TERRAFRICA 2014
BOY YOANN ENSAG 2014 ANNÉE DE CÉSURE RAPPORT D’ÉTONNEMENT
CHRONIQUES D’UN ALLER-RETOUR EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE SUR LES TRACES DES ARCHITECTURES DE TERRE, à la rencontre de l’inattendu.
TERRAFRICA 2014 CHRONIQUES D’UN ALLER – RETOUR EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE SUR LES TRACES DES ARCHITECTURES DE TERRE, à la rencontre de l’inatendu. Yoann BOY RAPPORT D'ÉTONNEMENT Année de Césure 2013-2014 E.N.S.A. Grenoble 2014 60 avenue de Constantine BP 2636 38 036 Grenoble Cedex 2 Enseignant Référent, Nicolas DUBUS
AVANT-PROPOS
Comment commencer à écrire un rapport d'étonnement après 9 mois d’activités dont 136 jours de voyage de l'Europe à l'Afrique ? Alors que ma licence s'achève en Juin 2013, plusieurs options s'offrent à moi dans mon parcours universitaire et professionnel. Soit entamer un master dans la suite logique de mes études, arrêter mon parcours et entrer dans la vie active, m'orienter vers une nouvelle formation ou encore partir en échange. Quitter le système universitaire s'est très vite révélé ne pas être une option. Intéressé par le Master Architecture Environnement et Cultures Constructives, je prévoyais alors de prolonger ma formation au sein de l'E.N.S d'Architecture de Grenoble. L'Erasmus ne me convenait pas, m'empêchant de suivre l'intégralité de la formation, j'aurais perdu la première année du master en partant en échange. Toutefois continuer dès la fin de la licence n'a pas suscité chez moi d'envie particulière. Le diplôme obtenu, j'ai éprouvé le besoin de mesurer mes acquis, de les réfléchir et de les mettre en application. J'ai ressenti la nécessité de confronter mon projet professionnel, prendre le temps de penser à mon orientation, mes choix, mon avenir. Un besoin de retour à la nature, de travail manuel, de rencontres, de voyage, en bref une envie de changer d'air. Comment faire alors pour concilier parcours, envies et besoins ? Ne perdant pas de vue ma démarche globale visant le Diplôme d’État d'Architecte et le Diplôme de Spécialisation en Architecture de terre, j'ai mis en place avec le soutien de Marianne Veillerot responsable de « Orientation, Insertion, Professions, Vie étudiante » au sein de l'école, un statut étudiant spécifique à ma situation. Le dispositif d'année de césure permet au étudiants désireux de conserver leur statut, d'être rattaché à l'école sans y être pour autant inscrit pédagogiquement. Cet aménagement du parcours, permet à tout à chacun de continuer sa formation en dehors du cadre universitaire, sur le terrain ou les chemins... Dans le contrat me liant à l'école, je m'engage d'une part à participer à plusieurs chantiers d'autre part à partir en voyage. L'année de césure m'a permis de faire sortir l'architecture des murs de l'école. Voir, comprendre, apprendre ont été les moteurs de mon expérience. D'abord parti sous le thème des architectures de terre, c'est aussi à la culture et aux hommes que je me suis ouvert et confronté. Mes découvertes ont été nombreuses et variées. L'observation, les rencontres et de nombreuses visites m'ont permis d'utiliser
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mes connaissances, ma capacité d'analyse afin d'enrichir ma réflexion sur le rôle et le métier d'architecte. J'ai pu au contact du monde et de la vie approfondir et faire évoluer ma pensée de l'architecture. Enfin je pense que cette année m'a permis d'appuyer mon projet de formation. Elle m'a donné la volonté et la motivation de poursuivre mes études, de me spécialisé. Dans un premier temps mes intentions étaient de tout raconter, tout développer, tout analyser. Après un long moment de réflexion, il en été autrement. Je me suis attaché à retranscrire l’ensemble des données exploitables disponibles à mon retour. Ce qui représente déjà une masse d’informations, de textes et de photos conséquentes. La rédaction de ce rapport me permet de poser une première fois ce que j’ai pu vivre, voir et découvrir pendant mon voyage. Témoin écrit de mes aventure je tente au travers des pages qui suivent de retracer mon parcours de le documenté. Avec une intention de le rendre vivant, vivant comme l’a été mon expérience. J’ai choisi le mot chroniques, C’est ainsi que cet ouvrage est ordonné. Dans un premier temps vous m’accompagnerez à travers monts et mers jusqu’en Afrique noire, vous découvrirez mon séjour au Sénégal, sont lot d’aventures et de découverte. Plus tard ça sera au tour du Maroc de se dévoiler. Je pense avoir été fidèle dans ce retour d’expériences, j’espère que vous vous savourerez ces pages comme j’ai pu profiter de chaque instant. iuhfikfdkjhfkjnfkjdsnkcjnksjdncksndkcjndjnkjnfkjnfkjnkjdsnf
TABLE DES MATIÈRES DE BORDEAUX A DAKAR 6 PARTIE 1 : SENEGAL 32 SUR LA PETITE COTE 33 BRIQUES DE TERRE COMPRESSÉES 36 PETIT TOUR DU SENEGAL 43 CENTRE DE FORMATION AGRICOLE DE NIANING 70 BASSE CASAMANCE 74 «DINA MA NEKH» 86 PARTIE 2 : MAROC 94 GRAND TOUR DU MAROC 97 DU SOUS AUX PORTES DU DÉSERT 98 CASBAH DE TAOURIRT 100 ROUTE DE LA TERRE 102 CASBAH DE TIFOULTIOUTE 110 ACROSS THE ATLAS 112 FES, CITÉ MILLÉNAIRE 114 FIN D’UNE AVENTURE 116
DE BORDEAUX À DAKAR
Extrait du journal de bord
VENDREDI 27.12.2013 Arrivée à bordeaux à bord d'un énorme 4*4 multi options, le genre de voiture qui ressemble à un tank de l’extérieur et un avion de l'intérieur, la route est passée à toute vitesse du Quercy au Bordelais. Retour à Bordeaux quelques jours après y avoir été retirer mon visa au consulat du Sénégal. Je prend le tram, sans fils (merci Juppé) jusqu'à la gare principale. Le point de rendez-vous pour mon covoiturage jusqu’à Algeciras (Espagne) est à "Belcier", je ne connais pas un poil Bordeaux à part la place de la bourse, l'opéra et quelques autres monuments. Lecture de plans en tout genres me font trouver un arrêt qui porte ce nom, je m'y rend, mange un bout, le RDV est dans 10 minutes, fume une cigarette, regarde les trams passés les uns après les autres, toujours pas de covoiturage. Ça carbure dans ma tête, et si il n'y avait pas covoit' ? et si ? et si ? le début de l'aventure ah !? ça ne m'enchante gère, ça ressemble à une première galère... Il est 21h15 le téléphone sonne : - Allo ? C'est Toufik du covoiturage, qu'est ce que tu fout ? T'es où ? On t'attend pour partir... - Heu... ben heu... désolé, je suis à Belcier heu... à l'arrêt de tram comme convenu... - Arrêt de tram Belcier je connais pas, (en off) Hey quelqu'un connait l'arrêt de tram Belcier ?W - Attend j'ai un plan sous les yeux dis moi où tu es je te rejoins, je ne dois pas être loin... - Je suis derrière la gare tu vois derrière la gare ? - Attend, je ne suis pas de bordeaux... hum Ouaip je vois la gare sur le plan c'est à genre 300m, bouges pas j'arrive ! - OK a tout de suite, fait vite..." Pour un premier contact, dommage c'est mal parti, je charge le sac sur les épaules, je file droit devant tourne à droite, tiens 4/5 personnes en train de discuter autour d'une voiture... voilà qui ressemble à un covoit', je m'arme de mon plus beau sourire, et je fonce. - Salut moi c'est Yoann, c'est le covoit' pour Algeciras ? - Ouaip, enchanté moi c'est Toufik - Moi c'est Aziz - Mohammed
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- Karima Alors Toufik reprend la parole : - Alors comme ça mon petit tu files au Sénégal ? - Ouaip, et par la route ! - Par la route ?! Les autres me regardent avec des têtes... Ils ont tous l'air marocains, enfin bien plus que moi. - Wallahi (Parole de dieu) tu as du courage ! (on me dira plus tard que je suis fou !) On charge les sacs dans la voiture, tout le monde pose ses fesses, les miennes à l'arrière et de préférence pas au milieu. Petit détour pour prendre un truc ou deux oubliés chez Aziz. Le conducteur, Toufik est âgé de la trentaine tout comme son ami Aziz. Mohammed, un rifain (habitant du Rif, montagnes à l'est du Maroc) un peu plus jeune. Pour Karima, je ne sais pas, on ne demande jamais l'âge d'une dame.Tous partent en vacances au "bled" comme on dit, chez des amis ou dans la famille, pour certains le retour au pays date, une chose est sûre, tous ont hâte. On prend l'autoroute à Bordeaux, on file à 130km/h, conduite sûre, ça me rassure. 2 heures plus tard nous voilà à hauteur de San Sebastian, on passe la frontière, il est 23 heures, ça y est, la France c'est fini ; aussi rapide qu'une piqûre chez le médecin, je n'ai rien senti. Le réseau change sur le portable, chaque message coûte dorénavant une petite fortune, pipelette s'abstenir. Première pause après la frontière, café, clope, banane, pipi, raide boules, les langues se délient, et ça ne fait que commencer. Tout les passagers de cette voiture sont adorables, on discute du Maroc, la culture, la langue, les villes, les choses à voir, à faire ou ne pas faire. Les précautions à prendre sont dictées une à une. Je me sens bien, j'adore. Chacun défend son coin d'origine : Tanger, Casa, Meknès le Riff, je suis invité de partout à mon retour au Maroc, comme on dit chez eux : Inchallah (Si dieu le veux). Les heures passent, les pauses aussi, les barres de rires, les cafés et surtout le plus important : les kilomètres. A 05h nous sommes à hauteur de Madrid, la route se fait sans GPS, ils la connaissent par cœur, tels des oiseaux migrateurs, c'est inscrit dans les gènes. A Madrid prendre la direction M40 et sortir direction : Tolède/Cordoue. Mohammed est surnommé "momo GPS", il trouve la route au flair, il passe co-pilote. Les conducteurs se relaient. Le sommeil ne vient pas, l'excitation et la tension sont au maximum. Le jour fini par se lever, les paysages ont changés, la terre est devenue rouge, seuls commencent à pousser les oliviers. les kilomètres continuent de défiler, les camions d'êtres doublés, les stations de passées etc, etc...Nous traversons la Sierra de Andujar, magnifiques montagnes. Commence alors l’Andalousie, ses plaines, ses collines, ses villes de terre recouvertes à la chaux et ses champs d'oliviers à perte de vue, du sol au plafond. Pas un hectare n'y échappe, nous voilà sûrement dans la plus grande oliveraie d’Europe, c'est impressionnant.
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Je pense que j'ai dormi un peu. je me réveille nous sommes à 1h30 de notre point d'arrivée, que va-t-il se passer ensuite ? On verra bien ! Il fait entre 16 et 18°C, le soleil tape, la voiture chauffe trop, le chauffage est à fond, problème de ventilateurs, on se croirait en plein été. J'ai mis à profit ces heures passées en présence de mes premiers amis marocains pour apprendre quelques bases de cette langue qui m'est encore inconnue. Au loin, se détache la silhouette du rocher de Gibraltar. Un arrêt nous permet de nous renseigner sur les prix pratiqués par les compagnies maritimes pour la traversée du détroit. 40€ l'aller-retour pour un piéton, près de 250€ pour un véhicule type voiture break. Pour moi ça sera 20€, pas de retour prévu pour l'instant. C'est les fêtes les tarifs sont au plus haut. Nous arrivons à Algeciras à 13h. Un type au gilet jaune nous stationne, c'est un rabatteur, il nous propose ses services, sûrement pour toucher une commission. On court derrière lui, Karima reste à la voiture, pour garder ses poumons, ses talons et nos affaires. Au bureau les tarifs sont ceux que nous avions. On nous mets la pression, le bateau part à 14 heures soit dans 20 minutes. Présentation des passeports, de la monnaie, on nous délivre nos tickets moyennant quelques jurons et de nombreuses grimaces, vraiment pas commode ce vendeur. Muni de nos titres de transport, on lâche un billet au rabatteur, nous retournons, toujours en courant, à la voiture. On se presse, on se dépêche, on démarre, on nous fait attendre. Nous n'embarquerons que 2 heures plus tard... à 16 heures, heure européenne. Montée à bord du ferry, c'est la même que pour l’Angleterre sauf que là il me faut tamponner mon passeport par la police marocaine. Toujours accompagné par mes co-voitureurs je rempli les fiches d'embarquement, fait la queue, fait viser les papiers, ça y est mon numéro d'entrée sur le territoire m'est délivré. La traversée est bien entamée, je suis en route ou plutôt en mer pour l’Afrique. L'annonce est faite au haut parleur nous devons rejoindre nos véhicules. Nous sommes rentrés dans les derniers, c'est le pied, la sortie est en marche arrière, dernier arrivé égal premier sorti. bim-bam-boum demi tour, on entend de la casse, nous voilà sorti sur un autre continent, une autre terre, nous sommes à Tanger Med, porte maritime du royaume du Maroc. Énorme infrastructure réalisée il y a peu, elle aura fait transiter 2.500.000 conteneurs l'an passé et seulement 100 000 voyageurs entre le 27 aout et le 1er septembre. Autant dire que c'est de de la folie. Les terminaux 2 3 et 4 ne sont pas encore achevés, une fois terminé, ce port devrait être le plus important port d’Afrique tant par la taille, que par la capacité ou même le nombre de liaisons maritimes à 20km à peine de l'Espagne : Le nouveau Maroc est en marche.
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Le covoiturage jusqu’à Algeciras n'est pas fini, nous sommes toujours avec Toufik et Aziz, on passe un barrage, deux barrages et le troisième où l'on déclare le véhicule, le fameux papier vert. L'importation de véhicule est réglementée, j'ai bien fait de ne pas m'en encombrer. Surtout il n'y a rien a payer; Les douaniers risquent de vous faire défaire bagages et barda, ne vous surchargez pas trop, faites de grands sourires. Pas la peine d'acheter les cartes Sim à 5€ ça coûte réellement 2€ en ville. Une fois la douane des véhicules passée
vous pourrez faire du change (attention aux taux) manger un morceaux, très cher et donner une pièce ou deux à de nombreuses personnes errantes ici entre l'Afrique et l'Europe... On remonte en voiture, personnellement, pas de monnaie, pas de change possible je verrais ça une fois à Tanger. Il est 17h30 nous sommes à une heure de Tanger, je ne sais pas encore où je dors, où je mange, je compte rester à Tanger ce soir, le Bus pour Rabat me ferait arriver vraiment trop tard là-bas. C'est à ce moment que Aziz me propose de m'héberger chez lui dans sa famille (;)) le pied. Ça y est la route se goupille, l'objectif est de lâcher prise, plus facile à dire qu'a faire. On longe la mer pendant une heure pour arriver au centre de Tanger, direction la gare des bus. Karima et Momo prennent leurs directions respectives. Nous, nous allons manger un morceau, un gros morceau, ça fait je ne sais pas combien d'heures que nous n'avons pas mangé, on est tout les trois affamés, fatigués, arasés, heureux d'être là. Ça y est, j'y suis, enfin, heureux, vraiment très heureux ! Au menu c'est poulet grillé à la marocaine, un pur délice, un coca des frites un gros rot et le traditionnel "Ahmdullah" pour clôturer le repas, le tout pour 50diramh, à trois. Pour vous donner une idée 10dh c'est 1€ donc 50dh c'est ? ... 5€, Au Maroc il y a tout, à tout les prix, pour tout les budgets, l'essentiel étant que chacun mange à sa faim. Politique qui permet bien évidemment de satisfaire tout a chacun et que tout ces derniers restent bien tranquille, Sa Majesté l'a bien compris. Je suis donc accueilli chez Aziz, magnifique appartement à la transition entre l'Europe et le Maroc, un salon "à l'européenne", et un salon "à la marocaine", des décors traditionnels des imitations tadelakt sur les murs, des plafonds moulurés plâtres peints à la main... Petit tour en bas de l'immeuble au café du coin pour boire un thé à la menthe en regardant le football, nous rencontrons le frère de Aziz, maçon, spécialisée dans les bétons imprimés. Ça y est c'est parti le travail commence. On discute technique et tarif, offre et demande : Le business c'est le business : "Bienvenue du Maroc" comme on dit ici ! Rien n'est chauffé dans cet immeuble quasiment vide, il est au 3/4 occupé par des marocains vivant à l'étranger. Toufik me fait remarquer l'étrange implantation de la structure porteuse au sous sol, je n'aurais cesse d'être étonné. On répare une porte qui ne ferme pas et qui a une vitre cassée avec : du ruban adhésif, un tapis de sol, un bandage à entorse et un morceau de journal. J'explique : le tapis bouche le trou, le scotch tiens le tapis, la bande attache la porte tandis que le journal la coince : "à la marocaine", j'ai l'impression de me sentir à la maison, On rigole, qu'est ce qu'on rigole, retour à l'appartement, un film et au lit, du repos bien mérité : Bordeaux-Tanger du confort au confort 24 heures.
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DIMANCHE 29.12.2013 Réveil en douceur après une première nuit sur un divan marocain : quel confort. Levés vers 10/11h nous descendons dans la rue. Premier petit déjeuner en terre Africaine, ça sera des "crêpes tressées" à la sauce cacahuète, huile d'argan, miel (amlou) accompagnée d'un thé à la menthe au soleil en terrasse de café, le pied. Après s'être repus nous voilà partis pour un petit tour de voiture dans Tanger et ses alentours, D'abord le nouveau stade, impressionnant au milieu des champs, l'urbanisation le rattrape je pense qu'il sera en ville la prochaine fois que je viendrais. L'effet de la bulle immobilière est énorme à Tanger. Aucune industrie, aucune richesse au départ si ce n'est ce lien avec l’Espagne et pourtant se sont des kilomètres de routes, des centaines d'immeuble qui ont proliféré dans ces collines en quelques années. Les investissements sont colossaux, les appartements vides pour la plupart. Nous nous rendons à la grotte d'hercule, célébre pour avoir étée taillée à coup de griffes ou d'ongles dans les falaises de Tanger, face à l'atlantique. D'ailleurs l'entrée de la Grotte dans le contraste voit se découper la forme de l'Afrique. Nous longeons la côte vers le nord. En été de nombreuses petites grottes aménagées dans les falaises servent de lieux de rendez vous, pour un café, un tajine ou un rencard amoureux, à l'abri des regards, du vent, face au soleil couchant et l'océan. Nous arrivons ensuite au Cap Spartel, son phare domine le détroit de Gibraltar, lieu ou l'Atlantique et la Méditerranée se marient. Il fait beau, Il fait chaud, l'été c'est rempli de touristes, en ce jour nous avons de la chance. La voiture nous mène ensuite sur les hauteurs. Tanger est surnommée Tanger-la-Haute-Ville, nous croisons richissimes résidences et le palais royal. Sa Majesté (SM) Mohammed VI (6) à une résidence dans chacune des villes du Maroc. A Tanger elle s'étale sur plus de 10Km de front de mer. SM se rend, au grée de ses envies d'un palais à l'autre et ne reste jamais plus de trois ou bien quatre jours dans la même ville et j'ai mes sources ;) toujours en voiture nous redescendons vers la vieille ville, ses remparts perchés, sa médina et son nouveau front de mer dans l'axe du port (vieux port de Tanger) arrangé comme une rambla Espagnole. Je repère l'embarcadère dans le vieux port, l'ancien débarcadère. Des bâtiment coloniaux Espagnols sont présents de ci de là et rappel l'histoire mouvementée de cette ville, entre Maghreb et péninsule Ibérique (pour être précis). Toufik et Aziz me montrent Leur club, les marocains adorent aller en club (on le reverra par la suite) LA place où être le soir à Tanger est Le 5.55. Concept français, il fait café tranquille le jour, club ouvert à tous les vices le soir. Nous nous rendons ensuite à la gare de Tanger pour avoir les infos du train pour Rabat, mon prochain objectif. Un train toute les deux heures en partance pour la capitale politique du royaume, tarif 100dh soit ?... à vous de jouer maintenant le calcul est simple. Départ à 15h30 ou 17h30 pour un trajet de 3h30 à 4 heures tout dépend des conditions de circulation. Premier test à un DAB (distributeur) échec, hum... un distributeur mobile dans une gare, OK, il est sûrement à court de devise. On repart, second
test à la société générale, échec... Je commence à penser très fort à monsieur le banquier, troisième DAB, même chose. "Wallahi" comme ils disent ici, ça commence à chauffer, et pas la carte c'est ça le problème... Sans argent au Maroc, su-per, une galère ? Bon aller un quatrième test, et si celui la ne fonctionne pas, ben euh...Pensez à prendre une somme en liquide en euros ! Pour faire du change au cas ou, ou bien glisser un ou deux billet de 20€ en cas d'urgence ou grosse urgence, ça peux aider... Erreur de débutant. On repart au quartier pour trouver la dernière machine à sous, suspens... un gars passe devant moi... il récupère des billets ! je m'approche code tada ? eh oui c'est bon enfin quelques devises, pas des sommes extravagante mais au moins assurer le minimum, mon déplacement, ma communication et surtout arranger la touffe de cheveux que j'ai sur la tête ! Billets en poche je file chez le coiffeur qui me fait une coupe "à la marocaine", je suis dedans des pieds à la tête au bout d'une vingtaine de minute, la super classe "swina" j'ai même droit à un "beau gosse" de la part du pro qui ne m'a pas décroché un mot en français de la séance. Photo souvenir (classée). Je monte me doucher faire mon sac et redescend boire un thé, petit saut chez le coiffeur qui me remet le gel supplément après douche, gratis ! Les gars sont jaloux, a priori personne n'a droit à ça : content ! Train à 17h45 pour finir, il est l'heure, pas le temps de manger tant pis on file à la gare. Premiers adieux, premiers pas seuls... Je remercie (encore en écrivant ses lignes, encore en les relisant une énième fois) les gars pour leur gentillesse et leur accueil fraternel, j'espère les revoir en France ou au Maroc, donnez moi des nouvelles. Petite dédicace à Karima et Momo je sais qu'ils liront ça ! Un première page se tourne, je marche vite sur un quai de gare, je monte dans le train, ce sont des cabines de 8, je file à l'avant pour en trouver une de libre. Je monte, on s'installe moi et mon sac... J'attends. Je ferais la route avec Yasser de Rabat, qui bosse sur une plateforme téléphone et qui a vécu en Europe, plusieurs autres type et une marocaine d'une vingtaine d'année trop dégoûtée quand on est descendu du train, elle avait plus personne avec qui 'papoter' ;). Arrivée à Rabat-ville à 22h. J'ai super faim, Yasser m'emmène dans un snack, pas trop cher et bon, c'est cool. On discute de tout de rien de chacun, de la vie, nos route se séparent à la Bab el Had, (Porte de ?) à côté du marché central, à deux pas de l'auberge de jeunesse, au pied d'une magnifique, imposant, simplissime, de toute beauté mur en Terre. Coup de téléphone à la famille, je prend une chambre à l'auberge (60dh) demain est un autre jour, objectif capital, mission pas aisée.
