnies autochtones d’Australie. FROMONOT Françoise, Glenn Murcutt, Paris, Gallimard, 2003 (p.39). « Après 1983, il (G. Murcutt) a commencé à se renseigner activement sur le mode de vie traditionnel et les coutumes aborigènes, dans lesquels il voit le précédent d’une symbiose idéale entre l’occupation humaine et le continent australien. »


« Glenn Murcutt est devenu le modèle plus largement suivi et respecté pour une approche éthique et alternative. Il pratique l’architecture comme un artisanat personnel et local. Il incarne des valeurs cruciales de la construction que sont la culture, l’éthique et l’écologie. »63 Juhani PALLASMAA

Maison Ball-Eastaway

Glenorie, Sydney, Australie, 1982-1983

La Maison Ball-Eastaway à Glenorie, Sydney, en Nouvelle Galle du sud construite de 1982 à 1983 à été conçue pour un couple d’artistes peintres venus de Sydney. Opérant un retour à la nature, les clients souhaitaient un lieu propice à la méditation. La maison se présente comme un bâtiment à quai en train de larguer les amarres. Implanté sur un site isolé à la végétation abondante, non loin de la rivière Hawkesbury, sur un plateau de grès, la maison est pensée dans le moindre détail, en fonction du lieu, de ses atouts et de ses contraintes. Elle interagit dans une logique d’ensemble. Un pont, relie l’édifice à la pente. Désaxé par rapport au bâtiment, il marque l’unique entrée de la maison. D’une largeur de 1m20 il permet le passage, à pied, d’une ou deux personnes. Il mène à une unique porte double sur la façade sudest64 et met en relation l’extérieur et l’intérieur. Après avoir passé une porte double de 2m20, le visiteur se retrouve dans une large entrée lui permettant de saisir l’entièreté de l’espace intérieur. Construit sur la symétrie de la coupe, les espaces s’articulent de part et d’autre d’un axe de circulation central d’une largeur de 2m20, à échelle humaine65.

Croquis de la maison ball-Eastaway, dessin à la main G. MURCUTT, COOPER Jackie, BECK Haig, Glenn Murcutt: A Singular Architectural Practice, Image Publishing Inc, Memphis, 2002. p.41 63 PALLASMAA Juhani, « Feathers of metal », El Croquis, n°163-164, Glenn Murcutt 1980-2012, Nov. 2012, p.27. 64 Fig. 3, Plan d’étage de la maison Ball-Eastaway, d’après les dessins de Glenn Murcutt, El Croquis, n°163-164, Glenn Murcutt 1980-2012, Novembre 2012, p.148. 65 Fig. 4, Coupe transversale de la maison Ball-Eastaway, d’après les dessins de Glenn Murcutt, El Croquis, n°163164, Glenn Murcutt 1980-2012, Novembre 2012, p.150.

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Maison Ball-Eastaway, Plan d’étage, échelle 1/200 G. MURCUTT, «Glenn Murcutt 1980-2012», El Croquis, n°163-164, Novembre 2012, p148.

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Maison Ball-Eastaway, Coupe transversale, Échelle 1/50 G. MURCUTT, «Glenn Murcutt 1980-2012», El Croquis, n°163-164, Novembre 2012, p150.


Peintres, Sid Ball et Lyn Eastaway, voulaient pouvoir exposer certains tableaux pré-existants et continuer leurs pratiques artistiques. En observant plusieurs dispositifs architecturaux le bâtiment offre la possibilité à de multiples usages. Les habitants vivent ainsi intimement liés avec leur maison et leur environnement. Toujours en observant la coupe transversale, les façades sud-est et nord-ouest intègrent dans leur composition le système de collecte et d’évacuation des eaux de pluie. La végétation environnante et la possibilité de feu de forêt à obligé Murcutt à concevoir un système complexe et ingénieux. Cet agencement se traduit dans les espaces intérieurs par un retrait de chaque côté du volume central. Les deux galeries alors créées accueillent les services et des espaces d’exposition pour des objets d’art ou des tableaux de petites tailles. En face de l’entrée, un grand mur, permet l’accrochage du format le plus grand du couple, à savoir une œuvre de 3m par 6m. La profondeur offerte par l’a circulation, permet d’avoir le recul nécessaire pour pouvoir apprécier l’œuvre dans sa totalité. Le rapport de la maison au paysage est important. Deux terrasses, parties intégrantes de la maison, prolongent l’espace intérieur vers la nature : le site ou le grand paysage. L’édifice est totalement ouvert sur ses deux extrémités, sud-ouest et nord-est. D’après Murcutt « Les oreilles, offrent une liberté et des espaces pour peindre entre le monde humain et le paysage. »66. Dans la végétation, la terrasse nord-est, est en contact direct avec le site et sa matérialité. Offrant plusieurs cadrages, elle projette l’usager dans les petites échelles de la nature environnante. La grande terrasse de la façade nord-ouest67 quant à elle, est fermée sur trois côtés, elle projette l’habitant vers le grand paysage et rompt le rapport d’échelle jusque là analysé dans la maison.

Figure 2

Figure 1

Figure 3

D’autres dispositifs pourraient êtres étudiés, ceux ci semblent incontournables pour montrer la complicité entre l’architecte et le client et la précision de la réponse architecturale apportée à un profil social particulier. Murcutt à conçu un bâtiment autonome pour des usagers autonomes, dans un milieu qui, sans être hostile, n’est pas non plus propice à la vie humaine. Le couple peut alors vivre et pratiquer son activité dans un milieu naturel à l’équilibre fragile. La technique et le bâtiment, ne sont pas là pour dominer la nature mais pour instaurer un rapport intime entre cette dernière et l’usager, que seule l’analyse nous permet de mettre en lumière. 66 FARRELLY Elisabeth, Glenn Murcutt – Three Houses (Architecture in Details), Londres, Phaidon, 1993 p.58. 67 Voir Figures 1 et 2. Figure 1 Vue de la Maison Ball Eastaway, BLUNCK R., «Glenn Murcutt 1980-2012», El Croquis, n°163-164, p.144 Figure 2 Intérieur de la Maison Ball Eastaway, Ibid. p. 152 Figure 3 Terrasse Nord-ouest, Ibid. p. 149

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Maison Marika-Alderton

Territoires du Nord, Australie, 1992-1994

La maison Marika-Alderton située dans la communauté Yirrkala à l’est de l’Arnheim, Territoires du nord, a été construite entre 1992 et 1994. Les commanditaires d’origine aborigène, souhaitaient créer un refuge pour leur clan. Située en bord de mer sur un rivage très ouvert, la maison se trouve près d’une mangrove. Le climat tropical à contraint l’architecte dans sa conception. Le bâtiment répond entièrement aux caractéristiques climatiques, les grandes façades sont orientées nord et sud pour protéger du fort ensoleillement. Les extrémités est et ouest quant à elles laissent passer les brises en été comme en hiver afin de limiter les pics de chaleurs. Le refuge est monté sur pilotis se protégeant des petits raz de marée pouvant l’atteindre. La structure est renforcée et la ventilation naturelle optimisée pour faire face aux vents violents des tempêtes. En plus d’être adapté à un contexte climatique particulier, le bâtiment entre en osmose avec la culture des commanditaires. Avant de concevoir la maison, Murcutt se plonge dans une exploration pendant une période de trois ans. Enquêtes, collectes de données lui permettent de comprendre la culture aborigène, son histoire et ses rites. Durant cette période, il vit même en compagnie de ses clients71. Il dresse une liste d’une vingtaine d’éléments à prendre en compte dans la conception d’un habitat aborigène72. Ces éléments se traduisent à la fois par l’ambiguïté des rapports intérieur/ extérieur établis par les parois mais aussi par l’organisation spatiale de la maison.

Coupe transversale de la maison pour une communauté aborigène, Dessin à la main G. MURCUTT, GAUZIN MÜLLER D., «Glenn Murcutt, transmettre pour préserver» EK, n°30, déc. 2012, p. 117 71 «[...] J’ai vécu avec mes clients, et vécu avec leur peuple un contact de toute première main. C’était une expérience extraordinaire. » Extrait d’une interview de Murcutt par Ian McDougall publiée par architecture Australia en 1992. Reprise dans FROMONOT Françoise, Glenn Murcutt, Paris, Gallimard, 2003. p.40. 72 Voir note de bas de page n°11 dans PALLASMAA Juhani, « Feathers of metal », El Croquis, n°163-164, Glenn Murcutt 1980-2012, Novembre 2012, p.37.

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L’horizon étant un point de repère important dans le paysage et pour les aborigènes, ils doivent être à même de le voir n’importe où dans le bâtiment. Cette ouverture sur la nature permet aux usagers de percevoir qui va et vient sur leur territoire, les mouvements des animaux et les changements du temps. Les habitants doivent pouvoir voir sans être vus. Un bardage à claires-voies créant un fort contraste avec la lumière extérieure permet cet effet73. Il limite ainsi les rapports directs entre les personnes dans l’abri et les personnes y venant. En effet dans la culture aborigène la rencontre entre deux parents se fait selon un rituel lent et graduel. La maison peut être entièrement ouverte aux vents et aux paysages mais peut être aussi bien fermée lorsqu’il s’agit de se reposer ou bien quand personne ne l’occupe. Au sud, la façade est rythmée par des ailerons verticaux. Ces derniers empêchent la pénétration des rayons solaires matinaux et de fin de journée, marquent la présence de cinq unités de repos et évitent les vis à vis entre les chambres. Dans la culture aborigène les filles et les fils d’un même clan ne doivent avoir aucun contact tactile ou visuel lorsqu’ils dorment. Cette relation équivoque entre le dedans et le dehors est renforcée par une très grande adaptabilité des parois74 permettant ainsi aux usagers de gérer la ventilation, les vues et l’ouverture de l’abri en fonction des situations climatiques et des moments de la journée, leur conférant une très grande autonomie75.

Figure 2

Figure 1

Figure 3

73 Figure 1, Bardage à claire-voie, ouverture vers l’horizon et échelle humaine. GAUZIN MULLER Dominique, « Glenn Murcutt - Transmettre pour préserver », EK, n°30, Décembre 2012, p.117. 74 Voir la Coupe transversale à main levée de la maison pour une communauté aborigène, MURCUTT G., GAUZIN MULLER Dominique, « Glenn Murcutt - Transmettre pour préserver », EK, n°30, Décembre 2012, p.117. 75 Voir les travaux de POTVIN André chercheur au GRAP de Laval Québec, Adaptive Architecture: Experiencing Visual and Thermal Delight in Architecture, Une publication est vouée à parution dans le courant de l’année 2013. Figure 2 Photo de la maison Marika-Alderton, MURCUTT G. «A conversation with Glenn Murcutt», El Croquis, n°163-164, Glenn Murcutt 1980-2012, Novembre 2012, pp. 230 Figure 3 Voir sans être vu, BLUNCK R., « Glenn Murcutt 1980-2012 », El Croquis, n°163-164, Novembre 2012, p.227.

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L’abri devait pouvoir accueillir 1 à 20 personnes dans des conditions de confort optimal. L’adaptabilité des parois y joue pour beaucoup. L’organisation en plan78 quand à elle reste limpide et est liée à la culture des habitants. On accède à l’espace de vie principal, situé à l’est de la maison, par un escalier avec palier marquant le seuil. C’est sur cette plate-forme qu’attendent les visiteurs avant d’introduire le refuge de la famille Marika. L’espace commun ouvert sur ses trois côtés permet de balayer le paysage. Il est équipé de mobilier apportant le confort moderne au sein de la maison (réfrigérateur, télévision, garde-manger, radio, eau courante...). Une circulation se prolonge le long de la façade nord créant ainsi un couloir de ventilation et un espace tampon entre les chambres et l’espace extérieur. On y trouve des équipements sanitaires dans de petits espaces. La Salle de bain est située au cœur de la maison conférant ainsi le grade d’intimité nécessaire à la toilette des femmes. L’organisation des chambres résulte d’une organisation culturelle du temps de repos. Les parents dorment côté soleil couchant car plus proche de la mort et de la fin d’un cycle alors que, les enfants, représentant le futur, se couchent à l’est côté du soleil levant. Les chambres des enfants ne communiquent pas entre elles et celles des filles se trouvent plus proches de celle des parents.

Plan de la maison Marika-Alderton, Échelle 1/150 FROMONOT F. FROMONOT Françoise, Glenn Murcutt, Paris, Gallimard, 2003. p.223.

Cette maison est la parfaite alliance entre confort moderne et aspects fondamentaux de la culture aborigène. Selon une citation de la propriétaire c’est « une maison pont, un pont entre deux cultures.»79 . Pour confirmer cette analyse citons une vieille femme aborigène dont se souvient Murcutt, l’ayant apostrophé lors d’une de ses visites de la maison : « S’il vous plait pouvez vous vous arranger pour que cette maison soit à nouveau construite ? Je veux la même, cette pièce de vie, je veux ce petit espace pour ma salle de bain. C’est tout ce que je veux, c’est fait pour moi. Je peux regarder dehors pour voir qui vient, qui s’en va. »80 81

Figure 1

Figure 2

Figure 3

78 Voir le plan de la maison Marika Alderton 79 ibid. p.220. 80 Dans GODSELL Sean, «A conversation with Glenn Murcutt», El Croquis, n°163-164, Glenn Murcutt 1980-2012, Novembre 2012, p. 21. Figure 1, 2 et 3 Photo de la maison Marika-Alderton, MURCUTT G. «A conversation with Glenn Murcutt», El Croquis, n°163-164, Glenn Murcutt 1980-2012, Novembre 2012, pp. 230-233.

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Les deux maisons étudiées montrent que le processus de conception de Murcutt, bien que lié à une lecture minutieuse de l’environnement naturel dans lequel il s’inscrit, est lié aux Hommes à qui l’ouvrage est destiné, à leurs cultures et leur histoire. Cette approche analytique de l’architecture de Glenn Murcutt a permis de mettre en évidence les relations étroites que l’architecte tisse entre l’environnement, le bâtiment et ses usagers. Cette démarche aurait pu être plus large en analysant les relations qu’entretien Murcutt avec la profession et les étudiants82, en observant le volet économique de ses constructions83 ou encore en approfondissant l’impact iconographique de son œuvre. Ces quelques mises en lumière viennent illustrer, par des cas concrets, le diagramme d’Amos Rapoport. Les partis pris et dispositifs architecturaux naissent, chez Murcutt, d’une réelle prise en compte de la «culture». Faisant écho au modes de vies, systèmes d’activités, normes, règles, attentes, valeurs des habitants, l’architecture de Glenn Murcutt suggère une relation étroite entre l’humain et son environnement, son «habitat». Malgré une esthétique technique, des matériaux industriels et préfabriqués, IPN, Tôles, louvres84, l’analyse des édifices de Murcutt montre qu’ils s’intègrent à leur contexte. Ils s’adaptent à leurs usagers dans un dialogue constant de l’architecture avec les hommes comme avec la nature. Acteur d’une démarche éthique, écologiquement et socialement responsable, Murcutt inscrit son exercice dans la dynamique d’un développement durable, il tend vers une architecture soutenable. Cependant, selon James Wines, architecte américain85, la démarche de l’architecte n’irait pas assez loin ne poussant pas assez l’imagerie de la nature, s’inspirant encore du langage de la technique et de l’architecture moderne. Rapoport, quand à lui, écrirait surement que Murcutt a tendance à developper plus sa propre culture que celle de ses clients, et si ces deux cultures ne rentraient pas en écho ? Ne se prolongent elles pas ? Toutefois, il est bon de rappeler que tous les modes de conceptions écologiques et humanistes s’inscrivent dans une démarche de transition globale visant une meilleure société dans un monde meilleur. Architecte en dehors du star system, Murcutt influence son époque comme d’autres grands architectes. Et si ce ne sont pas les médias qui le font connaître, c’est bien la qualité de son exercice, au point d’équilibre du rapport entre les hommes et leur environnement. 82 Citons ici la conférence donné par Murcutt le 19 novembre 2012 à l’université libre de Bruxelles ou encore les Glenn Murcutt Master Class organisé tous les ans au cours du mois de Juillet. 83 Pour la maison Marika-Alderton Murcutt à offert ses frais d’honoraire et l’industriel australien de l’acier BHP à offert la structure métallique, la maison n’a ainsi coûté que $A 180 000 soit environ 70 000. € source : FROMONOT Françoise, Glenn Murcutt, Paris, Gallimard, 2003, p.219. 84 (Robert-Collins) Louvre (UK) ou Louver (US) désigne des volets à claire-voie, des persienne ou encore fenêtre à jalousie. 85 WINES J., L’architecture verte, Taschen, Paris, 2000