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LUNDI 30.12.2013 Il est 8 heures, j'ai mal dormi, l'auberge est dans un ancien Ryad, tout bien, suffisamment propre et le lit confortable, pourtant j'ai mal dormi. Je mange, me douche me prépare aujourd'hui c'est le grand jour, je dois me rendre à l'ambassade de mauritanie pour d'une part payer et obtenir mon visa, d'autre part trouver une voiture pour descendre au Sénégal. La gare des bus est au pied de l'auberge, le ticket c'est 4dh, il faut les donner à la dame en montant par l'arrière. Je dois prendre le 66. Je fini part demander à un gars qui a l'air de gérer le capharnaüm quand j'ai 3 n°66 qui me sont passé devant soit sans s'arrêter, sans m’attendre ou bien encore pas dans le bon sens... Je fini par l'avoir, le gars m'arrange, il demande au chauffeur de m'indiquer quand je serais arriver à destination. Cool. 4 Km dans rabat, ça défile, les bâtiments officiels surtout, un ou deux quartiers résidentiels on est repassé par une porte en terre, longer le mur, contourner gauche droite on fini par atterrir je ne sais où, on me dit de descendre, je m’exécute, demande mon chemin à 4 grands africains à l'angle d'une mosquée "toujours tout droit et tu traverse" je m'engage au bout de 25m ça tourne, paye ton "tout droit". En bas de la rue je redemande à un vieux qui gère quelques places de parking (c'est sont boulot), je dois traverser un boulevard sans passage, autour de moi que des banques et des panneaux d'ambassade, à un angle une station essence. Je fini par trouver la file, d'une vingtaine de personnes qui attendent là leurs visas. Pas mal de français, je discute à droite à gauche, personne qui me tente, dommage, je rempli la feuille, paye 4dh pour que l'on m’agrafe les photos d'identité sur le formulaire. Si vous êtes amener à faire cette démarche ne vous inquiétez pas les mecs sont là toute l'année, job à mi-temps, 8h-12h ;) salaire variable ! Je dépose, je paye les 340dh (34€ soit 10 000 Ouiguias, notez bien) pour un visa simple entrée de 1 mois, pas besoin de plus pour l'instant, si besoin je referais les démarches à Dakar. Pas de voiture pour le moment, j'ai faim, je commence à avoir chaud, je remonte à la mosquée, voir ce qui se passe alentours. je dois manger, trouver une recharge de téléphone (téléboutique) et j'ai bien envie de boire un thé. En plus de ça je dois me rencarder jusqu’où descendre et comment pour trouver cette fichue voiture si je ne la trouve pas ici à Rabat. Pause thé pour commencer. Un jeune en business fini par m'accoster, il loue des voitures, pas besoin, on parle vite fait du voyage, il me file sa carte, si j'ai besoin de quoi que se soit... Je lui dit j'ai faim, il me présente un gars qui se vante de faire les meilleurs sandwich de la rue. Je reste un peu à l'écart, il me faut lire, faire des plans, analyser la situation, savourer mon thé (que je sers encore comme un pied à ce moment là), ça tape le carton entre vieux et moins vieux dans le bar, thé à la menthe ou café au lait, à grands coup de cigarettes. Je fini par payer et bouger. "bienvenue au Maroc" une fois deux fois trois fois, on fini par m'appeler pour manger un bout, des bonnes grosses sardines grillés dans un pain à kebab (pain du Maroc en fait !) avec sauce tomate ou sauce piquante, c'est 5dh, il me le prépare et mets la dose, on échange trois mots, on rigole, c'est simple, c'est bon, ça fait du bien. Je trouve une recharge, je recharge, je vais en avoir besoin si j'établis
un contact. Je trouve deux français, chefs/guide d'une groupe de jeunes photographes qui mangent dans un resto, je les accostent, le patron sert le thé "gratis" me tend une chaise. On reste là a discuter Afrique route et plein d'autres histoire. Eux ne peuvent pas me prendre, ni le même itinéraire, ni le même timing ni les mêmes intérêts, mais se sont des mines d'info ! je ramasse et je trie avec ce que j'ai déjà et la carte. Je trouve 1kg de clémentine pour 6dh (c'est censé être 3 maxi 4, je le saurais que plus tard vous lirez) je me dis que ça peut être une bonne monnaie d'échange; Je refait le même trajet que ce matin mosquée, petit vieux, à qui je dépanne une clémentine pour le remercier du matin et au passage lui demander les toilettes les plus proches. Au Maroc on n'urine surtout pas dans la rue si on ne veux pas avoir d'ennuis ! Pause à la station. Passage au coin du pâté de maison puis je retourne à l'ambassade. certaines personnes présentent le matin sont là d'autres jamais vues... Je m'installe, je m'assoie sur le trottoir d'en face (ambassade de côte d'ivoire il me semble) et je mange une clémentine, puis deux, puis trois, je bois de l'eau il fait chaud, Je fume (encore), surtout j’attends, j'observe et j'écoute. Au bout d'une demi heure, quelques phrases, une clémentine des bonnes pensées et un peu d'eau, une sénégalaise me demande si je cherche une voiture. La chance me sourit ;) Elle revient 10mn plus tard et m'emmène à une Audi a première vue, un peu déglingue, j'ai bien écris un peu, on est au Maroc quand même et en partance pour l’Afrique de surcroit ! D'autant plus que la plaque n'est apparemment pas marocaine. Le gars est en train de dormir. Il me propose de poser mon sac à l'avant, il m'encombre et plutôt que de traîner dehors il est à l'abri. Du coup je m'assoit au pied de la voiture, au pied de mon sac, j’attends, j'observe j'écoute. Le balais se poursuit, le va et viens incessant fini par s'arrêter sur deux acolytes marocains, qui parlent français, enfin qui mettent un laps de temps à le faire ;). Ils finissent pas se poser avec moi, "il est pourri ton téléphone" "tu fais quoi ?" "tu vas où ?" patati patata... Eux partent en Mauritanie pour le business (étrange ces marocains, c’est les services secrets ?) moi je leur dis que j’attends qu'un gars qui m'a proposé de faire la route avec lui se réveille pour gérer cette histoire. Pour l'instant je ne connais même pas son prénom ! Il y a du mouvement à la porte "visa", je toc, il se lève. Il s'appelle Said, il fait la route "en 2-3 ou 4-5 jours ça dépend", il la fait souvent, il a un business au Sénégal et rentre souvent au Maroc. Bon bon, les visa sont délivrés, autour de Saïd, mon potentiel chauffeur, je retrouve un français qui descend une voiture et voir "sa copine" au Sénégal et mes deux étranges acolytes marocains. Tous vont faire la route avec Saïd. Réunie cette équipe me plaît bien, je fini par obtenir mon visa à 17h30 le même jour. Saïd nous invite moi et Régis (le français de l'Oise, agriculteur, le contact est facile) à venir passer la soirée chez lui enfin chez sa famille à Casablanca, tout le monde est en voyage, il est seul. On cause encore, on échange les cartes de visites les numéros.
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Allons y gaiement, direction Le Marjane de Rabat, la grande ligne de super marché appartenant à la famille du roi. On fait quelques courses, un peu de mécanique sur le parking et Saïd attend pour récupérer un colis... On fini par bouger direction Casablanca. Le mec sur qui je tombe n'est pas fou c'est pire, mais vraiment dans le bon sens du terme, on se marre bien il me propose son prix pour la route, marché conclu, on va a "Casa" demain on part à Dakar. Ce soir c'est repos il me dit être épuisé et préfère se reposer, ça me rassure. Une fois sortie de l'autoroute, la conduite en ville devient super sportive, c'est la même pour tout le monde, Régis qui suit avec sa voiture hallucine mais tient la marée ! Saïd nous emmène manger au Snack Amine sur la Jetée de Casa, repas de fruit de mer dans un restaurant de luxe pour, pour ? 72dh, trop bon, super, j'ai le ventre qui va éclaté. On Part finalement se coucher chez Saïd, ses chants de supporter commencent à me rentrer dans la tête, ça lui plaît, on rigole bien. Saïd, si tu lis ça un jour, dis moi merci ;) ! Raja-oui (supporters du Raja, demi-finalistes de la coupe du monde des clubs (organisée au Maroc) il a suivi tous les matchs dans tous les plus grands stades, un vrai vrai fan ! On rentre chez le commerçant marocains, bien rincés par cette journée, je pense que j'ai trouver des compagnons de route, la vie est belle. Je vais me coucher, la nuit porte conseil.
MARDI 31.12.2013 Levés à 10h, on est en retard, les deux autres marocains, Abdelali et Merouane, ont appelés hier soir, ils sont partant. Saïd doit payer un excès de vitesse au tribunal, j’attends dehors avec Régis, il payera finalement 300dh et n'avais pas besoin de se présenter, étant résident à Dakar il a deux permis, Sénégalais et Marocain, un pénalisé l'autre peut quand même fonctionner mais bon il souhaite partir l'esprit tranquille. On Prend un petit dèjeuner copieux au café voisin de l'appartement pour 20dh, je commence à aimer le Maroc ! repos encore à l'appartement, on ne part pas aujourd'hui finalement, on va faire le 31 ici à Casa, la copine de régis arrive par le train de 20heures, Saïd réserve une boite. On repars manger un Tajine magique dans une station essence avec un restaurant à 1 000 couvert spécialisé dans la tajine... Un délire ! On mange super bien, Abdelali le type d'hier nous rejoind à la station, on trouve un hôtel pour Régis et sa nuit du réveillon, pardon sa copine enfin tout ça, ça sera le diwan en plein business center de Casa. Je fait des tours et détours en voiture en ville, on parle on rigole on apprend tous à se connaître, je pose des questions tout le temps c'est cool ils sont tous francophones, l'échange est riche. On voit le stade des wouidedi (les méchants), la place financière de casa, des quartiers de banlieues, on parle crédit, business, islam et société, c'est bon ça, c'est sûr je pars avec eux.
A 20h on fini à la Gare récupérer "Abdu" et "Martine" les deux sénégalais de Régis. Abdu pète un câble en racontant que je suis le fils de l'autre français...R. monte avec sa copine nous on récupère Abdu, il est plus fou que moi et Saïd réunis, on est mal ! On va chercher Amine un dentiste pour sortir en boite. Retour à l'hôtel, tour et détour pour finir le 31 sur la corniche de Casablanca dans un cabaret Marocain, lieu de débauche en terre musulmane, royaume de sa majesté, mais bon : pas vu pas pris. Ça c'est vrai jusqu’à certaines limites. La soirée est sympa, un peu cher mais moins qu'en France, on s'amuse On fini par partir l'ambiance se dégrade, sa tourne vinaigre et les marocains sont chaud, Casa c'est chaud, les Casaouis sont des vrais chauds. Bonne année quand même. Pour moi cette année c'est au chaud, Parole tenue au propre et au figuré ! On rentre se coucher il est bien tard...Pour info casa c'est 12Millions à 12h et 7millions à 19heures... 01 JANVIER 2014 Réveil à 11h30 pour le premier jour de cette nouvelle année, l'ordinateur que j'ai entre les mains est un clavier "qwerty" sans aucune logique entre l'affichage des symboles, ceux notés sur le clavier et je ne trouve pas nos chers accents (qui ont finis par être ajoutés à la relecture). Il en manquera donc sûrement beaucoup ! Après avoir dis bonjour au soleil, à Casablanca et aux jeunes qui jouent au foot au pied de l'immeuble, je me rends, accompagne de Saïd, au café du coin en face du poste de police pour y prendre le petit déjeuner des champions. Tajine de viande séchée dans des œufs le tout revenu dans l'huile d'olive accompagné d'un grand verre de jus d'oranges fraîchement pressées, d'un thé, croissant, tartines et fromage (Style vache qui rit, pas terrible mais il faudra s'habituer !) Une fois fini, retour a l'appartement, réveil du pacha Abdu, le sénégalais, bouclage express des sacs, départ. On récupère Abdelalli qui fera le voyage avec nous. Merouane, lui, est déjà sur la route, à Marrakech, où il a passé le nouvel an. On laisse Abdu devant l’hôtel, aucune nouvelle de Régis et de son amie... On part devant tant pis, on essayera de se trouver plus au sud, en cours de route ! Fins prêts nous voila parti pour notre prochaine étape par l'autoroute, il est 14h30 ! Toujours ce fichu problème de refroidissement du moteur, le tuyaux qui part du réservoir de liquide est cassé à son embranchement, c'est la galère, il faut s’arrêter tout les quarts d'heures ou presque pour y remettre de l'eau, sous peine de surchauffe générale du véhicule... C'est mon job, ouvrir le capot, amener le bidon d'eau, tenir le capot, qui ne tient pas tout seul... On démarre comme ça au Maroc, par un petit boulot ! On fait quelques dizaines de kilomètres, on sort de Casa et la ce n'est plus possible, ça fuit trop, il n'est pas prudent de prendre la route avec cette avarie. Demi tour sur Casa, direction le quartier des mécanos, à côté des nouveaux abattoirs de la ville. On entre dans un ville-casse, toutes les boutiques sont des garages, garages sur garages, les uns à côté des autres. des tas de pièces auto a n'en plus finir. Pas de francaoui dans ces banlieues, on m'oblige à rester dans le véhicule. Les va et viens sont incessants, une odeur d'huile et
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d'essence empli l'air, partout des bruits de moteurs qui démarrent, de tôles qu'on frappe, d’échange oraux à fort volume, pour ne pas dire que ça hurle dans tout les sens. On reste la pendant une petite heure, le temps de négocier la pièce, la réparation et que tout cela se fasse, sous l’œil vigilant du conducteur et propriétaire du bolide. Je pense avoir vu toutes les pièces détachées d'une voiture passer sous mon nez pendant l'attente, même un gosse avec un plateau charge de verres de thé, lui aussi a son petit boulot, il ne doit avoir que 10 ou 12 ans... je tiens une dernière fois le capot, mon job à péricliter, salaud de mécanos, pas grave j'en trouverais un autre. On repart, pour de bon cette fois ci, pas de retour en arrière, a partir de cette ligne ce sera toujours plus au sud ! Les paysages que l'on traverse sont magnifiques. Les plaines agricoles d'abord puis commencent à surgir de ci de là quelques collines. La terre change de couleur, vire de plus en plus du brun au rouge. J’aperçois au loin de petits villages sortis tout droit du sol faits de pierres ou de terre. Le ciel est d'un bleu limpide, on file. Pause sur une air d'autoroute, prière pour les uns, cigarette pour les autres, figue de barbarie pour tous, un régal.
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Arrivée à Marrakech à la nuit tombée. Se déroule devant nos yeux la palmeraie, connue des touristes et des stars du showbiz. Autrement appelée Marrakech la rouge, cette ville vieille de plus de 1000 ans est d'abord entièrement bâtie en Terre. Vu ce jour, l'ancien mur d'enceinte enfermant la médina. Pas de visite touristique prévue pour l'instant, on est en route pour Dakar. On récupère Merouane dans le plus vieux Casino d'Afrique, vraiment super classe. C'est un peu le credo ici, la grande classe, le grand luxe. On mange dinde rôtie, accompagnée de tout un tas de sauces et de frites. Je discute avec Ali, on parle cuisine traditionnelle, ici au Maroc c'est le Couscous, fait dans le keskes, "de la soupe solide". Dernière rigolade avant de repartir, de nuit, pour Agadir. Je suis assis a l’arrière avec Ali, On échange beaucoup, les heures passent, les kilomètres défilent, dehors il fait nuit noir, ou presque. On s’arrête aux environs d'Agadir dans une station service. J'hallucine au passage d'un camion, pour en avoir le cœur net, je m'approche, je prend une photo, c'est de la folie ce chargement, c'est du fourrage : c'est pas chez nous qu'on verrait ça. Retour en boutique pour boire un thé. Je paye, m'installe, me sers et commence a boi... wouaw on me saute dessus, on me reprend gentille ment, commence alors l'explication du rituel du thé. L'autre voiture fini par arriver, on discute, on rigole beaucoup, on fini par repartir. Merouane et Saïd vont au Casino d'Agadir pendant que moi et Ali allons manger. On fait des tours et détours en ville pour trouver un truc, il est 1 heure du matin, c'est les vacances universitaires, tout est fermé. On trouve quand même une pizza médiocre, ça nous donne encore une bonne occasion de parler, études, culture, coran... C'est les discussions avec Ali quoi ! Retour au Casino, les gars sont souls, ils ne veulent pas que Ali le sache, ils m'envoient le promener, comme si il était idiot... Bref, ça nous donne le temps de continuer à discuter tout au long de la nuit sur les Rambla d'Agadir. cette ville a été entièrement rasée lors d'un tremblement de terre dans les années 80, ceci explique la faible hauteur des bâtiments alentours. Au loin sur la colline brille de mille feux une inscription, la trinité marocaine. Allah, le Roi, le Royaume, en lettres arabes. Ali est originaire de cette ville. Descendant des Amazighs, il est issu d'une ancienne famille de cette ville. Je découvre la calligraphie de cette langue très ancienne, elle nous suivra jusque dans le sud du royaume. Il reconnaît un ami d'enfance qu'il n'a pas vu depuis 30 ans. Quelques questions lui permettent de retrouver la filiation avec ce gardien d’hôtel, impressionnante mémoire. Retour à la voiture, on essaye de dormir un peu, en vain pour moi, Ali, lui se repose. Les gars sortent du Casino à la fermeture soit 05h, ils sont morpilo, on va sûrement conduire... Ali prend le volant, je co-pilote, toujours vers le sud.
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02 JANVIER 2014 Il fait nuit noire, un brouillard épais encombre la route, aucun système de chauffage, de dégivrage ou autre dans ce véhicule. Il fait super froid, la condensation se fixe à l’intérieur, le brouillard se pose sur le pare-brise à l’extérieur. C'est un recto-verso de non visibilité, on roule à 30km/h. Ali connaît bien la route il à été contrôleur sur une ligne de bus la parcourant il y'a quelques années. On se fie au pointillés sur la route, heureusement elle est majoritairement droite, parsemée de quelques ronds points...On double un camion de carottes, Ali m'en raconte une bonne : Chez nous les carottes rendent aimable et donnent les fesses roses, au Maroc il en est autrement, les carottes c'est bon pour la vue ! C'est l'histoire d'un petit garçon qui ne sait pas tenir sa langue, il est toujours à faire des reproches et à dire ce qu'il ne faut surtout pas dire. Ses parents l'emmènent chez des amis dont la fille n'a pas d'oreilles... Durant tout le début du repas il se retient de faire le commentaire désobligeant, vient alors un plat de carottes, la petite fille le boude. S'en est trop pour le garçon qui finit par parler et dit : Moi je serais toi je mangerais mes carottes; même que j'en mangerais beaucoup ! Si tu ne vois plus, où poseras tu tes lunettes ? Raconté en arabe il parait que c'est excellent, raconté en français par un marocain en plein milieu de la nuit en ayant pas dormi ça vaut une bonne barre de rire aussi ! On passe plusieurs villages puis la ville de Tiznit, la route s’élève, on quitte la plaine pendant que le soleil se lève à notre gauche. Nous passons notre premier col tandis que deux de nos congénères ronflent à tout va, l'un allonge sur la banquette arrière, l'autre dans le coffre, sur les affaires... Pas d’inquiétude la ceinture de sécurité n'est obligatoire qu'en ville et à l'avant, enfin je n'ai pas tout compris au code de la route Marocain, encore moins au code sénégalais mais ça c'est une autre histoire ! Les paysages de plus en plus désertiques sont magnifiques, le silence règne une fois le moteur coupé ! Une seule trace des humains, le goudron qui file devant. Parfois quelques maisons surgissent et surtout des lignes électriques parcourant l'infinitude des plateaux alentours. Il fait toujours froid, les échanges avec Abdelali sont de plus en plus intéressant, l'histoire du Maroc, de sa famille, de tout un tas de choses et d'autre, les entretiens avec Ali quoi ! Premier contrôle après les montagnes à Goulmine (Guelmim sur la carte michelin). Les portes du désert, anciennement en terre, sont reconstruites à l'identique et... en parpaings, quel dommage, voir la photo. On s'arrête à la station suivante, pause pipi, clope, prière pour cette nouvelle journée et la route qui nous attend. Il y a des mosquée dans toutes les stations, un petit endroit pour les ablutions, une salle avec un tapis pour la prière, un moulin à prière qui récite H24 le coran et ses paroles de paix. Le soleil est enfin sur nous, il nous réchauffe instantanément, quel pied après cette nuit gelée !
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On traverse Gulmine, la ville militaire puis on file sur Tan-Tan à 125 km de là. Je parle avec Ali pour que l'on reste éveillé d'une part et pour que j’apprenne d'autre part. Arrivée à Tan Tan et ses Chameaux Blancs. Les rond points et leurs ornements marquent les entrées de villes, outre le poste de gendarmerie présent quelques centaines de mètres plus loin. Les contrôles commencent à être systématiques aux entrées et sorties d’agglomérations. A Tan-tan, le gendarme du poste d’entrée nous indique la meilleure soupe de pois cassés de la ville, troisième à droite... Lorsque l'on arrive la soupe est finie, dommage, ça sera omelette avec de la viande de je sais pas quoi, baignée dans l'huile, pas un plat de grand chef mais quand on a les crocs on fait avec ce qu'on à ! On boit le thé; c'est moi qui suis aux manettes, merde, j'ai oublié le sucre... (Pour info on vient de me montrer comment basculer en clavier FR d'où le retour des accents !) L'apprentissage est encore long. Les deux arsouilles se réveillent; ils récupèrent au bord de l'omelette et du thé, au milieu des mouches qui virevoltent, je ne tiens pas longtemps, je fini par sortir de la boutique. Ali cherche à se connecter au web pour le boulot, pendant ce temps Merouane me montre ses réalisations, à voir sur le web. On repart au bout d'une heure, direction le sud encore et toujours. on rejoint la côte et la mer. D'un côté le soleil et le sable, de l'autre l’océan, entre deux, une fine bande de goudron qui sert au transit de milliers de véhicules chaque jours. Les paysages sont à couper le souffle, tantôt mer, tantôt désert; tantôt mer et désert, de nuit de jour, à l'ombre ou dans l'ombre. On roule, il fait de plus en plus chaud. Le contraste jour/nuit est saisissant. On fini par s'arrêter je ne sais dans quel port, le soleil nous domine, nous écrase... On négocie des poissons tout droit sortis de la mer, frits ou bien grillés ils feront notre repas du jour ! On se régale à part une entrée bien trop salée. On repart après un bon gros rôt ! allahmdoulilah ! Je suis épuisé, j'ai bien manger, je dois digérer, je dors. Je me réveille nous sommes à Laayoune (Les sources) la ville des envoyés spéciaux de l'ONU. La ville est parcourue de gros SUV estampillés UN, ils sont là depuis 20 ans pour organisé un referendum... C'est le clou du Maroc selon Ali, il m'explique la métaphore. Comme si on vendait une maison à quelqu'un mais qu'on garde le clou qui est fiché dans la porte, côté intérieur. Le gars s'installe chez lui fait sa vie et chaque jour l'ancien propriétaire vient et fait "toc-toc, c'est pour accroché ma djellaba" le lendemain "toc-toc, c'est pour récupérer la djellaba" et ainsi de suite... Le sahara occidental comme on l'appel chez nous, n'est autre que le clou des Nations Unies au Maroc, parole de marocain... On repart de Laayoune après une petite pause de rien du tout, on croise le train de phosphate qui relie la mine à la mer, au loin des navires croisent le long des côtes dans l'attente d'un chargement. On croise la centrale thermique, petite ville en elle même à quelques encablures de Laayoune. La nuit tombe, à notre droite cette fois, nous sommes dans la bonne direction. Je me rendors. Un arrêt plus tard me permet d'aller aux toilettes et de boire un café, il reste encore beaucoup de kilomètres avant la frontière... On Scotch l'affiche du Raja avec le Roi à la fenêtre arrière côté conducteur, je comprendrais plus tard de quoi il en
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retourne. On arrive à Boujdour, les contrôles deviennent routine. Mon passeport va et vient de la voiture aux postes de police. On me demande ma fiche de police pour la première fois... Pas de problèmes je suis avec trois marocains, le policier rempli la fiche lui même, je n'ai pas besoin de descendre, quel confort ! On passe l'allée des néons bleus de la ville, puis on ressort sans même y être entrés. Saïd entame le dépassement d'un poids lourd, erreur, le poste de douane se trouve à quelques mètres l'obligeant à freiner d'urgence, le camion manque de nous emboutir, on a de la chance rien de mal mais le flic (bouli) est bien énervé du capharnaüm que l'on vient de provoquer à son poste... Un coup de sifflet retenti, on est arrêtés manu militari sur le bord de la chaussée et on commence à se faire passer un sacré savon ! Je comprend pas le contenu mais le ton en dit long. On fait descendre Ali de la voiture, a priori il ne portait pas sa ceinture, il file au poste. Moi je reste là, je sors de la voiture, j'admire pour la première fois le ciel étoilé du Sahara, c'est de toute beauté. Je profite de cet arrêt pour écrire quelques lignes, il est 21h44 tout le monde remonte en voiture après 45 minutes de pour parlers, je ne comprend rien à ce qu'il s'est passé. Au bout de quelques centaines de mètres on s'arrête, il y a un truc qui cloche. Saïd descend du véhicule, en fait le tour, on repart vers le poste de police, un pneu à plat. Tout le monde descend du véhicule, les flics viennent à nous, on vide le coffre, extraction de la roue de secours et merde on a pas de cric... On cause avec les flics, ils sont détendus et cool vraiment étrange après le savon de tout à l'heure, je comprend vraiment pas la situation... On parle football bien évidemment, Supporters du RAJA nous soutiennent et sont fier de voir la photo accrochée à la voiture, supporter du WIDED le sont moins (c'est l'équipe ennemie, celle du derby quoi, de plus les deux viennent de Casablanca !). On attend le cric, on a de la veine les boulis arrêtent tous les véhicules et demandent les éléments qu'il nous manque. Une, deux, trois voitures a priori y'a pas de cric dans toutes les bagnoles. On rigole beaucoup avec nos nouveaux amis de la douane moi je comprend rien, je passe plus de temps à regarder les étoiles dans cet environnement hors du commun. Enfin une voiture équipée, elle file le matos pour déboulonner, une autre voiture a le cric, parfait : changement de roue, démontage/montage.
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On repart, c'est l'heure des explications avec Abdelali sur l'entrevue dans le poste de police qui en fait s'est super bien passée. Après s'être expliqué sur son non port de la ceinture, Ali a sorti sa carte d'affiliation à la famille royale. Dilemme, deux autres gars venaient de prendre un PV et 300 dh d'amende, pas possible de ne pas payer. L'arrangement est le suivant : Ali paye les 30€ sans que ne soit dressé de PV, ainsi avec un simple coup de radio le prochain poste de douane rend la monnaie, ceci explique la gentillesse des Boulis à notre deuxième passage, Ali de par son nom est respecté, je comprend mieux et vous aussi je pense ! Il fait nuit noire, ça circule beaucoup sur la route, il vaut mieux être bon conducteur surtout que la chaussée n'est pas large et que viennent en face des camions. Il reste des centaines de kilomètres avant la frontière,
je me repose. A mon réveil nous sommes à un rond point, il fait toujours nuit et de plus en plus froid, c'est insupportable, d'autant plus que c'est Saïd qui a mon duvet je me les gèle comme on dit. Pause en bord de mer, je n'arrive pas à retrouver le sommeil, tout le monde dort dans la voiture, j'ai vraiment trop froid, l'aube est là, le soleil ne devrait plus tarder maintenant, sa chaleur avec ! Le son des vagues a remplacé celui du moteur, je sors de la voiture. Des déchets plastiques jonchent le sol, comme partout le long de la route. Un grand bol d'air marin à 3000km de la maison au milieu de nulle part, de l'inconnu. 03 JANVIER 2014 J'attends le soleil pour lui dire bonjour, on repart avant qu'il nous réchauffe. La frontière se rapproche, Saïd dort à points fermés, Ali est au volant, Merouane co-pilote, moi je profite. On aperçoit les premières dunes au milieu des rochers. Le long du goudrons toujours les traces de l'ancienne piste qui s'effacent au fil des années. De ci de là dans les rochers des kerns indiquent le chemin à suivre, ils datent d'avant le goudron. Ça file toujours tout droit ou presque, petit déjeuner à hauteur de Dakhla, omelette, pain et thé pour le plaisir de nos estomacs. On roule toujours vers le sud, petite pause à 350 km de la frontière, photos souvenirs. je me rendors. Réveil au poste frontière marocain de Birgandouz, dernier arrêt avant la mauritanie. On fait le plein d'eau, de thon, de pain et de jaboot (yahourt) on fait le change du dirham vers le ouguia, 50€; je sais pas si c'est une bonne idée mais bon, ça peut toujours servir, on ne sait pas ce qu'il nous attend de l'autre côté. On rempli la fiche d'embarquement (même si vous ne verrez pas de bateau c'est obligatoire), Si vous n'avez pas de numéro de CNI car vous n'êtes pas marocains sachez que le numéro "SN" est votre numéro d'entrée sur le territoire reportez vous au tampon que vous avez dans votre passeport. Les stock faits (pensez à faire le plein aussi) on se lance à l'assaut du premier barrage, doucement. Là il faut présenter les passeport au bureau sur la gauche et les papiers du véhicules au bureau de droite (douane) je ne sais pas quel est le montant des frais à acquitter si il y en a, le fait d'être avec Saïd me simplifie énormément la tâche, j'ai juste à tenir le coffre ou le capot, et à dire 'merci' ! on avance dans le couloir du poste frontière; ensuite c'est nous et la voiture puis enfin la voiture et nous. Fini le goudron, fini le Maroc, fini ce goulot d'un Kilomètre gardé par la police, la gendarmerie et l'armée. Au bout du couloir c'est le no man's land, ni le Maroc ni la mauritanie. Ici pas d'asphalte, aucun des deux pays ne souhaite payer. Ce passage de 4km qui nous attend est un des plus réputé de la route que nous empruntons. Bien plus qu'un no man's land c'est 'tandahar', comme le fief d'al Quaida, personne pour contrôler quoique ce soit et pourtant des hommes vivent ici, ils assaillent la voiture. Vu le délire mieux vaut ne pas se retrouver coincé à cette frontière, qui ferme à 18 heures. Comptez 4 bonnes heures pour traverser et vous serez tranquille, en gros pas la peine de tenter la traversée après 13 heures, si vous vous
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retrouvez coincés là ; je n'en donne pas cher ni pour votre véhicule ni pour votre vie, quoique vous pourriez peut être entrer en mauritanie sans même un caleçon le lendemain matin. Si, et seulement si, vous avez réussi à cacher votre passeport des truands. Ces mecs doivent vivre de trafics en tout genre, le plus fort doit être chef. A savoir ce qu'ils mangent, ça, c'est une autre histoire. Une audi A4 break sport, pour les connaisseurs, c'est bas de caisse... On est 4 et chargés comme des mules, on a même un bidon de 30L de 'mazout' qui appartient à Regis, pas de goudron que des cailloux et des affleurements rocheux partout, comme on dit : ça touche. Said grince des dents, c'est bon on descend... Ali, Merouane et moi même traversons alors ce champs de ruines baigné de soleil à pieds tandis que Saïd mène le véhicule au poste suivant, la frontière mauritanienne. 30 minutes plus tard nous y voilà sorti de la zone de non droit, soulagés mais pas encore en Mauritanie. Je reste à la voiture sous un soleil de plomb, l’écharpe en turban tel un sahraoui. Les militaires me regardent de près, bariolé d'un 'vert-jaune-rouge' ostentatoire. Les gars sont dans le premier baraquement, avec les deux motards qui nous suivent depuis le matin, je ne sais pas ce qu'il se dit, ça fait parti des scènes auxquelles je n’assisterais pas, pour info je pense que c'est le poste où l'on déclare l'entrée du véhicule et des passagers. On repart, pas très loin, on passe juste la chaîne à quelques mètres devant. On se gare à nouveau devant le poste de douane ce coup ci, sous l’œil vigilant d'un policier. Premier baraquement, puis le deuxième dans lequel je suis invité à suivre la troupe de marocains. A droite d'abord, passeports, identités, professions et enfin nationalité. Le vieux me demande si je préfère être algérien ou marocain, je sais pas où me mettre ni quoi répondre. Je lis les sourires qui se dessinent sur chaque visages, je répond malgré moi que je suis français, un vrai que je n'ai pas choisi... Explosion de rires, ça me soulage, on passe au bureau suivant le visa papier est visé, homologué, photos et empreintes. Ça y est je suis mauritano-biométrisé ! On ressort le garde me demande de rester avec lui, il y a un soucis, le stress me reviens je suis en mauritanie, maintenant ça rigole moins... Que se passe-t-il ? Pourquoi me maintient-il ici ? "C'est quoi le problème ? Pourquoi je peux pas partir avec mes amis ?" "Ah tu sais les francaoui on les gardes, ça rapporte beaucoup d'argent" "ah euh ben euh... Moi je reste pas là hein, j'ai rien à faire ici ! Puis je suis pas un français qui coûte cher, là haut il s'en foutent de moi, je suis personne moi" En essayant de convaincre ce grand et costaud militaire coiffé d'un képi. Il se met à rigoler et mes marocains de concert avec lui, "on te fait marcher petit, vas ! files !" Punaise, je suis en sueur, je demande pas mon reste je cours à la voiture, je monte, je m'attache même, les gars sont morts de rire, "ahahahah" "qu'est ce qu'on se marre" "allez démarre Saïd !" On repart, la panique me quitte, un type nous demande de payer le stationnement, y'a pas de goudron pas de place de parking juste lui qui te tends un ticket par la fenêtre sous l’œil du
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douanier le sourire en coin... Je sens que la mauritanie ça va me plaire ! Le véhicule s'arrête à nouveau à hauteur d'une sorte de resto, on mange, bois et fume en attendant les papiers de la voitures. Une assurance temporaire de véhicule le temps de la traversée du territoire : obligatoire. Ça y est c'est fini 'allahmdoulillah', 'bissimilah' et c'est reparti pour de bon cette fois. On passe la voie ferrée et on arrive à un carrefour, le seul de la route reliant Nouadhibou à Nouaktchott en venant de la frontière, prendre à gauche direction le sud. Un virage nous remet dans la bonne direction, on longe le rails du plus long train du monde. Il relit les mines de fer à l’intérieur des terres ou plutôt des dunes, à la côte, endroit ou le précieux minerais est transféré dans des bateaux et envoyé je ne sais où à travers le globe. La route file tout droit vers le sud, rien à l'horizon si ce n'est une sorte de mirage émanant du goudron. On longe les rails seul trace de l'homme pendant des kilomètres. Surviennent de-ci, de-là, des petits baraquement fait de tôles, traverses de chemin de fer, parfois de terre ou de blocs de ciment de la couleur du sol, si ce n'est de simple bâches et planches de bois assemblées tant bien que mal. La route se poursuit, des nids de poules commencent à apparaîtrent, la voiture elle, slalome. La route se poursuit et les barrages aussi. Le premier nous demande les passeports, le second : le prix de la voiture, le troisième nous demande de nous garer, sortir du véhicule, donner tous les renseignements nécessaires concernant notre visite de ce pays désertique. Il fait chaud, très chaud même, les informations réclamées sont inscrites sur une page d'agenda, c'est la première fois que l'on écrit mon prénom en arabe, je n'ai pas retenu la calligraphie mais ça se prononce "Yoann" étrange n'est ce pas ? On remonte dans la voiture et on repart, Ali lâche "j'ai écris mais je ne pense pas qu'il sache lire..." merci Ali et vive la mauritanie ! On continue toujours vers le sud, maintenant le soleil est à notre droite. La fatigue se fait sentir à l'arrière, Ali tape un somme sur un carton de yaourth, oui oui les yaourth sont moins cher au Maroc qu'au Sénégal, alors Saïd en ramène un carton entier. Vu la chaleur je mangerais pas le yaourth, "à conserver au frais". Des barrages encore, un café ? un cadeau ? Saïd ne donne rien, il ne faut rien donner, rien payer, le visa c'est le bon papier. Les dunes nous suivent sur la gauche, l'océan sur la droite. Arrêt dans la seule chose construite que nous croisons, une station service avec toilettes, mosquée, et ce qui sert de garage dans ces contrées éloignées. La boutique est fermée, pour info c'est un relais construit par les marocains à cause du manque d'infrastructure sur la route. Les camionneurs qui descendent vers Nouakchott, Dakar ou même plus loin en Afrique de l'Ouest si besoin, s'y arrêtent, en sécurité et avec un minimum de service. La route reprend et continue, le sommeil me gagne, à mon tour de dormir, je rejoins Morphée et quitte mon équipée traversant ces paysages désertiques.
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Je me réveille nous sommes à un barrage, encore un, le soleil a laissé sa place à la lune, la chaleur à la fraîcheur et le militaire au policier. Au loin des lumières brillent, le halo d'une ville éclaire le ciel et efface les étoiles. Nous sommmes à une quinzaine de kilomètres de Nouakchott, une des villes les plus dangereuse du monde. "j'ai envie de pisser" "non tu ne sors pas ici, tu restes dans la voiture et bien tranquille." "euh, Ok d'acc no problemo ! " On repart, 2km plus loin, barrage à nouveau, ce coup-ci les passeports se font embarquer au poste. Saïd sort de la voiture avec Ali, pas question de laisser les papiers tout seul, pas confiance. Ça dure, le chef de police fait la sieste, il a fallu le réveiller, parler longuement pour que l'on puisse continuer, je ralenti le convoi, les papiers français montre qu'il n'y pas que des marocains dans la voiture, du coup il essayent de nous bloquer, enfin c'est ce qu'on m'a dit. On remonte et on repart, encore deux barrages, nous entrons dans Nouakchott de nuit. Pas de règle d'urbanisme apparente, pas d'infrastructure non plus. Le goudron au milieu, des contre-allées de sable et de trous où se garent de manière anarchique toutes sortes de véhicules. Des déchets partout et de part et d'autre, des immeubles, des entrepôts, des boutiques ouvertes en grand sur la rue, les marchandises dedans et dehors, le long de la route et des murs. L'éclairage public est quasi inexistant, le code de la route l'est vraiment. Saïd vire de droite et de gauche, tourne, évite les trous, les charrettes, les piétons les autres voitures qui ne sont parfois pas éclairées. On s'enfonce dans la ville, on quitte l'avenue principale, on se retrouve sur une autre apparemment secondaire puis dans une rue puis une ruelle étroite encombrée de bétail et de petits appentis fait de brics et de brocs pour protéger du soleil quelques marchandises entreposée sur "le trottoir". On s'arrête, on nous attend pour manger le tajine. On dit bonjour, on mange, tout le monde a faim, je comprend rien ça parle maghribi... Une fois fini je cherche les toilettes, "Au fond à gauche le long du mur derrière la voiture après le lampadaire, et tu parles à personne" "ok" je me lève, tourne entre les voitures stationnées pêle-mêle, il y a un mariage à côté, ça crie, ça hurle, ça joue de la musique. Je dépasse l'angle de la rue, le lampadaire, je ne sais pas sur quoi je marche mais c'est mou, des fois plastiques, des fois du sable, bien content d'avoir des bonnes chaussures. L'odeur qui règne est indescriptible, tous mes sens sont en éveil, mon esprit vigilant ! Je fais ce que je dois faire là où il faut le faire. Ce qui est sûr c'est que tout le monde le fait là. Le vent chaud porte des effluves nauséabondes, je repli le pantalon et cours vers le resto. Le repas est fini, je me lave les mains, on discute un peu, ou plutôt, ils discutent un peu. Observe ce qu'il se passe. Quelques jeunes nous matent du coin de la rue, ils nous lancent des regards, je ne bouge pas. On se lève, ils se ramènent, ils sont là parce qu'ils ont faim, ils viennent ronger les os. Le plus costaud joue des coudes et se retrouve sur l'unique chaise qu'il reste. La patronne range son matériel fissa fissa. les autres attendent. Elle ramasse le plat, jette tout par terre dans la rue à même le sable, les déchets et les eaux usées, le festin se poursuit. Le plus costaud abandonne la lutte il me taxe une cigarette, tout est rangé en 2 minutes, le rideau
baissé, on remonte dans la voiture et on quitte cette ville. J'en suis retourné, ce que je viens de voir m'a choqué, je ne dis rien. On tourne et retourne, on trouve la route du sud, toujours en évitant les trous et autres obstacles s’offrant au pare chocs. Un barrage, on s'approche de la sortie. Le flic ne veut pas nous laissé partir, le français ne roule pas la nuit, je sais pas comment les gars on fait mais au bout de 15 minutes ils reviennent du poste situé de l'autre coté de la route. "Yoann tu descends" j'ouvre la portière, "non je rigole reste là on ne traîne pas, mais change de place et mets un truc sur ta tête qu'ils ne te voient pas, on sera plus tranquille". J'essaye de me reposer mais les images tournent dans mon ciboulot, je viens de rencontrer madame la misère : enchanté ; ou pas. La route continue, quelques voitures roulent encore dans la nuit. La lune nous éclaire. Les mauritaniens ont des codes. Clignotant à droite, virage à droite. Clignotant à gauche, virage à gauche. Le reste se fait aux phares ou au klaxon, c'est toujours Saïd qui conduit. Le sommeil passe de Ali à Merouane puis de Merouane à Ali enfin aux deux, moi je ne dors pas, impossible, la route est trop chahutée par des nids de poules, des bosses, des véhicules dangereux, je suis en alerte même si je n'ai pas le volant, j'accompagne Saïd dans sa vigilance nocturne. La musique à fond on s'enfonce dans la nuit, toujours plus au sud. Tout ça me maintient en éveil, Saïd pilote comme un chef malgré le goudron qui se dégrade de kilomètres en kilomètres. Le slalom ne suffit plus à éviter les trous, c'est l'enfer, comme si on était à Pearl Harbor. Le goudron fait des vagues, des creux, des bosses, on danse le reggae dans la voiture, ce qui n'empêche pas certains de dormir. La conduite est de plus en plus difficile, le chauffeur et la voiture en prennent un coup. Saïd commence à être sur les nerfs avec les nids de poules mauritaniens. On avance doucement, freinage, première, deuxième, gauche, droite, gauche, freinage et ça recommence. Barrage, Le militaire s'approche et dit "Donne moi 200 pour avoir un café !" Saïd lui répond gentiment "Et toi tu peux reboucher les trous sur la route ? non ? ben j'ai pas de café et pas d'argent". On poursuit. Le paysage change, les arbres reviennent, les maisons aussi, les villages se reforment, nous avons quitté les espaces arides du désert, ici il y a de l'eau donc de la vie, de l'ombre, donc des hommes. On se pose la question de savoir si l'on passe par le bac de Rosso ou par le barrage de Diama, le premier est au bout du goudron ou plutôt de ce qu'il en reste, le second se trouve au bout d'une piste démarrant sur notre droite, mais où ? ni moi ni Saïd ne le savons. Nous rattrapons un autre véhicule, suivi de plus ou moins près depuis la frontière maroco-mauritanienne. Une belle voiture blanche, Merouane bave dessus à chaque fois qu'il la voit. Les gars qui conduisent sont franco-sénégalais, ils descendent la voiture à Dakar. On les accostent, fenêtre à hauteur de fenêtre, "salam aleikoum, hey grand, Diama ou Rosso" "Rosso, on passe le bac de Rosso" "Ok, je suis fatigué d'éviter les trous là, passe devant, je te suis" La première voiture sert en quelque sorte d'éclaireur, elle mange les trous qu'elle n'arrive pas à éviter, la second n'a plus qu'à tous les éviter, si c'est
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possible. On s'approche, Saïd connaît la route, on voit les lumières de Rosso au loin. L'asphalte, c'est de pire en pire, à cause de la pluie pendant les hivernages et du non entretien de la chaussée. De plus les camions mauritaniens sont chargés comme des mules, Saïd me dit qu'ils n'hésitent pas à mettre 60 voir 80 tonnes dans un 30 tonnes, l'état du goudron en témoigne. C'est une querelle de transporteurs entre marocains et mauritaniens. On fini par y arriver, des lampadaires bordent ce qu'il reste de la route puis des constructions de plus en plus denses, enfin un contexte urbain, chose que nous n'avons pas vu depuis, depuis, le Maroc peut-être bien. On se dirige vers le bac. Il est 04h00 du matin, on a roulé depuis maintenant 3 ou bien 4 jours je ne sais plus trop à vrai dire. Le bac n'est pas accessible, il est surveillé par deux gardes armés jusqu'aux dents et ils le montrent bien. Ça ouvre le lendemain matin vers 08 heures. On retrouve la voiture blanche croisée un peu plus tôt, on discute, fume une cigarette, soulagés d'avoir traversé tout ça. Saïd m'invite à me reposer. Je ne peux pas, j'ai une envie tellement pressante, pas un chiotte à l'horizon mais surtout le papier est au fond du coffre... Je vais acheté des kleenex, dépenser quelques Ouguias Mauritaniens, j'ai bien fais de changer 15 000 Ouguias, je n'en dépenserais que 400, mais sait on jamais si il faut dormir sur la route ou même à Nouakchott, mieux vaut prévenir que guérir, avis aux voyageurs. Le business réglé, soulagé, entre deux voitures, sur un tas d'immondices, difficile à écrire mais surtout encore plus difficile à faire. Je me lave les mains bien comme il faut, je me rince le visage, il fait chaud. Je mets le produit anti-moustiques, ça y est ils sont là et en masse, tous potentiels vecteurs de maladies-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom. Ainsi prêt, je me couche dans le coffre sur le tas de bagages, je m’endors comme un bébé, je suis à Rosso-mauritanie, demain je serais au Sénégal, Inchallah.
04 JANVIER 2014 "Qu'est ce qui se passe ? C'est quoi ce bazar ? Je suis où ?" "Restes tranquille encore 5 minutes", la voiture est en marche, il y a des gens partout autour du véhicule, ça grouille dehors. On passe un étrange portail, Saïd établit le contact avec un jeune mauritanien, il passe le rideau de fer avec nous, ce dernier se referme. Nous sommes sur le parking du bac, l'effervescence du dehors ne règne pas ici. Ce sont les uniformes qui font la loi. On se gare là où on nous l'ordonne, sans broncher. Les gars refont le change en y perdant, c'est le jeu. Les marchants ambulants vont et viennent entre les véhicules. Le bateau est sur la rive sénégalaise. Le petit jeune rend nos passeports. On ne peux rien faire ici, tout passe par des intermédiaires. La voiture est inscrite sur une liste par un officier. Le bateau entame la traversée tandis que le soleil monte dans le ciel et commence à nous réchauffer. Ça fait du bien ! Lunettes de soleil obligatoires, c'est voir sans être vu. On discute avec Ali, le bateau arrive, on monte dans la voiture, et là c'est le bordel... Rien de ce qui devait se passer ne se passe comme prévu. Les voitures partent dans l'ordre de leur valeur et non pas dans l'ordre d'arrivée. Saïd est en colère, il est furax, l'intermédiaire prend un savon, j'en connaît un qui ne touchera pas sa commission. Personne à qui se référer, personne n'est responsable de rien, le chef passe le mardi soir à priori... Tout le monde porte l'uniforme ici mais personne n'en réfère à personne, une sorte d'anarchie sous-jacente, un système d'arnaque et de corruption bien rodé. C'est celui qui paye le plus qui monte le premier. On attend donc que le bateau fasse l'aller et le retour. Je suis fatigué et je ne suis pas le seul, la route se fait sentir dans tout les esprits, les marchands, les douaniers, les officiers en tout genres le savent, ils en profitent. Saïd discute fermement avec le jeune intermédiaire, on doit prendre le prochain bateau sinon attention, "ça va chier des bulles" comme dirait mon grand père. Je finis l'attente dans la voiture, las de me faire alpaguer de droite et gauche pour boire un thé, avoir des lunettes de soleil, des chewing gum, des DVD, des briquets, des extincteurs, enfin bref toutes sortes de marchandises dont je n'ai absolument pas besoin. Le bateau arrive, Saïd démarre et force quelque peu les choses, on monte à pied, chacun son passeport, ici c'est la frontière. On se retrouve sur l'engin qui permet de traverser le fleuve Sénégal. Encore quelques mètres et m'y voilà, le plus dur est fait, le désert est derrière nous, la légère anxiété me quitte peu à peu laissant place à l'excitation. Le bateau touche la berge on prend le passage pour piétons, histoire de ne pas finir avec de l'eau jusqu'aux genoux. On confie nos passeports à un sénégalais, pantalon en jean et veste blanche, les 4 passeports partent ensemble, Saïd connaît le type, qui lui même connaît le chef de la douane de RossoSénégal. Je pose un pied puis l'autre, je passe la tête, je pose les yeux, ça y est j'y suis, Sénégal me voilà, enfin presque, il faut encore sortir du poste de douane.
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Le frère de Saïd est présent. Il est là accompagnant ses chauffeurs remontant vers le Maroc, il fera la route avec eux. Toujours sur la route : quand on rencontre quelqu'un on parle, de la route bien entendu. "Alors la mauritanie Yoann, c'est comment ?" "bah 34E pour voir la misère, c'est cher..." tout le monde rigole et c'est parti pour un tas de vannes sur la mauritanie, on rigole bien. Extrait : "Cette histoire se passe en 2002 ou 2003 on ne sait plus trop, enfin pendant la seconde guerre du golfe quand les USA envahissent l’Afghanistan puis l'Irak, dans ces années là. Georges Bush Junior convoque son état major des armées. On entend des rumeurs qui circulent concernant une ville en Afrique de l'ouest dans "la république islamique de mauritanie", d'après les renseignements américains des groupuscules terroristes seraient à l’œuvre dans la capitale. Inquiet de ces nouvelles G.W. Bush ordonne à son armée un survol de la ville et une reconnaissance aérienne du tissu urbain... "A vos ordres M. le Président" La suite de l'histoire se déroule quelques jours plus tard dans le bureau oval. "Voilà le rapport que vous avez demandé sur Noua...Nouatchoc euh Nouackchott" "Ah, oui, enfin, montrez moi cela" les photos aériennes apparaissent alors à l'écran et défilent sous les yeux de plus en plus grand du chef de l'état. Celui prend alors la parole "Quels étaient les ordres ?" "reconnaissance aérienne Monsieur" "Oui c'est bien ça... et ça c'est quoi ?" "reconnaissance aérienne Monsieur" "Ne vous foutez pas de moi général, j'ai demandé une reconnaissance aérienne pas que vous bombardiez cette ville général, on court encore à l'incident diplomatique avec vos conne...bip."Mais, mais, mais, Monsieur le président, nous n'avons pas lâché de bombes, pour sûr, nous n'avons pris que les photos..." "Ah ?! ben ça alors..." Bien d'autres histoires encore, mais elles ne sont pas toutes traduisible en bon français, je n'ai pas non plus tout compris je vous l'accorde mais j'ai ris, de voir tous ces sourires, j'ai ris. L'attente pour le retour des passeports est un peu longue à la douane, outre les blagues et les échanges sur la route j'observe le spectacle qui s'offre à moi. La lessive à la main sur le quai du bac. Les vendeurs ambulants de crédit téléphone, de chaussures, de vêtements en tout genres, de cigarettes... Les couleurs des boubous partout autour de moi. Des odeurs inconnues de bouffe, de tout un tas de chose que je ne connais pas chaudes ou froides, portées dans le vent. La palabre de la charrette face au 33 Tonnes et son klaxon rugissant, le combat de David contre Goliath. Les camions qui, un à un se garent sur le quai, les vas et viens incessants dans cet espace de transit. Je ne suis plus au Maroc ni en mauritanie nous voilà dans une autre contrée, aux portes de l’Afrique noire, noirs qu'il y a d'ailleurs partout et cette sensation d'être le toubab parmi tant d'autres plus ou moins bronzés, seul, en minorité, une sensation à ne pas oublier... Le jeune intermédiaire revient vers nous, réclame son dû, qu'il n'obtient pas force est de constater qu'il a échoué dans son travail, il jure et s'en mord les doigts...
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La vie n'a pas l'air facile de ce côté-ci du globe. le soleil est maintenant haut dans le ciel, je guette les alentours, toujours pas signe des passeports, enfin, si, revoilà le gars à la veste blanche. On me remet ma pièce d'identité dûment tamponnée, je suis sorti de la mauritanie et officiellement présent sur le territoire sénégalais, qu'une autre aventure commence ! "En voiture et on ne traîne pas, on file à Dakar." Personne ne se fait prier, l'audi chargée de ses passagers, nous passons le grand portail rouge, rouillé de tous côtés. Dehors c'est la rue, le marchés, les étals de partout, la cohue, des coups de klaxon, des salamaleks de droite et de gauche : Saïd connaît son monde... On sort de Rosso par la grande route, un goudron niquel, Aaaah... Que ça fait du bien. Quelques kilomètres plus loin, poste de douane rien à déclarer si ce n'est le carton de yaourths, je ne sais pas si il le dit pour rigoler ou si il faut déclarer ce genre de marchandise... On prend le temps de faire une séance de photos sur la première borne kilométrique ouest-africaine que nous voyons. Vous connaissez le jeu du 'mille bornes' ? c'est les mêmes ! On est heureux, on est content, on est soulagés, ça se lit sur les visages et s'entend dans les rires, on reprend la route. A vive allure les paysages défilent, des constructions locales en végétaux tressés, des habitats nomades. Des villes pleines de vie et de couleurs, des bus, sûrement des transports en commun pleins jusqu'à la gorge, il y'en a même qui font le voyage en plein air. Des fumées d’échappements tellement épaisses, à vous faire arrêter de fumer. Un soleil de plomb qui nous caresse. AAAHHH Sénégal me voilà !