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PHILIPPE MADEC

« L’installation de la vie par une matière disposée avec bienveillance »

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Philippe Madec est un architecte français né en 1954, à Carantec (Finistère). Philosophe, enseignant, poète et bâtisseur, il a reçu en 2012 le Global Award for Sustainable Architecture86. Issu d’une famille d’ostréiculteurs son contact avec le milieu maritime fonde un lien fondamental avec la nature. Il sort diplomé de l’UPA87 7 à Paris en 1979. S’en suit une décennie sans pratique. Il développe son approche théorique de l’architecture. La rencontre avec l’auteur du Régionalisme Critique, Kenneth Frampton88, lui permet de devenir ‘visitor scholar’ à l’Université de Columbia (N.Y.) en 1983. « Dans les propos de Kenneth Frampton, le rapport au site, à la nature, à la culture existait déjà»89 Après avoir publié un premier ouvrage90, il ouvre son atelier à Paris en 1989. En 1991 débute son premier projet à Plourinles-Morlaix, en procédant progressivement, l’aménagement du bourg deviendra au fil des années un laboratoire. Depuis, l’atelier Philippe Madec n’a de cesse d’interroger la conception urbaine et architecturale à travers la pratique et la théorie. Architecte et Urbaniste son exercice se situe à l’articulation des échelles. Il conçoit tous types de bâtiments : du logement91 aux équipements culturels92, dans des milieux allant du centre urbain93 aux grands territoires durables94. Engagé, il participe aussi bien à la politique générale de l’architecture et de l’urbanisme qu’à la recherche dans ces domaines en France et en Europe95. Philippe Madec engage son projet architectural et urbain dans une démarche éco-responsable. Convaincu du bien fondé du développement durable, sa réflexion s’appuie sur une pléiade de textes et d’écrits. C’est cette pensée qu’il n’aura cesse de développer au fil de ses publications et de ses projets. Profondément humaniste, l’Homme, son quotidien et son environnement sont au cœur de sa pratique. Le propos porte sur deux projets. Le choix n’est pas anodin et permet de balayer les constances et les évolutions dans le travail de Madec, Le premier, 20 logements pour étudiants au Men-Guen (1994-96) construits à Plourin-les-Morlaix et le second, le pôle œnotouristique Viavino® livré en 2013 pour la communauté de communes du Pays de Lunel dans l’Hérault. 86 Prix international de la diversité de l’architecture durable. Fondation Locus (GDFSUEZ Foundation et BOUYGUES Bâtiment International) avec la Cité de l’architecture 87 Unité Pédagogique d’Architecture, ancêtre des Écoles Nationales d’Architecture 88 Né en 1930, est un architecte, critique et historien britannique, Voir le texte “Towards a Critical Regionalism: Six Points for an Architecture of Resistance”, in The AntiAesthetic: Essays on Postmodern Culture. Bay Press, Port Townsen, 1983 89 BORNE Emmanuelle, « Philippe Madec, l’architecte, le poète et l’ostréiculteur, » .Le courrier de l’architecte, le 11-04-12 www.lecourrierdelarchitecte.com/article_3056 90 MADEC Philippe, Boullée, BirkHauser, Bâle, 1989 91 Logements pour étudiants, Plourin les morlaix, Finistère, France, 1994-1996 92 Viavino, Pôle oeno-touristique à Lunel, France, 2008-2013 93 Réaménagement du centre ville de Saint-Paul de Léon (Finistère), 2000-2010, 94 Développement durable à la très grande échelle du Val de Durance, 2010 / 2012 95 Pour la liste complète de ses nombreux titres, fonctions, prix et récompenses voir : http://www.atelierphilippemadec.fr/


« Je pense qu’il faudrait inventer un mot pour désigner la personne qui s’occupe de faire vivre et habiter les gens. Philippe Madec applique une démarche globale qui se soucie de l’environnement et de l’utilisation de l’architecture. On peut dire qu’il nous a ouvert les yeux et l’esprit sur des choses que l’on avait peut être aussi en nous, mais que l’on aurait pas regardées avec un tel détails et une telle finesse. »96

20 Logements pour étudiants au Men-Guen Plourin-les-Morlaix, Finistère, 1994-1996

Les 20 logements au Men-guen, situé sur la commune de Plourin-lès-Morlaix, dans le nord du Finistère, construits de 1994 à 1996, ont été conçus pour des étudiants faisant leur cursus dans l’agglomération morlaisienne97. Intégrée au laboratoire urbain de Philippe Madec, cette opération se trouve loin du bourg, dans la banlieue de Morlaix, au panneau d’agglomération. Littéralement Men-Guen (en breton) signifie pierre blanche, c’est le nom donné au ruisseau allant de Plourin à Morlaix. Le site est légèrement en pente, marquant la présence du cours d’eau. Aux alentours le bâti ancien est essentiellement résidentiel, il se présente sous forme de petites maisons en bande, alignées sur les rues. Plus loin un ensemble de logements collectifs datant des années 60 et du pavillonnaire construit à la même époque. Non loin de là se trouve l’imprimerie du Viaduc, petite usine locale qui donna vie, au siècle précédent, à ce morceau de ville rattaché à Morlaix. Commandés par Le logis Breton de Quimper98, les logements ont étés livrés au CROUS de Bretagne. Ils répondent à l’ouverture de nouveaux cursus universitaires dans les villes de moindre taille de la région. A cette époque l’université de Bretagne est dans une logique de décentralisation de ses offres, tirant profit de son territoire et de ses richesses. La ville de Morlaix voit s’installer plusieurs établissements supérieurs. La demande de logements individuels pour les futurs étudiants se fait croissante. Situé sur la commune de Plourin mais à deux pas des établissements et du centre de Morlaix, c’est dans une logique de mixité sociale et de développement à l’échelle de l’agglomération que se dessine ce projet.

Les logements étudiants au Menguen Extrait : Axonométrie générale Atelier Philippe Madec MADEC Philippe, Plourin-les-Morlaix : Le ,temps à l’oeuvre citoyen Sujet/Objet, Paris 2003 96 BRIGANT Jacques, Maire de Plourin-lès-Morlaix in POUSSE jean François, « Prolonger l’accord, entretien avec Jacques Brigant, maire de Plourin-lès-Morlaix », in MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003. p. 234 97 Avec ses 28 communes composant un territoire d’un seul tenant et sans enclaves, ses 65 000 habitants et une ville centre de 16 000 personnes, Morlaix Communauté répond aux critères lui permettant d’être une communauté d’agglomération. http://www.agglo.morlaix.fr/la-communaute/presentation/ L’agglomération compte à ce jour 6 établissements délivrant des diplômes post-bac, 2 IUT, 2 lycées techniques et technologiques et 2 lycées agricoles. 98 • • •

Le LOGIS BRETON remplit trois missions : Construire pour l’accession sociale et la location : rôle de promoteur, de lotisseur et de constructeur Gérer son patrimoine locatif social : rôle de bailleur social Servir et accompagner les collectivités et les associations dans leurs projets liés au logement : maîtrise d’ouvrage déléguée ou assistance en maîtrise d’ouvrage

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Madec subtilise volontairement la démarche participante qu’il mène dans le centre bourg, cette commande ne dispose que de peu de moyens, de temps et d’argent. L’architecte dispose 10 cylindres tronqués, rattachés, répétés, pour diluer la notion d’objet chevillé au cercle et pour les faire participer à la fabrication du paysage urbain. De béton faites, ces formes mettent en résonance le site et le bâti environnant. Le choix de la volumétrie répond aux maisons ouvrières en bande et aux proportions des constructions alentours. La disposition consécutive de modules permet d’accompagner la pente, préservant ainsi la nature du site et sa topographie. Le détachement en deux bloc vise à créer le passage. Dans l’axe de la porte d’entée d’un voisin, un signe de respect envers le «déjà là». Tandis que l’alignement sur la rue renforce le tissu urbain, une mise à distance avec le ruisseau permet d’offrir un espace paysager extérieur et une aire de stationnement en cœur d’îlot. Cette implantation respectueuse, au proportions réfléchies vise à ce que le projet soit accepté et appréhendé par les habitants du quartier, premiers concernés.

Figure 1

Figure 2

« Nous avons rencontré les riverains pour leur expliquer la vérité du projet, plus douce que leur craintes. […] Nous voulions qu’ils partagent tout l’effort de mise en situation envisagé pour respecter leur présence première. »99

Figure 3

Figure 4

L’architecte accorde une grande importance à la couleur et à la matérialité. Le banc, tiré du nom du site et des façades avoisinantes et plus largement des nombreuses maisons typiques à la Bretagne, domine l’alignement sur la rue dans une apparente neutralité. Il inscrit l’opération dans son contexte urbain, physique mais aussi dans son contexte culturel, témoin d’un patrimoine immatériel régional. En cœur d’îlot , chaque volume sonne d’une teinte différente, rappelant la présence forte de la couleur dans la ville de Morlaix. Ce choix appuie la volonté d’individualiser les logements, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance de l’usager, lequel peut aisément se rattacher à « sa » couleur, son lieu de vie. Fort de son éthique l’architecte tente d’offrir à chaque usager un logement à soi. Il part du principe que dans 20 m² il y un monde. Cette ambition, répondant à la typologie des logements commandés par la maîtrise d’ouvrage, se traduit de la volumétrie générale au plus petit détail. 99 MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003. p. 100

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Figure 5

Cette série colorées de 10 volumes cylindriques emboîtés de deux niveaux chacun, offre 20 studios tout équipés. Chaque tambour regroupe deux appartements, outre une place de parking réservée, chaque logement est doté d’un accès privatif, soit un escalier métallique pour accéder à l’étage ou un porche au rez de chaussé. L’organisation d’un module de deux logements régit l’articulation des espaces intérieurs. Le concept est simple. Autour d’une colonne carrée, véritable gaine technique, se déploie et se replie un voile de béton arrondi, créant ainsi un écrin, un morceau de monde intime.

Figure 6 100 101 102 103 104 105 106 107

Figure 7

L’étudiant entre par la faille créée entre le voile et la colonne, ce resserrement renforce le sentiment de pénétrer dans un espace privé. Une fois introduit, l’espace principal offre toutes les commodités : bureau, lit, petite cuisine, rangements et table. C’est depuis l’entrée que l’on accède à la salle de bain et aux sanitaires. Ces derniers, intégrés à la colonne tout comme la cuisine, permettent de centraliser les circulations de fluides, de superposer les nuisances sonores, d’optimiser chaque centimètre carré. Optimiser, concentrer, exalter sont les mots qui ont dicté le dessin de Madec. Figure 1 Logements polychromes, côté rue, en descendant. Photomontage, d’après un cliché de BOY.Y, 27,03,2015 Figure 2 Rapport à l’eau et au paysage, Photomontage, d’après un cliché de BOY.Y, 27,03,2015 Figure 3 Blanc sur rue, dialogue avec l’existant, Photographie SCHOELLKOPF J-L. MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003. p. 100 Figure 4 Passage, respect de la présence, Croquis, BOY.Y Figure 5 Logements polychromes, cœur d’îlot : Photomontage, d’après un cliché de BOY.Y, 27,03,2015 Figure 6 Dessin à la main, atelier philippe madec, MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003. p. 208 Figure 7 Un tambour, deux logements, Photograhie, BOY.Y, 27,03,2015 Figure 8 Plan d’un logement pour étudiant, échelle 1/125, atelier philippe madec MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003. p. 208

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Précis, celui-ci trouve un moyen pour distinguer chacun des espace lié à un usage particulier. Dans ce petit volume, chaque usager bénéficie de quatre fenêtres, une pour le bureau, une pour l’alcôve et son lit, une pour la cuisine et enfin une dans la Salle de Bain. Chaque logement est traversant, offrant à l’étudiant un confort en terme de lumière et de ventilation naturelle. De plus ces ouvertures créent des ambiances différentes et renforce la composition du studio en différents lieux. La matérialité fait écho à cet effet. Au sol, quatre revêtements différents pour quatre lieux distincts : carrelage dans la salle de bains, linoléum en dalle pour l’entrée/bureau, moquette pour le pied de lit, linoléum en lès pour la cuisine.

Intérieur d’un logement, ambiance Photographie SCHOELLKOPF J-L. www.atelierphilippemadec.fr

Ces dispositifs et ce souci du détail, bien que simples en apparence soulignent les intentions du concepteurs de vouloir recréer un monde dans chaque logement. L’affirmation d’espaces distincts renvoie à la composition traditionnelle de l’habitat occidental contemporain, une pièce/un usage. Chaque usager doit pouvoir se rattacher aux espaces dans lesquels il à vécu auparavant. Il peut dans ce studio, faire son nid, s’installer, s’y sentir bien, s’y sentir chez lui. Il peut passer du statut d’usager, d’étudiant à la condition d’habitant. « (le mur, le plancher, le toit) deviennent ta mesure, ton unité, l’harmonie de ton univers en fin de compte, la référence qui ne se dit pas […] mais que tu transféreras sur tous les lieux [...] »108 Ces mises en lumière semblent incontournables pour montrer la force de l’ambition de Madec. Au delà de 20 logements pour étudiants, ce sont 20 mondes qui ont été créés. Cette présentation d’un des premiers projets de l’architecte démontre sa démarche humaniste, son éthique. Madec parvient à dépasser la commande, il va au devant de la matière pour toucher l’homme, l’habitant en lui offrant un espace à vivre : un lieu à lui. Pour reprendre les propos de l’architecte, « Les murs, les planchers les toits [...] installent le lieu où l’essentiel de l’homme se réfugie. […] Ce chez soi qui attache chacun à son logement est le rempart fragile [...] contre la puissance dévastatrice de cette impie Médée, notre mère nature, et contre la barbarie de l’autre, et encore contre la pénurie de soi. » L’éthique développée par Madec donne la force de son dessin. Ce dessin est à la recherche de l’équilibre entre les paramètres économiques, environnementaux, sociaux et culturels. C’est son positionnement qui lui donne les clefs pour instaurer un rapport intime entre l’habitant et son habitat, son environnement, son voisinage, son territoire : son quotidien. 108 MADEC Philippe, L’architecture et la paix, éventuellement une consolation, Paris, Jean Michel Place, 2011. p. 66

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Viavino®, Pôle œnotouristique du pays de Lunel Saint-Christol, hérault, 2006-2013

Viavino® le pôle œnotouristique du Pays de Lunel se situe dans la commune de Saint-Christol dans le département de l’Hérault, dans le sud ouest de la France. Mis sur les rails en 2008, le complexe à été livré en 2013. La communauté de communes à l’origine de ce projet souhaitait redynamiser son territoire en faisant la synthèse de sa filière viticole et du tourisme. C’est autour d’une volonté commune des pouvoirs publics, des acteurs privés et des habitants que s’esquisse Viavino® . La parcelle choisie fait deux hectares. Située en contrebas du centre bourg médiéval, elle est à l’articulation des différentes morphologies urbaines du village. Pâture agricole non bâtie, le terrain présente un fort potentiel urbain. La topographie traduit l’implantation du village sur un coteau. Le champ bordé d’arbres descend doucement du centre au cimetière. Il offre des cadrages sur le vignoble qui baigne le bourg rural. Après une phase de programmation menée par l’atelier de CPO- les m² heureux109 ayant permis de définir les fonctions, le public ciblé, les objectifs etc, l’atelier Philippe Madec est retenu en décembre 2008. Toujours dans une logique d’éco-conception humaniste, L’architecte séduit la maîtrise d’ouvrage par un discours et une réponse urbaine et architecturale au delà des attentes. Il parvient à faire la synthèse des intentions et volontés des différents acteurs du projets, la maîtrise d’ouvrage trouve un écho à ses ambitions dans le travail du praticien. Dans un souci de sobriété ce sont 1.400 m² répartis en 7 bâtisses qui ont été réalisées. Fort de sa démarche intégrative initiée à Plourin-lèsMorlaix et perfectionnée pendant la décennie qui à suivi, Madec commence son travail par une étude minutieuse du territoire110, une écoute patiente des commanditaires, des viticulteurs, des habitants de Saint-Christol et des futurs usagers du complexe. Il prolonge son étude au plus près de la réalité matérielle, environnementale, économique et sociale. Sa réponse tire au mieux parti des filières courtes locales, de leurs richesses physiques et humaines.