On fait une rapide pause à Saint Louis pour manger un morceau, un bon morceau même. Je n'ai pas le courage d'écrire tout ce que je vois, je sens, j’entends c'est bien trop riche, bruyant, haut en couleurs et puissant d'odeurs... L'Afrique, aucun doute, j'y suis bel et bien, un large sourire d'une oreille à l'autre qui ne me quitte pas. Merouane à sorti l'appareil photo, il mitraille, un peu trop même ça ne plaît pas au gendarme de pont de Saint Louis-Dakar. "On ne prend pas en photo un officier en exercice monsieur, sortez vos papiers" Saïd entame les pourparlers en Wolof, encore ce carton de yaourth qui intrigue, conseil d'ami pas de carton sur la banquette arrière vaut mieux pour vous. On repart, du plastique partout, des départs de feux dans les tas d'ordures qui jonchent les bords de routes, une voie ferrée pâturée, des vieux à l'ombre. On traverse de nombreux villages à vive allure, en se méfiant pas toujours des dos d'âne, bien traîtres ici ! Alors ceux qui se plaignent en France n'ont qu'à voir ceux là, à prendre en première, au risque d'y laisser une partie de la mécanique...On file, file, file et on s'arrête, pneu crevé, encore... 'Dammit' on n'a plus de roue de secours, consommée quelque part dans le désert marocains... Stop, quelqu'un emmène Saïd au village, il nous revient quelques 45 minutes plus tard avec un mécano et un 'vulganisateur' un gonfleur de pneu en français. Ils se mettent à s’engueuler sur le prix, font le travail et repartent quelques peu mécontent vers leur village, nous vers Dakar. Les gars on pas l'air très souple avec les autochtones, ah... le genre humain... Je fini par dormir, fatigué sûrement...
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Nuque douloureuse, je me réveille. La voiture slalome dans des rues bordées de hauts immeubles. Une ville, tiens donc ! "Où on est ?" "On est à Dakar !", je suis à Dakar, Sénégal, nous sommes le 04 janvier 2014, un rêve vient de se réaliser, une histoire s'achève, une autre commence.
Un grand merci à Said, Merouane et Ali pour avoir donner du corps à ce récit.
Etape 1 : Bordeaux - Tanger 1400 Kilomètres Etape 2 : Tanger - Rabat 250 Kilomètres Etape 3 : Rabat - Casablanca 100 Kilomètres Etape 4 : Casablanca - Marrakech - Agadir 500 Kilomètres Etape 5 : Agadir - Tan Tan - Sidi Akhfenir 570 Kilomètres Etape 6 : Sidi Akhfenir - Dakhla 700 Kilomètres Etape 7 : Dakhla - Bir Gandouz (frontière) 350 Kilomètres Etapes 8 : Bir Gandouz - Nouakchott 600 Kilomètres Etape 9 : Nouakchott - Rosso 200 Kilomètres Etape 10 : Rosso - Saint Louis - Dakar 350 Kilomètres Total parcouru : 5000 Kilomètres Nombre de frontières traversées : 4 Nombre de pays traversés : 3 Nombre d’heure de conduite : 84
500 Km
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PREMIÈRE PARTIE SÉNÉGAL
Ici, on partage tout ! Sauf la femme...
Proverbe Sénégalais
SUR LA PETITE CÔTE
Séjour dans une famille de griots Après une semaine passée dans la capitale sénégalaise, je me suis rendu sur la petite côte au sud de Dakar. Invité par la famille SECK, j'y ai établi mes quartiers lors de mon séjour au Sénégal. Bien plus qu'une simple invitation, c'est une réelle opportunité de vivre avec les sénégalais qui m'a été offerte. En effet j'ai été accueilli comme un membre a part entière de la famille. J'ai pu, en discontinu, lors de ces trois mois de séjour, passer du temps dans un village de pêcheurs de la côte. Alors habitant de Niangal (nom du village) , cette expérience m'a permis de vivre en rythme avec la population, assister aux rassemblements villageois, comprendre l'économie, le fonctionnement à l'échelle urbaine mais aussi ses interaction avec le territoire. Situé à une cinquantaine de kilomètre de la capitale, le contexte urbain de la péninsule dakaroise et de son arrière pays est en pleine expansion. Le paysage autour du grand Dakar est en pleine mutation ces dernières années. La construction d'un nouvel aéroport international non loin de Diass (20 kilomètres de Niangal à travers la brousse) ainsi que l’achèvement récent d'une portion d'autoroute permet de donner une nouvelle dimension à la capitale, en la désenclavant mais surtout en étendant son rayon d'influence directe. On peut se rendre à Niangal en prenant la route de la côte depuis la commune de Diam Niado (dernier échangeur de l'autoroute). Le village est un village côtier s’organisant en une multitude de petits centres autour desquels se déroule la vie communautaire. La plus ancienne partie du village se trouve entre la plage et la route goudronnée allant jusqu'à Toubab Dialaw (commune voisine 4,5 Km). Depuis plusieurs années, les nouvelles constructions se concentrent de l'autre côté de la route et vont jusqu'aux collines voisines, barrière naturelle à l'expansion du village. La famille Seck est installée depuis deux générations seulement dans le village, forte d'une cinquantaine de membres présents à l'année au village. Ce fut pour moi une véritable immersion au sein de la culture sénégalaise. Appartenant à la caste des griots, Mansor Seck et ses fils ont un rôle a part entière à jouer dans la société sénégalaise. Bien que souvent tombé en désuétude face au nombreux bouleversements qu'a connu la société africaine et sénégalaise ces deux derniers siècles, l'attachement des membres de la
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2 Km
famille Seck à la caste des griots reste encore fort. Mansor Seck est réputé à travers le Sénégal pour ses dons de percussionniste et les nombreux joueurs qu'il à élevé au rang d'artiste. Même si son destin en a décidé autrement, ce sont ses fils et petits fils qui assurent aujourd'hui le rôle de communicants. En effet le griot est un communicateur traditionnel, c'est lui qui, à l'aide du chant et des tambours transmet à la population les savoirs ancestraux, les histoires, les contes et légendes, ce peut aussi être lui qui annonce les nouvelles. Basées sur la tradition orale les sociétés de l'ouest de l’Afrique vouent un culte à leurs mémoires vivantes. Un rôle de messager, de conseil incombe alors à celui qui sera griot. Les griots ont pour mission d'animer chaque rassemblements de la vie quotidienne. Ils font vibrer mariages, baptêmes, combats de lutte mais aussi les fêtes traditionnelles et la maison plusieurs heures par jours lors des répétitions. Traditionnellement ces derniers étaient toujours rattachés à une personne de pouvoir. Il n'y a pas de roi sans griot et pas de griot sans roi. Aujourd'hui nombreux sont les rois et royaumes disparus au Sénégal pourtant la tradition orale et musicale, elle, reste bien ancrée. Les Seck sont liés à la famille SY, Marabouts et guides spirituels de la confrérie musulmane des Tidjanes depuis de nombreuses générations. Mansor Seck étant l'homonyme de Serigne Mansor Sy (aujourd'hui décédé) lui même fils de Serigne Babacar SY et neveu de El Hadji Malick SY, guide spirituel des tidjanes. Branche du soufisme ils sont aujourd'hui majoritaires au sénégal. Il est important de préciser cet attachement. Les deux hommes ont étés très liés durant le khalifat de Serigne Mansor SY et ce lien révèla l'union entre griot et hommes de pouvoirs. La notion de famille, de caste et la religion sont donc bien ancrées chez les Seck. La vie communautaire et familiale est très forte au Sénégal. La famille Seck étant répartie dans plusieurs maisons à Niangal, il n'est pas rare de devoir en visiter plusieurs lors de la même journée. Pour ma part j'ai été hébergé dans la maison du chef de famille, Mansor SECK, la plus grande concession de la famille dans le village. Sur deux étages elle rassemble une trentaine de membres, hommes, femmes et enfants. J'y ai partagé la chambre de Saliou Seck, un des fils de Mansor agé de 24 ans mais aussi le quotidien de tous ses habitants. J'ai été amené à me rendre souvent dans la maison de Anna DIOP, première femme de Mansor SECK située à 300 mètre en contrebat de la première maison, juste à côté du port et de la halle de vente aux poissons, un des centre économique du village. Femme d'un certain âge, elle exerce un pouvoir important au sein de la famille et héberge sous son toit une vingtaine de personnes. C'est aussi dans cette maison que ce tiennent les conseils de famille, dans la cour ou au salon selon les moments de la journée. Famille importante à Niangal il n'est pas rare de voir des habitants venir demander conseil au près de Mansor Seck ou Anna Diop.
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BLOCS DE TERRE COMPRESSÉE
Renouveau de la construction terre dans l’arrière pays Dakarois.
« J’envisage de m’engager dans deux types d’actions me permettant de me perfectionner en architecture. Premièrement, prendre part bénévolement à un ou plusieurs chantiers participatifs, deuxièmement je prépare un voyage à l’étranger pendant lequel je chercherais notamment à découvrir et approfondir les techniques et cultures de construction en terre.» Extrait du courrier Recherche d’un enseignant référent envoyé à l'équipe pédagogique du Master AE&CC de l'E.N.S.A. Grenoble daté du 05 Août 2013
Au delà de l’expérience spatiale et humaine, mon voyage m'a aussi permis de m'intéresser à à l'architecture, plus particulièrement la construction en terre crue. Installé sur la Petite Côte, au sud de Dakar pendant mon séjour au Sénégal, j'ai cherché à rencontrer des acteurs de la construction Terre. Peu présent traditionnellement, soit par manque de visibilité soit inexistant, le matériau terre, grâce à plusieurs personnes, retrouve ses lettres de noblesse. Dans un contexte urbain en pleine évolution, alors que le béton, sous la houlette des grand groupes cimentiers, coule à flots, la terre tente de (re)faire sa place. Dans un premier temps j'ai contacté My api lodge entreprise générale d'éco-construction basé à Toubab Dialaw, à 5 kilomètres de mon lieu de résidence. J'ai pu, lors de la visite de leur chantier témoin rencontrer Claude Etève, entrepreneur pour le compte de la société au Sénégal. Né de la société PI dynamics fondée par Pierre Magnière, basée en France, My Api lodge assure la mise en œuvre des solutions retenues par le bureau d'étude français. Installée récemment au Sénégal, le siège de My API Lodge sert de vitrine pour les réalisations du constructeur. Autour d'un Riyad ombragé ont été construit, les bureaux, un showroom et un immeuble de 3 appartements témoins. Le but de cette réalisation est de démontrer à différents publics, en les sensibilisant, l’intérêt de l'éco-conception et du matériaux terre. Équipé d'une presse à BTC (brique de terre compressée) de marque Terstaram, My API Lodge fabrique ses propres briques. Encore dans une phase de recherche et d'expérimentation lorsque je les ai visités, les briques servaient avant tout à faire du remplissage de structure. Claude Eteve mon interlocuteur m'a fait part de sa volonté de continuer à chercher comment stabiliser les briques (aujourd'hui ciment 5%) et à terme de construire en terre porteuse. Dans leur première réalisation c'est le béton armé qui assure le rôle porteur. Les parois du Showroom ont été volontairement construites de différentes manières, avec différents matériaux permettant ainsi de ressentir les différences entre un mur double en BTC avec plenum, un mur simple en
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parpaing ou encore un mur en parpaings enduit à la terre. Ce pavillon expérimental permet, par l'expérience, de se confronter au matériau terre et de le comparer à d'autres, utilisés conventionnellement. D'autre part les appartements témoins conçus par PI Dynamics, tirent avantage par différents dispositifs, d'une ventilation naturelle, d'une luminosité contrôlée etc... assurant ainsi un confort thermique, énergétique, visuel, acoustique... C'est donc l'alliance entre le bureau d'étude français et le constructeur qui permettent aux promoteurs de proposer à leur clientèle, la conception et la réalisation de « villa bioclimatique clés en main ». D'autre part, associé au PNUD, my ApI Lodge promeut l’utilisation de matériaux naturels et peu consommateurs d'énergies grises dans la construction locale. Aussi associé au centre de formation professionnel du BTP de Diam Niado (10 km), My API Lodge œuvre à la formation des futurs acteurs du secteur de la construction au Sénégal, participant ainsi à la démocratisation, à la promotion du matériaux terre, en particulier de la BTC auprès des jeunes bâtisseurs.
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Cette première rencontre m'a permis de mettre les deux pieds dans le contexte local de la construction en terre crue. Dans un deuxième temps, j'ai eu l'occasion de rencontrer un ancien élève de l’École Nationale Supérieure d’architecture de Grenoble ayant suivi la formation DSA Terre dispensée par le CRATERRE, Amadou « doudou » DEME , directeur de la société ELEMENTERRE basée à Gandigal à quelques kilomètres de Mbour et à une soixantaine de kilomètres de Dakar. Installée depuis 3 ans, cette entreprise du bâtiment rassemble une quarantaine de personnes, briquetier, maçons, chefs de chantiers etc... Aujourd'hui fort d'une presse Testaram menée par une dizaine de personnes, l'usine est en mesure de fabriquer jusqu'à 1200 briques par jour. Lorsque je suis passé, la seconde presse venait d'arriver et 10 autres personnes suivaient une formation. L'objectif à terme étant d'arriver à produire 2500 briques par jour. A ce moment chaque brique produite est déjà vendue, la production se fait donc à flux tendu. Au delà de la production de BTC, Amadou Deme assure le conseil et le suivi technique des chantiers auxquels il prend part. Il dessine les plans d’exécution, accompagne la maitrise d'ouvrage dans la conception, suit ses ouvriers et assure leur formation. Deux de ses associés suivent les chantiers et font le relais entre expertise technique et techniciens, à savoir une trentaine de maçons. Amadou Deme, Génie Civil - DSA Terre n'étant pas architecte, il collabore avec la toute jeune agence Franco-sénégalaise : KOE. Né de l’imagination de Richard Rowland et Hippolyte Gilabert, étudiant à l'école Nationale supérieure d'architecture de Nantes, l'atelier KOE vit ses premières heures au Sénégal.
L'architecture résiliente, pour être complète, doit être économiquement juste. Naturellement, une nouvelle pratique voit le jour.Par souci de résultat nous pensons, dessinons et construisons nos projets. Cet engagement garanti la qualité de nos réalisations et déduit la marge constructeur souvent génératrice de conflit. De la genèse à la livraison d'un projet, la relation entre le maître d'ouvrage et notre atelier se fait ainsi dans la plus grande transparence. KOÉ, atelier concepteur et bâtisseur
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J'ai eu l'occasion lors de notre rencontre de visiter deux réalisations en cours, nées de la collaboration entre ELEMENTERRE et l'atelier KOE. C'est la plus importante des deux, qui a retenu mon attention en Février dernier. Depuis, ce projet, livré, a permis à l'agence de participer à la biennale de Venise 2014 dans la catégorie Young African Architect, ce qui leur a valu la présentation de leur travail et un début de reconnaissance internationale. Al Hamra (la rouge) est une villa situé sur la commune de Tene Toubab, à quelques encablures de Mbour. ImplantéeWW dans la brousse, cette immense bâtisse est entièrement faite de briques de Terre compressée. Pour ne pas écrire des lignes et des lignes sur la production de cette alliance entre concepteurs et bâtisseurs, voici une traduction de la note d'intention, la version originale étant en anglais. Elle vient clore la présentation du projet qui précède.
Al Hamra « Respire, » a dit l'homme, « je veux que ma maison respire. » Alors le vent fut invité à s'engouffrer selon ses vœux a travers les pièces. La brise souffla le long de la tour, ses calmes volutes murmurant entre ses murs. « Lumière, » a dit l'homme. « Il doit y avoir beaucoup de lumière. » Alors le soleil fut appelé à travers les fenêtres et les puits, guidé par les arches et tempéré par des plafond voûtés. Il a aussi dit, « respect. » Ma maison doit respecter la terre, ses créatures et les gens qui l'habitent. Alors le sol fut façonné par de nombreuses mains et transformé en murs épais et en étages cuits pare le soleil. Enfin, l'homme a dit, « Inspire. » J'aimerais que ma maison inspire les autres à construire avec respect, lumière et respiration. Mais le vent, le soleil et la Terre avaient déjà fait leur travail. ELLEN ROWLAND
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PETIT TOUR DU SENEGAL
Voyage d’un duo Black & White
MERCREDI 05,02,2014 Levé 09h00, vraiment mal dormi, c'est toujours comme ça avant le départ. Je me recouche, les enfants hurlent dans le couloirs, les mamas font tinter les casseroles, les moutons bêlent, bienvenu au royaume des songes. A midi, bien reposé : petit déjeuner. Les gars filent à Toubab Dialaw pour le cours, Ben et moi même restons quelques instants de plus histoire de boire un coup, pomper de l'eau, préparer le sac, tâcher de tout faire entrer sans rien oublier. On part à l'école à pied par la plage. Ben est content, on marche une bonne heure, il commence à être moins content, faut dire que ça tape dur. Ça fait une bonne trotte en plus du village à la baie mais ça vide la tête, ça fait du bien. Photocopie des plans à l'école, merci Paul, vraiment trop serviable 'coubar'1 ! Je redescends à l'espace Sobobadé histoire de trouver internet, envoyer quelques mails, donner des nouvelles professionnelles, faire un coucou à la famille et gérer les affaires courante, dossier de bourse, visa et autres formalités administratives... Monde de démarches. Saliou est pressé, trop pressé même, je n'aime pas ça, on rentre en vitesse. On prend les affaires, on descend chez mami Anna où il prend un sacré savon, « On part pas sans prévenir son père » ! Bon ben, on attend alors... De toute manière je devais voir Mansour avant de partir, il a quelque chose à me donner. On va patienter chez Cheikhou de l'autre côté du village, on attend le vieux en regardant je ne sais plus quel match de la ligue européenne, on dit au revoir à la famille, à Yay Penda. Cheikhou nous dépose chez Mami Anna, Mansour arrive me donne la bouteille de potion magique et sa bénédiction pour la route. Saliou en reprend une couche et on part : ça y est. Mami Anna nous rejoint en haut du port comme si elle avait été là avant nous, sortie de nulle part. Derniers conseils et bénédiction des sages de la famille. Je ne comprend pas ce qu'elle me dit mais je sens la paix qui émane de ses paroles, de son attitude de son Être. J'ai su plus tard ce qu'elle nous avait dit, d'une part que l'on aurait pas le passeport le premier jour et qu'il faut dormir à l'hôtel ou dans un endroit sûr à Kaolack car c'est dangereux. On verra par la suite si les visions se révèlent êtres vrais, ou pas.
1. Terme de Wolof, Homme bon 2. Terme de wolof, l’hospitalité. Je pense que ça va bien au delà, c’est une philosophie de vie, un concept
On monte dans un taxi direction Diam niado – Thiès – Chez Abass. Le taxi à Thiès c'est 500 FCFA la course (environ 85 centimes d'euro) un prix fixe, un prix fixe ?! Au Sénégal ? Woaw, pas besoin de négocier ? Woaw ! Je le note ça s'avère suffisamment exceptionnel ! Nous voilà chez Abass, « Tu est ici chez toi » Au Sénégal, passe une porte tu es chez toi, c'est aussi ça la Teranga2. « Viens voir ceux qui n'ont rien comme il
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savent donner »3 on se pose, on partage un sandwich, regarde des photos, un match de foot. Son frangin est là, j'ai oublié ton prénom boy mais pas ta tête ! Tiens on se prépare, on bouge il est 23h00, de la suite au programme ? Que se passe t il ? En Wolof je comprend pas, on se suit, Abass nous fait sortir, ici c'est « Thiès ne dort pas ». Restaurant Dibiterie chez Sam's on se fait plaisir : fast food, pas de thiep4, pas de riz, on en rigole ! Je n'ai pas dis Bismillah5, pas de thiep, on verra bien qui rigolera le dernier... merde ! On monte en voiture , on nous emmène, nous sommes VIP à la soirée d'Abass, elle est pas belle la vie ? Arrivée au Palais des Arts, c'est là que ça se passe. C'est calme au début, en même temps c'est soirée sénégalaise, ça commence à pas d'heure et ça fini au petit matin en général ! DJ musique, la salle se rempli doucement, Coca et Sprite pour patienter, clope, toilettes. Attendre est devenu un art, jeune Padawan deviendra grand, le Sénégal est une bonne école pour sûr ! Il est 1 heure, que le spectacle commence, sur scène : sabars6, un Tama7, basse, batterie, guitare et des chanteurs, de bons chanteurs ! Saliou retrouve un de ses élève dans la salle, maintenant artiste de renommée mondiale basé à Panam, France. Mon compagnon griot est un Maestro hé hé ! Le show vaut le coup, les musiciens sont puissants. Abass entre sur scène au bout d'une heure de chauffage de salle. Les Sénégalais savent faire la fête, ça bouge grave dans la salle, Bégué Oai8 ! Abass me fait monter sur scène, Saliou lui à soufflé que je bassais, (merci Liza). Je suis un pied, je passe mon tour mais on rigole bien. Des sabars, ça tourne au leumbeul, Saliou joue un peu, comment expliquer, « Sabar danse sensuelle appelée leumbeul dans sa version la plus affriolante », merci wiki ! A 4h00 c'est l'heure, les zickos posent leurs instruments et se cassent après avoir ramassé plein de pourboires. Abass « Mais, mais, mais... les gars, c'est pas joli ça on s'arrête pas comme ça... » Merci Abass pour ta soirée, tu pars à Dakar pour demain soir, nous on va se coucher il est 05h00, On doit se lever à 07h30 pour faire le passeport... Aie aie aie dur dur la vie d'artiste !
3. Tiken Jah Fakoly, Viens Voir, L’africain, 2007, Barclay 4. Terme de Wolof, Riz 5. « Au nom de Dieu clément et miséricordieux » 6. Terme générique désignant aussi toute une famille de tambours sur pied 7. Le « tambour parlant » originaire d’Afrique de l’ouest
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8. Terme de Wolof, Bonheur quoi !
JEUDI 06,02,2014
9. Jant Bi, Le Centre International des Danses Traditionnelles et Contemporaines Africaines, fondé et dirigé par Germaine Acogny, ancienne élève de Maurice Béjart. www.jantbi.org 10. « si Dieu le veut » 11. Terme de Wolof, Bien, Bon, Niquel 12. Terme de Wolof, Keur, la Maison, Keur Mansor, La maison de Mansour 13. Terme de Wolof, Partout. 14. En référence à la locution, Bamba Fepp, Bamba Partout, Bamba merci en l’honneur de Sérigne Touba. 15. Branche de la confrérie des mourides fondée par Cheikh Ibrahima Fall 16. Le café Touba est une boisson composée de café aromatisé au poivre de Guinée ou piment noir
J'ai pas dormi ou presque, j'ai un mal de ventre monumental, merci le burger, je le sentais pas ben maintenant qu'il est à l'intérieur je le sens bien ! Même trop bien c'est qu'il voudrait sortir par le haut le salaud. On se bouge quand même, bon gré mal gré, on file à l'annexe de la mairie en taxi sur la place de France pour retirer une quittance et s’alléger de 20.000 FCFA. Une fois en poche on prend le taxi, un grand taxi, un bus vers Tivaouane à une vingtaine de kilomètres de là. Deux heures plus tard nous voilà au poste de police de la dite ville, lieu de dépôt et retrait des dossiers pour les passeports. Avant d'entrer dans le poste, un gars nous hèle, hé Nga ! Salamalecs de rigueur et tout comme il faut. Commencent alors les démarches administratives, je fais de la couture pendant que Saliou graisse la patte de je ne sais quel douanier. On patiente, encore et toujours, je fais la connaissance de Dam', l'ami de Saliou croisé plus tôt. Il travaille aussi avec l'école des sables9. Il est danseur, il fait son passeport pour monter en France début Mars pour une prestation et des cours au Centre National de Danse à Pantin, In Shaa Allah10. Au bout d'une heure le graissage de patte à fonctionné « Rekk11 ». Il faut revenir à 15 heures pour récupérer les papiers. Il est 11h30 on attend un taxi 7 places pour nous emmener à Aminiame à 15 km de Tivaouane ou nous attend la sœur du costaud menuisier de Keur Mansor12. On y trouve un lit, à manger, des toilettes et surtout de nombreux sourires, le pied. Après s'être reposé, rempli et diverti nous voilà reparti. Doucement mais sûrement, 45 minutes d'attente, enfin un taxi qui s'arrête. De retour à Tivaouane au poste de police. « Putain Yoann tu vas me tuer, Saliou à fait une grosse connerie » Il fallait emmener l'ancien passeport pour le faire annuler. La machine a refusé d'en éditer un nouveau, il faut repayer 20.000 FCFA en passant par la case départ... On est bien dépité mais on se laisse pas abattre. Il faut réfléchir vite pour pas perdre trop de temps et d'argent... Il faut faire ce passeport coûte que coûte avant de faire la route. Retour à Thiès où Babacar nous rejoint, Babacar fepp13, Babacar partout, Babacar Merci beaucoup !14 Je fais connaissance de Pape, le neveu de Saliou et de ses amis Baye Fall15 avec qui nous partagerons la soirée. Le griot est invité à changer les peaux des instruments tandis que j'essaye de me soigner, toujours brassé, je passe une partie de la soirée dans les toilettes à écouter des prières, on est jeudi soir le jour saint ne va pas tarder. Chez les Mourides et Tidjianes, disciples du soufisme, philosophie coranique, on chante, on chante beaucoup la poésie en arabe à la gloire de dieu. Je suis vraiment épuisé je vais me reposer, faux départ un peu difficile à digérer mais mami Anna nous avait prévenu, je ne l'ai pas compris hier, maintenant si... Je me relève un peu plus tard, on partage, le repas, le thé, le café Touba16, on partage tout sauf la femme comme on dit ici. J’envoie un message à Liza il est minuit, c'est son anniversaire. Me voilà au lit bien plus tôt qu'hier, tout ça pour ça... demain lever à 07h00.
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VENDREDI 07,02,2014
17. Terme de Wolof, vite fait 18. De l’arabe littéralement : Etudiant; candidat; demandeur; solliciteur. Élève de l’islam, au Sénégal disciple d’un marabout, nom donné aux enfants de la rue qui mendient jour et nuit. 19. Terme usité en Afrique de l’ouest pour désigne l’homme à la peau blanche 20. « Rafraîchi ta soif » 21. Traduction littérale approximative, Riz blanc seul
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Changement de Bic, le précédent à prit un coup de chaud, il bave.