Croquis, plan masse dessin à la main P. MADEC, Atelier Philippe madec www.atelierphilippemadec.fr 109 Dominique Ingold & Denise Pradel, Conseils, programmation & Organisation (CP&O) les m² heureux est un cabinet de programmation parisien fondé en 1990. Pour ses fondateurs, au-delà d’une compétence technique, la programmation représente avant tout un apport méthodologique. Equipe pluridisciplinaire, sa finalité est de cerner et de hiérarchiser au mieux les enjeux et les contraintes de la maîtrise d’ouvrage, de trouver les problématiques essentielles afin de pour préconiser les solutions et les procédures ad hoc. 110 Voir, Présentation, MADEC Philippe, « L’ambition éco-responsable, quand l’exigence libère de l’obligation et de la contrainte », Colloque Ambitions Urbaines, ANABF, Lyon, 19 octobre 2012

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« La construction d’une nouvelle architecture nous confronte au dialogue historique qui existe sur un site. L’insertion fait appel au temps et à la culture. »111

L’implantation se fait en haut de parcelle. Le parti pris est de prolonger, suturer le village par le bâti et des espaces publics. Madec dispose 6 bâtiments s’apparentant à des granges agricoles et un dernier comme un panier renversé. Viavino assume une architecture languedocienne. Rurale, issue d’une économie viticole elle déploie une spatialité vernaculaire. L’échelle est idoine : les 7 bâtiments reprennent la taille de ceux du bourg. Les volumétries réinterprètent les archétypes agricoles, mas agricole, hangar, granges, borie112, font écho à la « figure historique cohérente »113 du lieu et de ses habitants. Cet appel au patrimoine immatériel, cette démarche d’intégration au contexte existant renvoi au respect de la présence, au respect du lieu et de ceux « déjà-là ». « J’ai repris le principe développé par le CAUE, celui d’un centre élargi en installant plusieurs bâtiments dont les dimensions existent déjà dans le bourg.»114

Le pôle est organisé simplement, un bâtiment répond à une fonction établie par le programme. On y trouve un atelier découverte et animations, l’office du tourisme, une salle d’expositions, un parcours de découverte de la vigne et des cultures locales, une salle pour l’accueil de séminaires, un point de vente, une location de vélos et un restaurant. Les bâtiments sont construits sur le même principe, celui de la structure simple et économique des hangars agricoles. La succession de portiques en lamellécollé sur une trame de 1,05 m a plusieurs subtilités : variations sur le contreventement qui modifient la perception de l’espace ; adaptation de l’essence à l’emploi pour éviter un traitement chimique (épicéa à l’intérieur, douglas à l’extérieur) ; position variable de part et d’autre du mur massif intérieur, qui détermine alors l’atmosphère de chaque lieu. Viavino® met en œuvre une variation de dispositions spatiales et techniques en vue de créer un cadre de vie agréable aux atmosphères variées : matériaux sains, omniprésence de lumière naturelle, protection solaire extérieure, ventilation naturelle et inertie pour le confort d’été, etc. L’ensemble de l’opération s’inscrit dans un aménagement public de deux hectares qui décline des séquences variées sur le thème de la vigne. Saint-Christol y trouve à la fois un jardin public et une place de village. Très prisé en été par les touristes, Viavino® est au quotidien un lieu de détente pour les habitants de la commune : ses aménagements extérieurs, réservés aux piétons, sont accessibles toute l’année. A l’ombre d’une canopée, quelques anciens se retrouvent pour jouer à la pétanque ; un peu plus loin les enfants jouent sur l’aire qui leur est réservée. Viavino® se trouve de par ses ambitions, sa programmation et son insertion urbaine à l’articulation des différentes échelles et acteurs concernés. A l’échelle du territoire de la Communauté de communes du Pays de Lunel, à l’échelle de la Commune de Saint-Christol et de ses habitants enfin à l’échelle de l’usager, de l’habitant temporaire ou du visiteur quotidien de ce nouveau vecteur de vie. « Dans une continuité fluide entre intérieur et extérieur, les lieux affirment leurs atmosphères, situations, orientations et ambiances spécifiques, adaptées au programme et au site. En accompagnement des architectures, le paysage s’installe au plus près du terrain. Il conforte la forte volonté du projet : créer un lieu de vie partagé. Les lieux et les matières apportent à l’extérieur le même confort paisible et joyeux que celui apporté par les architectures. Un choix des matériaux locaux et d’essences indigènes prolonge le grand paysage déjà là. »115 111 Philippe Madec, HOYET Nadia, « Architecture, l’insertion du bati dans le site, entretien avec Philippe Madec » Mag arts, CNDP – CRDP, Octobre 2002, http://www2.cndp.fr 112 Borie : Aussi nommé Capitelle (en occitan capitèla), cabane de berger construite en pierre sèche. 113 Définition de « culture » selon RICOEUR Paul, Histoire et Vérité, éd. du Seuil, Paris, 1955, p.296 114 Philippe Madec in GLAIZOL Sylvaine, «Des équipements publics nouvelle génération» Chicane le journal du CAUE 34, n°89, Février 2011 115 MADEC Philippe, Note d’intention pour le pôle œnotouristique du Pays de Lunel, Panorama Prix National de la Construction bois http://www.prixnational-boisconstruction.org

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Viavino, modernité rurale Photographie P. MADEC, Atelier Philippe madec GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014 Troisième de couverture

Plan masse paysager Montage sur vue aérienne P. MADEC, Atelier Philippe madec GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014 pp. 9-10

Fluidité intérieur/extérieur à travers les baies du restaurant P-Y. Brunaud Atelier Philippe madec www.atelierphilippemadec.fr

Chacun son lieu Photographie D. GAUZIN-MÜLLER, GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014 p. 40

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L’équipe a misé sur les bio-ressources, l’économie circulaire et la traçabilité des matériaux : chacun des bâtiment est, selon son usage, une composition spécifique de bois, de pierre et de terre. Dictée par la volonté de valoriser les ressources du territoire, cette démarche culturelle et économique en faveur des pratiques rurales et des filières locales, donne à cette opération son visage « low-tech ». On retrouve au cœur de Viavino® des traces du passé. L’utilisation de la pierre sèche revivifie des savoirs faire séculaire, les techniques et savoirs faire artisanaux mis en œuvre inscrivent l’opération dans une modernité rurale au cœur de son territoire. Le bois est à l’honneur, utilisé structurellement pour les 6 hangars, il se retrouve dans tous les éléments du projet, des façades au comptoir des saveurs. Toutes les essences se trouvent dans l’hexagone et sont issues de forêts gérées durablement. Viavino® à anticipé les décisions nationales, en effet, en décembre 2013, la filière bois-forêt a été déclarée d’intérêt public, valorisant ainsi des ressources pour la construction en circuits-courts et participant à la création d’emploi en milieu rural. Les matériaux connexes n’ont pas été mis à l’écart. La halle camarguaise, au sud-ouest du site ressemble à un empilement de palox, ces caisses de bois servant à la récolte des fruits. Unité que l’on retrouve sur les autres bâtiments du site comme mesure des bardages. Sans oublier la tôle ondulée qui remplit son usage dans le meilleur rapport qualité-prix pour la pérennité du bâti. Matériau paysan, la tôle à une longue histoire dans l’architecture agricole, elle joue ici avec les parements en bois ajourés, dans un registre résolument contemporain et rural. L’utilisation de ces formes, techniques, matériaux fait appel à l’histoire locale, Viavino est un ensemble complexe qui fait la part belle au patrimoine matériel et immatériel des Saint-Christolains et plus largement des habitants du Pays de Lunel et du Sud ouest de la France. Plutôt que de technologie sophistiquée, il s’appuie sur des dispositifs économiques et populaires « Le pôle œnotouristique de Saint-Christol met en œuvre des solutions architecturales et techniques inhabituelles, hors normes mais adaptées aux techniques et filières locales, ainsi qu’au mode d’usage très intermittent d’un tel équipement, aux pratiques rurales habituées à gérer les cycles naturels et qui privilégient le « faire soimême » aux automatismes. »116 Le concepteur a fait un double pari. D’une part, le pari d’une énergie gratuite car naturelle et présente sur le site. Inscrite dans la démarche bio-climatique, la conception tire parti des éléments, le vent et l’air, le soleil sa lumière et sa chaleur, les matériaux et leur comportements, isolation, inertie, transparence opacité. D’autre part le pari est fait sur des installations techniques adaptées et « low-tech », pour cela la maîtrise d’œuvre compte sur l’énergie humaine rurale. Les ruraux ont une grande capacité à agir sur leur propre environnement, permettant ainsi de faire ces choix techniques qui favorisent le bon sens et l’action des usagers aux systèmes automatisés. Un puits provençal assure une température constante de 14°C et le renouvellement d’air de la salle de séminaire. Ce dernier est naturellement rafraîchi en été et préchauffé en hiver en profitant de la température constante du sol. Pour l’hiver c’est une chaudière collective au bois qui assure le chauffage des locaux occupés en permanence. Dans l’espace d’exposition et la salle de séminaire utilisés par intermittence, des poêles à bûches d’appoint sont mis en route par le personnel et les usagers selon la fréquentation. « Une lumière et une ventilation naturelles, de beaux espaces qui respirent et inspirent à la réflexion, sont autant de bienfaits qui nous font oublier les petits efforts techniques au quotidien. Évoluer à l’intérieur de bâtiments sains est une véritable chance pour nous, usagers. »117

116 MADEC Philippe, Note d’intention pour le pôle œnotouristique du Pays de Lunel, Panorama Prix National de la Construction bois http://www.prixnational-boisconstruction.org 117 ARENDS Joyce, Directrice de Viavino® in GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014

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Figure 1

Figure 2

118119120121122123124

Figure 3

Figure 4

Figure 5

Figure 6

Figure 7

Figure 1 Borie du Caveau/Boutique, Photographie de P-Y. Brunaud, Atelier Philippe madec, www.atelierphilippemadec.fr Figure 2 Matériaux à l’œuvre, Photographie de P-Y. Brunaud, GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014, Figure 3 Dialectique bois, P-Y. Brunaud, Atelier Philippe madec, www.atelierphilippemadec.fr Figure 4 La halle camargaise en Palox, Photographie de P-Y. Brunaud, Atelier Philippe madec, www.atelierphilippemadec.fr Figure 5 Vue de l’opération à la livraison, Photographie de P-Y. Brunaud, Atelier Philippe madec, www.atelierphilippemadec.fr Figure 6 Stratégie du Froid, logique de confort d’été, Atelier Philippe madec, GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014, p. 38 Figure 7 Stratégie du Chaud, logique de confort d’hiver Atelier Philippe madec, GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014, p. 38

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«Oser la rencontre avec ce qui est universel sur cette terre : la spécificité, la différence, l’altérité. Et oser ainsi le partage, au sens de la «théorie des échanges» qui œuvre au cœur du développement durable. Aux interactions dynamiques entre l’homme les bâtiments et les éléments naturels se superposent alors le dialogue entre les gens : maîtres d’ouvrage, maîtres d’oeuvre, maîtres d’usage et artisans sur le chantier»125

Figure 8

Figure 9

« De part ces choix l’empreinte écologique est faible, toutes les ressources mises en œuvre sont choisies au mieux de leur pertinence au service d’une sobriété heureuse. »126 Portée par tous les acteurs de l’opération, la démarche de développement durable se retrouve à toutes les échelles, du grand territoire aux détails constructifs et dans toutes les étapes, de la programmation à la livraison. La dynamique du projet s’appuie sur les quatre piliers du développement durable , économique, environnemental, social et culturel. Inscrite dans la doxa « Penser local, agir global » cette opération répond aux enjeux et aux ambitions qu’elle pose en amont de sa réalisation. Elle y répond par « des solutions adaptées à l’environnement local tout en prenant en compte les conséquences culturelles, sociales, économiques et environnementales sur un contexte élargi au territoire et à toute la planète. »129 Viavino® peut être considéré comme une opération exemplaire ouvrant la voie à la transition énergétique et écologique dans laquelle la production du bâti doit s’engager. Elle convie une commune, ses habitants et tout un territoire à un développement durable au travers d’une opération urbaine et architecturale éco-responsable réussie. 125 MADEC Philippe, «oser», GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014, p.8 126 GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014, p.38 Figure 8 En visite, Photographie D. GAUZIN-MÜLLER, GAUZIN MULLER Dominique, MADEC Philippe, Viavino, Modernité Rurale, Paris, Jean Michel Place, 2014, p. 22 Figure 9 A l’intérieur du Caveau/boutique, Maison du Tourisme du Pays de Lunel, 2014 129 JOURDA Françoise-Hélène, Les 101 mots du développement durable à l’usage de tous, Paris, Archibooks + Sautereau, 2011.

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Ces deux analyses, aux programmations différentes, aux contextes environnementaux et culturels différents, à 20 ans d’intervalle dans la carrière de Philippe Madec témoignent de la démarche et de la posture de l’architecte. Les logements pour étudiants à Plourin-les-Morlaix sont une de ses premières réalisations. Fort de son positionnement philosophique et de l’approche théorique de son exercice, il apparaît que Madec essaie, au début de sa carrière, de concrétiser, matériellement, spatialement, ses volontés. Déjà la prise en compte du contexte et la multitude de ses échelles, montre les prémices de ce qui sera 20 ans plus tard, une manière nouvelle de faire le projet. La prise en compte de la culture chez Madec n’apparaît pas après les imbroglios du développement durable en France, non, chez le praticien la dimension ontologique de l’architecture, le positionnement éthique du praticien et la portée politique du projet sont déjà présentes. Son «école», fut le chantier mené sur la commune de Plourin-lesMorlaix. Ces années de pratique au service d’un territoire et des gens qui l’habitent, avant tout au service des gens qui l’habitent, n’ont fait que renforcer ses pistes. Son ouvrage, Le temps à l’oeuvre citoyen,130 publié en 2004 retrace l’expérience vécue sur le terrain durant 15 années, des premiers pas dans le bourg à l’éclosion d’une nouvelle vie de village ; de la source131 à un bourg séculaire contemporain132. Convaincu, Madec n’a de cesse de poursuivre sa recherche. Le projet, le contexte, la présence, la figure, l’essentiel, la part commune, le temps et la durée, l’espace et la mesure, la parole, les autres, l’éthique133 deviennent les matières de l’accord. L’accord, cet en-commun, naît des «figures historiques cohérentes»,il naît de «la culture». L’architecture participe de la culture, elle en est une de ses matérialisations. L’architecte par le projet, se doit de trouver l’accord. Selon Ricoeur, «la culture n’est plus le contexte de nos actions elle est la condition même de leur accomplissement»134, c’est au coeur de la culture qu’il faut chercher l’accord. Pour le pôle oenotouristique, la recherche de l’accord, permet à Madec et son équipe de transcender la demande de la maitrise d’ouvrage. La démarche attentive, immersive de l’architecte et de ses collaborateurs, l’approche culturelle, le temps et la parole donnent naissance à un manifeste. Alors que la standardisation bat son plein, à Viavino l’on cultive la différence. Madec y cultive surtout l’échange, qui sera la véritable force de ce projet. Son exercice, dans le contexte du « développement durable à la française» s’appuie sur l’avènement de la notion à différentes échelles de territoire et chez les acteurs de la production du cadre bâti. Ces changements d’échelle et de sens, cherchent à générer une nouvelle manière de faire le projet. Le développement durable, dans les territoires, chez «les autres» , même en dehors des métropoles technocratiques, cherche à se concrétiser. Porté par la culture, ce développement se veut équitable et durable. Alors porteurs d’une volonté commune de trouver l’accord, tous les acteurs partagent la même ambition, celle de faire mieux. Madec en fait sa doxa . A la fois avec les mots, qu’il aime tant, lors d’une conférence à Lyon en 2012, «l’ambition éco-responsable collective l’emporte sur tout, l’exigence libère de l’obligation et de la contrainte. [...] Ce qui fait autorité aujourd’hui, c’est le projet partagé, bienveillant, fondé dans la cohérence des figures historiques locales, les cultures»135. Et aussi dans les actes, architecturaux du moins, comme le montre l’analyse. 130 MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003 131 «A la source», MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003 132 «Un bourg séculaire contemporain», J.F. POUSSE, MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/Objet, Paris 2003, pp 215-230 133 «Trouver l’accord» LAGUARDA Alice, MADEC Philippe, Plourin-lès-Morlaix : Le temps à l’œuvre citoyen, Sujet/ Objet, Paris 2003, pp 126-211 134 RICOEUR Paul, Histoire et Vérité, Seuil, Paris, 1964 (3e. édition) p. 296 135 MADEC Philippe, « L’ambition éco-responsable, quand l’exigence libère de l’obligation et de la contrainte », Colloque Ambitions Urbaines, ANABF, Lyon, 19 octobre 2012

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Murcutt et Madec, tout deux reconnus pour leur prise en compte de la culture et leur lecture attentive du territoire dans lequel ils implantent leurs projets, attachent leurs démarches à cette approche globale et multi-critères que Marie Hélène Contal et Dominique Gauzin Müller appellent «démarche éco-responsable». Les deux praticiens fondent leur exercice sur une analyse précise de l’environnement, à la fois naturel et humain. Ils mettent en place des approches que Rapoport qualifierait d’«anthroplogiques». Tout deux attachés à la prise en compte de la culture, ils n’hésitent pas à jouer avec ses composantes telles qu’énoncées par le chercheur Australien, à savoir, les valeurs, visions du monde, idéaux, images, significations, modes de vie, normes, standards, règles et systèmes d’activités.136 Et ce, dans le but de concevoir au plus près des désirs des usagers. Réinterprétant le concept de développement durable au travers de l’architecture, ils proposent des bâtiments laissant une certaine marge de manœuvre. L’économie et la durabilité insufflée dans le projet exigent des environnements créés qu’ils répondent aux changements, à mesure que le temps passe et ce tout au long de leur vie. André Potvin parle d’architecture adaptative, Rapoport parle lui de projet ouvert. Le projet peut alors prendre des tournures différentes. Une multitude de méthodes, de démarches naissent de la diversité des contextes et des cultures dans lesquelles elles s’implantent. Toutefois l’analyse nous montre que la constante reste le positionnement du praticien. La volonté du projeteur de se détacher de sa propre culture et d’enraciner le projet dans la culture de l’usager donne lieu à une multitude de réponses aux enjeux posés par le développement durable et par l’état actuel de la planète. Alors ancrées dans la culture, les réponses entrent en résonance avec les préceptes du nouvel humanisme défendu par Irina Bokova. Cette prise en compte de la culture et plus généralement des dimensions humaines dans les processus de conception permet de mettre en place des réalisations socialement équitables, écologiquement soutenables et économiquement viables, reprenant à leur compte les qualités de la démarche éco-responsable. Ces quatre analyses mettent en lumière les liens étroits entre culture et architecture. Pour le compte d’un développement durable aujourd’hui contraint par de nouvelles réglementations, si elle est supportée par la culture et ancrée dans le territoire qui y est lié, l’architecture participe à l’évolution des systèmes de valeurs et des modes de vie. Il serait possible de dire que l’architecture éco-responsable participe à la mise en place d’un développement durable. Il est temps alors d’aborder la troisième et dernière partie de ce mémoire. Fort de l’approche théorique développée en première partie et à la lumières des analyses précédentes ce dernier volet du propos s’attardera sur un corpus de projets situé en France, dans le Grand Ouest. Après une explication du choix des projets, ce sont trois réalisations qui passeront par les critères de la prise en compte de la culture dans la conception et les critères de l’architecture éco-responsable. 136 Voir l’illustration d’Amos Rapoport, Page 23

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BRETAGNE Mars 2015

VERS

UN RÉGIONALISME

PARTIE 3

TOUR DE

CRITIQUE ?

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Corpus breton

Approche régionaliste ?

Cette dernière partie se veut plus empirique. Après la théorie et l’analyse du travail de deux architectes reconnus, il est question d’ouvrir l’argumentaire à un corpus de projets encore peu ou pas analysés. Le choix des trois opérations n’est pas anodin. Alors que les logiques de développement durable appellent à une recontextualisation des processus de conception, que les projets analysés révèlent un changement d’échelle, il m’a semblé important d’aborder ce corpus au travers d’un territoire et d’une culture. J’ai essayé de déterminer une sorte de « figure historique cohérente », présente (temps) et géographiquement située (espace). J’ai choisi de traiter la problématique de ce mémoire à une échelle de territoire qui m’a semblé pertinente : le « Grand ouest ». Le choix du titre de cette sous partie « corpus breton ? » me permet d’interroger à la fois une aire géographique et une « ère » culturelle. « Le Grand Ouest est une notion géographique assez mal délimitée, utilisée pour désigner les régions du Nord-Ouest du pays. Ne correspondant à aucune unité historique ou entité administrative, il regroupe en général la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays de la Loire. Le Poitou-Charentes et, plus rarement, la Haute-Normandie, y sont quelquefois incluses. »137. j’ai fait le choix de reprendre cette définition à ma manière, en me basant sur des données concrètes. Quelques petites explications s’imposent. Ayant grandi en Mayenne, dans les Pays de Loire, à 75 Km de Rennes, capitale bretonne, issu du milieu rural, j’ai très tôt été attaché à la dimension naturelle de mon environnement. Les modes de vie et les systèmes d’activités de mon enfance m’interrogent. La manière d’habiter ce territoire à soulevé chez moi quelques reflexions. Après ces quelques années de formation en École d’Architecture, est née une nouvelle manière de voir mon rapport au territoire, une nouvelle manière de « lire mon habitat ». Ce nouveau regard critique, porté en partie par la formulation de ce mémoire, m’a donné envie d’aborder sous l’angle particulier de la problématique, des productions architecturales de cette région, de « mon territoire ». Cette culture, ce territoire que j’ai partagé plusieurs années, puis revisité en mars dernier, me semblent tout aussi difficiles à définir que le laisse entendre Amos Rapoport dans le chapitre « l’échelle propre à la culture »138 . Ces entités immatérielles, conceptions de l’esprit semblent insaisissables. Toutefois quelques éléments me permettent de définir cette « figure historique cohérente ». L’échelle de territoire choisie renvoie à une conception à la fois économique, politique, culturelle, sociale. Cette entité peut aussi être, tant bien que mal, délimitée géographiquement. 137 En rapport avec le « Projet 2030 » de l’agglomération Nantaise dont le texte à été adopté en 2012, Plus d’information sur le site « Ma ville demain, inventons la métropole nantaise de 2030 », http://www.mavilledemain.fr/ 138 Voir le sixième chapitre de RAPOPORT Amos, Culture, architecture et design, Infolio, Lausanne, 2003, surtout la conclusion pp115-116.

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Pour se faire une idée, il suffit de jeter un œil aux logiques de développement du territoire mises en place et les logiques inter-régions qui existent : transports, production, infrastructures, développement urbain et métropolitain. Bien qu’abstraite cette notion voit le jour, portée par les acteurs du développement territorial. Partant du principe que cette région est excentrée de la grande dorsale européenne, les aménageurs font valoir ses richesses. Depuis plusieurs années maintenant, un rapprochement entre les régions administratives tente d’esquisser des logiques de développement communes. C’est en 2004 qu’est créé « l’Espace métropolitain LoireBretagne » réunissant les principales métropoles du « Grand Ouest ». Autour d’une volonté commune de « travailler ensemble au rayonnement du Grand Ouest […] les cinq métropoles s’emploient à renforcer les liens dans les domaines du développement économique, des infrastructures de transports, de la promotion du développement durable et de l’innovation. »139. Porteuses des dynamiques démographiques et économiques de la région, ces villes se sont réunies pour participer à la mise en place de pôles métropolitains en France (voir la législation en vigueur à partir de 2010). Elles regroupent à elles seules, 1,6 millions d’habitants. La métropole Nantes-Saint Nazaire en réunit pas moins de 800 000, tandis que l’agglomération rennaise en compte 400 000. Cet espace métropolitain à un fort potentiel économique, dans le top 30 des PIB européen. Les objectifs sont de miser sur « L’équilibre entre des ressources naturelles diversifiées, un socle industriel historique et un secteur tertiaire en plein essor. Le pôle métropolitain favorise le développement des filières stratégiques en soutenant particulièrement l’innovation, la formation et la recherche. »140. Tandis que ce sont 20 000 nouveaux habitants qui s’installent chaque année, la question de l’aménagement du territoire paraît cruciale. D’ailleurs pour l’instant, outre les prémices d’une coopération politique inter-régions, inter-métropoles, ce sont surtout des grands chantiers d’infrastructures141 qui sont portés par cette nouvelle entité, dans un objectif de développement territorial mais surtout métropolitain. Là n’est pas le fond de cette partie. La critique de ce modèle de développement n’est pas non plus l’objectif du propos. Ces quelques informations permettent de mettre en lumière un phénomène. A la lecture de différents documents, il apparaît dans les lignes politiques du futur aménagement du territoire, la volonté de voir émerger une nouvelle entité économique et sociale. N’assistons nous pas à l’avènement d’une nouvelle « figure historique cohérente » ? Cette hypothèse renvoie au changement d’échelle impulsé par le développement durable, tel qu’il à été illustré auparavant. Ce changement d’échelle pose la question du contexte, contexte naturel, contexte humain, contexte bâti. Cette mise en place progressive d’un maillage territorial demande d’aborder les questions d’aménagement du territoire et appelle la définition de cette notion. 139 Citation extraite du site officiel de l’espace métroplotain loire-Bretagne, www.polemetropolitainloirebretagne.fr/ 140 Voir la plaquette de présentation de l’espace métroplotain loire-Bretagne « The good temp’o ? », Nantes Métropole Développement, nantes, Février 2013 141 10 Milliards d’investissement dans les « Grands Projets », fait référence au réseau ferroviaire, LGV Bretagne Pays de Loire, aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, Saint Nazaire, Notre Dame des Landes. Voir les documents, le The Good Temp’O et le cahier d’acteur n°3 – Débat public – Projet LNOBPL à l’adresse http://www. polemetropolitainloirebretagne.fr/category/espace-ressources/

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Dans son ouvrage intitulé Le projet local142, Albertho Magnaghi définit la notion de territoire, comme « le produit d’un dialogue poursuivi entre des entités vivantes, l’homme et la nature, dans la longue durée de l’histoire. […] il est le fruit d’un acte d’amour, il naît de la fécondation de la nature par la culture. ». Alors que la métropolisation grandissante, à l’image de l’espace métroplolitain loire-bretagne, s’est progressivement affranchie du territoire, l’a consumé, « la qualité de notre habiter s’est peu à peu dégradée. » L’auteur défend l’idée que « C’est dans des actes recréateurs de territoire que réside le germe d’un développement réellement soutenable. » Ce positionnement renvoie à ces nouvelles logiques qui naissent dans le mouvement du développement durable, à savoir une re-contextualisation des actions et de la production, plus largement une territorialisation des modes de vie, donc de l’habiter. Ce nouvel éco-système territorial, Magnaghi l’explore sur le terrain et par la recherche. La complexité des approches de son ouvrage répond de l’approche multi-critère développée par l’architecture écoresponsable telle que définie par Dominique Gauzin-Muller. L’échelle de la « BioRégion » considère la ville comme une « région urbaine, […] cette démarche nous invite à « compter sur nos propres forces », dans un contexte où les relations entre global et local sont de plus en plus hiérarchisées et où la prolifération des réseaux crée une alternance incessante entre fermeture et ouverture des systèmes locaux, [...] ». Cette échelle et sa tendance à la fermeture locale de tout les circuits (déchets, eau, alimentation, mobilité, énergie locale) « constituent un scénario projectuel qui contribue à réduire l’empreinte écologique ; rétablit des relations d’échange entre ville et campagne ; améliore la qualité de l’habiter ; délimite les frontières de l’établissement. [...] ». Il semble répondre aux enjeux posés par le développement durable. Cette échelle semble intéressante à observer. Ce positionnement renvoie au régionalisme critique, cette figure théorique née dans les années 1970. Les lectures faites pour ce mémoire ont plusieurs fois rapproché le sujet d’étude avec ce concept. Pour des raisons évidentes de synthèse, il est difficile de faire part d’une vision globale de cette pensée. Dans leur ouvrage, publié en 2012143, Liane Lefaivre et Alexander Tzonis voient dans le régionalisme critique une réponse viable à la standardisation de l’architecture contemporaine et des paysages. Ils retracent l’histoire de ce mouvement et mettent en avant les défis sociaux comme environnementaux qu’il peut permettre de surmonter. Comme le concluent les auteurs : « le régionalisme s’oppose en permanence à la centralisation et l’universalisation pour encourager la décentralisation et l’autonomie ». Pour eux, ce mouvement s’inscrit dans la continuité d’une longue succession d’architectes s’étant « opposés à une norme autoritaire et à une approche universelle », recherchant des moyens différents de construire, de façonner des paysages et des villes, qui « réaffirment la particularité d’une région, son environnement et ses composantes uniques, le caractère spécifique de sa culture, et enfin le mode de vie de ses habitants »144. La bio-région, le projet local, le régionalisme critique sont les sources qui ont orienté ce choix de corpus. Ces trois projets, aux programmations différentes, aux architectes différents, contextes locaux différents et aux porteurs de projets différents (maîtrise d’usage et maîtrise d’ouvrage), cependant les trois projets c’est qu’il partagent la même aire géographique et culturelle. Ils se situent tout trois dans cette « figure historique cohérente » naissante définie pour ce mémoire, le « Grand ouest »145. D’autre part, ils ont été tout trois reconnus pour leur dimension « environnementale » et leur démarche « éco-responsable ». 142 MAGNAGHI Alberto, Le projet local, Mardaga, Liège, 2003 143 LEFAIVRE Liane, TZONIS Alexander, Architecture of Regionalism in the Age of Globalization : Peaks and Valleys in the Flat World, Routledge, Londres et New York, 2012 144 Voir article en ligne BRITTON K, Traduit de l’anglais par DELARBRE Alice, « L’architecture du régionalisme critique », métroploitiques.eu, 15/03/2013, consulté le 07,04,2015 www.metropolitiques.eu/L-architecture-duregionalisme.html 145 Voir Figure XX page XX

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Carte du «Grand Ouest» Localisation des opérations Yoann BOY google maps

Ces trois projets seront analysés au regard de la prise en compte de la culture, toujours d’après la grille d’analyse de Rapoport et d’autre part, au regard de l’approche multi critères de l’architecture « holistique ». Un retour critique sur ces trois analyses et la démarche mise en place dans ce dernier volet viendront clore la partie et annoncer la conclusion de cet écrit. La prise en compte de la culture et de la dimension humaniste de l’architecture dans les processus de conception appuie-t-elle un développement durable territorial ? La prise en compte du développement durable dans l’architecture permet elle d’esquisser une nouvelle manière de vivre le territoire, plus juste humainement et écologiquement ? Cette contextualisation, si elle s’opère dans le projet, permet elle d’ajouter des qualités architecturales particulières ?