Levé à 07h00 donc ou pas, Saliou dors encore lorsque le réveil sonne à 08 heures, je le réveille à 09 heures, pas la peine de partir épuisés, si on doit se reposer autant en profiter. Pape se réveil en même temps que nous. Nous avons dormi dans la boutique, il est l'heure d'ouvrir. Saliou s'est levé trop tard à son goût, il s'énerve, on quitte taf taf17 les lieux direction la quittance. Pas de petit déjeuner, on attend le taxi, on croise un Scénic gris immatriculé en Mayenne (53) c'est un bon jour, jour saint : parfait ! Nos vœux seront exhaussés. Me voilà en meilleure forme et moins fatigué, ça me rend heureux. Saliou paye son papier tandis que je fais de la monnaie à la banque pour changer les billets de 10 000 FCFA inutilisables au jour le jour sauf à Dakar où ils partent comme des petits pains. Missions accomplies, on monte dans un taxi, je fais la charité à un Talibé18 en lui donnant papier bougie et sucre. On met toutes les chances de notre côté. Nous retournons au carrefour de Tivaouane à la sortie de Thiès après la voie ferrée. On retrouve notre chauffeur de la veille on s'arrange et il nous dépose rekk au poste de police. Je patiente tandis que Saliou refait les démarches. Mon ventre me met K.O. Et il fait plus chaud que la veille, à jeun, une épreuve pour le Toubab19. 11 heures voilà qui est fait, retour à 15 heures pour récupérer le passeport In Shaa Allah ! En attendant j'ai faim, je suis fatigué et malade, l'homme le plus agréable du monde. On se dégote un restaurant, au menu Riz blanc et coca cola20... Après 2 heures d'attente, le restaurant est ouvert, mais ne sert qu'à partir de 13 heures... De plus il a fallu m'armer de courage pour avoir juste une assiette de riz blanc sans rien d'autre sinon on se retrouve avec toutes les sauces du Sénégal mais pas de riz blanc... « Thiep Toubab Solo21 » et voilà j'ai mon assiette, il fallait juste que je m'y mette ! Je mange doucement ça me requinque, je sens que ça fait le plus grand bien à mes entrailles. On repart au poste de police pour faire la sieste au frais près des cellules. Dehors il fait plus de 35°C à l'ombre c'est mon thermomètre de poche qui le dit ! Pas loin de 50 au soleil... Nous sommes bien à l’intérieur. Saliou récupère son passeport, ça y est c'est fait enfin ! Hourra ! Youpi ! Bégué ! Nous, on part en voyage, on part à l'aventure ! Garage Tivaouane on monte dans un mini bus, on joue du bongo en attendant le départ pour Thiès. On rencontre des gars de Toubab Dialow, le village voisin de Niangal où se trouvent l'école des sables, l'espace sobobadé, la connexion internet. On parle de tout et de rien en mangeant des jujubes. Thiès, café Touba, cyber, mail à la famille, taxi, garage Thiès, négociation avec le gars du taxi, 500 FCFA pour le sac et 3000 par personne. Nous voilà parti pour Kaolack, il est 18 heures environ, N3 sortie de Thiès. En route pour l'aventure.
Rouler de nuit au Sénégal ce n'est rien voir si ce n'est l'allure des arbres parsemants la ligne d'horizon. La voiture éclaire peu. Tout le monde est silencieux dans ce 7 places, Nevada avec des places dans le coffre, j'y suis avec Saliou, c'est étroit ! La voiture éclaire rien ou presque. Le goudron est bon ça file tout droit. Contrairement à la côte, dans les terre la chaleur ne retombe pas la nuit. L'air est lourd, chargé, il fait chaud, toujours. Le soleil est couché depuis longtemps. On passe Diourbel sans y entrer, on passe au rond point et à travers le barrage. Le chauffeur doit être content ça évite de payer la taxe corruption. Nous roulons encore et toujours, vers le sud maintenant. La lune nous surveille. Pas d'arrêt possible, le chauffeur est pas très cool, la route pas trop longue heureusement. On arrive en ville, nous voilà à Kaolack, tout le monde descend à la station total, nous, nous poursuivons jusqu'au garage. Il fait nuit il y a du monde partout ça grouille en ville. On nous apprend que c'est les JMJ, on le savait déjà mais c'est pas grave.
Au garage aucune infrastructure, à peine le goudron pour ne pas s'enliser. C'est désert pas rapport à la ville, seul les zonards sont ici et quelques vendeurs essayant de gagner leur croûte sur le dos des derniers arrivants. Saliou attrape deux sandwich tandis que j'achète de l'eau. Ne pas boire l'eau de kaolack, même les médecins le déconseillent aux autochtones. 500 FCFA pour une bouteille, c'est le tarif toubab, je négocie à 400 FCFA même si j'aurais pu descendre à 300. Un type m'accoste, « donne moi 100 Francs » je lui répond, « non » et il repart, 15 marlboro avec ça, ça sera tout, merci, à bientôt (ou pas). A la sortie, un succulent sandwich à la graisse de mouton tournée m'attend, une bouchée puis deux et s'en va dans le ventre de Nga, moi je ne mange pas ça après mon riz blanc, ça va pas ! On prend un taxi qui nous négocie 1500 FCFA la course c'est cher mais bon on ne connait pas. On récupère notre contact, Tafar Thiam, à la station essence croisée un peu plus tôt et on s'enfonce. C'est Tafa qui nous accueille, notre contact, notre lumière dans cet enfer des JMJ dans la fournaise de Kaolack : étrange rassemblement. Kaolack la ville qui ne dort pas, où les tam-tam sonnent à toutes heures du jour et de la nuit. On va boire un coup en ville, rapide contrôle de police « Bon séjour Yoann », « Merci Monsieur ! ». Épuisés, éreintés, sur les rotules en bon français, on fini je ne sais où, chez Tafa, sous une bonne douche puis dans un lit. Al-hamdu lillāh22
22. « Au nom de Dieu , clément et miséricordieux »
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ALLIANCE FRANCO-SENEGALAISE DE KAOLACK Patrick Dujaric 1994 Prix Aga Khan pour l’architecture 1995
SAMEDI 08.02.2014
J’écris, j’écris, je rattrape les jours perdus...
Levés sur les coups de 11h30-12h, trop bien dormi, c'est le pied, plein d'énergie. Nous prenons un taxi pour aller à l'alliance franco-sénégalaise pour voir Tafa, il anime des ateliers pour les enfants de la rue et d'ailleurs à l'occasion des portes ouvertes. Visites des lieux, photos de ce bâtiment des plus beaux visités au Sénégal depuis mon arrivée. Retrouvailles d'amis artistes, trouvaille d'un livre de Maurice Genevoix23 qui raconte l'histoire d'un Maouss parmis les Chats noir de ce monde. On me donne le nom Musulman de Omar en référence à El hadji Oumar Tall, (1794 – 1864) Souverain musulman, éminent soufi, Fondateur de l'empire des Toucouleur après son retour de la Mecque, érudit à ses heures perdues, il disparaîtra mystérieusement dans les falaises de Bandiagara en pays Dogon (Mali). Une fois les portes ouvertes finies, on va manger un thiep dans le restaurant d'en face 2500 FCFA pour trois c'est un bon prix ça ! Mes intestins me remercient, ça va bien mieux aujourd'hui, je peu manger à ma faim. L'eau est toujours aussi chère même si elle avait de beaux yeux... Petit tour par le marché de Kaolack réputé pour être le plus grand d’Afrique de l'ouest. Il est dans toute la ville. D'un bout à l'autre, il faut selon la légende, trois jours pour le parcourir entièrement, et les vendeurs changent tout le temps, autant résumer ça à un éternel recommencement. Kaolack, marché à ciel ouvert, entre autre. On rend visite à une famille en plein baptême, le premier ici, on y remange, Teranga folie.
23. Genevoix Maurice, Rroû, Flammarion, 1931
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Tafa nous invite à visiter le centre culturel de Kaolack ou comment faire vivre une scène culturel avec zéro moyen ? Ici tout est fait par des gens qui ont le temps et surtout la foi dans un monde meilleur, l'espoir d'une Afrique qui se réveille. Exposition de peintures, local d'associations, bibliothèque, Amphithéâtre intérieur et scène extérieure, toutes les infrastructures publiques sont réunis ici dans ces vieux bâtiments. Kaolack est une grande ville du pays, à presque 200 kilomètres de Dakar, 190 000 habitants. Ici, pas de goudron, pas de ramassage des déchets, pas d'égouts, de la culture, dans l'ombre. Les pouvoirs public sénégalais... je me passe de commentaires. Tafar nous présente les bureaux de sa compagnie de danse, un placard à balais au fond d'un hangar construit par les français à l'époque de Mathusalem. La danse pour sensibiliser sur les problèmes de Kaolack. Contre la circulation, l'engorgement des déchets le tout en mouvement avec le corps mais surtout avec l'esprit ! On rencontre madame la directrice, histoire de dire bonjour, c'est pas souvent qu'un étudiant en architecture et un griot marchent côte à côte dans Kaolack. Je souhaite par ces lignes faire un hommage à ces femmes et ces hommes qui se lèvent chaque jour pour rendre leur ville, leur pays, le monde meilleur. Merci à vous d'essayer de tout faire sans rien avoir !
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Retour au Baptême, séance photo en extérieur, une des seule ici, les gens sont chauds, je ne me sens pas de jouer les paparazzi partout, dommage il y avait pourtant de bons clichés à prendre dans les alentours. Retour à la maison à pieds. Plan de ville en grille axée sur les points cardinaux, tout droit sorti de la tête des colons. Aujourd'hui on suit toujours ce plan. Les larges avenue autrefois plantées d'arbres sont maintenant des déserts parsemés de sacs plastiques et autres détritus. Les murs faits de sable et de ciment s'effritent et deviennent des moucharabiehs, les parpaing furent et les joints restent, étonnant résultat. Le bétail mange ce qu'il trouve par terre, les Talibés, les enfants des rues, eux, tendent la main en lançant des regards sans fond... Vision de la réalité sénégalaise, métropoles occidentales, vous n'avez rien à envier à ce spectacle. Le « rond point Orange » passé on rentre par les contres allées de sable. Arrivés chez Tafa c'est le four, Parpaings et tôles c'est pas terrible dans la fournaise de Kaolack, c'est l'enfer en ouvrant la porte... Pourquoi ont ils oublié la terre ? Importés, les matériaux coûtent extrêmement cher qui plus est. Le ciment vient de Thiès à quelques 150 Km de là, le fer, lui vient, du port de Dakar... De plus loin même, je ne sais pas où se fournissent les grossistes libanais en ferraille. Les parpaings sont fabriqués sur le chantier avec un moule comme les adobes avant, séchés au soleil. Le résultat : une catastrophe, heureusement que la nature humaine est souple, elle s'adapte. Une bonne douche pour se laver de la journée, une petite beauté, Tafa nous emmène chez son mentor, son guide, sa famille adoptive, sa famille élastique à lui. A quelques détours de rues nous entrons dans la maison de la famille « Ndiaye Croix rouge » avec qui nous partagerons beaucoup de choses pendant les quelques jours passés ici entre autres repas, fous rires, thé simple et même thé au bissap. Après une soirée pleine de rires, de sourires, d'histoires, de photos, d'échanges de rencontre avec la famille élastique, Tafa, Saliou et moi même nous rendons en ville. Souvenez vous, Kaolack ne dort pas. Ça ne sera pas à l'alliance Franco-Sénégalaise, c'est une scène, Saliou n'aime pas ça surtout s'il ne peu pas y monter ! On finit dans une soirée guinéenne dans la boîte « El Toro », Saliou veut absolument faire la fête, Tafa dit que ça va être nul parce que c'est soirée guinéenne, moi personnellement je m'en fou ! Le son est mauvais, le DJ aussi, l'assistance super jeune c'est fou ça. Pas envie de danser, c'est pas ma tasse de thé. Je passe la nuit dehors à écrire ces lignes sur mon carnet, remplir les blancs qui m'obsèdent, écrire avant que mes souvenirs ne se chargent du voile du temps qui passe. J’assiste au balais des parades entre jeunes adolescents sénégalais en quête de mariage ou plus si affinités... Il est 03 heures lorsque l'on sort. Quelques Coca à la boutique, des rouleaux anti-moustiques à 50 FCFA et un sachet d'eau pour un gamin qui n'a même pas de quoi se l'acheter... On rentre en Jakarta, deux roues intrépides qui servent aussi e taxi, c'est bien moins cher, plus rapide que la voiture même si je suis vraiment pas rassuré la dessus. Il est 05 heures quand on pense à se coucher. « Demain c'est dimanche, je ne fait rien ! » Merci Saliou ça me semble être un bon programme !
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DIMANCHE 09,02,2014
24. Terme de Wolof, Très fort, puissant 25. Terme de wolof, Mama
Réveil en douceur par la chaleur qui frappe les tôles aux alentours de midi, on étouffe la dedans. Douche et direction la famille élastique qui nous attend pour manger. Il fait vraiment très chaud dans cette ville, Kaolack la fournaise, c'est vraiment un bon surnom. On marche à l'ombre en évitant déchets et eaux usées. Ça pue avec la chaleur. Bienvenue au refuge. Je vais me reposer après avoir regardé la télé. Vraiment trop chaud, le corps allongé, au repos c'est déjà mieux. Je me fais réveiller par un fichu moustique, il m'a piqué, ils attaquent même en plein jour les salauds. Super repas, Khadi, la maman, prépare vraiment bien à manger, avec amour et le sourire, l’accueil est parfait sous ce toit. On passe l'après midi couchés dans la cour sur un tas de linge. Thé au bissap pour la première fois, rouge chaud et sucré, « bou barr, abar, abar»24. Si on vous propose d'acheter de quoi faire du thé au Sénégal, il faut prendre de la menthe (nanah) du thé (ataye) du sucre pour 200FCFA (sucre) et surtout n'oubliez pas le charbon... Le soleil ne suffit hélas pas à réchauffer la théière. Ce dernier entame sa redescente dans le ciel, nous la sortie du tas de linge. On rentre à la maison de Tafa. On est comme au village, allez-retour d'une place à l'autre, dormir ici, manger là bas, tout ne se fait pas au même endroit ! On reste une heure chez Tafa, le temps pour notre hôte de fabriquer un tableau, c'est son business du moment, la saint valentin approchant. On retournera en passant par la mosquée moderne chez la famille Ndiaye Croix rouge. Imposant bâtiment, deux minarets immenses, 3 ou 4 coupoles, ambiance sérieuse, pieuse, inaugurée en 2010. Pas envie de rentrer, d'autant plus que n'étant pas musulman, c'est pas toujours évident. De nombreux marabouts et fidèles se retrouvent ici, assis, discutant... Interdiction formelle de fumer dans l'enceinte du quartier « médine », ordre du marabout. Le petit détour par les rues pavés du quartier saint nous amène à notre point de chute. Yaye25 Khadi et Pape Maning nous attendent en compagnie de Tiéning Awa, Sokhna et Sophie : les filles, Miniane et Ablaï pour les garçons. Au menu ce soir, Thiep Soho, Riz au lait, extra, j'adore ça, ils me prennent par les sentiments dans cette maison. On quitte la famille sur les coups de 23 heures, je suis toujours fatigué, pas encore reposé de plus la chaleur écrasante de la journée assomme quiconque ose se mettre au soleil ne serait-ce qu'un instant. Amis bronzeurs, Kaolack est votre pire ennemie. De retour chez Tafa, surprise, ses bailleurs sont en plein baptême. Sabars et Clavier au programme c'est Tandebeer (Sabar la nuit) et leumbeul, le tout pour rythmer la nuit qui nous entoure. L'ambiance est folle, chaude. Saliou à dansé, impressionnant. Je me fais alpaguer par une des fils parce que je filme, je vous avais dit les paparazzi c'est pas pour tout les instants. Sur le coup je ne sais pas trop quoi dire, on filme pour les copains de Toubab Dialaw, on est artistes quoi... Saliou me sort du pétrin. On se couche vers 01 heure. La musique, elle, continue jusqu'au bout de la nuit,... Kaolack ne dort pas.
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LUNDI 10,02,2014 Levé à 09 heures, ce jour est un grand jour, plein de choses à faire. Douche, pas de petit déjeuner devant la maison, tandebeer hier soir obligre, tout le monde dort... Dommage. Nous nous rendons au « centre ville» à la banque et à la poste. Ça y est mes cartes postales sont parties, deux seulement pour commencer pour les plus anciens. Il me reste 3 timbres dans mon passeport, à utiliser à bon escient, une pour les amis en Mayenne, une pour les grenoblois et une dernière pour l'école, le problème c'est de les trouver ces cartes... Petit déjeuner après ça, ça fait le plus grand bien. Le café Touba est une pure invention, on en boirait des litres à l'école, j'en suis sûr. On attrape un taxi qui nous emmène à Kahone, la capitale du royaume du Saloum. Nous devons trouve le griot du roi du Saloum26, détenteur des tambours de guerre, gardien des lieux sacrés, mémoire vivante du royaume... Après tour et détours dans la bourgade de Kahone nous voilà chez El Hadji Mamadou MAR, ancien chef de police, actuel Fara Dioung diouj du Saloum. Une rapide entrevue avec ce vieux sage nous ouvre les portes du Gouye Ndiouly27, l'arbre, le baobab plusieurs fois centenaire attaché à la culture Sérère et à la tradition des rois du Saloum. On prend le taxi pour aller au Baobab, on est accompagné du fils du gardien car il ne faut pas y aller seul. Stupéfaction à notre arrivée, cet arbre est magique, jamais rien vu de tel. Couché, dressé, difficile de décrire ce spécimen unique. Avis au curieux, il est protégé par un serpent qui vit dans le trou creusé dans son tronc, c'est le totem de l'arbre... Ne vous avisez pas non plus à en emmener une graine, « tôt ou tard, la maison brûlera ». Séance de photo, d'histoire, de dégustation de pain de singe, le fruit du Baobab (dans lequel on trouve les fameuses graines qu'il ne faut pas emmener).
26. Le Saloum est l’ancien Royaume Sérère s’étendant du sud de l’actuel Sénégal à la Gambie
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27. Le Baobab des circoncis
Retour chez El Hadji Mamadou MAR, commencèrent alors à vivre le royaume du Saloum, Kahone sa capitale, ses rois, ses baobabs : un morceau des annales de ce continent qui n'aura donc cesse de m'enchanter, de m'étonner, de me surprendre... Contées en wolof il m'a été impossible de tout comprendre. L'histoire commence en 1453, 49 rois se succéderont et ce jusqu'en 1969. Avec eux de nombreux griots, les Fara dioung diouj détenteurs des tambours de guerre. Je ne raconterais pas les histoires dans ces pages. Elles ont vocation pour un autre ouvrage que j'espère écrire avec Saliou en français, en wolof et en sérère pour que perdurent à travers les génération les légendes du Saloum, le royaume des 49 rois. Cette rencontre a été riche en enseignements. Le vieux nous propose de revenir avec du matériel pour enregistrer, prendre des photos, des vidéos, un boulot de 6 mois avec une thèse à la clé... mais moi ce n'est pas mon domaine... Puis je pense que l'histoire africaine doit être dans les mains des africains. Le vieux ne se sent plus très jeune, il faut faire vite, trouver quelqu'un... Oui mais qui ? In Shaa Allah nous trouverons. Nous avons eu la chance d'enregistrer l'entretien, il m'a beaucoup touché, encore plus Saliou fils de griot à la recherche de son destin... Même si je n'ai pas tout compris, j'ai ressenti l'importance de ces souvenirs d'un lointain passé, de ces histoires qui ont traversé plusieurs siècles. Malheureusement « les écrits restent, les paroles, elles s'envolent »... « Le Maad28 est le pouvoir, vous êtes le savoir... Heureux de vous avoir rencontré mémoire vivante du Saloum, que la paix soit sur vous et votre famille... ». Sur ces paroles nous mettons fin à près de trois heures d'entretien. On remonte dans le taxi, on rentre à Kaolack. L'idée d'écrire cette histoire me met aux anges. Je sens ça bien mais en même temps ça me travaille. Quand ? Comment ? Avec quel financement, quel matériel, quelles personnes ? Finalement, suis-je le plus à même de pouvoir faire ça ? J'ai comme un doute... Tous les éléments me viennent à l'esprit, je réfléchi, je crois bien que je ne suis pas là pour ça mais alors comment faire ? Comment aider le vieux ? Comment ne pas perdre ce pan d'histoire ? J'en ai plein la tête, pas très reposé en plus, c'est compliqué. On arrose grassement notre taximan qui ne travaillera pas cette après midi, il a fait son chiffre en une longue et étrange course à travers la brousse. « Ntit', il faut faire quelque chose » comme dirait Saliou. On rassemble quelques affaires et un gros sac de linge sale, on va laver le linge en famille. Retour chez les Ndiaye qui s'occupent de nous, La Teranga n'a pas de prix... On mange copieusement décidément c'est une super adresse, rigolades à tout va, le problème du vieux m'occupe l'esprit... Ce n'est pas à moi de faire ça... Déjà un paquet de choses de prévues, un planning serré même si je prend le temps. D'un autre côté j'ai aussi beaucoup d'engagements à tenir. Homme de parole réfléchi bien avant de faire des promesses. Ma décision est presque prise, la nuit porte conseil, nous verrons ce qu'il en est demain. 28. Roi en Sérère, Bour en Wolof
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La journée passe, les heures s'effacent, le départ se rapproche. A la maison de Tafa, c'est toujours le baptême, le bruit, les djembés, toujours la fête. On remange, on mange tout le temps au Sénégal, vive la famine. Et on mange quoi ? Oui oui du Thiep, pas moyen d'y échapper, riz partout, riz fepp, riz merci, du moins jusqu'à aujourd'hui. Tafar taff, il fait ses tableaux, coquillages collés, peintures, poésie, ça plaît, ça marche, toujours ça de pris. A la fin, on admire le tableau pour Fa, l'âme sœur du moment de Saliou, un magnifique tableau sur contreplaqué... Il va falloir le porter encore et encore pendant... In Shaa Allah on verra ! Direction le marché, il faut un nouveau sac, l'ancien à 2000F recousu selon les préceptes de Yves Saint Laurent, il y a quelques jours, à rendu l'âme... Nous entrons dans une boutique de sac de voyage, je suis pas aidé, les artistes négocient peu, Saliou jamais. Un sénégalais qui ne négocie pas, soit il ne consomme pas soit il se fait arnaquer à tout bout de champs. Je fini par m'en sortir à 7000 FCFA le sac au lieu de 9500, pas une grande affaire mais toujours ça d'économisé. « En plus c'est un original boy », « original » made in china certes mais il faut savoir que c'est mieux qu'un « original » made in Sénégal. Mais toujours moins bien qu'un original point barre... Je déconne avec le vendeur, une fois acheté je fini par savoir la marge qu'il vient de se faire sur le sac, ça reste gros... On file, s'en suit l'épisode des fruits. J'ai pas la négoce dans le sang mais quand même faut pas abuser. Saliou le roi de la négoce passe à l'action. 400F les bananes au kilo, 2 Kg plus 250 FCFA d'orange, 2 Kg aussi, on négocie on tombe à 1200 FCFA au lieu de 1700 ! Pas mal ! Mais voilà t'y pas que Saliou reprend un Kilo de chaque. On paye plus cher que le tarif négocié, on a un peu plus de fruit certes mais à plus savoir qu'en faire ! Cadeau, cadeau, ça sera le dessert du soir et une petite réserve pour la route. Douche à Keur croix rouge, repas, adieux difficiles, le vieux nous récite une pièce de théâtre avant de partir. Je ne sais plus dans quelle conversation lors de la soirée il me sortira le mot : Dichotomie29. Merci à tous, merci pour tout, ne changez rien vous êtes super. La famille Ndiaye Croix Rouge de Kaolack, Tafar Thiam le Robin des bois des arts, tous ceux que l'on à croisé dans ces contrées, merci. Dieureudieuf ! Dernière nuit chez Tafar, trop courte encore...
29. 1, État de ce qui est coupé en deux. 2, Méthode de division et subdivision binaire. 3, Écart, différence entre deux réalités considérées dans un rapport antagonique. Je remets ici la définition, moi qui ne connaissais pas ce mot.