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Eden Square

Hauvette et associés

87 Logements collectifs Avenue François Mitterrand, Square Christian Hauvette ZAC Rives de Blosnes, Quartier des 9 journaux 35135 Chantepie, Sud de l’agglomération Rennaise, Ille et Vilaine, Bretagne Maîtrise d’ouvrage : Groupe Launay

Située au sud-est de la couronne périurbaine de Rennes, Chantepie connaît une première extension pavillonnaire dans les années 1970 et 1980. À partir du début des années 2000, la pression foncière importante, renforcée par une position stratégique de la commune dans l’axe du prolongement du métro rennais, entraîne l’aménagement de la zac des « Rives du Blosne ». Ce nouveau territoire s’inscrit dans les ambitions de la ville de Rennes en matière d’urbanisme : lutter contre l’étalement, favoriser la mixité sociale et concevoir des bâtiments de qualité aux impacts environnementaux limités, « d’une manière plus générale, […] à inscrire la traduction du projet dans le cadre du développement durable. »146 D’une superficie de 76 hectares, elle se composera à terme de cinq quartiers conjuguant espaces verts, logements, commerces, équipements publics et activités. La Zac Rives du Blosne fait la promotion de la ville à la campagne tentant d’offrir au plus grand nombre les avantages de ces deux modes de vie. Les promoteurs, associés à la commune souhaitaient un bâtiment à l’image de ce nouveau quartier, à savoir un « projet authentique, audacieux, innovant, responsable et durable»147. C’est en 2006 que l’agence Hauvette et Associé est lauréate du concours. C’est ainsi que commence l’histoire d’Eden Square. Eden Square prend place au sein du quartier des Neuf Journaux. Au bout de l’avenue François Mitterrand, le projet agit comme un repère, dernière étape d’un nouveau paysage en cours d’urbanisation avant la nature à perte de vue. Le bâtiment domine la place qui lui fait front par sa masse, à l’échelle du quartier et des immeubles alentours. Le volume occupe la totalité de la surface de la parcelle. Monolithique, le bâtiment dialogue avec les alentours dans une apparente sobriété. La façade nord est lisse et homogène et rompt avec les autres façades (sud, est et ouest) dotées de balcons filants. La façade principale, sculptée d’une faille, laisse entrevoir le cœur de l’opération. La masse comme extrudée, renferme un jardin intérieur. Depuis l’extérieur, l’ensemble de l’opération est surmontée de petits volumes en acier zingué. Ces « maisonnettes » viennent rompre la monotonie du bâtiment, elle intriguent de par leur forme, elles créent le repère et appuient le caractère individuel des logements. L’apparente sobriété extérieure ne laisse pas entrevoir la richesse du spectacle. Le bâtiment se compose de deux grands volumes en retour d’angle autour d’un patio central. S’inspirant des Familistère de Guise (J.-B. A. Godin) le fort parti pris architectural à été de doter cet immeuble d’un espace en creux. Recouvert d’une serre vitrée, cet intérieur devient un véritable dispositif climatique et un nouvel espace à vivre. Cet immeuble à été pensé par l’architecte comme « une utopie sociale et écologique». 146 Voir le PLU de la Commune de Chantepie, Page 13 147 Voir le site du promoteur pour la communication autour du projet :

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Plan du Rez-de-chaussé Hors échelle Hauvette et associés SCOFFIER R. «récits originaires», D’Architecture, n°217, mai 2013

Coupe longitudinale Hors échelle Hauvette et associés SCOFFIER R. «récits originaires», D’Architecture, n°217, mai 2013

Esplanade Christian Hauvette et Résidence Eden Square Yoann BOY

Serre bioclimatique Résidence Eden Square Yoann BOY

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On accède au bâtiment par la faille qui s’ouvre sur la place urbaine. On pénètre alors dans une serre, immense, lumineuse, à l’atmosphère limpide, faite de verre et d’acier. En son cœur un jardin planté d’essences méditerranéennes vient recréer une ambiance naturelle propice à l’émerveillement. Depuis l’entrée toutes les circulations sont guidées vers les logements à travers cet écrin de verdure. Horizontalement par des passerelles ou verticalement par des escaliers d’acier. Les matériaux, bois, acier béton et verre sont utilisés à leur juste place. Ils entretiennent une dialectique rigoureuse, quasi-puritaine. Tout est pensé dans le moindre détails. L’architecte défend la haute qualité architecturale. Chaque logement est traversant, il bénéficie d’une double orientation avec balcon, donnant à la fois sur le cœur d’îlot et sur le paysage environnant entre ville nouvelle et campagne. À l’intérieur du patio, menuiseries et volets en bois brut se fondent à merveille dans le cadre naturel tout en étant protégés des intempéries. Dans les logements le bois retrouve sa noble place. Un traitement blanc des surfaces renforce la sensation de pureté. Arrivé sur le toit, c’est un autre projet qui se dévoile : tel un village suspendu, des maisonnettes aux formes hétérogènes viennent perturber la terminaison des façades lisses et uniformes. Disposés autour de la verrière sur un grand « ponton » en bois, ces volumes abritent la chaufferie collective, mais aussi les séjours et cuisines des duplex inversés auxquels on accède depuis le troisième niveau. Jouissant d’une vue dégagée sur le paysage environnant, ces espaces en hauteur bénéficient de vastes terrasses. Construits en ossature bois, les différents modules sont revêtus de zinc pour éviter le rayonnement solaire et l’accumulation de chaleur. Cette opération à reçu en 2011 au Grand prix d’architecture, la pyramide d’or. Ce prix, décerné tout les ans par l’assemblée des promoteurs immobiliers, a voulu récompenser ce projet pour sa démarche durable et environnementale. Quelles limites peuvent être émises ? La qualité des logements et leurs ambiances sont indéniables, toutefois quelques points sont à soulever. Au regard de l’architecture éco-responsable, certes le bâtiment atteint, en grande partie grâce à la serre bioclimatique et à une thermodynamique maîtrisée, des performances énergétiques intéressantes. Cependant, le type d’opération par promotion n’inclut pas les habitants dans le processus de conception, le projet ne semble pas « ouvert ». Les matériaux employés et les techniques auxquels ils font appel restent dans la logique d’une production standardisée. Les ambiances générées créent la sensation de confort et de pureté. Pureté ? Cette valeur relève t elle de l’utopie ? Cette utopie défendue par la maîtrise d’œuvre ? Ou sert-elle le discours du promoteur ? « Lot de verdure, Eden Square propose une architecture innovante, déployée autour d’une serre exotique. Conçu selon les règles de la bioclimatique, Eden Square conjugue la très haute performance environnementale et la qualité de vie.»

Intérieur des logements R+2 et Pont supérieur Communication du groupe Launay

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Résidence Eden Square Communication du groupe Launay www.groupe-launay.com


La principale critique de cette opération réside dans le parti pris. La nature « originelle » est un mythe. Les concepteurs de cet immeuble de logements mettent les habitants dans un étrange posture. Cet écrin met en opposition la vie extérieure, le « monde de dehors », sale pollué, bruyant avec ce simili paradisiaque, entretenu aux frais de la copropriété. L’imaginaire développé par le projet et le discours des promoteurs montre un manque d’attachement au contexte. Eden Park, rappel le jardin des délices, les origines de l’humanité. Les jardins d’Eden ? Un paradis où l’on pourrait mener une vie simple en lien direct avec le dieu du développement durable, la nature ? De plus, privatisée, cette « nature » n’est accessible qu’aux résidents de l’immeuble, de peur que le monde extérieur ne la bouleverse ? Plutôt que d’inspirer un nouveau rapport à l’environnement cette mise à distance avec le contexte renforce l’idée d’un environnement extérieur dégradé, pathogène et inadapté. Plutôt que de promouvoir l’interaction avec le global, ce petit éco-système semble se replier sur lui même, ses habitants à l’intérieur devant la télé ou internet, cette impie Médée à l’extérieur. Ce mythe de la nature originelle est renforcé par les cheminements et la rigueur des dispositifs spatiaux communs. Apparemment libres, les escaliers, les coursives sont régis pas des règles posée par les architectes. Chacun va à son logement, limitant les vis à vis et les « vues chez l’autre ». Ce serpentin de bois circule dans la nature, entre les feuilles, dans la canopée. Toutefois tout est fait pour mettre à juste distance l’usager, limiter son intervention. Cette nature se veut mythique, elle paraît inaccessible et pourtant si proche. Est-ce là la clé du développement durable ? La mise à distance ?

Utopie sociale ? les coursives permettant d’accéder aux logements, bien que suffisamment larges pour accueillir de nouveaux usages, surtout des usages liés au vivre ensemble, ne laissent pas transparaître d’appropriation par les usagers. Pourquoi ? D’une part, la mise en panoptique de l’espace central rend difficile l’appropriation, chacun peu voir chez l’autre. Les usagers peuvent cependant espérer que la canopée s’épaississe et transforme ce grand vide en un filtre végétal. Peut être serait il bon de dénoncer aussi le choix des essences. Méditerranéennes pour la plupart, reflètent-elles la diversité végétal du territoire ? Ou viennent elle rappeler le passé d’explorateurs des marins bretons ? Peut être soulignent-elles, telles une prémonition, l’arrivée d’espèces tropicales avec le réchauffement climatique ? D’autre part, cette cathédrale de verre fermée aux vents148 n’est pas adaptable. Deux ans et demi d’étude ont été nécessaire pour que cette machine et ses capteurs gère la thermodynamique, les usagers après ça restent passifs. Les habitants n’ont aucune possibilité d’agir sur cette atmosphère, toujours bien réglée. Toutefois, gare à ne pas y introduire de nuisances. Sa « normative » efficacité thermique et son manque de souplesse à l’utilisation rend difficilement imaginable de griller quelques saucisses entre voisins sur son balcon même si tout les calculs on étés fait. Derrière cette utopie écologique et sociale, derrière ce projet durable, promoteur d’un « nouveau vivre ensemble » se cache une machine bien huilée. La technique fait la part belle à ce projet. La serre à elle seule à nécessité 3 Atex. Le surcoût entraîné par le dispositif à été savamment répercuté dans les autres lots par l’architecte. Le travail de Christian Hauvette et de son équipe m’a donné la possibilité de visiter ce que je qualifierais d’immeuble de haut standing. Même si les promoteurs se vantent dans le journal local d’avoir à leur compte 50% de mise sur le marché qui vont pour le logement social. Même si les charges ne sont pas plus élevé que dans un autre immeuble « classique. Pour les achat libres il faut compter en moyenne 210 000 € le T4 et 170 000 € le T3 qui rapporté au m² reste tout de même cher (2 880€) !

Il semblerait que l’utopie sociale et écologique voulue par l’architecte ne reste qu’au stade de l’utopie. Bien que montrant des choix intéressants et une démarche volontaire, ce projet semble guidé par des logiques de marché, un développement un peu trop « vert » et peut être pas assez durable ? 148 La ventilation de la serre est entièrement automatisée, elle à obtenu à ce titres plusieurs brevets. C’est cette serre qui constitue le dispositif principal de l’opération, celle qui à nécessite le plus d’études.

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Quartier de la Maladrerie

Atelier Rubin associés

Aménagement et locaux communaux Avec l’atelier du Lieu, architectes et urbanistes, Nantes Quartier de la Maladrerie, centre bourg 22 450 La Roche Derrien, Côte d’Armor, Bretagne, Maîtrise d’ouvrage : Commune de la Roche Derrien

La Roche Derrien est une commune située au nord ouest des Côtes d’Armor, à une dizaine de kilomètres de la mer. L’implantation de ce centre urbain remonte à l’époque gallo-romaine. On y retrouve les traces d’un port marchand. Le bourg est posé sur un ressaut rocheux surmontant le Jaudy, un bras de mer s’enfonçant dans les terres. Cet emplacement stratégique est très vite devenu une place forte. Au MoyenAge et par la suite, la commune rayonne. Place de pouvoir et commerciale elle est l’épicentre de l’évêché de Tréguier (aujourd’hui connu sous le nom de territoire du Trégor). Un riche patrimoine encore présent sur la commune témoigne de ce passé. Un cathédrale surplombe le village. La place principale, la place du Martrai (marché), bordée de maisons à colombages, rappelle le riche passé marchand de la commune. Quelques imposantes bâtisses du 18 et 19ème siècle, s’implantent sur le flan de colline dominant les rives du Jaudy. En effet, le bourg à connu ses heures de gloire jusque dans un passé proche. Riche de la culture du lin, aujourd’hui disparue ou presque, c’est sur l’exploitation de la fleur bleue que s’est bâtie la renommée de la Roche Derrien. Elle est encore considérée aujourd’hui comme la capitale des teilleurs de lin (Kapital Stoup, en breton). Le déclin s’amorce dans les années 1950, poussé par l’exode rural et par l’avènement des tissus synthétiques. La culture du lin périclite après la seconde guerre mondiale et avec elle, la vie du village. Alors que la commune comptait un peu moins de 2000 habitants à la fin du 19ème siècle, ce sont aujourd’hui, après un regain démographique, 1 000 personnes qui vivent à La Roche Derrien. Conscients du renouveau de la commune, les élus tentent de redynamiser le bourg pour offrir aux habitants de nouveaux espaces à vivre et de nouvelles commodités.149 Riche de son passé, le bourg est toujours le lieu d’un important marché dans les environs. Accueillant de nombreux touristes, surtout l’été, La roche Derrien mise sur ce passé et la culture qui y est attachée. En 2010, la commune lance un appel d’offre pour la requalification d’un de ses quartiers, situé à deux pas de la place du marché. Le concept étant à la mode, les élus souhaitent voir être construite une halle permettant d’abriter une partie du marché et nombre des activités qui se déroulent sur la commune. C’est alors que l’atelier Rubin Associés en partenariat avec l’atelier du lieu, basé à Nantes, entrent en jeu. Leur première mission consiste à dresser le diagnostic de l’existant et proposer, à l’échelle du quartier, une intervention urbaine. Débute alors une analyse précise des lieux, points de vue, cheminements, points stratégiques. Cette analyse est conduite en lien étroit avec les élus. Le programme évolue au fil du temps. La halle et la salle des fête laissent peu à peu la place à des installation nécessitant un réel investissement. Le syndicat d’initiatives est déplacé, les salles associatives (musique, couture etc...) doivent être relocalisées. Enfin des artistes doivent prendre place dans le projet. En effet, souhaitant bénéficier du Label « Petite cité de caractère », reconnu par nombre de guides touristiques, la ville doit présenter ses atouts. Un patrimoine architectural et culturel qu’elle possède, mais elle doit aussi proposer des animations et de l’artisanat d’art. La mairie réfléchit donc à intégrer des locaux pour les artistes à l’opération de requalification. 149 D’après l’histoire de la commune sur le site http://marikavel.org/bretagne/la-roche-derrien/accueil.htm

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Après quelques mois de travail, les architectes et urbanistes proposent 3 scénarios à la maîtrise d’ouvrage. Intégrant les demandes de cette dernière, les professionnel tentent de répondre à toute les attentes à la fois, culturelle et associatives, en magnifiant le lieu. L’idée principale est de reconnecter les espaces, celui de la place principale et celui de la salle des fête. Le quartier de la Maladrerie, alors encombré de nombreux garages tombés en désuétude, sera le théâtre des opérations. La mairie fait démolir nombre de bâtiments inutiles et encombrants. L’opération se situe entre neuf et réhabilitation. Forts de l’analyse, les architectes souhaitent mettre en valeur le bâti existant. La Maladrerie et son ancienne chapelle, l’ancien hôpital de l’évêché, donne la limite de la place du marché. Ce bâtiment servira de point de pivot de l’opération. A la gauche de la Maladrerie, un commerce fermé en rez de chaussé d’un immeuble du 19ème sera lui aussi réhabilité. D’abord pensé comme le lieu de résidence des artistes avec sa devanture sur la place principale, il sera reconverti en boulangerie. En effet au cours du projet, entre la phase d’Avant Projet Sommaire et le dépôt du permis, le boulanger de la commune se voit dans l’impossibilité de poursuivre son activité dans ses locaux. Suite à une visite de la DSV qui lui lui laisse jusqu’à la fin de son bail pour quitter les lieux, ou mettre aux normes son laboratoire, la décision est prise d’intégrer l’artisan à la nouvelle opération. « La mairie a dit : « c’est plus important d’avoir un boulanger que des artistes donc il faut absolument qu’on garde notre boulanger », en plus, il est assez reconnu, il fait de très bon macarons. »150 Les locaux pour les artistes sont donc transformés en boulangerie. Dans l’ancien bâtiment de la Maladrerie, le choix est fait d’implanter le syndicat d’initiative, centre de l’activité touristique de la commune, les ateliers d’artistes et un café associatif, le 16-18. L’ensemble de l’opération est budgétisé à environ 3 millions d’euros. Les élus ne disposant pas d’autant de moyens pendant leur mandat, décident de fractionner l’opération. La halle est abandonnée ne représentant pas, au regard de l’analyse, un vif intérêt. La réhabilitation de la salle des fêtes sera elle aussi remise à plus tard. Il ne manque plus que les locaux associatifs. L’opération est revue à la baisse, les deux ateliers d’architecture se partagent le travail. L’atelier Rubin sera chargé de la réhabilitation et l’extension du commerce et de l’ancien hôpital tandis que l’atelier du Lieu sera chargé de la conception de la salle multi-activité destinée aux associations présentes sur la commune. « L’aménagement urbain vise à développer un espace délaissé en valorisant les éléments historiques et caractéristiques de l’endroit »151 Depuis la place du Martrai, la façade de la boulangerie est travaillée. Deux arcades font front à la place, l’une accueille le commerce, pour l’autre un passage est percé afin de créer un appel depuis le centre vers une nouvelle place, cœur de l’opération. Le piéton, une fois passé sous l’arcade longe l’atelier du boulanger. Un parcours séquencé joue de la tension instaurée entre les bâtiments anciens et les nouvelles réalisations. Une place carrée, à l’image des jardins monastiques, se dévoile. Elle est dominée par la « nouvelle salle associative, culturelle et multifonctionnelle ». Inscrite dans la pente, l’opération respecte la topographie. L’implantation des différents bâtiments autour de cette place s’inspire des axes du tissu urbain historique. Pensée par le vide et les atouts du contexte, l’opération cherche « à constituer un nouvel espace en lien avec le passé et d’une architecture résolument contemporaine. »152 150 Voir l’entretien avec Anne Rubin, architecte DPLG de l’Atelier Rubin associé en date du 29.03.2014 151 Voir la note d’intention sur le site http://www.atelier-rubin-architectes.com/ 152 Ibid.

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Bien qu’usant d’un nouveau langage, la réalisation cherche à valoriser l’existant. La porte de la Maladrerie, une haute ouverture flanquée de pierres de taille en arc brisé, est une des pièces principale de l’opération. Donnant sur la nouvelle place, différents cadrages entre les bâtiments donnent la part belle à cet élément. Sur le pignon de l’ancienne chapelle de l’hôpital une autre fenêtre à été mise au jour lors des démolitions. Les architectes cherchent alors à valoriser ces deux ouvertures. Dans l’ancien, une lecture attentive du bâtiment leur permet, malgré quelques contraintes liées à la rénovation (Rtex et ABF) de magnifier l’intérieur. La matérialité est respectée, tomettes au sol et enduits à la chaux. Le parti pris cherche à mettre en valeur les ouvertures depuis l’intérieur. Entre choix et compromis, les pierres seront laissées apparentes afin de rappeler le caractère ancien de la Chapelle. De plus, un travail sur la verticalité et un escalier hélicoïdal en bois, clin d’œil à la chaire153 dans les églises, rappelle le caractère liturgique de l’espace. C’est dans ce volume que sera installé le syndicat d’initiative. A l’extérieur, l’attitude résolument contemporaine vise deux objectifs, respecter la présence et créer une continuité, urbaine et architecturale. La place créée met en valeur la porte de la Maladrerie. Aplati et de plein pied, le volume de l’atelier du boulanger vient souligner les toitures voisines. Enfin un traitement des façades donne une impression d’unité entre les deux opérations, les locaux du boulanger par l’atelier Rubin et la salle multi-activités réalisée par l’atelier du Lieu. Un dessin précis des détails créé un langage architectonique commun, utilisation du zinc noir en couverture, menuiseries, bardage bois vertical irrégulier. Un travail sur les hauteurs, les descentes d’eaux de pluie, sur les ouvertures souligne la cohérence de l’ensemble. « Nous avons essayé de travailler sur des détails qui revenaient. Les hauteurs, les matériaux et leur langage, le zinc en toiture, le bardage irrégulier c’est pour donner du relief au parcours, eux, ils ont un bardage plus simple, on avait mis des montants qui passent devant les ouvertures, ils en ont rajouté après, pour donner l’unité. Du coup Ce sont deux bâtiments différents issu d’un travail commun. »154 « Pour la partie écologique, ils avaient pour idée de faire quelque chose de bien de ce côté là, mais après il ne sont pas venus non plus en disant « on veut tout écologique »155. La mise en place d’un cahier des charges à dominante environnementale pour l’opération se fait avant tout car la commune est à la recherche de subventions. Le Label ECO FAUR156, label breton pour la promotion d’un urbanisme et une architecture durable, vient appuyer la démarche de la collectivité et lui permet de bénéficier d’une aide financière. De plus, la labélisation « petite cité de caractères » amène son lot de critères. Les architectes forts d’une volonté écologique choisissent de mettre en œuvre des matériaux locaux, économiques et durables. Les parois extérieures sont recouvertes d’un bardage en bois local issu des forêts françaises, tout comme le bois des menuiseries intérieures. Le bac acier zingué vient rappeler les tons noirs/gris des toits traditionnels breton à un prix bien inférieur (charpente et matériaux) qu’un traditionnel toit en ardoises. Dans le programme de rénovation à dominante patrimoniale, les choix se tournent vers l’utilisation de matériaux naturels tels que tomettes, bois et enduits chaux-chanvre. Pour les espaces extérieurs, place, cheminements et parking, une attention particulière est portée aux revêtements de sols permettant une bonne gestion des eaux de pluie dans ce site en pente. 153 Chaire à prêcher. La chaire à prêcher est une tribune de forme carrée, polygonale ou circulaire, élevée au-dessus du sol de l’église et dans laquelle se placent les prédicateurs. Définition d’après STORCK Justin, Le Dictionnaire Pratique de Menuiserie - Ebénisterie – Charpente, édition de 1900 disponible en ligne http://justinstorck.free.fr/ 154 Voir l’entretien avec Anne Rubin, architecte DPLG de l’Atelier Rubin associé en date du 29.03.2014 155 Ibid. 156 « Il s’agit d’un appui technique et financier que le conseil régional de Bretagne propose aux communes ou groupements de communes de la région afin de les encourager à réaliser des projets d’urbanisme durable. Depuis son lancement en 2005, Eco-FAUR fonctionne sous la forme d’un appel à projet […] Pour être retenus, les projets doivent répondre aux trois principes de l’urbanisme durable ; ils doivent proposer une approche globale, transversale et participative, être innovants et exemplaires sur le plan environnemental et favoriser une gestion économe et durable. » Plus d’information http://www.bretagne-environnement.org/Eco-FAUR

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3 scénarii A l’intention de la maitrise d’ouvrage Atelier Rubin associés

Photos de l’opération En haut , gauche et en bas à droite P.MIARA pour Rubin Associés, En bas à gauche et en haut à droite Y.BOY

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Plan masse du quartier Hors échelle Atelier Rubin associés,

Intérieur du syndicat d’initiatives Escalier en «Chaire» P. MIARA pour l’Atelier Rubin associés,

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Photo avant intervention Atelier du Lieu Catalogue PAB 2014


De gauche à droite, La maladrerie, l’atelier du boulanger et la salle multi-activités Photo Y.BOY

Au delà de la programmation et de la forte volonté de mettre l’accent sur la culture, de la part de la maîtrise d’ouvrage, l’utilisation contemporaine des matériaux est un clin d’oeil au passé. Le zinc pour les ardoises et le bardage bois pour les maisons à colombage de la place du Martrai. Après l’opération, la commune a obtenu l’appellation « petite cité de caractère ». Outre la dimension touristico-économique de ce label, c’est une valorisation du patrimoine matériel et immatériel du village qui est mise en avant. De plus, la nouvelle place permettant, entre autre, d’accueillir des manifestations l’été, vient créer un nouvel espace de vivre ensemble entièrement piéton, non loin de la place centrale. Née d’une réflexion à une échelle plus large, l’opération s’implante dans un projet à long terme. Lauréat du Prix Architecture de Bretagne 2014, l’aménagement de ce nouveau cœur de bourg rural « développe une belle synthèse entre l’architecture, l’espace public et les bâtiments existants […] la réinterprétation des spécificités propres au cœur du village révèle une démarche très subtile. Une opération remarquable qui prend en compte l’espace public et la situation propres des objets, c’est un élément de continuité, de dialogue, de durabilité. ».157 Après cette première phase réussie, ce projet compte s’étendre au reste des espaces délaissés relevés dans l’analyse préalable. Bénéficiant d’un deuxième mandat, l’équipe municipale poursuit l’aventure. Une deuxième phase de travaux se profile autour de la réhabilitation et l’extension de la salle des fête et de l’aménagement de ses alentours. L’opération ne compte pas s’arrêter là, elle inscrit la commune dans une lente transition de ses espaces publics et de ses locaux, mieux adaptés aux nouveaux usages et modes de vie, à la recherche d’un nouvel accord. Cette opération réussie, prend en compte la dimension environnementale en s’appuyant clairement sur une dimension culturelle. A la fois portée par la maîtrise d’ouvrage, la mairie de la Roche Derrien et par les architectes, la réalisation parvient à faire la synthèse des enjeux locaux établis par l’analyse et les enjeux globaux d’une transition durable et écologique. Cette double volonté, appuyée par le changement d’échelle du projet, la prise en compte du contexte économique, bâti, humain, et culturel, inscrit cette opération dans la vie des Rochois. L’éthique et le positionnement des praticiens vient appuyer la démarche de la commune, « L’approche globale et transversale a permis la réalisation d’un projet contextuel à la mesure des usagers. »158 Au regard de la problématique, ce projet entre en résonance avec les enjeux portés par le développement durable. Une prise en compte sensible du contexte environnemental et culturel permet la mise en place matérielle d’une nouvelle spatialité bienveillance. Emprunt d’une approche contextualisée, les praticiens parviennent à une démarche humaniste, inscrite dans la nouvelle vie du village. 157 Jury du Prix d’Architecture de Bretagne 2014, Catalogue du PAB 2014, Maison d’architecture de Bretagne, Rennes, 2014 158 Ibid.

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Halle de la Madeleine

In Situ Architecture & Environnement

Reconversion en locaux d’activités Rue Pélisson, Cours des Arts Quartier Champ de Mars - Madeleine, Sud est du Centre ville, 44 000 Nantes, Loire atlantique, Pays de Loire, France Maîtrise d’ouvrage : Groupe Lamotte

La Halle de la Madeleine, ancienne halle omnibus construite en 1910, s’inscrit dans le quartier Champ de Mars – Madeleine. Ce quartier est à la porte de l’histoire commerciale et maritime de Nantes. En effet, jusqu’au 21ème siècle, l’entrée sud de la ville se faisait par la chaussée de la Madeleine. Le quartier témoigne de son passé industriel. L’usine LU, à quelques encablures de l’opération, était, avant sa reconversion, un lieu actif de centaines d’ouvriers et ouvrières. La vie du quartier était ponctuée par le rythme de l’usine et riche d’activités artisanales et commerciales. Ce secteur se caractérisait par des venelles, des cours, des impasses, un entremêlement d’ateliers de fabrication et d’entretien, alliant le résidentiel et le travail. Le tissu urbain présent témoigne de cette époque. Alors que le quartier périclite au milieu du 20ème siècle, après les dernières fermetures d’usines, une ZAC est mise en place sur le secteur Champ de Mars-Madeleine en 1989. Les objectifs de cette zone d’aménagement oscillent entre rénovation urbaine et réhabilitation. Un long travail d’aménagement permettra alors de recomposer des îlots tout en préservant le caractère passant et perméable du quartier. Le renouvellement d’activité est mis en avant, la nouvelle mixité urbaine se fera avec le retour des commerces en rez de chaussé et l’installation de nombreux locaux d’activités destinés au secteur tertiaire principalement dans le domaine de la création. Enfin, un objectif de mixité sociale est visé au travers l’offre de logements d’une part et la mise en place de services de proximité d’autre part. L’îlot Pélisson – Madeleine – Olivette est situé au nord de la Zac en direction du centre ville. Nantes métropole aménagement fait l’acquisition de tous les types de foncier présents dans ce grand îlot historique, des immeubles d’habitat, des ateliers et des entrepôts, parmi lesquels, la halle de la Madeleine.159 Lorsque le groupe Lamotte fait l’acquisition du lot, plusieurs agences concourent à l’appel d’offre. C’est l’atelier In-situ Architecture et Environnement qui sera retenu. La conception démarre en 2007. Implanté dans la métropole Nantaise, l’atelier connaît déjà bien le contexte. Les architectes ont été plusieurs fois retenus pour des opérations dans le quartier. Au moment de démarrer l’étude, une crèche et deux immeubles de logements sont en cours de livraison. Pour l’atelier, c’est une aubaine lorsqu’ils sont sélectionnés pour concevoir 51 logements et des locaux d’activité. Une grosse opération, la dernière dans le quartier, avant la fermeture de la ZAC en 2014. Forts de leur expérience, les architectes ont déjà une analyse fine et précise du contexte dans lequel ils s’implantent. C’est ce qui leur vaudra d’être choisis pour cette réalisation. N’hésitant pas à faire appel à des paysagistes, graphistes, plasticiens, tout les moyens sont bons pour procéder à ce renouvellement de la ville sur elle même. Apparaît dès le début, la volonté de garder l’existant. La halle de la Madeleine et les entrepôts Pélisson juste derrière seront réhabilités. Dans un souci de mixité programmatique, ce sont des logements et des locaux d’activités qui seront réalisés, afin de répondre aux objectifs posé par la ZAC. 159 ARDEPA, Madeleine - Champ de Mars, Du faubourg populaire au quartier de centre ville, Les carnets de visites de l’ardepa, Association régionale pour la diffusion et la promotion de l’architecture Nantes, 2010

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L’enjeu de ce projet cherche à « Révéler et prolonger la singularité et la qualité de ce quartier [..] (et) y importer les fonctions nouvelles de la ville contemporaine. »160 L’opération se déroule autour d’un cheminement piétonnier. Celui-ci traverse l’îlot de part en part. Alors que les stationnements sont enterrés, au sol, il en est tout autre. La voiture ayant disparu, reléguée aux axes entourant l’îlot, c’est un espace entièrement piéton qui se développe à la surface. La halle de la Madeleine, située à l’extrémité ouest de la parcelle devient alors la pièce maîtresse de l’opération. Pour cette dernière, pas question de démolition. Conscient du caractère patrimonial de cet entrepôt les architectes décident de le sauvegarder. Une étude préalable et un diagnostic pour ce bâtiment à peine centenaire, appuient leur décision, la halle sera préservée. Comment intégrer alors cette bâtisse à l’opération ? Depuis l’impasse Juton, permettant de rejoindre le cours des arts, futur cheminement piéton de l’ensemble immobilier, la halle barre l’espace dans sa largeur. Sa façade principale, monumentale, rappelle le caractère industriel du quartier en cœur d’îlot. Sa couleur étonne le passant. D’un violet sombre elle rompt avec les tons grisonnants des bâtiments avoisinants. Sobre, dépourvue de toute fioriture, une large ouverture d’origine, en pierre de taille, invite le piéton. Barrée d’un portail en acier autopatinable, elle suggère une partie du spectacle qui se déroule alors sous les yeux du visiteurs. Le caractère semi-public du cœur d’îlot se dévoile à cet instant. On ne sait pas si c’est fermé ou ouvert, la nuance induit cet effet. Une fois franchi l’obstacle, l’on pénètre dans la halle, grand volume baigné de lumière, l’effet est saisissant. Une large allée, plantée de quelques spécimens tropicaux, traverse la halle dans la longueur, invitant le passant à poursuivre son chemin. De part et d’autre de celle-ci s’élève une série de lofts-bureaux suspendus à l’ancienne charpente monumentale. Aujourd’hui, l’ensemble a été entièrement réhabilité et aménagé en locaux à usage professionnel. A ce jour, tous les bureaux sont occupés : une agence de production d’événements, un bureau d’étude technique, une agence d’architecture, un bureau d’étude paysage et la Cantine numérique. Chaque entité est abritée dans des bureaux dont les volumes sont chargés de l’histoire des lieux, teintés de parois vitrées colorées qui filtrent et séquencent la concentration laborieuse et le regard du passant et du visiteur. Le parement en tôle oxydée, de chaque bloc suspendu, pérennise la vocation maritime à la manière des vraquiers161 et offre au regard des habitants/ travailleurs des « tableaux » qui se patinent au fil du temps et s’éclairent au fil des heures de la journée. C’est un travail d’agencement général mais aussi de détail : un resserrement qui fait surgir un espace ouvert, un escalier caché, une matière ou une couleur qui attrapent l’œil…. L’architecture est affaire de surprises. Tout en charpente de pitchpin et de chêne, l’assemblage structurel de la halle à été préservé, même mieux, magnifié. Le choix d’un système constructif léger permet le réemploi de la structure pour la greffe. Évidée de ses fonctions premières la halle ne perd rien de son langage architectonique. Celui-ci aussi sera renouvelé, comme le morceau de ville. A côté des bâtiments de logements du « cours des arts », résolument contemporains, c’est une dialectique à l’échelle de l’opération qui s’installe, on la retrouve dans la halle. L’utilisation du minéral, de l’acier, du verre et du bois, offrent à voir les métiers et les savoirs que le quartier a lentement initié. Entre utilisation contemporaine et technique traditionnelles, c’est un dialogue entre les époques qui s’instaure dans la halle. L’architecture prend toute sa place jusqu’aux détails, servant chaque caractère dans sa singularité. Elle révèle une cohabitation du patrimoine et des formes et couleurs des bâtiments contemporains, la matière résonne et contraste. Le parcours interroge, puis questionne, en forme d’invitation à la quotidienneté. 160 Note d’intention, In situ Arhitecture et environnement, site web www.insituarchitectureetenvironnement.com 161 Vraquier, subst. masc.,transp. Cargo transportant des produits en vrac.