MARDI 11,02,2014 Réveil vers 10h, 10h30. Tafar vient récupérer les clefs à 11 heures, entre deux boulots... Trop court pour tout faire, merde. Je commence la potion magique de Mansour, j'en ressent le besoin, dans ces terres lointaines et chargées. Voyage, blanc, proie facile des sorciers de paquotilles... Protection contre le mauvais œil. Les mauvaises pensées qui m'ont empli la tête hier soir sont elles bien les miennes ? Je n'en suis pas si sûr... La fatigue et la chaleur me jouent sûrement sur le système, fatigué je me sens portant en pleine forme, étrange. En vitesse, douche, sac, nettoyage, rangement, Tafar arrive, nous ne sommes pas prêts... Il tire la gueule. On s'active, quatrième vitesse, y'en à pas plus au Sénégal, faut pas pousser. 20 minutes plus tard nous quittons lieu place et hôte. Un Taxi nous emmène au « garage Nioro » au sud, alors que nous étions arrivés par le « garage Dakar » au Nord. Tout un poème ces garages ! On nous alpague dans tous les sens, je suis K.O. j'ai pas bu de café il fait chaud et ça pue, le ventre vide, ici c'est l'agression. On repère notre voiture pour Nioro du Ripp. Nous prenons un petit déjeuner, pain beurre café touba dans un bouiboui, salvateur. Saliou est fatigué et malade...La bouffe ou le chaud ? Va savoir, en attendant il ne se soigne pas, ou peu, on attend de dieu ça à l'air plus efficace. Mami Anna l'a senti elle appelle pour savoir comment il va, elle lui annonce sont futur rétablissement. On a de l'eau c'est bon on peu y aller. C'est 1500 FCFA par personne plus 500 pour le sac, 55 km à faire et la route est mauvaise, il fait chaud, très chaud, une chaleur à faire fondre les ours polaires. Le Taxi démarre enfin, 7 passagers à son bord. On quitte le garage et ses entrelacs de véhicules et autres marchands ambulants. On passe le poste de douane du pont du Saloum, le paysage est à couper le souffle entre ciel et rivière une fine bande de terre bâtie sur laquelle se détachent, déformées les maisons de Kaolack. La chaleur trouble toute vision, une nappe de vapeur et de gaz d'échappement émane de la terre, brouille la limite entre les bleus qui nous entourent. A droite comme roulant sur l'eau une file de camions vides se poursuit jusqu'à un tas de sel géant, la route défile à toute vitesse, toujours tout droit. On dépasse le panneau Passi, c'est pour plus tard, pas si tard mais ça c'est une autre histoire. On dévale à 80Km/h sur un goudron impeccable . La chaleur continue de monter en même temps que le soleil dans le ciel. On aperçoit de nombreux villages sérères, organisés en concession. Des petits toits de paille dépassent ci et là de murs de fibres. Tout est fibres, tout est jaune. Les Baobabs et les Rôniers parsèment l'horizon. Devant : le goudron. Au gré des kilomètres sous et derrière le végétal travaillé par l'homme, peigné, brossé, vanné, plié et replié se dévoilent à mes yeux les premières constructions en terre, rudimentaires, sommaires, simplissimes, j'en verrais encore pendant quelques jours le temps d'en comprendre la richesse. De banco ainsi faites, quatre murs et un toit pyramidal à base carrée,
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elle subsistent aux cargaisons de sacs de ciment qui, loin de Dakar, mettent plus de temps à muter les paysages, les habitudes, les cultures constructives. Ici on sent encore la présence des matériaux traditionnels. J'aperçois quelques paquets de paille habillement entreposés, je croise une fosse à banco, sèche en cette période de l'année, les briques elles se prélassent à côté, dorant au soleil. Je suis heureux, j'ai chaud. Après une quarantaine de kilomètres parcourus, c'en est fini du goudron merveilleux, à nous les nids de poules, les va et vient de gauche à droite sur la chaussée. On manque l'accident de peu « eh chauffeur tu ne transportes pas du bétail là » braillent dans un wolof claquant certains passagers. Je ne m'accroche pas à ma ceinture il n'y en a pas, à la fenêtre non plus elle ne tient pas, la portière, pas confiance on sait jamais, la poignée au plafond n'en parlons pas. Je choisi donc le siège, je le l'attrape bien comme il faut et à deux mains ! Nous croisons des camions Eiffage qui refont l'asphalte, on bifurque à droite sur la piste, la route est bloquée... On fini par atterrir au beau milieu du marché de Nioro, traversé tant bien que mal puis une fois à gauche, entrée dans le garage. On dépose les sacs au sol, je maintient, la portière pour les passagers arrières qui peinent à s'extirper de cette carcasse roulante. A mon grand regret j'enfourche un Jakarta intrépides deux roues. Ils nous mènent tout droit et à quelques détours près à la maison de El Hadji Moussa, Griot et batteur du village, notre contact. Le calme règne sous le dictât du soleil, il est 13h30. El Hadji n'est pas là, sa femme nous prie de patienter à l'ombre dans la chambre. On ressort fumer une cigarette au pied d'un arbre. On rit ici, l'air est sain, la nature présente, on se croirait sur une autre planète, loin de Kaolack et de son effervescence. Je dessine en quelques minutes ce que j'ai vu sur la route, ce que j'en ai compris histoire d'avoir des traces, je sens les maisons en terre autour de moi bien que celle dans la quelle je suis soit en parpaings. Mon cerveau analyse, pose, réfléchit vite, la terre, j'aime ça, il me faut tout écrire avant que notre hôte ne se présente de peur que je ne perde ce que je viens de voir. El hadji Moussa passe sa tête au rideau, salamalecs de rigueur, rencontre de griots. Patiemment Saliou lui explique les raisons de notre venue ici, par le biais de qui, quand, où et comment... On échange peu, Moussa écoute beaucoup... Dalal ak Jamm, Soyez les bienvenus, ça y est nous y sommes, Nioro nous est ouvert. Nous sommes invités à partager le repas avec la famille, les fils de Moussa sont supers. On fait aussi la connaissance du frère et de la maman qui m’accueille avec un grand « Hey Toubabou Nngaa Deff ? » accompagné d'un rire qu'on ne peut entendre qu'ici ! Ainsi partagé, englouti dévoré, savouré, le thiep bien calé dans les ventres, nous nous rendons à travers le village à notre deuxième point de contact, donné par mamy Anna. A une allure lente mais sûre, sous un soleil de plomb, la bouteille d'eau à la main nous traversons un quartier de Nioro. Les filles de Moussa qui nous accompagnent font notre connaissance. Il fait chaud et soif, l'eau est chaude... Pas un brin de vent pour caresser le visage, les têtes couvertes de fichus et autres écharpes portées comme le font les sahéliens et les sahraouis nous traversons la fournaise.
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Nous finissons au détour de quelques rues par arriver à la maison Bessi Ndiaye, indiquée par la mama. « Y'a pas moyen que je dorme là ce soir » me glisse Saliou avant de pénétrer dans la cour de cette désuète demeure. Tout le monde est dehors à l'ombre de la bicoque ou de l'arbre frêle qui se tient là comme un dernier guerrier. Bonjour, Bonjour ça va ? La santé tout ça et commence la recherche de filiation entre Saliou Diagne SECK Fils de Mansor et les personnes ici présentes. C'est de la famille éloignée, tellement éloignée... On repart en suivant un boy30 vers une nouvelle maison, dehors toujours ce soleil. Arrivés dans cette maison nous sommes accueilli par une vieille et souriante mama. Une foi à l'ombre, Saliou recommence le où-qui-quand-comment pour la filiation. Un sourire illumine le visage de la vieille au nom prononcé de Anna DIOP. Ça y est c'est fait, même ici à 2 jours de route de la maison on se connaît. Le tour de la famille est fait, les vivant et les morts passent par cette pièce, grâce au hasard. « Celle la, elle connait mami Anna ». Les vieilles au téléphone avec Saliou pour standardiste, de mon côté c'est Liza qui ne va pas bien, elle m’enchaîne de paroles, je sens la panique. Je ne cède pas mon cœur est en place, je suis ancré ici au Sénégal, à Niorio Du Ripp, mon esprit ne tergiverse pas sur l'instant, je tiens bon, je fais ce que je peu, en réalité je résiste. Je raccroche énervé, déçu, nostalgique ? Je ne sais pas bien ce que je ressens, ce qui m'arrive, ce qu'il se passe. Suis je inquiet ? Pour sûr ! Que puis je y faire ? Pas grand chose...
30. En wolof, un brave petit
Je retourne à l'intérieur puis on sort boire un thé à l'ombre des arbres. C'est la mama qui nous intronise dans la famille aux cousins, grands oncles et petites cousines. Au milieu de la cour trône une battisse basse, couverte de tôle, un gros bourrelet à ses pieds me donnent un premier indice, une observation rapide, un morceau d'enduit défait, c'est bien ça, du Banco. Bégué ! « Qui vole un œuf vole un bœuf » peut être bien qu’ils ont des oreilles les murs mais pour celui qui sait lire, c'est sûr, ils parlent. On fini par retourner chez El Hadji Moussa, nous ne logerons pas au village. J'ai besoin de calme pour pouvoir écrire, réfléchir, prendre du recul sur ce que je vois, travailler un tant soit peu dans cette jungle qu'est la vie de voyage. C'est le griot qui nous guide à travers ce qui ressemble à une petite ville en fait. Nous dépassons l'église, le commissariat, le centre de formation, un programme de 28 nouveaux logements financés par le gouvernement, entièrement à l'abandon. Toutes identiques les maisons ne plaisent pas, le logement en bande ne fait pas fureur au Sénégal, de plus en parpaing et en tôle sans un arbre alentour ces masures sont de véritables fours solaires, il n'y a donc personne. Nous nous arrêtons un peu plus loin à gauche de la route au pied d'un gros arbre. Nous voilà au centre d’accueil de Nioro du Ripp localement appelé « hôtel de ville » ce qui me fait sourire. Le gérant n'est pas très causant, la chambre n'est pas chère, 5000 FCFA pour deux avec sanitaire, ventilateur et moustiquaires. Fatigués mais heureux d'avoir un bon plan pour dormir, les contacts sur place, une bonne atmosphère. On s'installe, on se douche et on ressort, j'ai les crocs, Saliou pareil. On trouve de l'eau et même un point internet. J'assiste à un cours de soutient en composition.
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« De nos jours beaucoup de jeunes sénégalais aspirent à devenir lutteurs professionnels, qu’en pensez vous ? Pensez vous que ce soit une bonne chose pour un pays en voie de développement ? »
Internet rame, j'envoie un mail à Marianne pour aider le vieux en espérant qu'elle ai le temps, j'en suis moins sûr, je dois trouver une alternative... Je lis mes mails vite fait on va manger et se boire une gazeuse avant d'aller au lit. On passe une demi heure au téléphone avec la famille Ndiaye Croix Rouge à qui on donne des nouvelles, ça papote sévère, on parle même en sérère. Le briquet me lâche, vive les briquets sénégalais, durée de vie 4 heures, merde à obsolescence programmée. On va au lit, du repos, enfin, c'est plus que bon ça ! Une nuit agitée nous attend.
Impossible de trouver le sommeil. Je pense que dans l'ombre quelque chose nous guette, nous observe. Je ne dormirais que trois heures cette nuit là et ce malgré l'épuisement...
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MERCREDI 12,02,2014 Vraiment mal dormi, Saliou aussi, il y a quelque chose qui cloche. Une douche, le rituel de la potion magique du marabout qui se renverse malgré le fait que je dise Bismillah et qu'elle était bien posée... Vraiment quelque chose qui cloche. On file au restaurant, on se casse le ventre avec un super riz, Saliou est toujours malade il ne sent pas Nioro. On discute de la nuit, on est d'accord pour dire qu'il y a quelque chose en plus de nous deux dans la pièce la nuit... J'enfourche un Jakarta, je vais me reposer. Il est 14 heures quand je m'allonge, 18 heures lorsqu'on frappe au volet. Saliou est de retour avec El Hadji Moussa, j'ai dormi tout le jour... Douche, réveil difficile malgré un sommeil profond parcourut de cauchemars. On sort, Saliou à trouvé un cyber. Je donne des nouvelles, les parents par clavier, de leur côté mes papiers sont en cours pour la rentrée 2014, ceux de Saliou aussi pour sa venue en France pendant l'été, In Shaa Allah ! Ils n'ont pas vu le soleil depuis longtemps, trop longtemps, ça se sent. Je suis heureux d'échanger avec eux même si c'est du rapide. Je profite de cet accès au web pour aider le vieux Griot. J'envoie des mails à droite à gauche mais surtout à l'Institut des mondes Africains à Paris, ils doivent avoir le réseau ! Je paye le service, j'échange avec le formateur, j'irais visiter le jardin demain si j'ai le temps. On a prévu d'aller voir les mégalithes de sénégambie, pas dit que l'on puisse tout faire. Saliou va voir de la famille, moi j'attrape deux sandwichs. Je fais la connaissance du responsable du centre, je lui explique les raisons de ma/notre venue, les contacts se créent ici aussi dans le Ripp. J'ai Cheikhou au téléphone, il est heureux des nouvelles. Je vais me coucher mais n'arrive pas à dormir, il est toujours là... Saliou est sur Skype avec Vanessa, une amie d'une amie actuellement en France, comme quoi le monde est petit. Je suis las. Je peine à trouver le sommeil. On fait des plans avec Saliou, on adore faire des plans. « Moi je propose qu'on reste jusqu'à Samedi » Vlam-vlam-vlam. Portes et volets se referment tous d'un coup. Dehors pas de vent... Comme si quelqu'un n'était pas d'accord. On sort de la maison et on continue à faire nos plans dehors. On va partir vendredi, ou pas, c'est pas bon de voyager le vendredi, d'autant plus que c'est la pleine lune vendredi... Bon on part demain jeudi, pas prévu mais c'est comme ça, je commence à être fatigué de toujours courir d'un point à un autre sans vraiment se poser... On n'arrive pas à dormir, je trouverais Morphée au point du jour.
31. Un tata est une ancienne fortification d’Afrique de l’Ouest. Le mot désigne tantôt la muraille de terre crue entourant un village – l’enceinte –, tantôt le village fortifé lui-même, voire une véritable cité fortifiée, un centre politique et militaire. Oumar Ba, « Le royaume du Kabou : enquêtes lexicales », Éthiopiques n° 28, octobre 1981
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JEUDI 13,02,2014 Aussi étonnant que cela puisse paraître j'ai vraiment mal dormi... Douche, rituel du marabout... La bouteille se renverse encore, mauvais signe que cela. On quitte dès ce matin, on fait les sacs, on paye, on va chez El Hadji Moussa. Des Talibés me demandent la charité, le sucre est dans le sac j'ai rien dans les poches... encore un mauvais signe, décidément. Le griot du village nous attend pour la visite. Il est déçu d'apprendre que l'on part. On le suit à Travers Nioro, il nous montre les vestiges de l'ancien Tata31 de guerre devenu par la suite le fort français puis plus tard encore, une place de marché. Aujourd'hui en ruine, c'est la mosquée qui lui fait face, moderne, imposante... Plus loin en contre-bas dans les parcelles cultivées nous arrivons à l'ancienne rivière. Maintenant elle n'est plus qu'un lac d'un côté et un marécage de l'autre. Moussa nous explique comment les blancs on tué l'esprit de la rivière en construisant la route, petite séance de photo, pas de crocos en vue au grand dam de Saliou. Nous remontons au village, enfourchons des Jakartas et partons visiter un magnifique jardin. Je rencontre une case en banco en construction. J'étudie rapidement. On passe dans deux ou trois concessions, ça me met au contact des habitants et de leur habitat. On cherche la vieille, on veut me marier. Je vois un stock d'arachides, énorme. On fait les au revoirs de toutes part. On ne prend même pas le temps de manger, on décline une offre insistante. Nous nous rendons au Garage en quatrième vitesse. Nous sommes 3 il manque encore 4 personnes avant de partir, il va falloir être patient, à l'ombre. On somnole, il fait chaud, très chaud.
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On finit par partir, enfin. Le poids sur mes épaules me quitte, Nioro c'est tranquille, tellement tranquille que la ville semble s'être arrêtée il y a quelques dizaines d'années. Arrêtée certes mais chargée, trop chargée pour moi. El Hadji ne nous à pas fait visiter les pierres dressées mais ça aussi c'est chargé... On reprend la même route qu'à l'aller, la trans-gambienne comme on l'appelle, on retourne vers Kaolack. On croise de nouveau les camion Eiffage, l'un d'entre eux à été fabriqué à.... Craon en Mayenne, à 20 kilomètres de chez mes parents. J'hallucine tout seul, je souris, un peu jaune cependant. Je dors dans la voiture, la chaleur me casse. On revoit Kaolack, le fleuve Saloum, les douaniers. Nous voilà au Garage de Nioro pour la seconde fois. Objectifs, trouver Tafar, passer à la banque, faire de la monnaie. Kaolack Taf Taf, on croise des gars qu'on connaît, on a de la monnaie, toujours impossible de payer avec 10 000 FCFA, surtout à la campagne, là où on se rend ensuite pour une dizaine de jours, autant faire les stocks. Point web rapide, la caisse de congé du bâtiment vient de me verser 400 € de congés je suis aux anges ! Charles BECKER chercheur français spécialiste du Sénégal et plus largement de la région Sénégambie a répondu à mon mail ! Le vieux Mamadou MAR va pouvoir faire écrire son histoire, super ! Retour au garage, on remonte dans le taxi pour éviter les vendeurs ambulants, en vain. Saliou négocie le taxi à son juste prix tandis que je refuse tout démarchage à grand coup de « nekhna, dedet, dieureudieuf » (C'est bon, non merci...)
On décolle, on ressort de Kaolack toujours par la même route mais ce coup ci on file vers Passi, Sokone, Toubacouta, notre future étape. Il y a du goudron certes mais en tellement mauvais état que le chauffeur roule à droite, à gauche partout sauf sur la route. On traverse plusieurs villes et villages, le soleil couchant est rouge. Au loin la forêt s'étend à perte de vue. La poussière vole comme si nous roulions dans un brouillard couleur latérite. On évite vaches, chèvres et moutons. Les petits villages sont en terre et en paille, de grain et de fibre. On finit par retrouver un goudron digne de ce nom, c'en est fini de danser le reggae dans la voiture, le soleil se couche, la chaleur retombe. L'air frais envahit petit à petit l'habitacle, le sourire revient sur nos visages. Sokone passée prochaine étape Toubacouta. 3 heures après notre départ nous y voilà, à la nuit tombée. Trois heures pour faire 70 kilomètres... Deux personnes, deux sacs, deux jakartas, deux chauffards à toute vitesse dans le village. On se rend à notre point de contact chez Assou, la cousine de Saliou. Accueillis à bras ouverts, nous discutons, nous mangeons, il faut bien manger car on remangera plus tard... Saliou part négocier une chambre, 6000 FCFA la nuit au lieu de 12 500 annoncé 10 000 FCFA au début de la négociation, autant dire que c'est une bonne affaire ! On va rester ici lonnnngggtttteeeemmmmpppppsss ! L'accueil est bon, on pose les sacs, confie la lessive, prend une bonne douche avant de repartir s'insérer au paysage. Toubacouta ancienne agro-industrie de l'arachide, de la pêche, de la transformation de l’huile de palme et des fruits du baobab, ancien fort commercial français du delta du Saloum, s'étale de la route terrestre, route de Banjul (Capitale de la Gambie) à la route maritime, un bolong du Saloum, une porte vers la mer. Sorte de bras de fleuve, biotope de mangrove, cet univers m'est encore inconnu. Pourrons nous le découvrir, je ne sais pas In Shaa Allah ! En attendant les touristes locaux se divertissent de balades sur le fleuve, de chasse, de pêche, d'observation de la faune, essentiellement des oiseaux et de la flore locale. Allons manger une deuxième fois chez Fodé petit restaurant sympa et pas trop cher du village.
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Mon expérience à Toubacouta relève surtout du repos, de la régénérescence physique et psychique. Six jours passés dans cette ambiance paisible et naturelle, royaume aquatique et sylvestre, au rythme du soleil et au son des oiseaux. Notre séjour s'est déroulé dans les coulisse de la nouvelle industrie hôtelière. Accueillis par Assou et Bouna nourris par Fatou, amis avec les trois, sans oublier Oussmane et son business eco-artistico-touristique et Badou le loueur de VTT à la journée. En plein royaume Sossé, chez les mandingues du fleuve et les toubabs aux prisons dorées, nous avons cherché une pirogue pour traverser les méandres du delta du Saloum ou du Siné ? Du Siné-Saloum quoi ! Six jours dans les cuisines du restaurant chez Diankho, le restaurant des locaux qui bossent dans les restaurants, les jardins, les piscines des hôtels touristiques, pour ceux qui travaillent mais ne vivent pas de l'autre côté des barreaux. Merci à Fatou et Assou les cuisinières, succulent, opulent, local, à la carte, sur mesure, avec les mains ou à la cuillère mais toujours ensemble ! Poisson, Poulet, Piment, les trois P de Toubacouta ! Je retiens la gentillesse de Ibou notre loueur local de case qui en sus du bon prix nous a rendus maintes services et donné de nombreux sourires.
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Douma faté dara32 de la ballade à vélo de Toubacouta à Missirah soit 40 km de piste pour visiter la fabrique de poissons séchés ou fumés, de la fabrique de chaux à base de coquilles d’huîtres et de loin le tri du mil à la machine et son nuage de poussière. Les bananes locales mangées au pied du fromager, l'arbre géant plusieurs fois millénaire. C'est pas un Baobab mais il vaut le détour aussi ! La brousse, les termitières géantes, la piste, les carrières de latérite, la fabrique d'adobe et surtout, surtout l'excellente nuit de sommeil qui s'en est suivie. Je vous épargne les mal de fesses et la marche en canard. Le spectacle de danse feu et percussion de l’hôtel keur Saloum avec Saliou en Guest. La rencontre de Damien et Raphaëlle les deux vadrouilleurs lyonnais, les premiers que je croise ! La nourriture, bonne et abondante encore une fois. La guerre au mout'mouts, la drosophile des fleuves : qui pique... Les côtés hérissants des hôtels-usines, de la boutique des maures prêts à vendre femme et enfants pour un peu plus de monnaie. Les sketch à mourir de rire de Nameex « le plus grand acteur du sénégal » Profiter du calme pour écrire ces pages. Rater une occasion de visiter un chantier terre expérimental. La ballade dominicale entre Toubacouta et Soukouta le long du rivage, à travers la base militaire, dans la brousse et la forêt. Voir un navire français du moins ce qu'il en reste, datant du 19ème siècle, au bout du ponton des douanes. Aller à la piscine ou tout est payant... Du-coup, regarder Saliou salir la piscine tout seul. « si j'avais su je te jure j'aurais pas plongé ! » Ramasser des Jujubes à même l'arbre, des oranges à même la table. Visiter la meilleure boulangerie du Sénégal. Offrir le thé au lutteur du village et à des officiels de passage, j'ai pas fait la mousse on était dans la rue, j'ai pas osé.
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« Le premier est amer comme la mort, le deuxième doux comme la vie et le troisième sucré comme l'amour... » Parole de lutteur par rapport au rituel des trois thés.
32. Terme de Wolof, Je n’oublie rien
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MERCREDI 19,02,2014
6 jours plus tard, j'ai sorti le pantalon bleu, On the road Again...
Réveil, sacs rangés, petit déjeuner avalé direction la route en Jakarta, les au revoir sont rapides, certains manquent à l'appel, dommage... Taxi, jakarta ou Ndiaga Ndiaye ? On a pas l'argent mais on a le temps... « Mais c'est pas sûr qu'il passe le bus » « le bus comment ? Celui ci ? » Merci les anges gardiens ! En route pour Sokone. Direction le marché, presque fini, plus de poisson, ça sent pas bon ça... Pourtant j'ai une bonne impression pour la pirogue, on file au quai de pêche, a priori elle part à l'instant, au fond après la mosquée, derrière le chantier naval. On marche vite, on court presque... On voit les pirogues à quai, une est en train de partir : « Cette pirogue elle part à Djiffer ? - Non mais on repart pour Djiffer demain ! - Ah... et ce soir ? - A Diongal, au village, dans le Delta, on rejoint Djiffer demain, c'est le marché là bas ! On se regarde rapidement, - Ok c'est bon on embarque ! Hop hop hop en deux trois enjambées nous voilà sur la pirogue, c'est parti pour trois heures de transport en commun, de delta, de bolongs, sur l'eau, c'est le pied ! Le moteur se met en marche, doucement, clapote, on part. Gouvernail en main le pilote nous guide de bolong en bolong, de toute part le fleuve, sa mangrove, des oiseaux... Magnifique écosystème classé depuis peu au patrimoine mondial de l'UNESCO, on comprend pourquoi en y restant quelque peu... Étrange spectacle rythmé par la montée des eaux. On fait la rencontre de Mam Saliou, l'homonyme de Saliou Diagne Seck, un mandingue du fleuve Casamance, adorable, notre guide, notre hôte, fils du marabout du village. Je lui explique pourquoi et comment nous nous sommes retrouvés ici, il n'est pas étonné, il m'annonce qu'il nous attendait. Nous ne sommes pas les premiers à faire le transfert par Diongal pour aller à Djiffer, ce qui permet de traverser le delta à moindre coût, et avec les autochtones. Visite guidée, au loin l'île des coquillages, prisée des touristes, reconnaissable à sa coiffe de Baobabs qui dépasse des manguiers et autres espèces de la mangrove. On rejoint un long et large bolong, un bras du fleuve, le courant s'intensifie. Nous passons au large de l'île au bambou, « c'est l'île au bambou là ? » rires intérieurs. On a vu le tableau blanc, tout le monde
dans les îles connaît le tableau blanc, il sert à quoi ? Il doit y avoir écrit quelque chose dessus, on ne sait pas si c'est pour annoncer un danger ou autre chose, nous ne saurons jamais... Mam Saliou prend la barre, pendant ce temps là, on boit le thé assis sur une charrette, le transport deux en un la grande classe ! On tourne à droite, direction nord-nord ouest, la première fois depuis le début de ce voyage, on entame notre retour vers la petite côte, doucement mais sûrement. Le bolong est plus petit, le courant diminue, la pirogue elle accélère. Le troisième thé est servi, on fait les calcul, nombre de passagers, marchandises, chacun à son tarif. Pour nous ça sera 4000 FCFA, 2000 FCFA par personne ça nous change des « 70 000, vous trouverez pas moins cher » de Toubacouta, merci Bouna pour le bon plan ! c'est le même tarif pour tout le monde calculé au prorata ! Au loin apparaissent à quai quelques pirogues, nous voilà à Diongal. Accostage, délestage de la pirogue, tout le monde descend. Salamalecs aux vieux du village qui attendaient le retour de la pirogue à l'ombre du Baobab. Pas de feuilles à ce moment de l'année, on se met donc à l'ombre du tronc ! On passe devant le poste de santé inter-villages pour se retrouver dans l'aire communautaire, là où il y a la télévision, ce soir c'est soirée football. C'est aussi ici qu'a été construite la case des voyageurs. Nous posons nos sacs, on passe la nuit ici. Diongal est un village autonome du Delta, la vie n'est pas facile ici, rythmé par les aléas du fleuve et les saisons. Mam Saliou vient nous chercher pour nous présenter à sa famille et manger un morceau là bas. Nous traversons le village pour se retrouver dans la maison du Marabout du village, Saliou le griot fait sa consultation pendant que je m'amuse avec les petit de Saliou le fils du Mara. Trop de Saliou dans cette histoire décidément. Bon petit repas, j'aurais mangé un lion, on se contentera de riz et de poisson, ça nous change la vie ! Une fois le repas, les bonjours et les bêtises finies, nous repartons visiter le village. Tour du propriétaire, de la boutique, du centre d’accueil, de la centrale solaire, du puits. J'en apprends plus sur la vie dans le delta, sur la vie au village. La production électrique est assurée par les panneaux solaire. Mam Saliou m'explique l'organisation politique dans le delta, les principes de l'intercommunalité et les enjeux de la nouvelle loi de décentralisation mise en place il y a peu par le président Macky Sall. Éloge de la vie communautaire et de l'autonomie. On m'explique les productions locales, les bases de l'économie sur le fleuve, les difficultés auxquelles les autochtones sont confrontés. On parle beaucoup de l'impact du réchauffement climatique sur cet écosystème à l'équilibre entre mer et rivière. Après de longues heures de discussions et quelques boissons gazeuses en moins, on fini par dormir, tard dans la nuit. On ne dormira pas très bien mais on commence à avoir l'habitude.