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A l’échelle de l’opération, sont mis en place des dispositifs écologiques. Les techniques des nouvelles énergies offrent les performances destinées au confort des futurs habitants des lieux. Sur le plan technique : du solaire passif à l’inertie et à l’enveloppe thermique, de la façade thermodynamique aux productions sous pompes à chaleur de nouvelle génération, la diversité des bâtis et des utilisateurs ajuste les partis pris d’architecture et de techniques aux usages. Une habile gestion des eaux de pluie en surface par des noues de rétention permet à ce cœur d’îlot de subvenir à ses besoins en eau, permettant ainsi de sauvegarder son jardin. L’utilisation des couleurs, des symboles, des matériaux crée l’événement. La surprise qui saisit le visiteur est voulue. En ponctuations colorées et lumineuses, se créent des séquences variées du récit urbain quotidien. La halle, pépinière d’entreprises reprend bien ce principe. La richesse des matériaux et des couleurs utilisés cultive la singularité du projet. L’arythmie des blocs, les successions de pleins et de vides, de volumes et de passages rompt la monotonie du lieu et la rigueur du bâtiment industriel. Cette mise en espace dans l’épaisseur du lieu donne à voir l’inattendu. « Le renouvellement urbain peut alors s’engager dans la direction volontaire de la ville dense, intense et confortable, révélée et d’équilibre, façonnée pour le « durer. »162

Couvert, ce passage par la halle invite aux nouveaux usages de la quotidienneté. Pour les habitants mais aussi pour les professionnels qui travaillent là tous les jours. Avec fenêtre sur rue, « le cours des arts » devient le spectacle de leur journée de travail. Il est aussi l’espace de l’échange pour ces professionnel nouvelle génération. La cantine numérique qui fait aussi café, est le lieux de rencontre idéal pour tout les acteurs de ces agences de création, la halle devient un incubateur. Véritable pépinière d’entreprises, elle offre à chacun des travailleurs un cadre idéal entre convivialité et confort. Une demi-journée passée dans l’entrepôt permet d’observer que les qualités propres au quartier, ancienne fourmilière artisanale se retrouvent aujourd’hui. Les activités ont évolué mais le savoir-vivre ensemble, façonné autour de l’expérience commune du lieu, se régénère. L’identité propre au projet, le parti pris architectural, misant sur l’étonnement et la surprise renvoient à l’identité spontanée de l’ancien quartier.

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Photos de la halle 1-Entrée depuis la rue 2-Entrée depuis le jardin Ci-dessus : Intérieur Crédits BOY Y. 162 Note d’intention, In situ Arhitecture et environnement, site web www.insituarchitectureetenvironnement.com 2

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Plan masse de l’opération «Cours des Arts» Hors échelle IN SITU A&E

« Ce projet de renouvellement urbain est attentif à la révélation de ces strates historiques urbaines et architecturales mêlées : soit une conjugaison entre conjonction des caractères forts du patrimoine et engagement contemporain, assemblage au quotidien des publics pour composer un fragment de quartier dans la diversité, support de la mixité attendue. » La singularité de l’inscription de cette opération composite dans un site urbain de caractère en fait un sujet avec une réelle capacité démonstrative sur les questionnements de la ville contemporaine, renouvellement et diversité : la ville du « durer », densité et confort : la mutation désirée, partage et solidarité : la mixité attendue, formes bâties et ambiances urbaines : les nouveaux temps de la ville domestique. Pari réussi alors pour l’agence In situ qui a retrouvé l’accord, à la frontière entre le nouveau et l’ancien, entre le logement et l’activité... Réussi aussi, par la prise en compte du contexte, historique et urbain, mais aussi économique et social. Même si un manque de visibilité à l’échelle du quartier se fait sentir, l’impression laissée par la halle de la Madeleine dans le quotidien urbain laisse à penser que ce bâtiment ne s’oublie pas. Manifeste artistico-architectural, l’identité du projet sert les entreprises qui s’y sont implantées. Témoin d’une nouvelle culture créatrice, l’architecture fait la part belle aux matériaux et techniques anciennes. Les architectes ont trouvé les réponses dans une lecture historique attentive entre matériel et immatériel. Ils ont puisé dans les caractères du lieu les traces d’une culture disparue qu’ils ont réussi à faire renaître et pas de n’importe quelle manière. Cette opération montre qu’il est possible de faire évoluer l’espace et la mise en place de la matière dans une suite logique entre passé – présent et futur”163. Sans même parler de démarche de développement durable, l’identité d’un lieu, les usages et systèmes d’activité présents et/ou souhaités permettent aux architectes de parvenir à une réponse inscrite dans son contexte, dans son environnement. Cette opération nous le montre, la nouvelle urbanité « durable » est possible. 163 « Au cours des âges, l’humanité a toujours imposé ou du moins tenté d’imposer sa volonté aux lieux où elle réside et travaille, en ne cessant de les modifier pour en améliorer le rendement, donc en quelque sorte de les « récrire » - semblable en cela aux auteurs médiévaux grattant leurs parchemins pour y déployer un nouveau texte : ville et territoire, eux aussi, sont des palimpsestes. » André Corboz CORBOZ A., le territoire comme palimpseste et autres essais, L’imprimeur, Paris France, 2001.

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Retour critique

Ces trois projets, reconnus, montrent leur capacité à intégrer les réflexions liées aux démarches de développement durable. Situées dans des contextes différents, répondant à des programmations plus ou moins complexes, les trois équipes d’architectes ont essayé de matérialiser des bâtiment qui se veulent à la fois écologiques et sociales. Cette reconnaissance, souvent liée au système de production du cadre bâti, met en avant la démarche des praticiens. Ces projets, publiés et/ou promus participent au nouveau langage du développement durable. Alors que l’éco-conception devient la règle, pour répondre aux objectifs des Zones d’aménagement, entrer dans le cadre des grandes lignes des PLU en place ou encore pour obtenir des subventions, la prise en considération de l’impact environnemental de la construction a fait son chemin. Qu’est-ce qui fait alors la différence ? Au regard de la pratique éco-reponsable, les attitudes sont diverses et variées. Cependant, un trait commun à tous les projets ressort : la prise en compte du contexte. Comme dans la seconde partie, ces analyses nous montrent le changement d’échelle induit par la compréhension des enjeux liés au développement durable. A l’échelle du quartier, de la commune ou du territoire, une attention portée à une échelle de plus en plus large permet de saisir les subtilités de l’environnement (humain, naturel, bâti) dans lequel l’opération s’implante. Insufflée dans le projet, elle fait entrer en résonance celui-ci avec les différentes échelles de milieu avec lesquelles il interagit. Un bon projet semble alors être guidé par son insertion dans le contexte. Cette contextualisation ou re-contextualisation, à l’image de la pratique des pionniers de la première partie ou encore du travail de Murcutt et Madec, semble porter à la fois la dimension environnementale et la dimension culturelle. Dans les cas où la culture n’est pas ou peu prise en compte, lorsque la présence n’est pas respectée, le projet perd de sa puissance. Cette intégration de la culture, à une échelle globale permet d’inscrire les projets dans le quotidien des usagers. Les projets deviennent l’espace de leur quotidien, le lieu d’un nouvel accord entre l’homme et son environnement. Le caractère « durable » des opérations réside dans ce que Rapoport appelait « le projet ouvert ». Loin d’être une fin en soi l’opération apparaît alors comme un événement dans la vie du lieu, elle devient le passage de la vie entre ses murs. Elle devient le passage du temps dans l’espace. Évolutive, adaptable, elle redonne le pouvoir aux usagers d’interagir avec leur milieu. Humaine, elle retourne à sa vocation première, ontologique, bienveillante. Nées de la prise en compte du contexte, cet attachement à la présence, au « déjà-là », permet aux praticiens de donner la qualité à ces architectures. Cette prise en considération, défendue par Rapoport, de la culture et des interactions hommeenvironnement, relève de la volonté des architectes. Ces analyses l’ont montré, c’est bien au bout du crayon que naît l’idée. L’identité est déjà là, ne reste plus qu’a faire la synthèse entre tous les aspects du projet, environnement, matériaux, site, énergies, ambiances, fonctions. Cette synthèse ne peut avoir qu’un seul but, améliorer la vie de ses futurs habitants. Pas seulement de quelques privilégiés ou bien riches propriétaires, mais bien de l’ensemble d’un groupe, d’une société.

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Peut-être le manque de temps a-t-il biaisé les résultats et les propos de cette dernière partie. Une attention portée à la parole habitante aurait permis de donner une dimension plus humaine à ces analyses et aux projets. Peut-être qu’il existe le même écart entre la volonté et sa matérialisation qu’entre la matérialisation et son analyse critique. Ce corpus réduit ne permet pas de tirer des conclusions arrêtées. Il permet seulement d’illustrer le propos par de nouvelles opérations qui, malgré leurs lacunes, cherchent les nouvelles voies de notre manière d’habiter la ville, le territoire, le monde. Au regard de l’introduction de cette dernière partie, il est clair qu’apparaissent des limites. Parmi ces trois opérations, légers sont les signes qui renvoient à cette « figure historique cohérente » que j’ai essayé de déterminer. Peut-être est-ce du à un manque de contextualisation à cette échelle de la « bio-région » ? Ces opérations sont-elles les prémices de cette nouvelle entité culturelle ? Ce corpus breton nous éclaire toutefois sur les logiques territoriales. Les petites communes s’assoient dans leur territoire, la ville, les métropoles quant à elles se reconstruisent sur elles mêmes ou n’hésitent pas à s’étendre, même densément, toujours plus loin. Une réelle prise en compte du contexte doit amener les praticiens à se poser la question de l’impact de leurs opérations à cette échelle. Face à l’idée dominante qu’« un monde plat et universalisé… conduit à une vie meilleure »164, il apparaît que la singularité nourrit la vie de sa richesse. A l’échelle globale et à ses réponses rationnelles et systématiques s’oppose le projet local, toutefois le local, en système fermé apparaît faible. Le contexte n’est ni proche ni lointain, il semble revêtir de multiples dimensions, s’attacher à bon nombre d’échelles. En remontant ce fil, on aurait sans doute la possibilité de prendre à bras le corps le dilemme suggéré par Ricœur : « le bénéfice engendré par la « pression » des systèmes mondiaux sur les cultures traditionnelles rend, en effet, de plus en plus difficile de travailler dans les limites de ces deux pôles fixes que seraient l’universel et le local. ». L’avènement d’un nouveau rapport au territoire, d’un nouveau rapport ville-campagne, complexe, holistique peut permettre de rompre cette antinomie. Parce que la gouvernance mondiale reste une utopie et parce qu’il y a un besoin pressant de répondre localement aux besoins de nos concitoyens. Aux architectes alors de ne plus se cacher derrière une attitude artistique, techniciste, poétique. Aux architectes alors de prendre en main l’architecture pour ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, politique. Politique, car elle s’attache au vivre ensemble, à cet en-commun que l’on s’efforce de bâtir dans le respect de chacun, du passé du présent et de l’avenir. A cet en-commun, à ce partage qui n’est pas un luxe, car il relève du caractère propre à l’homme. Aux praticiens alors, architectes et autres, de chercher ensemble, dans le lieu, autour, dans ses strates mais aussi dans chacune des personnes qui l’habitent de près ou de loin les pistes de la bienveillance. 164 LEFAIVRE Liane, TZONIS Alexander, Architecture of Regionalism in the Age of Globalization : Peaks and Valleys in the Flat World, Routledge, Londres et New York, 2012

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CONCLUSION

L’éco-conception est aussi affaire d’humanisme

La prise en compte environnementale replace l’homme au cœur de la démarche. Le concept de développement durable induit de nouveaux rapports à ce bien commun qu’est la Terre. Cette terre, partagée nous n’en avons qu’une. Écologie et humanisme, les valeurs portées par le rapport Brundtland, replacent la condition humaine au sein de son environnement, de moins en moins naturel. Conscients des limitations qu’entraîne un rapport déséquilibré entre les hommes et leur milieu, les groupes humains tentent de le requestionner. Partout dans le monde et en France, de nouvelles pratiques, empreintes de ces enjeux voient le jour. Il en va de même dans la production du cadre bâti. Questionner les interactions entre les hommes et leur milieu renvoie systématiquement à la production du cadre bâti et plus largement aux conceptions de l’établissement humain. L’avènement du développement durable a au moins permis ça, un retour de la dimension ontologique dans l’architecture. L’architecture a à voir avec l’être, l’être là, l’étant, au passé, au présent et au futur. Pourquoi parler d’avenir de l’Humanité ? Si l’architecture doit être écologique, c’est bien pour préserver la Terre du tracas des hommes Ne pas lui rendre que des déchets, chercher autre chose, quelque chose d’humain, ou de plus grand encore, la vie. Alors, oubliée des première définitions, la culture, traits du comportement humain, doit reprendre toute sa place.La démarche éco-responsable, qui consiste à jouer au mieux des interactions homme-environnement ne consiste pas simplement à « protéger la nature ». Elle cherche à trouver une relation d’équilibre entre les hommes et leur environnement. Cet équilibre relève des valeurs, des modes vies, des visions du monde, des système d’activités... En un mot, il relève de la Culture. Comment alors, intégrer la culture au développement durable ? Comment faire pour que le développement durable soit au cœur des modes de pensée et des actes ? Il semblerait qu’il faille s’intéresser un peu plus aux hommes et à leur quotidien. Ces nouvelles attitudes ne semblent pas devoir être résolument écologiques. Elles doivent naître d’un engouement pour l’Autre. Initiateur de nouvelles pratiques, le développement durable induit une attitude éthique. Les architectes et les acteurs du cadre bâti se doivent d’adopter un positionnement philosophique. Au service de l’Autre et de l’établissement humain, les praticiens doivent replacer l’homme au cœur de leur pratique. Ce retour de la dimension humaniste dans l’architecture et l’urbanisme repositionne le métier d’architecte et la discipline. Porteuse de nouvelles valeurs sociales et sociétales inspirées du développement durable, l’architecture révèle sa dimension politique.

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Architectes du quotidien, concepteurs des espaces d’aujourd’hui et des lieux de demain, nombreux sont les praticiens ayant conscience que l’architecture n’est pas une fin en soit mais plutôt un moyen. Militants d’un nouveau vivre ensemble, ils revendiquent une architecture bienveillante, au service des hommes, au service de l’interaction homme-environnement. La prise en compte de la culture dans les processus de conception devient incontournable. Les démarches sont multiples et amènent de nouvelles manières de mener le projet. Le projet d’architecture devient projet de société. Trouver l’accord demande une attention particulière portée au contexte, un regard porté aux hommes. Véritable levier d’action, l’architecture empreinte de valeurs humanistes et écologique devient manifeste. Cette réflexion nous amène à l’interprétation de l’architecture comme un système de « passages ». Défendu par James Wines ce concept « relie bâtiment, paysage et certains éléments de communication sociale, contextuelle et environnementale.[...] Il fournit de nouveaux niveaux de communication en ouvrant une richesse de connexions […], l’architecture devient une réalité capable de transmettre des messages. »165 cette notion de « passage » à été créée pour décrire un ensemble de rapports, organiques et informels entre l’architecture et le paysage. Empreinte de valeurs écologiques et humanistes, l’architecture transmet alors ce message, l’induit dans le quotidien. L’universalité des concepts doit s’appuyer sur la diversité des contextes, humains et environnementaux. Le réinvestissement de la culture dans le projet permet un réinvestissement de la culture dans l’histoire que nous vivons. Une histoire marquée par le développement durable. Un développement empreint d’une dimension écologique. Holistique, globale, l’architecture du « passage » n’a pas pour trait principal la simplicité, au contraire. « le concept de simplicité impose de séparer et de disjoindre alors que le principe de complexité enjoint de relier tout en distinguant. »166 Cette nouvelle complexité ne doit pas faire peur, elle est sûrement la clé de la production d’architecture à l’équilibre entre les hommes et leur environnement. Le projet ouvert, tel que défendu par Rapoport en est une expression. Cette complexité alors introduite, élargit le champ de l’architecture, intègre la dimension durable. Mais les choses ne sont pas immuables et nous demandent sans cesse de faire évoluer nos schèmes de pensée. Parce qu’elle est conçue, pensée, l’architecture a une dimension philosophique, politique. Environnementale, écologique, durable, elle retrouve une dimension ontologique. Complexe, riche elle possède les atouts nécessaires à l’établissement d’un nouveau paradigme homme-société-environnement. Aux architectes alors de se positionner et d’engager leur art dans les chemins de la transition. Peut-être le propos paraît-il anthropo-centré ? Une architecture empreinte de culture, porteuse de valeurs humanistes n’est peut être pas suffisante. Peut-être pourrait elle mieux tirer parti des interactions homme-environnement ? Elle pourrait aussi renverser les préceptes établis et tenter de replacer la nature au cœur de la conception. S’éloignant d’un but purement ontologique, elle se rapprocherait alors de la nature. Une architecture écologiquement responsable se devrait alors se baser sur une philosophie fondée sur l’écologie. Une philosophie éco-centrique, l’écosophie. 165 WINES James, L’architecture verte, NY, Taschen, 2000. p. 224 166 MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil, 2005 (1ère ed. 1990)

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Entretien avec Anne Rubin Entretien n°1 – Anne Rubin – Atelier Rubin Associés, 29.03.2015, Tonquédec (22) Pour votre projet lauréat des PAB 2014, le quartier de la Maladrerie, quelles sont les prémices de la réalisation ?