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Jeudi 20,02,2014 Dernier jour du tour du Sénégal. Après une nuit de sommeil très courte, réveil avec le soleil, la pirogue quitte le quai à 07h30 ce matin. Petit déjeuner au bord de l'eau, au revoir de rigueurs. Retour sur la pirogue, retour du thé, Mam Saliou toujours à la barre. On assiste au vol des oiseaux qui pêchent au levé du jour. Magnifique balai entre ciel et eau. On dépose quelques personnes à Dionewar le village « voisin », on en récupère d'autres. On dépose des marchandises à un hôtel du delta, on en récupère d'autres. Nous voilà dans l'embouchure du fleuve Saloum. Là où les eaux douces et salées se confrontent. Le courant n'est plus du tout le même, on sent l'influence de l'océan juste derrière la pointe de Sangomar étroite bande de terre, du moins ce qu' il en reste. La montée des eaux et une grosse tempête dans les années 80 ont gravement endommagé cette digue naturelle. La pointe est aujourd'hui coupée en deux, sapée d'année en année par les eaux venues de l'océan, l'écart entre la bande et l'île au sud est de 5 kilomètre et ne cesse de s'accroitre. Droit devant c'est Djiffer, village en sursis menacé par l'érosion. Après une traversée tumultueuse de l'étendue d'eau, nous touchons terre. C'est jour de marché dans le petit village, on décharge la pirogue. Mam Saliou nous emmène au taxi qui remonte vers Mbour et la petite côte. Nous négocions ferme notre trajet, je pense qu'on voulait nous arnaquer sur ce coup la mais j'ai pas tout compris... Bref nous posons nos sacs dans le coffre, nos fesses sur la banquette après avoir fait nos adieu à notre hôte éphémère.Je garde un très bon souvenir de ce passage dans les îles, chez « les hommes du fleuve ». Quelques dizaines de minutes plus tard le taxi démarre, il prend la piste de latérite qui longe la langue de terre direction Palmarin. La piste artificielle traverse eau et terre, nous quittons peu à peu le delta et sa mangrove pour revenir sur la terre ferme. Ce trajet sera sans arrêt pour nous. Sur les rotules nous ne nous arrêterons pas dans chaque village, j'apprendrais plus tard que nous avons manqué les greniers à mil sur pilotis... Je fini par m’endormir bercé par la voiture. Je me réveille, la voiture est à Joal Fadiouth. Étape manquée là aussi où est né Léopold Sédar Senghor, village multi culturel, multi ethnique où cohabitent dans la paix chrétiens, animistes et musulmans. Une partie du village serait construite sur une île faite de coquillages, j'espère pouvoir y retourner lors de mon prochain voyage au Sénégal. Je retiens qu'à Joal Fadiouth, au bout de chaque rue il y a la mer, en référence à Stendhal et Grenoble. Le taxi fait son affaire, des passagers en moins, des passagers en plus, nous sommes toujours à plein. Nous sortons du village pour nous diriger vers Nianing où nous ferons une halte.
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CENTRE DE FORMATION AGRICOLE DE NIANING Caritas/Unesco 1978-1982 Prix Aga Khan pour l’architecture 1980
33. Brique de Terre Compréssée, ici stabilisée au ciment
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En effet avant de partir, j'ai repéré dans plusieurs livre le projet expérimental du centre de formation agricole. Construit entre 1978 et 1982 sous l'impulsion de l'ONG Caritas en partenariat avec l'UNESCO, ce centre à été un laboratoire de construction dans l'environnement Sahélien en intégrant dès la conception une démarche bioclimatique, une construction avec des matériaux et une main d’œuvre locale. La terre et le sable ont été les matériaux principaux employés dans la réalisation de cet édifice. C'est la BTC33 qui à été majoritairement employée associées à la technique des voûtes légères, c'est la combinaison de ces deux systèmes qui régissent la conception du bâtiment. Pilote pour les projet éducatif de l'UNESCO, cet édifice à reçu le prix Aga Khan pour l'architecture dans les pays musulmans en 1980. Arrivée à Nianing sous un soleil de plomb, l'eau n'est plus là pour nous rafraîchir. Petit café, le temps de trouver quelqu'un qui peut nous emmener là bas. Nous trouvons notre guide qui nous fait traverser la bourgade. Visite du bâtiment qui n'est malheureusement plus un centre de formation aujourd'hui. Il subit une rénovation qui risque de ne pas lui faire que du bien, l'enduit ciment tartiné de toute part risque plus de l'endommager que de le protéger. Discussion avec le nouveau propriétaire des lieux, peu aimable. Je me retrouve à devoir payer de quoi faire le thé pour prendre des photos, sans pouvoir en boire un. Déçus nous ne resterons pas longtemps, fatigués nous reprendrons la route, nous ne sommes plus qu'à quelques kilomètre de Mbour. Petit quart d'heure en bord de route attendant qu'une voiture ou un taxi veuille bien s'arrêter.
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Une demi heure plus tard nous voilà au garage de Mbour, repas dans le restaurant au pied des taxis. Repus nous repartons pour Diam Niado dernière étape avant de rentrer à Niangal, à la maison. Les négoces sont sportives aujourd'hui, c'est lourd. Je refuse d'acheter des fruits une bonne cinquantaine de fois à une mama qui me harcèle, pas que je n'en veuille pas au contraire mais ils sont dans un piteux état. Elle fini par m'en faire cadeau, comme quoi la patience est toujours récompensée ! Le taxi part, je m'endors à nouveau sous le poids de la chaleur. Nous arrivons au dernier garage sur les coups de 16h30, petit tour dans le quartier des tailleurs pour commander des costumes, dire bonjour aux membres de la famille qui travaillent là. Heureux de nous revoir après deux semaine d’absence, une éternité ! C'est un cousin qui nous ramène à la maison, on fait quelques achats sur la route pour la famille, histoire de ne pas rentrer les mains vides. Il est 18 heures lorsque je pose mon sac là où il était avant le départ, avant ces 15 jours de « road trip » dans le sud du Sénégal. Repos bien mérité pour nous voyageurs, avant de repartir dans une dizaine de jour pour la Casamance. Au menu ce soir, repas dans toutes les maisons, projection de photos, récits en français sous titrés Wolof par Saliou, heureux d'êtres rentrés, heureux de se retrouver, heureux de partager. Teranga !
Un grand merci à Saliou Seck et toutes les personnes citées, celles oubliées qui ont de prêt ou de loin aider à ce petit tour du Sénégal
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BASSE CASAMANCE
Diolas, rois de la Bauge
Le troisième volet de mon séjour au Sénégal s'est déroulé dans la lointaine région de Casamance. Lointaine car enclavée entre la Gambie et la Guinée Bissau, la Casamance à, depuis l'indépendance du Sénégal, toujours souffert de sa position géographique. Surtout par rapport à la capitale qu'est Dakar dans un pays centralisé. Cette région au Sud Ouest du pays doit son nom au fleuve qui la traverse, le fleuve Casamance. Composée de deux régions administratives, la haute Casamance autour de Kolda et la Basse Casamance entre Ziguinchor et la mer. Cette division administrative est héritée des anciennes structures coloniales Françaises et Portugaises. L'enclavement de la région a, d'un autre côté, participé à préserver les cultures locales encore très présentes dans la région. C'est après 20 heures de taxi en contournant la Gambie, toujours accompagné de Saliou, que je suis arrivé en Casamance. Cette région diffère du reste du Sénégal. Le climat à changé, nous quittons, en descendant vers le sud, peu à peu la bande sahélienne pour entrer en zone tropicale. La végétation change, l'atmosphère, mais aussi les hommes et leur habitat. Zone de forêts, de mangroves, de fleuves et rivières, la forte présence de l'eau donne un caractère particulier au lieux et à ses habitants. La Casamance est essentiellement peuplée par les Diolas, ethnie majoritaire dans cette partie du Sénégal. Ils parlent leur propre langue, le diola, la wolofisation à un effet limité dans cette partie du pays. Ils sont majoritairement agriculteurs. Ils cultivent le riz dans les zones inondables autour du fleuve, mais aussi du manioc, des haricots, de l’arachide, ils récoltent le miel. Chasseurs, éleveurs, pécheurs, cultivateurs, on trouve toutes sortes de denrées alimentaires en Casamance, aussi appelée « le grenier du Sénégal ». L'autonomie alimentaire est un aspect important de la culture diola. Je suis resté une douzaine de jours en Casamance. Un séjour assez court pour pouvoir entrer dans la culture locale, mais suffisamment long pour y vivre de bonnes aventures. Je ne m'attarderais pas dans ces lignes sur ce que j'ai pu vivre avec mon compagnon de route car comme dit le dicton, « ce qui se passe en Casamance, reste en Casamance ». Toutefois j'ai pu, pour la première fois depuis le début de mon voyage, satisfaire ma faim d'architectures de terre. En effet plusieurs personnes rencontrées avant mon départ puis lors de mon séjour m'ont toutes orientées vers la Casamance pour mes recherches sur la construction en terre crue, je n'ai pas été déçu, c'est le moins que je puisse écrire. Comme pour le reste de mon séjour au Sénégal, j'ai eu la chance d'avoir des contacts locaux, j'ai pu donc éviter de passer par un circuit touristique « classique » et être au contact de la population. Nous avons étés accueillis dans plusieurs familles au cours de notre second périple, la carte ci-avant permet de rendre compte de notre parcours dans la région. Cette partie me permettra de donner un aperçu de ce que que j'ai découvert et de donner un état des lieux sur ce que j'ai vu en matière de bâti en terre.
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Notre première étape à été de s'arrêter au village de Kolomba à 5 kilomètres après Bignona au nord de Ziguinchor en basse Casamance. Accueillis par la Famille Sonko nous sommes restés 3 jours au village. La vie est calme en cette période sèche de l'année. Le gros de l'activité est au moment de la saison des pluies avec le travail aux champs et aux jardins. J'ai participé à l’arrosage des champs d'hibiscus, plante servant à faire le bissap, boisson obtenue grace à l'infusion des fleurs ou une pâte verte cuite préparée avec les feuille. Cette plante est aussi appelée « oseille de guinée » elle à de nombreuses utilisations et vertus. J'ai pu visiter des jardins magnifiques plantés d'agrumes, de fruits et légumes. J'ai rencontré des manguiers, les fruits n'étaient pas mûrs en cette saison, dommage. J'ai appris sur la culture du riz et des céréales dans cette région, sur la vie des autochtones, sur les problématiques locales liées à l'agriculture, sur les croyances et les rituels, sur l'organisation et la vie au village. Kolomba à une unité d'enseignement (école) et compte une cinquantaine de familles réparties entre le centre du village et les hameaux alentours, répartis dans la brousse. Le centre compte un seul puits comme point d'eau et ne bénéficie pas à ce jour du réseau électrique. L’adduction à l'eau potable était en cours lors de mon passage en mars dernier. La maison Sonko (Elup Sonko en Diola, Keur Sonko en Wolof) rassemble toute la famille vivant au village, la grand mère, ses fils et leurs femmes, ses filles et ses petits enfants. Selon Vieux Sonko, le plus âgé des fils présents, la maison daterait de plus de 100 ans. En terre, construite selon la technique de le bauge et organisée selon un plan carré elle traduit architecturalement l'environnement, les matériaux disponibles et les usages de ses habitants. Les illustrations jointes permettent de mettre en avant cet agencement et le mode constructif utilisé.
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Entrée principale 1. Terrasse couverte 2. Chambres 3. Espaces de stockage 4. Salle commune 5. Grenier 6. Point d’eau, jarres 7. Feu 8. Poulailler 9. Cuisine/rangement 10. Sanitaires 11. Douche 12. Arbre à palabre
Tôle, la paille est peu présente dans cette partie de la Casamance, il faut la faire venir du nord, à une cinquante de kilomètres, ce qui entraîne un surcoût. Terre/Paille, le mélange, par sa masse, sert d’isolant mais à surtout il a une bonne inertie thermique (protège de la chaleur des tôles). Cette «dalle», lisée permet de transformer les combles en greniers pour le riz. Bois de rônier, solivage Bois de rônier, voligeage Bois de rônier, chevronnage Bois de rônier, lisse haute Paletuvier, il sert de coffrage perdu pour le mélange Terre/Paille, de plus il assure le rôle de plafond. Il peut avoir une valeur esthétique, tout dépend de comment il est travaillé. Planche de bois, linteau
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Bois/Tôle, volet/contrevent sur nu extérieur
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Terre, employée selon la technique de la bauge. Une levée fait entre 40 et 60 cm. Pas ou très peu de traces de fibres, la levée est modelée à la main. On dresse généralement 5 à 6 levées pour monter un mur d’une maison de plein pied. Terre stabilisée au ciment, par dessus de la terre battue, assure le rôle de protection de la «dalle» en terre battue.
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Bourlet de terre, il faut, pour protéger un mur de terre des bonnes bottes et un bon chapeau. Le bourlet ainsi disposé permet de protéger le bas de mur de l’érosion par éclaboussure car la toiture n’est pas équipée de système de récupération d’eau. Le dépassé de toiture est de la même longueur et protège le mur des intempéries.
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Notre deuxième étape fût plus urbaine, dans la famille Da Costa, première famille chrétienne rencontrée au Sénégal. Accueillis par Jean et Noël deux frères artistes, musiciens, écrivains, bâtisseurs, polyglottes, nous avons pu nous fondre dans la chaude vie de la capitale Casamançaise. Fondée au 17ème siècle par les portugais puis vendue aux français au 19ème Ziguinchor à été pendant longtemps un important comptoir colonial. Exportatrice, la ville a prospéré grâce au commerce de l'arachide et de la crevette, deux secteurs aujourd'hui en désuétude. Idéalement située au carrefour de la Guinée Bissau, de la Gambie (common Wealth jusqu'en 2013), de la route maritime vers Dakar elle est la plaque tournante pour de nombreuses denrées alimentaires, objets manufacturés, etc... Ville coloniale éloignée de la capitale dakaroise et de son influence occidentale Ziguinchor a depuis la fin de la colonisation entamé un retour vers la vie rurale des populations qui l'habitent. La ville est divisée en plusieurs quartiers organisés autour du centre ville, ancien poumon colonial (bâtiments toujours visibles aujourd'hui). Un pont relie la ville à la rive Nord du fleuve Casamance, c'est la seule entrée depuis le nord. Trois routes partent de Ziguinchor pour desservir Oussouye et la Basse Casamance, la Guinée Bissau au sud, tandis que la dernière part vers l'est et longe la rive gauche du fleuve. Carrefour stratégique elle est encore aujourd'hui une place économique d'importance dans la région et draine de nombreuses marchandises vers les marchés quotidiens. Nous étions hébergés aux portes de Ziguinchor à l'entrée de la ville au carrefour de la Nationale 6 allant vers l'est avec la route de l'aéroport. De longues heures de palabre avec Jean m'ont permis de comprendre la dynamique de la ville mais aussi de leur quartier à l'articulation entre ville et rizières. Nous avons pu échanger sur l'urbanisme, l'architecture, la construction. Il était en effet très au fait sur ces questions. Sa maison étant bien située, il essaye d'anticiper l'évolution urbaine de cette partie de Ziguinchor et voir comment il pourrait, sur le long terme, en tirer parti. « Le goudron fertilise le business ». Quelques pages de mon carnet illustrent ces discussions et mes découvertes.
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Après quelques jours en ville nous voilà partit sur la piste des Cases à Impluvium Diolas. Nous nous rendons donc, sur les conseils de nos amis de Ziguinchor, vers Enampore et Séléki, lieu de résidence de nombreux bâtisseurs en Terre. C'est à Enampore que nous poserons nos sacs. Le village est situé dans l'ancien Royaume du Bandial et est encore à ce jour considéré comme une des deux capitales du royaume. Nous nous sommes logés dans le campement villageois, construit pour accueillir les touristes de passages. Le premier campement rural intégré (CRI) fût bâti dans les années 70 puis reconstruit au début des années 2000 pour répondre aux nouvelles normes et proposer un hébergement plus confortable. Bâti selon le modèle des cases à impluvium traditionnelles de Casamance il regroupe une dizaine de chambres. L'ensemble des bénéfices engendrés par le fonctionnement du campement est reversé à la communauté villageoise. L'architecture peut aussi être vectrice d'éco-tourisme. Nous avons passés trois nuits dans cette case à impluvium moderne. J'ai pu au cours de mon court séjour dans cette maison profiter du confort des murs en terre crue, observer les interactions entre course du soleil et bâtiment, apprécier la ventilation naturelle provoquée par la forme de l'édifice. J'ai aussi eu le plaisir de visiter une case traditionnelle située à quelques encablures du campement et un chantier de bauge en cours.
« Dans toute cette zone, les grandes maisons en banco, aux charpentes solides et élaborées, aux plans variés traduisent une grande maîtrise de techniques architecturales perfectionnées. Dans le royaume de Bandial, appelé communauté du Mof Ëwi, une forme architecturale totalement originale en Afrique a été créée : la maison en couronne à impluvium central. Chaque grande famille disposait autrefois d’une seule maison dont tous les éléments rassemblés sous un même toit à double pente sont disposés en cercle ; les différentes pièces de la maison forment ainsi une couronne autour d’une petite cour centrale sur laquelle la face intérieure du toit tombe en entonnoir, dont le diamètre est très variable, laisse passer la lumière et recueille la pluie qui tombe dans une auge de terre d’où elle s’écoule à l’extérieur par un drain de rônier enterré. Pour multiplier les pièces au fur et à mesure du développement de la famille, on a parfois dédoublé la maison par la création d’un second impluvium jumelé au premier. Ces maisons en couronne à impluvium central ne se rencontrent pratiquement plus qu’à quelques exemplaires, alors qu’elles étaient autrefois répandues aussi sur la rive nord de la Casamance. » Extrait de la soumission du Ministère de la Culture et du Patrimoine Historique Classé du Sénégal à la liste indicative de la convention du patrimoine mondial de l'UNESCO sous le titre : Architecture rurale de Basse-Casamance : Les cases à impluvium du royaume Bandial, (Novembre 2005)
Cet extrait résume à lui seul la typologie de la case à impluvium Diola. Ces quelques images et des extraits de mon carnet de route permettent de se rendre compte de la qualité de ces édifices. Bien que visités rapidement, je peux affirmer qu'ils sont les témoins d'une réelle culture constructive en Casamance. Il révèlent à eux seul les interactions entre les usages, l'environnement, les matériaux et les ambiance qui, réunis et maîtrisés, font naître l'architecture.
Enfin nous nous sommes rendus à M'lomp communauté rurale au nord de Oussouye toujours en Basse Casamance pour y observer à ma grande surprise ce que l'on appelle localement « les cases à étages ». C'est en rentrant d’Europe après la première guerre mondiale que quelques villageois de M'lomp ont initié la construction de ces cases en terre à étages. Construite sur le même principe que la maison des Sonko de kolomba, c'est un travail sur le plancher et la solidité des murs, l'audace et l'ingéniosité, qui ont permis aux architectes bâtisseurs d'ériger ces maisons. Véritables demeures elles montrent une autre typologie de la case diola. Case qui n'en est pas vraiment une, nous l'avons vu au travers des différents exemples.
Loin des concessions sommaires des régions Wolof ou Sérère du Sénégal, c'est un véritable art de bâtir qu'ont développé les casamançais. Avec la terre comme matière première et les quelques matériaux disponibles, ils ont, au fil des siècles, réussi à adapter leur habitat à leurs usages et leur culture. Véritable architecture vernaculaire ce sont les édifices les plus impressionnants qui m'ont été donné à voir au Sénégal. Tous de terre, bâtis selon la technique de la bauge, c'est leur importance mais aussi la maîtrise technique de leurs constructeurs qui m'ont frappé lors de mes visites, de véritables petits palais.
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«DINA MA NEKH»
RÉHABILITATION/EXTENTION D’UNE MAISON D’HABITAION «Keur Cheikhou» Niangal, Sénégal Yoann BOY, 2014
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C'est pendant les trois mois passé au sénégal que j'ai mené le travail présenté dans cette dernière partie. Finalisé dans les derniers instants de mon séjour, il vient en quelque sort en synthèse de tout ce qui précède. Fort de mes nombreuses visites, de mes découvertes, de mes heures d'observations, fort de mon vécu, j'ai pu m'atteler à produire, dans un contexte qui m'est devenu petit à petit familier, un projet d'architecture. Au Sénégal, lorsqu'ils en ont les moyens, soit par le mariage pour les femmes, soit par l'obtention d'une somme conséquente pour les hommes, les enfants peuvent quitter le domicile parental. La solidarité est telle que personne, s'il est soutenu par la famille, ne manque de nourriture et d'un toit sur sa tête. Cependant, chacun aspire à prendre son indépendance. Avoir son propre chez sois est un grand pas en avant. Construire ou faire construire sa maison revêt alors d'une importance toute particulière. Cheikou Seck, un des premiers fils de Mansor Seck, est la personne qui m'a officiellement invitée dans la famille. Employé à la Société des Eaux du Sénégal, il occupe un poste à responsabilité au sein de la compagnie et subvient aux besoins de son ménage. Sa maison à été mienne pendant mon séjour. Marié à deux femmes et père de 14 enfants, sa vie de famille est aujourd'hui répartie entre Rufisque à 20 kilomètres du village familial, non loin de son lieu de travail et Niangal où réside sa première femme, Penda, qui à pourvu à mes besoins lors de mon séjour. Mère de sept enfants elle occupe l'actuelle maison située proche du terrain de football du village. Construite il y a moins d'une dizaine d'années cette maison n'est pas finie. Il est récurrent au Sénégal de construire en plusieurs fois, selon les ressources disponibles. À ce jour, seul le rez-de-chaussée est achevé et occupé. Profitant de ma présence dans les murs, Cheikhou m'a proposé de concevoir l'étage de sa maison afin d'y accueillir Débo, sa deuxième femme et ses enfants. Ainsi, par la même occasion, d'achever l'habitation. A alors commencé un travail de projet au Sénégal. Ma mission était double. D'une part proposer un réaménagement du rez de chaussé, qui après avoir été habité, met en avant des dysfonctionnements spatiaux. D'autre part, soumettre à mon hôte une possibilité d'agencement du premier niveau de sa maison. S'en est suivi une analyse systémique. Une grande partie de mon temps libre à été d'observer, analyser, comprendre le contexte bâti, le secteur du bâtiment au Sénégal, les savoirs faire locaux, les méthodes de travail des artisans mais aussi l'environnement, les modes de vies, les usages... L'ensemble des paramètres à prendre en compte pour mener à bien le projet. En contact direct avec les usagers, le bâtiment et avec mon bagage d'étudiant en architecture ce travail m'a pris plus d'un mois. De plus, mes deux voyages au Sénégal, mes différentes rencontres avec les acteurs du bâtiment et de la construction, m'ont permis de donner corps à ma connaissance du contexte et donc de donner corps au projet. C'est ce travail qui m'a permis de mettre en lumière un certain nombre de problématiques et qui a fait naître ma proposition architecturale.
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Cheikhou m'a demandé de concevoir un espace habitable pour l'ensemble de sa famille. A l'étage il a fallu aménager deux grandes chambres avec sanitaires, une chambre d'ami, des sanitaires communs, un salon et une cuisine. Sans trop de matériel sur place et avec peu de moyens, mener à bien ce projet à été un véritable parcours du combattant. En parallèle du travail d'analyse, j'ai effectué un relevé de l'existant et mené de nombreuses recherches par le dessin et la maquette. Je suis finalement parvenu à faire une proposition. J'ai mis l'accent sur les espaces de distribution et les espaces communs, parties présentant le plus de lacunes au rez-de-chaussée. Espaces, qui après observation, présentent je pense, les plus gros enjeu, au vu de l'importance de la vie communautaire au sein de la maison. Ma proposition s'assoit sur l'existant. Structurellement, il ne m'était pas possible de faire n'importe quoi. J'ai privilégié la trame existante au premier niveau. Dans l'axe de la volée d'escalier menant à l'étage se déroule, face au balcon existant et à la vue sur l'océan, l'espace de vie principal. Arrivé sur le palier, plusieurs choix s'offrent à l'usager. Accéder à la cuisine ou à la salle de prière, sur la droite ou aller en direction de ce que j'ai appelé « l'aile des invités ». Semi-indépendante, cette dernière permet, à celles et ceux qui viendront séjourner dans la maison, de conserver un certain degré d'autonomie. Si le choix est fait de longer l'espace de vie central, en se retournant il est possible de passer dans le prolongement extérieur de celui-ci. Ouvert mais couvert, cet espace offre la possibilité aux habitant d'être à l'air libre tout en étant protégé soit du soleil soit de la pluie. Terrasse couverte, il reprend l'idée de l'espace de transition intérieur/extérieur présent dans la case Diola (voir la maison de la famille Sonko). C'est depuis cet espace commun externe qu'il est possible d’accéder au deux grandes chambres pourvues de salles de bains. Pour des questions essentiellement techniques, les pièces d'eau viennent en superposition avec les espaces de la même catégorie situés au niveau inférieur. Ce choix permet de limiter les installation de plomberie et les mètres de tuyaux dans les murs, souvent source de désordre, car mal maîtrisés. Le retrait, au sud, de toutes les parois permet de créer balcon et coursives et de faciliter ainsi les circulation par l'extérieur. Il répond aussi à des besoins climatiques car avec un dépassé de toiture suffisant, il limite l'incidence des rayons du soleil sur les murs et évite ainsi qu'ils n’emmagasinent trop de chaleur.