ANNEXES

Par rapport à la Roche Derrien, d’abord on avait fait une étude sur l’ensemble du quartier. Beaucoup plus grande je vais te montrer. Il y a eu une étude pour développer tout le quartier. Parce qu’il faut bien imaginer que d’abord il y avait la place du martrai qui est la place du centre et la petite place devant la poste. Derrière il y avait des garages et la salle des fêtes qui est un peu vétuste et puis après il y’a un terre-plein derrière la salle des fête où il y a le terrain de boules, le petit hangar. L’idée c’était de réaménagé tout ce quartier qui était un peu à l’abandon. [...] On a fait ce qu’on appel une faisabilité, un avant projet d’urbanisme plus avec l’atelier du lieu qui est basé à Nantes. L’atelier du lieu ; ils sont urbaniste et architecte, nous on a fait un travail d’architecte mais on a travaillé ensemble sur l’ensemble du quartier. Là on voit qu’il y a avait une extension ici, là on proposait quelque choses . Il y a vraiment eu plein de pistes possibles. A la base le programme à énormément changé, ça changeait tout le temps, en fait juste avant le déposé le permis ça à encore bougé. Donc, l’idée à la base c’était de refaire la salle de fête, ils imaginaient éventuellement faire une halle, le premier programme c’était de créer une halle, pour, le marché du jeudi matin. L’idée c’était ce projet, c’était encore à la mode il y a 5 ans on va dire, une halle qui soit vraiment un lieu pour se retrouver. Créer la halle en lien avec la salle des fêtes ou pas ou peut être réutiliser simplement la structure de la salle de fête pour faire la halle et puis peut être faire une salle de fête ailleurs enfin bon voilà il y avait plein d’idées et ils avaient besoins d’avoir plusieurs scénarios. [...] Et puis le troisième scénario c’était plus ce qui à été retenu on va dire, c’était ducoup des atelier d’artiste, la halle ici et la salle polyvalente. Parce qu’à l’époque la Roche Derrien n’était pas petite cité de caractère. Petites cité de caractères c’est un label, que les communes, quand elle ont du caractère, essayent d’obtenir. Parce que c’est reconnu pour les touristes. Pour ça il faut des artisans ou des artistes, des artisans d’art ou des artistes dans sa commune. Les gens qui viennent se promener à la roche derrien ben il faut qu’ils voient à la fois par exemple. [...] le ferronnier d’art, le souffleur de verre. C’est un critère pour devenir cité de caractère. Il faut que ça soit joli, il faut que la ville ai du caractère mais aussi qu’il y ai une accroche un peu économique. Par rapport à ça ils avaient envie de faire un lieu convivial pour le marché donc l’idée de la halle c’était qu’elle soit en lien, avec le marché qui est ici. Est ce que la marché allait fonctionner ici ? L’idée c’était de faire un lien entre les deux et ça c’était un parking qui pouvait aussi permettre d’avoir un marché et qui servait à ça. Là les ateliers d’artistes je ne sait plus où ils étaient, parce que la on a un beau panoramique. Ici il y avait l’idée de jouer avec les points de vue. La halle venait là, ça pouvait agrandir la salle polyvalente et les ateliers étaient ici et là. En cours, je pense que c’est entre l’esquisse et permis, en fait le boulanger qui était ailleurs dans la roche derrien a perdu son, la DSV est passée dans son local et lui a dit qu’il ne pouvait pas rester là, qu’il pouvait rester là jusqu’à la fin de son bail mais qu’il fallait remettre aux normes etc.

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La mairie a dit c’est plus important d’avoir un boulanger que des artistes donc il faut absolument qu’on garde notre boulanger, en plus il est assez reconnu il fait de très bon macarons. Les ateliers qui sont ici sont devenus l’atelier pour le boulanger. Quand le projet à commencé, il y avait des artistes qui ce sont installé sur la commune à la place de la boulangerie. A la base il y avait une supérette qui à été convertie pour un été en petit local, café et puis ils vendaient ce qu’ils faisaient. Les artistes finalement ont quittés le lieu pour d’autres raisons, on va dire des raisons personnelles, c’est ce qu’on retrouve maintenant ici dans cette partie là, le 16-18. C’est pas le même qu’au début mais ils ce sont installés ici. Ça c’est le processus, donc ça ça date de 2011. A chaque fois il y avait les atouts et les faiblesses de chaque propositions. Tu demandais comment on avait travaillé. Quels sont les atouts et les faiblesses de chaque scénario, à la fois il faut du stationnement mais il n’en faut pas trop, enfin on a toujours les même problématiques, les points de vues etc... Quels sont les lieux de rencontre, et après on regardais architecturalement ce que ça pouvait donner et c’était pour donner un peu une idée du prix parce qu’en fait ce qui est intéressant pour nous c’est de savoir combien ça peut coûter et d’avoir une idée un peu de ce qui peut se faire. Donc là c’est le deuxième mandat de la commune, leur idée c’est de quand même rénover la salle polyvalente. Au final ce qui à été choisi c’est plutôt celui là même si c’est pas tout à fait ça. Il y avait l’idée de mettre les ateliers d’artistes ici, donc d’en avoir un qui donnait vraiment sur la place, on avait déjà l’idée. Parce qu’en fait le bâtiment il faisait tout ça ; je vais te montrer des photos. Les arcades ont les a créé quelque part pour ouvrir, pour avoir une vue en fait. . Oui, J’ai vu ça, il y avait plein de photos anciennes d’exposée dans le village. Ah oui peut être, en fait ici c’était fermé, il y avait même un garage en bout. Donc on a démoli le garage. C’était déjà une idée qu’on avait dès le début, on la voit ici, de créer un passage et la halle était là, c’était un peu une continuité des ateliers et avec l’idée qu’il puisse aussi y avoir des expositions pour les artistes quand il y avait des marché d’art etc... Ce qui est venu encore, c’est pour ça que le programme était un peu compliqué, c’est que le syndicat d’initiative il était par ici et je ne sais plus pour quelle raison ils se sont dit que il fallait le bouger, je sais plus pourquoi.

Il était à côté de la bibliothèque et maintenant il est dans l’ancien bâtiment ?

En fait la il y avait bibliothèque et là c’était des salle de musique, c’était des salles associatives. Les cours de musique se faisaient là, les cours de couture... Donc à un moment donné ils nous ont dit. Ça c’était avant le boulanger, ils nous ont dit « le syndicat d’initiative qui est là il va faloir qu’on le remette ici ». Et l’autre demande de la commune c’était que en fait ici c’était l’ancienne chapelle, ça s’appelle la maladrerie parce que ça devait être un ancien hôpital. C’était la chapelle de l’hôpital et l’idée c’était c’était de retrouver la porte qui est ici, qu’ils appellent la porte de la maladrerie, qu’on voit bien maintenant dans le projet. Ce qui faut bien imaginer c’est qu’il y avait des garages partout et que ici derrière le, je ne sais pas si c’était un coxi market ou je ne sais trop quoi il y avait ici, un grand bâtiment aussi. Oon voyait même pas mais on a retrouvé aussi une fenêtre au pignon.

La fenêtre sur le pignon n’était pas visible au début des analyses ?

On l’a retrouvé, c’était caché. Quand il ont dit qu’il fallait faire un syndicat d’initiatives on s’est dit que c’était bien de le remettre dans la partie ancienne, il fallait bien qu’on le retrouve puis surtout il permettait de faire l’articulation Après on a du faire un estimatif, sur la globalité je sais plus on devait être à 3 millions d’euros a peu près, et ils nous dit, et bien nous dans notre mandature on ne peut mettre qu’un million. Donc avec 1 millions qu’est ce qu’on fait ? On a dit bien on fait juste quelque chose ici. Et comme on a mis le syndicat d’initiative là, que les artistes qui étaient prévus ici étaient délogés par le boulangers, les artistes sont venus là. Donc les salles associatives et bien on ne les avaient plus, donc on a abandonné la halle et on a mis les salle associatives à la place. Parce qu’il avait vraiment besoin, il y a des associations, il y a un besoin alors que la halle c’est une idée mais en même temps c’est le marché étant là c’est pas forcément facile, pour une petite commune, de faire deux endroits pour le marché. Voilà je pense que j’ai a près parler du programme. Donc il y a eu les scénario, ça a permis de donner un chiffrage. 1 millions donc on ne va pas tout faire d’un coup. Tan pis pour la salle on va refaire le syndicat d’initiatives qui est le cœur pour une petite cité de caractère. Forcément si il y a des touristes qui viennent, ils vont d’abord au syndicat d’initiatives. Donc on va faire le nouveau syndicat d’initiatives avec les

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ateliers d’artistes et les salles associatives qui peuvent éventuellement servir pour les artistes. Et tout ça autour donc d’une place en fait nous c’était ça qui nous plaisait bien dans le scénario qu’on avait présenté c’est de créer cette place qui est en lien avec les trois autres places et qui était plus un jardin. Nous on avait l’idée d’un jardin mettre un arbre en fait que ça fasse un petit peu comme un jardin de curé ou les verger qu’on avait.

C’est un peu à ça que ça m’a fait penser

Oui mais en fait il n’y a pas de végétation, c’est un terre-pierre, parce qu’ils veulent pouvoir faire, il y a des animations, et ils veulent pouvoir mettre un chapiteau donc si on mettait des arbres et bien voilà on perdait cette idée la. Quels sont les démarches et les dispositifs que l’on pourrait «qualifier « d’écologiques » mis en œuvre ? Quelle proportion prend la part culturelle dans le projet ? Après pour la partie écologique Pour avoir des subventions, pour avoir des subventions les communes sont toujours à la recherche d’un maximum de subventions. Il y a le programme éco-FAUR. Pour avoir le programme eco-FAUR, ça impose des choix écologique. On répondait à la fois à l’éco-FAUR, c’est la volonté d’aller chercher la subventions. Et petites cité de caractère c’est un label donc ça impose d’avoir des menuiseries. Ça se recoupe avec l’eco-FAUR, mais ça donne une dimension en plus. Bois local etc. Il y a avait les deux qui se recoupaient. Pour la partie écologique il avait pour idée de faire quelque chose de bien de ce côté là mais après il ne sont pas venus non plus en disant « on veut tout écologique ». Après pour la partie culturelle c’est quelque chose d’assez fort dans le projet effectivement ; Quelque chose de fort, la halle un lieu social, l’idée des artistes même si c’est perturbé avec le boulanger. Tu as visité aujourd’hui mais si tu va cet été ils font des fêtes médiévales à la roche de Derrien, ils font ça sur la place, maintenant ils investissent les deux lieu. Le maire est pas mal, par exemple pour ses vœux il fait venir un artiste qui va faire des petits sketches donc ils sont quand même assez porté sur la culture Il y avait une partie patrimoniale. L’interieur de la chapelle. On a travaillé sur les tomettes au sol, on a gardé, la c’est isolé en fait c’est pas très logique... On a toujours des problèmes, je ne sais pas si c’est ça ton mémoire, c’est a dire qu’avec la RT 2012, non la c’est la RTEx pardon, c’est la RT de l’existant, on a pas le droit de dégradé ce qui existe. On avait un grenier, pas isolé, par contre ici c’était des salle de musique en haut et en bas donc c’était quand même isolé sur les côtés. Donc la il y a de l’isolant on ne peu pas enlevé l’isolant. Donc avait le grenier pas isolé et cette fenêtre du pignon qui n’était pas visible et cette fenêtre et on voulait garder les pierres. On a fait un enduit et la un doublage isolé. En fait on aurait bien fait un enduit chaux chanvre partout, à l’ancienne mais le chaux chanvre n’est pas dans les caractéristique Le CSTB connait pas ça ? Pour eux c’est esthétique mais ce n’est pas thermique. Donc on était obligé de d’avoir des parties isolés avec du doublage et on a des parties enduit au niveau des pierres. La encore ça va c’est tout le pignon. Au début c’était ça, on a gardé la pierre, on aurait pu refaire les joints , il restait des trous de boulins, mais l’architecte des bâtiments de France qui préférait qu’on fasse un enduit et qu’on garde que les pierres c’est pas des pierres qui normalement sont faites pour être vues. On a gardé la même isolation partout. Logiquement on aurait du tout isolé partout, la logique patrimoniale, culturelle fait que on garde les pierres on cache ou pas ? C’est …

Question D’équilibre ?

Voilà, on va le voir. La on a le doublage qui s’arrête. On a mis des montant en bois. Et la on a enduit ici, les pierre de la porte. Et la c’est pas encore enduit. C’est enduit pour renforcer la verticalité de la chapelle et ça ferme les caissons d’isolation. On a travailler sur un escalier type église, pour redonner le caractère de l’ancienne chapelle. La c’est une petite coursive pour faire des expos, même si logiquement on est pas assez large pour recevoir du public. Normalement il faut 1m40, la norme c’est...mais un 1m40 là en fait c’est très peu large le bâtiment. Si on fait un escalier d’un mètre 40 on est a deux mètres 80 et il reste.. là déjà il doit rester quoi 1m50, fin c’est pas très grand. Si on fait tout dans la norme sur le permis, le haut c’est que pour le personnel. L’autre bâtiment, l’idée c’est accompagner. Que l’arcade, ça nous emmène. Ça créer

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un appel. On a travailler sur des palier, dans l’idée que si un jour le boulanger part on puisse y faire des ateliers d’artistes. La ici c’est une salle plus classique. Le cheminement PMR se fait tout autour du carré. Ici l’utilisation du bois, c’est une réinterprétation moderne du pan de bois. Oui au début j’ai chercher, le bois en bretagne ? J’ai fais un tour de place et j’ai dit ah Ok c’est de la que ça vient. Ce bâtiment là, c’est l’atelier du lieu a Nantes. A la base eux devait s’occuper de l’urbanisme et nous de l’architecture mais si ça avait été un projet à trois millions après en urbanisme il y a eu moins de chose donc c’est eux qui se sont plus occupé de la salle. En fait on a essayé de travailler sur des détails qui revenaient. La hauteur, le zinc en toiture... Le bardage irrégulier c’est pour donner du relief au parcours, eux ils ont un bardage plus simple, on avait mis des montants qui passe devant là et là, ils en ont rajouté après pour donner l’unité. Ducoup, c’est deux bâtiment différents issu d’un travail commun. Ici il y a l’idée d’ouvrir le mur qui est là et d’ouvrir sur la salle polyvalente mais le jour ou elle sera rénové et la deuxième phase, l’idée c’est d’agrandir. Peut être enlevé un bout du mur, apres ça sera à voir mais.. éventuellement d’agrandir ou pas la place. Il y a déjà un bout de mur en moins là mais ici ça n’est pas fait encore. Après a voir ou pas enfin bref c’est un autre travail. Voila, voilà pour le projet, apres on travail sur un éco centre à Pleumeur bodou (22)... Y’a une association sur le projet, là bas c’est vraiment culture et écologie... C’est en cours. [...]

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Remerciements A l’équipe enseignante d’abord pour m’avoir accompagné dans ce travail. A Hubert Guillaud mon directeur de mémoire pour ses références pertinentes et ses conseils éclairées. À Anne-Monique Bardagot toujours présente. À Yvan Mazel pour son regard neuf. Un grand merci ensuite, à tous ceux qui ont accompagné le volet théorique du présent travail, me retranchant toujours plus loin dans mon argumentaire. Merci à mes camarades de promotion pour la richesse des discussions. Merci aux hommes et aux femmes rencontrés sur le terrain. Merci aux étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne. Merci aux architectes ayant pris le temps de répondre à mes questions. Anne Rubin pour son partage, Christophe Cadout de l’atelier rennais de Philippe Madec. Remerciements à Philippe Madec lui-même, inlassable passionné d’architecture et de philosophie. Aux architectes de l’Agence IN SITU Architecture et Environnement à Nantes. Merci à mes colocataires pour leur patience et leur désir de vivre ensemble autrement. Merci à Liza encore là malgré les années. Merci surtout à mes parents sans qui rien de tout ça n’aurait pu se faire. À mon père pour sa relecture attentive, à ma mère pour sa relecture affective.

Merci enfin, au monde et aux hommes pour me donner chaque jour matière à réfléchir.

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BOY Yoann L’éco-conception est aussi affaire d’hUmanisme


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