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D'un point de vue constructif, j'ai retenu le système poteaux/poutres en béton armé qui se pratique partout sur la petite côte. Toutefois, j'ai pris le parti de faire du remplissage en Briques de Terre Compressée, alors au fait du contexte local de la BTC. Cette alliance entre les deux matériaux permet alors la promotion du second, qui n'a pas bonne réputation et est souvent synonyme d'habitat précaire. La brique de terre qui en plus d'un léger intérêt économique, assure un confort thermique, acoustique et esthétique. Le grand défi fût de trouver une solution adéquate pour se protéger du soleil et de la pluie en même temps. Aujourd'hui fait d'une dalle béton, le toit présente énormément d'inconvénients, surchauffe et déphasage rapide d'une part et perméabilité pendant la saison des pluies d'autre part. Je me suis alors inspiré de la solution de Diébédo Francis Kéré pour son école à Gando, au Burkina Faso. Alliant savamment béton, acier, briques et tôle, l'architecte burkinabé répond à cette double problématique. Cette technique utilise les matériaux à ma disposition. Le savoir-faire est aussi présent, maçons et soudeurs ayant approuvé ce système. Un dernier challenge restait à relever. Faire que ce bâtiment soit évolutif et que les habitants puissent se l'approprier. Pour cela, la systématisation du remplissage de la structure par deux modules à été retenue. Soit un module plein en briques. Soit un module ouvrant, conçu avec un menuisier. Ce volet à deux battants, se remonte le long de rails sur une hauteur de 2,5 mètres. Ouvert entièrement il permet le passage et assure le rôle de brise soleil. Plus ou moins fermé, il offre à l’usager la possibilité de réguler l'air et la lumière. Baissé, l'habitant peut, à l'aide d'un système s'inspirant des persiennes vénitiennes, orienter les lamelles et jouer une fois de plus avec les éléments. Ces deux modules offrent plusieurs combinaisons d'agencement des murs extérieurs et des cloisons, jouant ainsi sur les espaces. La modularité du volet donne à l’usager la possibilité d'agir sur son environnement et donc sur son confort. J'ai pu à terme confronter ma proposition à l'échelle 1:1 en traçant l'épure de l’appareillage et de la structure au sol, sur la dalle/le toit de la maison.
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Cette expérience sur le terrain, la première du genre, à été très riche en enseignements. Le fait d'être sur place et confronté à la réalité de la future réalisation permet de donner un cadre à la conception. Être en contact avec les usagers et en faire parti m'a donné l'occasion de donner de la force à ma proposition en l'asseyant sur des données et des réalités observées, ressenties, vécues. Ce sont les éléments existants, matériels ou immatériels, qui ont guidé mon processus de projection. Travailler dans un contexte, un environnement, une culture totalement nouveaux a été un bon exercice, cela m'a permis de dépasser, d'adapter mes connaissances et mon savoir faire acquis à l’E.N.S.A. Grenoble. Ce travail a donné corps au bagage théorique que la licence en architecture m'a offert et l'a enrichi. De plus il m'a permis d'établir un échange entre moi et mon hôte comme le permet le wwoofing ou d'autre forme de volontariat. En échange du gîte et du couvert, j'ai proposé une solution d’aménagement. D'autre part, le travail avec les acteurs locaux du bâtiment aussi bien de la maîtrise d'ouvrage que les artisans (maçons, menuisiers, soudeurs), mais aussi avec les différents usagers concernés, m'a donné la possibilité de m'essayer à une forme d'architecture participative. Toutefois, le travail présente de nombreuses lacunes. Le manque de moyens sur place ne m'a pas facilité la tâche, que ce soit du matériel, un accès à une bibliothèque spécialisée ou tout simplement une connexion internet, il est parfois malaisé de travailler efficacement avec peu d'outils. J'ai dû par exemple faire des maquette avec des paquets de cigarettes vides, découpés avec des lames de rasoirs et un opinel... D'autre part, j'ai ressenti le manque d'un suivi par une autre personne, comme nous l'avons en projet à l'école. Le manque de confrontation avec d'autres architectes, professeurs, professionnels ou étudiants m'a, je pense, handicapé. Il m'a été très difficile de prendre du recul sur mon travail, de le remettre en cause certainement par manque de critiques et d'avis extérieurs. Il a été compliqué aussi de concilier la vie nomade du voyageur avec l'exercice du projet. Ça été souvent un avantage mais aussi un inconvénient, mes nombreuses visites et d'architecture locales ont été, pour moi, une grande source d'inspiration. Enfin, j'ai ressenti des lacunes en termes de savoirs et plus particulièrement en terme de connaissances constructives. Il m'a fallu m'inspirer fortement de solutions déjà employées pour répondre à certains des problèmes auxquels j'ai été confronté et ce en ne sachant pas si à terme la solution retenue est envisageable. Réalisable oui, mais est elle adéquate ? Cet exercice m'a permis de faire la synthèse de mon vécu sur place, de mes découvertes et de mon lot de connaissances acquises au cours de mes années d'études. Cependant, j'ai ressenti le besoin de revenir vers mes pairs et d'approfondir ma formation pour pouvoir à terme réitérer cette expérience et j'espère, la mener à bien.
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SECONDE PARTIE MAROC
«Mais rien n’étonne plus, en ce pays où tout devient toujours spectacle imprévu pour les yeux, fantasmagorie, changeant mirage.» Pierre Loti
Après trois mois de séjour au Sénégal, riches en émotions, en aventures, en rencontres, aux portes de l'Afrique noire, j'ai amorcé mon retour vers la France et ses vertes contrées. Toutefois mon chemin ne s'est pas fait de manière linéaire. Arrivé à Casablanca, au Maroc, à la fin du mois de Mars 2014, j'ai entamé ce que j'ai alors appelé, mon grand tour du Maroc. Alors que la partie Sénégalaise de mon voyage fut intense humainement, au contact de la population, d'une culture et des Hommes qui la font vivre, mon séjour au Maghreb fut plus « architectural ». En effet, en l'absence de contacts, mon parcours fut plus personnel. J'ai alors repris entièrement le statut d'étudiant en architecture. C'est avec cette étiquette, mon sac sur le dos, des belles histoires plein la tête et une motivation sans égal que je suis parti à la rencontre du Maroc, de son histoire, de sa culture, mais surtout de son patrimoine. Dans un premier temps j'ai longé la côte atlantique du nord au sud, de Rabat à Agadir. Mon chemin m'a ensuite fait prendre la route de la vallée du Souss pour rejoindre Ouarzazate aux portes du désert. J'ai pu au fil des semaines découvrir le grand sud marocain situé de l'autre côté de la chaîne de l'Atlas. C'est après avoir parcouru la vallée du Draâ, connue pour ses nombreux Ksour et Kasbah construits en terre (Pisé) que j'ai entamé la traversée de la chaîne de l'Atlas. Je suis finalement arrivé à Fès, capitale spirituelle du Royaume, ville millénaire témoin de l'histoire du pays. C'est dans cette cité ancienne capitale traditionnelle que mon voyage architectural s'est achevé et que mon véritable retour au pays à commencé. En effet, j'ai passé la frontière hispano-française quelques 7 jours après avoir visité l'ancienne médina de Fès, classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.
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GRAND TOUR DU MAROC
Voyage du nord au sud et du sud au nord
Ces quelques 50 jours dans le Royaume Chérifien m'ont permis d'embrasser la diversité de ses paysages, de ses architectures, de ses environnement, de ses cultures. Je n'ai pas, à l'heure ou je rédige ce rapport, entamé la réécriture de certaine de mes aventures maghrébines. Je prend le contre pied de ma présentation africaine en première partie et vous propose de parcourir en images, commentées, mon grand tour du Maroc. Toutefois après avoir trié mes quelques 1 500 clichés, mes notes, mes textes, mes dessins, j'ai pris le parti de ne présenter qu'une petite partie de mes découvertes. Ma première intention en décidant de partir en voyage à été de faire un circuit des architectures de terre. Au Sénégal, cette thématique m'a amené dans les méandres des cultures autochtones. Il en a été différemment au Maroc. Plus touristique, ce segment de mon périple à surtout consisté à visiter, voir, découvrir le patrimoine architectural marocain. La consultation de plusieurs ouvrages et de plusieurs personnes du laboratoire de recherche universitaire Cra-terre avant mon départ m'ont permis d'établir ma feuille de route au pays du couchant. Je savais donc avant mon départ, qu'il me serait possible d'y découvrir de nombreuses architectures de terre. La première partie de mon parcours m'a confirmé que ces construction ne se trouvaient pas majoritairement au nord et sur la côte où j'ai pu découvrir plusieurs cités au passé chargé d'échanges grâce à leurs ouvertures sur l'océan. De Rabat à Agadir j'ai découvert les cités portugaises, les ports anglais ou encore les anciens centres d'affaires français, comme à Casablanca. Ces premières visites m'ont donné l'occasion de rentrer progressivement dans l'histoire de ce pays, elle m'ont aussi permis de prendre un temps de repos, loin de la fièvre sénégalaise. Sorte de transition entre deux cultures, entre deux mondes. Toutefois la dynamique du nord du pays, l'hyper-urbanisation de la côte, la frénésie de Casablanca ne m'ont pas ou peu inspiré. Essaouia à été la première ville ou je me suis senti à l'aise. J'ai pu prendre le temps de me reposer et de réfléchir à la suite de mes aventures. C'est avec d'autres voyageurs que j'ai repris ma route. Initialement j'avais prévu de passer par Marrakech mais il en été autrement. Alors accompagné de deux allemandes et d'un australien, nous nous sommes rendus après avoir passé quelques jours dans les contre-forts du Haut Atlas, dans la vallée du Sous. C'est à ce moment qu'on commencé à poindre les premières traces de construction terre. Au fait de l'histoire des régions que je parcourais, j'ai alors remonté le temps et l'espace, sur les traces des anciennes caravanes sahariennes. J'ai d'abord établi mes quartiers à Taroudant ancienne capitale du royaume Saadien. Ces derniers ont régné sur une large région allant de Tombouctou à Tanger durant plus d'un siècle. Après avoir repoussé les Portugais à la fin du 16ème siècle, il poursuivent leur extension à travers le désert vers les royaumes du Niger alors dominés par les Songhaïs. Ils assoient ainsi leur pouvoir et leur réputation sur les routes commerciales et mettent la main sur la quasi totalité du trafic Trans-saharien. Ces dans ces pages d'histoires que commencent ma grande route de la terre.
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DU SOUS AUX PORTES DU DÉSERT De Taroudant à Ouarzazate
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Taroudant est une des principale ville de la Plaine du Souss, une région historique et géographique du Maroc. Elle a pour capitale administrative le ville d'Agadir. Elle correspond à la plaine alluviale de l'Oued Souss et est séparée du Sahara par la chaîne de montagne de l'anti Atlas. Bien irriguée et fertile elle est reconnue dès le XIème siècle et connaît sa période de prospérité au alentours du XVIIème avec le commerce de l'or sahraoui et des denrées produites et/ou acheminées à travers la vallée vers la façade maritime et le port d'Agadir. Aujourd'hui classée réserve de biosphère par l'UNESCO pour la présence de nombreux arganiers (arbre à partir duquel on obtient l'argan) elle est encore une des principale région agricole du Maroc et prospère grâce aux cultures d'agrumes et de légumes dont une grande partie est exportée vers l'Europe. C'est en remontant cette vallée, sur les traces des anciennes caravanes que je me suis retrouvé, au gré des jours, dans la région de Ouarzazate. J'y ai découvert ma première Casbah, la Casbah de Taourirt. J'ai pu alors, en y passant quelques jours, continuer mes prospection sur la construction en terre et l'histoire de la région.
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CASBAH DE TAOURIRT Demeure des derniers «Seigneurs de l’Atlas»
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ROUTE DE LA TERRE
Vallée du Draâ
Dans toutes les villes impériales marocaines, depuis les époques lointaines, l’architecture de terre et particulièrement le pisé ont été utilisés pour bâtir des ksour, des casbahs, des murailles et des fortifications dont les tonalités, les formes, les décors varient en fonction de la terre, des régions, des tribus... C’est en arrivant dans la province de Ouarzazate, qui englobe près du tiers des ksour et des casbahs que comporte le Maroc, que j’ai découvert la richesse de cette architecture. De la maîtrise par l’Homme, de son environnement et de son habitat. Dans cette région les édifices en terre crue se comptent par milliers. Il est en effet impossible de passer à côté de ces monuments qui se démarquent par leur aspect architectural typique. Se distinguant par leur hauteur et par leurs motifs décoratifs multiples, les casbahs et ksour de la région du Sous Massa Draâ forment un corpus architectural unique en son genre, mis en valeur par la la beauté des vastes étendues et des paysages dans lesquelles ils s’implantent. Ces agglomérations et forteresses donnent l’image d’une vraie vie communautaire, elles sont le témoin de l’âge d’or d’une civilisation, d’une époque, d’un mode de vie, d’une culture aujourd’hui disparue. La découverte et l’étude de ces constructions et de leur diversité permet de comprendre un pan entier d’histoire et de traditions. Ces bâtisses de terre et de pisé se concentrent essentiellement dans les grandes vallées présahariennes, notamment les vallées du Drâa, du Dadès, de Todra et du Ziz, régions enclavées entre les chaînes du Haut-Atlas, de l’Anti-Atlas et le désert. J’ai alors poursuivi ma route un peu plus au sud ouest vers la vallée du Draâ. Elle tient son nom de l’oued qui y coule par intermittence. Le plus long du Maroc avec ses 1100 kilomètre il naît de la réunion des rivières Dadès et Imini descendant de la chaîne du Haut Atlas pour se jeter à une cinquantaine de kilomètre au nord de Tan-Tan. Après sa sortie du lac formé par le barrage El Mansour Addahbi, le Draâ débouche un petit peu au sud de la bourgade d’Agdz. A partir de là, ses eaux arrivent à irriguer la longue et étroite vallée, bordée par le Jbel Bani et le Jbel Sagho, qu’il forme jusqu’à Mhamid, aux portes du désert saharien, où son débit devient fantomatique. Véritable source de bienfaits il offre à la vallée du Draâ, ses petites oasis cultivées où fruitiers. Les cultures maraîchères et céréalières foisonnent parmi de nombreuses variétés d’oiseaux. Sa descente jusqu’à M’Hamid est une succession de palmeraies toutes aussi magnifiques les unes que les autres. Auréolées de kasbahs et vieux ksour, elles racontent à travers leur architecture typique, l’histoire du sud marocain et des populations diverses y ayant séjourné. En effet c’est le long de cet oued que pendant des siècles arrivaient les caravanes venues du désert.
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Dernière étape du long voyage entre le Mali et Marrakech, cette oasis longue de 200 kilomètres était un véritable grenier de richesses. Passage obligé pour rejoindre la capitale qu’était alors Marrakech ou même la mer, la vallée du Draâ à longtemps été convoitée. Après deux mois passés dans le Sahara elle était un havre de paix pour les convois chargées de marchandises. La présence de ces forts et villages fortifiés n’est donc pas anodine. Autrefois servant d’abri aux caravanes, les nombreuses Casbahs présentes dans la vallée servent aujourd’hui à accueillir un genre de voyageur bien différent d’autrefois, les touristes. Partons à la rencontre des ces cités, forteresses, habitations... A la rencontre d’un territoire unique aux portes du désert. Partons à la découverte du patrimoine en terre crue du sud marocain, sur la route des caravanes. Cependant, il me semble important avant toute chose, de mettre en lumière certains mots de vocabulaire qui ont étés utilisé. Dans les pages qui suivent vous découvrirez la richesse des constructions en terre rencontrées lors de mon pèlerinage sur les terres saintes du pisé, comme l’a fait en son temps Jean Dethier, dans le grand sud marocain. Je limite volontairement l’essentiel de ma présentation à cette thématique au vu de l’importance que celle ci à pris dans mon parcours.
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KSAR
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Ou Igrhem en Amazigh, donnant Ksour au pluriel, désigne un village fortifié d'Afrique du nord. Composé de maisons d'habitation et de greniers ils se principalement sur les contreforts rocheux proches des oasis ou le long des oueds. Entourée par un mur d'enceinte flanqué de tours de guet, il rassemble en sont sein d'une dizaine à parfois une centaine d'habitation mais aussi les places publiques, les lieux de cultes, les rues, les installations collectives inhérentes à la vie du village. Leur forme fortifiée naît du besoin de se protéger des attaques de nomades. La densité du village permet par la masse de créer une inertie servant à se protéger de la chaleur. L’étymologie du mot se retrouve dans la langue arabe, du mot qasr qui signifie, château, place forte, qui viendrait lui même du mot castrum en latin.
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CASBAH
Ou Kasbah, à un sens élargi. Il peut désigner aussi bien un fort isolé qu'un quartier d'une ville à l'intérieur duquel se rassemblait les adminsitration et l'armée. Au sud est du Maroc il désigne un bâtiment fortifié originellement destiné à accueillir une famille de notable. tighremt en Amazigh, désigne alors un type d'habitat fortifié caractéristique suivant souvent un plan carré organisé autour d'une cour avec des tours au angles. La Casbah peut avoir un rôle militaire ou d'habitat en fonction de sa position mais assure toujours une fonction protectrice. Faisant référence à une typologie architecturale les casbahs diffèrent de par leur forme. Plusieurs Casbahs peuvent se concentrées en un Ksar. On retrouve ces édifices partout ou, à un moment de l'histoire, il y a eu des intérêt commerciaux et donc des marchandises à protéger.
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PISÉ
Système constructif en terre crue qui consiste à construire des murs massifs en compactant de la terre humide et pulvérulente dans des coffrages obtenus à l'aide de banches. Ce système constructif complexe est attesté près d'un millénaire avant notre ère. Cette technique constructive se retrouve en chine, au Tibet mais aussi en France, en Espagne ou il à été apporté en même temps que l'expansion de l'islam. Très présent au Maghreb, c'est en parti avec ce système, qu'on été construit de nombreuses Casbahs et de nombreux Ksour. La technique du pisé connait aujourd'hui un renouveau à l'échelle mondiale.
ADOBE
al-tūb en arabe aussi appelée banco en Afrique, est une brique de terre crue, moulée et séchée au soleil, utilisée comme matériau de construction. Ces briques sont obtenues à partir d’un mélange d’argile, d’eau et éventuellement fibrée avec de la paille hachée par exemple. L’intérêt de cette technique réside dans la rapidité d’exécution à maçonner les briques. Elles permettent de construire la quasi totalité d’un bâtiment sans faire appel à d’autres matériaux, murs, arcs, voûtes peuvent être construits en adobe. De plus leur fabrication ne demande que très peu d’énergie et d’outils : l’air, le soleil et un moule ouvert suffisent. Il s’agit d’un des premiers matériaux de construction, les premières villes connue étaient construitent en terre crue (Mari, mésopotamie) mais aussi de grandes pyramides (Pérou). On rencontre des constructions en terre crue, modestes ou majestueuses aux quatres coins de la planète. C’est un des matériau de constructions les plus utilisé aujourd’hui.
OASIS
Désigne une zone de végétation isolée dans le désert. Souvent proche d’une source, d’une nappe phréatique peu profonde (cas de la vallée du Draâ) ou encore d’un lit de rivière se perdant dans le désert (cas de la vallée du Draâ). Rendu fertile par la présence de l’eau elle permet l’établissement d’un espace agricole mis en culture par l’iirigation. Cette forme de biotope est donc entièrement né de l’action de l’homme. La végétation, savamment orchestrée permet de créer un ecosystème propice à la vie. La première strate est couvent composée de palmiers (palmeraie) qui apportent de l’ombre, viennent en deuxième les arbres fruitiers et enfin au sol, travailler en petite parcelles inondables les cultures, céréalière la plus part du temps. La création d’oasis n’est pas anodine, de nombreuses oasis ont été créées ou se sont développées pour leur rôle de relais sur les routes commerciales par exemple, la route saharienne de l’or ou la route asiatique de la soie.
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CASBAH DE TIFOULTIOUTE De l’âge d’or à la ruine
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Situé à 8 kilomètre de ouarzazate elle est la jumelle de la Casbah de Taourirt. Je fais cette double page pour attiré l’attention des lecteurs sur l’état de dégradation d’une partie de cet édifice. Construite au 17ème dans un premier temps puis agrandie et remaniée par Thami El Glaoui le Pacha de Marrakech dans les année 20 elle à servit au dignitaire pour recevoir les grands de ce monde, de De Gaulle à Winston Churchill. Elle à aussi été un des lieu du tournage du célèbre film Laurence d’Arabie. Rénovée dans les années 90, une partie de la Kasbah accueil un hôtel-restaurant. L’autre partie quand à elle, la plus ancienne, tombe litérallement en ruine. Illustration.
2014
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ACROSS THE ATLAS
A travers l’Atlas Remontée vers le nord
FES CITÉ MILLÉNAIRE
Médina classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO
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Fès est une ville qui fut un centre culturel et spirituel du Maroc et l'une des grandes capitales de la civilisation musulmane. Une des quatre «villes impériale» du nord de maroc, de son rayonnement passé, la ville a conservé un très riche patrimoine incluant la plus grande médina du monde. Cette médina typique est restée inchangée depuis le XIIème siècle et figure au Patrimoine mondial de l’UNESCO. La médina, qui est aujourd’hui la principale attraction de Fez, a été fondée en 789, à la place de l’actuel quartier des Andalous La ville a été pendant plusieurs siècles une capitale politique, intellectuelle et spirituelle du Maroc et a connu son âge d’or entre le XIIIème et le XIVème siècle. Des Idrissides aux Alaouites, de nombreuses civilisations ont marqué l’histoire et l’architecture de la ville. Aujourd’hui, de nombreuses mosquées, médersas et fontaines jalonnent la ville de Fès, ainsi que des jardins, des murailles et remparts, des portes fortifiées, des mausolées, palais et riads. J’ai visité la Médersa Attarine, une ancienne école coranique. Elle fut construite entre 1323 et 1325 par le sultan mérinide Abou Saîd Othman. Rénovée en 2010 elle à retrouvé toute sa splendeur.
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FIN D’UNE AVENTURE
C’est 7 jours après cette dernière visite, de nombreuses heures de bus, de voiture, d’auto-stop, de covoiturage, de train que j’ai achevé mon aller-retour en Afrique subsaharienne, sur les traces des architectures de terre, à la rencontre de l’inattendu. Après deux mois en France, un retour à la réalité qui est mienne, un regard en arrière, j’achève la rédaction de ces chroniques. Exercice de synthèse, cette présentation me permet de partager une partie de mes découvertes. D’une certaine manière elle met fin à mon voyage. Alors que ces lignes constituent le dernier paragraphe du témoignage de mes péripéties, que me faut-il en retenir ? J’ai choisi quatre mots de Wolof qui, part leur sens, je pense, me permettent de conclure mes aventures. TERANGA, hospitalité, partage, échange. D’abord parti dans le but de découvrir de nouvelles architectures, ce sont les Hommes, avec un grand H, que j’ai d’abord rencontré. Tout au long de mon chemin, ce sont eux qui ont fait vivre mon voyage. Les rencontres, les repas, les moments au coin du feu, sur un banc, une banquette, un trottoir, un tronc d’arbre, un chemin et j’en passe, ont été nombreux. Nombreux les Hommes qui m’ont aidé, nourri, logé. Car sans eux il n’y a pas de Vie, car sans eux mon voyage n’est pas, ce sont ces Hommes qui peuplent ce monde que souhaite en premier honorer. Ce sont eux qui, avec leurs différences, leurs habitudes, leurs manières, leurs esprit, leurs corps, font naître les cultures. Le dictionnaire défini le mot culture, de la manière suivante : l’ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation. C’est ce que chacune des personnes que j’ai rencontré m’a renvoyé, m’a offert, m’a donné à partager. Ce sont ces échanges que je retiens, qui m’ont touché, qui ont participé en définitive, à ma propre culture, Le dictionnaire donne pour deuxième sens à culture, l’enrichissement de l’esprit par des exercices intellectuels. JANG, apprendre. Chaque jour, au contact des Hommes et du monde parcouru, m’a apporté son lot de surprises, d’étonnements, de découvertes. Ce voyage à été un réel prolongement de mon apprentissage, dans mon domaine, l’architecture, mais aussi dans ma vie en général. Comme l’a écrit Jacques Kerouac dans son roman Sur la route, « La route c’est la vie ». Je pense que la vie est avant tout faite pour apprendre et que chaque expérience nous apprend sur la vie. Cette route que j’ai parcouru m’a dévoilé l’inconnu, m’a offert l’inattendu. Mon parcours m’a permi de découvrir ce que je suis aller chercher sur cet autre continent, les constructions en terre, les architectures vernaculaires, la richesse d’un domaine qui n’aura cesse de m’étonner.
NEKHNA TROP, Plus que bien. C’est ce que je retiens de ces presque cinq mois de voyage. Sur le plan humain, d’abord. Du domaine de l’architecture ensuite. Sur le plan personnel enfin. Je suis parti avec un besoin d’étonnement, je n’ai pas été déçu. Avec le souhait d’expérimenter, je l’ai fait. Je m’étais fixé comme objectifs, d’apprendre, de rencontrer et de partager, je pense que cette aventure à entièrement répondu à mes aspirations. J’ai aussi fait cette démarche dans le but de confronter mon choix d’orientation. Je suis à même de pouvoir dire que là aussi j’ai fait recette. En effet toute mes découvertes et mes expériences m’ont donné la même envie, poursuivre mes études, enrichir mes connaissances. C’est donc une confirmation pour la suite de mon parcours, la suite de ma formation. DIEUREUDIEUF, Merci beaucoup. A celles et ceux qui ont rendu cette expérience possible, qui l’ont fait vivre. A celles et ceux qui l’ont partagé et qui la partagent encore. Merci aux Marocains, aux sénégalais, aux français, à tous les acteurs ce voyage international. Merci, encore Merci.
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TERRAFRICA 2014 CHRONIQUES D’UN ALLER-RETOUR EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE SUR LES TRACES DES ARCHITECTURES DE TERRE, à la rencontre de l’inattendu.
BOY YOANN ENSAG 2014 ANNÉE DE CÉSURE RAPPORT D’ÉTONNEMENT
BOY YOANN ENSAG 2014